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Une langue vernaculaire

Le concept de langue véhiculaire est souvent mis en regard de celui de langue vernaculaire.

La langue vernaculaire se définit usuellement de la manière suivante :

Définition : Langue vernaculaire
Une langue vernaculaire est une langue, généralement maternelle, utilisée pour la communication courante dans une communauté linguistique.

Même si l’expression « langue vernaculaire » ne figure pas textuellement dans l’inventaire des usages du français au sein de la francophonie dont nous somme partis dans ce chapitre, elle y est présente à travers l’expression synonyme, mais moins usitée en linguistique, de « langue d’usage », parfois aussi appelée « langue usuelle ». On peut donc d’ores et déjà réajuster notre définition de la francophonie :

Définition : Francophonie
Ensemble des personnes, institutions et régions qui ont le français en partage, quel que soit l’usage que ces personnes, institutions ou régions font du français (langue maternelle ou co-maternelle, langue officielle ou co-officielle, langue admnistrative, langue vernaculaire, langue d’enseignement, langue choisie, langue de culture, langue véhiculaire…)

À première vue, le concept de « langue vernaculaire » peut par définition sembler redondant par rapport à celui de « langue maternelle », mais le recouvrement n’est que partiel.

Examinons, pour mieux dégager la différence entre langue maternelle et langue vernaculaire et mieux mettre au jour la spécificité de chacune, le cas de Léa et celui de ses voisins.

Léa est née en Belgique. Elle a été élevée en français par des parents parlant l’un et l’autre français. Le français est indiscutablement sa langue maternelle. Elle a toujours habité en Belgique, en région wallonne et y vit désormais avec la famille qu’elle a fondée. Elle a épousé Léo, qui a également le français comme langue maternelle ; ils ont élevé leurs deux enfants, Théa et Théo, en français, et c’est donc le français qu’ils parlent en famille. Lorsqu’elle va chez le boulanger, Léa demande du pain en français ; lorsqu’elle va chez le médecin, elle se fait soigner en français ; lorsqu’elle discute par-dessus la haie avec son voisin, elle le fait en français… Elle use donc de sa langue maternelle dans toutes les situations de sa vie courante, et dans son cas, il semble n’y avoir aucune raison valable pour dissocier sa langue maternelle et sa langue vernaculaire.

Intéressons-nous maintenant à certains des voisins de Léa, par exemple cette famille norvégienne dont trois générations vivent sous le même toit : le grand-père est né en Norvège, il y a été élevé par des parents parlant l’un et l’autre le norvégien, il a vécu en Norvège jusqu’après la naissance de sa petite-fille ; son fils et sa belle-fille sont nés en Norvège, ont été élevés en Norvège par des parents norvégiens, ont élevé leur fille, née en Norvège, en norvégien. La langue maternelle de tout ce petit monde est donc bien le norvégien. Et puis un beau jour, le grand-père, le fils, la belle-fille, la petite-fille sont venus habiter la maison en face de chez Léa. Même en région wallonne, leur langue maternelle est restée le norvégien. Mais lorsqu’ils vont chez le boulanger, ils se font servir en français (la boulangère ne parle pas norvégien) ; lorsqu’ils tombent malade, ils se font soigner en français ; et lorsqu’ils ont voulu se faire installer l’internet à la maison, même si c’était pour communiquer avec leurs amis restés en Norvège, ils ont dû passer leur commande et signer un contrat en français. Le français, qui n’est pas leur langue maternelle, devient la langue qu’ils utilisent (à des degrés variés) dans diverses situations de la vie courante, devient leur langue vernaculaire, peut-être pas pour Papy Olaf, qui se fait accompagner par son fils lorsqu’il va chez le médecin, son fils jouant les traducteurs, mais certainement pour la petite-fille, qui est en train de se faire plein de copains parlant français. Pour cette famille-là, la langue maternelle ne se confondra pas avec la langue vernaculaire.

Et si jamais Léa va s’installer en Norvège, le français restera sa langue maternelle, mais le norvégien deviendra peut-être sa langue vernaculaire.

Si on y réfléchit, ce que l’on représente sous l’étiquette de « langue maternelle » sur les cartes géolinguistiques que nous avons examinées jusqu’à présent est bien plus proche d’un français langue vernaculaire que du français langue maternelle : au plan de la pure représentation cartographique, il n’y a en effet pas de raison de faire de différence entre le cas de Léa et celui de ses voisins norvégiens, la différence entre eux et elle tenant essentiellement à ce qu’ils n’utilisent pas la même langue en famille ; il est même douteux qu’une carte géolinguistique puisse prétendre rendre compte de telles subtilités.

Le concept de langue vernaculaire se révélera surtout opérationnel au moment où nous aborderons tout ce qui touche à la diglossie ; nous y reviendrons donc à ce moment-là.

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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