L’un des secteurs les plus touchés par la récriture que donne Brunot pour le français moderne semble cette fois être le lexique :
sauvement → salut
quan, autresi → autant
sauverai → soutiendrai
par droit → justement
en ce que → à condi-tion que
nul → aucun
onques → jamais
dan → détriment
conserve → tient
tient → observe
retourner → détourner
…
Noms, adverbes, verbes, conjonctions, aucune catégorie ne semble avoir été épargnée. En cause essentiellement dans ce processus : l’appauvrissement de la langue résultant de l’activité des puristes et normativistes, qui a con-duit depuis le XVIe siècle à faire sortir de l’usage de nombreux mots attestés de longue date.
Ainsi, l’introduction par Brunot de l’adverbe jamais dans le texte en lieu et place de onques traduit une prise en charge par jamais (signifiant originellement ‘à quelque moment que ce soit dans le futur’) de la valeur qui était celle de onques, à savoir ‘à quelque moment que ce soit dans le passé’, ce dernier étant sorti d’usage. Sous l’apparence d’un renouvellement du lexique, c’est surtout à des glissements de sens et à la généralisation de la polysémie dans un lexique devenu indigent que l’on assiste ici.
La langue connaît aussi à l’époque moderne l’influence de l’anglais, après avoir connu celle de l’italien au XVIe siècle – une double carac-téristique dont on ne trouve aucune trace dans les récritures de Brunot, sans doute parce que le texte qu’il récrit ne s’y prête pas – ces emprunts touchent des champs lexicaux spé-cifiques, bien éloignés de ceux développés dans les Serments.
Brunot nous indique encore que le cumul démonstratif + pos-sessif ce mien que l’on trouve dès la version primitive du texte (cist meon) est abandonné au profit de mon, ce qui reflète bien l’usage mo-derne, où ce et mien seraient perçus comme partiellement redon-dants :
ce = le + ‘qui est là’
mon = le + ‘par rapport à moi’