L’accent tonique était plus marqué dans les dialectes gallo-romans que dans les autres zones de la Romania, et plus nettement encore dans les dialectes d’oïl que dans les dialectes d’oc, sans doute sous l’influence du francique. C’est ce qui explique que les dialectes gallo-romans présentent de nombreuses diphtongues – une voyelle a tendance à se diphtonguer sous l’intensité de l’accent.
Définitions : Diphtongue - Diphtongaison
Une diphtongue est une voyelle complexe qui se segmente et/ou change de timbre en cours d’émission.
La diphtongaison est soit la segmentation en deux éléments vocaliques distincts d’une voyelle accentuée (diphtongaison par segmentation), soit l’association en une seule syllabe de deux segments vocaliques distincts (diphtongaison par soudure).
Le processus de diphtongaison touche beaucoup plus le français que les autres langues romanes : on parle d’ailleurs de « diphtongaison française » pour caractériser la diphtongaison des voyelles toniques /e/, /o/ et /a/ qui ne se produit pas dans les autres langues romanes, par opposition à la diphtongaison des voyelles /ɛ/ et /ɔ/ qui touche l’ensemble des langues-filles du latin vulgaire. Au sein du français, la diphtongaison a davantage touché les dialectes wallons, au nord (là où la concentration franque était plus forte), que les dialectes provençaux, au sud.
Le dynamisme de l’accent du gallo-roman n’est pas seulement responsable de nombreuses diphtongaisons. Du fait de la tonicité de l’accent, de nombreux phonèmes s’amüissent, c’est-à-dire cessent de se prononcer en gallo-roman – un processus amorcé en latin vulgaire et qui s’accusera tout au long de l’évolution du latin vers le français.
Les voyelles post-toniques (situées juste après la tonique) s’amüissent précocement – dans le latin vulgaire. En gallo-roman, s’y ajoutent les voyelles finales, qui vont s’amüir ou, si elles conservent, s’affaiblir en /ə/, le système gagnant ainsi une nouvelle voyelle, ainsique les voyelles prétoniques internes (situées juste avant la tonique). L’amuïssement des voyelles finales ou leur affaiblissement en /ə/ est une des principales caractéristiques qui différencie le français de ses langues-sœurs.
Ces multiples amüissement vocaliques vont créer de nouveaux environnements consonantiques : des consonnes qui étaient jusqu’alors intervocaliques vont se retrouver en position préconsonantique, postconsonantique ou finale et vont dès lors voir se réorienter leur évolution. C’est ainsi que le /l/ devenu préconsonantique va se vélariser en /ɫ/ en gallo-roman, comme c’était déjà le cas en latin classique et en latin vulgaire.
C’est durant la phase gallo-romane également que le français va acquérir une autre de ses voyelles caractéristiques, la voyelle /y/ qui, du fait qu’elle n’est pas présente dans les autres langues romanes, est souvent considérée comme liée à son substrat celtique ou à son superstrat francique, mais dont l’explication pourrait aussi bien être tout simplement dans la structure même du système vocalique qui se met en place à cette époque.
Le gallo-roman est aussi plus riche en consonnes que le latin vulgaire : le latin vulgaire se démarquait du latin classique par ses consonnes palatales, le gallo-roman y ajoute les affriquées /ʤ/-/ʧ/, /ʦ/-/ʣ/, issues elles aussi des processus de palatalisations, qui se poursuivent durant cette période. Le gallo-roman acquiert également un /h/ hérité des Francs.
Comme le latin vulgaire, le gallo-roman développera des spirantes – /β/, /ð/, /θ/, / ɣ/, /x/ – qui ne constitueront qu’une étape transitoire de l’évolution des consonnes occlusives et ne passeront pas le cap de ce chronolecte.
Définitions : Spirante - Spirantisation
Une consonne spirante est une consonne constrictive produite par un rapprochement modéré des organes phonateurs qui ne va pas jusqu’à produire le bruit de friction caractéristique des fricatives.
On parle de spirantisation quand une consonne occlusive perd son occlusion et passe à la constrictive correspondante.