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Une langue minoritaire

Le concept de « langue majoritaire » appelle celui de « langue minoritaire ».

Définition : Langue minoritaire
Une langue est dite « minoritaire » quand elle n’est la langue usuelle que d’une minorité des habitants d’un pays ou d’une région.

Le français langue minoritaire est représenté sur certaines cartes géolinguistiques sous l’étiquette de « minorités francophones », comme sur la carte de Wikipédia représentant la francophonie, carte que nous avons déjà eu l’occasion d’examiner :

La représentation de la francophonie sur Wikipédia
wiki5

ou comme sur cette autre carte trouvée sur Internet et intitulée « Carte du monde représentant les pays où la langue française est utilisée »[1] :

Le français langue majoritaire
francophonie2

Cette carte mêle des informations relevant de différents ordres :

  • « métropole et territoires français » sont des informations d’ordre géopolitique ;
  • « français langue maternelle » et « français langue officielle » sont des informations d’ordre sociolinguistique ;
  • « langue importante » ne veut pas dire grand-chose ;
  • « minorité francophone » est une information quantitative, la seule qui nous intéresse ici,

et, de ce fouillis, il ressort que la France est un pays dont le français n’est ni la langue maternelle ni la langue officielle ! Cela nous rappelle qu’il faut toujours traiter les informations collectées sur Internet avec discernement et en gardant un esprit critique affuté.

Si nous comparons les minorités francophones des deux cartes reprises ci-dessus, nous constatons qu’elles ne se superposent pas parfaitement : les deux cartes identifient des minorités francophones autour du bassin méditerranéen, dans le sud de l’Afrique, dans l’océan Indien, en Asie, dans l’océan Pacifique, mais se montrent un peu plus partagées sur la présence de minorités francophones en Amérique, l’une des deux cartes en pointant bien plus que l’autre au Canada, ainsi qu’en Europe, où seule une des deux cartes pointe des minorités francophones au Royaume-Uni.

Ces discordances de représentation des minorités sur les cartes sont intéressantes : elles nous invitent à nous poser la question de savoir à quel type de réalité linguistique correspond l’idée de « minorités francophones ».

Intuitivement, on pourrait sans doute se mettre d’accord sur le fait que si Léa s’installe demain en Laponie, elle ne constituera pas pour autant une minorité linguistique représentable sur la carte géolinguistique de la Laponie. En d’autres termes, la question est : à partir de quel moment peut-on considérer que des individus francophones sont en nombre suffisant pour justifier qu’on les fasse figurer sur une carte de la francophonie, fût-ce au titre de « minorité linguistique » ?

1. Les francophones des États-Unis

Pour répondre à cette question, nous allons, une fois encore, partir d’un exemple, qui va nous permettre de mieux cerner ce qui se cache réellement dernière cette étiquette de « minorité linguistique ».

Dans le domaine de la francophonie, le cas le plus clair de « minorité linguistique » est celui des francophones des États-Unis d’Amérique.

Aux États-Unis, le français est, pour des raisons qui s’expliquent historiquement, une langue répertoriée comme minoritaire, car il n’est pratiqué que par un demi-pourcent de la population, soit plus ou moins 13 millions de personnes. Si nous comparons ce demi-pourcent aux 99,5 % d’Américains qui ne sont pas francophones, il s’agit bien d’une minorité au sens strictement quantitatif des choses. Mais ce qui est plus important ici que le dénombrement de ces francophones des États-Unis, c’est que ce demi-pourcent de la population, ces 13 millions de personnes ne sont pas dispersées aléatoirement sur le vaste territoire des États-Unis : les francophones des États-Unis sont concentrés essentiellement en Louisiane et dans le Nord du Maine.

Répartition des francophones aux États-Unis[2]
usa

Ainsi, si le français est une langue minoritaire des États-Unis à l’échelle du pays, c’est aussi, et c’est ce qui nous importe, une langue majoritaire dans une partie de la Louisiane et dans une partie du Maine. C’est cette double caractéristique de faible pourcentage par rapport à l’ensemble du territoire et de forte concentration en deux points du territoire qui vaut à la Louisiane et au Maine de figurer sur nos cartes géolinguistiques au rang de « minorités francophones » – sont en revanche exclus de la carte les régions où le faible pourcentage s’allie à une dispersion des individus.

2. Minorités expliquées historiquement

Il existe dans de nombreux endroits du monde des minorités francophones, dont la présence s’explique le plus souvent historiquement, comme c’est le cas pour la Louisiane, qui a été une possession française.

Les iles anglo-normandes de la Manche constituaient la partie insulaire de la Normandie avant d’être rattachées à l’Angleterre en 1204 et malgré le rattachement à l’Angleterre, le jersiais et le guernesiais, dialectes dérivés du normand, y font encore toujours partie du patrimoine culturel. Le français y est d’ailleurs à la fois langue officielle et langue enseignée.

Les Iles Anglo-Normandes
anglo normandes

Ces iles ne sont cependant pointées sur aucune de nos deux cartes comme présentant des minorités francophones ; l’une d’elles pointe certes une concentration francophone au Royaume-Uni, mais la localise bien loin des iles anglo-normandes :

La représentation de la francophonie sur Wikipédia
wiki5

Pourtant les conditions de nombre et de concentration d’une population francophone y sont réunies, même si en nombre absolu les francophones des iles anglo-normandes sont infiniment moins nombreux que les francophones des États-Unis.

La conquête de la route des Indes au XVIIe siècle a vu l’implantation de comptoirs commerciaux français dans le sud de l’Inde où subsistent encore de nos jours des groupes francophones suffisamment importants pour être jugés significatifs et dont certains figurent sur les cartes, notamment dans la région de Pondichéry, où s’est d’ailleurs développé un nouveau dialecte du français.

La situation stratégique de la Tunisie et du Liban aux confins du bassin méditerranéen, passages obligés des croisés venus essentiellement de France lors des Croisades menées au Moyen Âge vers la Terre Sainte, a jusqu’à nos jours fait subsister dans ces régions des minorités francophones significatives.

3. Minorités expliquées géographiquement

La présence de minorités francophones peut également s’expliquer géographiquement : les minorités francophones que l’on trouve concentrées dans le nord de la province américaine du Maine s’expliquent principalement par la proximité géographique de la province de Québec :

Le Maine et le Québec
maine quebec


[1]http://www.world-territories.com/ttfr/dossiers.php?dossier=francophonie – consulté en janvier 2015.
[2]D’après http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tats_des_%C3%89tats-Unis – consulté en janvier 2015.

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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