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La conservation du texte des Serments

Avant toute analyse, il convient de s’interroger sur le caractère original ou originel du texte des Serments tel qu’il est parvenu jusqu’à nous.

Les Serments de Strasbourg ont été relatés par Nithard, un autre petit-fils de Charlemagne, cousin de Charles, Louis et Lothaire, conseiller de Charles. Nithard a vécu entre 800 et plus ou moins 850, il était donc contemporain des faits qu’il a rapportés.

Le texte de Nithard nous est parvenu à travers deux manuscrits. La reproduction que l’on en diffuse généralement est celle du manuscrit le plus ancien des deux, le manuscrit de Paris, conservé à la Bibliothèque Nationale de France, dans le fonds latin, sous la cote 9768 et qui figure aux folios 13 r-v de ce manuscrit

Texte manuscrit des Serments de Strasbourg

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Fait important à signaler : le manuscrit est conservé dans le fonds latin, car c’est bien d’un manuscrit latin qu’il s’agit : Nithard relate les faits en latin, les quelques lignes qui constituent les serments sont les seules à être transcrites en une autre langue.

Ce manuscrit date des alentours de l’an 1000 ; le second manuscrit conservé date du XVe siècle et reproduit purement et simplement le texte du précédent. Seul nous retiendra ici le plus ancien des deux manuscrits, qui pour être plus ancien, a été composé plus d’un siècle et demi après les événements relatés par Nithard : ce n’est donc pas le manuscrit original, celui qui aurait été rédigé de la main même de Nithard.

Nithard était vraisemblablement présent à Strasbourg le 14 février 842, il a sans doute entendu prononcer les fameux serments, mais les a-t-il transcrits fidèlement, et tous les copistes qui ont copié le manuscrit de Nithard après lui ont-ils compris ce que Nithard avait écrit, l’ont-ils à leur tour copié fidèlement ?... Quelle distance y a-t-il entre les serments tels que Nithard les a entendus et la version sous laquelle ils apparaissent 150 ans plus tard ? Nous ne le saurons jamais.

MMais une chose est certaine : la version des Serments de Strasbourg que l’on a conservée et que l’on donne comme originale a peu de chances de correspondre à la manière dont ces serments ont été réellement prononcés. Brunot va même plus loin  : « Les Serments ont été copiés par quelqu’un qui ne les comprenait pas exactement […] » (1905 : 143). 

Nous avons déjà pu attirer l’attention dans la section précédente sur certaines distances entre l’image du protofrançais que donne ce texte et ce que nous savons de ce chronolecte à travers d’autres témoins ou par une mise en perspective diachronique ; nous conserverons ici la même distance critique et la même prudence et dans cette perspective nous qualifierons simplement cette version du texte de primitive, c’est-à-dire de plus ancien témoin conservé, sans pour autant la donner comme originelle.

Avant de nous intéresser aux récritures qu’en donne Brunot, nous allons nous arrêter à cette version primitive, que nous connaissons déjà puisqu’elle a alimenté notre description du protofrançais.

Remarque : La version conservée des Serments de Strasbourg pose des problèmes de décryptage que les historiens et philologues ont résolus de diverses manières. Dans les paragraphes consacrés précédemment au protofrançais, c’est le texte tel qu’il a été édité par Albert Henry qui a servi de référence. Ici, c’est le texte tel qu’il a été interprété et transcrit par Brunot qui servira de référence – les différences se marquent surtout au niveau des conventions éditoriales. Nous nous focaliserons en outre davantage sur la première partie du texte (le serment de Charles), la seconde ayant posé à Brunot des problèmes d’interprétation comme en attestent les commentaires qu’il donne en note.

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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