Commençons par nous intéresser aux circonstances du texte fondateur de la langue française et à ce fameux 14 février de l’an 842 où Louis et Charles, petits-fils de Charlemagne, se sont juré une assistance mutuelle contre leur frère Lothaire.
À la mort de Charlemagne en 814, l’empire qu’il a constitué en Europe revient à son fils Louis le Pieux. Louis le Pieux ayant eu trois fils, son empire devait, conformément à la loi franque, être partagé par la suite entre ses fils, petits-fils de Charlemagne – Pépin, Louis et Lothaire. Mais Judith de Bavière, épousée en secondes noces, a donné à Louis le Pieux un quatrième héritier, Charles, de vingt ans plus jeune que ses ainés. Cet agrandissement tardif de la fratrie a obligé Louis le Pieux à revoir le partage de l’empire. La mésentente s’est alors installée au sein de la fratrie, une mésentente à laquelle la mort de Pépin n’a rien changé ; de dispute en dispute, les plans de partage entre les trois frères se sont ainsi multipliés jusqu’à la mort de Louis le Pieux en 840.
Dans la mésentente familiale, c’était surtout l’ambition de Lothaire, l’ainé, qui était en cause. Pourtant, au départ, tout était contre Charles, le plus jeune, mais l’ambition démesurée de Lothaire a fini par rapprocher Louis, le cadet, et Charles, le benjamin. Les deux plus jeunes se liguent contre l’ainé et en juin 841, après une bataille particulièrement meurtrière, Lothaire est défait.
Charles et Louis veulent alors faire de leur alliance militaire de circonstance contre Lothaire le socle d’un accord durable. Ils se promettent une assistance mutuelle lors de serments prononcés à Strasbourg le 14 février 842, en français d’une part, en allemand d’autre part – plus précisément dans les deux langues qui deviendront bien plus tard le français et l’allemand.
