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Les conséquences du choix du latin classique

La mise en présence renforcée de deux formes différentes du latin – le latin classique, réintroduit par Charlemagne dans sa variante conservatrice, et le latin pratiqué localement depuis plusieurs siècles, devenu gallo-roman dans nos régions – a eu pour effet d’agrandir le fossé entre l’une et l’autre formes du latin et d’accélérer l’évolution du latin pratiqué localement vers les différentes langues romanes.

En effet, du fait de cette réintroduction du latin classique, les lettrés carolingiens ont pris conscience que la langue parlée quotidiennement (langue qui était issue du latin vulgaire) avait tellement évolué qu’il était devenu impossible de faire comprendre un texte en latin classique à ceux qui n’avaient pas étudié cette langue, même s’ils avaient le latin, dans sa variante vulgaire, pour langue maternelle.

En témoignent notamment les conciles[1] de 813, que Charlemagne a réunis, entre autres, autour du constat que le peuple n’était plus capable de comprendre les homélies[2] que les prêtres prononçaient à l’église dans leur latin chrétien, qui était pourtant une forme simplifiée du latin classique.

Recommandations des conciles de 813
[…] ut easdem omelias quisque aperte transferre studeat in rusticam Romanam linguam aut Theodiscam, quo facilius cuncti possint intellegere quae dicuntur […]
(Tours, canon[3] 17)
Trad. Et que chacun s’efforce de transposer clairement lesdites homélies en langue romane rustique ou en tudesque, afin que tous puissent plus facilement comprendre ce qui est dit.

Praedicet juxta quod intelligere vulgus possit
(Mayence, canon 25)
Trad. Qu’il prêche de manière à ce que le peuple des fidèles puisse le comprendre.

Ut episcopi sermones et omelias sanctorum patrum prout omnes intellegere possunt secundum proprietatem linguae praedicare studeant
(Reims, canon 15)
Trad. Que l’on s’efforce de prononcer les sermons de l’évêque et les homélies des saints pères dans une langue appropriée, afin que tous puissent comprendre.

Ainsi, à l’époque de Charlemagne, malgré leur lien génétique, le latin classique et la forme qu’avait prise le latin vulgaire ont été perçus comme deux langues distinctes, non plus comme deux variantes d’une même langue, tant elles s’étaient différenciées. L’introduction du latin classique a contribué à créer une nouvelle situation de diglossie.


[1] Concile : ‘assemblée d’évêques de l’Église catholique’
[2] Homélie : ‘commentaire de circonstance prononcé par le prêtre lors d’une messe catholique’
[3]Canon : ‘texte qui précise une doctrine religieuse’

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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