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Le travail des Académiciens

Dans la perspective de peaufiner cette langue perçue comme un chef-d’œuvre, le XVIIe siècle a vu la fondation de l’Académie française en 1634, une Académie fondée par Richelieu en vue de préserver la langue française, d’en définir les normes et d’en encourager les bonnes pratiques ; il s’agissait au départ d’une association informelle de lettrés que Richelieu a institutionnalisée en 1635.

Les Académiciens s’étaient donné pour tâche de rédiger, entre autres, un dictionnaire, une grammaire et un art poétique. La grammaire de l’Académie française est essentiellement le fait de Vaugelas, qui faisait partie des fondateurs de l’Académie française, dans laquelle il jouait le rôle de « greffier de l’usage ». Son caractère méticuleux et tatillon est l’une des principales raisons de la lenteur avec laquelle ont progressé les travaux des Académiciens.

Vaugelas publia en 1647 des Remarques sur la langue françoise qui firent longtemps office de grammaire de l’Académie ; la « vraie » grammaire de l’Académie ne verra en effet le jour qu’en 1930 « à peine deux cent quatre-vingt-seize ans et demi »[1] après la création de l’Académie.

On se souvient que dans l’introduction de ses Remarques, Vaugelas nous indique clairement quelle est la variété du français qu’il se donne à décrire – nous avons abordé ce point aux chapitres consacrés à la variation et au prestige linguistique :

Le bon usage défini par Vaugelas
Le mauvais se forme du plus grand nombre de personnes, qui presque en toutes choses n’est pas le meilleur, et le bon au contraire est composé non pas de la pluralité, mais de l’élite des voix, et c’est véritablement celui que l’on nomme le maître des langues. Voicy donc comme se définit le bon Usage […] c’est la façon de parler de la plus saine partie de la Cour, conformément à la façon d’escrire de la plus saine partie des Autheurs du temps. Quand je dis la Cour, j’y comprens les femmes comme les hommes, et plusieurs personnes de la ville ou le Prince réside, qui par la communication qu’elles ont avec les gens de la Cour participent à sa politesse.
(Vaugelas, Remarques sur la langue françoise, 1647, p. 2 de la préface)

Les choses ont le mérite d’être très claires : « la partie la plus saine de la nation », en d’autres termes Vaugelas se donnait à décrire la langue de la classe sociale la plus prestigieuse, sans faire cas de la langue des autres classes sociales – même s’il nous précise que cette classe emprunte sa manière de parler le français à la manière d’écrire des écrivains de l’époque.

Cela doit rappeler l’attitude de cette reine qui se serait moquée de Conon de Béthune au XIIe siècle, parce qu’il usait dans ses poèmes d’un français trop éloigné du sien. On y avait vu les premiers signes de ce que la langue pratiquée dans le cercle royal tendait à s’élever en norme. Vaugelas s’inscrit directement dans le prolongement de cette idée.

L’action des grammairiens aura ensuite au long du XVIIe siècle un impact d’autant plus important sur la langue française que celle-ci jouira alors du prestige retrouvé par la France durant le règne de Louis XIV et endossera le statut de chef-d’œuvre qu’il faut préserver : les grammairiens, Vaugelas surtout, ainsi que l’ensemble des Académiciens français s’attacheront à essayer de figer la langue française, ou plutôt une certaine image de la langue française, pour l’éternité.


[1]Discours d’Abel Hermant en séance publique de l’Académie le 25 octobre 1930.

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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