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Phonétique et prononciation du français classique

La construction du système phonétique du français s’était quasi achevée à la fin de l’ancien français, le moyen français n’ayant apporté que quelques modifications mineures au système vocalique, un système vocalique que ne changera pas le français classique.

Le système consonantique en revanche connaît durant ce chronolecte ses ultimes modifications. Le /ʎ/, devenu instable au XVIe siècle, passe à /j/ au XVIIe siècle – malgré l’opposition des grammairiens, qui perçoivent toute modification de la prononciation comme l’effet d’un relâchement.

C’est au XVIIe siècle encore que le /h/ initial devant voyelle, acquis durant la phase gallo-romane (hérité du francique et touchant surtout des mots d’origine francique) et qui avait commencé à s’amüir au XIIIe siècle, a cessé de se prononcer. Dans les mots où cet amuïssement ne s’installe qu’après l’acquisition de l’accent rythmique et des faits de liaison et d’enchainement qui en découlent, c’est-à-dire après le XVe siècle, les règles de liaison n’opéreront pas :

les # haricots
le # hérisson
la # hauteur

À l’inverse, dans les mots qui ne devaient leur h– graphique qu’aux pratiques étymologisantes du XVIe siècle,  :

hôtesse
hôpital

et dans ceux où le h– graphique avait été introduit comme lettre diacritique au XVIe siècle :

huile
huitre

c’est-à-dire dans les mots où le graphème h– ne s’est jamais prononcé, les liaisons et les faits d’enchainement opèreront :

l’hôpital
les ͜ hôpitaux

l’huitre
les ͜ huitres

Dernier trait phonétique, le /r/ apical (consonne roulée alvéolaire voisée) commence au XVIIe siècle, au moins dans les centres urbains, à être remplacé par un /ʀ/ grasseyé (consonne roulée uvulaire voisée) qui deviendra plus tard le /ʁ/ standard du français (consonne fricative uvulaire voisée).

Le système phonétique étant acquis et stabilisé, les changements qui suivront toucheront essentiellement la prononciation du français.

On a vu se mettre en place au XVIe siècle, sous le nom de « loi de position », une association entre le timbre – fermé ou ouvert – de la voyelle et la structure – ouverte ou fermée – de la syllabe pour les voyelles orales. Ce processus se poursuit et se généralise au XVIIe siècle pour les voyelles orales et un processus similaire de différenciation selon sa structure syllabique va toucher également les voyelles nasales à la même époque.

Jusqu’alors les voyelles nasales avaient conservé leur double articulation : la voyelle était nasalisée et la consonne responsable de sa nasalisation était prononcée distinctement. Au XVIIe siècle, l’un des deux phonèmes d’articulation nasale sera éliminé :

  • la voyelle sera dénasalisée si elle est en syllabe ouverte ;
  • la consonne sera effacée si la voyelle est en syllabe fermée :

plein /plɛ̃n/ > /plɛ̃/
pleine /plɛ̃nœ/ > /plɛnœ/

brun /brœ̃n/ > /brœ̃/
brune /brœ̃nœ/ > /brynœ/

Tous les autres changements qui prendront place à partir de cette époque résulteront de l’action des grammairiens, notamment le traitement des consonnes finales.

À l’issue de l’ancien français, toutes les consonnes finales s’étaient amüies, sauf les nasales, qui s’amüissent à leur tour à la fin du XVIe siècle. Ne subsistent plus alors à la finale des mots français que les consonnes devenues tardivement finales suite à l’amuïssement des /ə/ finals, à partir du moyen français, et les consonnes dont l’évolution a été contrariée par la volonté d’éviter des collisions homonymiques, essentiellement dans des monosyllabes dont la consonne finale faisait partie du radical :

sot >< soc
nez >< nef
sans >< sens

Les grammairiens des XVIe et XVIIe siècles acceptent toutefois très mal l’amüissement généralisé des consonnes finales, d’autant que, dans la chaine parlée, la liaison, processus qui s’est mis en place en moyen français, vient parfois réactiver les consonnes finales, ce qui donne à de nombreux mots deux prononciations distinctes.

Dans un premier temps, les grammairiens du XVIe siècle vont recommander de prononcer distinctement les consonnes finales à chaque pause de la phrase – sans être suivis dans cette voie par les usagers.

Au XVIIe siècle, les grammairiens parviendront cependant à rétablir la prononciation du /r/, du /f/ ou du /l/ finals :

miroir
chef
fil

Et les mots entrés dans la langue à dater de cette époque garderont leur consonne finale dans la prononciation :

bivouac (1650)
récif (1688)
mammouth (1718)
albatros (1748)

À la faveur du développement de la lecture, la forme écrite du mot est perçue au XVIIe siècle comme préexistant à sa forme sonore. Or, si au moment de la mise par écrit du français au XIIe siècle, la graphie des mots étaiten adéquation avec leur prononciation en ce sens que les mots ne comptaient pas de lettres muettes, depuis le XIIIe siècle, ce principe simple est mis à mal :

  • les consonnes finales ont cessé de se prononcer au XIIIe siècle mais se sont maintenues dans les graphies ;
  • le moyen français a ajouté aux mots français de nombreuses lettres étymologiques qui ne devaient rien à leur prononciation (ni parfois à leur étymon) ;
  • il a ajouté aux extrémités des mots des graphèmes diacritiques à seule fin d’en faciliter la lecture.

Au XVIIe siècle, les graphies des mots français s’encombraient ainsi de nombreux graphèmes purement graphiques qui seront pourtant associés à des phonèmes et introduits dans leur prononciation. Ce sera le cas notamment pour de nombreuses consonnes préconsonantiques, qui s’étaient amüies au XIe siècle : le /k/ de acteur, le /p/ de psaume

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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