Suite à la conquête de la Gaule par les Romains et à sa romanisation, les Gaulois ont progressivement abandonné leur langue maternelle, le celtique, au profit de la langue des colons, le latin.
On suppose que s’est alors installée dans la Gaule romanisée une situation de diglossie celtique – latin, déjà décrite au chapitre consacré à la diglossie.
Supposition, car nous n’avons aucun document pour en attester – mais on se doute bien que le passage d’une langue maternelle – le celtique – à une autre langue maternelle – le latin – chez dix millions d’individus ne s’est pas accompli dans la nuit d’un mardi à un mercredi. À défaut de « preuves » l’hypothèse d’une diglossie est ici l’hypothèse la plus plausible et la plus économique pour éclairer les faits auxquels nous sommes confrontés.
On suppose donc que l’assimilation linguistiques des Gaulois s’est échelonnée dans le temps et s’est faite progressivement.
Dans une première phase, les Gaulois, romanisés ont continué d’utiliser leur langue maternelle, le celtique, dans le milieu familial, mais ont appris le latin pour communiquer avec les Romains installés dans leurs régions. C’est donc dans les relations quotidiennes qui se sont créées entre les soldats romains et les populations gauloises que s’est propagé le latin – ce qui explique qu’il se soit propagé dans sa forme populaire.
On notera toutefois que ce latin de tous les jours, ce latin vulgaire qu’ont appris les Gaulois leur servait vraisemblablement dans des circonstances où les Romains utilisaient, eux, le latin classique, un latin classique que les Romains ont pu continuer d’utiliser entre eux dans les hautes sphères de l’administration et de la culture, inaccessibles aux Gaulois. Le latin vulgaire a en effet été initialement utilisé par les Gaulois avec un statut de langue de l’administration et de langue véhiculaire, bien avant de devenir leur langue vernaculaire – ce qu’il était pour les Romains. En d’autres termes, le latin vulgaire était pour les Romains une langue basse, sans prestige (destinée à des emplois courants, non prestigieux) ; la langue de prestige des Romains était le latin classique. Mais une fois assimilé par les Gaulois, le latin vulgaire a couvert tous les usages linguistiques, en commençant par ceux que les Romains réservaient au latin classique : le latin vulgaire, assimilé par les Gaulois, est passé du statut de basilecte à celui d’acrolecte.
Ce n’est que dans une deuxième phase que, de génération en génération, les Gaulois ont étendu l’usage du latin vulgaire aux situations de la vie courante, abandonnant progressivement leur langue maternelle au profit de la nouvelle langue.
À la fin d’un processus d’assimilation qui s’est étalé sur plusieurs siècles, le latin vulgaire n’était plus tout à fait ce qu’il était à l’arrivée des premiers Romains en Gaule.
Le celtique, même s’il a fini par être abandonné par les Gaulois, a laissé son empreinte sur le latin vulgaire et, plus tard, sur le français, sous la forme d’un substrat qui se manifeste encore à l’heure actuelle à travers le lexique. (cf. chapitre consacré à l’histoire du lexique français).