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Morphologie verbale du gallo-roman

Le système phonétique propre au latin vulgaire a profondément bouleversé la morphologie verbale, et dans ce système la force analogique, restructurante, va contrecarrer l’évolution naturelle et les formes analogiques vont devenir prépondérantes dans le système verbal.

Définition : Forme analogique >< forme héréditaire
On parle de forme analogique pour désigner la forme que prend un mot à un moment donné de son histoire lorsque cette forme ne s’explique pas par l’effet de la seule évolution phonétique, par opposition à la forme héréditaire, qui est la forme attendue par la voie de l’évolution phonétique.

Le gallo-roman restant très peu documenté, c’est surtout notre connaissance de la phonétique diachronique et la démarche inductive qui vont nous permettre de combler les lacunes qu’un corpus trop réduit laisse dans notre connaissance de cet état de langue.

L’analogie se marque en gallo-roman dans différents secteurs du système verbal, au niveau aussi bien des voyelles thématiques, que des désinences et des radicaux.

Une tendance s’installe à adopter une voyelle thématique unique pour l’ensemble des formes relevant d’un même tiroir.

Définition : tiroir
Le tiroir ou tiroir verbal est ce que la grammaire traditionnelle désigne sous le nom de « temps verbal » ou « temps de conjugaison ». L’appellation « tiroir », innovation terminologique que l’on doit aux grammairiens Damourette et Pichon, présente l’avantage sur les appellations traditionnelles de ne pas ramener le verbe à une forme temporelle. Un tiroir est un ensemble de formes à l’intersection de plusieurs traits grammaticaux spécifiques du verbe : mode, temps et aspect.

Sur l’ensemble des tiroirs, c’est surtout la voyelle thématique –a– qui tendra à se généraliser – ce qui expliquera l’abondance des verbes français en –er, le /e/ étant l’aboutissement phonétique attendu d’un /a/ tonique, en même temps que, pour ces mêmes verbes, l’abondance des désinences verbales en –e– /œ/, le /œ/ étant l’aboutissement attendu du /a/ atone.

Dans le cas de l’imparfait, c’est toutefois la voyelle thématique /e/ qui s’étend à tous les verbes gallo-romans – ce qui expliquera la finale caractéristique –oi– des imparfaits français jusqu’à l’aube du xxe siècle, –ai– par la suite, le /wa/ et le /ɛ/ étant les aboutissements phonétiques attendus d’un /e/ tonique :

Les imparfaits du gallo-roman

 Singulier   Pluriel  
1re pers. *cantea 1re pers. *canteams
2e pers. *canteas 2e pers. *canteats
3e pers. *canteat 3e pers. *canteant

D’autre part, les finales désinentielles du présent, forme verbale la plus usitée, sont étendues en gallo-roman à la plupart des formes finies du verbe, après avoir été partiellement refaites :

Définition : Forme verbale finie
Une forme verbale dite finie est une forme verbale forme verbale variant selon le paramètre de la personne, par opposition à une forme verbale dite non finie.

Les désinences du présent gallo-roman

 Singulier   Pluriel  
1re pers. 1re pers. –ums
2e pers. –as 2e pers. –ats
3e pers. –at 3e pers. –ant

La 1re personne du pluriel des formes verbales gallo-romanes adopte une voyelle thématique notée –u– (vraisemblablement prononcée /o/ ou /u/) dont l’origine n’a toujours pas été expliquée de manière satisfaisante[1].

Le gallo-roman va également refaire de nombreux participes accentués sur le radical (formes dites fortes) en les alignant sur les participes accentués sur la voyelle thématique (formes dites faibles). Il en résultera quatre types de participes passés : en –at, –et, –it et –ut, le dernier type tendant à s’imposer (d’où les nombreux participes passés en –u du français).

Enfin, les formes issues du subjonctif imparfait et du subjonctif parfait latins sont éliminées du système : l’évolution phonétique provoque en effet des collisions homonymiques entre nombre de ces formes et celle de l’infinitif (les formes issues de cantarem et cantauerim se prononcent comme celle issue de cantare). De tous les subjonctifs latins, ne subsisteront, outre les formes remontant à des subjonctif présent, que celles remontant à des subjonctif plus-que-parfait, c’est-à-dire les formes du subjonctif latin les plus spécifiques phonétiquement. Ces dernières deviendront extensives dans leurs emplois (elles hériteront en effet les emplois des subjonctifs imparfait, parfait et plus-que-parfait latins) et seront donc d’une grande fréquence dans les premières phases de développement du français.


[1]           L’explication généralement admise est l’analogie à sumus, analogie douteuse : même si la forme sons, descendant légitime de sumus, a existé, elle a tôt été refaite en sommes.

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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