Reprenons la question de savoir si le fait que des personnes aient le français comme langue maternelle exclut qu’elles l’aient comme langue officielle ou comme langue administrative, comme le donne à penser la carte inspirée par les données du MAEE, qui colorie en rouge les régions où l’on trouve le français langue maternelle et en vert les régions où l’on trouve le français langue officielle :
La francophonie dans le monde selon le MAEE
Les Belges sont bien placés, notamment en période électorale, pour savoir que « langue maternelle » et « langue officielle » ne sont pas des concepts qui s’excluent, puisque chaque scrutin apporte son lot de tracasseries notamment dans les communes de la périphérie bruxelloise dites « communes à facilités », où les citoyens qui ont le français pour langue maternelle revendiquent le droit de recevoir leurs convocations électorales dans leur langue maternelle et non dans la langue officielle de la région, le néerlandais.
Il existe d’ailleurs des cartes géolinguistiques qui confirment que « langue maternelle » et « langue officielle » ne s’excluent pas, comme la carte que l’on trouve sur le site de l’Université allemande de Ludwigsburg[1] (carte qui est visiblement tirée d’une autre source, non mentionnée) :
En fait, « langue maternelle » et « langue officielle » sont des usages sociaux de la langue combinables entre eux. Leur combinaison débouche essentiellement sur deux situations linguistiques, selon que la langue élue comme officielle par un pays ou une région coïncide ou ne coïncide pas avec la langue maternelle représentative de sa population :
Corrélations entre langue maternelle et langue officielle (une seule langue maternelle et une seule langue officielle)
Langue maternelle A → | Langue officielle A |
Langue maternelle A → | Langue officielle B |
Par ailleurs, dans un même pays, plusieurs langues maternelles peuvent coexister, même si l’on ne tient compte que des langues maternelles quantitativement pertinentes ; on parle dans ce cas de langues co-maternelles.
De la même manière, un pays peut élire plusieurs langues officielles : on parle dans ce cas de langues co-officielles, de langues qui partagent avec une ou plusieurs autres le statut de langue officielle.
Les pays qui ont deux ou plusieurs langues officielles font l’objet d’une représentation distincte sur la carte suivante[2] :
Les langues officielles dans le monde
Il est à noter que cette carte n’est pas tout à fait correcte, puisqu’elle montre les États-Unis comme ayant pour langue officielle l’anglais, alors que nous venons de voir qu’une des caractéristiques des États-Unis est de ne pas avoir de langue officielle ; il en va de même pour la Grande-Bretagne. Cette carte représente donc davantage les langues administratives que les langues officielles. Mais malgré ses imprécisions, cette carte nous montre au moins de manière claire – par l’usage du panachage de couleurs – que plusieurs langues officielles peuvent exister dans un même pays ou une même région – en principe les Belges, les Québécois ou les Suisses n’ont pas besoin de ce genre de carte pour prendre conscience de cette réalité, à laquelle ils sont journellement confrontés.
L’OIF[3] distingue ainsi clairement les états qui ont le français comme unique langue officielle :
Les états qui ont le français comme unique langue officielle d’après l’OIF
Bénin | Burkina Faso | Congo | RD Congo | Côte d’Ivoire | France | Gabon |
Guinée | Mali | Monaco | Niger | Sénégal | Togo |
et les états qui ont le français comme langue co-officielle :
Les états qui ont le français comme langue co-officielle d’après l’OIF
Belgique (+ néerlandais et allemand) | Burundi (+ kirundi) |
Cameroun (+ anglais) | Canada (+ anglais) |
Centrafrique (+ sango) | Comores (+ shikomor et arabe) |
Djibouti (+ arabe) | Guinée équatoriale (+ espagnol) |
Haïti (+ créole) | Luxembourg (+ allemand et luxembourgeois) |
Madagascar (+ malgache et anglais) | Rwanda (+ anglais et kinyarwanda) |
Seychelles (+ créole et anglais) | Suisse (+ allemand, italien et romanche) |
Tchad (+ arabe) | Vanuatu (+ anglais et bichlamar) |
ce que l’on trouve résumé sur une nouvelle carte géolinguistique :
Les divers statuts du français dans le monde[4]
Ici encore, même si les tableaux et cartes de l’OIF ne reflètent pas toujours la réalité (ne serait-ce que parce que la situation linguistique des pays évolue), ils rendent au moins compte de la réalité de la distinction entre langue officielle (unique) et langues co-officielles (multiples).
Avec plusieurs langues officielles possibles et plusieurs langues maternelles possibles, les combinaisons entre ces deux usages ou statuts sociaux de la langue sont potentiellement beaucoup plus nombreuses que ce que nous avons envisagé précédemment. Nous retiendrons six des possibilités combinatoires, ne nous arrêtant qu’aux combinaisons les plus fréquentes :
Corrélations entre langues maternelles et langues officielles (plusieurs langues maternelles et/ou plusieurs langues officielles)
Langue maternelle A → | Langue officielle A |
Langue maternelle A → | Langue officielle B |
Langue maternelle A → | Langue officielle A, B |
Langue maternelle A, B → | Langue officielle A |
Langue maternelle A, B → | Langue officielle A, B |
Langue maternelle A, B → | Langue officielle C |
Nous allons examiner successivement ces six cas de figure théoriques pour voir ce qu’ils permettent de décrire comme situations linguistiques dans la pratique. Nous verrons qu’en fait, chacune de ces situations théoriques trouve une illustration à l’intérieur de l’espace francophone.
Configuration 1 |
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Configuration 2 |
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Configuration 3 |
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Configuration 4 |
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Configuration 5 |
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Configuration 6 |
[1]http://www.ph-ludwigsburg.de/html/2b-frnz-s-01/overmann/baf4/francophonie/ – consulté en janvier 2015.
[2]http://cartographie.sciences-po.fr/en/langues-officielles-dans-le-monde-principales-2007 – consulté en janvier 2015.
[3]http://www.francophonie.org/Denombrement-des-francophones.html – consulté en janvier 2015.
[4]http://www.francophonie.org/Denombrement-des-francophones.html – consulté en janvier 2015