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Le lexique du XVIIIe siècle

Le vocabulaire français, considérablement appauvri par la recherche d’une langue pure qui a émergé au XVIe siècle et guidé tout le XVIIe siècle, ne répondait plus ni aux nouvelles réalités de la vie courante, aux inventions techniques, aux découvertes scientifiques qui caractérisent le XVIIIe siècle, ni à l’esprit encyclopédique du siècle des Lumières.

Le lexique du XVIIIe siècle a donc connu une véritable explosion de mots nouveaux, surtout des mots savants nouvellement construits, la composition grecque ou latine et la dérivation redevenant très productives (oxygène, azote chez le chimiste Lavoisier, par exemple). Il a connu aussi un retour de mots anciens qui étaient sortis de l’usage et ont été remis au goût du jour (scorie chez Buffon).

Par ailleurs, le lexique français a recommencé à cette époque à s’enrichir de mots venus d’autres langues, emprunts italiens, espagnols et allemands, et surtout anglais. Au milieu du XVIIIe siècle a en effet débuté une longue période d’anglomanie, qui a marqué profondément la langue française.

À cette époque, les emprunts à la langue anglaise ont pris des formes variées :

  • certains des emprunts se sont faits tels quels :

budget, cottage, jury, motion

  • d’autres on fait l’objet d’une « naturalisation », c’est-à-dire d’une francisation de leur forme :

contredanse < country-dance
paquebot < packet-boat
rosbif < roastbeef
redingote < riding-coat

  • le français calque également des constructions anglaises :

franc-maçon ~ free mason

Or, il faut se souvenir que 75 % des mots anglais proviennent en fait du français. En effet, suite à la victoire au XIe siècle de Guillaume à la bataille de Hastings, le duc normand devenu alors roi d’Angleterre a importé sa langue normande en Angleterre, fait historique qui marqua la langue anglaise de manière indélébile.

La plupart des mots que la langue française a empruntés à la langue anglaise au XVIIIe siècle (et continuera d’emprunter par la suite) sont de fait des mots d’origine française : budget est ainsi l’altération de l’ancien mot français bougette, qui désignait un petit sac dans lequel on plaçait les petits objets qu’on risquait de perdre… et il ne s’agit là que d’un exemple parmi des centaines d’autres qui ont ainsi fait l’aller-retour entre le français et l’anglais à quelques siècle d’écart.

Dans ce processus de réimportation de mots d’origine française, des termes d’origine française sont revenus en français avec le sens qu’ils avaient acquis en anglais :

popularité ‘bienveillance à l’égard du peuple’ → ‘admiration du peuple pour une personne’

La politique, les institutions, la mode, la cuisine, le commerce et le sport ont fourni le plus fort contingent de mots en provenance de Grande-Bretagne ; une soixantaine de mots anglais trouvent même leur place dans la 5e édition du Dictionnaire de l’Académie française (celle de 1798, désavouée plus tard il est vrai par l’Académie, dissoute à l’issue de la Révolution).

Les écrivains ont contribué largement à codifier ces nombreux emprunts lexicaux à l’anglais.

Le lexique de la langue française s’est accru ainsi, même si l’idéal puriste tendait toujours à écarter les termes « ignobles », c’est-à-dire les régionalismes et les termes propres au langage populaire. Si la lutte s’est poursuivie contre les régionalismes et les mots relevant de registres familiers ou populaires, les anglicismes n’ont fait à l’époque l’objet d’aucune attaque. La Grande-Bretagne était devenue le modèle de référence de l’Europe, comme l’avait été l’Italie au XVIe siècle, et la langue des Britanniques jouissait d’un prestige que ne connaissait pas la langue du peuple français.

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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