La relatinisation de la langue française touche à son comble au XIVe siècle, au point qu’au début du XVe siècle, on avait l’impression que les latinismes étaient plus nombreux dans la langue française que les mots proprement français, autrement dit les mots ayant subi une érosion naturelle par l’évolution phonétique et constituant son fonds gallo-roman.
Au XVe siècle, de nombreux doublets se forment, jumelant à la forme héréditaire (issue de l’érosion naturelle du mot latin) l’emprunt savant à la langue latine (transplanté tel quel ou presque en français), chaque forme tendant au XVe siècle à se doter d’un sens propre : hostel (forme populaire) et hospital (forme savante) dérivent l’un et l’autre du même mot-source latin, mais si l’hostel désignait aussi bien la demeure particulière que l’établissement prenant en charge les malades (cf. l’Hôtel-Dieu à Paris), le second sens sera seul récupéré par le mot hospital. Il en va de même pour les autres doublets, par exemple :
hospitalem > hôtel >< hôpital
fragilem > frêle >< fragile
spathulam > épaule >< spatule
claviculam > cheville >< clavicule
maturum > mûr >< mature
singularem > sanglier >< singulier
rigidum > raide ><rigide
pensare > peser >< penser
integrum > entier >< intègre
legalem > loyal >< légal
liberare > livrer >< libérer
fabricam > forge >< fabrique
Si la langue a continué de s’enrichir de termes latins, elle a continué aussi de s’appauvrir de ses traits régionaux. Progressivement le lexique s’est uniformisé ; l’unité de la langue française sera d’ailleurs au cœur des débats du XVIe siècle.
Par ailleurs, une sélection très forte s’est opérée, naturellement, parmi les dérivés d’un même mot – de folie, foleur, folesse, foleté, folison, folance, ne subsiste déjà plus au XVe siècle que le seul mot folie. Ainsi, la langue s’est appauvrie de ses régionalismes, d’une partie de son fonds gallo-roman, ainsi que des mots forgés à partir du matériau lexical français.
