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Les régionalismes lexicaux

Le lexique est un autre secteur dans lequel la variation diatopique continue de marquer la langue française.

Chaque pays francophone identifie ainsi des régionalismes qui lui sont spécifiques : belgicismes en Belgique, helvétismes en Suisse, québécismes au Québec, africanismes en Afrique (congolismes en RDC, sénégalismes au Sénégal…), jusqu’à il y a peu gallicismes[1] mais désormais francismes en France, etc.

Certains de ces régionalismes ont été pointés depuis longtemps – signe encore une fois qu’on n’a pas attendu la création de la linguistique variationnelle pour faire des observations relevant de la variation, ici diatopique :

  • on a épinglé depuis longtemps le fait que Suisses et Belges disent septante et nonante, là où Français et Québécois disent soixante-dix (soixante-et-dix) et quatre-vingt-dix – et les Suisses ajoutent huitante là où les autres disent quatre-vingt ;
  • on petit-déjeune en France à l’heure où on déjeune en Belgique, on déjeune en France à l’heure où on dine en Belgique et on dine en France à l’heure où on soupe en Belgique ;
  • quand on roule trop vite, on risque d’attraper une contravention en Belgique, alors qu’en France, on attrape un papillon ;
  • on se lave avec un gant de toilette en France et en Belgique, avec une débarbouillette au Québec ;
  • on consomme une boisson à la terrasse d’un café en France, alors qu’au Québec on consomme un breuvage ;
  • un sapeur creuse des tranchées à Bruxelles ou à Paris, mais est un arbitre de l’élégance à Kinshasa ;
  • une étudiante sénégalaise qui arrive en retard au cours après s’être trompée de salle de cours s’excuse d’avoir mélangé les salles ;
  • quand en Belgique ou en France, on veut prendre un verre avec des copains, on va faire un tour au bistrot, alors qu’au Cameroun, on va faire un tour à la pharmacie ;
  • là où on parle de pot-de-vin en Belgique ou en France, on parle de bière au Rwanda ;
  • un étudiant belge qui sort du blocus a fini ses examens, un étudiant haïtien qui sort du blocus voit la fin d’un embouteillage ;
  • au Sénégal, le mot mouchoir désigne aussi bien le linge dans lequel on se mouche que la serviette de table ou le foulard que les femmes portent sur la tête (mouchoir de tête) ;
  • etc.

Les exemples sont très nombreux – tous n’ont d’ailleurs pas encore été étudiés, ni seulement recensés. Les africanismes ont ainsi été très peu étudiés, alors que les belgicismes ont donné lieu à de nombreuses études.

On peut observer cependant que depuis l’essor de la sociolinguistique, l’attitude adoptée vis-à-vis des régionalismes a changé.

La plupart des études consacrées aux belgicismes étaient au départ liées au sentiment d’infériorité ou de culpabilité des francophones de Belgique  par rapport au modèle parisien du français – c’est un des effets de la standardisation. Ce sentiment d’infériorité est globalement partagé par les autres francophones du monde, mais était plus marqué en Belgique du fait de la proximité géographique de la France, qui offre un point de comparaison immédiat – à des milliers de kilomètres de là, les Québécois éprouvaient d’autant moins de difficultés à assumer leurs différences par rapport au modèle parisien qu’ils n’ont commencé à en prendre conscience qu’à l’époque où la navigation par mer ou par air leur a rendu la France plus accessible.

C’est donc un sentiment d’infériorité qui a conduit les francophones de Belgique à une perception négative des particularismes du français de Belgique. Désormais toutefois, les régionalismes tendent à être réhabilités, assumés. Des travaux comme ceux de Mathieu Avanzi interpellent ainsi en ce qu’ils contribuent à combattre les idées reçues en matière de traits linguistiques régionaux et à redessiner les isoglosses des belgicismes, puisqu’ils font apparaître que des habitudes linguistiques réputées propres aux Belges sont partagées par un grand nombre de Français :

Les isoglosses de septante et nonante selon Mathieu Avanzi[2]

atlas septante atlas nonante

[1]Le mot « gallicisme » désigne désormais plus généralement un trait de la langue française, toutes variétés diatopiques confondues, difficile à traduire dans une autre langue.
[2]https://francaisdenosregions.com/

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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