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Une langue d’enseignement

À l’heure actuelle, la transmission du savoir passe essentiellement par l’école – mot qui inclut ici l’université. C’est à l’école que l’on apprend la culture et la littérature, les sciences et les techniques, et c’est à l’école que l’on apprend ce qui permet d’accéder à la culture et à la littérature, aux sciences et aux techniques, en d’autres termes c’est à l’école que l’on apprend les langues. On pourrait donc considérer que le concept de « langue d’enseignement » n’est, au même titre que celui de « langue de culture », qu’un versant de la « langue de référence » et qu’on pourrait en faire l’économie dans l’inventaire des usages de la langue française qui est donné dans la définition dont nous sommes partis.

Définition : Francophonie
Ensemble des personnes, institutions et régions qui ont le français en partage, quel que soit l’usage que ces personnes, institutions ou régions font du français (langue maternelle ou co-maternelle, langue officielle ou co-officielle, langue administrative, langue vernaculaire, langue d’enseignement, langue choisie, langue de culture, langue véhiculaire…)

Les choses ne sont toutefois pas toujours aussi simples ni aussi évidentes, et à l’examen, il va apparaitre qu’il peut être pertinent de maintenir la distinction entre langue de référence et langue d’enseignement.

Remarque : Il ne faut pas confondre enseigner et apprendre. Enseigner, c’est dispenser un enseignement. On parle donc de langue d’enseignement dans le cas des enseignants (« ma langue d’enseignement est le français » signifie ‘j’enseigne en français’), et par extension dans le cas des systèmes éducatifs. Mais pour les élèves et les étudiants qui sont les bénéficiaires de cet enseignement, on parle de langue de scolarisation (« ma langue de scolarisation est le français » veut dire ‘je suis scolarisé en français’, ‘les cours me sont donnés en français’). Il ne faut pas davantage confondre la langue d’enseignement ou de scolarisation et la langue enseignée : l’enseignement d’une langue A peut se faire dans cette même langue A ou dans une langue B ; il ne faut donc pas confondre l’apprentissage d’une langue et la langue dans laquelle on apprend.

Dans la plupart des pays du monde, le système éducatif est géré par l’État, sous la forme d’un Ministère de l’Éducation ou d’un Ministère de l’Enseignement. Ceci implique que la langue d’enseignement est le plus souvent identique à la langue officielle. Par exemple, la plupart des états africains qui ont choisi le français comme langue officielle organisent également leur enseignement en français et prévoient une mise en place de l’apprentissage du français de l’école maternelle à l’université. Cela n’empêche pas pour autant ces mêmes pays de développer une culture dans les langues locales et non exclusivement dans la langue de la scolarisation. Les corrélations entre langue d’enseignement et langue officielle apparaissent ainsi plus fortes que celles que l’on a entre langue d’enseignement et langue de référence.

Une situation comme celle de l’Ile Maurice, ile déjà évoquée et décrite comme un laboratoire linguistique grandeur nature, est encore plus révélatrice de l’intérêt qu’il y a à dissocier langue d’enseignement et langue de référence. On se souvient que dans ce petit pays, la langue officielle est l’anglais, alors que la population est majoritairement francophone. Plus précisément, la population mauricienne est majoritairement créolophone, c’est-à-dire que la langue maternelle majoritaire sur cette ile est en fait un créole.

Le concept de créole est un concept que nous explorerons davantage dans la suite du cours. Pour l’instant, nous pouvons nous borner à retenir que :

Définition : Créole
Un créole est une langue constituée d’un mélange de termes appartenant à différentes langues maternelles et qui devient la nouvelle langue maternelle d’une communauté.

La langue maternelle majoritaire des habitants de l’Ile Maurice est donc un créole, une transformation de la langue française, exogène, sous l’influence des langues endogènes ou d’autres langues exogènes en usage à l’époque où les Français se sont installés dans l’Ile, au XVIIe siècle. Toutefois, à l’heure actuelle, la scolarisation des enfants mauriciens se fait essentiellement en français, en tout cas au niveau de l’enseignement primaire, en français et en anglais pour ceux qui poursuivent leur scolarisation dans le secondaire et à l’université. La situation linguistique de cette petite ile est donc relativement complexe, puisque si la population est essentiellement créolophone (langue 1), les langues d’enseignement y sont essentiellement le français (langue 2) et l’anglais (langue 3), l’anglais étant par ailleurs la seule langue administrative de l’ile.

Dans la situation sociolinguistique complexe de l’Ile Maurice, qu’est-ce qui fait office de langue de référence ? Il semble que ce soit essentiellement le français si l’on considère l’aspect culturel de la langue de référence et l’anglais si l’on considère l’aspect scientifique et technique de la langue de référence. Ainsi même si, sur l’Ile Maurice, ce sont les mêmes langues qui assurent la fonction de langues de référence et de langues d’enseignement, l’amalgame ne peut pas vraiment être fait entre ces deux usages des langues, car il n’y a pas de corrélation stricte entre la langue d’enseignement et la langue de référence des Mauriciens : ce n’est pas parce qu’un Mauricien aura été scolarisé en anglais qu’il va nécessairement utiliser l’anglais comme langue de référence, ce n’est pas parce qu’il aura été scolarisé en français qu’il va utiliser le français comme langue de référence. Le type de savoir à transmettre intervient dans le choix de la langue utilisée comme langue de référence.

On le voit, « langue d’enseignement » est bien un usage à part entière de la langue, qui ne se confond ni avec celui de langue de référence, ni avec celui de langue officielle – il y a lieu de le maintenir dans notre définition de la francophonie.

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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