ghf

Le substrat celtique

Le celtique pratiqué en Gaule avant que le latin ne s’y généralise a laissé des traces importantes dans le lexique français, des traces que l’on appelle techniquement du nom de substrat.

Revenons ici rapidement sur ce concept que nous avons déjà rencontré précédemment dans le cours, notamment au moment d’aborder la question des langues en contact.

Comme beaucoup des concepts de la linguistique variationnelle (cf. ce qui a été dit de la diglossie), le substrat connait en fait différentes définitions :

  • langue maternelle majoritaire dans un territoire où s’impose comme langue officielle une autre langue ;
  • langue qui en influence une autre tout en étant supplantée par cette dernière ;
  • effet que continue à jouer une langue morte sur celle qui en est issue.

Toutes ces définitions sont applicables au cas du celtique, langue des Gaulois colonisés, et à sa position par rapport au latin du colonisateur et, plus tard, au français :

  • le celtique est la langue maternelle des Gaulois dans la Gaule où s’est imposée le latin ;
  • c’est une langue qui a influencé le latin tout en étant supplantée par le latin ;
  • c’est une langue éteinte dans la Gaule devenue romaine mais qui a influencé durablement la forme du latin qui allait devenir le français.

Le substrat celtique se manifeste notamment :

  • dans le lexique rural

sillon, glaner, charrue… 
boue, galet, talus…

  • dans le lexique domestique

bercer

  • dans le domaine de la faune

mouton, alouette…

  • dans le domaine de la flore

bruyère, chêne…

  • dans le domaine des arts et techniques

cervoise, brasserie…
charpente, jante…

  • dans le domaine de l’habillement

chemise, AF braies

Certaines mesures gauloises se sont de même conservées durablement :

lieue, arpent

Les champs lexicaux dans lesquels le celtique a survécu sont révélateurs des domaines dans lesquels la civilisation gauloise pouvait s’affirmer comme supérieure à la civilisation latine – c’est ici que le concept de prestige entre en jeu, la langue profitant du prestige attribué à la civilisation à laquelle on l’identifie.

Le cas le plus révélateur du lien qui existe entre l’emprunt d’un mot et l’emprunt de la réalité, prestigieuse, qu’il désigne est celui du mot chemise : si le mot a été emprunté au celtique, c’est que le vêtement qu’il désignait était beaucoup plus pratique à porter que les vêtements romains et les Romains installés en Gaule ont vraisemblablement adopté le vêtement en même temps que le mot qu’il désignait. Le mot chemise s’est d’ailleurs imposé dans d’autres langues romanes (italien, espagnol, portugais, roumain), qui n’ont pour le reste pourtant pas connu la même influence gauloise. Les braies (‘pantalon’), autre vêtement gaulois, semblent avoir eu davantage de succès dans le nord de l’Europe : si le mot est désormais sorti de l’usage français (où il survit surtout à travers l'adjectif débraillé), on le retrouve encore en écossais (breeks) et en anglais (breeches).

Le lexique français actuel compte toujours 71 mots d’origine celtique, dont une partie a été reprise ci-dessus ; le lexique de la langue du Moyen Âge en comptait bien davantage – au fil du temps, l’évolution de la société a en effet progressivement conduit à abandonner certains mots qui renvoyaient à des réalités dépassées pour ouvrir le lexique aux innovations, et les mots d’origine celtique ont été fort touchés dans ce processus de « modernisation ».

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

ulb ltc

L’utilisation du genre masculin dans les pages du présent site a pour simple but d’alléger le style. Elle ne marque aucune discrimination à l’égard des femmes.