ghf

Le lexique au XVIIe siècle

L'appauvrissement du lexique s’est encore accusé au XVIIe siècle, qui se caractérise par une diminution sensible du nombre des mots en usage, du moins si on considère les dictionnaires comme rendant une image fidèle du vocabulaire d’une époque.

Conforme à l’idéologie de son temps, un dictionnaire comme le dictionnaire de l’Académie française épure en effet le vocabulaire pour n’inclure que les termes permis à l’« honnête homme ». Il « nettoie » la langue des « ordures » qui la menacent – ce sont les termes mêmes de ce dictionnaire, les « ordures » qui « menacent » la langue française étant en l’occurrence les régionalismes. Le mouvement de « nettoyage » de la langue et de purisme s’était amorcé dès le XIVe siècle ; le XVIe siècle n’avait pas réussi à l’inverser, malgré la volonté des poètes et lettrés (du Bellay, Ronsard, Montaigne…), utilisateurs privilégiés de la langue.

Le premier dictionnaire de l’Académie française épure le vocabulaire pour ne retenir que les mots que l’on peut mettre dans la bouche de l’honnête homme. Il exclut également le vocabulaire spécialisé des arts, sciences et techniques, à moins que ce vocabulaire spécialisé ne soit admis dans la conversation des gens de la cour.

Tous les mots exclus du dictionnaire de l’Académie existaient pourtant bel et bien dans l’usage de ce XVIIe siècle, mais leur exclusion des dictionnaires a contribué progressivement à leur exclusion de l’usage – effet non négligeable de la volonté de standardisation.

Les dictionnaires de Pierre Richelet et Antoine Furetière, qui cherchent pourtant à se démarquer du dictionnaire de l’Académie française, étaient à peine plus accueillants que le dictionnaire de l’Académie.

Dans ce contexte de recherche quasi généralisée d’une langue épurée, nettoyée de tout régionalisme, l’enrichissement de la langue par la néologie, c’est-à-dire par la création de mots nouveaux de souche française, a été également freiné : on imaginait que la langue avait atteint à cette époque son état de perfection et on entendait la figer dans cette perfection.

Le vocabulaire du XVIIe siècle s’est ainsi appauvri de ses mots proprement français, sans toutefois s’enrichir de l’extérieur, la langue française n’empruntant plus guère que quelques mots, à l’italien (188 mots), à l’espagnol (103 mots), au néerlandais (52 mots) et à l’allemand (27 mots), c’est-à-dire aux langues des pays voisinant la France.

Seule la préciosité est parvenue à l’époque à faire bouger, faiblement, les choses. Ce mouvement culturel et littéraire dont Molière s’est moqué dans les Précieuses ridicules, avait pour principe de désigner des réalités quotidiennes en les nommant au moyen de périphrases hyperboliques, de métaphores ou de mots nouvellement créés – les yeux sont pour les précieux les miroirs de l’amour, le nez est l’écluse du cerveau et les seins des femmes sont les coussins de l’amour. La plupart des créations lexicales précieuses sont restées sans lendemain. Ont toutefois survécu :

s’encanailler, féliciter, s’enthousiasmer, bravoure, anonyme, incontestable, pommade…

Dans une langue qui avait plus tendance à se fermer aux innovations qu’à s’y ouvrir, cela ne peut manquer de retenir l’attention.

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

ulb ltc

L’utilisation du genre masculin dans les pages du présent site a pour simple but d’alléger le style. Elle ne marque aucune discrimination à l’égard des femmes.