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Définissons la francophonie

Qu’est-ce que la francophonie ?

Le mot francophonie est relativement récent et semble avoir fait son entrée dans la langue française à la fin du XIXe siècle, lorsqu’Onésime Reclus l’a utilisé pour désigner l’ensemble des personnes et des pays parlant le français.

Pour nous forger une définition de la francophonie, nous allons examiner successivement ce que nous en disent les dictionnaires, les encyclopédies et les images : 

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La francophonie selon les dictionnaires

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La francophonie selon les encyclopédies

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La francophonie en images

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Notre définition de la francophonie

La francophonie selon les dictionnaires

Depuis son entrée dans la langue à la fin du XIXe siècle, le sens du mot « francophonie » n’a pas fondamentalement changé. À l’heure actuelle, les dictionnaires courants de la langue française donnent du terme « francophonie » des définitions où il est question tantôt de personnes, tantôt d’institutions, tantôt de pays… qui s’expriment en français.

Si le dénominateur commun de ces définitions est l’usage de la langue française pour s’exprimer, le fait qu’il ne soit pas seulement question, dans la définition, de personnes, mais qu’il soit aussi question de pays ou régions interpelle quelque peu.

La faculté de langage est en effet une caractéristique spécifique de l’être humain et, quand on y réfléchit, il peut sembler absurde de considérer qu’un pays parle. Pour pouvoir étendre la capacité de langage à des régions ou à des institutions, il faut soit considérer celles-ci comme personnifiées, soit considérer que les régions et institutions sont, dans le contexte qui nous intéresse, utilisées métaphoriquement pour désigner les personnes qui les représentent. La deuxième option est celle qui correspond sans doute le mieux à la figure de style que nous opérons, consciemment ou inconsciemment, dans notre esprit quand nous disons que des institutions ou des régions « s’expriment en français ». Une meilleure manière de dire les choses serait toutefois de dire que la francophonie définit un espace virtuel qui rassemble les personnes, institutions et régions qui ont le français en partage, en évitant l’usage du verbe « parler » ou celui du verbe « s’exprimer » dans la définition.

Mais les définitions de la francophonie ne s’arrêtent pas là. Si nous poussons plus loin nos investigations, même sans nous plonger dans des ouvrages techniques ou spécialisés, il nous est possible de collecter bien plus d’informations sur ce qu’est ou pourrait être la francophonie.

La francophonie selon les encyclopédies

Considérons la vision de la francophonie que donnent les encyclopédies et prenons comme exemple la source d’information la plus prisée des étudiants sur la toile: l’encyclopédie libre Wikipédia – même si à l’Université on attend généralement des étudiants qu’ils consultent d’autres sources[1].

Nous y trouvons de la francophonie la définition suivante[2] :

La notice « francophonie » de Wikipédia
wiki1

Avant de nous pencher sur la définition elle-même, arrêtons-nous quelques instants à certains aspects plus méthodologiques de cette définition.

L’auteur de la notice de Wikipédia produite en 2015, à laquelle nous référons ici, a assortisa définition de deux notes qui renvoient au bas de la notice.

La première de ces deux notes renvoie à l’Académie française :

Les références de Wikipédia I
wiki3

Cette note commence par mentionner la définition de l’Académie française. Dans un premier temps, on pourrait penser que l’auteur de la notice fournit ici la référence de sa définition. Or le contenu de la note nous informe que l’Académie française est citée ici pour un complément d’information qu’elle donne sur la définition qui figure dans la notice. En d’autres termes, cette note n’est pas une note de référence, mais une note documentaire[3].

Considérons la référence qui est faite dans cette note à l’Académie française. Elle est accompagnée d’un lien dont on s’attendrait à ce qu’il mène au site de l’Académie française, puisque c’est celle-ci qui est citée, mais qui mène en réalité à une fiche du CNRTL (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales)[4].

La fiche du CNRTL à laquelle conduit le lien regroupe toutes les définitions que le dictionnaire de l’Académie française donne du mot « francophonie » dans sa 9e édition, c’est-à-dire dans l’édition en cours. Parmi les définitions de cette édition du dictionnaire de l’Académie, on retrouve textuellement sous le paragraphe n° 3 le contenu de la note donnée dans la notice de Wikipédia.

Les références de Wikipédia II
wiki cnrtl

À ce stade, nous pouvons déjà observer :

  1. que l’auteur de la notice cite le dictionnaire de l’Académie française et non l’Académie française elle-même – il aurait donc dû adopter une formulation du type « Selon la définition du dictionnaire de l’Académie française » ;
  2. qu’il cite ce dictionnaire d’après le texte que donne le CNRTL, ce qu’il n’indique nulle part ;
  3. que l’auteur de la notice cite textuellement le dictionnaire de l’Académie française, et qu’il aurait donc dû, puisqu’il y a citation textuelle, assortir sa citation de guillemets ou d’une quelconque autre marque de citation, ce qu’il a omis de faire.[5]

Il y a plus. Si nous remontons dans le contenu de la page du CNRTL qui reprend la définition que donne le dictionnaire de l’Académie française de la francophonie, nous retrouvons textuellement, sous le paragraphe n° 2 de cette définition, la définition donnée par l’auteur de la notice de Wikipédia dans la notice même cette fois, et une fois encore cette citation textuelle se fait sans l’usage des guillemets ou d’autres marques de citation textuelle.

En quelques lignes, l’auteur de cette notice sur la francophonie commet ainsi plusieurs infractions à la fois méthodologiques et déontologiques aux pratiques universitaires.De tels manquement contribuent évidemment à ancrer la « mauvaise réputation » de Wikipédia, alors qu’il est aisé de les éviter.

Des différentes définitions que donne le dictionnaire de l’Académie française de la francophonie, l’auteur de la notice ne reprend pas la première, ni dans sa notice, ni dans sa note – « le fait de parler français », alors qu’il n’y a a priori aucune raison de la rejeter : elle n’est pas incorrecte et donne le sens originel du mot francophonie. C’est d’ailleurs par « le fait de parler français » que l’OIF (Organisation internationale de la Francophonie) définit encore le concept de francophonie :

La francophonie vue par l’OIF
On parle désormais de francophonie avec un « f » minuscule pour désigner les locuteurs de français et de Francophonie avec un « F » majuscule pour figurer le dispositif institutionnel organisant les relations entre les pays francophones.[6]

Comme le dictionnaire de l’Académie française, l’OIF oppose deux francophonies, l’une avec minuscule, l’autre avec majuscule, et associe à la forme avec minuscule la définition première du mot (« les locuteurs de français »), et à la forme avec majuscule, une définition étendue du même mot.

Revenons à notre notice de Wikipédia et aux deux notes de bas de page qui l’assortissent. Nous venons d’examiner la première de ces notes pour mettre au jour ses incohérences méthodologiques.

La seconde note qui assortit la définition de la francophonie fournit, si on en juge par son contenu, un lien qui renvoie à l’article « Les francophones dans le monde » du site Internet « La documentation française »[7] :

Les références de Wikipédia III
wiki4

Si on suit ce lien, on constate que s’il conduit bien vers le site La documentation française et, dans ce site, vers un article où il est effectivement question de francophones, on ne trouve dans cet article ni la définition produite dans la notice de Wikipédia, ni même les éléments de la définition à laquelle cette référence est attachée[8] :

Les références sur Wikipédia IV
wiki df

L’analyse de ces quelques lignes d’une notice de Wikipédia et des notes qui l’assortissent nous permet de pointer un des risques majeurs de la consultation de Wikipédia dans le cadre des études universitaires : si les contenus des notices de Wikipédia sont réputés fiables (et le sont de fait généralement), leurs sources et la manière d’y renvoyer le sont beaucoup moins et un étudiant à l’université ne saurait s’en satisfaire : des vérifications, en vue de recoupements, et parfois de rectifications, sont indispensables. On ajoutera à cela que, même si les contenus de Wikipédia sont généralement fiables, dans le cas précis de tout ce qui touche à la linguistique, et plus particulièrement encore à la linguistique française, les contenus de Wikipédia font plus que laisser à désirer (pour des raisons qui tiennent essentiellement à la variation de la langue française et des points de vue qu’on peut adopter pour en parler). Wikipédia n’est donc pas un outil de travail d’une grande fiabilité dans le cadre d’une formation linguistique avec le français comme langue-cible. Cela ne veut évidemment pas dire que cette encyclopédie n’est pas un bon outil, mais il faut avant toute chose apprendre à s’en servir.

Le manque de rigueur des sources de Wikipédia ne nous empêche pas de nous arrêter sur la définition donnée, d’autant qu’on a vu que cette définition provient du dictionnaire de l’Académie française, qui fait, lui, autorité (et ici encore, qu’il soit fiable ne veut pas dire qu’il soit infaillible).

Reprenons cette définition et intéressons-nous cette fois à son contenu, non plus aux notes qui prétendent la cautionner.

Définition : La francophonie selon Wikipédia
La francophonie désigne l’ensemble des personnes et des institutions qui utilisent le français comme langue maternelle, langue d’usage, langue administrative, langue d’enseignement, langue choisie.[9]

Nous retrouvons dans cette définition la distinction entre personnes et institutions que l’on trouve dans les définitions des dictionnaires usuels, ce qui semble au moins indiquer qu’il est pertinent, d’une certaine manière, de considérer que la pratique de la langue française ne se limite pas à des personnes. Mais nous découvrons également dans cette définition une série d’usages que l’on peut faire de la langue française au sein de la francophonie : « langue maternelle, langue d’usage, langue administrative, langue d’enseignement, langue choisie ». Ces usages, autrement dit ces contextes d’emploi de la langue, sont précisément ce que nous allons étudier dans ce chapitre, mais avant cela, nous allons consulter d’autres définitions, pour voir si nous pouvons inventorier d’autres éléments de définition de la « francophonie » pour aller vers une meilleure complétude de la définition.


[1]À ce sujet, consulter la notice Wikipédia de Boussole. 
[2]http://fr.wikipedia.org/wiki/Francophonie – consulté en janvier 2015.
[3]Au sujet des différents types de notes, consulter la notice Notes de Boussole.
[4]http://www.cnrtl.fr/definition/academie9/francophonie – consulté en janvier 2015.
[5]À ce sujet, se reporter aux notices CItation textuelle et Marquage des citations textuelles de Boussole.
[6]http://www.francophonie.org/-Qu-est-ce-que-la-Francophonie-.html – consulté en janvier 2015.
[7]http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/d000124-la-francophonie/les-francophones-dans-le-monde – consulté en janvier 2015. 
[8]Il est parfois difficile de renvoyer de manière précise à une page web. À ce sujet, se reporter à la notice Identifiant d’objet numérique de Boussole. 
[9]http://fr.wikipedia.org/wiki/Francophonie – consulté en 2015.

La francophonie en images

Pour poursuivre notre examen de ce qu’est la francophonie, nous pouvons tenter de nous représenter figurativement l’espace francophone, puisque les définitions usuelles identifient des régions qui ont le français en partage, aspect masqué par l’auteur de la définition trouvée sur Wikipédia.

Pour nous faire une idée figurative de l’espace francophone, nous pouvons ici encore effectuer une recherche d’images sur Internet via un moteur de recherche.

Quels résultats obtenons-nous si nous lançons une requête « francophonie » avec Google Image ? (Nous obtiendrions un résultat sensiblement identique avec n’importe quel autre moteur de recherche).

En première ligne, nous collectons toute une série de logos, dont la majorité nous renvoie vers l’Organisation internationale de la Francophonie :

L’OIF
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Le nom de cette organisation a déjà été cité précédemment au moment où a été mise au jour la différence entre une francophonie avec f minuscule et une Francophonie avec F majuscule. L’Organisation internationale de la Francophonie est, comme l’indique son nom, spécifiquement dédiée aux questions relatives à la francophonie :

Les missions de l’OIF
L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a pour mission de donner corps à une solidarité active entre les 77 États et gouvernements qui la composent (57 membres et 20 observateurs). Une communauté de destin consciente des liens et du potentiel qui procèdent du partage d’une langue, le français, et des valeurs universelles.[1]

Notons que la langue française n’est pas la seule langue qui se soit vu doter d’un organisme international de veille et de solidarité, comme on peut en juger d’après la carte suivante :

La francophonie et les autres espaces linguistiques [2]
organisations

Il faut noter toutefois que, pour certains de ces organismes, la communauté de langue est secondaire :

  • le Commonwealth of Nations ;
  • le Communauté des États Indépendants.

Mais beaucoup ont fait de la communauté de langue leur objet principal :

  • la Nederlandse Taalunie (néerlandais) ;
  • l’Organizaçaõ dos Estados Ibero-americanos/Organización de Estados Iberoamericanos (portugais – espagnol) ;
  • et bien sûr la Francophonie (français).

Notre recherche d’images liées à la francophonie sur Internet nous livre donc d’abord des informations sur l’OIF, ainsi que sur d’autres organismes centrés sur la francophonie, mais ce n’est pas ce que nous cherchions, puisque nous voulions surtout nous faire une idée de l’espace francophone.

En dehors des logos, notre recherche nous livre une série de cartes du monde qui correspondent davantage à nos attentes – celle que nous venons de voir et qui figure le champ d’action des organismes de veille linguistique dans le monde en est un exemple. Ces cartes sont des cartes géolinguistiques, c’est-à-dire des cartes géographiques qui donnent des informations d’ordre linguistique.

Les cartes consacrées à l’espace francophone tentent de rendre compte de la présence de francophones dans le monde, de manière souvent très colorée :

La représentation de la francophonie sur Wikipédia
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La carte qui est reproduite ci-dessus est celle que l’on trouve sur Wikipédia[3] et qui assortit la notice dont nous avons déjà examiné la définition :

Texte et image de la francophonie sur Wikipédia
wiki2

La légende qui accompagne cette carte est, encore une fois, intéressante à examiner de près. Elle nous montre en effet que cette carte essaie dans une certaine mesure de transposer dans l’espace la définition donnée ailleurs en mots : on y retrouve en effet les étiquettes « langue maternelle », « langue administrative », « langue de culture », « minorités francophones ».

« Langue maternelle » et « langue administrative » sont deux des usages qui figurent dans la définition de la notice même et qu’on peut ainsi visualiser.

Rappel de la définition de la francophonie selon Wikipédia
La francophonie désigne l’ensemble des personnes et des institutions qui utilisent le français comme langue maternelle, langue d’usage, langue administrative, langue d’enseignement ou langue choisie.

Mais « langue de culture » est un usage de la langue française que ne donne pas la définition et qu’on découvre par l’image. Il en va de même pour les « minorités francophones », dont il n’est pas non plus question dans la définition ; bien plus, cette expression renvoie à des données quantitatives (« minorités ») que nous n’avons jusqu’ici rencontrées ni dans la définition de la notice de Wikipédia, ni dans les autres définitions rencontrées jusqu’ici.

On découvre là un autre défaut de la notice de Wikipédia consacrée à la « francophonie » : le texte et la carte qui l’illustre ne donnent pas les mêmes informations. Dans une encyclopédie, et plus généralement dans un document scientifique, le texte et l’image devraient pourtant donner des informations qui se répondent (une encyclopédie n’est pas un livre d’images)[4].

Revenons à notre propos. Si l’on en juge par sa légende, la carte trouvée sur Wikipédia regroupe des informations de deux ordres :

  1. des informations plutôt qualitatives, sur les différents usages qui sont faits du français à travers le monde ;
  2. et des informations plutôt quantitatives, sur la présence de minorités francophones en certains lieux.

Ce n’est pas très cohérent, mais si nous poussons un peu plus loin l’examen des cartes géolinguistiques que le moteur de recherche Google a collectées pour nous, nous pouvons constater que ces deux ordres d’informations sont assez souvent présents aussi sur d’autres cartes géolinguistiques, en d’autres termes que le défaut n’est pas propre à la carte trouvée sur Wikipédia… ou que ce qui nous apparait ici comme un défaut n’en est peut-être pas un. Nous verrons ce qu’il en est dans la suite de nos investigations.

Considérons les informations d’ordre qualitatif qui figurent sur les cartes géolinguistiques qui s’affichent sur la toile après une requête « francophone ».

Les informations relatives au type d’usage que l’on fait de la langue française sont les seules ciblées par la carte suivante, donnée par le Ministère français des Affaires étrangères et européennes, carte qui ne s’assortit d’aucun chiffre ni d’aucune donnée quantitative de quelque ordre qu’elle soit[5] :

La francophonie dans le monde selon le MAEE
MAEE

Dans la légende de cette carte, l’usage « langue maternelle » est opposé à l’usage « langue officielle » ou « langue de communication ».

Même si ces deux dernières étiquettes – « langue officielle » ou « langue de communication » – sont nouvelles par rapport aux informations que nous avons déjà collectées sur la francophonie, elles restent de l’ordre des informations qualitatives, elles portent sur les usages qui peuvent être faits de la langue.

Les informations que livrent les cartes géolinguistiques sont cependant le plus souvent d’ordre quantitatif et il est particulièrement intéressant de s’arrêter aux spécificités de ces informations quantitatives.

Les informations quantitatives dont rendent compte les cartes géolinguistiques sont

  • soit de l’ordre du dénombrement, comme sur cette carte de l’OIF[6] :

 La répartition des francophones selon l’OIF
OIF2

  • soit de l’ordre de la concentration, comme sur cette autre carte de l’OIF, trouvée sur la même page de la toile que la précédente :

La concentration des francophones selon l’OIF
OIF3


[1]http://www.francophonie.org/L-Organisation-internationale-de.html – consulté en janvier 2015.
[2] D’après http://wuhanwto.space-forums.com/revisions-sur-la-francophonie-t24.html – consulté en janvier 2015.
[3]http://fr.wikipedia.org/wiki/Francophonie – consulté en janvier 2015.
[4]Sur ce point, consulter la notice Illustrations de Boussole.
[5]République française, rapport du MAEE, 2011.
[6]http://www.francophonie.org/Denombrement-des-francophones.html – consulté en janvier 2015.

Notre définition de la francophonie

Nous pouvons déjà faire le point sur les éléments de définition de la francophonie que nous avons rassemblés à travers les dictionnaires, les encyclopédies et les images.

Nous allons partir d’une première définition, en nous bornant pour l’instant à rectifier les définitions fournies par les dictionnaires courants :

Définition : Francophonie
Ensemble des personnes, institutions et régions qui ont le français en partage.

Nous pouvons ajouter à cette définition les informations qualitatives que nous avons collectées à travers les encyclopédies, sur les sites Internet et sur les images liées au concept de francophonie. Nous avons recensé :

  • « langue maternelle », « langue d’usage », « langue administrative », « langue d’enseignement », « langue choisie » dans la notice de Wikipédia ;
  • « langue de culture » sur la carte de Wikipédia ;
  • « langue officielle et langue de communication » sur la carte du MAEE.

Nous pouvons donc compléter notre définition comme suit :

Définition : Francophonie
Ensemble des personnes, institutions et régions qui ont le français en partage, quel que soit l’usage que ces personnes, institutions ou régions font du français (langue maternelle, langue d’usage, langue administrative, langue d’enseignement, langue choisie, langue de culture, langue officielle, langue de communication…).

Dans cette définition, l’inventaire des usages de la langue française est assorti de points de suspension : même si nous n’avons pas examiné tous les documents disponibles, nous avons vu que chaque nouveau document – notamment les cartes – pointait un ou plusieurs usages nouveaux : il n’est donc pas impossible que notre inventaire des usages ne soit pas exhaustif. Mais il n’est pas impossible non plus que certains des usages recensés et repris dans la définition ci-dessus se recoupent, ni que certaines étiquettes soient interchangeables, et que les différents usages soient en réalité moins nombreux que ce que donne à penser cette définition. Pour le moment nous n’en savons rien, nous nous contenterons donc de considérer cette définition comme correcte sous bénéfice d’inventaire, c’est-à-dire en nous réservant le droit de la vérifier et de la rectifier si besoin est dans la suite de notre recherche. Nous verrons, chemin faisant, si les informations d’ordre quantitatif que nous avons trouvées sur certaines cartes géolinguistiques sont pertinentes et utiles à notre définition.

Comment allons-nous procéder ? Nous allons examiner un à un chacun des usages pointés dans la définition ci-dessus pour essayer de mieux comprendre les réalités que cette terminologie recouvre. Nous reviendrons ensuite sur notre définition pour voir si elle est toujours valide et s’il ne faut pas la rectifier.

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Une langue maternelle

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Une langue officielle

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Une langue de communication

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Une langue vernaculaire

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Une langue de culture ou de référence

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Langue d’enseignement

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Langue choisie

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Langues majoritaires et langues minoritaires

 

Une langue maternelle

L’usage du français comme langue maternelle est l’un des premiers usages cités dans nos sources, d’où la question fondamentale : « qu’est-ce qu’une langue maternelle ? ».

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Qu’est-ce qu’une langue maternelle ?

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La représentation sur les cartes du français langue maternelle

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La situation actuelle

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La situation antérieure

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La langue maternelle en bref

 

Qu'est-ce qu'une langue maternelle ?

Définition : Langue maternelle
La langue maternelle est la langue dans laquelle l’enfant apprend à parler – littéralement, c’est la langue de la mère.

Une première observation que nous pouvons faire au vu de la définition littérale que l’on trouve usuellement est que le concept de langue maternelle est applicable à des personnes, non à des institutions ou à des régions.

Nous avons déjà soulevé la difficulté qu’il y avait à mettre des personnes, des institutions et des régions sur le même plan dans une définition de la francophonie et nous devrons tout au long de notre recherche nous intéresser à cet aspect de notre définition et nous poser la question de savoir si « institution » ou « région » sont des éléments pertinents pour définir la francophonie. En regard du concept de « langue maternelle », ils ne le sont pas : une institution, une région ne sauraient être dotées d’une langue maternelle – du moins au sens strict.

L’expression « langue maternelle » n’est pas récente ; appliquée à la langue française, on la rencontre déjà dans un texte du xve siècle et elle s’est transportée telle quelle au cours des siècles suivants :

Extrait de l’Ordonnance de Charles VIII dite ordonnance de Moulins (28 décembre 1490)
[…] les dicts & depositions des tesmoins […] seront mis redigez par escrit en langage François ou maternel […]
Trad. Les propos et dépositions des témoins seront mis, rédigés par écrit en langue française ou maternelle.

Elle reflète une société dans laquelle l’éducation des enfants était presque exclusivement prise en charge par la mère, le père étant très peu présent dans l’univers familial. À l’heure actuelle, l’expression langue maternelle n’est plus à prendre littéralement : les enfants de couples dont le père et la mère n’ont pas la même langue maternelle peuvent très bien être élevés dans la langue pratiquée par leur père, sans que pour autant l’on adapte la terminologie et que l’on parle de langue paternelle.

Nous pouvons donc retenir que la langue maternelle est la langue dans laquelle l’enfant apprend à parler et qu’il faut se garder, dans les sociétés modernes, d’interpréter l’adjectif maternel au pied de la lettre.

La représentation sur les cartes du français langue maternelle

Si nous reprenons la carte du Ministère français des Affaires étrangères et européennes que nous avons vue précédemment, nous observons que, si nous lisons la carte d’ouest en est, les locuteurs qui ont le français comme langue maternelle se trouvent en Polynésie, au Québec, dans quelques iles de l’océan Atlantique, en France, dans quelques iles de l’océan Indien et dans quelques iles de l’océan Pacifique.

On peut être légitimement surpris de découvrir à travers cette carte et sa légende qu’il n’y aurait pas de locuteur qui ait le français comme langue maternelle en Belgique et en Suisse :

La francophonie dans le monde selon le MAEE
MAEE

Sur ce point, la carte que nous avons trouvée sur Wikipédia correspond peut-être davantage à notre intuition – et aussi à la réalité linguistique –, puisque dans les dégradés de bleu qu’elle adopte, on observe qu’une partie de la Belgique et une partie de la Suisse sont considérées comme des régions où l’on trouve des locuteurs qui ont le français pour langue maternelle :

La représentation de la francophonie sur Wikipédia
wiki5

Mais si nous poussons plus loin la réflexion, nous devons constater qu’aucune des cartes que nous avons collectées n’est proprement exacte, parce que ces cartes semblent exclure qu’il y ait des personnes ayant le français comme langue maternelle dans les zones non colorées. Or, il y en a un peu partout dans le monde, et si nous qui avons le français pour langue maternelle partons demain pour une escapade à Oslo, Nairobi, Wellington ou Moscou, il y aura à Oslo, Nairobi, Wellington ou Moscou quelques personnes de plus ayant le français pour langue maternelle. Est-ce à dire qu’on va modifier la carte de la francophonie en raison de notre escapade ? Non bien sûr, on n’en finirait jamais de modifier les cartes géolinguistiques si on voulait y faire état de tous les flux migratoires individuels et collectifs.

En réalité, ce que les cartes géolinguistiques représentent surtout, ce sont les langues maternelles des personnes qui vivent sur les territoires où elles sont nées et où elles ont été élevées et qui y résident effectivement – peu importe qu’elles partent en vacances ailleurs ou que des déplacements professionnels ou familiaux les entrainent à l’autre bout du monde. Les cartes qui font état de l’usage d’une langue comme langue maternelle, quelle qu’elle soit, donnent donc surtout des informations sur des locuteurs natifs, non sur des locuteurs occasionnellement présents sur un territoire donné.

Par ailleurs, ces mêmes cartes ne font état que des concentrations élevées de locuteurs sur tel ou tel territoire. Les données quantitatives, que nous n’avons pas incluses dans notre définition, se révèlent ainsi particulièrement pertinentes pour comprendre non pas ce qu’est une langue maternelle, mais dans quelles circonstances une langue maternelle donnée peut être considérée comme représentative d’une région ou d’un pays – et à ce titre peut figurer sur une carte géolinguistique.

L’OIF est d’ailleurs relativement prudente sur ce point, dans la mesure où elle nous indique que les zones non colorées de sa carte sont celles où la présence de francophones n’est pas estimée (plutôt que celles dont les francophones sont absents).

La concentration des francophones selon l’OIF
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Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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