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Le fonds latin

Commençons par la donnée la plus importante quantitativement : le fonds latin, qui a alimenté, et constitue encore à l’heure actuelle, la part la plus importante du lexique français.

L’essentiel du lexique français s’est constitué à partir de mots latins, qui ont subi l’usure naturelle du temps, c’est-à-dire dire des transformations phonétiques, jusqu’à devenir parfois méconnaissables à moins de maitriser les règles de la phonétique historique :

debet > deft > deit > doit
spatham > espedhe > espee > épée

Il est toutefois important de rappeler que le latin qui a fourni au français l’essentiel de son lexique était la variante vernaculaire, la variété basse, parlée du latin.

Le lexique de ce latin populaire se différenciait de celui du latin classique, variété haute du latin, en ce qu’il était plus imagé et incorporait de nombreux termes familiers. Tout comme à l’heure actuelle, il y a en français une différence de registre entre un livre et un bouquin, entre une voiture et une bagnole, entre boire et picoler… de même il y avait alors une différence de registre entre equum et caballum, entre potare et bibere, entre ferre et portare, entre edere et manducare

Le français dérivant de cette variété basse du latin, héritera son vocabulaire imagé, dont les mots subiront l’usure naturelle du temps, c’est-à-dire dire des transformations phonétiques :

caballum > cheval
bibere > boire
portare > porter
manducare > manger…

Dans la zone gallo-romane, ce fonds latin s’enrichira d’un grand nombre de mots composés ou suffixés à partir de racines latines. En effet, le système phonétique gallo-roman se caractérise par une perte importante de la masse phonique des mots et lorsque l’aboutissement de l’évolution phonétique sera une forme réduite à une seule syllabe, voire parfois à une unique voyelle, la langue populaire lui substituera des mots à la masse phonique plus importante. Les diminutifs latins en –iculum, –iculam, sous leur forme vulgaire syncopée en –iclum, –iclam seront notamment la source de nombreux noms nouveaux.

Les prémices de ce processus apparaissent déjà dans l’Appendix Probi, texte à vocation orthoépique :

Les diminutifs du latin vulgaire pointés dans l’Appendix Probi
auris non oricla
neptis non nepticla
anus non anucla

Mais ce sont les Gloses de Reichenau, liste de traduction en latin vulgaire des termes de la vulgate que les copistes (picards) ne comprenaient plus, qui donnent la meilleure image de la distance qu’il y avait au VIIIe siècle, dans la zone gallo-romane, entre le lexique du latin classique et celui du latin vulgaire :

Le lexique imagé du gallo-roman à travers les interpretamenta de Reichenau
ager pro campus (n° 1) → campum > champ
caseum pro formaticum (n° 7) → formaticum > fromage
femur pro coxa (n° 18) → coxam > cuisse
forum pro mercatum (n° 21) → mercatum > marché
Gallia pro Francia (n° 24) → Franciam > France
ictus pro colpus (n° 29) → colpum > coup
liberos pro infantes (n° 36) →infantes > enfants
milites pro servientes (n° 39)  →  servientem > sergent
pulcra pro bella (n° 53) → bellam > belle

nous révélant notamment des créations propres au gallo-roman, par dérivation ou suffixation :

Les préférences lexicales du gallo-roman à travers les interpretamenta de Reichenau
flare pro suflare (n° 20) → sulfare > souffler
respectant pro rewardant (n° 55) → rewardare > regarder
singulariter pro solamente (n° 64) → solamente > seulement
vespertiliones pro calvas sorices (n° 77)  →  calvas sorices > chauves-souris

Les Serments de Strasbourg et la Séquence de sainte Eulalie nous offrent aussi quelques témoignages de formes proprement gallo-romanes, comme l’adjectif cadhuna des Serments, issue de l’association de cata + una, et qui évoluera vers chacune  :

si saluarai eo cist meon fradre Karlo et in aiudha et in cadhuna cosa

ou le verbe eskoltet de la Séquence, qui fait pendant au latin classique auscultat, avec modification du préfixe :

Elle non eskoltet les mals conselliers (v. 5)

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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