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Syntaxe du moyen français

Le moyen français se différencie d'abord et avant tout de l’ancien français par son corpus.

Pour l’ancien français, les témoins linguistiques dont nous disposons sont surtout des textes poétiques, une caractéristique qui doit nous conduire à analyser avec une extrême prudence les informations syntaxiques que nous donnent ces textes. La tendance de la poésie médiévale française était en effet à faire coïncider l’unité métrique et l’unité syntaxique. La forme métrique la plus prisée des trouvères étant l’octosyllabe, un vers court, la langue de ces textes donne l’image d’une langue aux segments syntaxiques courts répugnant aux constructions complexes. Les quelques fragments de textes en prose que nous offre l’ancien français (le prologue à la Vie de saint Alexis, les lois promulguées par Guillaume Ier d’Angleterre, quelques passages d’Aucassin et Nicolette, quelques lignes de Rutebeuf… entre autres) sont des témoins linguistiques précieux qui n’ont pas encore reçu tout l’intérêt qu’ils méritent.

Le XIVe siècle voit toutefois l’essor de la prose, à laquelle recourent de plus en plus d’auteurs, y compris dans le domaine de la fiction littéraire et cette prose nous montre une réalité syntaxique toute autre. La phrase complexe, étageant les subordonnées, prévaut ; les subordonnées se multiplient d’ailleurs au point que l’on s’y perd ; et alors que durant tout l’ancien français, que suffisait amplement à assumer tous les types de constructions complexes, le XVe siècle développe un jeu complet de subordonnants.

Et si sachiés que pour ce que nuls ne pensat que li fus eust clarté de soy et pour ce qu’il est dit des non sachans qu’il est clers de lui mesmes vault le createur que li fus fut frequentans entre les autres elemens et toutes les coses qui entre les autres elemens habitent soient en icellui fu plus noires que es autres si ques nes le vapeurs que li fus conchoit en lui mesme pour faire se voie a tendre a son sentier contremont si comme font fumieres si sont toutes les coses a quoy il touche frequentamment toutes noires et obscures.
Placides et Timeo, § 204
Trad. : Sachez que, pour que personne ne pense que le feu ait une clarté de lui-même et parce qu’il est dit, par les ignorants, qu’il est clair de lui-même, le créateur voulut que le feu se situe entre les autres éléments et [que] toutes les choses qui résident parmi les autres éléments soient dans le feu plus noires que dans les autres, de sorte que, de même que la vapeur que le feu conçoit en lui-même pour faire tendre sa progression vers un chemin vers le haut, comme font les fumées, toutes les choses que le feu touche à plusieurs reprises sont toutes noires et sombres.

La principale caractéristique qui émerge de l’analyse de ces phrases d’une rare complexité est l’absence totale de concordance des temps : la phrase du moyen français passe librement d’un tiroir à un autre, multipliant les modifications de repères temporels.

En revanche, le moyen français voit se codifier les règles d’accord du verbe.

Jusqu’alors, personne ne s’était préoccupé de fixer les règles d’accord du français. Du début du protofrançais jusqu’à la fin du moyen français, un mot – adjectif, participe ou verbe –, était généralement accordé avec le mot le plus proche auquel il pouvait être rapporté. Si ce mot était trop éloigné ou s’il n’avait pas encore été formulé, écrit ou imprimé, l’accord ne se faisait pas, sans qu’on y voie une quelconque infraction à l’essence de langue.

Toutefois, à partir du moment où l’ordre des mots se fixe et les relations entre les mots se rigidifient, comme ce sera le cas en moyen français, des règles peuvent se mettre en place.

C’est ainsi au XVIe siècle que Clément Marot, poète, fixe la règle d’accord du participe passé employé avec avoir, s’inspirant de l’usage de l’italien.

 La règle d’accord du participe passé vue par Marot
marot

Remarque : Le texte est imprimé ici dans l'orthographe adoptée par Pierre de La Ramée, c'est-à-dire l'orthographe réformée préconisée par Louis Meigret.

La codification de l’usage pour le participe passé, formulée par Marot, sera reprise par La Ramée et passera à la postérité : une fois la règle formulée, on n’en changera plus.

Les grammairiens, de plus en plus nombreux à mesure que l’on progresse dans le XVIe siècle, se chargent plus généralement de codifier la langue ; sa syntaxe ne fait pas exception à la vague de standardisation, qui culminera en français classique..

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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