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L’orthographe

Dans la récriture que donne Brunot en français moderne, l’orthographe est également touchée : chrétien est désormais doté d’un accent aigu, nôtre d’un accent circonflexe, frère est gratifié d’un accent grave, et tous les mots nouveaux introduits par Brunot dans sa traduction le sont avec l’accent requis (détriment, volonté , détourner, prêterai).

Les signes diacritiques ne sont pas une caractéristique de l’époque moderne : ils se sont généralisés au XVIe siècle, sous l’impulsion des imprimeurs et grammairiens mais il s’est passé plus de trois siècles avant que leur usage devienne consensuel (ou presque puisqu’aujourd’hui encore, l’usage, ou au moins l’usager, est hésitant pour l’accent circonflexe et le tréma). C’est au XIXe siècle que leur usage s’est stabilisé et c’est de cette stabilisation que rend compte Brunot.

Dans sa récriture en moyen français, Brunot dote la préposition à d’un accent grave. En cela il anticipe sur un usage qui ne se mettra en place qu’au xvie siècle (rappelons que pour Brunot, le moyen français s’arrête au xve siècle), quand certains imprimeurs différencieront les homonymes monosyllabiques au moyen de l’accent grave, ce qu’on trouve une nouvelle fois illustré dans la récriture en français moderne, à travers la forme de au cas où.

Bien qu’il n’y paraisse pas à première vue, la substitution de ni à ne :

si je retourner ne l’en puis, ne je, ne nul que j’en puis retourner, en nulle aide contre Loys ne lui serai en ce
→ je ne lui prêterai en cela aucun appui, ni moi ni nul que j’en pourrais détourner

relève d’un procédé semblable : jusqu’à la fin du XVe siècle, ne était la forme commune à la négation et au coordonnant ; la différenciation d’une négation ne et d’un coordonnant ni va participer, comme l’usage de l’accent grave, de la volonté de différencier les homonymes – toute la conjugaison en subira aussi les conséquences à la même époque.

L’alternance entre si (texte primitif, texte en moyen français et en français moderne) et se (texte en français du XIe siècle) que l’on observe dans les récritures de Brunot :

Si Lodhuvigs sagrament, que son fradre Karlo jurat, conservat
Se Lodevis lo sairement que son fredre Charlon jurat, conservet
Si Loys le serment que a son frere Charle il jura, conserve
Si Louis tient le serment qu’il a juré à son frère Charles

relève d’un mécanisme plus complexe. Le protofrançais et l’ancien français connaissaient un si adverbe (‘ainsi’) d’une grande fréquence d’emploi et un se qui était à la fois subordonnant hypothétique et pronom. À la fin du moyen français, l’adverbe si est sorti d’usage dans son principal emploi ; l’homonymie entre le se subordonnant et le se pronom a été résolue en ramenant le se à sa forme étymologique, si (celle qu’on a dans la version primitive des serments), ce qui va contribuer à déplacer l’homonymie en l’installant entre le si hypothétique et les emplois résiduels du si adverbe.

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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