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Variété haute et variété basse de la langue

Depuis les travaux de Derek Bickerton (sociolinguiste britannique né en 1926), on parle d’acrolecte pour la variété de prestige d’une langue et de basilecte pour la variété la plus éloignée de cette variété de prestige. On parle tantôt de mésolecte, tantôt d’interlecte pour la variété intermédiaire. Voilà qui complète notre série de « –lectes », composant lexical que les variationnistes ont choisi d’utiliser pour désigner la langue dans ses différentes dimensions, c’est-à-dire dans ses différentes variétés.

Une variété de prestige, autrement dit une variété haute de la langue (acrolecte) est perçue par les locuteurs comme plus belle, plus logique, mieux à même d’exprimer des idées importantes ; elle a un héritage littéraire, elle fait l’objet d’une codification (il existe des grammaires, des dictionnaires, etc. qui la décrivent), ce qui contribue à en faire un objet explicite d’étude et d’enseignement.

À l’autre extrémité, la variété la plus éloignée de la variété de prestige, la variété la plus basse de la langue (basilecte) n’a aucun héritage littéraire ; elle se caractérise par la fragmentation et la variation dialectale (diatopique), elle ne fait pas l’objet d’une codification et ne peut donc constituer un objet d’enseignement explicite (elle est apprise au berceau ou « sur les genoux de la mère ») ; elle échappe de même à l’étude systématique.

Les descriptions qui viennent d’être données de l’acrolecte et du basilecte rappellent non plus les dimensions variables de la langue que nous venons de voir, mais les différents usages sociaux de la langue, que nous avons examinés précédemment : l’« héritage littéraire » évoque la langue de référence, la « langue apprise sur les genoux de la mère » évoque la langue maternelle, etc.

L’association entre les deux niveaux d’analyse est plus étroite qu’une simple évocation : sont considérées comme des variétés hautes, prestigieuses, la langue de l’administration, la langue du culte, la langue de l’enseignement, la langue de la littérature « sérieuse » ; sont considérées comme des variétés basses, la langue de la conversation, la langue de la littérature populaire.

Les définitions de l’acrolecte et du basilecte s’appuient ainsi entièrement sur celles des différents usages sociaux que l’on peut faire d’une langue, l’acrolecte et le basilecte ne remplissant pas les mêmes fonctions et se partageant les usages.

Pourtant, pour introduire ce chapitre, ce sont des exemples relevant de la variation linguistique que nous avons rappelés pour mettre en avant le concept de prestige linguistique. En réalité, la variation linguistique, dans toutes les dimensions qui ont été illustrées au chapitre précédent, est une conséquence importante des différents usages que l’on peut faire d’une langue et des différentes fonctions sociales qu’on peut lui reconnaitre. Le prestige linguistique traverse ainsi à la fois les différents usages et les différentes dimensions de la langue.

Dans l’histoire de la langue française, le concept de prestige linguistique joue un rôle capital. Nous verrons, dans un premier temps, les relations qu’il entretient avec les usages de la langue, et dans un second temps ses relations avec les différentes variations et dimensions de la langue. Nous verrons dans le chapitre suivant du cours, consacré à la diglossie, d’autres aspects de ce concept de prestige linguistique.

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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