Sommaire du cours

Notre parcours dans l’histoire interne de la langue française va emprunter deux voies distinctes :

  1. nous commencerons par tracer l’histoire interne comme nous venons de le faire de l’histoire de l’espace francophone, en procédant méthodiquement et chronologiquement, étape par étape ; nous donnerons les caractéristiques majeures de la langue de chaque période sur les plans phonétique, graphique, morphologique, morphosyntaxique et syntaxique ;
  2. nous nous attacherons à décrypter, à la lueur de cette histoire, un exercice auquel s’est livré Ferdinand Brunot en récrivant les Serments de Strasbourg dans différents chronolectes du français.

Nous traiterons dans une section distincte l’histoire du lexique français, tributaire à la fois de l’histoire externe et de l’histoire interne de la langue, et qui recevra donc ce double éclairage.

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Le français en diachronie

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Brunot récrit les Serments de Strasbourg

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Histoire du lexique

 

Le français en diachronie

Nous avons vu au chapitre de la variation diachronique qu’il est d’usage d’identifier dans l’histoire de la langue française les paliers suivants, qui constituent autant de chronolectes :

Les différents chronolectes du français

Protofrançais

Ancien
français

Moyen
français

Français
classique

Français
moderne

Français
contemporain

Français
avancé

Dans notre description du français en diachronie, nous allons prendre en considération également toute la phase qui correspond à la préhistoire de la langue française, c’est-à-dire la phase antérieure aux Serments de Strasbourg, acte de naissance symbolique du français. En revanche, les chronolectes « français contemporain » et « français avancé » échappent à toute description, le français contemporain parce que ce qui était contemporain hier ne l’est déjà plus aujourd’hui et le français avancé parce qu’il s’agit d’un chronolecte en devenir. Notre terminus ad quem (‘limite jusqu’à laquelle’) sera le français moderne.

Les différents paliers de notre parcours diachronique seront donc :

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Le latin vulgaire 

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 Le gallo-roman

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 Le protofrançais

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 L'ancien français

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Le moyen français

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 Le français classique

GHF

 Le français moderne

GHF

 Et maintenant ?

 

Le latin vulgaire

Le latin vulgaire a été identifié, tardivement à l’échelle de la science linguistique, comme la langue-mère du français, après qu’on a été contraint d’écarter quelques autres prétendants plus prestigieux.

À quoi pouvait donc ressembler cette variété particulière du latin ? En réalité, nous n’en savons que très peu de choses. Langue morte, langue orale, elle n’a laissé que peu de traces écrites – quelques graffitis, quelques listes de commissions, quelques commandes de restaurants. Le seul document quelque peu structuré dont nous disposons pour nous faire une idée sur cette langue est connu sous le nom d’Appendix Probi – littéralement ‘annexe à (la grammaire de) Probus’ – et prend la forme d’une liste de 227 recommandations orthoépiques (« ne dites pas comme ceci, dites comme cela »).

Définition : Orthoépie
L’orthoépie est la phonétique normative. Elle est à l’oral ce que l’orthographe est à l’écrit.

Si de telles listes présentent un intérêt indéniable, elles n’offrent qu’une prise limitée à l’analyse, si bien que ce que nous savons du latin vulgaire ressort essentiellement de ce qui a été reconstruit à partir de ce que nous savons du latin classique d’une part, à partir de ce que nous apprennent ses filles, les langues romanes, d’autre part.

Les informations pertinentes que l’on a pu collecter ou reconstruire de la sorte sur latin vulgaire touchent à sa prononciation, sa morphologie, sa syntaxe et son lexique – rappelons que nous réservons à ce dernier une section spécifique du cours.

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Phonétique et prononciation du latin vulgaire

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Graphies du latin vulgaire

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Morphologie nominale du latin vulgaire

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Morphologie verbale du latin vulgaire

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Morphosyntaxe et syntaxe du latin vulgaire

 

 

Phonétique et prononciation du latin vulgaire

Le système phonétique du latin vulgaire est plus riche que celui du latin classique : il compte à la fois plus de voyelles et plus de consonnes.

Le latin vulgaire, tout en ayant neutralisé la différence que fait le latin classique entre voyelle longue et voyelle brève, connaissait en effet des voyelles à double timbre inconnues du latin classique :

Correspondances entre les voyelles du latin vulgaire et celles du latin classique

Latin vulgaire Latin classique
i ī
e ĭ, ē, oe, ae
ɛ ĕ, ae, eu
a ā, ă
o ō, ŭ
ɔ ŏ, au
u ū

Il connaissait également des consonnes sonores /z/ et /v/ répondant aux sourdes /s/ et /f/ du latin classique, ainsi que des consonnes palatales /ɲ/ et /ʎ/ et des postalvéolaires /ʒ/ et / ʃ/ issues d’un processus de palatalisation qui a touché l’ensemble de son système consonantique.

Définition : Palatalisation
Le terme de palatalisation désigne le déplacement du point d’articulation d’un phonème vers le sommet de la voûte du palais lors de sa réalisation.

Mais ce qui différencie encore plus fondamentalement le latin vulgaire du latin classique sur le plan phonétique est la nature de l’accent. Mélodique en latin classique, l’accent est tonique en latin vulgaire. La différence est importante, car contrairement à l’accent mélodique qui touche toutes les voyelles, l’accent tonique contribue dans un mot à mettre en relief une voyelle au détriment de toutes les autres.

De ce fait, de nombreuses voyelles que l’on trouve dans les mots du latin classique ne se prononcent pas en latin vulgaire, comme en témoignent les recommandations orthoépiques de l’Appendix Probi :

articulus non articlus (Appendix Probi, n° 8)
angulus non anglus (n° 10)
calida non calda (n° 53)
viridis non virdis (n° 201)

Ces quelques informations sur la phonétique du latin vulgaire, si maigres qu’elles soient, sont capitales pour l’histoire de la langue française, car le principal moteur de l’évolution du latin vers le français est la phonétique, et l'accent, tonique, est une pièce maitresse de ce moteur.

Elles sont également capitales sur un plan plus méthodologique, d’une part parce que le latin vulgaire étant la langue-mère du français, le point de départ de toute analyse, et notamment celui de toute analyse phonétique, est toujours celui du latin vulgaire ; d’autre part parce que pour bien comprendre comment un étymon latin évolue vers le français, il faut apprendre à identifier la voyelle qui porte l’accent dans un mot du latin vulgaire.

Définition : Étymon
L’étymon est la forme attestée ou reconstituée qui fournit l’étymologie d’une autre forme.

Graphies du latin vulgaire

Le latin vulgaire n’ayant pas développé de forme écrite, le système graphique adopté pour la mise par écrit occasionnelle de cette langue est identique à celui du latin classique – seuls les lettrés sont capables d’écrire, et les lettrés sont formés en latin classique et au latin latin classique.

Toutefois, l'alphabet du latin classique suivait un principe phonémo-graphémique. Or du fait de la différenciation des systèmes vocalique et consonantique du latin vulgaire, le système graphique du latin classique a rapidement révélé ses limites aux scripteurs qui se sont trouvés confrontés à la nécessité de transcrire des phonèmes du latin vulgairepour lesquels aucun signe n’avait été prévu.

Définition : système phonémo-graphémique
Un système graphique phonémo-graphémique est un système dans lequel à un phonème correspond un seul graphème et à un graphème correspond un seul phonème.

Bien souvent, le problème a été résolu, au moins par les lettrés, en adoptant pour transcrire les mots du latin vulgaire leur forme graphique du latin classique, faussant ainsi l’idée que l’on peut se faire de la forme dite à travers la forme écrite du mot.

Morphologie nominale du latin vulgaire

La morphologie nominale du latin vulgaire simplifie à différents égards celle du latin classique.

Le latin classique, disposant de trois genres nominaux, connaissait déjà des hésitations relatives au neutre. En latin vulgaire, les abandons du neutre sont multiples :

  • les neutres en –um/–i et en –us/–oris s’alignent sur les masculins en –us/–i :

templum/templi → *templus/templi
tempus/temporis → *tempus/tempi

  • les neutres plus couramment employés au pluriel –a/–orum s’alignent sur les noms féminins en –a/–ae :

gaudia/gaudiorum → gaudia/gaudiae

  • les autres noms neutres refont leur déclinaison en s’alignant tantôt sur des masculins tantôt sur des féminins :

caput/caputis → *capus/capi
mare/maris → *maris/maris

Cette élimination progressive du neutre (on admet généralement qu’elle aboutit au VIIe siècle dans le secteur strictement nominal) s’accompagne d’échanges de genre entre certains masculins et certains féminins : les masculins abstraits deviennent féminins (dolor), les noms d’arbres féminins deviennent masculins (malus, prunus)…

Le latin vulgaire réduit également à trois les cinq paradigmes de la déclinaison nominale du latin classique :

  • les noms de la 4e déclinaison s’alignent sur ceux de la 2e :

fructus/fructus → fructus/fructi

  • ceux de la 5e s’alignent sur ceux de la 1re :

nures → *nura

Définition : Paradigme
Le paradigme est l’ensemble des formes que peut prendre un mot fournissant un modèle de déclinaison ou de conjugaison.

Parallèlement à la réduction des paradigmes, le latin vulgaire réduit le nombre des cas, tant pour la déclinaison du nom que pour celle de l’adjectif (la déclinaison des pronoms sera plus résistante).

Les particularités de la prononciation du latin vulgaire ont en effet des conséquences importantes dans le domaine de la déclinaison nominale :

  • causam (acc. sing) se prononce en latin vulgaire comme le latin classique causă (nom. sing) et causā (abl. sing.) ;
  • murum (acc. sing.) se prononce comme murō (dat./abl. sing.).

Il en est résulté qu’au Ve siècle, le latin vulgaire ne connaissait plus qu’une déclinaison bicasuelle, c’est-à-dire une déclinaison réduite à deux cas pour l’ensemble des noms et adjectifs : le nominatif et l’accusatif.

Morphologie verbale du latin vulgaire

La morphologie verbale du latin vulgaire connait elle aussi des différences sensibles d’avec celle du latin classique.

Le dénominateur commun des infinitifs du latin classique était la désinence –re. Les exceptions étaient peu nombreuses (esse, posse, velle), le latin vulgaire les a écartées en dotant les infinitifs concernés d’un infinitif analogique en –re, c’est-à-dire en alignant les formes minoritaires sur les formes majoritaires :

esse → *essere
posse → *potere
velle → *volere

Mais plus significativement, la différenciation phonétique du latin vulgaire contribue à déstructurer les paradigmes de la conjugaison du latin classique, qui en sera plus nettement affectée encore que la déclinaison nominale. En cause essentiellement dans cette désorganisation, la place variable de l’accent tonique, qui peut tomber en effet ou sur le radical verbal ou sur la désinence :

L'accentuation des formes verbales

 Singulier   Pluriel  
1re pers. cánto 1re pers. cantámus
2e pers. cántas 2e pers. cantátis
3e pers. cántat 3e pers. cántant

Dans de nombreux cas, les formes fortes (accentuées sur le radical) ne vont pas évoluer de la même manière que les formes faibles (accentuées sur la désinence), du fait de la place différente de l’accent et de l’évolution divergente que vont suivre les voyelles toniques et les voyelles atones. Cette particularité va entraîner une disparité des radicaux dans la conjugaison du latin vulgaire et plus tard du français (alors que le radical était stable dans la conjugaison du latin classique).

Le latin vulgaire se différencie également du latin classique par la création de formes verbales composées, comme celles qui préfigurent le passé composé français :

LC amaui → LV *habeo amatum

Enfin, l’irrégularité du futur synthétique du latin classique (cantabit vs scribam vs scribet) et de nombreux faits d’homonymie (scribam = futur = subjonctif) accentués par la différenciation phonétique (cantabit se prononce comme cantauit en latin vulgaire, du fait de nombreuses spirantisations) sont vraisemblablement à l’origine du développement de formes du futur spécifiques au latin vulgaire, construites à partir d’une périphrase impliquant le verbe avoir au présent, auquel est associé l’infinitif du verbe à exprimer au futur :

*facere habeo

En latin classique, cette périphrase signifiait ‘j’ai à faire’. Dans le latin vernaculaire, jusqu’au Ve siècle, elle permettait d’exprimer la perspective et l’obligation : ‘je dois faire’. Entre le VIe et le VIIIe siècle, elle acquiert son sens de futur : ‘je ferai’.

Morphosyntaxe et syntaxe du latin vulgaire

La réduction à deux cas du système de déclinaison a pour conséquence que le latin vulgaire tend à utiliser davantage les prépositions pour signifier les relations syntaxiques entre mots.

Ces prépositions sont généralement suivies d’une forme à l’accusatif sans –m final dans les rares témoins écrits que nous avons conservés de cette époque. L’accusatif a en effet hérité les emplois du génitif, de l’ablatif et du datif, le nominatif ayant pour sa part hérité les emplois du vocatif [1] :

LC Iacobus patri librum dat
>< LV Jacomos levro a ppatre donat

LC Iacobus mihi librum patris dat
>< LV Jacomos me levro de patre donat / Jacomos levro de patre a mme donat[2]

C’est d’ailleurs sous cette forme de l’accusatif que l’on donne traditionnellement les étymons latins ou latinisés des noms français (et non sous la forme du couple nominatif-génitif, comme on le fait pour les noms du latin classique).


[1] On trouve des formes du nominatif en lieu et place de vocatifs chez Plaute.
[2] Exemples empruntés à la notice de Wikipédia sur le latin vulgaire : https://fr.wikipedia.org/wiki/Latin_vulgaire#Multiplication_des_prépositions, consultée le 25 mars 2020.

Le gallo-roman

Le nom de « gallon-roman » a été donné à la forme particulière que prend le latin vulgaire dans l’aire d’éclosion du français, une forme qui se caractérise à la fois par son substrat celtique et par son superstrat francique.

Remarque : L’appellation est malheureuse, car elle désigne la forme que prend la langue à l’issue de la période franque, c’est-à-dire à un moment où l’expression « Gallo-Romania » cesse d’être pertinente pour les historiens. Le préfixe gallo– est utilisé ici dans un sens exclusivement territorial : le gallo-roman est la langue romane qui s’est développée sur le territoire des anciennes Gaules.

Quelles caractéristiques cette langue présente-t-elle, outre son substrat et son superstrat spécifiques ? En quoi est-elle différente du latin vulgaire qui va continuer de se développer dans le reste de l’Europe romanisée pour donner naissance aux autres langues romanes ?

Il est encore une fois malaisé de répondre avec précision à ces questions, car le gallo-roman est encore moins documenté que le latin vulgaire – 77 interpretamenta, traductions en gallo-roman de mots de la Vulgate devenus incompréhensibles pour les moines picards, connues sous le nom de Gloses de Reichenau, constituent quasi seules notre documentation.

Toutefois, on peut au moins dire que les différentes variétés du latin vulgaire vont s’organiser dans la zone d’éclosion du français en deux groupes, selon qu’elles ont subi une influence marquée du francique, au nord, moins peuplé, mais où la concentration des Francs était plus forte, ou selon qu’ils sont restés proches du latin vulgaire, au sud, plus peuplé et où la concentration des Romains était plus forte.

Les dialectes gallo-romans du nord vont glisser progressivement, et continument, vers cette autre langue orale, ou plus exactement cet autre ensemble de dialectes, qu’on appelle traditionnellement français à partir de 842. Les dialectes gallo-romans du sud évolueront, eux, vers le provençal, langue des troubadours. Entre les deux, certains spécialistes identifient un troisième groupe présentant des caractéristiques tendant à le rattacher tantôt à l’un tantôt à l’autre, sans jamais pencher définitivement en faveur ou de l’un ou de l’autre.

On parle à l’heure actuelle de dialectes d’oïl pour les dialectes gallo-romans du nord, de dialectes d’oc pour les dialectes du sud, en se fondant sur la manière de dire oui au sein de ces deux grandes familles. Cette tradition remonte au XIIIe siècle et a été reprise par le poète florentin Dante qui l’a popularisée au XIVe siècle.

Familles dialectales
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Nous nous arrêterons brièvement aux caractéristiques phonétiques, morphologiques et syntaxiques de l’ensemble des dialectes gallo-romans.

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Phonétique et prononciation du gallo-roman

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Graphies du gallo-roman

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Morphologie nominale du gallo-roman

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Morphologie verbale du gallo-roman

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Morphosyntaxe et syntaxe du gallo-roman

 

Phonétique et prononciation du gallo-roman

L’accent tonique était plus marqué dans les dialectes gallo-romans que dans les autres zones de la Romania, et plus nettement encore dans les dialectes d’oïl que dans les dialectes d’oc, sans doute sous l’influence du francique. C’est ce qui explique que les dialectes gallo-romans présentent de nombreuses diphtongues – une voyelle a tendance à se diphtonguer sous l’intensité de l’accent.

Définitions : Diphtongue - Diphtongaison
Une diphtongue est une voyelle complexe qui se segmente et/ou change de timbre en cours d’émission.
La diphtongaison est soit la segmentation en deux éléments vocaliques distincts d’une voyelle accentuée (diphtongaison par segmentation), soit l’association en une seule syllabe de deux segments vocaliques distincts (diphtongaison par soudure).

Le processus de diphtongaison touche beaucoup plus le français que les autres langues romanes : on parle d’ailleurs de « diphtongaison française » pour caractériser la diphtongaison des voyelles toniques /e/, /o/ et /a/ qui ne se produit pas dans les autres langues romanes, par opposition à la diphtongaison des voyelles /ɛ/ et /ɔ/ qui touche l’ensemble des langues-filles du latin vulgaire. Au sein du français, la diphtongaison a davantage touché les dialectes wallons, au nord (là où la concentration franque était plus forte), que les dialectes provençaux, au sud.

Le dynamisme de l’accent du gallo-roman n’est pas seulement responsable de nombreuses diphtongaisons. Du fait de la tonicité de l’accent, de nombreux phonèmes s’amüissent, c’est-à-dire cessent de se prononcer en gallo-roman – un processus amorcé en latin vulgaire et qui s’accusera tout au long de l’évolution du latin vers le français.

Les voyelles post-toniques (situées juste après la tonique) s’amüissent précocement – dans le latin vulgaire. En gallo-roman, s’y ajoutent les voyelles finales, qui vont s’amüir ou, si elles conservent, s’affaiblir en /ə/, le système gagnant ainsi une nouvelle voyelle, ainsique les voyelles prétoniques internes (situées juste avant la tonique). L’amuïssement des voyelles finales ou leur affaiblissement en /ə/ est une des principales caractéristiques qui différencie le français de ses langues-sœurs.

Ces multiples amüissement vocaliques vont créer de nouveaux environnements consonantiques : des consonnes qui étaient jusqu’alors intervocaliques vont se retrouver en position préconsonantique, postconsonantique ou finale et vont dès lors voir se réorienter leur évolution. C’est ainsi que le /l/ devenu préconsonantique va se vélariser en /ɫ/ en gallo-roman, comme c’était déjà le cas en latin classique et en latin vulgaire.

C’est durant la phase gallo-romane également que le français va acquérir une autre de ses voyelles caractéristiques, la voyelle /y/ qui, du fait qu’elle n’est pas présente dans les autres langues romanes, est souvent considérée comme liée à son substrat celtique ou à son superstrat francique, mais dont l’explication pourrait aussi bien être tout simplement dans la structure même du système vocalique qui se met en place à cette époque.

Le gallo-roman est aussi plus riche en consonnes que le latin vulgaire : le latin vulgaire se démarquait du latin classique par ses consonnes palatales, le gallo-roman y ajoute les affriquées /ʤ/-/ʧ/, /ʦ/-/ʣ/, issues elles aussi des processus de palatalisations, qui se poursuivent durant cette période. Le gallo-roman acquiert également un /h/ hérité des Francs.

Comme le latin vulgaire, le gallo-roman développera des spirantes –  /β/, /ð/, /θ/, / ɣ/, /x/ – qui ne constitueront qu’une étape transitoire de l’évolution des consonnes occlusives et ne passeront pas le cap de ce chronolecte.

Définitions : Spirante - Spirantisation
Une consonne spirante est une consonne constrictive produite par un rapprochement modéré des organes phonateurs qui ne va pas jusqu’à produire le bruit de friction caractéristique des fricatives.
On parle de spirantisation quand une consonne occlusive perd son occlusion et passe à la constrictive correspondante.

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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