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Au XVIIIe siècle

Au XVIIIe siècle, la France a perdu progressivement son image de prestige et a cessé d’être le modèle dominant de l’Europe au profit de la Grande-Bretagne, qui est devenue le nouveau modèle que l’Europe voulait suivre. Pourtant, cette perte de prestige de la France n’a pas immédiatement touché la langue française, qui a continué de s’imposer à l’Europe au point d’être qualifiée de langue universelle. En témoigne par exemple en 1784 le Discours sur l’universalité de la langue française de Rivarol, vainqueur du concours organisé par l’Académie royale de Berlin sur un sujet formulé comme suit : « Qu’est-ce qui a rendu la langue française universelle ? Pourquoi mérite-t-elle cette prérogative ? Est-il à présumer qu’elle la conserve ? »[1]. En témoigne également Frédéric II de Prusse, dont on a vu qu’il avait choisi de s’exprimer en langue française, adoptant à l’égard de sa langue maternelle, l’allemand, un point de vue des plus critiques (v. les paragraphes du chapitre sur la francophonie consacrés à la langue choisie). Frédéric II sera suivi dans cette voie par de nombreuses personnalités de son époque.

Le constat du recul du prestige de la France en contrepoint du maintien du prestige de la langue française est important, car il nous montre bien qu’il ne faut pas faire l’amalgame entre le prestige d’un groupe social (ici une nation) et le prestige de sa langue, l’un et l’autre pouvant évoluer diversement (v. chapitre consacré au prestige linguistique).

En ce XVIIIe siècle, la distribution des langues au sein de l’espace francophone s’est assez peu modifiée. C’est surtout dans son statut de langue vernaculaire, à l’intérieur même des limites de la France, que le français a gagné un peu de terrain. Limité à Paris et aux centres urbains de la région parisienne au XVIIe siècle, le français a continué de rayonner à partir de Paris et a touché de nouveaux centres urbains, chaque fois un peu plus éloignés de Paris, en même temps qu’à partir des zones urbaines où l’on pratiquait le français, le français rayonnait progressivement vers les campagnes :

La zone où le français (supradialectal) est compris au XVIIIe siècle dans différentes couches de la population
france 18e

Cette situation linguistique nouvelle a été essentiellement favorisée par l’important réseau routier qui s’est mis en place : le français s’est en effet diffusé ainsi plus rapidement et a atteint, notamment par la voie de la presse mensuelle, qui se développait à grands pas, des régions qu’il ne touchait pas auparavant. Les journaux scientifiques, techniques et politiques écrits en français se multipliaient et étaient diffusés jusques dans les provinces – dont il faut se souvenir que la Wallonie, entre autres, faisait toujours partie. Les écrits en français touchaient ainsi un nombre grandissant de personnes. Cela ne veut pas dire cependant que du jour au lendemain, tout le monde s’est mis à lire le journal et, qui plus est, à le lire en français. Le taux d’alphabétisme restait à cette époque relativement bas (faute notamment d’obligation scolaire). Mais il se trouvait alors dans chaque village quelque lettré qui possédait le journal et qui en faisait la lecture aux villageois qui voulaient bien l’écouter. La presse est ainsi devenue le vecteur de propagation de la langue française en même temps que des idées qu’elle exprimait.

Pourtant dans l’ensemble, on retrouve au XVIIIe siècle la situation linguistique du XVIIe siècle, les différences étant plus quantitatives que qualitatives.

La situation linguistique au XVIIIe siècle

  Au XVIIe siècle Au XVIIIe siècle
Langue du roi français français
Langue de l’administration français français
Langue véhiculaire français français
Langue du culte latin chrétien latin chrétien
Langue de la culture français français
Langue du savoir scientifique français français
Langue d’enseignement latin classique latin classique
Langue vernaculaire français dialectal + français français dialectal + français

[1]Pour l’anecdote, signalons que Rivarol fut classé ex-aequo avec Johann Christoph Schwab, dont le texte, mieux documenté, mieux argumenté, mais moins brillant, est moins souvent cité par les historiens de la langue.

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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