C’est au début du XXe siècle que l’on a commencé à s’intéresser aux différentes manières de prononcer le français, suite à l’invention de différents procédés de conservation du son tout d’abord, de transmission du son ensuite.
Ferdinand Brunot, alors professeur à la Sorbonne, a créé ainsi, avec l’aide de l’industriel Pathé, les Archives de la parole, procédant à divers enregistrements de manières de parler dans les différentes régions de France.
Brunot et les Archives de la parole[1]
Le projet intéresse notre propos en ce qu’il nous montre que Brunot était sensible aux variations diatopiques de la langue française, bien avant que la « théorie des dia– » soit imaginée et bien avant que la linguistique variationnelle soit reconnue comme discipline scientifique.
Les Archives de la parole constituent un exemple d’intérêt pour la variation diatopique connu des seuls spécialistes de la prononciation du français. Un autre exemple de variation diatopique est mieux connu, même si on n’a pas coutume de l’analyser en ces termes.
Par son théâtre, puis par le cinéma, Marcel Pagnol a fait découvrir l’accent dit marseillais à la France entière, et par suite à toute la francophonie – cet accent du sud de la France, avec toutes les valeurs et clichés qui s’y associent (soleil, cigales, farniente, olives, pétanque…), est encore abondamment exploité dans les publicités notamment.
Autre exemple, encore, tout aussi connu : les humoristes français ont contribué à populariser l’accent belge par le biais de ce qu’on appelle les « histoires belges ». Cet « accent belge » n’existe en réalité que dans l’imaginaire des Français, puisque ce qui est appelé « accent belge » est généralement l’accent bruxellois, mais pour le reste, rien qu’en Belgique, la prononciation du français diffère sensiblement selon qu’on est Bruxellois, Liégeois, Namurois, Montois ou Carolorégien et l’expression « accent belge » ne recouvre aucune réalité linguistique.
La Wallonie linguistique
Moins étudiées, mais tout aussi perceptibles, sont les différences que présente la prononciation du français d’Afrique par rapport à celle du français standardisé. Ainsi, dans toute l’Afrique de l’Ouest, on entend prononcer le -s final de gens, moins…, muet dans la langue standard.
Définition : Langue standard
La langue standard est la variété de langue codifiée à travers des dictionnaires monolingues et orthographiques, des grammaires et d’autres ouvrages linguistiques, enseignée dans les écoles en tant que langue maternelle et que langue étrangère
En dépit du processus de standardisation du français – dont résulte le « français standard » dont il vient d’être question, il est intéressant de remarquer encore que dans les journaux télévisés, on doit parfois sous-titrer des propos tenus pourtant en français par des locuteurs provenant de pays francophones d’Afrique, voire par des locuteurs natifs de la France. Certaines des émissions de télévision québécoises diffusées dans le monde par la chaine de promotion francophone TV5 sont systématiquement sous-titrées, en dépit du fait que les comédiens s’y expriment tous en français. C’est bien le signe que la variation diatopique du français reste nettement marquée dans la prononciation du XXIe siècle, malgré une volonté de standardisation toujours affirmée.
[1]http://blog.bnf.fr/lecteurs/index.php/2013/11/actualites-audiovisuelles-ferdinand-brunot-1913-2013-centaire-des-archives-de-la-parole/ – consulté en janvier 2015.