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Distances d’avec le latin

Pour nous convaincre que ce texte n’est pas un texte en latin, considérons les paradigmes des déclinaisons latines les plus simples et les plus courantes, ceux de la première et de la deuxième déclinaisons :

1re et 2e déclinaisons latines

nominatif rosa rosae murus muri
vocatif rosa rosae mure muri
accusatif rosam rosas murum muros
génitif rosae rosarum muri morurum
datif rosae rosis muro muris
ablatif rosa rosis muro muris

Si nous observons les finales des formes qui constituent ces deux déclinaisons, nous constatons que la langue latine n’offre pas de réelle variété dans les terminaisons de ses noms : généralement les noms latins se terminent par une voyelle et lorsqu’ils ne se terminent pas par une voyelle, les seules consonnes finales possibles sont –m ou –s.

Remarque : Ceux qui ont une connaissance un peu plus approfondie du latin savent que cette observation n’est plus tout à fait vraie pour les noms de la 3e déclinaison qui ont une finale du nominatif singulier plus diversifiée, mais dans les grandes lignes, l’observation vaut pour la majorité des noms latins ainsi que pour les adjectifs.

Si nous revenons au texte primitif des Serments, nous observons, certes, que Deo (‘dieu’), poblo (‘peuple’), nostro (‘notre’), se terminent par –o et cosa (‘chose’), fradra (‘frère’) se terminent par –a, deux des voyelles finales que l’on retrouve dans les déclinaisons latines, mais amur (‘amour’) se termine par –r, christian (‘chrétien’) par –n, vol (‘volonté’) par un –l, saluament (‘salut’) et sagrament (‘serment’) par –nt, plaid (‘conflit’) par –d, part par –t… autant de consonnes qu’on ne trouve pas habituellement à la finale des noms et adjectifs latins.

Considérons maintenant les finales des verbes à l’infinitif.

À quelques rares exceptions près (esse, posse…), les verbes à l’infinitif ont en latin une finale tout à fait caractéristique –re. Tellement caractéristique d’ailleurs que le latin vulgaire va refaire esse en essere et posse en potere pour qu’ils ressemblent davantage à de vrais infinitifs.

Dans la version primitive des Serments de Strasbourg, la finale des infinitifs est simplement –r : savir (‘savoir’), podir (‘pouvoir’), saluar (‘saluer’), returnar (‘détourner’).

Il faut se rendre à l’évidence, ce texte n’est pas du latin.

On peut mieux mesurer encore la distance qu’il y a entre la langue du texte primitif en se reportant à la version que Brunot donne du texte en latin classique (1905 : 144) :

Les serments, récriture en latin classique
Per Dei amorem et per christiani populi et nostram communem salutem, ab hac die, quantum Deus scire et posse mihi dat, servabo hunc meum fratrem *Carolum, et op mea et in quacumque re, ut quilibet fratrem suum servare jure debet, dummodo mihi idem faciat, et cum Clotario nullum unquam pactionem faciam, quæ mea voluntate huic meo fratri *Carolo damno sit.
Si *Hlolavigus sacramentum quod fratri suo juravit observat, et *Carolus dominus meus pro parte sua suum non observat, si eum non avertere possum, nec ego nec ullus quem ego avertere possim, ullam opem adversus Hlolavigum ei feremus.

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

ulb ltc

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