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La fragmentation dialectale

Une des principales particularités de la langue française du Moyen Âge, est sa dialectalisation, une caractéristique qu’elle doit aux conditions dans lesquelles cette langue s’est construite.

Lorsque nous avons abordé la situation linguistique de la Gaule romanisée, nous avons vu que le latin vulgaire qui est devenu à cette époque la langue vernaculaire des Gallo-Romains, se caractérisait déjà, pour des raisons aussi bien géographiques que sociales par un caractère fragmenté, qui s’est superposé au caractère vraisemblablement tout aussi fragmenté du celtique des Gaulois.

Même si dans cet espace linguistiquement fragmenté que constitue la zone d’éclosion de la langue française on peut regrouper les dialectes gallo-romans en deux grandes familles, les dialectes d’oïl et les dialectes d’oc, et peut-être une troisième famille qui serait constituée par les dialectes francoprovençaux, il n’en reste pas moins qu’au sortir de l’époque franque, la zone linguistique qui correspond à la France de l’époque est fortement marquée par la dialectalisation.

Les familles dialectales gallo-romanes
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Cette nouvelle carte peut donner une petite idée cette fragmentation dialectale :

La fragmentation dialectale au Moyen Âge
dialectes MA

Attirons, une fois encore, l’attention sur le fait que cette carte ne figure aucun dialecte parisien. C’est qu’en effet il n’existait pas de dialecte parisien sur la carte géolinguistique de la France du Moyen Âge : on parlait picard, champenois ou normand jusqu’aux portes de Paris, qui n’était encore qu’une petite bourgade, insignifiante à côté de ces importantes zones d’activité économique et culturelle que constituaient la Picardie ou la Champagne.

Voici une carte qui nous montre l’étendue de Paris en 1180, à la fin du XIIe siècle donc :

Paris en 1180[1]
paris1180

Les fondations de Notre-Dame, l’Ile de la Cité, deux ponts enjambant des bras de la Seine, plus quelques groupements de maisons de part et d’autre de la Seine. Jusqu’au XIe siècle au moins, Paris n’était qu’une petite bourgade, qui n’a commencé à prendre de l’importance qu’à partir du moment où les rois de France en ont fait leur lieu de résidence, ce qui s’est concrétisé, à la fin du XIIe siècle par l’entame des travaux de construction de Notre-Dame.

À titre comparatif, voici la même ville de Paris au début du VIe siècle :

Lutèce en 508[2]
paris508

Entre le début du VIe siècle et la fin du XVe, Paris s’est à peine étendu. En réalité, jusqu’au XVe siècle,  Lyon sera une ville française infiniment plus significative que Paris et Lyon ne s’effacera devant Paris qu’au cours du XVIe siècle – Lyon, première grande ville de la Gaule romanisée, située dans la Provincia.

Paris n’était au Moyen Âge qu’une bourgade insignifiante et on parlait normand, picard et champenois jusqu’aux portes de cette bourgade, auquel ne s’associait aucun dialecte spécifique.

Les langues de Paris
dialectes paris

Il n’existait pas de dialecte de Paris au Moyen Âge, mais on se souvient  que pour des raisons qui tiennent au prestige linguistique, les grammairiens du XIXe siècle ont inventé un pseudo-dialecte parisien du Moyen Âge baptisé francien, au mépris de toute réalité historique et linguistique.

La région parisienne fut, au mieux, le lieu de convergence des dialectes les plus importants de la zone d’oïl et le lieu d’émergence de la langue que deviendra le français – c’est notamment le point de vue défendu par Walther von Wartburg (1962 : 89-90).

Le « francien » comme zone de convergence linguistique
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[1] http://www.oldmapsofparis.com/map/1180
[2] http://www.oldmapsofparis.com/map/508. On est très loin de la ville à la mode qui fait rêver les femmes du village d’Astérix, dont le créateur se révèle ici bien moins documenté que sur d’autres plans ; pour se faire une idée du Lutèce de l’époque d’Astérix, cf. https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Plan_de_Paris_Lutece_BNF07710744.png

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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