Si nous reprenons notre définition de la francophonie et l’inventaire des usages de la langue française qu’elle inclut, il nous reste à examiner les usages de « langue d’enseignement », « langue choisie » et « langue de culture » :
Définition : Francophonie
Ensemble des personnes, institutions et régions qui ont le français en partage, quel que soit l’usage que ces personnes, institutions ou régions font du français (langue maternelle ou co-maternelle, langue officielle ou co-officielle, langue administrative, langue vernaculaire, langue d’enseignement, langue choisie, langue de culture, langue véhiculaire…)
Intéressons-nous tout d’abord au français langue de culture, que l’on retrouve plus volontiers dans les travaux linguistiques sous l’étiquette de « langue de référence » où cet usage est défini de la manière suivante :
Définition : Langue de référence
Une langue de référence est une langue utilisée pour la transmission du savoir, qu’il s’agisse de transmettre un savoir culturel (langue utilisée dans le domaine littéraire, dans le cinéma…) ou un savoir scientifique (langue utilisée dans le domaine des sciences et des techniques).
La « langue de culture » reprise dans notre définition n’apparait ainsi que comme une des facettes de la langue de référence.
Ce nouveau concept est particulièrement éclairant pour traiter de la langue française et des différents usages qu’on en fait à l’heure actuelle ou qu’on en a faits par le passé.
Sur l’axe temporel tout d’abord, on a vu, au moment de traiter de la fonction véhiculaire de la langue, que le français du Moyen Âge tel qu’il est parvenu jusqu’à nous, à travers des textes littéraires, techniques et scientifiques, était au départ un artéfact, une langue supradialectale qui avait été forgée pour être comprise de locuteurs de langues maternelles différentes et que les premiers pour lesquels ce besoin de communiquer dans une langue supradialectale s’était sentir avaient été les poètes. Cet artéfact, dont nous avons jusqu’ici mis en avant l’aspect véhiculaire, était donc au départ une langue de référence. Mais c’est parce que cette langue de référence était véhiculaire et comprise d’un grand nombre de locuteurs que l’artéfact est devenu au fil du temps la langue vernaculaire, puis la langue maternelle d’un nombre grandissant de locuteurs. En quelque sorte donc, le français que nous pratiquons aujourd’hui est issu de cette langue littéraire. En quelque sorte, car c’est plus son caractère véhiculaire que son caractère littéraire qui a contribué à sa diffusion et assuré sa pérennité.
Il n’en reste pas moins que le concept de langue de référence est d’une grande pertinence pour tracer l’histoire d’une langue comme le français, puisque la langue de référence a contribué à éliminer la différenciation dialectale. C’est vrai aussi dans d’autres langues, par exemple dans le cas de l’arabe, où le clivage entre l’arabe dit « classique » ou « littéraire » et l’arabe dit « dialectal », c’est-à-dire le clivage entre la langue de la culture et la langue vernaculaire est très net, au point que l’une et l’autre sont parfois perçues comme deux langues différentes. Nous reviendrons sur ce clivage et sur ses conséquences dans le chapitre du cours consacré à la diglossie.