ghf

1342-Le contrefait de Regnart (B2) (111-120)

[111a]

38384       Puis que c’est fief, plus n’en ara.

38385       Encor convient sur ce paier

38386       Sur cel[e] moittié quint denier.

38387       Le quint denier paier convient.

38388       Or vëez comment il advient

38389       Et comment le fiefvé se troeuve :

38390       Quant il a vendu, riens ne troeuve.

38391       Il estoit avant dolloureux,

38392       Or est aprez doeul maleureux.

38393       Marchant ne oze devenir,

38394       N’il ne s’i sçaroit contenir.

38395       Jamais bourgois ne serviroit

38396       Ne nul marchant ne le prenroit,

38397       Pour ce qu’ilz sont de grant vantance

38398       Et de trop haulte contenance.

38399       Marchans humilité maintiennent,

38400       Et cilz haulx, gros et fiers, se tiennent.

38401       Mieulx vouldroit estre mendïant

38402       Qu’il voulsist servir ung marchant.

38403       Ilz voeullent batre et manecier,

38404       Leur volloir avoir ou tenchier.

38405       Trestoutes gens de paix les fuient,

38406       Et a leur pooir les eschuient.

38407       Pour mal sont tost entretrouvé,

38408       Et tost a ung conseil trouvé,

38409       Et du tout en tout leur bëance

38410       D’acheter trestout a crëance.

38411       Et quant ung an ilz ont creü,

38412       S’en sont ly crëant deceü.

38413       Car se ilz se voeullent payer,

38414       Cilz ouvreront de manecier

38415       Et voulront la gent diffamer.

38416       Pour ce les het on sans amer.

38417       N’ont que le reffus d’autre gent.

38418       On scet bien qu’ilz n’ont point d’argent.

38419       Encores sont ilz plus cassez,

38420       Par quoy ilz sont plus serfz assez.

[111b]

38421       En dangier sont ceulx qui plus ont

38422       Et qui plus d’avoir acquerront.

38423       Et la cause vous en orrez,

38424       Par quoy trop mieulx vous le crerez.

38425       S’ung hault renté a grant avoir,

38426       Et il a de sa femme ung hoir,

38427       Qu’aprez lui le doit retenir,

38428       Vous le veez souvent advenir,

38429       Quant le pere trespassera,

38430       Tout au petit hoir laissera

38431       De cincq ans et de deux mois nez,

38432       Poeult estre encore n’est pas nez.

38433       Et quant cellui trespassera,

38434       L’enffez ou ventre encor sera,[1]

38435       Et monlt de fois veü l’avez.

38436       Que fera le sires fiefvez ?

38437       Cil de qui cellui fief tenra

38438       Trestout icellui fief prenra,

38439       Levera rentes et forés,

38440       Arbres, estangs, vignes, marés,

38441       Levera rentes et coustumes,

38442       N’y laissera vaillant deux plumes.

38443       De toutes les issues de biens

38444       Le petit enffant n’ara riens,

38445       Et cil tous les moeubles prenra,

38446       Jusques hoir marle s’apperra,

38447       Et passé l’eage de quinze ans,

38448       Qu’il puist estre du fief tenans.

38449       Quant l’age de quinze ans aront,

38450       Povres et nudz se trouveront.

38451       Leurz hostelz seront descouvers,

38452       Bois coeulli et estangs ouvers.

38453       Demourer a paine y porra,

38454       Tout gaste[2] et tout vuit trouvera,

38455       De tous biens se trouvera vuit.

38456       Trestout ainsi ilz le font tuit,

38457       Jusques marles y soit vëans.

[111c]

38458       Quant passe l’eage de quinze ans,

38459       Ses hostelz convient rabillier,

38460       Recouvrir et raparellier,

38461       Car le varletz le[s] troeuve netz

38462       Et ainsi comme des[3] cornetz.

38463       Il n’y fault mais que enprunter

38464       Et es grans usures bouter.

38465       Aller servir pour espargnier

38466       Qu’il [ait] de meubles ung denier.

38467       Ainsi ne sont pas ordonné

38468       Bourgois, marchans n’ainsi mené.

38469       S’il advient que enffans ilz aient,

38470       Soient nez ou a nettre soient,

38471       A eulx seront donnés tuteur

38472       Pour certain amy bienfaitteur,

38473       Qui devant juges jureront

38474       Que bien <et> loialment garderont

38475       Les biens et les utillités,

38476       Toutes issues et chatés

38477       Que cilz enffant ont et aront,

38478       Et gaaing et proffit en feront,

38479       Multipliront en tous endrois.

38480       Tant qu’il sera et tempz et drois

38481       Que rendre compte en deveront,

38482       Quant cilz en ëage seront

38483       Et qu’ilz seront en ordon mis,

38484       A eulx ou [bien] a leurs amis,

38485       Ou a ceulx qui seront vray hoir,

38486       Qui le compte devront avoir.

38487       Si est bien trestout le contraire

38488       De ce que gentilz scevent faire.

38489       Or y a ung aultre servage

38490       Du quel n’a cure homme sage :

38491       S’ung bourgois voeult amoisonner

38492       Ses biens ou les alïenner,

38493       Terres, vingnes, ou prez, ou bois,

38494       Selon ce qu’il lui vient a chois,

[111d]

38495       Laissier le poeut a .xix. ans,

38496       Voire a certes a .xxvi. ans,

38497       Selon le chaté et le pris :

38498       Il n’en sera de nul repris.

38499       S’ung gentil se voeult ordonner,

38500       Voeulle son fief vendre ou donner,

38501       Ad ce est il mat et confus.

38502       A trois ans le poeut, et non plus.

38503       A trois le laira, se il voeult.

38504       Se plus le lait, prendre le poeult

38505       Cellui de qui le fief tenra,

38506       Et com son acquest le prenra,

38507       Par Dieu, je n’y voy cy nul point

38508       Ou ait de gentillesse point.

38509       Se ung bourgois fait une amende,

38510       Soixante solz on l’en demande,

38511       Et par tout il en est delivres.

38512       Ung gentil paie soixante livres.

38513       Or vëez vous bien sans targier

38514       Se ilz vivent bien a dangier,

38515       Et quant deux gentilz se desdient

38516       Et vient ad ce qu’ilz se deffient,

38517       Tout tantost leurs fiefvés ilz mandent

38518       Et sur tout perdre leur commandent

38519       Qu’ilz viennent par mons et par vaulx,

38520       Garnis d’armes et de chevaulx.

38521       Pour dessambler ces deux soiris

38522       Se mettront icilz en perilz.

38523       Mais les francs bourgois seulement

38524       Ilz se vivent tres noblement.

38525       De tous estatz c’est le greigneur,

38526       Qui vivent a plus grant honneur.

38527       Ilz poeuent leurs corpz deporter,

38528       Tous vestemens de roy porter

38529       Et vestemens de grans prelatz

38530       Pour son plaisir, pour son solas,

38531       Et vert, et vair, et gris, et pers,

[112a]

38532       Tous vestemens clos et ouvers,

38533       Faulcons, ostours, et espreviers,

38534       Beaulx palefrois et beaulx destriers.

38535       Robe roye[e] vestir poeult

38536       Et chicquetee se il voeult.

38537       Voeulle estre marchant ou borgois,

38538       Ce poeult il faire[4] a son chois,

38539       S’il lui plait, ou clerc, ou gaigneur,

38540       S’il voeult, en terre laboureur.

38541       Au quel qui lui plaist poeut entendre,

38542       Ja n’est qui le doye reprendre.

38543       Quant escuiers en l’ost iront,

38544       Et les bourgois se dormiront.

38545       Cilz se font en l’ost detrenchier

38546       Et les bourgois s’en vont nagier.

38547       Quant s’en vont honnir et destruire,

38548       Et les bourgois s’en vont deduire.

38549       Par tous lieux ilz sont bien venu,

38550       Et honnouré et chier tenu.

38551       Et qu’en feroye je long compte ?

38552       Bourgois du roy est per et comte.

38553       De tous estatz portent l’honneur.

38554       Riches bourgois, sont bien seigneur,

38555       Bourgois sont la moienne vie

38556       De quoy bonnes gens ont envye.

38557       En Champaigne ilz y ont failli,

38558       Trop y sont souvent assailli

38559       De tailles, de subvencïons

38560       Et de telles occasïons.

38561       Et si a trop de gentillesse

38562       Qui peu aÿde et assez blesse.

38563       Ce n’est mie Bruge ne Gand,

38564       Douay, Saint Omer, ne Le Dand.

38565       Trestous y sont francs les marchans.

38566       Il n’en y a nulz mal sëans,

38567       Fors ceulx qui en mon art trop croient

38568       Et qu’a toutes heures guerroient.

[112b]

38569       Se ilz vousissent paix avoir,

38570       Trop fussent habundans d’avoir.

38571       Tel volenté a or leur fais

38572       Que seigneur ne voeullent ne paix,

38573       Ne nul homme qui les maistrie,

38574       Ne qui de leur fait les despie.

38575       Assez le fait oÿ avez,

38576       Par le foy que vous me devez !

38577       N’ay je pas bien mon temps usé

38578       Et en bonnes œuvres musé ?

38579       N’ay je pas [bien] usé mon temps

38580       Et bien multiplïé mon sens ?

38581       Jamais vous ne le creüssiés,

38582       Se vous dire ne l’euissiés.

38583       En doy je bien pardon avoir,

38584       Quant je vous ay compté le voir ?

PRESTRE HUNBERT

38585       ― Regnart, monlt maulx as maintenus,

38586       Et monlt maulx sont par toy venus

38587       Qui ne poeuent estre restoré,

38588       Ne jamais n’yere demouré,

38589       Sy com tailles, formarïages,

38590       Mainmortes et itelz usages

38591       Qui sont prinses indeuement.

38592       Ne jamais n’yra aultrement.

38593       Adez la chose pis ira,

38594       Et tout adez enpirera,

38595       Et se ton art n’y eust[5] eüs,

38596       Jamais nul n’y fust esmeüs.

38597       Se ton art ne l’eüst baty.

38598       Jamais nul n’y fust aaty.

REGNART

38599       ― A sire, qu’est ce que vous dittes ?

38600       De ce faire doy estre quittes,

38601       Car il estoit a advenir

38602       Ce que mon art voult soustenir

38603       Et convenoit qu’il advenist.

[112c]

38604       Nulle riens nel contretenist

38605       Ce qu’est advenu convenoit.

38606       Ja nul tenir ne l’en porroit.

38607       Il convenoit qu’il advenist,

38608       Nulle riens nel contretenist.

38609       De ce ne me repens je mie,

38610       Sire, je le vous certifie. »

38611       Le prestre se tint mal paiés,

38612       Dist : « Regnart, es tu desvoiés ? »

38613       Lors lui prie plus en maintiengne

38614       Que mal par convenir adviengne,

38615       Et qu’il conviengne que mal soit.

38616       « Telle crëance te dechoit.

38617       Garde ne croy mais qu’il conviengne.

38618       Quel mal ne quel meschief qu’il viengne

38619       Combien que dies d’advenir,

38620       De dire plus de convenir. »

38621       Dist Regnart : « Je ne le croy mie. »

38622       Et dist le prestre : « C’est folie,

38623       Pluseurs ont esté mis a mort

38624       Par leur oultrage et par leur tort,

38625       Et pluseurs ont eu leur contraire

38626       Par leur[6] folie faite ou fait faire.

38627       Et tresbien s’en fussent gardé,

38628       S’ilz feussent tresbien advisé.

38629       Siques leurs folies apperent,

38630       Et avecques ce le comperent

38631       En mort ou en grant penitance,

38632       Selon la grant oultrecuidance.

38633       Et ad ce mal ne fust venu,

38634       Se de ce fait se fust tenu.

38635       Oultre voloir m’est attrempance,

38636       Et contre folie abstinence :

38637       Lors demourast qu’est advenu,

38638       N’apparut ce qu’est aparu.

38639       Donc n’est ce pas par convenir,

38640       Mais par sa[7] folie maintenir.

[112d]

38641       Se tout ce qui est convenoit,

38642       Sans apprendre chascun sçaroit,

38643       Et[8] pour neant a l’escolle iroient,

38644       Et par convenir ilz sçaroient.

38645       Pour quoy l’escolle hanteroient

38646       Quant par convenir clercs seroient ?

38647       Ainsi de tout aultre mestier

38648      […][9]

38649       Le advenu est advenu,

38650       Quelque chemin qu’il ait tenu

38651       Ne quel chemin qu’il doit tenir,

38652       Estoit trestout a advenir,

38653       Se bien clerement y vëoies.

38654       Or voy les tresbelles monnoies

38655       Qui couroient[10] l’an quarante deux.

38656       Tu ne les veoies pas tout[11] seulx :

38657       D’ung bon gros tournois pour cincq solz,

38658       La[12] florette soixante solz,

38659       Ung bon petit tournois pour quatre.

38660       Maint s’en porrent assez debatre,

38661       Treize livres ung marc d’argent.

38662       Cecy scevent assez de gent.

38663       Or en voy tresbien la maniere :

38664       Il advint se advenir yere :

38665       Advenu advenir estoit,

38666       Quant en volloir d’home il estoit.

38667       De tous maulx venus et venir

38668       Ne soustenez pas convenir,

38669       Cil qui trop grant erreur soustient,

38670       Qui dist de tous maulx qu’il advient

38671       Qui les convenoit advenir :

38672       Ce est erreur du soustenir,

38673       Se jugié estoit a mal faire,

38674       Par force le convenoit faire,

38675       A tort doncquez dampnés seroies,

38676       Et quelle coulpe y aroies,

38677       Se ne pooye faire pis,

38678       A quel cause aroye Paradis.

[113a]

38679       Qui me croira ce point tenra,

38680       Qui mal querra, mal lui venra.

38681       Et qui loialment se maintient,

38682       Bonne fin et bon chemin tient.

38683       MaistreGuillame dit Brulés

38684       Chanoennes estoit bien rentés

38685       De Troyes, de Marage vint.

38686       En l’an mil .iijc. .xvj. advint

38687       Qu’en lui avoit une maniere

38688       Que sage homme n’ot mie chiere,

38689       Passoit ung pont et puis fel yere.

38690[…][13]

38691       Quant a aucun tenchié avoit

38692       Il passoit oultre, et puis feroit.

38693       Clerc estoit assez et scïens,

38694       Et assez fu phisicïens.

38695       La chiere avoit et noire et pale.

38696       Trestout droit au pont de la Sale,

38697       Ou Saine par dessoubz couroit,

38698       Icil chanoenne demouroit.

38699       Il avoit clerc et chamberiere.

38700       Ung soir couroucié a eulx yere,

38701       Et les baty sans demouree,

38702       Son yre fu tantost passee,

38703       Car quant aucun batu avoit,

38704       Tantost oublié il l’avoit.

38705       Mais ceulx ne l’oublïerent mie,

38706       Ains eulrent au cœur sa folie.

38707       Ce soir en sa chambre lisoit,

38708       Tout seul en sa couche gisoit.

38709       Les huis furent tresbien fermé.

38710       Ces deux dont je vous ay compté

38711       Une grosse coingnie prindrent.

38712       La ou il gisoit tous deux vindrent.

38713       Tout droit endroit le premier somme

38714       Grant coup lui donnere[nt] du somme,

38715       Recouvrerent et tant ferirent

38716       Que le cerveaul lui respandirent.

[113b]

38717       Ce fait, trestous deux s’en allerent,

38718       Qu’a justice ne le compterent.

38719       Au matin les huis on brisa,

38720       Et la le mourdry on trouva.

38721       Cil qui eust le sien benefice

38722       Fu joyeux d’icellui malice,

38723       Et doeul en eulrent ses amis.

38724       Mais toutteffois il ot le pis,

38725       Peu mal que aucun bien n’en viengne,

38726       Pour ce lo que chascun se tiengne

38727       De manecier et de ferir,

38728       Car maintz maulx en poeuent venir.

38729       Si[14] diroient maint oultrecuidié

38730       Que tout cecy y fut jugié,

38731       Et qu’il convenoit advenir

38732       Et a lui telle fin venir.

38733       Non, non, ne le convenoit mie :

38734       Ce lui advint par sa folie,

38735       Combien que cilz trop mal ouvrerent

38736       Qui pour cellui fait le tuerent.

38737       Se avant ne les eust feru,

38738       Mort par eulx n’eüst receü.

38739       Qui frappe, monlt souvent s’en doeult,

38740       Qui fiert aultrui, tuer se voeult.

38741       Se tu me donnes, je prendray.

38742       Se tu me fiers, je te ferray.

38743       Mal fist, et mal l’en deust venir,

38744       Ce ne fu pas par convenir.

38745       Par ce a dire ne m’acord.

38746       Par convenir n’est que la mort,

38747       Mais par convenir mort venra,

38748       Ja homs naturel n’y faulra.

38749       Tous a la mort convient venir,

38750       Cecy est bien par convenir.

38751       Mais de morir vilainement.

38752       Ne de haster mort laidement,

38753       Ne die nul qu’il le conviengne,

38754       S’il ne fait par quoy il adviengne.

[113c]

38755       Mais chascun haste bien sa mort.

38756       Qui de ce ne me croit a tort.

38757       Chascun son fol volloir refraingne.

38758       Il advint a Troyes en Champaigne,

38759       L’an mil .ijc. et quatre vins,

38760       Tous esbahis furent set vins,

38761       Et furent en erreur cheü

38762       Par ung fait qui fut escheü,

38763       Et disoient qu’il convenoit

38764       Avenir ce qu’il advenoit.

38765       Long tempz furent en celle erreur.

38766       Encor y demeurent pluseur.

38767       L’adventure te compteray

38768       Et tout par my le voir iray.

38769       Ung homme qui Brulés ot nom,

38770       Jone fu et de bon renom,

38771       Et qui de lui vousist enquere

38772       Il n’avoit q’ung arpent de terre.

38773       En la terre ung noyer avoit,

38774       Bien gaaignier sa vye sçavoit,

38775       Et maint bon preudomme l’ama.

38776       Par trois nuitz ung songe songa

38777       Qu’a son noyer on le pendoit

38778       Qui tout en my sa terre estoit.

38779       De cest songe s’est tourmenté

38780       Et monlt forment espoeueté.

38781       Et dist : « Ja n’avenra cest songe.

38782       Je le feray trestout mensonge,

38783       Car hors du pays m’en iray

38784       Ne jamais n’y retourneray. »

38785       Longuement ne s’est atargié,

38786       Et il de meubles s’est chargié.

38787       Com cil qui de songe se doeult,

38788       En Flandre son chemin acoeult,

38789       Et sa demourance la fist.

38790       Longuement y fut, bien y sist,

[113d]

38791       Car il sçavoit pluseurs mestiers.

38792       Dix [et] huit ans trestous entiers

38793       Au pays de Flandre se tint,

38794       Tant que la volenté lui vint

38795       Qu’il iroit vëoir ses amis,

38796       Lesquelz seroient mors ou vifs.

38797       Et se tint tout pour maleureux,

38798       Plain de folie et peüreux,

38799       Quant pour songe parti s’estoit

38800       Du lieu ou esté nez avoit.

38801       Adonc a repairier s’est mis,

38802       Et tant a cheminer s’est mis

38803       Qu’il est en Champaigne venus,

38804       Dont liez et joieux s’est tenus.

38805       Pensa que par sa terre iroit,

38806       Sa terre et son noyer verroit,

38807       Sçavoir comment s’est maintenu

38808       Et de qui il estoit tenu.

38809       Celle part adreça et vint.

38810       Or oy comment il lui advint :

38811       Si comme sa terre approchoit,

38812       A moins de deux lieues touchoit,

38813       Deux varletz ataint qui menoient

38814       Deux bœufs que ilz emblés avoient.

38815       Brulés si les a salué.

38816       Cilz dient : « Dieu vous doint santé ! »

38817       Lors dient cilz : « Se Dieu vous gart,

38818       Preudoms, or nous dittes quel part

38819       Vous en alez. ― Certes a Troyes.

38820       ― Preudoms, dirent ilz, or nous croyes.

38821       Ung petit sommes empeschié,

38822       A Troyes aliesmes au marchié,

38823       Car nous sommes marchans de boeufz.

38824       Or les nous maine, se tu voeulx,

38825       Et nous en rallons ung querir

38826       Qui est en peril de perir,

38827       Car cy arrier laissié l’avons.

[114a]

38828       Grosses erres laissié avons

38829       Qui escherront encore nuit.

38830       Pour Dieu, preudoms, or ne t’anuit.

38831       Preng du nostre a ta volenté.

38832       Et se Dieu nous donne santé,

38833       Se nous en sommes empeschié,

38834       Demain nous aras au marchié,

38835       Car nous sommes marchans de boeufz.

38836       Or nous les maine, se tu voeulx,

38837       Et nous en rallons ung querir

38838       Qui est en peril de perir,

38839       Car cy arrier laissié l’avons,

38840       Comme devant dit le t’avons. »

38841       Brulés a gaaignier convoita,

38842       Et trop sinplement se gaitta,

38843       Car pour l’argent en print la paine.

38844       Les bœufs acoeult, si les en maine.

38845       Droit a son noyer est venu.

38846       Illecques s’est tout quoy tenu.

38847       Monlt le regarde et monlt lui siet.

38848       Pour l’amour de lui soubz lui siet,

38849       Car cil lieu forment lui plaisoit.

38850       Ses boeufz desoubz paistre faisoit.

38851       Tant lui pleut le noyer et l’estre

38852       Que longuement les fist la paistre,

38853       Et bien pensa que jusqu’a Troye

38854       N’y avoit mie <trop> longue voye.

38855       Et lors ceulx qui les boeufz estoient,

38856       Des escuiers qui les sieuoient

38857       Tant se sont de sieuir penés

38858       Que les bœufs ont illec trouvés

38859       Avec Brulés qui les gardoit,

38860       Qui de ce fait riens ne sçavoit.

38861       Les escuiers qui les boeufz virent

38862       Tout maintenant a Brulés vinrent.

38863       Dirent : « Ces boeufz enblez avez.

38864       Lerres estes, pendre devez.

[114b]

38865       ― Sire, fist Brulés, vous faillés.

38866       Deux varletz me les[15] ont bailliés.

38867       A Troies les doy mener droit.

38868       ― Dieu, que cil est fol qui vous croit !

38869       Prevost ne bailli n’atendrons

38870       Mais tout maintenant vous pendrons. »

38871       Leurs chevestres ont destendus.

38872       Par eulx deux fut Brulés pendus

38873       A la branche de son noyer.

38874       Pour voir dire ne pour noyer,

38875       Il ne pot avoir nul respit.

38876       Mais avant, son songe leur dit,

38877       Pour quoy tel garde en lui prenoit

38878       Et ne sçavoit dont ce venoit.

38879       Et ne congnoissoit les boeufz leurz.

38880       Dist leur eüst : « Allez ailleurs,

38881       Conduisez ce que vous menez ! »

38882       Et se fust tost d’eulx eslongiés,

38883       Mais convoitise de gaaignier

38884       A fait maint homme mehaignier.

38885       Autant pert on par ignorance

38886       Comme on[16] fait par meschëance.

38887       Ygnorance tout adez dure,

38888       Mais qui en scïence met cure,

38889       De meschëoir se poeut garder,

38890       En pluseurs perilz retarder.

38891       Se ung homme est mal talentés[17],

38892       De mal faire et a mal tentés

38893       Poeult estre par acoustumance

38894       Et par male perseverance,

38895       Ou par sa nature meïsme.

38896       Par sa planette, ou par son signe,

38897       Ou par quelque chose aultrement,

38898       Que il a cest esmouvement

38899       En quoy fu sa nativité

38900       Qui le trait a cellui costé,

38901       Combien que l’umour y traveille

[114c]

38902       Qui ceste nature lui baille.

38903       Poeult il bien trestous maulx füir

38904       Par bonne compagnie[18] sieuir.

38905       Par bien faire et par Dieu amer

38906       Poeult il males meurs refrener,

38907       Ne nul ne se poeut excuser

38908       Que il ne puisse en bien user.

38909       Bien se poeut garder d’avarice,

38910       Qui, a voir dire, est mal[19] vice.

38911       Se Brullés s’en fu bien gardé,

38912       De tout son mal fu retardé,

38913       Mais mal angoisse le comprint

38914       Quant l’autrui bien en garde print.

38915       Ne sçavoit ou prins les avoient,

38916       Ne de quel estatz ilz estoient.

38917       Ne constraint ne fu pas au prendre.

38918       Grand folie lui fist emprendre.

38919       Ne convenoit pas qu’avenist

38920       Que les deux boeufz il retenist.

38921       Or vient a Hemart[20] de Prouvins.

38922       Ja ne m’aide ne pain ne vins,

38923       Se telle adventure mais fu :

38924       L’an mil .iijc. .xxij. fu.

38925       Hemart ung espicier estoit

38926       Qui grant paine a vivre metoit,

38927       Riche homme et de bonne memore.

38928       De vray[21] revenoit de la fore

38929       Pour acheter et pour revendre.

38930       Tallent lui est prins de descendre

38931       Et ung petit se desvoya.

38932       Ses compagnons en envoya :

38933       « Alez, dist il, je vous sieuray.

38934       Ung peu esbatre m’en iray. »

38935       Hemart, quand il fut descendu,

38936       Remonta et puis atendu

38937       A ses compagnons consieiir

38938       Qu’il pooit devant lui veïr.

[114d]

38939       A lui conduire n’entendy,

38940       Mais toudis acourre tendy.

38941       Son chapperon a mis a droit.

38942       Par dessoubz ung noyer tout droit

38943       A le cheval fait son alee.

38944       Une branche lui est boutee

38945       En son chapperon la dedens,

38946       Et le cheval qui fut ardans

38947       D’aller vers les aultres tendant

38948       Laissa son maistre la pendant,

38949       Par my le chapperon entors,

38950       Qui tost fu estranglé et mors.

38951       Ses compagnons le cheval virent,

38952       Tantost la retournee firent.

38953       Hemart illecq pendu trouverent

38954       Tout mort, et tost d’illecq l’osterent.

38955       Monlt en menerent grant dollour.

38956       Or vëez se vient de folour :

38957       Ce ne fut pas par convenir,

38958       Mais par folement maintenir.

38959       Or vois tu bien par ygnorance

38960       Il advint cette meschëance.

38961       Advenir estoit, il advint

38962       Pour ce que folement se tint.

38963       Mais tout le remanant je nye

38964       Que il ne le convenoit mye. »

38965       Dist Regnart : « Desor je vous croy,

38966       Mais de moy absouldre vous proy,

38967       Car je ay le cœur si estraint

38968       Que trestout en ay le vis taint. »

38969       Lors se print Regnart a plourer,

38970       A debatre et a mal mener,

38971       Dist : « Moy chetif, mal eürés !

38972       Or cuidoy je estre asseürés

38973       De mes pechiés et de ma paine

38974       Et de mal eür qui me maine.

38975       Repentant de mes maulx estoye.

[115a]

38976       Or suis conffez, et or voulloye

38977       Bonne absolucïon avoir,

38978       Et de parfaire mon devoir.

38979       Mais je ne truis qui le me doint,

38980       Dont je me truis en monlt mal point.

38981       Puisque prestre Hunbert le preudom

38982       Ne m’en voeult ottroier le don,

38983       Tout desconforté m’en iray.

38984       Plus que devant me despiray,

38985       Puis que conseil ne puis trouver,

38986       Pour repentir, ne pour orer.

38987       Pour Dieu, conforter me voeulliez,

38988       Prestre Hunbert, ains que en ailliez ! »

38989       Prestre Hunbert en ot grant pitié.

38990       Si lui a dit par amistié :

38991       « Regnart, dist il, beaulx doux amis,

38992       Ne soies en desconfort mis,

38993       Car absolucïon aras

38994       Et penitance recepvras

38995       Telle qu’a pecheur appartient. »

38996       Et Regnart a jenoulx se tient,

38997       Monlt s’humilie et monlt fort pleure.

38998       Et lors prestre Hunbert en l’heure

38999       Pour l’absoubdre se mist les lui[22],

39000       Sa pate sur le chief lui mist.

39001       Son Confitëor lui commande

39002       Et qu’adez a bien faire tende,

39003       Et se maintiengne sans reprouche.

39004       Quant Regnart sent que a lui touche,

39005       Com cil qui malice[23] aprent,

39006       Par sa gorge as[24] dans le prent

39007       Et le commence a devourer.

39008       Rien n’y valut le prestre orer.

39009       Et quant l’ot estranglé, si dist :

39010       « Damp Chantecler ung tour me fist

39011       Dont tousjours mais me garderay.

39012       Plus desavisé ne seray. »

[115b]

39013       La proye sur son col emporte,

39014       Monlt se deduit et se deporte :

39015       Droit a son hostel est venu.

39016       De Hunbert s’est monlt liez tenu.

39017       La char menga a grant delit,

39018       Et la plume mist en son lit.

39019       Jure que jamais hors n’yra

39020       Jusques malheür le laira

39021       Qui tant longues lui a duré.

39022       Atant de Regnart me tairay

39023       Et une aultre branche en diray

39024       Que ainsi vous commenceray.

HUITIÈME BRANCHE

39025       « A bien faire doit chascun mettre

39026       Cœur et corps, se nous dit la lettre

39027       Et de paier Dieu son treü

39028       De tout ce qu’il lui est deü,

39029       Et la doit bien chascun entendre,

39030       Non mie a vanité tendre,

39031       Ne a choses qui riens ne vaillent,

39032       Qui au bezoing a l’homme faillent.

39033       Car il poeut estre qu’aucun pense

39034       Et souventeffois a lui tence,

39035       Desquelz est plus, ou pietz, ou testes,

39036       Desquelz est plus poissons, ou bestes,

39037       Pour quoy vient le jour et la nuit :

39038       En tel folie se deduit.

39039       Pour ce, ne suis mie en discourt,

[115c]

39040       S’on dit que Saine toudis court,

39041       S’elle court ou s’elle tournoye,

39042       L’un n’aferme, l’autre ne noye

39043       De la lune et[25] du soleil

39044       Que chascun poeut vëoir a l’oeul,

39045       Comment tournoient, comment tournent,

39046       Comment avallent et retournent,

39047       Comment tourne le firmament.

39048       Comment c’est, je ne le demand.

39049       Comment vient yver et estez,

39050       Et pour quoy leur nature est telz,

39051       Comment apetichent ly jour,

39052       Et vont et viennent sans sejour.

39053       Pour quoy les arbres se devestent

39054       En yver, en esté revestent.

39055       Pour quoy sont pres en esté vert,

39056       Et en yver sont descouvert.

39057       De tout ce ne me poeult chaloir,

39058       Car trop penser n’y poeut valoir.

39059       D’estudïer en ce n’ay cure.

39060       Je congnois bien que c’est Nature

39061       Telle comme Dieu leur donna,

39062       Car tel chose leur ordonna.

39063       Bien est ordonné par compas.

39064       Tout ce ne contredis je pas,

39065       Ne je ne me dois merveillier,

39066       Car trop congnois sans trop veillier

39067       Que Dieu pour homme tout fesist,

39068       Adfin que mieulx le servesist.

39069       Sires est il, il poeult sëoir

39070       De tout ce que il poeut vëoir,

39071       Encor de Paradis compains.

39072       Tout ce a merveilles ne tains,

39073       Car Dieu poeut trestout cecy faire,

39074       S’il lui plait, ou s’il lui voeut plaire.

39075       Encor voult homs Dieu devenir

39076       Pour lui et en croix mort souffrir.

[115d]

39077       De ce fist il mont grant merveille.

39078       Nulz homs ne poeut vëoir pareille

39079       De tout ce [ne] me merveil point.

39080       Se chascun tenist bien son point

39081       Et amast ce que amer deust[26],

39082       Et cœur et œuvre en leu eüst,

39083       Encore s’ainsi advenist.

39084       Dieu bien apayé s’en tenist,

39085       Ne ne lui fust ramenteü

39086       Paine qu’eüst pour lui eü.

39087       De tout quancquez je compte et dis

39088       De nulle riens ne m’esbahis,

39089       Que tout ce voult Dieu faire et pot.

39090       Mais je me merveille du sot

39091       Pour qui Dieu a tant traveillé,

39092       Tout monde et paradis baillié

39093       Quant il demeure en tel voloir

39094       Qu’il ne lui voeult de ce chaloir,

39095       Ne qu’il ne reprent en son cœur

39096       Le dangier dont Dieu l’a mis foeur

39097       Et quel grace il lui a donnee,

39098       Ainchois maine vers lui poenee,

39099       Et le laidenge, et le maulgrie

39100       Taullir son droit, et le geurrie.

39101       A mentir et a parjurer,

39102       En decepvoir, en usurer,

39103       En orgoeul, en detractïon,

39104       En haïne, en occisïon,

39105       En[27] envie et en murmure,

39106       En fol dezir et en luxure,

39107       En paresse et en convoistise,

39108       Ou pis qu’il poeut son cœur atise

39109       En gloutonnie et en non croire,

39110       En desprisier la chose voire,

39111       A ses commandemens passer,

39112       En toute verité casser,

39113       En desprisier les siens amis,

[116a]

39114       A obeïr ses ennemis,

39115       En gastant son temps et s’honnour

39116       En tout mal et en deshonnour,

39117       En desirer tout son contraire

39118       Et en ses anemis attraire.

39119       Ainsi comme s’il ne congnust

39120       Ne s’auÿ parler n’en eüst,

39121       Il a du tout Dieu deffïé

39122       Et tout son contraire affïé.

39123       Ad ce ay mainteffois pensé,

39124       Car s’homs sçavoit en verité

39125       Et bien tresfermement sceüst

39126       Que bien prochainement morust,

39127       Et pensat bien ou l’ame ira,

39128       Et quel chemin elle prenra,

39129       Et quelle [grace] cilz aront

39130       Qui de bon cœur le serviront,

39131       Il ne tenist pas tel sentier,

39132       Ains aimast Dieu de cœur entier.

39133       Mais je sçay de vray que Nature

39134       Nul temps a mort penser n’a cure.

39135       Nature est a la char amie

39136       Et lui dist : « Tu ne morras mie,

39137       Esperance ayes[28] d’autre part ! »,

39138       Qu’il en rebaille bien sa part.

39139       Se la mort qui trestout engoulle,

39140       Tenoit ung homme par la goulle

39141       Et tous les menbres fussent mors

39142       Et tout le remanant du corps,

39143       Esperance adez lui diroit

39144       Que il tresbien eschaperoit,

39145       Et le conforteroit Nature

39146       Qui nul tempz de morir n’a cure.

39147       S’en ung lieu cent mil home estoient,

39148       Qui tous ochis estre devroient,

39149       Qu’on leur deüst les chiefz copper,

39150       N’en deüst q’ung seul eschapper,

[116b]

39151       Ung chascun esperance aroit

39152       Que ly eschappé il seroit.

39153       Esperance en toute saison

39154       Et Nature guerroient Raison.

39155       Raison dist l’homme : « Tu morras. »

39156       Esperance dit : « Non feras. »

39157       Nature recoeurt Raison sceure :

39158       Ne m’y laisse penser nulle heure,

39159       Et lui dit par parolle fiere.

39160       « Va vëoir les prez, la riviere,

39161       Les jardins, les arbres, les bois.

39162       Va querir festes et degois.

39163       Va toy lïement maintenir.

39164       Mieulx mengeras au revenir,

39165       Quant venras des prez et des champs.

39166       Laisse morir ces gens meschans

39167       Que la mort ne poeuent tarder,

39168       Et qui ne se scevent garder.

39169       Qui toudis bien se garderoit,

39170       Jamais nul jour il ne moroit.

39171       Nul ne se moeurt, a brief parler,

39172       Que cil qui ne se scet garder. »

39173       Ainsi fait Nature sçavoir,

39174       Et Esperance dit : « C’est voir. »

39175       Et Raison argue[29] du contraire,

39176       Qui tousjours semont du contraire

39177       Et dit au pecheur : « Tu as tort.

39178       Vecy d’encoste toy la mort. »

39179       Mais tant ne lui scet cecy dire

39180       Ne le monde aussi despire[30].

39181       Ja a cecy tu n’estudies.

39182       Allons vëoir ces vins sur lies,

39183       Ces delices et ces beaulx jeux.

39184       Si en vaulra Nature mieulx.

39185       Et par iceulx empeschemens,

39186       Par telz manieres d’argumens

39187       Sont maintes personnes dampnees

[116c]

39188       Qui trop avant s’i sont boutees.

39189       Et quant g’y pens, je bas ma coulpe,

39190       Et, voirs, Nature n’y a coulpe,

39191       Car ice de Raison je tien

39192       Que Dieu fist Nature en tout bien,

39193       Et quancques Dieu fist, est bien fait.

39194       Donc n’a point Nature meffait.

39195       Se homs va en desordonnance,

39196       Ce n’est fors par acoustumance.

39197       Male[31] acoustumance ont prise

39198       Qu’ilz ont en leur nature mise,

39199       Tant l’ont en eulx souvent muree

39200       Qu’ilz l’ont en eulx ennaturee.

39201       Pour ce, vont en desordonnance

39202       Par leur malvaise acoustumance

39203       Et puis vont disant le contraire

39204       Que Nature leur fait ce faire,

39205       Et que Nature ainsi le voeult,

39206       Et qu’autrement faire ne poeult.

39207       De ceste responce n’ay cure,

39208       Que ja en maint mal nul n’a cure.

39209       Celle que Dieu a en lui mise,

39210       Ne il ne l’a par lui acquise,

39211       Mais on poeut bien telle acquerir

39212       Qui la maine jusqu’a perir.

39213       Mais ce n’est pas celle nature

39214       A qui Dieu a bailliet la cure

39215       D’homme faire vivre et sentir.

39216       S’a celle se voeult consentir,

39217       Ne poeut aller que bonne voye.

39218       Mais ung aultre a qui il s’avoye,

39219       Il[32] a en sa complexion mise

39220       Et par acoustumance acquize,

39221       Car par celle au monde s’avoye

39222       Et laisse sa premiere voye.

39223       Et pour ce que je ay compté

39224       La grant honneur et la bonté

[116d]

39225       Que Dieu fait a homme qu’il aime

39226       Et qui en bon fait se demaine,

39227       Quel joye et quel soulas ara

39228       Et a quel fin il en venra,

39229       Et pense bien a quel fin viennent

39230       Tout ceulx qui au monde se tiennent.

39231       Plus sont au monde, plus le voeullent.

39232       Et plus s’i plongent quanqu’ilz peullent.

39233       Cuident que jamais ne leur faille

39234       Et que nulle aultre rien ne vaille.

39235       Mais s’ilz vëoient bien le monde,

39236       Qui de toutes bontés est munde,

39237       A quelle fin se partira

39238       Et a quelle misere ira,

39239       Le monde pas tant n’ameroient,

39240       Et, pour voir, ailleurs penseroient.

39241       Car le monde prent a sa part

39242       Le fait et la ligne Regnart,

39243       Et lait Raison, dont tout bien vient,

39244       Et a l’œuvre Regnart se tient,

39245       Qui ne pense ne estudie

39246       Fors qu’a ceste presente vie.

39247       Au present tent, le present tent,

39248       A nulle aultre fin il ne tent.

39249       Pourvëance du monde quierent,

39250       Et jusquez aulx cornes s’i fierent.

39251       Pourvëance font et labour

39252       Pour le corpz vivre a grant honnour.

39253       De l’autre siecle ne leur chault.

39254       Ilz ne criengnent ne froit ne chault,

39255       Mais pour cest siecle se pourvoient.

39256       Mettent paine et cler y voient,

39257       Et pourvëance font pluseurs,

39258       L’une bonne et l’autre meilleurz,

39259       L’une grant et l’autre petitte.

39260       N’y a nulle qui n’y proffitte.

39261       Aucuns qui font leurs pourvëances

[117a]

39262       D’avoir en yver leurs chevances,

39263       Comment bons blez, bons vins aront

39264       Et comment ilz se chaufferont.

39265       L’autre pourvoit de la santé

39266       Pour eslongier l’anfermeté.

39267       L’autre se pourvoit de servir

39268       Comment poeut grace desservir.

39269       Les aultres se pourvoient d’honneurz

39270       Et d’acointances de seigneurs.

39271       L’autre se pourvoit[33] d’amasser,

39272       Comment puist deniers amasser,

39273       Et l’autre forment s’estudie

39274       Comment il sçace assez clergie.

39275       L’autre[34] en lire Auctorité,

39276       Et l’autre en Divinité[35]

39277       Pour crestïenté soustenir,

39278       Et pour bonne vie tenir.

39279       L’autre se pourvoit soir et main

39280       Comment il face ouvrer de main,

39281       De hecquier, taillier, mesurer,

39282       Et en belle œuvre labourer.

39283       Et trestoutes ces pourvëances

39284       Font pluseurs pour avoir chevances.

39285       Et pluseurs si voeullent hanter

39286       A bien sçavoir lire et chanter.

39287       Les aultres en trouver beaulx ditz.

39288       L’autre[36] en instrumens jolis,

39289       Les aultres en bien chevaucier,

39290       Les aultres en forés cerchier,

39291       Les aultres en tournoiemens,

39292       L’autre[37] en tenir jugemens,

39293       Les aultres en grant avarice.

39294       Cellui fait est le pïeur vice,

39295       Car envis avaricïeux

39296       Sera ja nulz jour gracïeux,

39297       Ains sont mat et plains de murmure.

39298       Dieu ne hom<e>[38] n’a de tel gent cure.

[117b]

39299       Trestoutes ces subtilités

39300       Sont trestous artz d’outilités,

39301       Tant de cœur com d’honneur demains.

39302       Qui a l’un plus, a l’autre moins[39].

39303       Or y a aultres pourvëances

39304       Dont Regnart aprent les chevances,

39305       Combien que celles cy devant

39306       Sont fondees sur lui souvant,

39307       Si com la danse et[40] la tresche

39308       Et bien jouer a la grïesche,

39309       Car maint si suient les escolles

39310       De mener danses et karolles,

39311       D’eulx bien sçavoir humilïer.

39312       Et bien le brach sçavoir ployer.

39313       Sur la pointe du piet aller,

39314       Les dois remeuvoir et baller,

39315       Faire le tour et le touret,

39316       Et mettre la main au huvet,

39317       Et puis prendre par les aissielles

39318       Ces dames et ces damoiselles,

39319       Mettre la main a la chainture.

39320       En telle œuvre mettent leur cure.

39321       Or en y a d’aultre mestier

39322       Qui monlt se painent de cerchier

39323       Et ad ce sont bien ordonné,

39324       A bien congnoistre ung de plommé,

39325       Se ilz sont du moins ou du plus.

39326       En tel chose mettent leur us.

39327       Bien assëoir sur le brelent.

39328       Ce est leur joye et leur tallent

39329       De venir quatre contre sept.

39330       Maistre[41] est qui faire le scet,

39331       Mais que sa canche adez lui viengne.

39332       Et que son contraire remaingne,

39333       L’autre se met a courretier[42],

39334       Et l’autre a advocassier[43].

39335       Ce sont deux mestiers d’une main,

[117c]

39336       Et si sont deux frerez germains.

39337       L’autre a usure <se>[44] voeult bouter.

39338       L’autre se met a traict jetter,

39339       Ly aultre[45] a sermonnement

39340       Et a faire subtillement,

39341       A faire que le monde croye

39342       Que cil va adés bonne voye.

39343       Et l’autre met sa pourvëance

39344       En toute fausse contenance,

39345       En toute fausseté s’avoye

39346       Et acquerir fausse monnoye,

39347       Et s’estudie en pas trouver

39348       Comment on ne poeut riens prouver.

39349       L’autre s’estudie en labeur,

39350       L’autre[46] en chemin desrobeur,

39351       L’autre[47] en apointier vïandes,

39352       L’autre[48] en acointier truhandes,

39353       L’autre en toutes vuiseusetés[49]

39354       Prent sa vie sur vanités.

39355       En pluseurs choses s’estudient

39356       Et en pluseurs choses se lient,

39357       Et y a aultre porvëance

39358       Qui passe trestoute scïence

39359       Ou les gens ne voeullent penser,

39360       Ne nysun ne s’en scet merler.

39361       De quoy on voit peu d’acquerans,

39362       Au voir dire, et peu cler vëans,

39363       C’est pourvëoir ou l’ame ira

39364       Quant la povre char fenira

39365       Qui a pourreture devient,

39366       Si comme faire le convient.

39367       En quel lieu l’ame est herbegie,

39368       Ou sera mise, et ou logie,

39369       Qui sera qui la conduira,

39370       Et par devant quel juge ira,

39371       Et qui respondera[50] de ses fais

39372       Qu’il ara en ce monde fais.

[117d]

39373       Il respondera[51] d’humilité

39374       Et d’amour et de charité :

39375       Qui respondra de penitance

39376       Et de pitié et d’abstinence.

39377       Qui dira de sobrietté

39378       Et de soustenir verité.

39379       Quelz garisons lui a baillié,

39380       Quel lit lui a appareillié,

39381       En quel pourvoy a demouré

39382       Tant comme il a cy labouré,

39383       Que il a convoyé devant,

39384       Combien qu’on lui a dit souvent :

39385       « T’ame s’en ira sans fenir,

39386       Et si sera sans revenir.

39387       Pourvoy toy ou elle gerra

39388       Et en quel lieu si demourra ! »

39389       De quoy se porra revangier

39390       De cellui qui point ne l’a chier.

39391       Se garnison ne lui ayeue,

39392       L’ame trouvera peu d’ayeue

39393       Sur ses voisins, ne porra mie

39394       Faire le pourvoy de sa vye

39395       S’elle ne s’a de quoy couvrir.

39396       Mal guicet lui convient ouvrir,

39397       Se son lit el n’y fait devant,

39398       Mesaise ara au cœur souvent.

39399       Je voy qu’a ceste porvëance

39400       Il en est trop peu qui y pense,

39401       Au corps aisier <sont> appareillié

39402       Que les vers ont si tost mengié.

39403       De l’ame ne pourvoient point.

39404       Peu sont qui pensent a ce point.

39405       Les chevalliers, et conte, et roy

39406       N’en laissent faire nul arroy :

39407       La gent mengüent et echillent,

39408       Le leur taullent, happent et pillent,

39409       Sur poeuple font subvencïons,

[118a]

39410       Tailles et grans detractïons,

39411       Les constraingnent a porter armes,

39412       Et par ce oublient leurs ames.

39413       Or fault prester, or fault donner,

39414       Or reffault garnison mener,

39415       Bœufs, et moutons, et vins, et blés.

39416       Ainsi est le monde troublés

39417       Par gentillesse qui l’argue,

39418       Qui les corps et les ames tue.

39419       Nul n’a loisir de Dieu amer

39420       Ne de son cœur en Dieu semer.

39421       Tant a de persecucïons

39422       Et diverses occasïons

39423       Que de Dieu trop petit souvient,

39424       Et quant, au fort, vivre convient.

39425       Trop est cil pechié comunaulx,

39426       Trop e[s]t publicque et generaulx,

39427       Et chascun delez lui s’apreste,

39428       Clerc, seculier, d’Eglise ou prestre,

39429       Dont est vil chose, a dire voir,

39430       De[52] viel homme amie avoir.

39431       C’est grant punaisie et orreur,

39432       Chascun en doit avoir grant peur.

39433       Cuide le dollent qu’elle l’aime

39434       Combien que son amy le claime :

39435       « Ne soiez pas si tresdesvez

39436       Que[53] famme en tel cas crëez,

39437       Car tost vous liroit la lechon

39438       Que Dalida fist a Sanson,

39439       Dont Isengrin en fist memore,

39440       Or en escoutés bien l’istore.

39441       En la terre d’Aise jadis,

39442       Si comme en la Bible lis[54],

39443       Le poeuple des Juïfz regnoit

39444       Illecques ung preudomme estoit.

39445       Qui Manuel fu appellé.

39446       Selon la Loy fu marïé.

[118b]

39447       Monlt bonne vie demenerent

39448       Lui et sa femme, et Dieu amerent.

39449       En Dieu chascun d’eulx delittoit.

39450       Ung jour seulle sa femme estoit.

39451       La vint a lui ung jouvenceau,

39452       Angle Dieu, gracïeux et beau,

39453       Qui lui dist : « Enchainte seras

39454       Et de ton mary filz aras

39455       Qui de tresgrant force seras.

39456       De son chief ne sera rez ja. »

39457       Si tost comme celle l’oÿ,

39458       Tantost a l’hostel s’en fuÿ

39459       Et a son mary a compté

39460       Ce que l’angle lui a ditté :

39461       « Ung filz arons, grant force ara

39462       Ne ja son chief res ne sera. »

39463       Cil tantost en prinst jalouzie,

39464       Et dist : « Di lui qu’il le me die.

39465       Aultrement je ne le croiray,

39466       Et si te souspechonneray. »

39467       Celle lui a dit : « Volontiers. »

39468       Lors tourna arrier les sentiers.

39469       L’angle trouva, si lui compta

39470       Ce que son mary dit lui a.

39471       « Devant lui te pry que le dies,

39472       Si me feras grand couroisies.

39473       ― Certes volentiers », cellui dit.

39474       Et lui noncha sans contredit

39475       Ce que sa femme lui ot dit.

39476       […][55]

39477       Lors le mary lui dit : « Amis,

39478       Puis que de Dieu tu es tranmis,

39479       Atens ung peu sans delayer,

39480       Car a toy voeul sacrifïer. »

39481       Et lors ung aignel ala querre

39482       Et aluma le feu sur terre.

39483       Maintenant devant lui l’ardi,

39484       Et sacriffice lui rendi,

[118c]

39485       Et en icel lieu mené fu.

39486       Avecques[56] la fumee du feu

39487       L’angle si s’est esvanouÿ,

39488       Puis ne fut veü ne ouÿ.

39489       Lors crut le preudoms fermement

39490       Que c’est ung angle vraiement.

39491       Aprez advint ce que deust estre

39492       Que de ces deux deust ung filz naistre,

39493       Qui Sanson le fort fu nommés,

39494       Qui tant fu fort et renommés.

39495       Tant de chevelx comme il avoit

39496       Tant forces d’hommes comprenoit.

39497       Quant il fu grant et parcreü,

39498       Adoncquez s’est il esmeü

39499       Et a guerrïer il s’est mis

39500       Encontre tous les anemis

39501       Qui <le>[57] poeuple d’Israël gastoient,

39502       Qui Sarrazins adonc estoient,

39503       Qui plus yerent et [qui] plus furent

39504       Que les Juïfz qui en Dieu crurent.

39505       A ceulx emprist Sanson la guerre

39506       Et les requist dedens leur terre.

39507       Par toute Egipte les chassa,

39508       [Et] hors d’Israël les bouta.

39509       Nullui ne les peust contrester,

39510       Tant fu poissant, au vray compter.

39511       Une fois les ot il chaciés,

39512       Et pluseurs mors et despeciés,

39513       Ung tresgrant sommeil lui est pris.

39514       Adoncquez a dormir s’est mis,

39515       Dessoubz ung arbre s’endormy.

39516       La y vindrent ses anemy.

39517       Trestout bellement a lui vindrent,

39518       En dormant son baston lui prindrent.

39519       Et cil en dormant tressailli.

39520       Vit qu’a son baston ot failli :

39521       Une joe de[58] cheval trouva,

[118d]

39522       A celle joe s’esprouva,

39523       Que je croy, qu’a plus de cincq cens

39524       En toilli la vie et le sens.

39525       Tant en a ochis et cassés

39526       Que il fu durement lassés.

39527       Et lors une grant soif l’a pris,

39528       Dont il fu forment entrepris.

39529       Prïa a Dieu devotement

39530       Qu’il lui donnast atemprement.

39531       Sanson la joe du[59] cheval tint,

39532       Et cel soif adez il soustint.

39533       De la joe ung des dens toilli

39534       Et une fontaine en sailli

39535       Du pertuis ou le dent estoit.

39536       Oncques plus clere veue[60] n’avoit,

39537       Plus belle ne plus gracïeuze,

39538       Ne plus saine ne plus pïeuze :

39539       Et quant Sanson a ce veü,

39540       Trestout son saoul en a beü,

39541       Tant qu’il[61] fu bien rassazïé.

39542       Donc fu Dieu par lui gracïé.

39543       Se se voult tousjours avoier

39544       Aulx ennemis Dieu guerroier,

39545       Qui la loy Moÿse grevoient,

39546       Et ceulx qui le contredisoient.

39547       Monlt en ochist et guerroia,

39548       Monlt en chassa et forvoia.

39549       Car si fort estoit et si fier,

39550       Nul n’osoit contre lui drechier.

39551       Les gens d’Israël acquitta,

39552       Leurs anemis monlt debita.

39553       En la fin se mist en diffame

39554       Qu’il mist son coeur en une femme

39555       Qui n’estoit mie de sa loy,

39556       De sa gent ne de son aloy.

39557       De la gent sarrazine estoit,

39558       Et la loy paienne tenoit.

[119a]

39559       Il en pesa monlt a son pere,

39560       Et grant meschief en ot sa mere,

39561       Mais pour riens qu’il peüst venir,

39562       Ne laissa celle a maintenir.

39563       Trop l’ama, trop s’i delita.

39564       Celle avoit nom[62] Dalida.

39565       Sage fut et malicïeuze,

39566       Et en l’art d’amour venimeuze.

39567       Bien le sceut attraire et sieuvir.

39568       De son cœur, de son corps joÿr.

39569       Grande folie Sanson fist

39570       Quant ez lacz de femme se mist.

39571       Bien sens et raison renÿa,

39572       Quant il en telz las se lÿa.

39573       Et ses ennemis, quant le sceurent,

39574       Grant joye et grant lÿesse en eurent.

39575       Dirent : « Or ne nous fault que taire.

39576       Par ce avons nous nostre affaire :

39577       Femme de nostre loy a prise,

39578       Et toute songnance en lui mise[63].

39579       En lui a si tout son cœur mis,

39580       Car il ne fait qu’a son devis.

39581       Or n’y a mais que vers lui traire.

39582       Bien pourchassera nostre affaire. »

39583       A lui vindrent secrettement,

39584       A lui parlerent priveement[64].

39585       Dirent : « Amye, a toy venons.

39586       Tant pour amye te tenons

39587       De nos gens et de nostre loy,

39588       De nos paÿs, de nostre foy.

39589       Tu dois bien ta foy soustenir

39590       Et eslever et maintenir,

39591       Et tous ceulx haïr et grever

39592       Qui mal nous voeullent demener.

39593       Sanson le fort que tant haions,

39594       Qui la force a d’un millier d’homs,

39595       Voire certes plus de dix mille,

[119b]

39596       Nostre loy deffoule et avile.

39597       Adés le pense a aviller,

39598       Et en la fin toute essilier.

39599       Toutes la conffondra si dure,

39600       Nous en sommes en adventure.

39601       Si seroit grant desconvenue,

39602       Se par lui estoit abatue.

39603       Par sa force abatu<e>[65] poeut estre :

39604       Pour ce envoient[66] a vous no maistre,

39605       Car ilz scevent certainement

39606       Que tant t’ayme parfaittement

39607       N’est riens qu’il ne te decouvrist,

39608       Ne nul secret qu’il ne t’ouvrist.

39609       Saches, se tu le poeulx sçavoir,

39610       Comment force poeult tant avoir,

39611       Ou le prent, ou elle lui dure.

39612       Dalida[67], amie, mes y cure.

39613       Et se tu le sces bien enquerre,

39614       Dame seras de nostre terre.

39615       La terre d’Israël arons,

39616       Et nostre loy exsaulcerons,

39617       Et en chasserons les Juïfz.

39618       Ad ce sommes nous tous veïs.

39619       Tu en seras dame honnouree,

39620       Certainement sans demouree.

39621       Plus riche de toy n’y ara.

39622       Se il poeult estre, ainsi sera.

39623       Si nous en respons ta pensee.

39624       Tenez ceste chose cellee. »

39625       Dist Dalida a ces mesages :

39626       « Or soiez et cellans et sages,

39627       Car je le feray de certain,

39628       Car se en mes mains je le tain,

39629       Nulle riens ne me cellera.

39630       Ainsiques deceüs sera. »

39631       Les mesages si s’en partirent.

39632       Tout ainsi a leur seigneur dirent

[119c]

39633       Et s’en tindrent bien apayé.

39634       Lors se tindrent peu esmayé,

39635       Ne me voulrent plus bataillier.

39636       Dalida print a traveillier,

39637       Et monlt forment s’estudïoit,

39638       Quant a lui de folz jeux jouoit,

39639       Si com folz et folles privees

39640       De folles amours desirees,

39641       Que les plus folz seullent hanter,

39642       Et fol tenir et fol taster

39643       Et mainte fole contenance

39644       Et fol et fole en ce point pense

39645       Qui sont sans raison sans sçavoir,

39646       Que nul ne doit ramentevoir.

39647       En iceulx folz secretz privés

39648       L’un disoit : « Vous me decevés :

39649       Tous mes secretz sçavés pour vray

39650       Et riens des vostres je ne sçay.

39651       Bien devray avoir grant diffame,

39652       Se je pers par vous corpz et ame.

39653       Tant vous aim je ne sçay que faire.

39654       Vers vous ne puis celler ne taire

39655       De dire que je trop vous aim,

39656       Dont j’ay le cœur et fol et vain,

39657       Car cellui bien pour fol se claime

39658       Quant il dit a femme : « Je t’aime »,

39659       Puis qu’il a son voloir eü.

39660       Des la est le fol deceü.

39661       Et je, qui mon cœur vous descoeuvre

39662       Tantost[68] experiment y troeuve

39663       Que vous ne m’amés de noyent

39664       Et par delit qui vous esprent

39665       Autant ung aultre en amerez.

39666       Et se cy morir ne vëez.

39667       ― Se je vous vëoye a meschief,

39668       Tost me copperoye le chief.

39669       Et se nulle riens je sçavoye

[119d]

39670       Qui vous pleust, tost le vous diroye,

39671       Et toute rien sans retarder

39672       Que vous me vouldriez demander. »

39673       Et celle tantost lui raconte

39674       Qui trestout scet et mal et honte :

39675       « Et qui est qui peüst sçavoir

39676       Se ja femme peüst avoir

39677       Si fort son cœur en homme mis

39678       Que j’ay en vous, mon beaulx amis.

39679       Ne le vous oze maintenir,

39680       Ne du dire ne puis tenir.

39681       N’a sens ne raison qui me tiengne

39682       Que Amour encontre ne viengne

39683       Qui me dist : « Trestout lui diras

39684       Nulle riens ne lui celeras.

39685       Amours, dont toute plaine suis,

39686       Ad ce me met, celler nel puis,

39687       Mon cœur, que en vous ay tout mis.

39688       Si vous prie, beau tresdoulx amis[69],

39689       De mon cœur estre congnoissans.

39690       Vous estes ungz homs monlt poissans,

39691       Et sur tous devez estre amés.

39692       Dites moy, foy que me devez,

39693       Comment poëz vous si fort estre,

39694       De tel nature et de tel estre,

39695       Comment si fort se conterra

39696       Et comment tel durer porra.

39697       Trop habunda habundamment,

39698       Quant a ung homme seulement

39699       Donna tel force et tel pooir

39700       Qu’il poeut mil hommes decepvoir.

39701       Dites moy comment poeut Nature

39702       En une seulle creature

39703       Avoir mis si tresgrant pooir.

39704       Je le voulroye bien sçavoir.

39705       Se dire vous le me voulez,

39706       Tresbien mon amy vous serez. »

[120a]

39707       Pluseurs telz requestez lui fist,

39708       Et toudis cilz bourdes lui dist.

39709       Une fois l’en vault apayer

39710       Et dist : « Qui me porroit lÿer

39711       De cordes de bœufs en dormant

39712       Les deux puingz bien et fermement,

39713       A trop peu de frais prins seroie.

39714       Jamais nul jour ne m’aideroie,

39715       Ne[70] ne me porroie revengier.

39716       Mais cellui ne m’aroit pas chier

39717       Et trop petit il m’aimeroit,

39718       Qui de telz jeux me serviroit. »

39719       Celle qui plus neant ne lui[71] dist,

39720       Ung jour tresbien boire le fist

39721       Tant que trestout fut estourdy

39722       Et que forment s’est endormy

39723       Que il ne sceut ou il estoit.

39724       Celle qui tousjours se doubtoit

39725       Ot des nerfs de boeufz delïés.

39726       Si lui en a les poingz lïés.

39727       Quant ilz furent tresbien loyé,

39728       Celle n’y a plus delayé.

39729       D’un manteau maintenant le coeuvre,

39730       Atant l’huis de sa chambre œuvre[72].

39731       Si s’en est aval avallee.

39732       Et Sanson si l’a rappellee.

39733       Si lui dist : « Dame, ou[73] allez ?

39734       Et pour quoy lÿer me voullez ?

39735       A quoy[74] grever metez grant paine. »

39736       Lors les poingz l’un de l’autre esloingne

39737       Et va ses lÿens despechant,

39738       S’encor en y eust plus ung cent.

39739       Pluseurs aultres choses lui dist,

39740       Tout adez son secret soursist.

39741       Ung jour ala s’amie veoir,

39742       Que trop vault amer et sëoir,

39743       En la cité philistïenne,

[120b]

39744       Fondee de la[75] gent ancïenne,

39745       La ou s’amie demouroit,

39746       Qui loy sarrazine crëoit.

39747       O lui fu, et nuit, et journee.

39748       Celle qui fu endoctrinee

39749       A servir les gens de sa terre

39750       Envoya tost les seigneurs querre

39751       Et leur fist tresbien asçavoir

39752       Qu’en cel lieu le poeuent avoir,

39753       Qu’en leur cité est herbegié.

39754       Le seigneur ne s’est pas targié

39755       Que Sanson ne poeuent combrer.

39756       Tantost fist les portes fermer

39757       Et jura ses dieux et ses loys

39758       Que vëoir l’ira sans delois.

39759       Si comme sa gent amassa,

39760       Endementiers la nuit passa.

39761       Quant Sanson a veü le jour,

39762       Tantost se leva sans sejour,

39763       Droit a la porte fist s’allee,

39764       Close le trouva et fermee.

39765       Lors senti et pourveü fut

39766       Qu’il ot esté appercheüt,

39767       Congnut que ilz le poeuent prendre,

39768       Et lors tantost, et sans attendre,

39769       Les deux portes sur son col lieve,

39770       Ne nulle riens il ne lui griefve,

39771       Si les emporte comme ung rain,

39772       Chascune porte sur la[76] main.

39773       Sur une montaingne les met,

39774       La les laisse, puis s’est retrait.

39775       Rien ne l’en pooit contrester,

39776       Tant fu fort, tant fist a doubter.

39777       Quant les Philistïens le virent,

39778       De rechief a Dalida dirent

39779       Qu’elle de bezongner pensast

39780       Comment sa grant force abaissast,

[120c]

39781       Et que mesist paine a sçavoir

39782       Com tel force pooit avoir.

39783       Si fist elle certainement.

39784       Tout y mist son entendement

39785       En promesses, en larmes faintes,

39786       Convens jurés, flateries maintes,

39787       Par folz atouchemens privés,

39788       Trestout de traïson rivés,

39789       Que il lui a trestout ouvert

39790       Et tout son secret descouvert.

39791       Et celle ne s’en fist que rire :

39792       « Petit m’en chault, quant ce me dire,

39793       Dire pieça le me deussiez

39794       Se parfaitement m’amissiez.

39795       Bien pert que m’avez peu amé,

39796       Quant tant vous le m’avez cellé. »

39797       Quant Dalida a ce sceü,

39798       Elle n’a oncquez paix eü

39799       Jusqu’a donc que yvre le tint

39800       Et que dormir il le convint.

39801       A lui decepvoir contendi

39802       Qu’a unes forces le tondi.

39803       Tous lui a ses cheveulx ostés,

39804       Dont de sa force fu jettés.

39805       N’ot mais la force que d’un homme.

39806       Et quant il s’esveilla du somme,

39807       Et ses cheveulx trouva ostés,

39808       Lors fut il tout desconfortés,

39809       Mat, couroucié et esbahy,

39810       Et s’escrïa : « Je suis trahy !

39811       Par femme suis mis a la mort. »

39812       Celle hucha a grant effort

39813       Ses amis qui si sont prouvés

39814       Que les deux yeulx lui ont crevés.

39815       Tout ainsi le deffigurerent,

39816       Et puis avec eulx le menerent,

39817       Et comme ung fol tout atourné,

[120d]

39818       S’en jouent com d’un forsené.

39819       Du pain a mengier lui donnerent.

39820       Ainsi grant piece le garderent,

39821       Et tout adez pour fol le tindrent

39822       Tant que ses cheveulx lui revindrent

39823       En moins de demy an creü.

39824       Si s’en est bien apperceü,

39825       Car pour la longue demouree

39826       A yl sa force recouvree.

39827       Ung jour de la solempnité,

39828       Faisoient feste en la cité.

39829       Cil qui du pays sires yere

39830       Faisoit tenir feste plainiere.

39831       Des plus grans de toute la terre

39832       Envoya en son palaix querre,

39833       La vault tenir son parlement

39834       De lui et de toute sa gent.

39835       Toute la grant sale estoit plaine

39836       De tous les plus grans du demaine.

39837       Quant Sanson la nouvelle oÿ,

39838       Ung petit s’en est esjoÿ,

39839       Comme fol trestous le tenoient,

39840       Et ainsi danser le faisoient.

39841       Ne pensoient pas que[77] tant durast,

39842       Que ja sa force recouvrast.

39843       Mais Sanson tresbien le sentoit

39844       Que force en lui se remetoit.

39845       Sentoit ses cheveulx ragrandir,

39846       Toute sa force revertir.

39847       Et iceulx point ce ne pensoient,

39848       Mais toudis pour fol le tenoient,

39849       Et[78] le faisoient entre eulx danser.

39850       Pour lui escharnir et gaber,

39851       De la prison l’orent osté,

39852       En la sale l’orent mené.

39853       Quant Sanson fu desprisonné,

39854       Devant tous au palaix mené,

 

[1] Ms. Encor l’enffez ou ventre sera.

[2] Raynaud édite gasté, ce qui rend le vers hypermétrique.

[3] Ms. ung.

[4] Raynaud corrige en le faire.

[5] Raynaud corrige en fust.

[6] Raynaud supprime ce mot.

[7] Raynaud supprime ce mot.

[8] Raynaud supprime ce mot.

[9] Vers manquant.

[10] Ms. couroiant ; Raynaud corrige en Courant en l’an quarante deux.

[11] Raynaud supprime ce mot et édite vëoies.

[12] Ms. Une.

[13] Vers manquant ; pas d’équivalent dans A.

[14] Raynaud supprime ce mot.

[15] Ms. le mes.

[16] Raynaud corrige en l’on.

[17] Ms. tarentés.

[18] Raynaud corrige en compagne.

[19] Raynaud corrige en un mal vice.

[20] Hermant dans la rédaction A.

[21] Raynaud corrige en Bray d’après A.

[22] Raynaud corrige en les lui se mist d’après A.

[23] Raynaud supplée de.

[24] Raynaud corrige en a ses.

[25] Raynaud corrige en ne d’après A.

[26] Raynaud édite deüst, ce qui rend le vers hypermétrique.

[27] Raynaud corrige en Et en.

[28] Ms. Ayes esperance.

[29] Raynaud édite argüe, ce qui les contraint à supprimer Et.

[30] Raynaud corrige en tant despire.

[31] Raynaud corrige en Et male.

[32] Raynaud supprime Il.

[33] Ms. pourvoie.

[34] Raynaud corrige en Et l’autre.

[35] Raynaud corrige en L’autre en savoir Divinité.

[36] Raynaud corrige en Et l’autre.

[37] Raynaud corrige en Et l’autre.

[38] Raynaud ne corrige pas.

[39] Raynaud corrige en mains.

[40] Raynaud corrige en et com.

[41] Raynaud corrige en Maistre.

[42] Raynaud corrige en courreter.

[43] Raynaud corrige en va advocasser.

[44] Raynaud ne corrige pas.

[45] Raynaud corrige en Et ly aultre.

[46] Raynaud corrige en Et l’autre.

[47] Raynaud corrige en Et l’autre.

[48] Raynaud corrige en Et l’autre.

[49] Raynaud édite wiseusetés.

[50] Raynaud corrige en respondra.

[51] Raynaud corrige en respondra.

[52] Raynaud corrige en Que de.

[53] Raynaud corrige en Qu’une.

[54] Raynaud corrige en le lis.

[55] Vers manquant ; pas d’équivalent dans A.

[56] Raynaud corrige en Avec.

[57] Raynaud ne corrige pas et édite Israel.

[58] Raynaud corrige en a.

[59] Raynaud corrige en au.

[60] Raynaud corrige en v

[61] Raynaud corrige en que il et édite rassazié.

[62] Raynaud corrige en a nom.

[63] Raynaud édite mist.

[64] Raynaud corrige en privement.

[65] Raynaud corrige en Par lui et gardent abatue.

[66] Raynaud corrige en envoions.

[67] Raynaud corrige en Dalide.

[68] Raynaud corrige en Par droit.

[69] Raynaud corrige en beau doulx.

[70] Raynaud supprime ce mot.

[71] Raynaud supprime ce mot.

[72] Raynaud corrige en el œuvre.

[73] Raynaud corrige en ou donc.

[74] Raynaud corrige en moy.

[75] Raynaud supprime ce mot.

[76] Ms. une.

[77] Raynaud supprime ce mot.

[78] Raynaud supprime ce mot.

1342-Le contrefait de Regnart (B2) (121-129)

[121a]

39855       Les palasins qui y estoient

39856       Sanson souvent danser faisoient,

39857       Et cil qui pour fol s’est tenus

39858       Sceut que ses cheveulx sont creüs

39859       Et que la force a tout en lui

39860       Qu’il perdi quant on le tondi :

39861       Au plus grant pillier du palaix,

39862       Qui soustenoit trestout le fais,

39863       Tout le fais du palaix portoit

39864       De la ou cil[1] poeuple estoit,

39865       (Aultrefois y avoit esté),

39866       Sanson s’est illecq acosté,

39867       Et toute sa force y a mise.

39868       Le pillier tout desroche et brise.

39869       Et lors cheÿ tout a ung fais

39870       Toute la force du palaix,

39871       Et tous furent ochis et mort.

39872       Ceulx du palaix sans nul reffort,

39873       Les grans maistres et palasin

39874       Furent tous mors, ce fu la fin.

39875       Tous furent mors et soubité.

39876       Voire[2] est, c’est auctorité :

39877       Et quant sçavoir vous le voulrez.

39878       En la Bible le trouverez.

39879       Ainsi Sanson par fole amour

39880       Perdi corps, chevance et honnour.

39881       Ainsi sont pluseurs qui par femme

39882       Ont honte, meschief et diffame.

39883       Pluseurs a honte s’en sont mis,

39884       Honny et gasté leurs amis.

39885       Maint corps sont par ce condempné,

39886       Maint en sont en enfer dampné.

39887       Pour si petitte amour charnelle,

39888       Fesble[3], et fraible, et corporelle,

39889       Pour fole amour qui si peu dure,

39890       Se mettent tout en adventure,

39891       Pour amour qui si petit vault,

[121b]

39892       Tost[4] commence et tost deffault.

39893       Tost fault a ceulx qui a bien viennent,

39894       Mais les folz longuement le tiennent.

39895       En ceste amour deshonnourable,

39896       Ordre, honteuze, abhominable,

39897       Dont on est a repentement,

39898       Ceulx qui y voient clerement

39899       Blasment le temps, vie et ouvrer.

39900       Mais nëant est du recouvrer.

39901       Dieu ! com en grant dangier s’aplicque

39902       Qui est lacz de femme se ficque,

39903       En grant peril, en grant durté,

39904       En grant trouble, en grant obscurté,

39905       Et subjectïon, et maistrise !

39906       Poeuple est dangereux servise

39907       Es lieux de enfer natureux

39908       Plaisans, penible[5] et morteux.

39909       Bien le scet qui cest rommant fist.

39910       Pluseurs jours en cest siege sist

39911       Du quel ne se pooit lever,

39912       Ne esponchïer ne laver[6].

39913       Et si congnoissoit bien sa vye

39914       Que il maintenoit en folye.

39915       Folie n’est nulle pareille,

39916       Ne scet se il dort ou s’il veille,

39917       Et si ne s’en pooit retraire

39918       Pour œuvre que il peüst faire.

39919       Et s’estoit, pour voir, congnoissans

39920       Que il estoit fol non sachans.

39921       Bien sceüt aultrui chastïer,

39922       Mais ne se sçavoit avoier.

39923       Quant plus de partir s’en cuidoit,

39924       Et plus en ce feu se boutoit,

39925       Ainsi com cil qui ne voit goute,

39926       Plus cuide fuïr, plus s’i boute.

39927       Maintes larmes en ot plourees,

39928       Et maintes orisons orees,

[121c]

39929       Mais peu vault riens qu’on puisse faire

39930       Affin qu’elles puissent desplaire,[7]

39931       N’enquirent nulle aultre rachine :

39932       Seul fuïr est la medecine.

39933       Cil qui garder voeult son sçavoir,

39934       S’honneur, sa santé, son avoir,

39935       S’ame, son corps, sa paix, sa vie,

39936       Pense de eslongier s’amie.

39937       Car eslongier par verité

39938       Fait entroublïer vanité.

39939       Cui ainsiques faire le voeult

39940       Peu en est cui le cœur en doeult.

39941       Or se fault tenir du penser,

39942       Par la poeut fole amour cesser.

39943       Il n’est riens que l’homme n’oublie,

39944       S’a l’eslongier bien s’estudie.

39945       Mais ung peu de fragilité

39946       Fait continuer vanité.

39947       Fragilité, comme est poissant,

39948       Ne lait homme estre congnoissant.

39949       Fragilité conseil ne croit,

39950       Fragilité goute ne voit,

39951       Fragilité fait foloier

39952       Ceulx qui deussent tout avoier.

39953       Fragilité est une dame

39954       Qui maine en enffer corps et ame.

39955       Fragilité fait perdre avoir,

39956       Corps, honneur, ame[8], et sçavoir.

39957       Fragilité voeult trestout faire

39958       Quanqu’il lui plaist ou lui voeult plaire,

39959       Ne voit ne guez, ne pont, ne rive,

39960       Toute sa volenté voeult sivre.

39961       N’y voit perte, ne mort, ne vie.

39962       Fragilité n’a ja envye

39963       Fors de faire sa voulenté.

39964       A maint homme a[9] tout cousté,

39965       Et qui Fragilité croira

[121d]

39966       Jamais s’amie ne fuirra.

39967       Mais elle le porra bien fuir

39968       Quant il n’ara de quoy deduire.

39969       Car sachent tout jone et moyen,

39970       Riche, fol, sage et ancïen,

39971       Qu’el<le>s ne vous aiment n’ameront,

39972       Que tant que garny vous sçaront,

39973       Tant vous vouldront blandir et sivre.

39974       Je le sçay bien, qui fis cest livre :

39975       Quant el m’ot mis a petit port,

39976       Elle me pourchassa ma mort.

39977       Si prïons Cellui qui tout poeut,

39978       Qui tous biens donne et tous biens voeult,

39979       Qui est sire de vanités

39980       Et de toutes fragilités,

39981       Qu’il nous acroye cest honneur,

39982       Que de nos corpz soions seigneur

39983       Et qu’en fole amour ne soions,

39984       Raison tousjours au cœur aions.

39985       Atant Thiebert son sermon fine,

39986       Et vers son hostel s’achemine.

39987       Cilz lui envoierent vïande

39988       Tant que de ce riens ne demande.

39989       Et quant il ot assez preschié

39990       Et de pluseurs gens fu engié,

39991       Plus l’eslongent, plus le congnurent,

39992       Et moins a lui amer s’esmurent,

39993       Car qui pluseurs bien congnoistroit,

39994       On aime tel que on hairroit.

39995       Car pluseurs des choses nouvelles

39996       Dient que sont bonnes et belles.

39997       Quant hantees sont et congnues,

39998       Elles sont peu chieres tenues.

39999       Pour ce font bien aucun convent

40000       Qui muent leurs freres souvent,

40001       Combien qu’en sont maint mal payé,

40002       Car bien ont cel point apayé.

[122a]

40003       Hanter et longuement vëoir

40004       Fait maint peu plaire et peu sëoir.

40005       Pluseurs font beau commencement,

40006       Que puis ilz finent laidement.

40007       Et pour ce, dist on de nouvel

40008       Tout est et gracïeux et bel

40009       Et Thiebert, qui bien scet ce point,

40010       Se part et plus n’arreste point.

40011       Si s’esmoeut en une aultre terre

40012       Tant pour proffit que honneur querre.

40013       Ainsi que son chemin aloit,

40014       Tout au devant de lui venoit

40015       Une beste desordonnee,

40016       Pale, le vis maigre, eschinee,

40017       Grand[10] comme ung asne et hideuze,

40018       Mate, monlt melencolïeuze.

40019       Si tost que Thiebert l’a veüe.

40020       Monlt grant hideur en a eüe.

40021       Bien le congnut, et sceut, et voit

40022       De quel affaire elle servoit,

40023       Comment et quelle est sa nature,

40024       Qu’elle[11] ayme et de quoy a cure.

40025       Si l’en a ung peu moins doubtee.

40026       Toutesvoiez l’a saluee,

40027       Com[12] sage et bien enseigniez.

40028       Dist : « Dame Tigre, bien vegniez !

[122b]

40029       Grand piece a que ne vous vis mais.

40030       N’avez pas toudis eue paix,

40031       Grant santé n’avez pas eüe,

40032       Car je vous voy monlt deceüe.

40033       Pour ce, me semble n’avez mie

40034       Tout le soulas de vostre vie.

40035       ― Thiebert amis, Dieu vous doint joye,

40036       Et si m’amaint en telle voye

40037       Que je puisse trouver santé !

40038       J’ay partout cest paÿs hanté.

40039       Sept ans a, ne finay d’aller.

40040       Mon vivre ne puis recouvrer.

40041       Sept ans a que je ne mengay,

40042       Vïande en mon corpz ne boutay,

40043       Ne ne sçay lieu pour moi repaistre.

40044       Vëez donc se je doy maigre estre.

40045       Je ne m’en fais que traveillier,

40046       Ne m’en sçay a qui consseillier.

40047       Se vous consseillier me poiez,

40048       Tresgrant aumosne vous feriez. »

40049       Lors dist Thiebert : « Quelle vïande

40050       Vostre conplexïon demande,

40051       Et qui viengne a vostre nature ?

40052       Sçavoir si sçaray mettre cure,

40053       Car se repaistre vous pooie,

40054       Je cuid en vostre amour seroie.

40055       ― Se je trouvoye femme feaulx

40056       Qui fust vers son mary loiaulx,

40057       Amast de cœur et obeïst

40058       Et du tout son voloir fëist,

40059       Tresvolentiers j’en mangeroie,

40060       Se aucunes je en trouvoye. »

40061       Dist Thiebert : « Assez en arez.

40062       Par tant plus de cent en verrez

40063       En ung marchié qu’est cy devant,

40064       Ou chascune son fillé vent,

40065       La demy millier en verrez.

[122c]

40066       Illec assés mengier porrés.

40067       ― Alons y donc, s’a dit la Tigre,

40068       «Appareillie suis[13] de suigre. »

40069       Lors vers le marchié s’en allerent

40070       Et monlt de femmes y trouverent.

40071       Et lors Thiebert s’est escriez :

40072       « Gardés, femmes, fuiez, fuiez !

40073       Fuiez, vecy la male beste

40074       Qui aulx bonnes femmes fait feste !

40075       Sachiez, icelle mengera

40076       Qui le gré son mary fera,

40077       Qui en pacïence demeure

40078       Et qui bien le sert a toute heure,

40079       Et qui lui porte loiaulté,

40080       Et de cœur fait sa volenté !

40081       Fuiez, femmes, que ne vous voye ! »

40082       Adonc sault avant en la voye

40083       Une qui huche : « Dampt Thiebert,

40084       La Tigre cy son chemin pert.

40085       Monlt se forvoie quant cy vient :

40086       Vïande n’ara icy neant[14].

40087       N’a cy femme qui lui affiere.

40088       Moy meisme toute la premiere,

40089       Je[15] vouldroye perdre ung de mes yeux,

40090       Et mon mary en perdist deux !

40091       Dieu ! com je[16] feroie bonne feste !

40092       Je lui batterroie tant la teste[17]

40093       Et tant trebuchier le feroie !

40094       Je me mettroye en my la voye

40095       Vestue, gaillarde et paree,

40096       Pour estre la mieulx advisee,

40097       Le chapellet en mon chief vert,

40098       Ne g’erroye plus a couvert,

40099       Quel temps, quel pluie que feïst

40100       On ne me veïst et oÿst.

40101       Et[18] chanteroie qu’ung roussignolz.

40102       Avec ces compagnons megnotz,

[122d]

40103       Par ces prëaulx, en grant deduit,

40104       Partout m’en iroye de nuit.

40105       Je[19] ne me feroie sommeillier,

40106       Tant me feroie grapillier !

40107       Aulx compagnons voulroie plaire !

40108       Las ! ou porroye[20] tel joye querre ?

40109       Lasse ! en quel lieu le trouveray ?

40110       Lasse ! hé lasse ! et que feray ?

40111       Trop puis en tel point demourer ! »

40112       Lors se print forment a plourer.

40113       Dist l’autre : « Plourer ne doy mie,

40114       Mais je doy bien plourer la vye

40115       Que deables m’onlt[21] ou corps boutee,

40116       Car je suis toute rassotee

40117       De haïne et de dolëance,

40118       De trestoute male voeullance

40119       Que j’ay au cœur pesme et obscure

40120       De ce que mon mary tant dure.

40121       Car j’aime ung joly clerc mignot,

40122       Plus gay que n’est ung roussignot,

40123       Qui souvent fait mon cœur joiant.

40124       Hé, vray Dieu ! et je l’aime tant

40125       Que trestout le cœur me sautelle

40126       Si tost que l’oy et il m’appelle,

40127       Car nulle fois il n’est lassés

40128       De faire le jeu que tu scés.

40129       Toudis vouldroit estre es archons

40130       Et puis aulx jeux et aulx chançons.

40131       A aultre chose ne voeult tendre,

40132       Et mon mary, que on puist pendre,

40133       Il ne me fait que traveillier,

40134       De jour batre et de nuit grongnier.

40135       Et si ne poeut la chose faire.

40136       Male mort le puist a chief traire !

40137       Quant je le voy, de doeul je tremble,

40138       De doeul me fremissent ly membre.

40139       Morte fusse or, je vous plevis,

[123a]

40140       Se ce ne fust mes chiers amis.

40141       Mon amy adés me confforte,

40142       Et mon mary la mort m’aporte. »

40143       Dist l’autre : « De vous ne m’esmay,

40144       Car oncquez mon mary n’amay,

40145       N’honneur ne fis ne reverance

40146       Fors par paour et par doubtance.

40147       Et s’a mon gré de lui estoit,

40148       Anuit en la biere gerroit. »

40149       Dist l’autre : « Aussi n’ay je[22] garde,

40150       Car quant mon mary me regarde,

40151       Semble qu’il me doye ferir

40152       Et qu’il me doie sus courir.

40153       Vouldroie que[23] les yeulx lui saulsissent

40154       Et puis que les loups le tenissent.

40155       Car jaloux est (et cause y a)

40156       Du beau varlet qui me prïa

40157       Pour Dieu que je fusse s’amie,

40158       Et je ne lui en faillis mie.

40159       Car souvent me fait le hary,

40160       Et il en poise a mon mary,

40161       Lequel se puist le col brisier,

40162       Tant le voeul amer et prisier ! »

40163       Dist l’autre : « Je n’ay mie doubte

40164       Que tu me faces de mal goute,

40165       Ne[24] que par toy soie couroucie,

40166       Que nulle fois ne suis si lye.

40167       Quant je voy mon mary venir,

40168       Me semble mort me doit tenir,

40169       Et quant amour monstrer me voeult,

40170       Trop durement le coeur me doeult.

40171       Tant m’annuie et tant me griefve[25],

40172       Par ung petit que je ne crieve,

40173       Se ne fust la bonne esperance

40174       De mon amy a quoy je pense,

40175       Qui a son voloir me tenrra,

40176       Si com meschant mary morra. »

[123b]

40177       Dist l’autre : « De vous n’ay peür,

40178       Ains en suis trestout asseür,

40179       Car j’aim bien, et si suis amee,

40180       Et si ay je m’amour donnee

40181       A ung compagnon noble et cointte.

40182       Et je suis jeune, gente et joincte,

40183       Sique bien nous entretenons

40184       Et si prez a prez nous tenons

40185       Que on diroit, qui nous verroit,

40186       De nous deux q’un seul y aroit,

40187       Tant sommes tous deux d’un accord.

40188       Et quant cil, cui Dieu doint la mort,

40189       Qui tant me fait le cœur marry,

40190       Ce est a dire mon mary,

40191       Quant il me voeult hurtebillier,

40192       Vous nous orriez bien bataillier,

40193       Tourner, esgratiner ou mordre,

40194       Fuïr, braire, tourner et tordre.

40195       Tant fort je crye et tant fort hue

40196       Qu’on nous oit bien d’en my la rue.

40197       Viennent gens pour nous dessevrer,

40198       Qu’avec lui n’ay cure d’ouvrer.

40199       Tant le demaine et tost et tart

40200       Que son voloir de lui se part

40201       Et me laisse ester par anuy.

40202       Ainsi le hez, ainsi le fuï,

40203       Et toudis ay le cœur dollent

40204       Tant que je le voy en present. »

40205       Dist l’autre : « Vous faites que sage

40206       Quant vous maintenez cest usage.

40207       Encor sont cincquante ans passés

40208       Qu’ailleurs ne furent mes pensés

40209       Qu’Amours et compagnie sieuir

40210       Et toudis mon mary haÿr.

40211       Mais oncquez tant Amourz n’amay,

40212       Tant fusse[26] en juing ou en may,

40213       Com je feroie maintenant

[123c]

40214       Se j’en vëoie aucun venant.

40215       Mais je suis tant ville et fleutrie

40216       Que nul n’a mais de moy envie.

40217       Pour ce, m’estoeut de cœur marry

40218       Malgré moy joÿr mon mary,

40219       Que s’aucun me voulsist joÿr

40220       Mon mary ne daignasse oÿr. »

40221       Dist l’autre : « Qui est qui poeut faire

40222       Que nul mary puisse ja plaire ?

40223       Nul ne porroit si puissant estre

40224       Qu’il fist mary gracïeux estre.

40225       Le mien par est si enuïeux,

40226       Si pesant, si mal gracïeux,

40227       Et mon amy est si loiaulx,

40228       Si[27] tresnoble, et si tresbeaulx,

40229       Car, s’il vouloit, il voleroit

40230       Et droit en Paradis iroit.

40231       Mais ne le laisse que pour moy,

40232       Car tant m’aime[28] en bonne foy,

40233       Volé fust ore en Paradis,

40234       Se il n’eust en moy son cœur mis.

40235       Trop cuideroit forment pechier

40236       Le gracïeux qui m’a tant chier,

40237       S’en Paradis sans moy aloit.

40238       Tost y seriesmes, s’il voloit. »

40239       Dist l’autre : « Bien suis mal menee

40240       Et de trespute heure fus nee,

40241       Et toudis ay le cœur marry

40242       De mon tresvielz puant mary,

40243       Non scïent et mal ordonné,

40244       Que deables ont a moy donné.

40245       A femme nulle n’a mestier,

40246       De vin buvroit bien ung septier,

40247       Tous les jours, sans faillir l’opine,

40248       Et ne lui poeut lever l’echine,

40249       Ne poeut monter ne soir ne main,

40250       Ne poeut ouvrer de quelque main.

[123d]

40251       Puis si s’endort, atant me lait.

40252       Lasse ! dolente, qu’ay je fait ?

40253       Quant couchier avec lui me fault,

40254       Morte fusse ore de deffault.

40255       Se ne fut ce qu’on m’a aprins.

40256       Que j’ay aulx bons compagnons prins.

40257       Qui scevent tresbien Bouchart batre

40258       Trois fois le jour, et souvent quatre,

40259       Si que frere Bouchart s’en loe.

40260       J’en fay a mon mary la moe.

40261       La moe en doit il bien avoir

40262       Qui n’a mais vertu ne sçavoir. »

40263       Dist l’autre : « Pour nëant en dittes,

40264       Je claims trestous les maris quittes,

40265       Car mat sont, mort, frileux et lent,

40266       Et sentent trestout le relent.

40267       Bien scevent grouchier et grouller,

40268       Mais ne scevent femmes lober.

40269       Se Dieu, qui tous bien poeut apprendre,

40270       Venoit en terre femme prendre,

40271       Puis que mary il devenroit,

40272       Jamais jour amé ne seroit,

40273       Mais devenroit lens et groucheux,

40274       Et non poissant, et parecheux.

40275       Maris sont si trestost lassé,

40276       Deffaillant, faintifz et cassé,

40277       Et ne nous scevent apaier,

40278       Et ne nous font mais qu’ennuier.

40279       Car quant le mien mary je pris,

40280       Il avoit tel los et tel pris

40281       Qu’environ lui plus d’une lee

40282       Il n’avoit femme demouree,

40283       Jonne, ne vielle, ne pucelle,

40284       A qui il n’eust batu la selle.

40285       Nulle ne s’en pooit passer

40286       Ne il ne s’en pooit lasser.

40287       De Dieu cuiday estre arrousee,

[124a]

40288       Quant je devins son espousee,

40289       Pensant qu’en deduit me tenroit

40290       Et que dormir ne me lairoit.

40291       Or m’a laissié tout a ung fais

40292       Que de ce ne lui souvient mais.

40293       Bien fut trois jours en bon ordon :

40294       Or ne vault son corps ung cordon.

40295       Je vouldroie qu’il fut en terre,

40296       Demain iroye ung aultre querre,

40297       Quant ainsi sont ores lassés,

40298       Ces tresmeschans maris cassés.

40299       Trop bien quatre jours me servi,

40300       Oncquez puis son estat ne vi.

40301       Par mon chief, deffaulte n’eüsse,

40302       S’aultre chevance je sceüsse. »

40303       Dist l’autre : « Femme, tant es sage,

40304       Quant tu te tiens en tel usage.

40305       Or vous tournez lez moy deça,

40306       Car je ne trouve mais pieça

40307       Si sage femme que vous estes.

40308       Nos maris nous tiennent pour bestes

40309       (Ausquelz trestous Dieu doint les fievres !),

40310       Mais ilz ne scevent ne que chievres,

40311       Car s[e] ilz nous laissent ouvrer

40312       Et en nos scïences prouver,

40313       Nous gouvernissions sagement,

40314       Mieulx et plus proiffitablement,

40315       Des choses qui cy aval sont

40316       Cent mile fois que ilz ne font.

40317       Mieulx feïssiesmes l’ordonnance

40318       Et eussiesmes meilleur chevance

40319       Cent mile fois que nous n’avons,

40320       Car trop plus de bien nous sçavons,

40321       Avec ce au dire les pointz,

40322       Certes ce est ung malvais poi[n]tz,

40323       Dont j’ay au cœur souvent couroux :

40324       Mon mary fut or tout desroups,

[124b]

40325       Tant le batisse soir et main

40326       (Quant ad ce point pas je ne l’aim),

40327       Que il ne peüst .viij. jours vivre,

40328       Et Dieu ! tant en fusse delivre

40329       De l’ort vil vilain tout pugnais !

40330       Je n’en dy plus avant, me tais.

40331       ― Certes, dit l’autre, belle sœur,

40332       Tu ne creroies a nul foeur

40333       Com je suis tresmal marïee.

40334       Bien m’a Dieu du tout oublïee.

40335       Mon mary se point sens eüst,

40336       Bien prisé et honnouré fust,[29]

40337       Moy prisier jusqu’au deschaucier,

40338       Car du tout l’ay fait avancier,

40339       Com povre ribaut qu’il estoit

40340       Et en grant povreté regnoit.

40341       Il print o moy si grant richesse

40342       Qu’il est venu a grant haultesse,

40343       Mais monlt bien le me scet merir,

40344       Ce est souvent sur moy ferir

40345       De puingz, de bastons sur ma teste.

40346       De lui n’ay nul tempz aultre feste.

40347       Trestous les menbres il me brise.

40348       Or veez com le malvais me prise

40349       Ne ne me hurtebille point.

40350       Frere Bouchart il ne bat point,

40351       Mais tient une aultre meschinette

40352       Qui est gaye, mignote et nette,

40353       Que il trop aime, a dire voir,

40354       A qui il donne mon avoir,

40355       Et sa joye avecquez lui maine.

40356       Au moins se trois fois la sepmaine

40357       Frere Bouchart batre vaulsist.

40358       De ce qu’il fait ne me chausist.

40359       Pour ce vœul a Dieu deprïer

40360       Que la mort lui voeulle envoier. »

40361       Dist l’autre : « Je m’en vengeroie

[124c]

40362       Que par mon chief coux le feroie.

40363       ― Belle sœur, ad ce ne fault mie,

40364       Car je suis a ung cler amie

40365       Qui souvent me fait le hary

40366       Tout en despit de mon mary.

40367       Plus en fesisse, se je peusse,

40368       Et se l’aisement en eüsse. »

40369       ― Si fais deux amis, ce dit l’aultre,

40370       Ou trois qui bien batront ton paultre,

40371       Tu ne feras pas grans merveilles. »

40372       Dist celle : « Tresbien me consseilles,

40373       Mais il a les deux puingz si durs

40374       Qu’il en abateroit deux murs.

40375       Pour ce, me convient supplïer,

40376       Contre mon cœur humilïer.

40377       Ne sçay que aultre chose en face.

40378       Ses puingz fussent ores en glace,

40379       Et sa teste de nesge fust,

40380       Et sur lui eaue boullant plut,

40381       Et fust aulx champs bien longz de ville.

40382       Ce dis pour ce que l’aim sans guille

40383       Et que je sçay que il a tort.

40384       Mais Dieu n’est pas de mon acord. »

40385       Lors les aultres crient a ung fais :

40386       « Dame Tigre cy riens ne fais.

40387       Cy n’as tu pas trouvé ta proye,

40388       Ne sçavons que droit cy t’avoye.

40389       Toutes voulrions que nos maris

40390       Qui nous font si les coeurz marris,

40391       Qu’a no gré ne poons amer,

40392       Que tous fussent noyez en mer,

40393       Qui boivent les bons vins sur lie,

40394       Et puis nous donnent lez l’oÿe

40395       Siqu’en avons tous les yeulx pers.

40396       D’eulx fust ores bouchié inffers

40397       Et Dieu que bon vin buveriesmes

40398       Tant que toutes yvres seriesmes !

[124d]

40399       Puis nous feriesmes tant cuignier

40400       Qu’on nous orroit de loingz vuignier.

40401       Ne ja pour ce ne demoura[30],

40402       Par le croix Dieu, bien y perra.

40403       Nous ferons toutes no vouloir,

40404       Combien qu’ilz s’en doivent doloir.

40405       Plus nous battront, plus roullerons,

40406       Et toudis moins les priserons.

40407       Le hault parler poeuent avoir,

40408       Mais nous ferons nostre voloir.

40409       Tant prendrons recrëacïon

40410       Que vouldra nostre entencïon.

40411       Bien sçarons nos amis attraire

40412       Et jurer pour nostre paix faire,

40413       Rire et acoller saintement

40414       Et souvent baisier faulsement.

40415       Fauveau torchié souvent sera.

40416       Honnis soit qui aultre en fera !

40417       Le corps et le semblant aront,

40418       De l’avoir leur plaisir feront.

40419       Nos amis aront jour et nuit

40420       Le cœur de nous et le deduit.

40421       Et si ne leur siet si leur crouppe,

40422       Nous leur ferons de leur pain souppe,

40423       Car coux estre faillir ne poeuent.

40424       Or en facent tout ce qu’ilz voeullent.

40425       Ralez vous ent, sire Thiebert,

40426       Car qui cy demeure tout pert,

40427       Et prengne la Tigre aultre cure.

40428       Pour lui n’a cy point de pasture.

40429       Toutes sçavons bien, et nous membre

40430       De quoy, pour quoy sont nostre membre

40431       Et comment on en doit user.

40432       Nous ne les lairons pas muser

40433       N’aviler par faulte d’ouvrer

40434       […][31]

40435       Et assez en recouvrerons

40436       Tant comme souffrir en porrons,

[125a]

40437       Au moins celles qui belles sont

40438       Tant comme en beaulté dureront.

40439       Et quant beaulté mais n’y sera,

40440       Lors Bouchart a repos sera,

40441       Combien qu’au corpz bien en souvient.

40442       Ainsi soit, ainsi le convient. »

40443       Dist la Tigre : « J’ay fait mon fais.

40444       Je croy ne mengeray jamais.

40445       Monlt a lonc temps que ne finay.

40446       Par toutes villes esté ay,

40447       Mais point n’y truis telle vïande

40448       Comme ma nature demande.

40449       Et pour ce icy de cy m’en vois,

40450       Laissier moy morir en ung bois.

40451       Et se ung recouvrier eüsse

40452       Que je encore trouver peüsse

40453       Ouvriers de bras qui deuement

40454       Fissent journees loialement[32]

40455       Sans[33] faintise et par raison,

40456       Sans barat, sans male acoison,

40457       Loiaulx journees voussist faire

40458       Tant pour raison com a Dieu plaire,

40459       Puis que femmes ne puis trouver,

40460       De ceulx voulroye recouvrer,

40461       Fussent machon, ou carpentier,

40462       Ou chareton, ou charetier,

40463       Vigneron, torqueur, ou couvreur,

40464       Bergier, courtillier, fauchillieur

40465       Et tous aultres de bras ouvriers,

40466       De ceulx[34] mengeroie volentiers.

40467       Encore se de ceulx avoie,

40468       Pas morir je ne me lairoie.

40469       Se je[35] trouvoie m’entencïon,

40470       G’y[36] prendroye recrëacïon.

40471       Or en alons doncques querir

40472       Ou par deffault me fault morir.

40473       Thiebert, pour Dieu or y metz paine.

[125b]

40474       Es places des ouvriers me maine,

40475       La ou tous les ouvriers se loyent,

40476       Que je[37] voye tous, et qu’ilz me voient. »

40477       En une place sont venus

40478       La ou sont tous ouvriers tenus,

40479       Lou sont tous ouvriers atirés.

40480       Illec s’est Thiebert escrïés :

40481       « Seigneurs ouvriers, or faittes feste.

40482       Veez vous cy venue la beste

40483       Qui les loyaulx ouvriers mengüe :

40484       Se nul en y a, ne s’en fue,

40485       Mais viengne[38] a nous humblement ».

40486       Lors y est venu en present

40487       Ung recovreres qui la sist.

40488       Tantost au devant d’eulx se mist,

40489       De tous ses compagnons doubté,

40490       Par procuracïon fondé

40491       De leur œuvre et ordonnance[39],

40492       De leur fait, de leur contenance.

40493       Lors dist : « Thiebert, cy suis venus

40494       Pour tous ouvriers gros et menus.

40495       Si te dy pour mes compagnons.

40496       Doubter, prisier ne te daignons,

40497       Ne de nous ne te prengne envie

40498       Que point n’aras de nous ta vye,

40499       Ne n’ayez cure de nostre estre.

40500       Ailleurs te convient aller paistre. »

40501       Dont dit la Tigre sans targier :

40502       « Pour quoy ne te doi je mengier,

40503       Ne tes compagnons ensemement ? »

40504       Dist cil volentiers fermement :

40505       « Au matinet a la levee,

40506       Quant je doy faire ma journee,

40507       Je suis plus matz et plus pesans,

40508       [Et] plus entoumis, et plus lans,

40509       Que le soir quant je m’en revieng.

40510       Et touttesvoiez ce retien,

[125c]

40511       Combien que asseuré en soye,

40512       Et que bien sace ou ouvrer doie,

40513       Pour ce que trop demeure face

40514       Et pour le jour mettre en espace,

40515       Sëoir, miser, nouvelles vir

40516       Et pour mes compagnons oÿr,

40517       Pour chascun demander ou œuvre,

40518       […][40]

40519       Ou chascun œuvre et qu’il[41] gaigne,

40520       Affin que plus de moy ne prengne,

40521       S’aucun maistre son ouvrier songne,

40522       J’enquier de toute la bezongne

40523       Se je me voy point deceü[42]

40524       Que je ne prengne autant ou plus,

40525       Et ma journee plus me vaille.

40526       L’endemain voit ailleurs sans faille,

40527       Et fusse[43] a ung an louez

40528       Ou je y seray mieulx paiez.

40529       Avant m’iray jesir au paultre

40530       Que je me loue moins qu’ung aultre.

40531       Pour ce voyz au matin en place,

40532       Et pour ce que le jour s’efface,

40533       Quant je ay ce trestout sceü,

40534       Lors suis vers mon maistre esmeü.

40535       Si me dist qu’ay trop demouré.

40536       Ceste responce ay tost trouvé :

40537       « A ung homme loué estoie,

40538       Pour vous ung ouvrier y envoye

40539       Qui fera pour moy la bezongne,

40540       Mais il convient que je lui donne

40541       Six deniers plus que ne donnés,

40542       Et si m’en suis forment penez

40543       Avant que je pour tant l’eüsse.

40544       Mais jamais trompé ne vous eusse,

40545       Pour ce que convent vous avoie

40546       Que jamais ne vous mentiroie.

40547       Se six deniers y metz du mien,

40548       Vous le resconpenserez bien.

[125d]

40549       Vous avez bonne conscïence. »

40550       Mais ung dy, et ung aultre pense,

40551       Tous les matins ainsi me proeuve,

40552       Tous les jours fais une controeuve,

40553       Tous les matins vois en la place

40554       Qui qu’en grongne ne qui qu’il plaice.

40555       Au matin une bourde aport,

40556       Pour[44] mettre mon maistre a tort.

40557       Tous ainsi nos maistres servons,

40558       Ainsi tous accordé l’avons,

40559       Machon, torqueur et carpentier,

40560       Et aussi tout aultre mestier

40561       Qui en place pour louer vont.

40562       A cestui acord trestout sont.

40563       Et quant je voy au jour ouvrer,

40564       Mon varlet voeul o moy mener,

40565       Que pour aprentis loueray

40566       Et dont grant argent en aray.

40567       Au quel je fay journee prendre

40568       Et ne scet monter ne descendre.

40569       Envis scet il delez moy estre.

40570       Et je fay entendant au maistre

40571       Que plus scet que de telz ouvriers

40572       Gaignent tous les jours .xx. deniers,

40573       « Mais pour .xij. vous servira,

40574       Pour ce que je vous aim pieça.

40575       A ung aultre ne le douroye. »

40576       Et tout ce metz a ma coroye.

40577       Ainsi aprentis aprenons,

40578       Et tout sur nos maistres prenons

40579       Tant que nous faisons les enffans

40580       Ouvriers pour nous a leurs despens.

40581       Ores revenray a mon maistre

40582       A qui je fay le mortier batre.

40583       Je lui fay faire du mortier

40584       Tandis que me voy sommeillier.

40585       Et puis sur le toit monteray.

[126a]

40586       Illecques je me joueray

40587       D’une tuille trois fois ou quatre,

40588       Feray le tour pour moi esbatre,

40589       Car .viij. ou dix, se je vouloye,

40590       Tresbien assises en aroye

40591       Avant que une soit assize[45],

40592       Ne que une iteulle soit mize,

40593       J’en metteroie une douzaine,

40594       Et si n’en aroye ja paine.

40595       Sur le comble je chanteray,

40596       Entre deux toitz je dormiray

40597       Jusquez tant qu’est de desjuner,

40598       Et puis aprez revois disner

40599       Tant que voy le vespre venir.

40600       Ainsi me fay je maintenir.

40601       Je feroy bien sans moy pener,

40602       Ains que j’oye prime sonner

40603       Ce que je fay en la journee.

40604       Mais quant on m’a tache donnee,

40605       La verriez jouer a deux mains

40606       Que l’une plus que l’autre moins[46],

40607       La verriez mains desgourdillier

40608       L’une tourner [et] glacïer,

40609       L’une tourner, l’autre reprendre.

40610       A merveilles le porriez prendre.

40611       La verrez vous mes mains voller,

40612       L’une a l’autre tieulles donner,

40613       J’ay tantost ung grant toit couvert.

40614       Lors porriez dire : « C’est ouvert. »

40615       Je fay plus en tache et ung jour,

40616       Se Dieu me doint joye et honnour,

40617       Que je ne fay en cincq journees.

40618       La suis pesant comme plommees.

40619       Mes mains entoumies et mortes

40620       Ne se[47] poeuent mouvoir ne que portes.

40621       A toute heure je muirs de sommes.

40622       Trestous de tel plumage sommes,

[126b]

40623       Et en taches sommes mouvans,

40624       Legiers et comme vent tournans,

40625       Car se nous volions bien ouvrer,

40626       En ung jours nous porrions prouver

40627       Qu’en six jours feriesmes sans paines

40628       Ce dont nous metons trois sepmaines.

40629       Aultrement que faire en ariesmes,

40630       Et tant aussi ne gaigneriesmes.

40631       Et s’aprendons nos aprentis

40632       A estre tous lens et faintis,

40633       Et adés gaigneront pour nous,

40634       Et ainsi nous chevissons nous :

40635       Nos maistres nous et varletz paient,

40636       Quelque grevance qu’ilz en aient.

40637       Grouchier poeuent et groucheront,

40638       Ja aultre chose n’en aront.

40639       Que voulez vous que je vous die ?

40640       Nous n’avons nulle fois envie,

40641       Mais que il puist bientost nuit estre

40642       Pour avoir l’argent nostre maistre.

40643       Et s’un soubtil maistre sçavons,

40644       Envis a lui a faire avons.

40645       Car il voit cler en son affaire.

40646       Pour ce pour lui ne vollons faire,

40647       Car ilz voeullent estudïer

40648       Et sur nostre œuvre solfïer.

40649       Mais ces gens [tout] poissans tanneurs

40650       Ou d’abbaÿe gouverneurs,

40651       Ces despensiers, ces riches hommes,

40652       Qui mettent en escript les sommes

40653       D’une journee leur faisons deux :

40654       Or me met double, et je suis seulx.

40655       Et nous le sçavons bien mener,

40656       Le bon vin boire et entonner,

40657       Et mengier la tripe au matin.

40658       Ainsi leur donnons le tatin.

40659       Que voulez vous ? il n’y a aultre.

[126c]

40660       L’un poisson si se vit de l’autre

40661       Je n’y suis que la matinee,

40662       Et si lui compte la journee.

40663       A telle gent fait bon ouvrer

40664       Pour sa chevance recouvrer.

40665       Siques querez aultre sentier,

40666       Que nous ne vous avons mestier. »

40667       Lors ung carpentier s’est drechiés

40668       Et si s’est forment hericiés.

40669       Pour tous les aultres fu tramis,

40670       Si com des recouvreurs ay mis.

40671       Pour tous envoyé y estoit,

40672       Car tout leur affaire sçavoit,

40673       Et de leur nature lïez.

40674       Pour ce y estoit envoiez.

40675       Dist : « Beste, tu es forvoyé,

40676       Et si es trop mal avoyé.

40677       Je te diray nos ordonnances

40678       Que nous faisons par alïances.

40679       Et qui aultrement le feroit

40680       Entre nous mie paix n’aroit,

40681       Et qu’il ne fust forment haÿs

40682       Et deboutés et esbahis,

40683       Et monlt fort le diffameriesmes,

40684       S’en nous contraire le trouviesmes.

40685       Tous les matins en place alons,

40686       Et tout ainsi nous demenons,

40687       Com les couvreurs font vraiement

40688       Dont avez oÿ le convent

40689       Icy devant en ceste page.

40690       Nous maintenons tout tel usage.

40691       Ainsi nous sommes maintenus.

40692       Or sommes en l’œuvre venus.

40693       Contenance commenceray

40694       Que trop bien bezongne feray.

40695       Ça et la iray, pour nëant,

40696       Et par ça et par la venant,

[126d]

40697       Diray : « Metz ces gantiers en place,

40698       De cest marien dole la face,

40699       Oste cest ort, oste cest lait.

40700       ― Volentiers, dira le varlet.

40701       Du fain ne fault sans demouree

40702       Pour tost faire de la charree.

40703       Du feu me fault, il n’y a el.

40704       Lignier me fault soeul et potel.

40705       Mon varlet ira besongnier,

40706       Et g’iray ma hache aguisier,

40707       Et aprez ma hache, ma soye,

40708       Et trestout sur aultrui journee.

40709       Ja aisement n’aguiseray

40710       Fors quant a aultrui jour seray.

40711       La museray une grant piece,

40712       Sur gantiers metteray[48] une piece,

40713       Par grant loisir cecy feray

40714       Et puis ung peu l’adouberay,

40715       Et si en osteray le harlé

40716       Qui n’y nuist mie ung œuf pelé,

40717       Fors ce que il en est plus beaulx,

40718       Mais de nulle riens mieulx n’en vaultx.

40719       Et puis tantost le disner vient,

40720       Et puis a boire nous couvient.

40721       En la taverne fay m’alee,

40722       Et la fay longue demouree.

40723       Et quant je ay bien prins mon aize,

40724       Je reviens faire une mortaise.

40725       Je diray : « Par cy ligneras,

40726       Et ce lachet y tailleras,

40727       Et ceste filliere me pare. »

40728       Je porte aiguisier ma tarelle,

40729       Et si fais une noeufve mouche,

40730       Et lors reviens moullier ma bouce

40731       A ung compagnon qui m’atent.

40732       Illecquez demouray ja tant

40733       Que je beü assez aray,

[127a]

40734       Et puis si m’en retourneray,

40735       Ma[49] tarelle a mon costé.

40736       Diray qu’il est bien acheré.

40737       Ja fevre ne l’ara mouchié,

40738       Ne ja homs n’y ara touchié.

40739       A mon atelier revenray

40740       Et a mon varlet je diray :

40741       « Fu cy nostre maistre ? Qu’a dit ?

40742       ― Oÿ bien, vous ay escondit. »

40743       Et lors a ouvrer me prenray

40744       Et ma robe desvestiray

40745       Et feray illec une trace,

40746       Et meteray marien sur face,

40747       Jusques il est tant de disner.

40748       Et la voeul assés demourer,

40749       Et la je seray a sejour

40750       Jusqu’il sera nonne du jour.

40751       Lors reprenray marien a batre.

40752       Il semble que je voeulle abatre

40753       Ung grant chateau ou une tour.

40754       Quant je voy mon maistre au retour,

40755       Je fay plus que ne feroient quatre.

40756       Qui me orroit ce marien batre,

40757       Pour neant seroie forsenés.

40758       Si tost que mon maistre est alez,

40759       Plus ne voeul batre ne bouter,

40760       Mais me convient aller gouster.

40761       Ainsi la journee passerons,

40762       Ne aultrement ne le ferons.

40763       Nous ne poons plus dolens estre,

40764       Quant riens demeure nostre maistre.

40765       Quant serons a aultrui journee,

40766       Saciés, et c’est chose prouvee,

40767       Nos aisemens aguiserons,

40768       Et forgerons, et esmaurrons,

40769       Et nos oies et nos grans haches,

40770       De son bois et a ses dommages.

[127b]

40771       A no pooir ainsi seront,

40772       Ja bon marchié de nos n’aront.

40773       Je n’en voy oncques nulz lassés,

40774       Mais j’en ay veü de cassés

40775       Si tost qu’aventure y venoit

40776       Et que mal garde s’en donnoit.

40777       Ce dy je pour les charpentiers

40778       Et pour trestous aultre mestiers.

40779       Especïalment vignerons,

40780       Faucheurs, fauchillons, taillerons.

40781       Nesun vous n’en y trouverez

40782       De trestous ceulx que vous querez.

40783       Et par dessus trestoute gent

40784       Qui prendent loyer et argent,

40785       Fuiez ces deux sans approchier,

40786       Ce sont charetons et bregier.

40787       Ce sont les deux, a dire voir,

40788       Qui font maint preudomme doloir.

40789       Ce sont les pïeurs, au voir querre,

40790       De toute la gent dessus terre

40791       Et de pïeur condicïon,

40792       De plus malvaise intencïon,

40793       Qui plus tost grant perte feront

40794       Leur maistre et ceulx qu’ilz serviront,

40795       Ce seront ceulx pour qui labeurent

40796       Et ceulx en quel hostel demeurent. »

40797       Dist la Tigre : « Plus je n’iray.

40798       Jamais tel gent ne mengeray,

40799       Ne jamais ne les quiers vëoir.

40800       Au deable puissent ilz sëoir !

40801       Ma vïande n’est pas cy preste.

40802       Aucun trouver me faulsist certe

40803       Qui ne fust point luxurïeux,

40804       Ataignans n’avaricïeux.

40805       Volontiers je m’en repeüsse,

40806       S’en aucun lieu je les sceüsse.

40807       ― Dame Tigre, se dit Thiebert,

[127c]

40808       Je n’en voy point cy en appert

40809       Que vïande pour vous truissiez,

40810       Dont eschaper de mort puissiez.

40811       Se vivre ne voulez compter

40812       Aultre que ne vous oy nommer,

40813       S’aultre vïande ne prenez

40814       De deffault tost la mort arez. »

40815       Dist la Tigre : « Je mengeroie

40816       Volonters, se je cy avoye,

40817       Des marchans qui point ne juraissent

40818       Et voirs de leurs denrrees comptaissent,

40819       N’en voulsissent nul decepvoir.

40820       De ceulx voulsisse bien avoir,

40821       De ceulx eusse je bien mestier

40822       Qui loiaulment font leurz mestier,

40823       Qui nulle fois ne menteïssent

40824       Et a toutes fois voir desissent,

40825       [Et] le plus lait dehors boutaissent.

40826       Ceulx la vie ou corps me boutaissent.

40827       Et les loiaulx taverniers aim,

40828       Preudommes, piteux, hostelain.

40829       Des advocatz voulroye avoir

40830       Qui ne soustiennent riens que voir,

40831       Procureurs plains de pacïence

40832       Et Lombars plains de souffisance.

40833       Si[50] prenroye bien religïeux

40834       Qui ne sont avaricïeux,

40835       Et sans luxure et sans envie

40836       (De ceulx referoie ma vie),

40837       Prelat, cui son estat soufist,

40838       Et juge qui loialment dist

40839       Sans riens prendre et sans rien clochier.

40840       Tel vïande aroye je chier.

40841       Si aim monlt piteux usuriers

40842       Et veritables courretiers,

40843       Gentilz homs humbles sans orgoeul.

40844       Se de ceulx tu vois nulz, j’en voeul.

[127d]

40845       J’aim putain qui ne voeult riens prendre,

40846       Prestre qui ne scet la main tendre,

40847       Seigneur terrien qui het argent

40848       Et qui ne prent riens sur sa gent,

40849       Sergant raisonnable et piteux,

40850       […][51]

40851       Marchant cui ce qu’il a soufist

40852       Ne sans vouloir l’autrui si vist.

40853       Et se je trouvoie prescheurs

40854       Ou aucuns de ces sermonneurs

40855       Qui preschent a tous abstinence,

40856       Sobrïeté et pascïence,

40857       Juner et[52] veillier et aourer,

40858       Penitance[53] et labourer,

40859       Que ce qu’ilz preschent ilz feïssent,

40860       Leurs corps, leurs œuvres ad ce meissent,

40861       Et ensieusissent telz sentiers

40862       Tous ceulx qui sont d’aultres mestiers.

40863       Or t’ay je assés nommé vïande

40864       Telle[54] com ma nature demande.

40865       Tu ne te poeulx bien escondire

40866       Que aucun ne m’en doie dire. »

40867       Et dist Thiebert : « Je y penseray,

40868       Et sur cecy conseil aray.

40869       Mais je croy n’en trouveray nulz,

40870       Ne mal chaussiés, ne bien vestus. »

40871       Dist la Tigre : « Bien y verrez[55]

40872       Et de icy vous[56] en irez

40873       Tant que ung de ceulx trouveray

40874       Par qui respité je seray,

40875       Qui par cy devant passera,

40876       Qui la vie me sauvera. »

40877       Thiebert de lui se part atant,

40878       Et la Tigre lait lamentant,

40879       S’aucun par illec peust passer

40880       Dont elle se puist respasser.

40881       Et illecques tant attendra

40882       Que l’aventure lui vendra.

[128a]

40883       Or se gardent qui bien feront

40884       Qui par cest chemin passeront,

40885       Car s’ilz font tresbien leur devoir,

40886       La Tigre les vouldra avoir.

40887       Or se gard bien qui la s’avoye,

40888       Car s’aucun va par celle voye

40889       Qui soit loial preudoms en s’œuvre,

40890       Que la Tigre point ne le troeuve,

40891       Tantost deglavïé seroit,

40892       Ja de mort il n’eschaperoit.

40893       D’illec la Tigre avant n’yra,

40894       Et le compte cy finera.

40895       S’en diray une aultre matiere.

40896       Or en entendez la maniere.

40897       Monlt est cil plain de grant scïence

40898       Qui se scet vivre en pacïence,

40899       Et cil n’est pas vuit de sçavoir

40900       Qui scet bien pacïence avoir,

40901       Quant au siecle qui ores[57] se tient

40902       Et au siecle qui aprez vient.

40903       Sages est qui se penera,

40904       Qui pacïence en lui ara.

40905       Qui est cil qui ce porra faire,

40906       Qui en meschief se peüst traire

40907       Des horribles temptacïons

40908       Qui viennent aulx complexïons

40909       Des gens et de jour et de nuit ?

40910       En l’an mil .iijc. trente et uit

40911       Et .xxxix. et trente et set,

40912       N’ot bonne ville ne rechet

40913       Ou gens fussent si bien muchiés

40914       Que ilz ne fussent reverchiés.

40915       Clerc, bourgois, gentil ne vilain

40916       Ne demoura ne prez ne loing,

40917       N’enffant, ne varlet, ne pucelle,

40918       A qui ne soit dit la nouvelle

40919       D’aller en l’ost sans ostoyer

[128b]

40920       Et en guerre sans guerroier.

40921       Qui n’y ala si envoia,

40922       Toute sa finance paya,

40923       Chateux, et corps, et paine y mirent,

40924       N’oncques cole[e]s y ferirent,

40925       Ne leurs ennemis n’approcherrent,

40926       Virent ne sorent, n’encontrerent.

40927       Ce fu guerre sans guerrïer,

40928       Mais ce ne fu pas sans paier.

40929       Et puis qu’il eust bonne acoison

40930       D’acquerir deniers sans raison,

40931       De gens firent arriere ban

40932       Ou nul ne fery fors roban

40933       A son coussin et a son lit,

40934       Ne nul n’en perdi son delit.

40935       A Amiens fist celle assemblee

40936       Qui ne fut pas a tous emblee,

40937       Car trestous les pays la murent

40938       Et plus de cent milliers y furent.

40939       N’y virent ne venant n’alant

40940       Qui leur desist fors bien vegnant,

40941       N’y ot nul qui veïst contraire,

40942       Ne nul qui veïst fors bien faire.

40943       Ainsi com ilz furent mandés,

40944       Ainsi en furent renvoiés.

40945       Encor de rechief mandés furent

40946       Qu’oncquez anemis n’y perchurent.

40947       S’ilz ne hurtoient l’un a l’autre,

40948       Oncquez n’y ot lance sur faultre.

40949       A cestui derenier[58] mandement

40950       Mist on a nom arriere ban,

40951       Qui aporta le bon loyer

40952       Dont nul n’est quitte sans paier.

40953       Puis que arrie[re] ban estoit,

40954       Toutes gens paier convenoit.

40955       N’y ot ne varlet ne pucelle,

40956       Ne chevalier, ne damoiselle,

[128c]

40957       Abbaÿe, franc clerc, n’eglise,

40958       Sur qui somme grant ne fust mise,

40959       L’une des sommes pour la guerre

40960       Qu’on disoit du roy d’Angleterre,

40961       Et l’autre pour l’arriere ban.

40962       D’icellui ban nul n’estoit franc.

40963       Pour arriere ban ne pour querre,

40964       N’y ot discencïon ne guerre.

40965       N’y trouverrent qui mal deïst

40966       Ne qui destourbier leur feïst,

40967       Ainsi les en fist envoier

40968       Pour les subvencïons paier.

40969       Dont pluseurs sont en dureté

40970       Et maint jetté a povreté.

40971       Monlt estoit en ce temps scïens,

40972       Qui vivoit comme pascïens.

40973       Avec ce couroit tel monnoye

40974       Dont on avoit petitte joye.

40975       Avec ce a gens de paÿs

40976       Ostoit on charue et brebis.

40977       Les prairies furent gastees,

40978       A pluseurs[59] chevances ostees.

40979       Qui est qui pascïence eüst,

40980       Ne qui en paix estre deüst ?

40981       Pour aultrui fait, pour aultrui guerre,

40982       On me vient ma chevance querre,

40983       Dont je n’ay cause n’accïon.

40984       Et si m’oste on ma garnison

40985       Pour aultrui païs revengier

40986       Qui ains ne m’ama ne tint chier !

40987       Encores qui m’en seusist gré,

40988       J’en montaisse sur ung degré,

40989       Et en cuidaisse ung peu valoir,

40990       Et moins je n’en peusse doloir.

40991       Encor y a <il> brachés tranchans

40992       Remouvans et tout mal cerchans

40993       Qui enquierent, cerchent, escoutent,

[128d]

40994       Et partout les secretz se boutent,

40995       Pour enquerir qui a meffait.

40996       Qui trop a dit ou trop a fait,

40997       Qui a riens de l’autrui eü,

40998       Qui aucun convine a sceü,

40999       Ou qui est trop desordonné.

41000       Tantost il est acoisonné,

41001       Car envis est ne joye ne ire,

41002       Sur lequel on ne sace a dire.

41003       Itelles accusacïons

41004       Font maintes percecusïons,

41005       Menguënt la gent et honnissent.

41006       Ame, corps et honneur perissent,

41007       Et en sont fuitifs et lobé.

41008       Siques demanderez Thobé.

41009       Puis qu’a passïence venons,

41010       Et de lui le sermon tenons,

41011       Si en dirons donc ung petit

41012       Pour nous donner bon appettit.

41013       Qui bon appettit poeut combrer,

41014       Envis poeut aprez mal user.

41015       Pascïence fait maintes graces

41016       A cil qui voeult sieuir les traces.

41017       Elle fait de peu riche homme estre,

41018       De peu vestir et de peu paistre.

41019       Qui pascïence prent en gré,

41020       Ne poeut sëoir sur bas degré.

41021       Il ne poeut povre devenir.

41022       Pour chetif ne se poeut tenir.

41023       Ne scet qu’est meschief ne tristresse.

41024       Mais son estat tient en richesse.

41025       N’est mal couchié, n’est mal vestu,

41026       De paine qu’il ait point batu.

41027       Vilenies ne poeut oÿr

41028       Ne de ses œuvres mal joïr.

41029       Ne mal temps ne lui poeut desplaire

41030       Envis leur poeut nulz anuy faire.

[129a]

41031       Nature lui a ce donné,

41032       Trestout tient pour bien ordonné,

41033       Tel comme et aultre ne voulroit,

41034       Nulle aultre forme il ne prenroit

41035       Sa forme lui plaist, sa nature.

41036       D’ajouster aultre a lui n’a cure,

41037       D’aultre beaulté a lui adjoindre.

41038       Ne se voeult ne farder ne paindre.

41039       Si comme chapeaulx et vesture

41040       Qui enbellist ung peu nature

41041       D’aultre substance acquerir,

41042       Ne de chose qui puist perir.

41043       De tout une noix ne dourroit,

41044       Aultre com est, il ne voulroit.

41045       Isisdés dist : « Qui est en paix,

41046       Il ne poeut porter pesant fais ».

41047       Car qui son cœur voeult garder d’ire

41048       Ne doit croire quanqu’il ot dire,

41049       Car qui de s’oreille fait nasse

41050       Grand tourment en son cœur amasse.

41051       Ysidés dist : « Qui a pascience

41052       Voit assez de ce que il pense. »

41053       Cuicuncquez vit et souffrir poeult

41054       Il voit assez de ce qu’il voeult.

41055       Senecques dit, et il dit voir,

41056       Que bon fait fait pacience avoir.

41057       Pascïence ne met en pris

41058       Chapeau, couronne, vert ne gris.

41059       De tout cecy elle n’a cure,

41060       Mais prent en gré l’œuvre nature,

41061       Comme Thiesselin le corbiaulx

41062       Qui des oiseaulx n’est le plus beaulx.

41063       Quant jouster vault a lui beaulté,

41064       Dont il cheÿ en grant vieulté,

41065       Et d’aultrui plume se para,

41066       Dont puis chierement compara.

41067       Cy en orrez la cause dire :

[129b]

41068       L’aigle qui des oiseaulx fu sire,

41069       Et pour roy le doit on tenir,

41070       Ses oyseaulx fist a court venir.

41071       Si leur manda par l’esprevier

41072       Que tous viennent sans delayer,

41073       N’y ait nul qui derrier remaingnent.

41074       Tous s’esmurent, et tous y viengnent.

41075       Tous a la court du roy se tindrent,

41076       Illec sagement se maintindrent.

41077       Dampt Thiesselin pas n’oublïa

41078       Qui aultrefois esté y a.

41079       Sire Thiesselin ly corbeaulx

41080       Regarda qu’il n’estoit pas beaulx,

41081       Et maint tresbel oiseau iront

41082       Qui a la court du roy seront.

41083       Noir et hideux s’i trouvera,

41084       Et pour ce on le gabera

41085       Quant ilz seront tous a conseil,

41086       Blanc, vert, inde, bleu et vermeil,

41087       Et vestus de pluseurs plumages

41088       Et de coulleurs de grans parages.

41089       Verra le cocq et le paon,

41090       Le orïeul et le coulon,

41091       Le terin, le cordonnereul,

41092       La[60] houppe et le lignereul.

41093       « Monlt [seront] cilz bel a vëoir,

41094       Monlt deveront a tous sëoir.

41095       Et cil tresbel oiseaulx de proye

41096       Qui bien desservent qu’on les voye,

41097       Monlt tresgrant honneur y aront,

41098       Pour ce que bien vestus seront.

41099       S’iront sëoir avec les bons,

41100       Et je seray noir q’un charbons,

41101       Pute vesture et anuieuse,

41102       Et pesant et malgracïeuse.

41103       Nul n’est vestu de mon habit,

41104       Qu’il ne soit tenu en despit,

[129c]

41105       Car a vëoir noir maritable

41106       Habit noir sont espoeuetable,

41107       Lais, et diffames[61], et mesdis

41108       Par dessus tous aultres habis,

41109       Moins amé, prisié et creü.

41110       En quelque lieu qu’il soit veü,

41111       Car se Dieu les avoit vestus,

41112       Si deveroit estre batus.

41113       Mais oncques noir Dieu ne vesti,

41114       Ne ne bailla ne consenti

41115       A ses apostles n’a aultrui.

41116       Pour l’abit noir maleureux sui,

41117       Pour ce plus je ne le suiray.

41118       Moy las ! chetif, et que feray

41119       Qu’avec nul ne porray sëoir ?

41120       Avec qui iray je manoir ?

41121       Avecques[62] les ennemis d’enffer

41122       Qui sont aussi noir comme fer.

41123       Nul ne fist compagnie si lie,

41124       Se y suis, qui ne soit courcie.

41125       Trestous aultres me despiront,

41126       Et de mes ditz ne me creront,

41127       Car mon habit est haïneux.

41128       Ilz me voulront crever les yeulx,

41129       Car entre nulz biens je n’ay loy.

41130       En ung anglet me serray coy,

41131       Car nul n’ara de moy que faire.

41132       Mon habit ne poeut a nul plaire.

41133       Et comment passer m’en porroye

41134       Que je trouvaisse une aultre voye

41135       Par quoy de beaulté ung peu eusse

41136       Et que plus beau appareüsse,

41137       Que me peüsse eslëechier,

41138       Et ung peu sur mes pietz drechier. »

41139       Adonc pensa : « Par foy, <je> feray

41140       Tant que de leurs plumes aray,

41141       Car bien ceste voye je voy,

[129d]

41142       Et puis les metteray sur moy.

41143       Lors seray blanc, jaunes et vers,

41144       Quant je en seray bien couvers,

41145       Beaulté n’est point sur eulx parant

41146       Que sur moy on n’en voye autant.

41147       Et quant je seray bien doré,

41148       Je seray de tous honnouré,

41149       Et lors dira on du corbel.

41150       De tous oiseaulx c’est le plus bel. »

CY FINE LE SECOND ET DERRENIER VOLUME DE REGNART ETC.

JEHAN DUBOYS

 

[1] Raynaud corrige en tout cil.

[2] Raynaud corrige en Et voire.

[3] Raynaud supplée Et.

[4] Raynaud corrige en Et tost.

[5] Raynaud corrige en paisibles.

[6] Raynaud corrige en se laver et édite esponchier.

[7] Note de Raynaud : « Texte altéré ».

[8] Raynaud corrige en Honneur, ame, corps.

[9] Raynaud corrige en A tout a maint homme.

[10] Raynaud corrige en Grande.

[11] Raynaud corrige en Ce qu’elle.

[12] Raynaud corrige en Comme.

[13] Ms. De vous suis.

[14] Raynaud corrige en nient.

[15] Raynaud supprime ce mot.

[16] Raynaud supprime ce mot.

[17] Raynaud corrige en Tant lui batteroie la teste.

[18] Raynaud supprime ce mot.

[19] Raynaud supprime ce mot.

[20] Raynaud corrige en porrai.

[21] Raynaud corrige en m’ont.

[22] Raynaud corrige en n’ay je pas.

[23] Raynaud supprime ce mot.

[24] Raynaud supprime ce mot.

[25] Raynaud corrige en il me griefve.

[26] Raynaud corrige en fusse je.

[27] Raynaud corrige en Et si.

[28] Raynaud corrige en m’aime il.

[29] Raynaud suppose une lacune après ce vers.

[30] Rayanaud corrige en demourra.

[31] Vers manquant ; pas d’équivalent dans A.

[32] Raynaud corrige en Loyalment.

[33] Raynaud corrige en Estans.

[34] Raynaud corrige en D’eulx.

[35] Raynaud supprime ce mot.

[36] Raynaud supprime ces deux mots.

[37] Raynaud supprime ce mot.

[38] Raynaud corrige en il viengne.

[39] Raynaud corrige en leur ordonnance.

[40] Vers manquant ; pas d’équivalent dans A.

[41] Raynaud corrige en ce qu’il.

[42] Raynaud corrige en deceüs.

[43] Raynaud corrige en fusse je.

[44] Raynaud corrige en Et pour.

[45] Ms. iassise.

[46] Raynaud corrige en mains.

[47] Raynaud supprime ce mot.

[48] Raynaud corrige en mettrai.

[49] Raynaud corrige en O ma.

[50] Raynaud supprime ce mot.

[51] Vers manquant ; pas d’équivalent dans A.

[52] Raynaud supprime ce mot.

[53] Raynaud corrige en Et penitance.

[54] Raynaud corrige en Tel.

[55] Ms. penserez.

[56] Raynaud corrige en vous vous.

[57] Raynaud corrige en or.

[58] Raynaud corrige en dernier.

[59] Ms. leurs.

[60] Raynaud corrige en Et la.

[61] Raynaud édite diffamés.

[62] Raynaud corrige en avec.

1514-Regimen sanitatis en francoys (Arnaud de Villeneuve) (1-50)

Regimen sanitatis en francoys.

Souverain remede contre lepydimie

Traictie pour congnoistre les urines.

Remedetresutile pour la grosse verole.

[1]

Inuiolata integra et castra es maria

Que es effecta fulgida celi porta.

O mater alma christi charissima

Suscipe pia laudum preconia

Nostra ut pura pectora sint & corpora

Que nunc flagitant deuota corda & ora

Tua per precata dulcisona

Nobis concedas ueniam per secula.

O benigna. O benigna. O benigna

Que sola inuiolate permanstiti.

¶Amen.

[2]

Cy commence la maniere de vivre tresexcellent et prouffitable pour conserver & garder la sante corporelle detoute humaine nature, ja dis faicte & compillee au reaulme dangleterre en luniversite de salerne, & veritablement declare & exposee par un venerable docteur en medicine de catheloigne nomme maistre arnoul de ville neufve, comme Pierre precieuse entre tous les medecins vivans a lors en terre, & nouvellement corrigee et maendee par les tresexcellens docteurs en medicine regens a Montpellier Lan mil. cccc. lxxx. avec aulcunes additions a ce adjoustees lan mi. ccccc. & ung.

¶Textus.

Anglorum regiscripsit scola tota salerni.

Si uis incolumen : si uis te redere sanum

Curas tolle graues irasci crede prophanum.

Parce mero : cenato parum non sit tibi uanum

Surgere post epulas : somnum fuge meridianum.

Non mictum retine : nec comprime fortiter annum.

Nec bene si secues : tu longo tempore uiues.

Ce petit livre a este fait et compose a linstance et usaige du roy dangleterre pour conserver et garder la sante corporelle par les docteurs de luniversite de salerne. ¶ Au commencement duquel lacteur nous demonstre .viii. enseignemens generaulx, lesquelz apres seront specifiez et declarez. La premiere doctrine est que lhomme qui bien veult vivre en bonne sante doyt bien fuyr et eviter les grans charges et sollicitudes, car trop grande sollicitude seiche les corps humains en donnant desolation aux esperitz de vie, et les esperitz ainsi sont desolez et marris seichent les os. Soubz ceste premiere doctrine se doyvent bien comprendre les melencolies & marrissons lesquelles semblablement font grant dommaige au corps humain, car par ce moyen le corps devient maigre et froyt, le cueur est serray, lentendement et engin obscurcit, rayson perturbe, et la memoyre anichile. Il est pourtant expedient a gens gras et charnus davoir aulcune tristesse accidentale pour mondifie la bonne chaleur de lesperit et rendre le corps maigre et subtil. ¶La seconde doctrine est que lhomme se doit garder de courrouser, car ire et courroux semblablement seiche le corps entant quelle eschauffe

[3]

tous les membres excessivement, et trop grande chaleur seiche le corps & le fait hetique comme dit avicene en la premiere distinction de la .iij. doctrine au premier chapitre. Secondement car ire & courroux pour la grande chaleur du cueur fait grant dommaige a toutes les operations de lame raysonnable. Et est a noter quilz sont aucunes gens qui sont froitz naturellement, ou par accidant daulcun malefice & poison auquel est utile & prouffitable pour la sante corporelle de estre marris & courrouces a ce que par ce moyen la chaleur naturelle en eulx soyt incitee, acquise, & conserve. ¶La troysieme doctrine est que lhomme doit estre soubre en boyre & en mengier, car boire & menger excessivement fait pesant, endormy & paresseux & rend les membres & lestomac debilites. Et comme dit Avicene au chapitre de leaue & du vin plusieurs aultres inconveniens sourviennent par exceps de boire ou de menger comme cy apres sera declaire. ¶La quatriesme doctrine est que lhomme doyt petitement souper, car trop menger au soir engendre douleur de ventre, cest a dire torsions & empeschement de repos ou angoisse comme nous veons par experience, & sera apres declaire. ¶La cinquiesme est que lhomme doit ung petit cheminer apresquil a pris son repas, car par ce moyen la viande descend au font de lestomac ou gist la vertu digestive, comme dit Avicene lorifice de lestomac desire la viande, & le fond la digere. ¶La .vi. est que lhomme ne doyt point dormir incontinent apres son repas, sil veult avoir sante et eviter plusieurs maladies ou texte quant il dit .Febris pigricies &c. ¶La septiesme est que lhomme ne doyt pas longuement retenir son urine, et si la retient plus que nature ne requiert a grant peine pourra uriner, et paraventure la mort sensuyvra, comme dit Avicene en la .xix. distincton du tiers livre, au chapitre de la difficulte durine. Item trop longuement & plus que nature ne requiert retenir les matieres fecales, cest adire la grosse matiere, sensuyvent moult dinconveniens pour ce que le foye et les vaines meseraique seichent quasi toutes les humeurs des grosses matieres & pourtant quelles sont dures ne peuvent saillir hors du corps & font es boyaulx opilations dont surviennent matieres venteuses & par possible apostumeuse comme sera apres declaire. ¶La huytuesme est que lhomme en faisant sa ne

[4]

cessite ne se doyt point trop efforcer, ou contraindre son fondement, car en ce faisant souvent sensuyvent les esprinssons et le siege du fondement hors de son lieu, et pour finable conclusion dit lacteur qui vouldra observer et garder la doctrine dessusdicte pourra vivre longuement en sante.

¶Textus.

¶ Si tibi deficiant medici : medici tibi fiant

Nec tria : mens leta : requies : moderata dieta.

¶Exposition.

¶Lacteur ycy donne troys remedes generaulx pour conservation de sante a toute creature humaine, et singulierement aux gentilz hommes. ¶La premiere est que lhomme doyt vivre joeusement, car joye et lyesse rent leage de lhomme florissant. Item par le moyen de joye ou liesse temperee jeunesse est conservee, la vertu naturelle confortee, lengin est aguyse, et a toute bonne operation, par ce moyen lhomme se trouve prompt & habile, et nons sans cause dit lacteur que joye ou lyesse doyt estre temperee, car quant elle est excessive elle est cause de la mort corporelle et espirituelle. Et principalement la joye temperee est convenable a ceulx qui ont grandes negoces et sollicitudes. Et se peult cest joye moderer et acquerir par usaige d boyre et menger viandes delectables, et fuyr toutes choses qui engendrent melancolie, et converser ou demourer avec ses amys ou ses semblables, comme dit Avicene en .xi. livre au tiers chapitre du deffaillement de cueur. ¶Le second est tranquilite dame, dentendement, de pensee, car les nobles par les trop grandes sollicitudes et charges quilz ont sont plus grevez tant pour tant que les aultres gens moyens, car atant charge dame et dentendement degaste le repos qui est fort utile aux nobles qui communement sont de nature seche et collerique ausquelz tresgrandement repos est utile. ¶Le .iii. est moderement prendre son repas de boire et de mengier, car apres seront declares les inconveniens qui serviennent de trop boire et menger. ¶Textus.

¶Lumina mane manus fugens gelida lauet aqua.

Hacillac modicum pergat. modicum sua membra

[5]

Extendat crine pectat : dentes fricet ista

Confortant cerebrum. confortant cetera membra.

Lote cal esta paste vel .i. frigesce minute.

¶Exposition.

¶En ce texte lacteur met six enseignemens par lesquelz le cerveau est conforte, & aussi tous les membres du corps. ¶Le premier enseignement est apres que lhomme est leve du matin il doyt laver ses yeulx deaue clere & froide, car les yeulx doyvent estre modifies pour oster les infections adjoinctes au paupieres & environ les yeulx Et ce nous demonstre Avicine souffisamment en la troiziesme dustinction du tiers livre au chapitre de conserver la sante des yeukx & des empeschemens diceulx. La chose qui les yeulx mondifie, et les fait clers, & aguise la veue, est de mettre et plongier les yeulx en eaue clere et de les ouvrir. Et icelle semblable sentence declaire Avicene en la troiziesme distinction au chapitre de debilitation de la veue quant il dit. Se baigner en eaue clere & verde et les plonger en icelle, et ouvrir les yeulx, & principalement aux jeunes gens. La cause pourquoy les yeulx, principalement aux jeunes gens. La cause pourquoy les yeulx doyvent estre lavez de eaue froide et non pas de chaulde, cest pour ce que une chescune chose naturelle doyt estre gardee par son semblable. Et icelle mesme sentence veult galien au tiers livre de rigi. ou il dit que les corps chaultz ont besoing de chose chaulde, et les corps froitz de chose froide. Et comme ainsi soyt que les yeulx soyent de froide nature pource doyvent estre lavez de eaue froide & non pas de chaulde. ¶Le second est que lhomme apres son lever doyt laver ses mains a cause que se sont les instrumens a entretenir & mondifier les membres organiques par lesquelz les superfluites du corps sont expulsees, comme le cerveau par les narilles, par les yeulx, par les reilles, et aultres conduitz. Et pource les mains doyvent estre modifiees de eaue froyde et non pas de chaulde, car le lavement des mains en eaue chaulde engendre vers au ventre especialement se les mains sont lavees en eaue chaulde incotinent apres mengier comme dit Avicene en la .xvi. distinction au tiers livre. au .v. traicte au chapitre des vers.

[6]

A cause que le lavement des mains faicte en eaue chaulde incontinent apres mangier distraict la chaleur naturelle par dehors et la digestion demeure imparfaicte laquelle indigestion imparfaicte est la cause principale dengendrer vers. ¶Le tiers est apres ce que lhomme est leve de son repos doyt ung petit cheminer a ce que ses superfluites de lestomac des boyaulx et du foye, comme grosses matieres de lurine & soyent plus facilement deboutees. ¶Le quattriesme est apres que lhomme est esveille de son dormir competant, il doit estandre ses mains & ses piedz & les aultres membres affin que les esperitz de vie soyent tires aux membre exteriores & que les espritz du cerveau soyent plus subtilz. ¶Le .v. est que lhomme se doit pigner pour ouvrir les poroys de la teste & debouter les fumees delaissees apres le repos & pour moderer les esperitz du cerveau & ainsi le pigner est fort utile a la veue & par especial aux gens vieulz comme dit Avicene en la .iij. distinction du tiers. au chapitre de debilitation de veue quant il dist. Pigner la teste ayde fort, et par especial aux gens vieulx, & pourtant se fault il souvent le jour pigner, car le pigner entre es vapeurs aux parties superiores et les separe des yeulx. ¶Le .vi. enseignement est que lhomme doit nettoyer & laver ses dentz a cause que les ordures des dentz font la layne puante, semblablement des dentz ordure sourvient & vapeurs qui font conturbations au cerveau. En oultre lordure des dentz meslee avec la viande est cause de corrumpre la viande en lestomac. La maniere de conserver la sante et la bonne odeur des dentz met Avicene en la septiesme distinction du tiers, au chapitre de conservation des bonnes dentz quant il dit des choses qui bien gardent la sante des dentz, cest de laver la bouche deux foys le moys de vin, car cest le meilleur remede, et le bien boullir avec la racine de timal pour faire bonne alaine et celluy bien use de ladicte decoction, jamais naura douleur de dentz. En oultre lacteur au dernier ver met bien aulcunes doctrines generales. ¶La premire est que lhomme apres le baing et les estuves se doyt bien teni chault pource qui les conduitz sont ouvers et de legier le froit peult penetrer & engendrer plusieurs maladies. ¶Le second est apres que lhomme a prins son repas il

[7]

doit ung petit demourer et debout pour faire descendre la viande au fond de lestomac & puis cheminer moderement, car le grant mouvement distraict la chaleur naturelle des parties interiores es parties exteriores, & est cause de destruire la digestion. ¶Le .iij. est que lhomme de froide complexion ne se doyt pas subitement fort eschaufer, mais petit a petit, car les muations subites blessent nature comme dit galier en la glose dung anfforisme. Toutes ses choses hors nature fors extreme corrompent le corps.

¶Textus.

¶Si breuis aut nullus tibi somnus meridianus

Febris pigricies capitis dolor atque caternus

Hec tibi proueniunt ex somno meridiano.

¶Exposition.

¶En ce present texte sont declaires quattre inconveniens que fait le dormir apres disner. ¶Le premier est que le repas apres disner engendre fievres faictes par voye dopillations a cause que de jour la chaeur & esperitz sontdisperses vers les parties exteriores du corps, car la parfaicte digestion est quant la chaleur naturelle, et les esperitz vers les parties interiores, par laquelle retraction la chaleur naturelle en est efforcee, & pource la nuyt est lheure de parfaicte digestion. Et les humeurs indigerees et creues si sont cause de opilation, laquelle opilation est cause des fievres, selon que dit le docteurs Avicene en la premiere du quart, au chapitre qui parle de putrefaction. ¶Le secon empeschement que donne le repos fait incontient apres disner est quil rent les gens tarditz en leurs aperations par une mesme rayson, car des humeurs gros & indigerez font engendrer esperitz tardifz a mouvoir le corps, et demeure le corps pesant commes les esperitz soubtilz et legiers font le corps legier. ¶La .iij. est douleur de teste a cause que des viandes indigerees & grosses en lestomac sont elevees fumees grosses faisant empeschment au cerveau, car cest chose necessaire. Se des matieres grosses sont fummees dissolues & elevees quelles soyent grosses comme dist galien en la glose dung anfforisme. Qui crescunt, ou il dit que cest chose necessaire que toutes choses soyent semblables a cel

[8]

les dont elles viennent. ¶Le .iiij. empechement cest caterre qui semblablement est fait par une mesme voye, cestassavoir de rumes. Rumes sont humeurs decaurant de membre en menbre, & selon qui court en diverses parties du corps il a divers noms, car quant la rume court au polmon il se nomme caterre. Quant il descend au col il se nomme brancus. Et quant il descend es narilles il se nomme corisa comme il appert par iceulx vers.

¶Textues.

¶Si fluit ad pectus dicatur reuma : catarrus

Ad sauces bracnus : ad nares dico corizam.

¶Exposition.

¶Touteffoys oultre les raysons des nocumens dessusdictz sont aultres raysons plus efficaces. La cause du premier nocument cestassavoir des fievres, aulcuneffoys putrides, & aulcuneffois effimere. La fievre effimere est engendree par vapeurs & fumees fuligineuse retenues par le repos apres disner lesquelles le veiller avoit acoustume de determiner, & lesdictes fumees fuligineuses se meslent avec les esperitz & engendrent une chaleur estrange nommee fievre effimere. La fievre putride est engendree par putrefactions des humidites indigestes & multiplies par le repos que lon fait apres disner. Le second inconvenient, cestassavoir estre tardif es mouvemens, et pourtant que par le repos ares disner les humidites et fumees sont retenues environ les muscles nerves & joinctures, & endormissent lesdictz membres, & pource est le corps pesant en ses operations aprs disner. ¶Le tiers inconvenient radicalement est de cause semblable, cestassavoir des humidites & vapeurs retenues au corps par le repos, lesquelz sont esmeuz vers le cerveau font douleur de teste. ¶Le quart inconvenient cestassavoir le caterre signifiant toutes rumes qui sengendrent a cause que les vapeurs & fumees espandues vers le cueur sont evaporees & consumees par le veiller retournent dedans les parties interiores & fument au cerveau, lesquelles fumees engrossies par la froideur du cerveau retournent es basses parties du corps catarisante Avicene en la troysiesme distinction du premier en la seconde doctrine au chapitre .ix. adjouste aultres inconve

[9]

niens venans de dormir de jour. ¶Le premier est qui engendre maladies humidites comme goutte paralifiees a cause que les humidites qui ont acoustume de estre consumees par la chaleur du soleil et du veiller sont retenues dedans le corps. ¶Le second est corruption de couelur de la face a cause des humidites aquatiques semblables a lurine meslees avec le sang qui ont acoutumees de estre consumees par le veillier montant au cerveau et a la face avec le sang, et font la face enfle et cendreuse. ¶Le tiers inconvenient est qui fait lhomme splentique a cause que les grosses humeurs melancoliques sont diminuees en la ratelle par le dormir de jour, car comme le veiller avec la chaleur du jous lesquelz font ouverture donne moouvement et passaige aux humeurs melancoliques par les conduiz estroiz, semblablement le dormir de jour empesche & destruit le passaige de la melancolie par ses propres conduitz et aussi par especial du conduyt qui vient la ratelle a lorifice de lestomac cree pour provoquer appetit au corps humain par lequel conduyt les superfluites melancoliques ont de coustume de estre mondifie.

¶Le quart est quil remolit les nerfz par prohibitions de resolutions des humidites acoustumees destre resoluee par le veiller du jour lesquelles retenues seichent les nerfz. ¶Le quint est privations ou debilitations de appetit par faulte de resolution laquelle est la premiere cause de lappetit, & lautre cause est replection destomac de fumees et humidite remolissant & remplissant lorifice de lestomac. ¶Le sixiesme est generation dapostume par les humidites multipliees par le repas fait de jour lesquelles ressemblent en aulcun membre et le font enfle et humide. En oultre dit Avicene quil ya deux causes principales par lesquelles le repos du jour est nuysible. ¶La premiere est pource que le repos du jour est incontinent corrumpu a cause que la chaleur du jour attire la chaleur du corps vers les parties exteriores & les repos de nuyt fait lopposite & attire vers les parties interiores desquelz deux mouvemens il se engendre ung mouvement violent qui trouble nature, & pour ce ceulx qui veulent dormir de jour on conseille de dormir en lombre et en lieu obscur. ¶La seconde est pour ce que le repos du jour rent lhomme

[10]

mate & endormy & quasi espouvante se change nature de chose acoustumee cestassavoir de digerer la viande. Touteffoys est a noter que jacoit ce que le repas du jour generalement est vitupere & le formir de nuyt commande, toutesfoys le dormir de jour est moins vitupere que celluy qui est fait du matin, cesassavoir de puis soleil levant jusques a tierce selon la doctrine ypocras au .ii. li. des prenostiques ou il dit. Le repos comme dit est fait de nuyt & non de jour celluy est louable & celluy qui est fait a toute heure est reprouve, toutesfoys le moins reprouve est celluy qui fait du matin jusques a tierce, en oultre est a noter que lacoit ce que le repas du jour & le repos meridional soit prohibe des premiers inventeurs toutesfoys pour le temps present tout repos fait de jour nest pas vitupere, & par espcial se .v. conditions en luy sont observees comme veult bertuce lespagnol. ¶La premiere est quil soit acoustume. ¶La seconde que ne soit pas incontinent apres mengier. ¶La tierce quil ne dorme point la teste basse. ¶La quarte que le sommeil ne soit pas de longue duree. ¶La quinte est que le resveil ne soit pas subit, mais amodere.

¶Textus.

¶Quattuor ex vento veniunt in ventre retento

Spasmus ydrops collica vertigo quattuor ista.

¶Exposition.

¶En ce texte declaire lacteur quattre inconveniens venant de retenir ventosites en son corps. La premiere est spasme a cause que ventosite retenue souvent court es joinctures, & es nerfz les remplissent, de laquelle replection sensuyt contraction de nerfz nommee spasme. Et comme dit Avicene en la seconde distinction. Spasme est maladie nerveuse en laquelle se meuvent les membres lacertens vers leur prince & originement & sont inobediens en la dilactions. Et tel spasme est double, car lung est de replection ouquel le membre est fait court et fros a cause de la matiere remplissant le membre comme le cuir, ou cordes de harpes, & ceste espece de spasme vient subitement. Lautre est spasme par maniere dung timpane auquel le membre selon le long & le large devient comme fait parchemin mis au feu, car il se retraict selon

[11]

le long et le large, & ceste espesse de spasme se fait petit a petit.

¶Le second inconvenient est ydropisie maladie materielle engendree par choses froydes fort refroydissant & enflant tous les membres du corps, ou les membres de la premiere digestion ou de la seconde comme lestomac, le foye, & les vacuites environ le ventre, car ydropisie ne sengendre pas sinon par erreur de foye fait au song. Et sont trois espesses de ydropisie, cestassavoir yposaca, alchites, & timpanites, & le second nocument se doit enrendre de lespesse nommee timpanites. Timpanites comme dit bertuce est engendree de mald complection froide en lestomac et au foye empeschent de transmuer le boire & le menger en bonnes humeurs & les convertit en ventositez laquelle quant elle nest pas deboutee par eructuation ou aultrement a cause des opppillations es voyes a ce deputees & ordonnees, ou par la debilitaiton de la vertu expulsive ou sequestrative et semblable entre le mirac & ciphat du ventre & fait ydropisie. ¶Le tiers inconvenient est colique passion maladie fort doloreuse faicte en ung des gros boyaulx nomme colon ou sac. Come yliaque passion est faite en ung des boyaulx nomme ylion, & icelle deux maladies engendrees de ventosites encloses es boyaulx. ¶Le quart inconvenient est de douleur de teste nommee vertigo en laquelle il semble lhomme que tout le monde tournoye. Et la cause dicelle maladie est ventosite au cerveau laquelle se esmeut au cerveau & se mesle avec les esperitz vitales & fait vertigo. Et iceulx quattre inconveniens avec aulcuns aultres declare Avicene an la .xviij. distinction au chapitre des choses qui nuysent aux colliques & dit. Tu dois scavoir que ventosites retenues souvent fait venir la collique possion a cause quil le fait monter & eslever & se rassemblent tout en ung & fait les boyaulx de bles. Et aulcunesfoys icelle retention congendre ydropisie. Et aulcunesfoys engendre exileuse vertigo & debilitation de vie & quant est retenue es joinctures elle est cause spaccive.

¶Textus.

¶Et magna cena stomaco fit maxima pena

Ut fis leuis fit tibi cena breuis.

¶Exposition.

[12]

¶En ce texte lacteur met ung enseignement pour conserver le corps en sante et dit que lhomme doyt soubrement souper, sans faire grande replection, car grande replection du vespre empesche le repos et fait torsion de ventre engendre pustule en la face et la teste fait pesante au matin, & la bouche aspre & mal odorant. Sur ce texte eschiet une question difficile telle. Assavoir mon se lhomme doyt prendre plus grande refection a son disner que a sn souper. Et pour decider ceste matiere est a noter que selon la diversite du corps plus grant ou moindre quantite de viande est convenable au disner que au souper, car les corps sont sains ou ilz declinent en maladie, si declinent a maladie, ou en maladie materielle ou sans matiere, ce cest sans matiere il convient au souper prendre la refection plus grande a cause que es telles maladies nature seulement laboure a digerer la viande. Et cest maladie materille au disner la refection doyt estre augmentee comme il est declare au troysiesme traite, chapitre. cinquiesme de la curation de pilence en telles parolles. Icelluy quil ne se peult passer dune refection le jour, car coustume est a lopposite, il doyt diviser sa viande qui est moindre que sa refection en troys parties, & prendre les deux tiers au disner, et laultre tiers au souper, apres ce quil sera attrempeement exercicte. Rayson a ce en celluy temps que nature debile a ayder en sa digestion, par la chaleur du soleil donnant vie & que les superfluites sont plus resolvees la refection doyt estre plus grande, mais tout ce fait plus environ disner. En oultre du jour la chaleur du soleil qui ainsi digere est present avec la chaleur naturelle & pource du jour deux chaleurs sont a la digestion, & par nuyt non. Et semblablement naturep lus sollicite de digerer les superfluites des maladies par nuyt & pourtant ne doyt pas estre divertie et estre occupe a digerer la viande jacoyt ce que la chaleur naturelle en aulcuns soit fortifiee par la froideur de la nuyt cimprimant les esperitz, et la chaleur dedans le corps, toutesfoys icelle chaleur ne peult digerer deux choses cestassavoir la viande et les superfluites de la maladie, donc appert que en iceulx il fault au souper prendre moindre refection, se les corps sont en sante, ou il sont fort sains robuste sans superfluites sensibles & apparen

[13]

tes car leur vertu expulsice est forte et expellante souffisamment comme les corps nommes athlete, & a iceulx fault augmenter le souper, car la nature diceulx de nuyt seulement laboure a digerer la viande non pas a maturer les superfluites, car ilz en sont quasi prives. Ainsi ilz labourent seulement de fortifier leurs corps lequel se fortifie plus de nuyt que de jour, a cause que le sang et les esperitz sont engendres en plus ample quantite et mieulx distribues par le corps. Se les corps sont fort distans des corps dessuditz comme le corps qui de legier chiet en maladie, tel corps ou ilz se travaillent dung fort travail et continuel ou non, si se travaillent comme font ceulx qui gaignet leur vie par travail de bras, et de mains, a iceulx convient prendre plus grande refection au disner que au souper, la cause si est, car la bonne viande nest pas prinse tant seulement pour gouverner et restaurer le corps, mais aussy semblablement pour humecter et arrouser les membres quil ne deseichent du fort mouvement et travail, et pour resister mieulx a la resolution de la chaleur naturelle pour laquelle cause il fault plus de viande exhiver au disner que au souper, et tel grant exercite ne prohibe point les membres de bien faire bonne digestion comme ils soyent ainsi a coustumes, car par experience nous les veons bien troys foys le jour menger de bo nappetit et bien digerer. Sil ne font point de travail fort et vehement, et continuel comme les dessusdictz, ce advient doublement, car ou ilz font travail fort laborieux, mais non pas bien continuellement. Ou ils font travail debile avecques lequel se multiplient superfluites. Si font bon travail fort laborieux pour aulcunes occupations bien necessaires en la vie ou pour salut comme plusieurs hommes civilz qui pour les biens de fortune, ou de salut fort se travaillent & plus quilz nont acoustume, comme de chevaucher, ou de cheminer, ou aultre chose faire. Et iceulx doyvent plus souper que bien disner, car sil augmentoyent leur disner veu & & considere quilz nont pas bien acoustume de faire grant travail comme les dessusdictz premier, les bonnes viandes prinses au disner se corromproyent par le plus grant mouvement et travail la chaleur naturelle diceulx est bien resolvee et disparsee par le corps, laquelle de nuyt retraicte dedans le corps est cause principale de bonne di

[14]

gestion, et pource a iceulx convient plus grande refection au souper que au disner. En oultre iceulx par avant nont pas este de grant travail donc leur corps est plain de humidites superflues lesquelles par petite refection prinse au disner peuvent resister a la resolution et confucation faictes par le mouvement & travail qui se fait de jour, mais sil sont de petit travail et de debiles occupations il leur convient plus grande refection au digner que au souper comme est declare es corpas malades, car communement il sont debile digestion. Et la chaleur et lumiere du soleil conforte leur chaleur naturelle & esperitz comme ilz soyent semblables en oultre a cause que les conduictz sont souvers de jour les superfluitez sont mieulx expulses et deboutez que de nuyt. Item du bon vespre ne doyvent pas faire grande replection a cause que nature de nuyt laboure plus fort a digerer les humeurs superflues lesquelz le repas par especial doyt bien digerer ou reduire en bonne qualite. Et jacoyt ce que la digestive soit fortifiee de nuyt, toutesfoys la fortification ne souffit pas pour digerer grandes replections de viandes & les humeurs superflues. en oultre est a note que en prenant grande quantite ou petite de viande au disner ou souper toute coustume doit estre conservee, car coustume est chose tresgrande & merveilleuse pour conserver la jante & pour maladies curer comme est escript au second livre des maladies aguees comme il appert, car mutation de coustume par especial subite est tresgrandement nuysible, come dit damascene de muer la coustume, cest chose fort nuysible, et par especial es vieilles ggens, & pource il ne convient pas muer les coustumes maulvaises subitement, mais de petit, car nature ne peult supporter mutations subites. Et ainsi est demonstre que plus universellement lhomme doit mieulx prendre sa refection au disner que au souper & aussi pource que les maladies communement sont materielles et les corps sont mal disposez, toutesfoys se lhomme ne prenoit que une refection le jour mieulx vault doncques quil preigne au souper se maladies des yeulx ou cerveau ne le destourboyent, car adonc mieulx vault de la prendre au disner, car la grande replection du vespre nuyt fort es yeulx et au cerveau. Item est a noter que la repletion du vespre ne nuyt

[15]

pas seulement a lestomac, mais aussi toutes replecitons a cause quil engendre oppilations fievres putrefactions apostumes lepre et humeurs indigeres. Et que toute replection soit nuysant a lestomac, avicene le declare en la treziesme distinction du tiers livre au premier traicte au chapitre des choses nuysantes alestomac, et dit que les choses qui sont plus que lymees a lestomac cest la replection car par replection le corps du gourmant nest pas augmente, car sa viande nest pas digeree, mais de celluy qui se garde de trop menger luy demeure aulcun appetit, par ce moyen le corps est augmente pour cause que la viande se digere bien en son estomac. Et ainsi appert que on se doyt garder que lestomac ne suyt greve par replection et que laspiration en soit plus courte, et poux hastif & subit. Semblablement replection nauseative faisant lestomac facheuz doyt estre sur tout evitee & par especial faicte de maulvaises viandes, car se la replection nauseative est de grosses viandes elle engendre douleur de joinctures, de reins, de ratelle & de foye, & regulierment maladies fleumatiques. Et se la replection nauseative est de viandes subtilles ele engendre fievres agues, & apostumes chaulde.

¶Premierement donc il sensuyt qye replection nauseative doyt estre evitee. ¶Secondement que on ne doit pas tant mengier que lestomac soyt totallement plain & lappetit totallement suffoque, mais on doit retirer aucun appetit, & par especial les hommes ayant la vertu apperitive forte, car ilz sont aulcunes gens qui ont naturellement lappetit debile, & iceulx doivent plus mengier que leur appetit ne le requiert.

¶Textus.

¶Tu nunquam comedas stomacum nisi noueris ante.

Purgatum vacuumque cibo quem sumpseris ante.

Ex desiderio poteris cognoscere certo.

Hec tua sunt signa subtilis in ore dieta.

¶Exposition.

¶En ce texte sont declarez aucuns commandemans lesquelz lhomme desirant vivre en sante doit necessairement ouserver devant son mengier. ¶Le premier est que lhomme ne preigne viande quelconques quil naye lestomac purge des maulvaises humeurs par vo

[16]

missement ou par aultre maniere convenable, car sil prenoyt viandes avec les humeurs corrumpues estant en lestomac, il se mesleroyent avec les viandes & seroyent cause de corrumpre ladicte viande. ¶Le secon est que lhomme ne doit prendre viande aulcune sil ne scet que la viande premiere prinse est bien digeree et deboutee de lestomac, car il nest chose plus nuysible au corps humain que mettre viande sur viande non digeree, mais commencier a digerer, car la viande apres prinse empesche la digestion de la viande premiere prinse. Et la digestion de la premiere sera devant acomplie, laquelle trespasse au foye par les veines miseraiques et conduict avec soy la viande derniere prinse indigeste, parquoy humeurs creves & indigerees seront au corps multipliees. En apres sont mys deux signes de levacuation de lestomac touchant la viande premiere prinse. ¶Le premier est fain veritable. Et pour avoir parfaicte declaration de ce est a noter quil est deux especes de fain, cesassavoir fain veritable, & fain mensongiere, la fain veritable nous demonstre galien & dit au second livre des anfforismes en la glose de ce canon. Le corps indigent ne doit pas labouruer &c. Fain veritable est quant lhomme a indigence de viande auquel sensuyt bon et vray appetit. Mais la fain mensongiere & non veritable est appetit de viande sans ce que le corps ayt indigence. Et comme la fain veritable vient par la contraction & corrugation des veines de lorigice de lestomac en suyvant la susction des membres evacues de viandes & indigens. Semblablement la fin mensongiere vient des choses qui font contrition & corrugation des veines de lorifice de lestomac sans ce que les membres soyent indigens de viande comme font choses froides enducies aceteuses, & dicelluy signe du second commandement fait mention Avicene en la troiziesme distinction au chapitre intitule. ce que lon boit & menge & dit. Il est convenable que nul ne doyt mengier fors que apres fain veritable, & doncques on ne doit arder sinon que la fain suffit mensongiere comme des yvrongnes & diceulx qui ont lestomac facheux, car trop supporter la fain remplist lestomac de maulvaises humeurs & pourries. En apres audit chaputre dit Avicene que chascun qui veult vivre en sante ne doit mengier fors que quant

[17]

le desir & la fain sont certains & veritables, & lestomac, & les souverains boyaulx sont evacues de la premiere viande, car la choses plus dangereuse au corps cest de prendre viande sur viande indigeree. ¶Le second signe signifiant fain veritable cest la diete precedente prinse en petite quantite, car quant icelle diete sensuyt la fain cest vray signe que la fain est certains & veritable. En oultre il est a noter que cest chose tresmaulvaise de prendre viande en grande quantite & fort diverses en leur substance comme perdris, poules, poissons, chair de beuf & de porc en une mesme refection, et de prolongier le temps en mengant, car la viande premiere prinse est quasi digeree quant la derniere sourvient & aussi les parties de la viande sont faictes non semblables en la digestion, car les premieres sont digerees tant que les dernieres prinses soyent enmy voye de la digestion, et pource aulcunes parties corrumpent les autres. Et de ce fait mention Avicene en la troiziesme distinction du premier, au chapitre intitule de ce que on boyt & mengeue. Et dit quil nest chose plus nuysant que de conjoindre plusieurs viandes en une refection, & apres ce de prolongier le temps en mengant, car quant la derniere viande est prince, la premiere est bien avant en la digestion, les viandes donc en leurs parties quant a la digestion ne sont pas semblables. Toutesfoys est a noter que prolongier le temps aulcunement, cestassavoir par une heure en mengant pour faire bonne mastication en la bouche cest chose louable, & moult vault pour conserver sante, car parfaicte mastication en la bouche est quasi voye moyenne de la digestion, & imparfaicte mastication retarde et empesche la digestion, mais prolongier le temps en mangant avec sermons & fables & delaisser le mengier par une heure ou deuxest tresgrandement nuysible & engendre grans mouvemens dessus declairez.

¶Textus.

¶ Persica, poma, pira, lac, caseus, et car salsa.

Et caro ceruina, leporina, caprina, bouina :

Hec melancolica sunt infirmis inimica.

¶Exposition.

¶En ce texte sont declaires dix manieres de viandes engendrant

[18]

melancolie & contraires aux malades. ¶La premiere sont pesches, desquelles Galien dit au .xix. chapitre des elemens que le jus des pesches comme la chair dicelles est de facile corruption et du tout en tout maulvais & ne le convient pas prendre apres aultre aliment, car ilz se corrumpent vers lorifice de lestomac. Et fault avoir mémoire dune, que toute viande cacothuneuse humide et lubrique. Et ainsi appert que ce qui est declaire se doit entendre des pesches mengees apres la refection, car quant elles sont prinses devant le repas de lhomme elles sont tresutilles a lestomac & laichent le ventre et provoquent lappetit, & selon Avicene au .ii. canon au chapitre des pesches. Quant les pesches sont meures elles sont bonnes a lestomac et donnent appetit a la viande, et oultre dit quil fault quelles soyent prinses devant mengier, car apres mengier elles se corrompent, semblablement dit serapion au chapitre des pesches auctorifies de dyascorides. Les pesches meures sont bonnes a lestomac et laichent le ventre, et les non meures font le ventre dur, et quant elles sont seiches elles font le ventre plus dur, & quant on boit les decoctions des pesches seiches ilz deffendent le flux des humeurs a lestomac & au ventre, & quant elles sont pluverisees et sinapisees sur le boyau ou le sang court elles deffendent le flux. Et jasoyt ce que les pesches ayent aulcunes aydes utiles au corps humain, toutesfoys elles engendre humeurs de facile corruption, parquoy sont nuysibles aux malades & par especial quant on les prent apres disner. Et sont pesches froides au premier degre et humides au second. ¶La seconde sont poires a cause que les poires et generalement tous fruictz recens & creuz engendrent sang plain deaue dispose de faire ebulition es corps humains, & ainsi preparent le corps a putrefaction, sensuyt donc quilz nuysent aux malades. Les poires semblablement comme dit Avicene au .ii. canon au cha. des poires de leur propriete engendrent collique passion, toutesfois les poirs sur tous fruictz font lhomme gras, & ource les porcz gouvernez de poires sengressent plus que de tous aultres fruictz. Et a cause que les poires engendrent ventositez elles font la colique passion, toutesfoys les poyres et aultres fruictz faisant ventosites doyvent estre

[19]

mengiez avec semences carminative & expulsive desdictes ventositez pour ovier a linconvenient diceulx fruict en beuvant apres ung petit de vin vieulx & de bonne odeur. Et les meilleures poires sont celles qui sont odoriferantes & plus doulces. Et aussi les poires cuytes sont plus saines que les crues & se doyvent cuyre avec fenoil ou succre. Le .iij. sont pomes desquelles dit Avicene au second canon au chapitre des pomes que souvent mengier de pommes fait venir douleurs es nerfz, & aussi pomes ont males proprietez, car elles engendrent ventositez jusques a la seconde digestion & pource nuysent es gens malades, & aussi pour cause semblable dicte des poires et pomes, & especial se doit entendre quant elles sont menegees crues et non pas cuites. Et iceulx fruictz non pas tant seulement doivent evites les maladies, mais aussi tous fruictz faisant le sang plaint deaue dispose a ebulicion comme le moust & le jus des fruictz boullant dedans leurs boyaulx par la chaleur du soleil delaissies en eulx quant ilz meurissent. Et iceulx fruictz par ebulition de leurs jus preparent le sang a putrefaction, mais a lheure que on les menge font ayde aux corps en luy dinnant humidite. Et pour icelle cause Avicene a deffendu aux febricitans les fruictz recens en la .iiij. distinction au chapitre de la cure universelle des fievres putrides quant il dit que tous les fruictz nuysent aux febricitans avec leur debulition & corruption en lestomac. ¶La .iiij. est que le mengier laict a cause quil est de legiere conrruption & en fumee ou en eructuation aceteuse se convertit en lestomac humide comme est lestomac du febricitant de fievres putrides communeent & pourtant est prohibe le laict aux febricitans de fievre putride. Et semblablement il est nuysible a ceulx qui ont doleur de teste & a ceulx qui ont la toux, et a plusieurs aultres desquelz par ypocras en la cinquiesme partie des anfforismes, en ce canon quant il dit, donner leict a ceulx qui ont doleur de teste cest chose nuysible. Toutesfoys le laict en aulcune condition est prouffitable comme en maladie ptisique ethique et en aulcunes aultres maladies commes dit ypocras en la fin du canon, maintenant allegue & comme apres sera declaire au texte, lac ethisis

[20]

sanum &c. Et jacoit ce que le laict es malades dessus nommees est vitupere toutesfoys es corps sains cest viande louee se lestomac et le foye le digerent bien car adonc il lave les boyaulx et mondifie par sa partie humide, cestassavoir par le petit laict, car il repugne au venin de la partie butireuse, & fait les membres humides, et de la vertu du froumaige guarist les payes du polmon, & de la poictrine, des reins, de la vescie, & des boyaulx, fait appaiser la douleur des boyaulx, fais des humeurs coleriques prohibe excoriante et desdictz boyaulx. Item le laict est utile aux corps attrempes quant leur estomac est purifie des humeurs coleriques & fleumatiques, car en iceulx quant il est bien digere il engendre bon sang, et bonne chair, & augmente le corps et le tient en moyteur et decore les parties exteriores comme dit ysaac e, ses dietes universiselles. Et dit illec lauctorite de ruffi que ceulx qui mengent du laict doivent estre en jeung et le mengier chault venant des mamelles sans riens mengier apres tant quil soit digere sans faire grant labeur et mouvement sans reposer, toutesfoys totalement, mais fault cheminer noderement jusques a tant quil soit estendu au fond de lestomac. Es corps mal disposses le laict est deffendu, car es corps chaultz il se convertist en reuctation aceteuse et en putrefaction en lestomac mal dispose le laict legierment est corrumpu touchant lelection du laict il est a noter que on doyt eslire laict de moyenne substance quant on le donne pour nourrissement, & ne doyt pas estre fort subtil comme laict de dromadaires ou chameaulx et danesse ne fort gras ne de grosse substance comme laict de vaches et brebis, on doyt donc eslire laict de chievre, car il nest pas sy moiste comme le laict des chameaulx lequel est inutile pour nourrissement a cause de sa grande humidite, mais il laiche le ventre et nest pas gras ne de grosse substance ne plain de froumaige et de beurre comme le laict de vaiche et de brebis lequel par leur gresse & unctuosite estoupent les vaines et engendrent ventositez, et est de plus difficiele digestion quil nest necessaire adoncques soit esleu laict de chievre laquelle ne soit pas trop prochaine ne trop loing du temps davoir

[21]

chevrote & nourrye en bonne basture. ¶Le cinquiesme est mengier froumaige & se peult entendre de tout froumaige, toutesfoys par especial de froumaige viel, car le froumaige recen est froit & humide de grosse substance difficile a digerer et engendrer oppilations dela pierre, et ne compete guere en forme de nourrissement au regime de sante. Et le froumaige viel est chault et sec a cause du sel fait digerer la viande, mais il est dificile a digerer et de petite nourriture, et nuyt a lestomac et deseiche trop et moins convenable que le froumaige recent. Et le froumaige moyen entre le recent et le vieulx viscieulx et frangible, moyen entre le dur et le mol et ung petit declinant a doulceur quil ne soit pas trop sale ne plourant en le taillant, & quil soit de saveur delectable et de bonne odeur sans faire longue demeure en lestomac fait de bon laict et aulcunement unctueux froumaige ayant telles conditions et louables se doit prendre au dernier du repas en petite quantite, car prins en grande quantite il gresve lestomac, et est inobeissant a la digestion, et oppille et engendre la pierre es reins, et grosses humeurs et ventosites. Et seulement le froumaige que donne la personne avaricieuse si est a bonne cause quee la quantite est petite. ¶La sixiesme est chair salee, car chair salee ou seichee a la fumee de quelque espece quelle soyt engendre sang gros melancolique, doncques sensuyt qui nuysent aux malades, et ne sont pas chais competans aux gens sains. Et ce recite Avicene en la seconde distinction du premier en la seconde doctrine, au chapitre quinziesme en la fin ou il dist, chair selee est de petite nourriture et grosses & engendre maulvais sang. ¶Le septiesme est chair de cerf laquelle semblablement engendre sang melancolique comme dit rasys au troiziesme livre dalmasor au chapitre des bestes saulvaiges. ¶Le huytiesme est la chair de lievre engendrant semblablement sang melancolique, car rasys dit au chapitre allegue, la chair du lievre plus que toutes aultres chairs engendre melancolie. Et dicelle mesme dyt ysaac es dietes universelles quelle ne doit pas estre exhibee en forme de viandre fors que par voye de medecine. Et est a noter que la chair du lievre et du cerf quant elles sont antiques totalement doyvent estre evitees, toutesfoys se aulcu

[22]

nement sont convenables ce sont celles qui non gaires de temps quelles sont sur terre a cause que leage refrene la seicheresse diecelles chaires, jacoit ce aussi qu on les doyt eviter sil ne sont fort gras pour obtemperer a la seicheresse quasi totalement. ¶La neufviesme sont chaires de chievres. ¶La dixiesme sont chaires de beuf, car icelles deux especes de chairs sont melancoliques, car ysaac dit es dietes universeles chair de chievre et de beuf sont grandement maulvaises et dures et dificiles a digerer et engendre gros sang melancolique. et Avicene au .ii. canon dit que la chair de chievre nest guere bonne, et le sang est fort maulvais. Et avec icelles chaires fault comprendre chair de bouc, et de vaiche qui sont pires que chair de chievre et de beuf. & dit Avicene au .ii. canon au chapitre de la chair. Et la chair de beuf et de vaiche, de cerf et de bouc silvestres, et de grans oyseaulx fait venir les hommes es fievres quartes. et encore dut Avicenne que la chair de vaiche est de grant nourrissement, mais elle est melancolique engendrent maladies melancoliques, oultre dit que la chair de vaiche engendre lepre. Et dit absoluement que la chair de bouc est maulvaise, & pourtant que le texte a fait mention des chaires maulvaises et dignes destres evitees & par especial des bestes ayant quattre piedz. Apres il fault regarder des chairs bonnes et louables des bestes ayant quattre piedz et environ lelection des chairs desdictes bestes entre les docteurs est controverse, car aulcuns comme Galien dient que la chair de porc est la meilleure. Les aultres dient que la chair de veau est la meilleure comme Avicene, rasis, & averoys. Jacoit ce que averoys au cinquiesme livre de son colliege impose a Avicene quil ayt dit que la chair de porc est la meilleure laquelle chose ne dit pas de sa propre opinion, mais selon loppinion des crestiens. Les aultres louent la chair de veau sur toutes aultres chaires. ¶Secondement est a noter que la election et bonte des chairs a quattre piedz par plusieurs manieres se peuvent entendre. ¶Premierement de la partie du grant nourrissement et difficile a digerer & de la similitude a la chair humaine, & sachez que pour tresgrande similitude avec la chair humaine come tesmoigne galien au .iij. livre des elemens est la chair de porc laquelle a grande

[23]

similitude avec la chair humaine, car plsuieur ont mengie de la chair humaine pour chair de porc sans avoir suspection quelconques par goust ne par odeur. Et dit Avicene au .ii. canon au chapitre de sang que sang de lhomme et le sang du porc sont semblables a toutes choses, car aulcuns ont vendu chair humaine en lieu de chair de porc, et icelle vendition fut incongneue jusques a ce que les doigz dung homme furent trouvez en ladicte chair, & icelles sentence met averoys au .v. de son collige au chapitre de la chair. ¶Secondement, car la chair de porc est de grande nourriture, car Galien dit au .iij. li. des elemens sur toutes chairs que la chair du porc est nutritive. et de ceste experience ont les hommes appellez athlete. ¶Tiercement elle engendre humeurs constans & permanens dificilles a digirer. Et tout fut lopponion de Galien es lieux dessusdit ou il prefere la chair de porc sur toutes aultres. Et au .viij. li. de ingenio ou il dit la chair de porc est a louer sur toutes aultres chairs se le porc est de montaignes & apres le porc est le mouton. Et samblablement au .v. de terapentique ou il dit. La chair plus louanle a quattre piedz cest la chair de porc & en chaleur et en humidite attrempee et de grande nourriture et engendre bon sang & meilleur que toutes autlres chairs. Et ce est chose veritable de la chair du porc non antique, car sa chair est indigestible ne de jeune alaictant, car diceulx la chair est treshumide, mais soit de porc deage moyen cestassavoir dung an ou de deux soit domestique ou soulvaige. Toutesfoys il est vray semblable destimer que le porc saulvaige est meilleure que le porc domestique, car le domestique est oultre mesure humide et vicieulx. Et de chair de porc saulvaige et du veau dit Avicene au second canon, au chapitre de chair les crestiens dient que la meilleure chair saulvaige, cest la chair du porc saulvaige, car avec ce quelle est plus legiere que la chair du porc domestique elle est de fort et de grant nourrissement, et de legiere digestion & est la chair meilleure quil peult estre pour temps dyver. Et par ainsy sensuyt que les chairs dessusdictes de porc sont fort utiles aux corps jeunes sains et fort laborans qui ne sont pas disposes a oppilations et a ceulx qui veullent devinir gras, car iceulx corps ont besoing de grant nourrisement et de diffi

[24]

cile digestion. et pour ce dit rasys au troiziesme dalmasor au chapitre de la chair, que la chair grosse compete a ceulx qui moult labourent et la chair subtile a ceulx qui non pas grant excercite penible. Et icelle mesme sentence dit Avicene en la troiziesme distinction du premier livre au chapitre de ce que on boit et menge, car les gens excercitez et de grant labeur supportent mieulx grosses viandes. En aultre maniere est consideree la bonte et election de la chair, par attrempee complection, et bonte de sang dicelle engendre, cesassavoir que icelle chair est meilleure qui est de complection attrempee facille digerer engendrant bon sang attempee en chaleur & froidure, en grosseur et subtilite. Et aussy considerant la chair dung tendron est meilleure de toutes les aultres comme veullent rasys, Avicene, et averoys, car rasis dit au troiziesme livre dalmasor au chapitre des bestes saulvaiges et domestiques, la chair dung tendron est attrempee sans commixtion quelconques malvaise, laquelle jacoit ce engendre sang attrempe, toutesfoys ne compete pas aux gens labourant a laquelle nulle aultre chair est a comparer ne preferer, car elle nest pas de si petit nourrissement que la vertu de lhomme en soit diminue ne de si gros et grant nourrissement que la replection sensuyve, et que gros sang soyt engendre, car le sang qui est engendre de ladicte chair est entre le subtil, et le gros, et entre le chault et le froit, et nest pas convenable aux gens fort travaillant, mais aux jeunes attrempez faisant moyen excercite, car icelle chair engendre sang par grant travail facile a digestion, et non par travail moyen. Et comme selon icelle consideration la chair dung tendron entre les chairs domestiques est la meilleure, semblablement la chair dung cabry entre lessaulvaiges est la meilleure. Et apres la chair dun tendron plusieurs medecins comme rasis, et averoys ont mis pour la meilleure la chair du mouton. et dit averoys au cinquiesme livre de son collige au chapitre de la chair, ceste opinion de la plus part des medcins fors que Galien qui vitupere la chair du mouton et dit, que la chair de vieau est de meilleur nourrissement que celle du mouton. ¶Tiercement la bonte et election de la chair est consideration de la partie de grande ou petite viscosite & de odeur,

[25]

et ainsi les chairs de veau sont meilleures que toutes aultres. et recite averoys au .v. chapitre de la chair quant il dit. et les chairs de veaulx sont bonnes chairs a cause quilz nont viscositez froidure ne seicheresse comme ont les chairs de beuf antiques. Item les chairs de veau sont plus odiriferantes que aultres chairs selon icelle consideration sont aussi meilleurs que les chairs de tendrons esquelles est aparante viscosite devant quelles soyent boullies, mais les chairs des tendrons sont meilleures que la chair de veau a cause quilz engendrent meilleur sang. et par ainsi apper que entre les docteurs de medecine nest pas si grande controverse quil semble de premiere face. En oultre est a noter que la chair des bestes de complection seiche sont meilleures environ leur naissance quelles ne sont en vieillesse. et les chairs des bestes de complection humide sont meilleures en vieillesse que en jeunesse a cause que la humidite superflue se desceche en procedant en eage. Et pourtant les chairs des moutons jeunes de environ ung an ou de deux sont meilleurs que ne sont celles de ceulx qui alaictent, et la chair de porc dung an ou de deux semblablement, et pourtant dit bien Avicene en la .iij. distinction au chapitre de boire et du mengier quant il dit. Il fault que les viandes du corps humain soyent telles comme la chair des tendrons et de veau alaictant, et daignel dung an. Et sensuyt donc par les choses dessusdictes telles conclusion, que les chairs de bouc, de chievres, de moutons, de beufz, et de porcz antiques, et par especial de ceulx qui sont chatres, et aussi de jeunes porcz alaictant, et de aignel alaictant ne sont pas convenables a conserver la sante. Et est diligemment a noter que les chairs seiches se doyvent boullir, & declinante a humidite et se doyvent roustir pour consumer humidite superflue, et pour icelle cause chairs de counins, de lievres, de cerfz, & de chievres doyvent estre boulies, et chairs de porcz fort jeune, et de aignel doivent estre roustis pour temperer sa seicheresse. Et de ce appert que es temps es complexions humides plus competent chairs declinantes a seicheresse & rousties & en temps sec & es complections et eage

[26]

sec plus competant chairs declinantes a humidites.

¶Textus.

¶Qua recentia, vina rudentia, pinguia jura.

Cum simili apura nature sin valitura.

¶Exposition.

¶En ce text sont declaires troys alimens ou viandes fort nutritives prinses en petite quantite. ¶La premier sont oeufz frais, car ilz sont du nombre diceulx quilz nourrissent fort, prins en petite quantite comme du Avicene au second chapitre des oeufz & icelles sentence declaire en la .iiij. distinction du premier livre au chapitre premier ou il dit, les oeufz e les coulons du poulet de sont de grant nourrissement prins en petite quantite. environ la election des oeufz est a noter que les oeufz de poules, de perdris, et de faisans jeunes sont bons au regime de sante, & meilleurs que tous aultres, & dit la fille du cure que les œufs long sont bons comme dient iceulx vers. ¶Filia presbyteri iubet pro lege teneri. Quod bona sunt oua candida longa noua. Oultre les oeufs molles fait par decoction sont meilleurs que les oeufz durs cuitz ou trop moulz & sont de forte nourriture & de facille digestion, & engendrent sang fort porporcional & convenable au cueur, et pour ce a gens qui sont en convalescence de maladies ou gens antiques et debiles sont fort appropries & convenables, & par especial le rouge de loeuf comme dit Avicene en son livre de vitibus cordis vault & dit que le rouge de loeuf des bestes ayant bonne chair come de poules, perdris, & de daisans, jacoit ce que ce ne soit pas medicine cordiale, toutesfoys il conforte fort le cueur. Et en apres dit que incontinent sont convertis en sang subtil & cler sans engendrer grande superfluite, et pourtant confortent tresgrandement le cueur, et engendrent sang fort porportional et convenable au cueur. Et en oultre dit quil vallent moult pour restaures les eperitz et le sang du cueur debilite, les oeufz moulles sont faciles a digerer et font le polmon souple et la poictrine, et tiennent le ventre laiche et lubrique, et sont pourtant moins nutritifs que les oeufz tremblans en la coque, les oeufz durs par decoction sont durs a digerer & font au corps gros nourrissement et descendent tart de lestomac et son tar

[27]

digz a penetrer. En oultre est a noter que diverses preparations les oeufz acquirent bonte ou malice, car ilz sont cuitz en braises, ou bouillis, ou fris, ou cuit avec aulcun brouet. cuitz en braises sont de substance plus grosse et plus difficile a digerer que ceulx qui sont bouillis, car le feu consumme et deseiche leur substance humide. Et se cuysent en deux manieres, cesassavoir avec leur escorces es braises, ou brisiez en leurs escorces les brises sont pires que les aultres. Ceulx qui se cuysent es cendres avec leur escorce ce fait en deux manieres, car ou ilz sont otalement couvers de cendres, ou sur les braises en partie descouvers. Et ceulx qui sont mis es cendres tout couvers sont les pires a cause que les cendres avironnent loeuf et les fumees en sont retenues, et diceulx qui sont cuitz sur les brases en partie descouvers les fumees sont deboutees dehors. Et cuitz en leaue sont meilleurs que cuite es cendres, car lhumidite de leaue repugne a la chaleur du feu qui ne deseiche lhumidite substanciale de loeuf. et se boullent en deux manieres, ou avec lurs escorces ou rompu en leaue boullis avecques lescorce sont les pires, car les escorces defendent a saillir les fumees, mais des rompus en leaue, la chaleur de leaue attrempeement penetre et bien subtile la grosseur de loeuf et hoste la maulvaise oudeur. Et pource quant ilz sont bien cuitz en icelle maniere ilz sont les meilleurs sur tous les aultres, les œufs fris sont pires que tous les aultres, car ilz engendrent maulvaises humeurs et font en lestomac longue demouree et efumantes, et vapeurs en la teste, et la bouche puante. Et les oeufz cuitz au brouet tiennent la voye moyenne entre tous les aultres œufs cuitz es cendres, et les oeufz rompus en leaue. Et icelle sentence totale est prinse de ysaac en ses dietes universales. Item il est bon a noter que loeuf est diversifie en ses parties, car le rouges est de sa chaleur attempee, et le blanc est froit et vicieulx difficile a digerer, et le sang de luy est engendre maulvais, comme dit rasis au troiziesme livre dalmasor au chapitre des oeufz. Et comme les oeufz de poules de perdris et de faysans sont convenables a conserver la bonne sante, semblablement tous les oeufz de canes, et doyes et leurs semblables volatiles, toutesfoys ils sont moins convenables

[28]

pour conserver la sante ou dut out a eviter. ¶Le second est le vin rouge pour lequeul est a noter que les vins sont divers en couleurs, car aulcuns sont blancz, aulcuns rouges, aulcuns claretz, & aucuns noirs. Les vins blanz sont debiles plus que tous aultres, & de moindre chaleur & de moindre nourrisement & blessent moins le cerveau, et plus provoquent lurine que tous les aultres quilz soyent, plus debiles que tous les autlres, il est prouve par Galien au premier comment du troiziesme livre des maladies agues quant il dit. Le vin debile est celluy que moins eschauffe & moins enfume au cerveau, & et les vins blancz sont de telle condition comme sera demonstre icy apres, doncques il sont debiles plus que tous aultres. Et que les vins blancz soyent de moindre chaleur il appert par Galien au troiziesme livre des maladies agues, en parlant du vin blanc il dit quil nest pas possible que le vin blanc peult rendre lhomme fort eschauffe. Et apres il dit. Le vin blanc est de moindre chaleur et eschauffement que tous les aultres vins. Et est chose veritable en faisant comparation du vin blanc au rouge, lesquelz sont tous du terrouer & non pas aultrement, car les vins rouges de France ne sont pas si chautz ne si fors que plusieurs vins blancz daulcunes contrees. Et pource la comparation se doit faire entre vins de une mesme contree, ou de ung mesme terrouer. Et que les vins blancz soyent moins nutritifz. Il appert par Galien en la glose de ung anfforisme de la seconde partie en celluy anfforisme. plus facilement est remply lhomme de boire que de mengier ou il dit. Le vin aqueux subtil & blanc universalement est voisin a leaue. Et quant au nourrissement semble leaue, & provoque lurine & ne nourrist guerre le corps Et semblablement en la glose de ung aultre anfforisme en ladicte partie dit. Vin aquatique guaire ne donne au corps nourrissement duquel la liqueur est comme eaue tresutile & de couleur blanche. Que il blesse moins la teste il appert par Avicene en la troiziesme distinctio au chapitre du regime de leaue & du vin ou il dit. Le vin blanc & subtil aux gens eschauffez, & plus utile que nest le rouge, & ne fait pas douleur de teste, mais il rend le corps humide & fait cesser la douelru de teste. Et icelle mesme sentence veult le docteur Galien au

[29]

comment dicelluy canon en la .iij. partie le boire doulx. la rayson pourquoy il blesse moins la teste, car il est moins fumeux & vaporeux que tous les aultres vins. Quilz soyent plus provocatifz de lurine && plus subtilz il appert par ypocras en la troiziesme partie des maladies agues en ung canon ou il parle du vin blanc ou il dit que trespassement du vin blanc en la vescie est plus facile que tous les aultres vins et avec ce est congneu quil a vertu fort apperitive. Et de toute icelle sentence ja declaire devant il sensuyt que les vins blancz subtilz sont plus convenables aux gens eschauffes par nature que ne font les aultres vins fors, sicomme a gens coleriques, ou sanguins ou eschauffes accidentalement comme par ire, ou de demourer au soleil. Et aussi semblablement il convient plus aux escoliers, ou aux estudians, lesquelz doyvent venir user de bons vins pacifiques a lentendement. Item est convenable a ceulx qui ont le cerveau debile de nature ou accidentalement, car ceulx qui ont le cerveau debile facilement se yvrent de boire fors vins comme dit Avicene au chapitre dessus allegue, et pource silz veullent user de fos vins il est necessaire de le limpher fort, et semblablement il est convenable a ceulx qui ont le foye eschauffe ou lestomac et a ceulx qui demeurent es regions chauldes, car fors vins chaulx feroyent lesdictz corps venir en fureur. Les vins rouges clers comme les vins de veaulne sont chaulx plus que aultres vins comme veult Galien au commencement du canon dessus nomme ou il parle du vin blanc et dit. Icelluy vin est de couleur rouge qui est de chaleur vehemente. Et iceulx vins sont plus que les autres nutritifz comme veult Galien en ung anfforisme dessus nomme, cestassavoir celluy plus facilement est le corps est remply de boire que de mengier, car le docteur Galien dit que le gros vin rouge est plus nutritif que tous les aultres vins & remplissent incontinen()t les corps foibles par mention. Et est icy a noter que les vins rouges sont plus nutritifz, pour ce que grande partie diceulx vins se convertissent en la substance des membres. Toutesfoys les plus noirs sont plus nutritifz que tous les aultres, car ilz donnent au corps humain nourrissement plus constans, et plus tardifz a resouldre des

[30]

membres. Et icelle sentence dit le docteur Galien en ung de ses commens de ung anfforisme allegue. Eorum que nutriuntur & cetera. Que les vins rouges et gros sont okus nourrissant que les vins aquatiques, Toutesfoys ilz sont moins nutritifz que les vins noirs. Et semblablement ainsi se doyt entendre le texte de ysaac es dietes particulieres, ou il dit que le vin noir nourrist plus que le rouge. Et iceulx vins rouges blessent plus le cerveau que le blanc, et moins provoquent lurine. Et cest la cause que iceulx vins fors ne sont pas convenables a ceulx qui ont le cerveau comme est dessus declaire, mais a iceulx qui ont le cerveau vertueux resiste aux vapeurs et fumees sans les recepvoir, comme dit Avicene au chapitre allegue en la .iij. distinction du remier livre. Environ ce est a noter que lentendement et engin de lhomme ayant le cerveau fort et vertueulx plus se clarifie & aguise sil boit du vin bon et fort que sil nen beuvoit pas comme veult Avicene en la .iiij. distinction du premier livre au chapitre souvent nomme. Et la raison si est, car du bon vin plus que de tous aultres breuvaiges sengendrent & multiplient plusieurs esperitz subtilz clers et purs, & cest la cause que les theologiens ont acoustume de contempler es choses fort subtilles ayment le bon vin. Et selon Avicene au chapitre nomme, iceulx vins sont prouffitables aux hommes de froide complexion et fleumatiques, car ilz corrigent la froideur de la complexion & ouvrent les opilations acoustumees de venir es gens fleumatiques, et digerent les fleumes donnant ayde a nature a les convertir en sang et donnent bon nourrissement en multipliant les esperitz. Les vins roux sont de moindre chaleur que les blancz, et pource blessent plus le cerveau que le vin blanc. Et aussi les vins roux sont moins nutritifz que les vins rouges & blancz, et aulcuns nnomment iceulx vins roux bin blanc, & pource dient aulcuns que le vin blanc incontinent eschauffe fort le corps. Les vins noirs sont de moindre chaleur que les roux, et pource blessent moins le cerveau que les roux, mais ilz sont tarditz de descendre au ventre, & ne

[31]

sont guaires provocatifz de uriner, & pource ilz blessent plus le cerveau que les vins blancz, comme veult Galien au commencement dicelluy canon. Potus autem dulcis, souvent allegue. ¶Le tiers sont liqueurs fertiles faitz de brouetz de chairs, par especial de brouet de poulcins & de chapons, car telz brouetz sont a nature fort convenables & de legier convertis en sang louables et par especial quant ilz sont faitz de la plus delie farine de froment, car elle est for nutritive & restaurative engendrant bon nourrissement comme veult rasis au .iij. livre dalmasor : Et tout ce pareillement declaire Avicene en la seconde distinction du premier chapitre de ce que on boit et mengeue & dit. Exemple de la diete subtile de grant nourrissement & de bonnes humeurs sont le rouge des oeufz, vin & brouetz de chairs. Et sensuyt pour conclusion totale que iceulx troys sont tresgrandement confortatifz & restauratufz de nature humaine.

¶Textus.

¶Nutrit a umpugnat triticum. lat caseus infans

Testiculi porcina caro : cerebella : medule.

Dulcia vina : cibus gustu : iocundior : oua

Sorbilia : mature ficus : uuesque recentes.

¶Exposition.

¶En ce texte sont declarees .xij. viandes lesquelles fort nourrissent & engressent le corps. ¶La premiere est pain fait de froment & par especial de froment nouveau duquel dit Avicene au .ii. canon au chapitre du pain, que le pain fait de nouveau froument en petit de temps engresse le corps. Et rasis au .iij. livre Dalmasor au chapitre du froument dit le froument est attrempe declinant a chaleur et le plus pesant & le plus ferme & de plus grant nourrissement & plus propice & convenable a lhomme quetous aultres grains. Et le sang semblablement de luy engendre est plus attrempe que tous autres sains engendrez daultres grains. Touchant lelection du froument est a noter premierement que lelection peult estre prinse & consideree de la partie de sa substance. ¶Secondement de la partie de sa preparation. Lelection de la partie de la substance met Avicene au .ii. canon au chapitre du froument dit. Icelluy froument est meilleur

[32]

que nest le moyen entre ledur & le gras recent, cestassavoir non pas trop antique equale de couleur entre le rouge & le blanc, car le froument de couleur noire est de maulvais nourrissement. Et rasis adjouste qui soit pesant. et quant a lelection de sa partie de sa preparation est a noter que toutes choses faictes de froument tritice descend tard de lestomac & engendre grosses humeurs & oppilations es veines du foye, & es aultres, & augmente la ratelle & engendre la pierre, & nourrissent fort quant elles sont digerees. Froument boully est viande pesante & difficile a digerer, mais selle est digeree elle nourrist fort & fortifie la vertu, mais le froument cuyt en pain bien leve & bien cuyt au four attrempeement est viande notable. Et celle sentence est prinse bors de galien au premier livre des elemens. ¶La seconde viande est le laict & selon aulcuns le texte sentend du laict eburre nomme selon les medecins, & de grant communs laict battu, ou laict barate. Laict ebeurre recent mesle avec pain chault fort engresse. Item le texte se peult aussi entendre du laict de chievre qui est de grande nourriture, duquel dessus a este amplement declaire en ce texte. Percica, poma, pira &c. La tierce est froumaige quil est nutritif & fort engresse, toutesfoys il ne compete pas au regime de sante car de luy sensuyvent les nocumens davant declaires au texte. Persica, poma, pira, lac. & cetera. ¶La quarte sont les coullons, & par especial les coullons des poules gras, desquelz dit Avicene au second canon au chapitre des coullons, quilz sont fort et de bonne et grande nourriture, & en la .iiij. distinction du premier livre au chapitre premier ou il parle des coullons, & des poules, et dit que petite quantite restaure moult & peult icelluy texte aussu estre veritable des coullons des gras porcz qui nont pas herse, car comme la chair du porc est la meilleur entre les chairs des bestes quadrupedales quant a donner grant nourrissement est difficile a digerer. Semblablement les coullons des porcz par comparation es aultres coullons des bestes quadrupedales sont les meilleurs. Et est ycy a noter diligemment ques les coullons des bestes eagees esquelles la

[33]

semance est mixtionee ne sont pas de bonne nourriture, mais les coullons des bestes jeunes importentes de herse, et esquelles nest pas encore la semence fermentee sont souffisemment de bon nourrissement si sont bien digerez, & diceulx semblablement sentend le texte. ¶La .v. est chair de porc de laquelle election & operation est doctrine ample donnee en ce texte. Percisa, poma, pira &c. ¶La .vi. est le cerveau, pour laquelle chose il est a noter que le cerveau est maulvais a lestomac nauseatif & hoste lappetit & engendre grosses humeurs, mais il donne au corps grande nourriture quant il est bien digere, et ne se doyt pas mengier apres aultres viandes, toutesfois il est bon prepare avec origan ou calament, herbes ainsi nommees pour temperer sa viscosite & froideur ou avec aultres choses incisives & calefectives. et est a noter que jamais ne se doit mengier sil nest premier rosty sur les charbons. et oultre est a noter qui nuyt fort aux gens de complexion chaulde, mais est aulcunement utile aux gens de complexion chaulde, comme veult rasis au .iii. livre damalsor au chapitre des membres des bestes. Et pour briefve conclusion il est deffendu au regime de sante. et sil est aulcunement convenable cest par voye de medecine, comme le cerveau des chevros contre venin, & le cerveau du lievre encontre la tremeur des membres. Et comme selon aulcuns le cerveau de poules chapons pour avoir bonne memoire & bon engin. Environ lelection des cervelles de volatiles sont meilleures, & par especial des volatilles demourant aux montaignes. et des cerveles quadrupedales, le cerveau du mouton en apres du veau comme met Avicene au second canon au chapi. du cerveau. ¶Le .vij. sont medules ou mouelles qui sont de grant nourrissement quant ilz sont bien digerees, comme dit Avicene au chapitre de la mouelle au second livre & facillement se convertist en sang, toutesfoys ilz ont ce mal quilz ostent lappetit et font lestomac nauseatif, et pource Avicene commande de les mengier avec du poivre. Et aulcuns les preparent avec pommes de coins en paste, comme font les gourmans et les frians. Et pour lelection des mouelles dit Avicene que la meilleure mouelle est du veau, du cerf, et en apres du tor, et puis de chievres, et de

[34]

mouton. Et selon aulcuns la mouelle du thoreau jeune et gras est fort utile. ¶La .viij. sont vins doulx desquelz sera en apres declaire au second texte. Sunt nutritiva. ¶la .ix. est la viande au goust delectable, car telle viande nourrist fort, comme dit ypocras en la seconde parties des anforismes quant il dit. La viande ung petit deteriore & delectable est plus appetissant que viande meilleure non delectable. Et Galien dit au comment toute viande savoureuse en laquelle aulcun se delecte quant il le prent lestomac sembrasse et le retient, & engrande delectation le digere mieulx que toutes aultres viandes, mais sil est abhominable lestomac le fuyt, dequoy vomissent inflation rugitlz sont engendres. et pourtant nous veons aulcuns plus sainement vivre de males viandes que de bonnes a cause quilz ont plus grande delectation es viandes maulvaises. ¶La .x. sont oeufz sorbiles lesquelz prins en petite quantite font grant nourriture, desquelz avons fait plaine doctrine illec. Qua recentia. ¶La .xi. sont figues neures lesquelles par leur grande doulceur donnent grant nourrissement & engressent. Environ ce est a noter que jacoit ce que les figues ne souent pas nourrissement si vertueulx comme la chair & les grains, toutesfoys il sont de plus grande et vertueuse nourriture que tous aultres fruictz, comme dit Avicene au chapitre de figues au second canon ou il dit, les figues sontp lus nutritives que tous aultres fruictz, & met icelle mesme sentence en la quattriesme distinction du premier livre au chapitre de ce quon boit e mange quant il dit, entre les fruictz les fruictz plus nutritif et plus semblables et plus prochains a la chairquant au nourrissement sont les figues & les raisins fort meurs & les dates. Environ leur election est a noter que selon Avicene au second canon au chapitre des figues la meilleure est la blanche, car cest la plus legiere, en apres la rouge et rousse et puis noyre, et celle qui est fort meure est la moins nuysible. Item plus les humides et recentes sont de plus legiere nutrition que les seiches, et pustost descendent de lestomac au foye & font le foye plus humide, & tiennent le ventre plus lubrique que ne font les seiches, mais les seiches sont moins inflatives & plus convenables a lestomac que les humides. Et des figues

[35]

seiches dit Avicene au chapite dessusdict, les figues en leurs operations sont moult louables. mais elles engendrent maulvais sang et pource elles engendrent poulz, mais se on les prent avec noix adonc le sang par elles engendre est bon, & apres la noix lamande. Et dit apres Avicene que les figues prinses en jung sont de merveilleuse ayde en preparant les voyes de la viande, et par especial prinse avec la noix ou lamande. Et toutes deux sont inflatives levitives des boyaulx & expulsives des superfluitez vers le cuir & provocatives de sueur ostent & ostent lasprete de la gorge, & mondifient la poictrine & la gorge, & font ouverture des opilations du foye, et de la ratelle. ¶La .xii. viande sont raysins nouveaulx meurs et doulx, pour lesquelz est a noter que les raisins sont de troys manieres, car les aucuns sont vers & aigres & en fait on le verjus, & iceulx restraindrent le ventre & amortissent la fureur de la couleur du sang et vault moult es flutz coleriques. Les aultres sont meurs doulx et recens desquelz procede le bon vin. Et iceulx par especial quant ilz sont blancz sans leurs grains & escorces ilz laichent le ventre plus fort que tous aultres fruitz. Les figues sont de plus grant et meilleur nourrissement comme veult Avicene au second canon a chapitre du raisin. Toutesfoys ilz engendrent ventositez inflatives et douleur de ventre. et si elz demeurent par deux ou troys jours pendus jusques lescorce soit desenflee, il en sont plus nutritifz et moins laxatifz & moins enflent le ventre. et ceulx qui ont lestomac plain de viande & de immundicites, & de maulvaises humeurs jamais ne doyvent mengier raisins, par especial recens et sans les grains, car incontinent en lestomac immunde se corrumpent, et en lestomac plain de viande a cause quil sont de tresfacile digestion et ne peuvent descendre de lestomac apres leur digestion pour la viande non digeree, parquoy ilz se corrumpent en lestomac, & la viande semblablement. Et ainsi fault entendre de tous aultres fruitz lacatifz. et quant aulcun veult mengier raisin vert recent il le doyt premier mettre en leaue boullant par espace dune heure, & en apres le remettre en eaue froide & puis le mengier, mais rasis au troiziesme livre dalmasor au chapitre du rasin recent & doulx dit quil engresse in

[36]

continent le corps de lhomme, & fait la verge dresser. Et en oultre dit que le raisin de subtile escorce de legier descent de lestomac, & celluy qui est de grosse escorce descend plus tart. Lautre raisin est roisin sec, qui se dit raisin de karesme, et celluy raisin est nombre entre les choses equales. Toutesfoys aulcunement decline a chaleur et nourrist fort selon rasis au chapitre dessusditz, & conforte lestomace et le foye, selon Avicene au lireau prealegue, et oste les opilations, et dit quilz engressent le foye quant ilz sont mondifiez de leurs grains. Et ainsi appert que le texte se peult entendre du raisin recent, & des raisins nommes postules au raisins de karesme.

¶Textus.

¶Vina probantur adore, sapore, nitore, colore.

Si bona vina cupis : hec quinque probantur in illis.

Fortia, formosa, fragrantia, frigida, frisca.

¶Exposition.

¶En ce texte sont declairees quatre choses generales pour esprouver le vin. ¶La premiere est lodeur, car le vin de bonne odeur multiplie les esperitz et les rent subtilz. Et selon constantitin au .v. livre de sa theorique, il est nutritif et engendre bon sang, mais vin corrumpu est abhominable a nature humaine engendrans gros esperitz et melancoliques, et selon constantin au livre allegue. Il engendre maulvais sang et douleur de teste a cause des fumees et vapeurs maulvaises montant au cerveau, et galien au .iii. livre des maladies agues dit que le vin de bonne odeur engendre bon sang, mais il remplist la teste de fumees a cause quil est subtil et chault. Et le vin qui est de male odeur et selon la malice du sang de luy engendre la lesion qui fait en la teste est petite a cause quil est plus froyt et plus gros. Le vin de nulle odeur ne fait point de mal en la teste, car il est de fortz substance et grosse. ¶La seconde est la saveur, comme la viande plus savoureuse mieulx nourrist et mieulx est de lestomac embrase, comme declaire en la glose precedente, semblablement est le vin. Toutesfoys environ ce est a noter que les vins en saveur sont divers, car aulcuns sont doulx plus que tous les aultres nutritifz & engendrant gros sang, & le ventre tiennent humide, durs a di

[37]

gerer, et font avoir soif. Les aultres sont pontiques tirant sur laigre & confortent lestomac, & restraignent le ventre & sont nuysibles a la poitrine, & au polmon, & durs a digerer, les aultres sont acerbes comme vins verdeletz, & ceulx sont provocatifz de lurine, et ne sont pas generatifz de grosses humeurs mais diminuent. Les aultres amers moins chaultz come dit constantin au .v. livre de sa theorique. ¶La tierce chose est splendeur reluysante laquelle juge la subtilite du vin & consequamment juge desespertiz subtilz, engendres dicelluy vin. ¶La quarte est de couleur, car de la partie de la couleur les vins sont divers en nourrissement, car les cins rouges quant toutes choses sont semblables sont plus nutritifz que vin blanc, & pourtant ilz sont plus convenables aux gens maigres que le blanc, et les vins blancz aux gras plus convenables. Et de la diversite des vins touchant la couleur a est amplement declaire en ce texte. Qua recentia &c. En apres au texte sont mises .v. choses especiales pour esprouver la onte du vin. ¶La premiere est la force laquelle est congneue par lopperation du vin, car le vin fort est celluy qui eschauffe fort le corps & remplist la teste selon Galien au premier comment de la .iii. partie des maladies agues. Icelluy vin multiplye fort les esperitz & est de grant nourrissement & ceulx qui ont le cerveau debile se doivent garder de boire sil nest bien limphe, car la grande fumee que fait ledict vin au cerveau le blesseroit fort. ¶La seconde est la beaulte du vin, car par la beaulte du vin il se prent de plus grant appetit & en est mieulx digere, & puis on nourrist mieulx le corps. ¶ La .iii. est que le vin bien flarant est grandement confortatif et generatif desperitz subtilz comme il est declaire. ¶La .iiij. est que le vin doit estre froit. quant au touchement ou saveur & non pas quant a son effect, car le vin chault porce quil est plus rase & subtil tant plustost enyvre & plus debilite les nerfz et blaisse le cerveau sinon que la quaantite prinse soit petite. vla .v. est que le vin doit estre frisque cestadire estincelant avec une petiteescume legiere facilement labile estant au milieu du verre. Et le vin privet de ladicte condiction est nomme pedulum, cestadire debile.

¶Textus.

[38]

¶Sunt nutritiva plus dulcia candida vina.

¶Exposition.

¶En ce texte mel lacteur ung enseignement des vins. et dut que ses vins gros, & doulx sont plus nutritif que outes choses semblables devant tous aultres vins. Et icelle sentence veult constantion au chapitre souvent nomme, & Avicene en la .iii. partie du premier livre au chapi. de boire, & du regime de leaue & du vin, ou il dit. Le vin gros qui est doulx est bon a celluy qui veult estre gras. Et raison si est, car les vins doulx sont vehementement attires des membres a cause de leurs doulceurs de laquelle nature sensuyt. et dit Avicene au second cacnon au .iii. chapitre du premier traicte. Les operations des choses doulces font digestion, lenification, & multiplication de nourrissement, et nature les ayme , & la vertu attrative le desire et attire a soy. Et jacoit ce que ce texte soit veritable de vin doulx. Toutesfoys on doit eslire vin attrempeement doulx, & non pas doulx au dernier degre comme le vin muscadeau, car on dit qui corrompt le sang a cause que nature lattire asprement de lestomac au foye de devant quil soit digere, & le convertit en corruption pour la tresgrande delectation que ont les membres en celluy vin, & aussi remply ledict vin le sang des aquositez indigeste enclinee a boulir & devenir en putrefaction. Et semblablement tout ce, se doit entendre de toutes viandes fort doulces. et pour plus ample declaration de ceste matiere est a noter que en usant de vin doulx, et aussi daultres viandes fort doulces sensuivent troys inconveniens, et par especial es gens disposez a ce. ¶Le premier est fastidiation en lestomac, car choses doulces par leur chaleur et humidite adoulcissent & applainent lorifice de lestomac, et engendre en lestomac une disposition contraire a evacuation et mondification de lestomac lesquelz sont cause davoir fain. ¶Le second est de facille transmutation en colere et pource le miel sur toutes choses engendre colere, car il est doulx plus que toutes aultres choses. Apres luy le vin doulx comme dit Galien au comment dicelluy canon en la troiziesme partie des maladies agues lentendement blesse de legier. Et pource est ce quil engendre soif et nest pas convenable aux fievres, ne aux colliques comme dit Galien au

[39]

comment nomme. ¶Le tiers est opilation du foye & de la ratelle, car choses doulces devant quelles soient digerees sont attirees avec leur infections pour la grande delectation que ont esdictz membres & a ce donne ayde la substance grosse, en laquelle est fondee la saveur doulce selon Avicene au .ii. canon au .iii. Traicte au .iii. cha. & pour ce est ce que le vin doulx est moins provocatif a uriner que les aultres vins. Et contre iceulx troys nocumens sommierement valent choses aigres, a cause que par leur acetosete ilz provoquent lapetit, et par leur froideur ilz deffendent de enflammer le corps, et par leur substance subtile ilz euvrent les conduitz estoupes. Item est a noter que jacoit ce que vins doulx et aultres choses doulces nutritives estoupent le foye & la ratelle, toutesfoys ilz ostent les oppilations du pomon. Et la raison pourquoy il ne estoupe le polmon comme le foye et la ratelle si est car les choses doulces ont leur trespassemnt par le marry, rien ne va au polmon sinon chose subtile par voye de resolution, & le sang engendre des choses doulces vient au polmon purifie au foye, et subtil au cueur. Et icelle sentence veul Galien au comment dung canon intitule. potus autem dulcis, au troiziesme livre des maladies agues. Item les vins doulx moins enyvrent selon ypovras en la .iii. partie des maladies agues en ce canon, mentem leuius partulit quam reliqua fortia vina. Par les choses dessusdictes on peult conclure que les vins doulz gros suffisamment colores sont meilleurs pour boire aux gens maigres du nature, ou accidentalement pour estre restaure, nourry, ou engresse, car iceulx vins sont suffisamment nutritifz et restauratifz & engressent le corps, et pour ce sont convenables a engraissier les gens maigres. Et opposite se nous ne voulons restaurer, ne nourrir, ne engressier comme il advient des gens gras & charnus, adonc fault user de vins subtilz sans doulceur de amiable saveur odoriferante et ung petit blanc et souffisamment fort. Et se aucuns veulent boire pour amortier la soif, il doit prendre vin blanc subtil, cler, & debile, car tel vin rend le corps humide & le refroide, & pourtant il estainct mieulx la soif, et quant plus la soif est grande & tant est tel vin plus convenable. Et se le

[40]

vin est exibe pour reparer les esperitz & conforter la vertu il doyt estre subtil & odoriferant de saveur delectable, de couleur moyenne souffisamment fort, & tel vin se doit prendre avec ung petit de viande, & en petite quantit. et se nous labourons a mondifier les parties interiores & le polmon, & a laicher le ventre, adonc les vins de substance moyenne & doulx font plus convenables au corps.

¶Textus.

¶Si vinum rubeum nimium qunadoque bibatur

Venter stippatur : vox limpida turbificatur.

¶Exposition.

¶ En ce texte declaire lacteur deux inconveniens de trop boire vin rouge. ¶Le premier est que le trop boire de vin rouge restrainct le ventre & fait aller dur au restraict, la cause selon aucuns est, car le vin rouge plus que tous aultres vins quant tout est semblable eschauffe & nourrist le corps. et en tant quil est plus chault il deseche plus, & entant quil est plus nutritif nature le retient plus asprement Toutesfoys le texte se peult entendre de trop grande potation de vin rouge stiptique tirant sur laigre restraingnant le ventre. Et est icy a noter se lestomac & les entrailles sont debiles en leur vertu retentive vin stiptique, cestadire tirant sur laigre rouge ou noir se doivent exhiber comme on fait en flux de ventre par debilitation de la vertu retentive de lestomac, & icelle sentence veult ypocras en la .iii. partie des maladies agues en ce canon. Palmeus quidem & niger. Et semblablement galien au comment, mais se nous voulons conforter la vertu digestive il fault prendre vin subtil ou moyen et substance, en couleur de bonne saveur & odeur souffisamment fort, & aulcunement restraingnant. ¶Le second est exasperation de la gorge ou la voix revoquee font aucuns vins de grande rougeur a cause de leur seicheresse et terrestrete. Et icelluy inconvenient aussi font les vins, et potius vins de brebant a cause quil sont fort terrestres & vers. et par especial quant les vins nommes sont meurs ilz font le second dommaige. et non pas le premier, car le moust de grande rougeur engendre flux de ventre a cause de ses matieres fecales terrestres meslez avec luy mordent les boyaulx de laquelle morsure sengendre le flux de ventre.

[41]

Et tel vin ne se doit pas boire en moust cestassavoir quant il est trouble & boullant & a cause quil est mordant par sa lye terrestre, de luy semblablement sengendrent fumees mordificatives eflevees au cerveau corrodantes les yeulx. Et cest inconvenient aussi font les vins de brebantsoyent blancz ou rouges, a cause de leur terrestre. Et notez que par matieres fecales sont entendues les lyes de vin qui nest pas encore purifie. ¶Textus.

¶Allea, nux, ruta, pira, raphanus, & tiriaca

Hec sunt antidotum contra mortale venenum.

¶Exposition.

¶En ce texte lacteur met six medecines contre le venin. ¶La premiere se sont aulx, ou ailles, qui valent par especial contre les maulvais accidens venant des eaues & par especial vault contre linfection qui vient de boire eaue corrumpue. et dit serapio agregantur au chapitre ds aulx quant on mengeue des aulx & on boit apres de eaue corrumpue elle ne nuyt pas a celluy qui la boyt. Et ce mesme dit Avicene au second canon au chapitre des aulx, & en la .iii. distinction du premier chapitre de conserver ceulx qui cheminent du dangier des eaue diverses. Et icelle meseme operation font oignons comme veult Avicene au second canon au chapitre des oignons, & ainsi les oignons se peuvent comprendre avec les aulx. Semblablement dit avicene au chapitre nomme que loignon est triacle des eaues maulvaises & par especial avec vinaigre, car loignon est subtilatic, incisif, abstersif restrainctif, & deopille fort comme dit Avi. au chapitre de loignon. et est chault au tiers degre & pourtant il eschauffe les maulvaises eaues & deffendent que leaue ne nuyse a lestomac par sa froidure en subtilant les grosses humeurs & les faisant tantost penetrer. Et vinaigre mesle avec luy vigore sa vertu en subtiliation & penetration de leaue, et dessent la soif que font les oignons. et icelle mesme propriete ont les aulx & pource dit Avicene au chapitre. nomme en la .iii. distinction, que on doit mengier des aulx apres les eaues grosses & turbulantes buees, car les aulx les subtilent & les font incontinent descendre & deffendent quilz ne nuysent a lestomac, & aux intestives & quilz ne estoupent les veines. En oultre les aulx mengiez devant le cheminer ou apres sont

[42]

de choses meilleures & convenables a ceulx qui viennent de lair froit ou a ceulx qui vont a lair froit comme dit Avicene au cha. de ceulx qui cheminent. Sensuyt donc que les aulx sont fort utiles a ceulx qui cheminent & a ceulx qui vont par divers pays, & a ceulx qui usent de divers brevaiges, comme dit ce mettre. Alia qui mane ieiunun sumpserit ore hunc ignator non ledit potius aquarum diversoruz facts lecorum. En oultre les aulx sont bons contre la poincture des vers venimeux et contre la morsure des serpens quant on les boit avec du vin de quoy Avicene au second canon au chapitre des aulx si dit avoir experimente, & est aussi utile contre morsure de chien enrage. Et amplastre fait daulx et de feuilles de figues & de comin mis sur morsure dung serpent nomme mugal est fort utile comme dit Avicene au chapitre nomme. Loignon semblablement selon avicene au .ii. canon au chapitre de loignon vault a la morsure du chien enraige quant on oingt le lieu du jus de loignon quant on fait emplastre dessus de loignon avec du sel, et de la rue, et loignon que on mengeue deboute la malice du venin de toutes bestes venimeuses. Et aulcuns dient quil engendre en lestomac humeur humide moult convenable a corrumpre la malice du venin. Item icy est a noter que les aulx et les oignns & les poraux en manie de viande ne sont pas convenables au corp attrempe, ne au corps de complection chaulde & par especial crus, car ilz sont de petite nourriture et engendrent sang agu & pungitif, ilz subtilent les grosses humeurs et separent les humeurs limeuses. Et apres quilz sont cuitz ilz perdent leur punction & demeure la vertu incisive et subtiliatuve, & pourtant ilz sont plus convenables cuitz que crus. Les poreaulx sont chaultz et secz et donnent au corps nourrissement vituperable et nuysent aux yeulx & engendrent sang noir et melancolique, et songes terribles, et blessent les nefz a cause de leur ponction et nuysent aux dentz et aux gencives & nul colerique melancolique nen doit user et par especial crus. Les oignons sont chalutz & ont superflue humidite terrestre avec humidite aqueuse subtile et indigeste. Et se on les mengeue crus ilz engendrent humeurs maulvaises en lestomac et putrefactibles et font songier choses terribles et engendrent douleur de teste. et en trop

[43]

user dispose lhomme a perdre la mémoire et trouble lentendement & font lhomme devenir demoniacle, mais sont les mengeue cuitz avec broues de chair louable ilz font digerer la viande & les nocumens sont amoindris & corrigent les froides viandes quant ilz sont avec elles, mais pour conclusion nen user point cest le meilleur. Les aulx sont chaulz declinant a aulcune humidite moindre que les oignons, & et sont contre ventosites & sont profitables a la toux & font bien craicher, mais ilz nuysent a la veue & font douleur de teste & font triacles gans rustiques, & appert evidemment que les choses devantdictes competent seulement a ceulx qui ont humeurs fleumatiques & grosses humeurs & limeuses. Les coleriques son doyvent abstenir. ¶La .ii. est grosse noix de laquelle dit Avicene au second canon au chap. de la noix, que la noix avec la figue & rue est medecine contre tous venins, et de la noix avec sel & oignons est fait amplastre contre morsure de chien enraige, & par especial sentent de noix seiche prinse devant mengier en maniere dessusdicte. et est icy a noter que les oix seiches sontp ires que les recentes & humides, car les seiches sont plus unctueuses & pourtant se convertissent en colere & font douleur de teste, & troublent la veue & engendrent le vertin au cerveau, & par especial prinse apres la viande & font la langue paralitique, provoqent le vomir, & petite vescie en la bouche. Et ceulx qui ont lestomac colerique doient totalement eviter noix seiches & tant plus sont anciennes tant plus sont moins maulvaises, car il ne sont pas si unctueuses, & pourtant elles nengendrent pas douleur de teste ne vertin au cerveau come les seiches, et par leur humidite sont lubrificatives & laichent le ventre & selles sont ung petit brulees & mengees apres le repas elles compriment la viande, et ainsi appert que les noix recentes sont plus convenables au corps sains que les seiches. ¶La tierce est la rue de laquelle dit Avicene au .ii. canon au cha. de la rue quelle resiste au venin. Et en apres dit que celluy qui craint de boire venin preigne de la semence de la rue une drame avec ses feuilles & du vin & par especial quant on le boit avec une noix en ung bolus. Aristote dit au livre des bestes quant, la mustelle veult batailler encontre le serpent, cestassavoir contre le crapaulc elle mengeue la rue pour occire le crapault a cause que lodeur de la rue est ennemie

[44]

au venin, car la rue mengee avec figues, & amandes doulces au matin preserve de venin. Et devons scavoir quil est de deux especes de rue, cestassavoir domestique, & saulvaige. La rue domestique est meilleure que lasaulvaige, car la saulvaige est chaulde & seiche au quatriese degre, & est chose dangereuse den user souvent . La domestique est verde chaulde et seiche au .ii. degre, mais quant elle est deseichee elle est seiche au tiers degre. Et est incisive resolutive de ventosites, et par espcial la seiche, car serapin dit au chapitre de la rue, cest des medecins plus conferantes a ventosites, mais verde est inflative. Item la rue aguise la veue, & par especial le jus de la rue avec le jus de fenoil & miel fais en collier comme dit Avicene au .ii. canon au chapitre de la rue. Toutesfoys le jus de la rue a une condition en elle nuysible a la veue & pource la rue se doit appliquer es yeulx en ventilant en maniere que la seulle evaporation & fumee et non pas la substance touchant les yeulx. ¶La quarte medecine sont des poires desquelles dit Avicene au .ii. canon au chapitre des poires quelles sont curation des moucherons mortelle. Et quant iceulx moucherons sont cuytz avec poires leur ventsite est moindre. Et peult icelluy texte estre verifie des poires aromatiques lesquelles par leur vertu aromatique conforent les poires & expulsent les ventosites des moucherons. ¶La .v. medecine son refors desquelles dit Avcene au ii. canon au chapitre ds refors quilz sont utiles a la morsure des serpens, & prinse avec vin conferent la morsure cormitte, cest une beste ainsi nomm. Et la semence remeie a tous venins & par especial aux vers venimeux. Item la semence du refort mise sur le corps le fait mourir incontinent. et se lescorpion mordoit aulcun qui eust menge du refort il nauroit point de mal. Et vault semblablement aux suffocations desmoucherons. Ou on peult dire que le froit vault contre le venin a cause quil provoque vomissement & purge lestomac des humeurs qui sont en luy maulvaises. Et est icy a noter que le refort & sa racine qui font quasi dune mesme complection nuysant au gens coloriques, car il engendre sang agu & pungitif, & le refort est maulvais a lestomac & fait eructuaction et engendrent humeurs grosses & se la digestive est debile ilz engen

[45]

drent humeurs crues, toutesfoys il est subtoliatif et tranchant. Et aulcuns mengent le refort apres aultres viandes pour conforter la digestion, dequoi se merveille galien. Et dient les saiges medecins se on le mengeue apres aultre viande il fait degerer & descendre la viande, & laiche le ventre, mais on le mengeue devant la viande il fait surmonter la viande & provoque le vomir, toutesfoys cest chose utile de les mengier avec vinaigre & sel apres les aultres viandes en petite quantite, toutesfoys elles nuysent a la veue & a la teste par especial mengier apres aultres viandes. Rasis au .iij. est triacle utile de sa propriete & par son espece contre tous venins et pource vault tant aux bestes brutes comme aux hommes contre venin soit froit ou chault. et avec le triacle peult on comprendre le metridal qui est quasi dune mesme vertu. Et du triacle dit Avicene en la vi. distinction du quart traicte au premier chapitre. Tu scez que lune des curations principales du venin est conforter la chaleur naturelle & lexciter a debouter au dehors comme fait letriacle. Et encore du triacle & du metridal dit Avicene en la .vi. partie du .iiij. traite au premier cha. des medecines communes contre le venin. Ilz sont aulcunes medecines contraires au venin lesquelles ne permettent pas le venin venir au cueur de la personne, comme font le triacle et pareillement le metridal. ¶Textus.

¶Aer sit mundus : habitabilis : ac luminosus.

Nec sit infectus : nec olens fetore oleace.

¶Exposition.

¶En ce texte sont declarees .v. choses touchant lelection de lair habitable. ¶La premiere est que lhomme doit eslire lair pur & net sans infection de vapeurs, car lair infaict altere le cueur selon sa complection, & se mesle avec le cueur comme dit haly au .ii. livre du tegin au comment dicelluy canon. Omnia hec enim &c. ¶La seconde est que lhomme doit eslire lair lumineux, car lair trouble et obscur fait lhomme triste & melancolieux a cause que lair trouble se mesle dedans

[46]

le corps avec les humeurs & vient au cueur & de lair trouble et des humeurs meslees ensemble sengendrent esperitz gros qui font lame triste. Il nest chose au monde qui face lhomme plus joyeux & legier que demourer & cheminer en lair cler & net. ¶La .iij. est que lhomme doit eviter la puantise des latrines & du retraict & toutes aultres infections particulieres de lair come sont les infections e la cuisine et daulcunes fosses & lieux ou sont mis les corps mortz, et les os des morts, & fault eviter lair prochain des eaues ou sont mis le lim & le chanvre ou chenefve pourry, car lair infaict les esperitz infaictz en corps humains et tresgrandement nuyt au cerveau. Et pour ce dit Avicene en la .ii. distinction du premier livre en la doctrine .ii. au chapitre .ii. lair quant il est attrempe & cler & que nulle estrange substance ou contraire aux esperitz est mixtionne avec luy, il garde & conserve lhomme en sante & lopposite des choses dessusdictes engendrent maladie. Et pour plus ample declaration est a noter que lair est necessaire en la vie de lhomme en deux manieres. ¶La premiere pour refroidir le cueur. vLa seconde pour debouter les vapeurs & fumees qui troublent lesesperitz & suffoquent la chaleur naturelle, car come nous veons es choses exterioes, le feu sans estre evente est suffoque & extraict, semblablement devons ymaginer que la chaleur naturelle & les espritz ont besoing de lair pour les nourrir & conserver & obtemperer, laquelle obtemperation est faicte diceulx esperitz, & la chaleur est cause par attraction de lair & depuration par expulsion de lair. et donc le premier est fait par mouvement attractif, & le second par mouvement expulsif. Et pouratant se lair attire est puant & infect, la chaleur & les esperitz se corrumpent. lair donc doit estre de bonne substance sans vapeur estrange descouvert sans closure de paroys, cestadire qui doyt estre evente, car lair couvert & enclos tresgrandement est eviter. toutesfoys en temps de peste quant la putrefaction de lair est commune lair enclos est a eslire. Et pourtant en celluy temps il fault demourer

[47]

en sa maison, & tenir les fenestres bien closes, affin que lair infaict nentre dedans, mais en tout autre temps lair descouvert est meilleur. En oultre pour conserver la sante il faulteviter lair des eaues putrides, et lair ou croissent les choulx et eruca et aultres plusieurs herbes & lair des arbres viscieux excessivement comme sont figuiers & noyers. Oultre on doit eslire lair ou soufflent ventz denins de terre haulte ou equale, & semblablement on doit eslire lair attrempe sans grande chaleur froideur, humidite, & seicheresse. Et sil advenoit quil fust excessif en aulcune dicelle qualite soit obtemperee artificiellement tant quil est possible de faire.

¶Textus.

¶Si tibi serotina : noceat potatio vini.

Hora matutina rabibas : & erit medicina.

¶Exposition.

¶En ce texte met lacteur ung tel enseignement. Se aucul est mal disposer de boire vin au soir, il doit de echief le lendemain boire du vin, mais il fault icy considerer que le vin beu au soir duquel lhomme est mal dispose, ou il enyvre lhomme, ou il engendre grant soif du matin, ou grant eschauffement au corps. Sil engendre grant eschauffement au corps, de rechief prendre du vin au matin cest grant erreur, car ce seroit mettre feu sur feu. Sil est yvre avec aulcune disposition vomitive adonc de rechief prendre du vin est chose utile, car le vin prins au matin de legier provoque a vomissement qi mondifie lestomac & guarist lyvrongnere. Et pour icelle cause conseille ypocras de enyvrer lhomme une foys le moys pour provoquer lhomme a vomissement qui le preserve de choir es maladies croniques. Et ce le vin blesse du soir lhomme a cause qui nest pas acoustume de boire vin, adonc semblablement de rechie peult boire vin au matin pour lacoustumer, car les choses acoustumees sont les moins nuysibles selon ypocras en la .ii. partie des anfforisme en celly anffo. Ex multo tempore assueta &c. Et se de boire du vin au soir sensuyt grant soif au matin icelle est mensongier, laquelle est garie de boire vin au matin. Il seroit pourtant plus convenable boire de leaue. Et est suffisanment declare paravant du mal qui vient

[48]

de boire vin excessivement. Oultre est a noter que tout homme qui a cerveau debile se doit garder de senyvrer souvent, car frequenter ebriete selon que dit Avicene en la .ii. distinction du premier au cha. du regime de leaue & du vin engendre six grans inconveniens es corps humains. ¶Le premier est quil corrumpt le faoye, car le vin beu excessivement venant au foye remet la chaleur naturelle par quoy le foye pert sa vertu generative de sang, & engendre sang aqueux causant ydropisie, ou il brule le foye & les humeurs dequoy sengendre lepre. ¶Le .ii. est corruption de cerveau a cause de la continuelle estimation des fumees en la teste disposant le cerveau chault a maniere & a frenetique passion, & le cerveau froit a epilence literge & appoplexie. ¶Le .iii. est debilitation de nerfz, car nous veons les gens yvres souvent avoir tremeure de teste & daultres membres, non pas seullement en viellesse, mais aussi en jeunesse. ¶Le .iiij. sont maladies des nerfz, comme spasme & paralisie, car le vin prins superflueusement souvent devient en lestomac vinaigre qui est grandement contraire aux nerfz, & souvent se convertist indigest en aquositez remolissant les nerfz. Et souvent conduit & fait fluir aultres humeurs grosses es nerfz qui sont cause de spasme, ou de paralisie. ¶Le .v. est appolexie acause des humidites multipliees au cerveau oppillantes les conduictz des esperitz motifz & sensitifz de tout le corps. ¶La .vi. est mort subite, car en dormant, ou en esternuant, ou en toussant les conduictz de laspiration par la multitude de vin des humidites de luy engendrees se clouent, & par ce moyen lyvrongne est suffoque. Et jacoit ce que le vin prins oultre mesure engendre iceulx inconveniens toutesfoys quant on les prend moderement il donne a lhomme plusieurs aydes & selon Avicene au chapitre dessus nomme. ¶le premier est qui donne penetration a la viande par tout le corps par sa subtille galeur et secrete propriete occulte. ¶La .ii. quil digere la flume, aussi par sa humidite aquatique & fleume, aussi par sa humidite aquatique & fleumatique & les fait de facille exposition en ouvrent les conduitz du corps en confortant la vertu expulsive. ¶Le .iii. est quil tranche la colere rouge & la evacue par lurine, par sueur & digestion, & resolution insensible, & icelle ayde se doit enten

[49]

dre de vin subtil claret ou blanc, debile de sa nature, ou par eaue meslee avec luy, car aultrement il multiplieroit la colere, et eschaufferoit le foye. ¶Le .iiij. quil fait la melancolie grosse tardive a mouvoir penetrer en ses propres conduitz, cestassavoir au foye, a la ratelle, & de la ratelle a lorifice, & finablement le fait debouter hors du corps avec les superfluites & reprime linconvenient de la melancolie par sa co(mplection en maniere de substance & operations contraires a la melancolie, car la melancolie rend lhomme triste & pusillanime et avaricieux. Et le vin resjoyt lhomme & donne audace & magnanime & fait lhomme liberal. ¶Le .v. est qui ressult & guarist toutes especes de lascete, travail, ou paresse se complection fort extrange ny est meslee, car le vin repare habondamment les esperitz resolus & conforte la vertu, & remect les humidites superflues delaissees & meslees es nerfz es joinctures. et sil est de necessite de humecter le corps comme en lassitude prefactive, & se ce incontient donne moisteur, mais qui soit limphe. item le vin a moult daultres proprietes & conditions, car le vin plus subitement que toutes aultres viandes restaure le corps & conforte les esperitz & la chaleur naturelle & tient le corps en bonne chaleur et clarifie lentendement & amortist lire & tristesse, incite luxure, & sur tous aultres breuvaiges digere grosses humeurs et pource le vin rent lhomme virile selon lame & le corps, & en toutes aultres choses son semblables les gens qui ne boivent du vin sont femelins & fragiles a comparer a ceulx qui boivent vin.

¶Textus.

¶Gignit & humores. melius vinum meliores

Si fuerit nigrum.corpus redit tibi pigrum

Vinum sit clarumque vetus subtile maturum

Ac bene limphatum saliens moderamine sumptum.

¶Exposition.

¶En ce texte premierement met ung enseignement du vin & dit que le vin meilleur engendre meilleures humeurs, raison si est, car dautant que la matiere generative des humeurs est meilleure, dautant sont les humeurs de luy engendrees meilleurs. Apres dit que le vin noir fait lhomme pigre, endormy a cause que le vin noir est plus gros & terrestre

[50]

que tous aultres vins, & pourtant les esperitz de luy engendrez sont gros selon galien au .i. li. des anfforismes, il est necessaire que une chescune chose naturelle soit semblable a celluy dont elle vient, & pourtant les esperitz gros font le corps pesant & endormy. Apres sont mis .vii. enseignemens touchant lelectio() du vin. ¶Le premier est que on doit eslire vin cler, car le vin cler est cause quil est subtil & engendre les esperitz subtilz, & clers. ¶La .ii. est quil doit estre antique, car le vin nouveau ou moust sur toutes choses semblables enyvre plus facillement lhome & provoque flux de ventre, & engendre collique passion, & plusieurs accidens qui apres seront declares en ce texte. Impedit urina &c. et ne fault pas entendre du vin fort antique, car vin fort antique selon Avi. en la .iii. distinction du premier au cha. de leaue & du vin est quasi medecine & non pas breuvage convenable au regmie de sante, car en luy est plus aspre vertu alterative du corps en chaleur & en seicheresse qui ne soit alterable & passible du corps, apres loeuvre de nutrition, & est de petit nourrissement, car il est totallement de lyes & verdeur quil avoit par avant, & est quasi fait ardant comme feu, & pource dit lagregateur au chapitre de la vigne, auctorisee de galien qui est chault & sec au tiers degre. ¶Le tiers que le vin doit estre subtil, car vin subtil propre & multiplie les esperitz ingenieux & les gros vins les esperitz gros. ¶Le .iiij. est que le vin doit estre meur & non vert ou aigre, car tel vin prive lhomme de toutes evacuations ordonnees & necessaires en la vie, & au regime de sante, comme dit Galien en la troiziesme partie de maladies agues au comment de celluy canon. Sciendum eriam & cetera. Et pource est nuysible aux corps indigens de evacuations par lurine, ou aultrement, & nuyt les membres superiores, comme veult galien audit comment. Toutesfoys le vin constipatif est utile aux maladies des intestins, comme il dit au coment prealegue. Et celle condition est separee du vin quant grande quantite de eaue est avec luy meslee comme veult le docteur Galien au lien dessusdict. ¶Le cinquiesme est que le vin doi estre limphe, cestadire par adjoustement deaue meslee avec luy poir oster la fumosite du vin affin quil blesse moins le cerveau. Et se doit entendre du vin subtil, car le vin gros sil est limphe il blesse tant plustost le cerveau & ce en subtilier

1514-Regimen sanitatis en francoys (Arnaud de Villeneuve) (51-100)

[51]

et par conserquent devient plus fumeux. Et de celuy vin entend le docteur Avicene au chapitre du regime de leaue & du vin souvent allegue quant il dit, que le vin limphe enyvre plustost que ne fait le vin pur. ¶Le sixiesme est qui fot estinceller en le versant dedans le verre, comme est dessus declaire. ¶Le septisme est prins de la partie du beuveur, & non pas de la partie du vin, & est qui doit estre prins attrepeement, car par ce moyen il aguise lentendement de lhomme. Et des choses dessusdictes on peult conclure que le vin plus eligible est meilleur au regime de sante est le vin moyen entre nouveau & antique cler declinant a rougeur de bonne odeur, & de bonne saveur, qui ne soit point aigre, ne agu, ne doulx, ne fumeux, ne gros, ne fort subtil, mais soit de moyenne vertu, & qui ne soit pas creut en montaigne graveleuse, ne en terre du tout equale et labourable, maissoit creut en terre monteuse devers midy descouverte & en region ne trop chaulde ne trop froide. Et sont icelles conditions en partie prinses de Avicene en la troiziesme distinction au chapitre allegue. Environ le regime du vin selon les egaes trois reigles sont a noter mises par Avicene au chapitre dernier allegue. La premiere est que donne aux enfans du vin est conjoindre le feu avec le feu en boys debile, a cause que les enfans sont fort tendres & faciles a enflammer pour habondance de leur chaleur naturelle & ont les nerfz debiles & le cerveau, & adonc le vin les blesse en plusieurs manieres, cestassavoir par legiere inflammation, par tendrure de cerneau par penetration tresfacile, & par effumation copieuse. Doncques quant on donne aux enfans du vin a boire on adjouste flamme avec flamme au corps de lenfant qui est de petite resistance comme sont les estoupes ardantes dedans le feu. ¶La .ii. reigle que on peult donner a lhome vieulx du vin autant quil en peult boire sans le grever, cesassavoir autant quil en appete dappetit naturel, car comme les houseaulx ou souleirs secz & durs se revoulle par unction faicte de huyle, semblablement les cueurs des gens vieulx de boire bon vin, comme vin de beaune, car ilz sont froitz melancoliques & le vin les eschauffe & &ont les espritz tercestes, & le vin les resjouist & reprime leur melancolies & communement nont point de repos la nuyt, & le vin provoque le repos

[52]

en eulx, ilz sont enclos a oppillations lesquelles sont ouvertes par le vin. Et pari ainsi comme le vin est fort contraire aux enfans, il est aussi fort utile aux gens vieulx. ¶La .iii. est que les gens jeunes doivent prendre vin attrempement, cestassavoir attrempement en quantite & moderement limphe, car jacoit ce que les vieulx soyent chaulx comme enfans, toutesfoys ilz ont les membres plus endurcis et le cerveau et les nerfz plus fors, parquoy ilz resistent mieulx aux inconveniens & nocumens du vin dessus declaires.

¶Textus.

¶Non sit actosa cervi si a : sec bene clara

De validis cocta gravis satis ac veterosa.

¶Exposition.

¶En ce texte sont declairees .v. proprietes environ lelection de la cervoise. La premiere est que cervoise ne doit pas estre aigre, car les choses aceteuses nuysent lestomac a cause que vinaigre nuyt aux nerfz comme dit Avicene en plusieurs passaiges a lorifice de lestomac est nerveux. La .ii. que la cervoise doit estre clere, car cervoise trouble estoupe les conduitz du corps & nuyt aux gens gravelleux et engraisse & fait inflacion & courte alaine & engendre grande quantite de flumes. La .iii. que la cervoise se doit faire de bons grains sans corruptions quelconques comme sont orges, froument, & avaine, car tant meilleurs sont les grains detant vault mieulx la cervoise. La .iiij. que la cervoise doit estre bien boullie a cause quelle se digere mieulx, & est de nature plus amiable a lestomac, & les inconveniens que fait la cervoise sont plus facilles a corriger, car cervoise al boullie negendre ventosites, torsions, & inflations au ventre, & collique passion. La .v. que la cervoise doit estre ancienne competemmnt, et purifiee de ses propres lyes car la cervoise recente ou nouvelle en gendre iceulx mesmes inconveniens que fait la cervoise mal boullie et avec ce de legier fait lhomme avoir une passion nomme strangurie, cestadire empeschement de bien uriner.

¶Textus.

¶De qua potetur stomachus non indegrauetur.

¶Exposition.

[53]

¶En ce texte declaire lacteur ung enseignement environ la cervoise. Etestque celluy qui use de cervoise pour son boire en doit prendre par quantite atrempee sans grever son estomac & sans senyvrer, car lyvrogenete qui vient de la cervoise est pire que celle qui vient du vin et de plus longue dure, car les fumees & vapeurs venant de la cervoise efleures au cerveau & sont plus grosses & plus difficiles a evacuer que celle qui vient du vin. Et est a noter que au convenable de prendre pour son boire ung petit de cervoise que prendre du vin. La raison si est, car au commencement du repas le corps et lestomac sont fort affames & a lestomac attire en luy humeurs putrides, et pourtant se le vin est prins au commencement du repas a cause que nature se delite en luy & est grandement nutritif, nature avec le vin attire les superfluites corrumpues estant en lestomac attirez par lestomac famelique par tout le corps, laquelle chose ne fait point nature de la cervoise. Semblablement la cervoise lave les humeurs adherentes a lestomac. Et icelle cause les medecins conseillent quant lhomme fort affame de provoquer vomissement avant que prendre sa refection pour evacuer lessuperfluites attires de lestomac affame, sans les mesler avec la viande, pareillement celluy qui crainct la soit par trop boire du vin doit boire de la cervoise, car elle amortif mensongiere. Et est appellee soif mensongiere, pourtant quelle procede de la chaleur du vin prins excessivement.

¶Textus.

¶Temporibus heris : modicum prendere iuberis

Sed calor est atis dapibus nocet immoderatis

Antumni fructus caueas ne sint tibi luctus

De mensa sume : opertum uis tempore brume.

¶Exposition.

¶En ce texte lacteur declaire la maniere de prendre la refection selon laquantite diverse consonante ou convenable es quattre parties du temps de toute lannee, cestassavoir le printems, leste, antonne, et yver. Et dit le texte que en printemps on ne doit guaires mengier a son repas, comme dit Avicene en la seconde distinction de la seconde doctri

[54]

ne au .vi. chapitre & semblablement en la .iii. du premier. doctrine .v. au chapitre du regime du temps dyver avec letification de lait. La raison si est selon Avicene en icelluy cha. car les corps en icelluy temps, cestassavoir en yver sont de petite excercite & sont prives quasi de resolution ou evaporation & humeurs crues sont multipliees, & par especial ung fleumatique par sa complection naturelle semblable a la fume, & sont icelles flumes serrees dedans le corps par froidure du temps. Et le printemps qui survient consume & deslie les humeurs indigestes, retraictes, & unies es parties interiores fait reprendre par tout le corps, et pourtant nature en icelluy temps est occupee environ la digestion desdictes humeurs. Et par consement son prenoit en printemps grande quantite de viande, nature seroit advertie, & a grant peine pourroit digerer lesdictes humeurs flumatiques, car par icelles humeurs & grande quantite de viande prinse en printemps nature seroit grevee & ainsy telles humeurs deouroient au corps indigestes & seroyent cause de grande maladie au corps humain. Et pourtant fault il grandement se donner garde de prendre grande quantite de viande en printemps, car soubrement mengier en celluy temps est une des choses principales preservante lhomme desmaladies qui surviennent en printemps comme dit Avice. au cha. allegue. Et est iceluy enseignement veritable par especial de puis la my printemps jusques a la fin & non pas du commencement a cause quil est semblable a lyver, & pource peult lhomme prendre sa refection comme en lyver, & se doit ainsi entendre quant le printemps trouve le corps remply dhumeurs fleumatiques et indigestes, car se le printemps trouvoit lhomme attrempe en ses humeurs il pourroyt prendre sa viande en quantite selon la chaleur naturelle & disposition de son corps car adonc est prive le corps de la cause faisant diminuer la viande. Et icelle sentence a voulu ypocras en la premiere partie des anfforismes quant il dit. Le corps humain en yver et en printemps est de forte chaleur naturelle, et la nuyt de petit repos. Et pourtant en clluy temps les viandes doyvent estre grandes, car la chaleur naturelle est bien forte, donc luy fault il plus grande nourriture. ¶Secondement dit lacteur que de grande quantite de bonne viande prinse en este nuyt a cause que la vertu digestive est

[55]

debile, car les esperitz et la chaleur naturelle qui sont les instrumens de toutes operations son debiles & remis par la grande chaleur exteriore remettant & attitant es parties de dehors & pource ne peuvent digerer grande quantite de viandes. Et environ ce est a notee que a cause de la grande diminution des humidites des membres, & des humeurs du corps faicte en este plus grande quantite & plus grosses viandes doyvent donner que se la vertu estoit souffisant a digerer telle viande & telle quantite, mais cest a cause quelle ne peult en ung repas digerer grande quantite, souvent & petit convient prendre ta refection comme dit galien en la premiere partie des anfforismes au comment dicelluy canon. Quibus semel aut bis &c. ou il dit. En est on doit prendre sa refection souvent a cause de la continuelle & grande resolution ou diminution de lhumeur radical petit a cause que la vertu naturelle est debile, et jacoit ce que en este petite viande est convenable au corps, toutesfoys grande quantite de boire nest point deffendu, car la resolution est tresgrande, et la seicheresse du corps et la chaleur excede les humidites et le corps est plus sitif que en aultre temps, mais pour eviter linconvenient de la chaleur du vin, lequel qquant il est fort vineux est de legiere flamation, et par consequant brule le foye, et le polmon, et fault adjouster habondance deaue selon la chaleur du vin. ¶Tiercement dit lacteur que en antonne on doit fuir & eviter les fruitz & par especial dicelluy temps comme sont raisins, pesches : figues & leur semblables ou au moins on nen doit guaires mengier : car iceulx fruitz engendrent sang dispose a putrefaction a cause de rbulition quilz font es corps humains : & par especial se lestomac est indispose ou lhomme comme il advient communement en temps dantonne pource en antonne sont maulvaises maladies comme sont varioles et morbiles. & maladies pestilentieuses. Et pour scavoir plus ample declaration du regime du boire & du mengier en temps dantonne : est a noter que en antonne on doit eviter la fain & la soif & en grande replection en ung mesme repas comme veult rasis au .iiii. dalamsor au chapitre du regime du corps selon les quatre temps. Et oultre au vin que on boit en antonne doit estre grande quantite deaue mesle pour humecter le corps, & re

[56]

primer la chaleur, mais non pas en si grande quantite comme en este. ¶Quartement il dit que en temps dyver on doit prendre viande tant que nature peult supporter, cestadire plus que en tous aultres temps, & icelle mesme sentence veult Avicene en la .iii. distinction au premier livre au chapitre nomme. Et Galien au comment dicelluy anfforisme Quibus semel aut bis. ou il dit que en yver on doit prendre grande uantite de viande en ung repas. La raison si est, car la chaleur naturelle en yver est grandement forte pourtant quelle est fortifiee par son contraire, cestassavoir par le froit exteriore avironnent nostre corps. Et se doit entendre es corps robustes et chanis & non pas en corps maigres et debiles, car en iceulx corps la grande froidure de lyver est fort contraire, comme veult ypocras en la premiere partie des anfforisme quant il dit. Ventres hyeme & vere calidissimi sunt natura. Lequel anfforisme que viandes grosses et difficiles a digerer sont plus convenables en yver quue en aultres temps, car la chaleur naturelle est plus forte & le vin est plus convenable en icelluy temps destre rouge & mettre avec ung peut deaue. oultre est a noter que jacoit ce que en aynt consideration a la chaleur naturelle et a la force digestive que en yver on doit mengier viandes grosses & difficiles a digerer, toutesfoys adonc sont les corps disposes a oppillations & replections par habondance de flume a cause que cest choses plus convenable de mengier viandes moyennes, comme sont chairs de mouton ,de veaulx, chievres, brochez, perchez, et escrevisses, et ceulx qui mengent viandes grosses comme sontchairs de beuf, de porc et de cerf, et semblables doyvent estre content dune refection le jour, ou leur convient user souvent de choses laxatives & appetitives comme sont persil, creson, ache, & semblables, & de fait fort excercite.

¶Textus.

¶Salvia cum ruta. faciunt tibi pocula tuta

Adde rose florem minuit potenter amorem.

¶Exposition.

¶En ce texte lacteur declaire deux remedes qui corrigent la malice du boire ou breuvaige. ¶Le premier est saulge de laquelle les fueil

[57]

les mises dedans ce quon doit boire corrige la malice par sa propriete & aussi elle a vertu de conforter les nerfz & le cerveau, lesquelz quant ilz sont confortes ilz resistent mieulx contre les fumees du breuvaige maulvais disposes de monter au cerveau. ¶Le second remerd est rue, de laquelle semblablement les fuelles entieres mises sans les froier dedans sont boire, corriget par leurs proprietes & chaleur la malice de ce que on doit boire. Et de la rue comment elle a propriete contre venin, comme par avant a est declaire en ce texte. allea nux cirta. En apres dit le texte que avec icelles deux medecines peult on adjouster le fleur de la rose, & par especial de la fleur de rose rouge laquelle par sa vertu aromatique & stiptique corrige la malice du boire.

¶Textus.

¶Nausea non poterit quenue uexare marina

Antea cum vino mixtam si sumpserit illam.

¶exposition.

¶En ce texte met lacteur ung remede contre la disposition nauseative, ou contre vomissement qui vient de nagier sur mer a ceulx qui nen sont acoustumes, et dit que celluy qui doit naigier sur mer devant quil entre dedans la navire doit mesler en son vin par aculcuns jours de leaue marie & icelluy remede est pour les riches, & les pouvres doivent boire eaue marie pour eviter le vomissement. La raison si est, car leaue marine est salee, & par salure & stipicites qui ensuit la salure clost lorifice de lestomac & appaise le vomissement. Et environ ce est a noter comme veult Avicene en la .iii. distinction du premier chapitre du regime des cheminans par mer, & dit celluy qui chemine par mer ne se doit point enforcier de retenir au commencement le vomissement, mais le laisse durer tant quil soit bie purgie, par le vomissement, car icelluy vomissement preserve de plusieurs maladies et gaurist ou allege greves et grandes maladies, comme lepre, ydropisie, & appoplexie, froideur, & inflation destomac comme veult Avicene en la .iii. distinction du premier livre en. la .ii. doctrine, chapitre .ii. Toutesfoys se le vomissement debilitoit fort le chemineur de mer a cause quil est superflu il doit restraindre en mengant fruitz stiptiques & aigres comme sont pommes de coing, & pommes

[58]

de calpendu, et pommes de grenates aigres, par lesquelles lorifice de lestomac est conforte par iceulx fruictz resiste de recepoir les humeurs esmeulx et fluantes a luy de lagitation et commotion des undes. On peult prendre de la semence de ache brulee avecques bon vin, ou on peult mengier ou boire du fort. Semblabelement pain mengie brule et mouille en vin bien odorant vault a ce mesme. Et universallement valent aux viateurs & chemineurs de mer toutes choses aigres & aceteuses, a cause quelle confortent lestomac, & aussi valent viande qui deffendent les vapeurs et fumees de attaindre au cerveau comme sont lentiles cuytes en vin ou en verjus.

¶Textus.

¶Salvia, sal, vinul, piper, allea, potrosilinum.

Ex his fit salsa nisi sit commixtio salse.

¶Exposition.

¶En ce texte si est declaire la maniere de faire une saulse commune se en la table deffaillent les saulses especiales, comme il sensuit. Et pour icelle mesme saulse sont mises cinq medecines desquelles on peult faire saulse. ¶La premiere est saulse de laquelel on larde ou on farcist les chairs rousties ou boullies, comme les oyes soyent boullies ou rousties, car universellement les oyes rousties ou pourceletz sont amplis de saulge, pour extraire et deseicher en partie leurs humidites et viscosites, et affin que les chairs ayent odeur et saveur de la bonne saulge. Toutesfoys apresq uelles sont rousties la saulge doyt estre ostee. Semblablement de la saulde se fait une aultre maniere de saulse pour les gens de labeur, ou gens communs a menger oyes broyes en ung mortier des aulx avec saulge pour oster en partie le goust des aulx. ¶La seconde est sel avec vin et est saulse des gens bien riches, & des gens nobles : car iceulx quant ilz nont pas de la bonne moustarde ou de bon vertus ilz font mixtionner le vin avec ung bien petit de sel pour leur saulse. ¶La tierce est poyvre et est saulse de gens de labeur & meslent le poyvre avecques des feves ou pois. Semblablement de pain rousty avecques cervoise, ou vin, et avecques poyvre se fait une maniere de saulse

[59]

noire appellee saulse de poyvre mesle au plat avecques la chair ou poisson. ¶la quart sont aulx, desquelz semblablement est faicte saulse des gens de labeur, & meslee avecques froumaige mol & laict ensemble, pilee & le mengier avecques leurs viandes rousties ou boullies. La .v. est parsil, duquel les feulles pilees avec verjus ou vin blanc est faicte sause verde a mengier viandes rousties. Et est a noter quil fault faire la saulse selon la disposition detous, car es este les saulses sont composees de choses froides, ou de petite chaleur, & en temps froit son faictes de choses chauldes donc les matieres des saulses convenables en est sont verjus, vinaigre, jus de lymons de grenates avec sucre et eaue de rose et aulcunesfoys on adjouste ung petit de sepillum, ou de persil pour obtemperer la froideur diceulx, les matieres des saulses convenables en yver sont moustarde, gingimbre, poyvre, canelle, gerofle, aulx, saulge, mente, persil, vin, brouet de chairs, et vin aigre foible tirant a nature de vin. Et es temps moyens ne trop chaulx ne trop froitz ont fait saulses de chaleur et froidure attrempee. ¶Secondement les saulses sont diverses a cause des viandes pour lesquelles sont faictes, car viandes diverses demandent saulses diverses comme doyvent scavoir les cuysiniers des seigneurs, car saulses competantes au chairs de mouton, de veau, et chevrot est saulse verde faicte eneste de vinaigre ou verjus avec petit despisses sans aus, et avec ung petit de persil et gingimbre blanc, et verjus, et pain rousty en vinaigre. En yver se fait avec plusieurs espisses, & petite quantite daulx, et de von vin, et petit de verjus, ou on se contente de moustarde. Saulses pour chairs de beuf bouillies est poyvre bouilly avec eaue, en lquelle on mesle du pain rousty et du brouet de la chair, et petit de verjus, et icelle saulse est ainsi convenable aux chairs de porc. En yver semblablement la chair du porc se peult mengier comme en este et avec vinaigre & persil au commencement du repas, et se icelles chairs sont mises en pastes et par especial chairs de beuf et e porc en yver on y adjoustent oignons blancz avec pouldres despices doulces en petite quantite. Et en este sans oignons, et avec bon verjus, ou avec petis oignons en petite quantite. Et se

[60]

les pastes sont de chairs plussubtilles, & de facile digestion soient sans oignons, mais en est laict damandes avec verjus & ung petit despices doulces & en la fin ou peult adjouster ung œuf ou deux ou plusieurs casses avec verjus, & en yver quasses avec vin avec plus grande quantite despices. A la chair des conins rosts & de poulles jeunes, saulse convenable est faicte de canelle & de mie de pain avecques verjus, en este & en yver vin. Aux chairs de porcz rostis, saulses competante est la liqueur venant de la chair qui rostit meslees avecques vin & oignons en yver. Et en este saulse verde dessus notifie. Aux chairs de faisans, de coulons, & turturelles nont besoing de saulses quelconques fors que desel. Aux chairs de cahpons & poulles boulis saulse convenable est le brouet, petite quantite despices doulces, & par especial en yver, & en este le seul brouet avec d verjus. Mais aux poulles gras & chapons mis en paste saulses quelconques ne competent fors que pouldre de menues espices doulces. ¶Les poissons dautant quilz sont de plus grosse chair & difficile a digerer et de plus grande superfluites & plus humide nature daultant leur competent saulses plus chauldes & plus agues. Et icelle reigle semblablement si est variable de toutes manieres de chairs alequivalent, cestadire selon quelles sont grosses, ou quelles sont de legiere digestion. ¶Textus.

¶Si fore vis sanus ablue seve manus

Latio post mensam tibi confert munera bina.

Mundificat palmas & lumine reddit acuta.

¶Exposition.

¶En ce texte sont declarees quattre choses venantes de laver les mains pares la refection prinse. ¶La premiere est que la palme de la main est purifiee des vapeurs & fumees de la viande. ¶La .ii. chose est que tel lavement aguise la veue accidentalement a cause que les mains sont les instrumens a mondifier les yeulx & a ce est chose utile & prouffitable davoir les mains blanches & nettes.Et a ce a este declaire paravant au texte. Lumina mane manus & cetera.

¶Textus.

[61]

¶Panis non calidus : nec sit nimis inveteratus.

Sed fermentatus, oculatus, sit bene coctus.

Modice solitus : frugibus ualidis sit clectus.

Non comedas crustam coleram qui a gignit adustam

Panis salsatus. fermentatus bene coctus.

Purus sit : sanus qui non tia sit tibi vanus.

¶Exposition.

¶En ce texte declaire lacteur deux choses pour eviter touchant le pain. ¶La premiere est la chaleur, car on ne doit pas mengier pain chault, poirtant le pain chault est nuysible a nature humaine comme veult Avicene au .ii. canon au chapitre du pain. Le pain chault nest pas convenable a nature, & prendre du pain venant du four est maulvais, a cause quil est fort oppillatif & de forte digestion. Et apres dit Avicene que le pain chault fait avoir soi par sa chaleur, et demeure en la superiore partie de lestomac par son humidite vaporeuse, & est de maulvaise digestion, & tardif a descendre. Et jacoit ce que le pain chault ne soit pas convenable pour conserver sante uant au mengier, toutesfoys lodeur du pain chault est grandement utile, car il relieve lhomme des sincopes & est possible a aulcunes gens vivre de seul odeur du pain chault. Le second que on ne doit pas mengier pain de long temps cuyt, pourtant quil est nuysible a nature humaine et nest pas nourriture convenable pour restaurer le corps, car il deseiche le corps & engendre humeurs melancoliques. Et sensuyt que le pain que on mengeue ne doit pas estre chault ne par antiquite endurci, mais cuit du tout devant. En aprés sont declaires .v. conditions que doit avoir le pain. la premiere que le pain doit estre fait au levain comme veult Galien au premier livre des elemens quant il dit. Le meilleur pain pour digerer est celluy qui est bien fermente, & qui est cuyt au four de chaleur attrempee, & dit en icelluy cha. Le pain fait sans levain a nulle personne nest utile. et selon Avicene au second canon au chapi. du pain fait avec ung petit de levain est de grant nourrissement, mais les humeurs de luy engendrent oppillations, excepte ceulx qui font grant excercite. La seconde condition est que le pain doit estre legier. Toutesfoys icelluy pain selon Avicene au chapitre nomme,

[62]

est de legiere penetration et de petit nourrissement et maulvias, comme est le pain nomme opirus qui en luy contient grande quantite de son. La tierce est que le pain doit estre bien cuyt, car le pain mal cuyt est de maulvaise digestion et agrave lestomac. Et Avicene dit au second canon au chapitre nomme que le pain mal cuit est de grant nourrissement, mais les humeurs de luy engendrees font oppillations fors que en ceulx qui sont fais de grant exercite. et pain fait en braise, ou en feu dune mesme condition, car la partie interiore ne se peult bien cuyre. La quarte est que le pain doyt estre moderement sale, car celluy qui est attrempeement sale donne au corps nourrissement sil contient en luy les aultres conditions. La cinquiesme est quil soit fait de bon froument. En apres dit le texte que on se doit garder de mengier les croustes de pain, car elles engendrent colere aduste, et humeurs melancoliques, car cause quelle est aduste et seiche, & les humeurs engendrees de luy sont adustes & fort seiches, et pour icelle cause les nobles de nature colerique & les prelas font chapler le pain. Donc il fault eslire mye de pain, car elle est de facile digestion et de meilleure et de plus grant nourrissement que la crouste. Toutesfoys la crouste est utile aux gens qui ont lestomace humide et a ceulx qui veullent devenir maigres, et principalement en la fin de la refection, car il fait descendre la viande et conforte lorifice de lestomac. En aprés es derniers deux vers dit lacteur que le bon pain doit avoir icelles cinq conditions, cestassavoir qui soit sale, fermente, bien cuyt fait de bons grains, et leve de terre en bonne messon, et icelles .v. conditions met Avicene au chapitre nomme, et qit quil fault que le pain soit peur, sale, fermente, bien cuyt, & endurcy dune nuyt. Item est a noter que lhomme demande grande nourriture, que le pain soit modifie du son, et sil veult avoir le ventre aulcunement laiche que le pain soit en partie fait de son, car le son est de petite nourriture & tient le ventre laiche & la forme fait operation opposite.

¶Textus.

¶Est car porcina sine uino peior ouina

[63]

Si tribuis uina tunc est cibus medicina.

vExposition.

¶En ce texte lacteur compare la chair de porc a la chair de mouton, & dit que la chair de porc mengie sans boire vin est pire que lachair de mouton. toutesfoys se on le mengeue et on boive du vin elle donne tresgrant nourrisssement et est medecinale a cause quelle rend le corps humide & se doit entendre par especial de chairs de porc rosties & fort attrempees. Et devez scavoir que la chair de porc de laquelle souvent gensruraulx & gens communs mengent quant elles sont salees ou deseiches au souleil ou a la fumee elles sont moins saines que la chair du mouton, se toutes semblables soyent prinses et mengees avec vin ou non. et se doit entendre chairs de porcz rousties ou de chairs de porc mal gardees, comme dessus est declaire.

¶Textus.

¶Ilia porcorumboa unt malareliquorum.

¶Exposition.

E ce text sont les trippes du porc comparees autrippes des aultres bestes brutes. Et dit le texteque les trippes de porc sont meilleurs am engier que les trippes daultres bestes, a cause ue on menge nulz oyaulx si ne sot gras ou remplis de sag comme sont les boyaulx des porcz. Et le sang seul du porc est on amengier cause ue le porc a complection semblable a nature humaine, & pourtant du sang seul du porc on remply les boyaulx. Semblablement les porcz sengressent plus facillement que toutes les autlres bestes, et pource prent on plus les boyaulx du porc que les aultres bestes.

¶Textus.

¶Impedit urinam mustum : soluit cito ventrem.

Epatis emfraxim splenis generat lapidemaque.

¶Expositin.

¶En ce texte sont declaires cinq inconveniens dangereux quilz sensuyvent de boire vin nouveau : ¶Le premier est quil deffend et empesche de pisser. Et icelle prohibition & deffence se peult entendre en deux manieres. ¶Premierement a cause que le vin nouveau est gros par ses lyes meslees avec luy, & pourtant font oppilation au foye &

[64]

aux reins, & ne peult avoir lurine son cours naturel. ¶Secondement quil empesche lurine selon sa droicte forme & maniere, mais fait urinee souvent en petite quantite come font ceulx qui ont exorcitation de vescie comme vin de rin nouveau, & aulcuns aultres vins subtilz, car aulcuns vins de rin nouveaux ont les lyes moderantes, et quant elles viennent a la vescie elles mordent & poingnent & constraingnent la vescie duriner sans ordre, & oultre la maniere acoustumee. ¶Le .ii. quil laiche le ventre a cause qui la vertu abstersive des boyaulx par sa nature, & stimule la vertu expulsive des boyaulx. Premierment par la mordication des lyes du vin. Secondement par la ventosite quil contient en luy. Tiercement en faisant les boyaulx lubriques par voye de indigestion & griefvement de lestomac, par quoy lestomac & le premier boyau nomme portaurium agreve & opresse se relaiche. ¶Le tiers inconvenient est que le vin nouveau nuyst la bonne complection du foye a cause de loppollation, pource que les lyes avec grande quantite sont meslees avec luy & engendre dissinterique de foye par inflation, parquoy il debilite la vertu retentive du foye. Et icelle sentence veult avicene en la .iii. distinction du premier chapitre du regime du vin & de leaue. Et semblablement fait lhomme devenir ydropique & avoir male couleur. ¶Le .iiij. est que le vin nouveau nuyt a la ratelle pour une mesme cause, comme du foye, car il fait en la ratelle oppillation & fait lhomme splenetique. ¶Le .v. est que le vin nouveau engendre la pierre, & par especial celle des reins qui est rouge & facile a corrumpre, a cause quil fait es reins oppilations par sa grosse substance. Et se doit entendre vin nouveau grandement doulx qui na point lyes mordicatives, car le vin nouveau avec lyes mordicativs preserve la pierre, a cause quil fait grandement uriner, comme vin nouveau vin de rin fait apparoir en lurine grande quantite de gravelle & grande multitife durine lave et esrache le petit sablon adjoinct au reins & est deboute hors avec elle.

¶Textus.

¶Potus atque sumptus sit edenti ualde notiuus

Infrigidat stomacumque cibum nititur fore crudum.

¶Exposition

[65]

¶En ce texte sont declaires deux nuysemens venant de boire eaue quant on mengeue. ¶Le premier que leaue beue nuyt lestomac de celluy qui mengeue. La raison est, car il la refroide & relaiche lestomac et par especial amortist lappetit de la personne qui me()geue. ¶Le .ii. est que leaue beue avec la viande empesche & destruit la digestion & fait demourer la viande crue comme veult Avicene en la .iii. distinction au chapitre intitule de ce que on boit et mengeur om il dit que apres la viande prinse on ne doit pas boire grande quantite deaue qui face separation entre la viande & lestomac & face la viandre naigier en lestomac. Et au chapitre du regime du vin & de leaue, dit que quant nature digere la viande & quantite deaue souffisante a este prinse pour faire commixtion, leaue apres prinse destruit grandement la digestion commencee. et icelle mesme sentence met ledict Avicene au second livre des quantique au premier trait au chapitre .iiij. t dit. Lhomme se doit garder de boire eaue a son repas & ne doit boire eaue fors que pour faire bonne mixtion & pour donner penetration a la viande, & ne doit pas prendre eaue avec la viande. et semblablement averoys dit au comment. La cause de ce est, car quant on prent eaue sur la viande devant quelestomac ayt eschauffe la viande, elle refroidist lestomac & fait demourer la viande crue indigeste. Et est aussi la cause pourqoy la viande naigie en lestomac non adherente ne unie avec luy pour la digestion faire comme il apportient, car laction de lestomac en la viande se fait par bonne mixtion par bonne digestion, et puis sensuyt vraye separation des choses pures, & non pures et est chose semblable du tupin, car quant on met grant quantite deaue en une foys au tupin ou au pot la decoction est retardee, & chose semblable est de lestomac & de la viande, & tout ce est chose veritable quant on boit eaue en grande quantite, car petite quantite deaue froide prinse en mengant devant ce que la viande soit descendue est permise pour acomplir le descendement de la viande es parties inferiores, par especial se la soif constraint de boire, car petite quantite deaue froide prinse en maniere dicte alege lestomac a cause qeulle oste la soif et preserve davoir soif, mais a cause quelle est froide fait retraire la chaleur naturelle dedans le par

[66]

fond de lestomac, et se fortifie la digestion. Et est prinse icelle sentence de Avicene es chapitre nomez. Oultre est a noter que jacoit ce que leaue soit pour estraindre la soif plus convenable breuvaige que le vin, toutesfoys le vin est plus convenable au regime de sante que leaue. Et jacoit ce que pour reprimer & amortir la sof qui est appetit de chose froide & humide leaue soit universellement meilleure, car elle est froide et humide, toutesfoys naturellement pour faire bonne mixtion des viandes & pour les transporter es paties extremes du corps, le vin vault mieulx que leaue, car le vin a cause de sa subtilite, substance & action il se mesle mieulx avec la viande et nature plus se delecte en luy & pource les membres lattirent plustost, & le meslent avec la viandre & est faicte ceste mxtion par voye de ebulition laquelle aude le vin par sa chaleur victuale, et leaue empesche ladicte ebulition par sa froideur. Et ainsi appert que le vin vault miieulx que leaue pour mesler la viande au corps humain. Et semblablement pour transporter les viandes par tout le corps, car le vin est tresbon penetrateur acause quil est desubtile substance et de sa chaleur vertueuse, et les choses subtiles, et chauldes sont grandement menetratives et pource le vin transporte et fait mieulx penetrer la viande que leaue en laquelle nest chaleur quelconques, mais atterde le trespassement de la viande. oultre leaue nest pas breuvaige si convenable que vin, car leaue empesche la restauration et nourriture du corps, a cause quelle nest pas nutritive ou au moins de petit nourrissement dautant que la viande est plus aquatique dautant elle est moins nutritive. Donc cest chose utile de mesler le vin avec la viande, car le vin est tresgrandment nutritif et de legiere restauration comme est paravant declaire. En oultre est a noter que non pas tant seulement nuyt leaue quant on la prent avec la bonne viande, mais aussi en aultres plusieurs cas elle nuyt lesquelz declaire Avicene en la .iii. distinction du premier au chapitre du regime du vin & de leaue. ¶Premierement quant on le boit en jung elle penetre par tout le corps jusques aux membres principaulx et mortifie la chaleur naturelle. et icelluy beuvement se doit entendre quant elle est veu en vraye jeusne, car leaue beue du matin est utile a

[67]

ung yvrongne & ne le blesse pas sil en boit en jung, mais lhomme yvre en jung nest pas vrayment jung & nest pas son estomac totalement evacue, mais il a encores aulcuns reliez de la crapule precedente intreuse & salse lesquelz corrigent & appaisent leaue beue du matin, et lave lestomac, & le prepare & dispose a recepvoir nouvelle viande. ¶Le .ii. inconvenient que fait leaue estquant elle est beue apres grant travail, semblablement apres que lhomme a eu compaignie de femme, car adonc les conduictz du corps sont fort ouvers & penetre leaue jusques au parfond des membres principaulx, mortifiant la chaleur naturelle, laquelle semblablement est affoiblie par la emission de la semence, par especial se elle est superflue. ¶Le .iii. nocument que fait leaue, est apres le bain par especial quant le baing est fait en jung, car aussi adonc les conduictz de tout le corps sont tresgrandement ouvers, & penetrent leaue, amortissant la chaleur naturelle, de laquelle eaue beue en jung parle Avicene en la .vi. distinction au .iiij. livre en laseomme seconde & chapitre dernier, & dit. Leaue beue en jung et pres le baing, & apres compaignie de femme corrumpt la co(mplection naturelle & engendre ydropisie. ¶La .iiij. nocument que fait leaue est quant on boit leaue froide pour appaisier la soif nocturne modeuse laquelle survient es gens gourmans & yvres, car icelle eaue a ainsy deffent & empesche la resolution & digestion des humeurs salsis, ou du fort vin ou de quelque aultre chose ague & mordante faisant avoir soif, & par ainsi incontinent apres que leaue est beue la soit retourne incontinent grant comme devant, mais quant la soif est vehemente & clameuse laquelle ne peult estre appaisie par espiration de lair froit ne par ablution de la bouche faicte deaue froide adoncques convient boire eaue froide dung vaisseau ayant lorifice estroicte, affin que leaue par longue espasse de temps chair sur lorifice de lestomac, car en ceste maniere elle appaose mieulx la soif, & aussi affin que on en prengne moindre quantite sans donner empeschement a l vertu digestive. Le .v. generalement cest chose inutile aux gens sains de boire grande quantite deaue froide, car elle estraint & amortist la chaleur naturelle, & offence la poetrine, & oste lappetit de lestomac, & est nuysible a tous les nerfz. Toutesfoys leaue froide aulcunesfoys veue

[68]

attrempeement excite & esveille lappetit accidentalement & conforte lestomac a cause quelle vuide le conduictz de lestomac & rassemble.

¶Textus.

¶Sunt nutritiue multum carnes uituline.

¶Exposition.

¶En ce texte lacteur loue la chair de veau & dit que la chair de veau est fort nutritive. Et icelle sentence rememoire Avicene en la .iii. distinction du premier au cha. de ce que on boit & mengue. Et veult que la viande du conservateur de sante soit telle come sont les chairs car il sont de nature semblable & fort enclins de se convertir en sang. et par especial la chair de chevre, ou de veaulx petis alaitans, et daignel dung an. Et celle chair de veau lour grandement Galien au .iii. livre des elemens quil dit que la chair de veau alaictant de six sepmaines ou de .viij. rousties sont meilleurs que chair de mouton, & sont de facile digestion & de grant nourrissement, & des chairs de veau et des aultres avons devant souffisamment declaire.

¶Textus.

¶Sunt bona galina capo turtur sturna columba

Quiscula uel merucula phasianus echigoneta

Perdrix frigellus orex tremulus amerelus.

¶exposition.

¶En ce texte son mises & declairees les chaires plus delectables des chairs volatiles pour restourer & gouverner nature humaine & lacteur en met en nombre .xiiij. manieres de chair doyseaulx, bonne pour le nourrissement de lhomme. La premiere est la poulle ou poulles, de laquelle lusance est fort a nature convenable, car hali avanzoar auet, & met come dit le consiliateur toutes chairs louent la chair de lap oulle & du poullet, & par especial de la poulle qui oncques neut œuf et du poullet ou coq qui jamais ne monta sur poulle, car de legier ilz se convertissent en sang sans guaire de superfluictes, & ont merveilleuse propriete en attrempant la comlection & les humeurs de nature humaine, & le brouet est medecine grande pour les lepreux. Avi. dit de la chair de la poulle au .ij. trac. au cha. de la poulle & poullet ou coq la chair de la poulle augmente lentendement, clerifie la voix, & augmen

[69]

te la personne. Et la meilleure poulle selon luy est celle qui oncques neut œuf. la .ii. est le chapon laquelle chair met le consiliateur en la question. lxviin. entre les chairs plus louables laquelle cjair est devant nommee, digere lestomac par propriete. La .iii. est la chair de tourterelle laquelle est de bon nourrissement & engendre bon sang, laquelle chair Avice. au .ij. canon au cha. de la chair grandement loue & dit, certes des oyseaulx la meilleure chair est la tourterelle & la poulle, et la plus subtile & ne sont pas de tel nourrissement que la chair de perdris. La .iiij. chair selon aulcuns medecins en sturnus, & celle chair se doit menger jeune, & est sturnus ung oyseau commun nomme en francoys estourneau, lequel rasis au .iii. livre dalmasor loues ur toutes chairs volatiles & dit la chair de lestourneau est legiere sur toutes chairs volatiles, & est la chair lus convenable a ceulx qui veulent vivre en diete subtile. Et peult on entendre par strunum ung oyseau grant comme une oye grise sur couleur cendree, laquelle chair est fort louee par especial quant elle est jeune, & ainsi lentend haly qui le prefere devant les aultres. ou on peult entendre par sturnum une espece de petites perdris de laquelle enten rabi moyses parlant aux juifz & dit semblablement les strounes nesont pas convenables a nostre roy car elles reserrent le ventre. et icelle propriete aulcuns medecins attribuent aux perdrix, car come dit rasis au .iii. livre dalmasor la chair de perdris reserre le ventre. Le .v. est du coulon laquelle chair est colerique. Et des coulons dit rasis au livre nomme qui sont de chaleur vehemente & engendrent sang plain de feu & tantost font lhome devenir febricitant. et pource la meilleur maniere de les manger mis en pastes avec aigrecz ou chosessemblables que rotist, car laigrez mortist la chaleur qui feroient au sang Et les meilleurs coulons a menger sont les pigons qui commencent a voler, car ceulx sont plus de facile digestion & engendrent bon sang. et les pigons qui ne peuent encores voler sont de chaleur & humidites superflues par quoy ils engendrent grosses humeurs come veult Avi. au .ii. li. au cha. des coulons. et fault leviter les coulons antiques a cause de leur chaleur & secheresse superflues & quilz sont difficiles a digerer. et semblablement les tourtes antiques. La .vi. chair est la chair de la caille. et selon aulcuns docteurs elle est de facile substance, & engendre bon sang & est

[70]

fort convenable aux gens qui sont en convalescence. Toutesfoys selon ysaac les cailles sont de plus maulvais nourisseent que toutes aultres chairs volatiles la chair de caille mengie encline lhome a spasme simple, & a spasme double come veult avice. au .ii. canon au cha. de la caille, & donne la raison & dit que la chair de la caille a propriete & vertu dengendre spasme, doncelle ne engendre pas spasme seullement pource quelle mengeue & boit. Et ce est la cause pourquoy les francoys mettent les cailles en pastes avec froumaige mol. Toutesfoys par coturnicen on peult entendre une espesse de perdris quasi de semblable couleur comme les aultres avec piedz rouget & le bec de saveur delectable nommee en ytalie coturnix. Et en ceste maniere le prent rasis en son . iii. livre dalmasor quant il prefere les cailles & toutes volatiles apres la sterne. ¶la .vi. maniere de chair cest la chair de merula laquelle est comparee a lestourneau, en grandeur tendent fort a couleur noire et a le bec a demy rouge & se doit mengier jeune. La .viij. maniere est du faisant lequel selon tous les medecinsest bien convenable a nature humaine, & la viande des princes & des grans seigneurs. Et come dit le consiliateur entre les saulvaiges les meilleurs sont ceulx qui sont de bonne grandeur & de bonne grosseur fors sans maladie. les privez universelement sont de telles complections come les gelines & quasi deune mesme espesse, fors quilz sont de plus legier nourrissement & de plus grant exercite. La .ix. maniere de chair cest la chair de ethigoneta lequel est une espesse doyseau semblable a la perdris ayant long bec du quel la chair est ffrande ment bonne. La .x. maniere est la chair de perdris laquelle chair selon Avice. au second canon au cha. des perdris est fort subtile & impinguative & de grant nourrisement & mondifie la cueur. et est utile a lestomac & a ydropisie, & multiplie la personne parquoy desir de habiter toutesfoys de propriete elle restraint le ventre. Et galien au .iii. livre des viandes au .x. chapitre & au .viij. de ingenio sanitatis au .ii. chapitre prefere ceste chair sur toutes chairs volatiles. Et on dit communement que cest chair convenable a la mémoire quant on la mengeue. la .xi. maniere de chair est la chair du figellus, lequel est oyseau mengant les raisins volant legierement semblable a lestourneau, mais il est de meilleur nourrissement. Et on le treuve

[71]

communement es vignes & bien souvent sen yvrent en mengant les raisins. Et le temps que on les doit mengier cest en novembre environ la feste de tous les sainctz. La .xii. maniere de chair est la chair de orex lequel comme dient aulcuns cest la poulle du faisant ou une poulle saulvaige, aultres dient que cest une geline antique naigant en leaue. Et la chair est de tresbon nourrisement en quelque maniere que on le preuve. La .xiii. maniere est la chair de temulus lequel est ung oyseau qui se tient pres de la mer & moindre en quantite que le poullet et est de couleur tirant sur noir, & vole hault, & legierement & sa queue tremble quasi tousjours quant il va sur terre, & pourtant est nomme tremelus. Et sur sa teste sont pleumes longues. et nest pas ce que les medecins appellent quaterne & autlrement hochecul car sa queue tremble, cest ung petit oyselet ayant longue queue, laquelle est hochant pareillement. ¶La derniere maniere de chair est amerellus et est semblable espace doyseau naigant en leaue semblable a la queue moindre en quantite, et generalement tous oyseaulx volant legierement qui sont bons a mengier sont de meilleur nourrisement. Et comme les chairs dessus nommees sont de bon nourrissement et facile a digerer, semblablement sont plusieurs especes de chair volatiles de maulvais nourrissement & difficiles a digerer, & de maulvaise complection comme font les chairs des oyes & des paons & de maladrum. et universellement toutes chairs volatiles ayant long col, et long bec vivant en eaue & les chaire des moyneaux ou passeras qui sont de vehemente chaleur, & augmente fort le desir de habiter. et environ la election des chairs volatiles est a noter que selon les proprietes diverses de nourrissement, cestassavoir de restauration, ou de facile digestion ou subtile substance ou de facile alteration selon ce sont loees & chirs diverses & de diverses especes & pource Ga. regardant la facile alternation & la subtilite des perdris il les prefere sur toutes volatiles, mais rasis & ysaac regardant la subtilite et legierete de la sterne lont prefere sur toutes volatiles, & aussi ysaac selon diverses intentions a louer diverses chairs de volatiles, Avicene sur toutes chairs volatiles loue la chair de la turturelle a cause quil regardoit sa propriete par laquelle il confere & aguise lentendement, ou a

[72]

cause que en darabie dont estoit Avicene la bonte desturturelles est plus excellente que en tous aultres pays. En oultre est assavoir que chair volatiles sont plus convenables a gens oyseux que les chairs quadrupedales, car ilz sont de plus facile digestion come dit Galien au .iii. livre des elemens, la chair des volatiles est facile a digerer & par especial la chair de lar perdry, a cause quelle engendre sang cler & pur, encli de augmenter & aguiser les opilations du cerveau cestassavoir lenteldement, les coagitations, & la mémoire.

¶Textus.

¶Si pisces mollessunt magno corpore tolle.

Si pisces duri parui sunt plus valituri.

¶Exposition.

¶En ce present texte sont declairees .iiij. proprietes pour avoir congnoissance des poissons. Et premierement les poissons sont durs ou molz, si sont molz les antiques sont meilleurs a cause que molesse vient de grande humidite indigeste, habondante en jeunes poissons, laquelle par succession de temps se consume & vient humidite quasi attrempee, & pour icelle mesme raison les poissons jeunes engendrent habondance de fleumes plus que les antiques. & pourtant dient aulcu(un)s que languille antique est plus saine que la jeune, mais se les poissons sont durs adonc les jeunes sont plus sains, cestassavoir de plus facile digestion comme sont les broches, & perches. et icelle sentence met Avicene au .ij. canon au cha. du poisson & dit, entre les poissons de dure chair on doit eslire le moindre en quantite, cestassavoir le plus jeune, & le contraire doit on faire es poissons ayant molle chair.

¶Textus.

¶luctus & parca saxaulis & albica tenca

Sornus plagicia cum parca galbio truta.

¶Exposition.

¶En ce texte son declairres dixespeces de poisson convenables a restourer corps humains. ¶Le premier est le brochet, poisson de comain nomme tirant des poissons, a cause quil devore & mengeue, non pas seulement les poissons daultre espece, mais aussi de sa propre espece comme dient iceulx cers. Lucius & piscis rex est tirannus aquarum. A quo

[73]

non differunt lucius iste parum. Et est poisson de dure chair, & legierement naigaant. ¶Le .ij. poisson est la perche interpretee a parco parcis, qui signifie avoir mercy par son contraire, car elle na mercu de nul poisson, mais blesse les aultres poissons de ses barbes poignantes sur le dos, & le brochet ne lose assaillir, mais comme dit albert le grant au livre des bestes, la perchet & le broche par propriete occulte ont ensemble amitie singuliere, mais le brochet blesse les aultres poissons pour soy garir & serche la perche, laquelle veant le brochet blesse applanist & attouche la playe & garist le brochet. Et est la perche de chair dure comme dessus est di du brochet. ¶Le .iii. poisson est la sole, & entre les poissons de mer est ung poisson fort saint. ¶Le .iiij. est ung poisson nomme albica poisson de mer. ¶le .v. est la tenche, et ung poisson deaue doulce ayant le cuyr fort lubrique & limeux tendant a couleur noire, & a la chair dure. et quant la tenche & semblablement le brochet & la perche sont cuites on doit oster le cuyr. ¶La vi. espece de poisson est formis, et entre lespoissons de mer cest le plus petit de grandeur dung demy doig, & ont mengeue teste & tout. ¶Le .vii. cest la pley poisson commun ayant en lune des parties cuyr noir & tachies rouges daultre part cuyr blanc, & la bouche torse. ¶Le .viii. cest la carpe et est poisson deaue doulce poisson commun viscieux & se doit bouillir et cuyre en vin pour oster la viscieusite. ¶Le neufviesme est poisson nomme rouget ayant chair dure utile pour le corps humain. ¶Le dixiesme est la truyte ayant chair semblable au saulmon et est long sans grosseus et se prent en rivieres doulces & se permet toucher en froutant en leaue, & par ceste maniere on la prent et met on en pastes avec espices & est ung poisson fort chier, & est appelle en francoys truite. Environ lelection des poissons premierement est a noter que tous poissons en les comparant aux chairs sont de moindre nourrissement & sont de facile digestion et de grandes superfluites flumatiques lesquelles sont de faciles resolutions. Et en lestomac acquierent aulcunesfoys corruptions et font lhome avoir soif. ¶Secondement est a noter que les poissons de mer sont plus convenables au regime de sante que ne sont les poissons deaue doulce, car leurs chairs sont de moindre superfluite et

[74]

plus semblable la nature de chair, mais les poissons de mer sont de substance plus dire que les poissons deaue doulce & pourtant sont plus difficiles a digerer & de plus difficiles resolutions et de plus grant nourrissement. Toutesfoys les poissons deaue doulce sont meilleurs et plus convenables aux gens malades a cause quilz sont plus faciles a digerer. ¶Tiercement est a noter que tant en poissons de mer comme deaue doulce on doit eslire ceulx qui ont les chairs blanches, non visqueuses, mais de ligieres separations et de substance subtile et bonne odeur, & quilz nesoyent pas de legiere putrefaction & de bonne couleur, & quilz soient de eaue courante. Et oultre on doyt eslire poisson de moyen eage & de moyenne grandeur et qui soyt legier en mouvement, & sans grande viscosite. Item daultant que les poissons ont plusieurs escailles ou scames, ou barbes daultant ilz sont meilleurs, car les escailles scame ou barbes signifient le poisson estre de substance pure. Item les poissons de mer meilleurs sont ceulx qui ont prins nourrissement & sont prins en la mer plus parfons & plus agitee et esmeuete. Et pource les poissons prins en la mer de septentrion laquelle mer est plus agitte et plus impeteueuse, & flut, et refluyt legierement sont meilleurs que les poissons prins en mer merdionale ou de midy. Et semblablement doyt on entendre des poissons deaue doulce, car daultant que leaue est plus parfonde et plus impetueuse, les poissons nourris en icelle sont de meilleur nourrissement, et appert par les choses declairees souffisamment, lesquelz poissons sont maulvais, et lesquelz sont bons et louable, car les poissons grans comme bestes comme est le porc marin, & le chien de mer, et le poisson nomme daulphin ne sont guaires convenables au regime de sante de corps humain, car ilz sont difficiles a digerer, et engendrent gros nourrissement et de grande superfluite, et semblablement les poissons derniers nommes nont pas les conditions dessus declairees cestassavoir subtile en substance blanche chair et cetera. Et sil advenoit que il faulsist mengier desdictz poissons ou semblables on ne les doyt pas mengier tantost apres quilz sont prins, mais on les doyt ainsy garder par aulcuns jours jusques atant que la chair commence a mollifier sans putrefaction. Et

[75]

semblablement iceulx poissons sont meilleurs demy sales, que recens ou fort sales. Et entre les poissons de mer selon les conditions dessus declarees le rouget, et le gornaul ou le gornus sont reputes les meilleurs, car leurs chairs sont de substance fort pure. En apres la pley et la sole, car diceulx la chair est plus vicieuse et moins separable etm oins blanche & plus grosse et moinssubtile & leur odeur et saveur nest pas si delectable comme le rouget et le gornus. Et selon aulcuns le poisson nomme mernagus en francoys est appelle merlen et est le meilleur apres le rouget, car il nest pas de si grosse substance et si vicieulx que la plus et que la soule, et est de substance computemment fragile ou separable, mais en considerant la saveur odeur couleur et en purete de substance et en mobilite il default de la bonte du rouget et du gornus. Et semblablement doyt on entendre du haran. Et le poisson nomme morue est aulcunement semblable aux poissons derniers nommes en bonte selon les conditions dessusdictes, toutesfoys est de plus grosse substance et vicieux que les derniers nommes les saulmons et les turbotz et marquerelles en francoys maquereaux ne sont pas louables, car ilz sont de grosse substance et vicieux et difficiles a digerer, et de grande superfluite, et pource ne sont utiles forsque a gens de grant exercite et fault avec aulcunes saulses qui ostent en partie leur viscosite et grosseur et froideur. Et entre les poissons de eaue doulce selon les conditions declairees la perche et le brouchet poyen en grandeur tiennent le premier degre en bonte, par especial quant il est gras. En apres la vendoise, et apres lopia. Et jacoit que la carpe soit plus trumeuse que les derniers nommes, toutesfoys la chair de la carpe nest pas si blanche et subtile ne se legiere a separer comme le brochet et la perche, et souvent se nourrist es bourbes. et universelement ceteris paribus. tous poissons de eaue doulce & petreuse ou plaine de pierres courantes vers septentrion & profonde digestion & impetuosite en la quelle ne croissent pas herbes maulvaises, iceulx poissons sont les meilleurs, les escrivisses deaue doulce ou de mer sont de grant nourrissement et de difficile coruption en lestomac, mais sont faciles a digerer. En

[76]

oultre est a noter que les poisssons recens font le corps humide & multiplie le laict & lesperme ou semence est fort convenable aux gens coleriques. et doit on eviter les poissons apres grans mouvemens & grans labeurs poirce que en lestomac facilement ilz se corrumpent. Et se doivent garder de mengier poissons ceulx qui ont lestomac debile & plain de maulvaises humeurs. En oultre les poissons groz et grans sont meilleurs a demy sales que ceulx qui sont recens, toutesfoys ceulx qui sales de long temps ne sont pas bons. Et est a noter en oultre que les poissons ne se doivent point mengier avec la chair ne avec chose lacticuneuse ne apres toutes aultres viandes. et oultre poissons de bonne nature & de bonne complection ung peit sales revocquent lappetit se celluy qui les mengeue les appete & aussi sil nen mengeue en trop grande quantité.

¶Textus.

¶Vocibus anguille praue sunt si comedantur

Qui phisicam non ignorant hec testificantur

Caseus anguilla nimis obsunt si comedantur

Ni tu sepe bibas & rebibendo bibas.

¶Expositin.

¶En ce present texte dist nostre acteur que languille est ung poisson nuisant a la voix. Et le preuve premierement par les medecins & les philosophes naturelz qui a ce sont consentens, secondement le preuve par telle raison, car languille est ung poisson luneux et viscieux causant oppillations & prives de conditions dessudictes convenables au bon poisson. Et ce que dit est de languille se doit entendre pareillement de la lamproye toutesfoys les lamproyes petites ne sont pas si perilleuses comme sont les anguilles, car elles ne sont pas si viscieuses ne de matiere si grosse. Et jacoit ce que iceulx poisson sont bien savoureux & bien dilicieux a la langue neantmoins ilz sont bien perilleux, saulve lonneur de ceulx qui dient le contraire, & les generacions desdicts poissons sont semblables aux generations des serpens qui sont en terre parquoy est a doubet quilz ne soient venimeux. Et ceulx qui sont supectz de venin ne doyvent point mengier la teste ne la queue ne pareillement du doz. Et pour oster leur visco

[77]

site est bon de les bouter en vin toutes vives & illec les laissier mourir & puis les preparer avec saulse de galentin qui est une espice bonne et ainsi les preparent les cuysiniers des grans seigneurs. En oultre il est bon de les boullir par deux foys en vin & en eue & puis apres faire la saulse de galentine ou en faire pastes ou les refrire avec la saulse approproe cestassavoir saulse verde avec espices fortes & ung petit de bon vin entemps diver & en este espices debiles & ung petit de verjus & du vinaigre. Celluy qui se peult passer desdictz poissons est le pus seur. Et apres dit lacteur que le froumaige & languille mngies ensemble nuysant grandement & se doit entendre quant on en mengeue en grande quantite, la cause est asses evidente, car le froumaige est visqueux come languille & par ainsi augmente la malice de languille. Et leur malice est corrigee par boire vin souvent. et nest point a entndre de vin subtil qui est facilement penetrant ne de vin donnant legiere penetration a la viande, car come dit Avi. tel vin ne se doit point donner sur la viande generative ou qui engendre maulvaises humeurs pourtant qui les fait penetrer aux membres principaulx parquoy sensuivent grans inconveniens, mais se doit entendre du vin asses gros qui nest pas fort penetrant lequel se doit prendre souvent & en petite quantite a celle fin que il se puisse pieulx mesler avec la viande & coriger leur malice & digerer les humeurs fleumatiques & froits en confortant la digestion ou la chaleur naturelle.

¶Textus.

¶Inter prndendum sit sepe pacumque bibendum

Si fumas ouum molle sit atque nouum.

¶Exposition.

¶En ce present texte nostre acteur nous enseigne deus choses. ¶La premiere chose est que en mengant ne devons point faire comme les bestes, cestassavoir nous remplir de viandes et puis apres boire, mais apres que nous avons prins une quantite de viandes nous devons boire & puis apres remangier & reboire affin que le boire se puisse mieulx mesler avec la viande & la mollifier, parquoy est plus facile a digerer. Item est a noter qui sont trois manieres de breuvaiges. Le premier est qui mesle la viande. La seconde est qui deporte

[78]

la viande. Et le tiers est qui fait cesser la soif. Du premier breuvaige se doit entendre e que dessus est dit, cestassavoir que) on doit entremesler la viande avec le boire, jacoit ce que on naye point de soif, car datendre la soif nest pas bon. et ledict breuvaige principalement seiche, comme ceulx qui mengent de pain seullement. ¶Le dernier breuvaige, cestassavoir qui fait cesser la soif se doit differer jusques a la fin de la table, & par especial a ceulx qui sont bien dispose, car alors regne la soif vraye pour la ebulition de la viande. et se doit donner ledit breuvaige plus ou moins, selon la quantite de la soif. ¶Lautre breuvaige qui deporte la viande se doit pendre apres la digestion premiere laquelle se fait en lestomac & ung petit quant que on preigne daultre viande. et par especial ledict breuvaige convient quant on a menge viande en substance grasse & ne doit on pas attendre la soif, car ledict breuvaige prepare lestomac a recepvoir daultres viande & fait penetrer la viande digeree de lestomac au foye et se doit prendre non pas en grande quantite affin que plus tost puisse estre digeree, car avant quil soit digeree, ne penetre pas au foye, se ledict breuvaige delatif est aultre chose que eaue, car il nest pas de necessite que leaue soit digeree qavant sa penetration. et pourtant tout breuvaige delatif, doit estre vin ou quelque proportional comme cervoise ou cidre ou aultre breuvaige, & non pas eaue. en outre est a noter que de tant plus la viande est grosse & seiche & froide de tant plus est elle en plus grande quantite, et doit on baillier le breuvaige delatix & promictif. et quant la viande est subtile, chaulde et humide, ledict breuvaige doit estre moidre en quantite, plus gros en substance, et plus subtil & plus fort quant la viande est grosse & froide comme quant on mengeue chair de beuf, le vin delatif doit estre plus fort & plus subtil que quant on menge geline ou faisans, & pareillement le vin qui est beu avec le poisson doit estre plus fort que avec la chair. ¶La .ii. chose qui nostre acteur nous enseigne est que quant on mengeue ung oeuf on le doit mengier mollet & nouveau, la cause est dicte dessus.

¶Textus.

Pisam laudare decreuimus as reprobare.

[79]

Pellibus ablatis est bona pisa satus.

Est inflatiua cum pellibus atque nociva.

¶Exposition.

¶icy est mis ung notable & est que les pois aulcunement sont vituperez & aulcunement sont louez, ilz sont louez quant on les mengeue lescorce ostee. Et quant on les mengeue a tout la peau ou lescorce, ilz sont a blasmer pourtant quilz sont inflatifz. Et pourtant quant on les prepare avec lescorce on ne les prepare pas artificielement ou selon lart de medecine, car la substance ou la chair des poys est diferent a lescorce, car lune des parties laice le ventre. Et lautre partie restraint comme dit ysaac aux dietes universeles parquoy se fait de grans mouvemens dedans le corps causant torsion de ventre ou douleur & inflation. Et ce ne se doit point entendre seullement des pois, mais detous aultres potaiges, comme de feves glans, chataignes, cices, & par especial tous ceulx qui ont escorce espesse, car lescorce est de pire nourrissement que la substance. Environ ce est a noter que il y a une maniere de pois rous blans qui ont lescorce fortraire et ceste manierie plus seulement se peult mengier avec lescorce que les aultres toutesfoys mieulx vault de les mondifier & oster lescorce. En oultre est a noter que les potaiges nouveaux & recens ont lescorce plus convenante a la substance, parquoy ne font pas commotop, si grande au corps, comme les antiques & pus facilement sont digerees & pourtant dient aulcuns quil convient plus aux corps sains que les vieulx, mais ilz ne regardent pas a daulcunes proprietes maulvaises qui sont en eulx parquoy ilz sont deceuz lesquelles proprietes sont, cestassavoir que facilement ilz se corrumpent & sont de grande superfluite, parquoy ne sont pas convenables a corps sains. Et pourtant est a tenir pour verité que les potaiges secz ou vieulx desquelz lescorce est ostee, sont plus sains que les nouveaux, mais les nouveaux sont plus sains que les scez a tout leurs escorces. et oultre est a noter tous potaiges pourtant quilz sont inflatifz & defficile digestion ne sont pas convenans au regime de sante, mais le brouet ou leur decoction est utile, car legierement lasche le vente & rovoque lurine, & desopile les vaines pource convient en mengier quant on use de viandes grosses causant

[80]

oppilation comme en temps de jeune, car audit brouet nest pas nuysance comme a la substance. Et se doit faire ladicte decoction en ceste maniere, les cices ou les pois doivent estre mis du soir en eaue boullante en les frottant, & en la mesme eaue la nuyt apres on les doit cuyre deux ou troys boullons, & puis apres soit passé & garde & quant approuche leure du disner ou du super on le doit preparer avec ung petit de vin & puis le boullir ung bien petit, ce fait on le doit humer au commencement de table. Et le brouet des cices & des pois rous est meilleur & est a nature plus convenant que daultres potaiges & semblablement leur substance.

¶Textus.

¶Lac ethicis sanum caprinum post camelinum

Ac nutritiuum plus omnibus est asinimum

Plus nutritiuum vacinum sic & ouium

Si febriat caput & doleat non est bene sanus.

¶Exposition.

¶En ce present texte sont donnes plusieurs documens environ la election du laict. Le premier est que le laict de chievre convient a ous ethiques & a tous ceulx qui sont consumes, car come dit Avice. au second caon au chapitre du laict le laict convient a tous ethiques & icelle mesme sentence dit au premier livre au .iiij. traicte, & au .iii. cha. quant il parle des medecines qui humentent les corps ethiques la raison est telle, car le laict de chievre est attrempe comme dit Avicene au .ij. canon et est de grant nourrissement parquoy convient aux ethiques. ¶Le second document est que le laict de chameau est convenable aux ethiques lequel laict est subtil & de grande agnoscite & humidite, parquoy il les peult humecter, toutesfoys il est de moindre nourrissement que le laict de chievre pour la grande humidite qui est en luy parquoy nest pas si utile comme le laict de chievre, le laict de chameau qui a heu de peu de temps ung petit chameau grandement convient aux ydropiques, & a tous ceulx qui ont debilitation de foye, car il renouvelle comme dit Avicene au second canon au chapitre du laict. En oultre est assavoir que le laict dune anesse est plus propre aux ethiques que tout aultre laict, car le laict danesse decline a froideur et humi

[81]

dite et est subtil & fort penetrant & legierement ne se coagule pas comme le laict des aultres bestes selon Galien au .vii. chap. Et cest mesme sentence veult Avice. au premier livre. au .iiij. traicte au .iii. chap. quant il dit, & apres le laict de la femme nest pas de laict plus competant aux ethiques que laict de lanesse. et dit pareillement sil y a medecine qui puisse oster la fievre ethique cest le laict de lanesse toutesfois en comparant au laict de la femme il nest pas si utile, car le laict de la femme quant on le prent en sussant comme dit Avicene au lieu prealegue, est plus utile que tout aultre laict. Et la raison si est, car le laict de la femme est fort subtil, froit & humide, et semblable a nature humaine, sur tous aultres laictz facilement penetrant fort nourissant et tantost digeste. Et environ ce est a noter que le laict de la femme ou de lanesse nest pas tousjours utile aux ethiques mesmement aulcunesfoys plus leur convient le laict esbeurre en aulcuns cas. ¶Le premier est quant il y a solution de ventre avec la fievre ethique. ¶Le second est quant il y a soupecon ou quant on craint la coagulation du laict en lestomac ou quant il y a grant ardeur de la fievre, ou quant lestomac de sa nature est colerique par soy convertist le laict en colere et en fumosite. ¶Le tiers est quant la fievre ethique est conjoincte avec la fievre putride et par especial quant aux vaines na pas grande opilation, car le laict esbeurre restrainct le ventre et ne se convertist pas facilement en colere, car la graisse cestassavoir le beurre est sustraict et oste, par la quelle graisse facilement le laict senflame et aussi ne se pourrist pas facilement. ¶Le quart est quant lestomac est remply de maulvais humeurs corrumpus, car le laict esbeurre qui fait la douleur, et non pas le laict beurre. ¶Le tiers document est que le bon laict de vache & de brebis est fort nourrissant, pourtant quilz sont de plus grossesubst(an)ce t plus gase que lesaultres, omme dit Avicene au second canon auchapitre du laict, & n icelluy ch. dit parlantdulaict de vaiche dit) le lit outpotplus longuement que la femme est maulvais, & pourtant le laict de la beste quasi poirtant autant de moys comme la femme est le meilleur comme le laict de vaiche, mais rasis au .iii. livre dalmasor au chapi. du laict dit que entre le laict de

[82]

toutes bestes le laict de vaiche est le plus gros, & est convenable a ceulx qui leurs corps veullent engraissier. Le quart documen[t] en enseignement est, que laict nuyt a ceulx qui ont fievres ou dou[le]ur de teste, la cause est asses declairee par se que dessus est dit au chapitre des pommes et poires et des pesches.

¶Textus.

¶Lenit & rhumectat soluit fine febre butirum.

¶Exposition.

¶En ce texte dit lacteur les proprietes du beurre. La premiere est il appanist & mollifie le ventre par sa ventosite. La .ii. est que le beurre est humide, car il est compose des meilleures parties du laict parquoy luy convient estre moicte & humide come le laict dont il est tire. La .iii. est qui laiche le ventre & ceste propriete convient pareillement au laict, car il engendre lubricite aux boyaulx. Et ses proprietez met. Avi. au . ij. cha. du beurre, & le beurre cause ses proprietes dessusdictes aux corps sanis & non febricitans, car aux corps febricitans est fort nuisible, car par se unctueusite facilement il sembrase & senflame parquoy augmente la chaleur de la fievre. Item est a noter que jacoit ce que le beurre cause & engendre les roprietes dessudictes aux corps humains, toutesfoys pour la humidite & unctuosite qui sont en luy on nen doit point user souvent en grande quantit. Car ceulx qui en usent en grande quantite il engendrent abhomination, & fait la viande demourer en lorifice de lestomac, & laiche le ventre, plus quil nest de coustume, & fait pareillement vomir. Et par ainsi appert que comme de viande on ne doit point user de beurre en grande quantite, & par especial toutes aultres viandes mais seulement on en doit user en preparent les aultres viandes.

¶Textus.

vIncideit atque lauet penetrat mundat quoque serum.

¶Exposition.

¶Icy sont mises quattre proprietes du petit laict, ou du moyen. ¶La premiere est que le petit laict est incisif et subtilatif.

¶La. deuxiesme est quil est lavatif & abstertif. ¶La .iii. est quil est penetratif, et ceste icy sensyt de la premiere. ¶La quaatriesme est quil est mondicatif & purgatif. Et troys de ses proprietes narre

[83]

Avicene au .ij. canon au chapitre du laict, disant que leaue du laict ou du petit laict est subtiliatif, lavatif, & solutif, & na pas mordication. rasis au .iii. livre dalmasor dit que le petit laict evacue la colere rouge, & degette les pustules du corps & du visaige. et est de grande utilite a ceulx qui sont ytericiens ou autlrement qui ont maulvaise couleur, & pareillement a ceulx qui sont travaillez par trop boire de vin. ¶Textus.

¶Caseus est frigidus, stipas, grossos quoque durus.

Caseus & panis bonus est cibus : hic bene sanis :

Si non sunt sani tunc hunc non iungito pani.

¶Exposition.

¶En ce present texte nostre acteur fait deux choses. en la premiere met quattre proprietez du froumaige. ¶La premiere est que le froumaige est de froide nature cestassavoir le nouveau & non pas le froumaige ancien lequel est chault & sec comme dit Avicene au second canon au chapitre du froumaige. Et se doit entendre pareillement du froumaige qui est coagule non pas de chose fort contraire a la nature laict, car on treuve du froumaige de nature chaulde qui eschauffe lestomac, & est mordicatif a la langue, pour la commixtion daulcunes choses quilz sont meslees avec luy comme daulcuns froumaigs vers lesquelz eschauffent fort le corps quant on en prent grande quantite. ¶La .ii. propriete est que le froumaige est constipatif, & par especial se doit entendre du froumaige vieulx auquel il y a beaucoup de presure. ¶La .iii. est que le fromaige engendre grosses humeurs, car tout fromaige est fait de la plus grosse & terrestre partie du laict. ¶La .iiij. est que le fromaige est dur cestadire fait le ventre dur & ceste propriete est semblable a la seconde. En la .ii. chose dit jacoit ce que le fromaige quant il est mengie seul ne soit pas sains, car il est de maulvaise digestion comme dessus est dit, toutesfoys quant il est mesle avec du pain & en petite quantite il est de plus facile digestion et plus sain au regard du corps bien dispose & non pas du corps malade. ¶Textus.

¶Ignari medici medicunt esse nociuum :

Sed tamen ignorant cur nocumenta seram

[84]

Languenti stomacho caseus addit opem

Si post sumatur terminat ille dapes.

Qui phisicam non ignorant hec testificatur.

¶Exposition.

¶Icy nostre acteur reprent ceulx qui absolument blasment le fromaige & dit que on ne doit point blasmer le fromaige son ne le cognoist en quoy il est maulvais, & en quoy il est bon, et met deux ses utilites. ¶La premiere est que le fromaige conforte lestomac malade, mais quil ne soit point de composition contraire, car alors tout fromaige luy est contraire, et aussi, mais quil ne soit pas debilite par longue maladie. En oultre dit que tout froumaige nouveau lequel nest pas de trop grande viscsite est utile a lestomac chault, car comme dit rasis en son .iij. livre dalmasor il reprime la grande calidite et larfeur de lestomac. Pareillement il est convenable a lestomac sec pour lhumidite qui est luy. Et audict estomac chault & sec est fort nuysivle fromaige vieulx ayant acuyte, grande habondance de presure, et convient ledict fromaige vieulx a lestomac ayant habondance de fleumes aderantes au panicule de lestomac pourtant par son acuite divise la fleume & le absterge. ¶La seconde utilite est que le fromaige prins apres trestoutes refection fait descendre la viande au fond de lestomac, la ou principalement la digestion a grant vigueur comme scevent ceulx qui ont lart de medecine. en oultre Rasis dit du fromaige ayant grande acuyte que quant apres la refection on en prent en petite quantite il conforte & fortifie lorifice delestomac & la disposition nauseative, laquelle procede des viandes doulces.

¶Textus.

¶Inter prendendum sit sepe parumque bibendum

Ut minus egrotes non inter fercula potes.

vExposition.

¶En ce texte dit lacteur que entre deux repas come du disner & du souper nous devons eviter & garder de boire, car quant on boit sur la viande qui nest pas encore digeree on corrumpt & empesche toute la digestion et descend la viande a demy cuyte, & digere au foye causant oppilation, fievres, a plusieurs aultre maladies tresdangereuses.

[85]

¶Textus.

¶ut vites penam de ptibus incipe cenam.

¶Exposition.

¶En ce present texte dit lacteur que on doit comencer a souper par boire, & se doit par le breuvaige entendre viandes liquides lesquelles sont de facile digestion, comme ypocras le prent en la .ij. partie des enfforismes quant il dit. Mieulx vault soy remplir de breuvaiges que de viande. Et la raison prouvant quil vault mieulx commencier par viandes subtiles & de facile digestion que par grosse est se on mettoit la viande grosse devant la subtile elle seroit plustost digeree que sa grosse difficile a digerer, pourtant quelle ne peult avoir ysse pour lempeschement que luyf ait la ianderoseelle se corrumpt et corrumpt la viande grosse en partie digeree parquoy il sensuyt plusieurs grans inconveniens.

¶Textus.

¶Singula post ova pocula sume nova

Post pisces nux sit : post carnes caseus asit.

Unica nux prodest : nocet altera : tertia mors est.

¶Exposition.

¶En ce texte lacteur declaire aulcuns enseignemens. Le premier est que apres ce que on a mengie ung œuf mollet nouveau on doit boire, & par especial ung traict de vin, la raison est car loeuf mollet et recent est de bon nourrisement & de facile digestion & n peu de quantite nourrist fort, & par especial le moyeuf. et le vin qui est amiable a nature est cause que loeuf doit estre tire plus asprement aux membres nutritif. Lautre cause est, car loeuf ne descend pas facillement et pour faire mieulx son descendement cest chose utile de boire. Le second enseignement est apres que on a mengie poisson on doit mengier des grosses noix en lieu de fromaige, car la grosse noix par sa secheresse deffend le poisson dengendrer multitude de fleume a laquelle est enclin par complection naturelle, et ce est la cause pourquoy en karesme au dernier du repas on mengeue des noix. ¶Le troisiesme enseignement est apres que la personne a mengie de la chair il doit prendre du froumaige & non pas des noix, car elle sont

[86]

de trop grande decication, et non pas le fromaige, mais fait le fromaige descendre la viande au font de lestomac auquel la vertu digestive a vigueur. Et ce est chose veritable du fromaige moyen entre lantique et le nouveau. En apres dit le texte au dernier ver que une seulle noix, cestassavoir la noix muscade est proufitable au corps humain, car elle conforte la veue, lestomac, le foye, et la ratelle et donne bonne odeur a la bouche, comme dit Avicene au .ii. canon au chapitre de la noix muscade, mais la seconde noix, cestassavoir laveleine, ou la noix commune nuyt, car elle est inflative & engendre ventosite au ventre, & fait douleur de teste, & est difficile a digerer & donne appetit de vomir comme dit Avice. au .ij. chapi. de la noix. La tierce noix, cestassavoir de larbalestre est mortelle, car larbalestre occist le corps humain. Ou on peult entendre par la tierce noix, la noix de matail laquelle selon Avicene est medecine venimeuse au .ii. canon au chapitre de la noix de metail.

¶Textus.

¶Adde potum piro nux est medicina veneno

Fert pira nostra pirus sine uino sunt pirum uirus

Si pira sunt uirus sit maldicta pirus.

Si quoquas antidotum pira sunt : sed cruda uenenum

Cruda grauant stomachum releuant pira cocta grauatum.

Postea pira da potum post pomum uade fecatum.

¶Exposition.

Aux premiers vers lacteur met ung enseignement & dit que apres que on a menge des poires on doit boire du vin. Et la cause est par avant souffisamment declairee, car les poires engendrent ventosite par propriete & collique passion & remplissent le sang daquosite & pource apres quant on mengeue poires on doit boire du vin fort & chault carminatif de ventosite, & consumptif daquosite, lequelz engendrent les poires. Secondement il dit que la noix est medecine contre le venin comme est declaire en ce texte. Alea nux ruta &c. En apres au .ij. ver & au .iij. il dit que les poires mengees sans boire vin sont venin, cestadire qui nuysent aux corps humains pour la cause declaree toutes les poires ne sont pas proprement venin car selles estoient proprement venin leur mengier occiroit la personne.

[87]

En apres au .iiij. ver il dit que les poires creuessont venin cestadire nuysant au corps, car ilz font ebulition es humeurs & collique passion, toutefoys se on les cuyt elles sont bonnes en medecine en maniere declairee prinse avec le vin, & par especial apres la refection & donne ayde a laicher le ventre. En apres au .v. ver dit que les poires crues grevent lestomac, car elles empeschent la digestion de lestomac et font inflation destomac & de ventre, mais les poires cuites relevent lestomac & le mettent en sa disposition naturelle. Et apres aux derniers vers dit deux choses. La premiere est que apres le mengier de la poire on doit boire du vin pour la cause declairee. Secondement il dit que apres le mengier de la pomme on doit aller au retraict. et selon Avice. au .ij. livre au chapi. des pommes doulces & aceteuses trouvent aulcunes humeurs grosses en lestomac elles les font descendre de lestomac es intestins a cause quil enflent le ventre engendrent viscosites lesquelz nature expulse es parties basses.

¶Textus.

¶Cesara si comeda tibi confert gaudia dona

Expurgant stomachum nucleus lapidem tibi tollit

Et de carne sua sanguis ertique bonus.

¶Exposition.

¶En ce texte present dit lacteur que les cerises mengees sont tres utiles au corps humain. La premiere est que les cerises purgent lestomac & celle utilite est veritable selon aucuns docteurs quant la pierre est mengiee & quassee en lestomac, car elle a aulcune vertu abstersive & mondicative. La seconde utilite est, que le noyau de la pierre a vertu de rompre la pierre des reins & de la vescie quant on la mengeue sec ou mis en forme de laict avec eaue appropriee. La tierce est que la chair des cerises engendre bon sang & conforte et engraisse le corps. Et icelle chose est congneue & provee par experience, car nous veons que les passeras quant ilz mengent grande quantite de cerises il augmente fort leur foye plus que en aultre temps, doncques cest signe & probation que les cerises augmentent le foye & confortent. et enciron icelle utilite est a noter quil sont deux manieres de cerises cestassavoir grandes & petites les grandes encore sont doubles, car aulcunes sont doul

[88]

ces & aulcunes aceteusee. Toutes les cerises doulces & petites sont mal saines & de facile corruption, et au corps engendrent vers les grosses aceteuses sont nommees cina & sont encores divisees, car aulcunes sont rouges de chair molle & icelles se doivent menger recentes & nouvelles. et au commencement du repas & ont vertu abstersive & mondifie. Les aultres sina sont noires & grosses de dure chair attrempeement & sont fort pontiques & icelles se doivent mengier en la fin durepas. Et la cause est car par leur ponctivite ilz closent lorifice de lestomac, parquoy len fait meillleure digestion.

¶Textus.

¶Infrigidant laxant multum prosunt tibi pruna.

¶Exposition.

¶En ce texte dit lacteur que les prunes ont deux utilites aux corps humain. la premiere est que elle refroide. Et pour tant les portingaloys qui demourent est region chaulde ilz mettent cuyre les prunes de damas avec leurs chairs. La seconde utilite est que les prunes laichent le ventre a cause de leur humidite & viscosites selon Galien au second livre des elemens. et ce est verifie des prunes qui ont maturation, car celles sont crues & non meures sont stiptiques & de petit nourrissement comme dit Avice. au second livre au cha. des prunes. et jacoit ce que les prunes de damas ayent icelles deux proprietes toutesfoys par especial icelles deux proprietes sont trouvees aux prunes qui sont apportees de laterre de armenie, car sur toutes prunes sont les meilleurs & qui mieulx laichent le ventre come dit Avi. au cha. dessus nomme. Et pour avoir plus grandes declarations dicelles proprietes est a noter que les prunes meures sont en usance, & non pas les verdes et non meures. en oultre les prunes plus convenables aux corps humain sont celles qui sont de figure longue, & peu de chair & dures decliantes a secheresse & qui ont lescorce exteriore tenvre & qui sont de saveur non totelement doulce, mais tandant a aculcune aigrete avec doulceur et de telles maniere sont les prunes de dams, car icelles refroident le corps comme dessus est declaire. Item de prunes sont plsuieurs autres espesses desquelles lusance nest pas reprouvee. Samblablement ilz sont aulcunes petites prunes de bois & non laxatives, mais elles re

[89]

serrent le ventre, desquelles est fait eaue distillee pour restraindre le ventre. Item les prunes prises pour laicher le ventre doivent premier tremper en eaue froide, car ainsi plus parfaitement refroide & humecte la colere & laiche le ventre, & par ainsi lestomac & est mieulx dispose a recepvoir la viande. En oultre est a noter que les prunes recentes sont plus alteratives, mais elles sont de moindre nourrissement et de grandes superfluites. et comme est declaire des prunes pareilement est a entendre des cerises hascun en son espesse, toutesfoys les cerises sont de plus grande humidite & plus subtiles & moins viscieuses, & pourtant sont de moindre nourrissement que les prunes.

¶Textus.

¶Persica cum musto vobis dantur ordine iusto

Sumere sic est mos nucibus sociendo racemos

Passula non spleni tussi ualet est bon reni.

¶Exposition.

¶En ce texte sont declaires trois enseignemens. Le premier que la pesche se doit menger avec vin ou avec moust pour deux cause. La premiere est, car le moust engendre ebulition et grande chaleur au corps humain, laquelle ebulition oste la froideur superflue de la pesche, car les pesches refroident fort les corps humains. Item la maniere de mengier les pesches & plusieurs aultres fruictz e este dessus declaire en cetexte. Persica poma pira &c. Le .ij. enseignemen est que le raisin se doit mengier avec les noix seiches & antiques, car les recentes sont saines, & les antiques seichess ont fort dessicatives, et a cause de leur grant unctuosite de legier enflambe lecorps, & pourtant avec elles doit on mengier du raisin lequel par sa grande humidite resiste & oste la dessication & la inflamation des noix desquelles dessus a este souffisamment declaire en ce texte. Alea nux ruta. Le .iii. est que le raisin nomme .uva passa, cestadire raisin de karesme nuyst a la ratelle & fait en luy oppilation, mais est utile aux reins, a cause qeulels provoquent lurine & mondifient les reins.

¶Textus.

¶Scrofa tumor glandes ficus cataplasmate cedit

[90]

Junge Papauer ei confracta foris tenet ossa.

¶Exposition.

¶En ce present texte lacteur dit que lemplastre faicte de figues fait deux utilites aux corps humain. ¶La premiere est que figues cuytes avec aulcunes liqueurs & appliquees avec leurs humidites garissent troys maladies, cestassavoir strophules, glandules, et apostumes. Item strophules sont inflations ulcerees soubz le menton ou au col, et strophula descend de scropha qui signifie truye, ou pourceau, a cause que celel maladie ient communement aux truyes par leur gourmandie, ou a cause que la figure dicelle maladie ressemble a la truye comme veult Avicene en la.iii. distinction au .iiij. chapitre des strophules. Item gladules sont ennuieuses venant communement aux asscelles, aux aisnes, & au col. item tumeurs sunt inflations par tout le corps. Item pour garir et madurer icelles apostumes il fault cuyres les figues en eaue avec ung petit de vinaigre pour donner penetration a la vertu madurative, & apres la decoction faicte se doyvent broyer en ung mortier avec ung petit deaue de la decoction, et faire cathaplasme proprement est medecine faicte de quelque chose avec son jus comme dit celluy ver. Tunc cathaplasma faris cum succum ponis & herbam. La .ii. utilite est que cathaplasme fait de figues et de semence de pavot rejoinct les os rompus et doyvent boullir en eaue sans vinaigre & puis broyer en ung mortier & applpiquer dessoubz a la cause que on y met du pavot est affin quil endorme le membre souvent & oste la douleur grande qui communement sourvient aux fractures des os, & provoque le dormir, et les figues attirent les humidites au dehors pour reglutiner & engendrer leporus sarcoides, car les os rompus jamais ne se peuvent rejoindre ne venir a vraye continuation. en oultre est a noter que le pavot est de .iij. especes, cestassavoir blanc, rouge, & noir. Le rouge est silvestre venimeux & croit es bledz, et jeunes estudians broyent les fleurs en ung mortier & en font une espece dencre.

¶Textus.

¶Pediculos uenerem facit : sed cuilibet obstat.

¶Exposition.

[91]

¶En ce present texte lacteur declaire deux operations des figues. ¶La premiere est que mengier souvent des figues engendre grant multitude de poulx au corps humain. et dit Avice. au .ij. canon au cha. des figues que celle propriete se doit entendre des figues seiches, & donne la raison, car figues engendrent humeurs corrumpues & provoquent ferveur grande desdictes humeurs corrumpues, desquelles sont engendres poulx en grande quantite. La seconde operation est que les figues incitent la personne a luxure a cause quelles engendrent ventositez qui sont cause de faire dressier le membre viril, & augmente le sperme et grandes superfluitez au corps.

¶Textus.

¶Multiplicant mictum ventrem dant escula strctum

Escula dura bona : sed mollia sunt meliora.

¶Exposition.

¶En ce present texte declaire lacteur deux utilies des nesples. vla premiere est quelle provoque lurine a cause quelle endurcist les matieres fecales et les liqueurs retournent des intestins vers les reins & la vescie. La seconde est que les nesples constipent le ventre a cause quelles sont de saveur pontique & stiptique. Parquoy le texte infere ung correaire, et dit que les nesples dures sont bonnes pour resserrer le flux de ventre, et les nesples molles sont meilleures que les dures, car elles sont plus nutritives et moins constipent le ventre. Et environ ce est a noter que les nesples sont de moindre nourrissement que les pommes, poires, pesches, figues, & autres semblables et ce souffisamment demonstre leur saveur et duresse encore apres quelles sont meures, & pourtant des nesples ne doit ont guaires mengier en forme de viande fors que de medecine, & a cause que leur vertur est si grande stiptique competent fort au flux de ventre. Et en oultre les nesples sur lherbe ne viennent pas a vraye & souffisante molesse & muturation pour mengier, & pourtant devant que on les mengeue doivent estre mollifiees & madurees artificiellement pour les avoir plus delectables au goust, & de moindre constipation.

¶Textus.

¶Prouocat urinam mustum cito soluit & inflat.

[92]

¶Exposition

¶En ce texte lacteur declaire troys utilites du moust. ¶La prmeiere est quil contient en luy aulcunes parties terrestres intreuses mordantes la vescie quant elles viennent en elle, & pour ladicte introsite & mordication la vescie est incitee et contraincte de expulser lurine. Et icelle propriete se doyt entendre du moust ayant lies mordantes comme sont plusieurs vins de rin, car les moust qui sont prives de lyes grosses mordantes ne provoquent pas lurine, ains font oppillation & deffendent lurine. ¶La .ij. utilite est que le moust tantost laiche le ventre pour une mesme cause derniere declairee. ¶La .iij. est que le moust est inflatif a cause de lebulision quil fait en corps humain laquelle engendre ventosite. et les causes dicelles deux proprietes ont este declairees en ce texte. Impediunt urinam. ¶Textus.

¶Grossos humores nutrit cervisia uires

Prestat & augmentat carnemm generat atque cruorem

Prouocat urinam uentrem quoque mollit & inflat

Infrigidat modicum sed plus desiccat acetum

Infrigidat macerat melanc dat sperma minorat

Siccos infestat neruos & pinguia siccat.

¶Exposition.

¶En ce texte lacteur met deux choses. Premierement il met .viij. proprietez de la cervoise. ¶La premiereest que la cervoise engendre au corps grosses humeurs, & ce doit entendre ceste propriete en faisant comparation de la cervoise au vin. Encore la cervoise est diverse & engendre grosses humeurs selon les grains divers desquelz elle est composéee, car la cervoise faicte de grains de grosses substance engendre grosses humeurs, & celle qui est faicte de grains de moindre substance engendre moins grosses humeurs. ¶La .ij. est que la cervoise augmente la force, cestassavoir celle qui est faicte de bons grains & avec ce de grande decoction comme cervoise datrisse & dangleterre, icelles sont nutritives parquoy augmente la vertu. ¶La .iiij. est quelle multiplie le sang pour une mesme raison, & ces .iii. proprietez sont

[93]

veritables de la cervoise antique faicte de bons grains et de grant decoction. La .v. est quelle laiche le ventre, ces deux proprietez sont veritables de la cervoise clere fort hoberonnee, cest ou il y a multitude de hoberon comme cervoise dambourch laquelle provoque lurine & laiche le ventre a cause du hoberon, toutesfoys elle nuist a ceulx qui ont le cerveau debile, car iceulx facilement enyvre & trouble lentendement a cause de la multitude du houberon. La septiesme est quelles enfle le ventre. Et sentend de cervoise qui nest guaires boullie comme est la cervoise de holande nommee keute qi moult enfle & opille a cause quelle engraisse moult. La .viij. est que la cervoise refroide ung petit comme la cervoise de holande, brebant, flandres, et de haynault, & est celle que on use communement. Et tout ce sentent en comparant la cervoise au vin. Icy est a noter que la cervoise se peult faire de divers grains comme davoyne, dorge, et de froument, lesquelz grains font pareillement la cervoise de diverse complection, car celle qui est faicte dorge ou davoyne oppille moins, moins engendre ventosite, & moins gouverne le corps. et cervoise faicte de froument est plus chaulde, plus oppille, et mieulx gouverne. Et daultant que la cervoise est plus grosse daultant est pire, & la plus subtile est la meilleure. En oultre est a noter que cervoise faicte de choses inebrante est la pire comme celle qui est faicte dung grain nomme lalium, & fait douleur de teste et blesse les nerfz. En apres le texte met .v. proprietes du vinaigre. La premiere est que le vinaigre desseiche, car Avicene dit au .ii. canon au cha. du vinaigre quil est de forte exication, & pourtant ce les medecins commandent en temps de peste de user vinaigre avec les viandes & avec son boire Avicene dit en la .iii. distinction du premier livre au .viij. cha. que user vinaigre en son boire & mengier en temps de peste fait lhomme seur de la peste. La deuxiesme est que le vinaigre refroide par la propriete qui est en luy. La .iii. propriete est que le vinaigre fait lhhomme maigre. Raison si est, car il desseiche, & sentend principalement quant le vinaigre est prins en lestomac a jung comme veult Avicene en la .iii. distinction du premier livre au cha. de amaigrir le corps

[94]

gras. Toutesfoys cest chose veritable que souvent user de vinaigre en jung maine le corps a plusieurs accidens maulvais comme a debilitation & effension de poitrine, & esmeult la toux, lestomac & le foye fait debiles, les nerfz et les joinctures degaste. La quatriesme est que le vinaigre engendre melancole, a cause quil refroide et desseiche les humeurs. La cinquiesme est que le vinaigre diminue la sentence, car il desseiche, refroide, et amaigrist, et icelle proprietes du vinaigre met rasis au troisiesme livre dalmasor quant il dit. Le vinaigre est froit et sec et maigrete induyt, la force destruit et la semence diminue, la colere noire augmente, la colere rouge et le sang fait debile et diminue, et subtile les viandes antiques avec luy mesleez. En apres au dernier ver adjouste trois choses. La premiere est que le vinaigre nuyt aux lmaigres. Et raison est, car il dessaiche et aguise, fait augmenter en sa secheresse, car semblablement il nuyt avec son semblable, & fait lautre augmenter, & aussi complections maulvaises doivent estre medecines par son contraire, car par son semblable se fait pire. La .ii. est que le vinaigre nuyt aux nerfz comme dit Avi. au .ii. li. au cha. du vinaigre. La .iii. est que le vinaigre fait esmaigrir comme dessus il est plus aplain declaire.

¶Textus.

¶Rapa iuuat stomachum nouit producere uentum

Prouocat urinam faciet quoque dente ruinam.

Si male cocta datur hinc torsio tunc generatur.

¶Exposition.

¶En ce texte sont declairees trois choses utiles des naveaux attrempeement cuites. La premiere utilite est que le naveau aide & conforte lestomac, car bien il se digere en lestomac sans le blesser ne grever. ¶La .ii. est que les naveaux engendrent vent comme lecperience le monstre. La .iii. est quelle provoque lurine. et oultre icelles proprietes averoys dit quelles ont grant proprietez a conforter la veue, mais le nuysement des naveaux est leur continuation nuyt aux dentz. Au dernier ver dit lacteur que les naveaux mal cuictz font torsions au corps en multipliant ventosites come dit ce proverbe. Ventum sepe rapis si tu uis uiuere rapis. et est a noter que les queues de naveaux laichent fort le

[95]

ventre. Pour plus ample notice est a noter que de toutes racines le naveau & le plus convenable pour nutriment du corps humain comme appert souffisamment par la doulceur & amour que homme treuve en la saveur des naveaux, & icelle doulceur & amour est en toutes viandes car les choses doulces restourent fort le corps, les ameres et pungitives ne restaurent guaires & pource que les naveaux sont plus doulx que toutes aultres racines pungitives ilz ont cours comme autres viandes, mais ilz engendrent gros sang melancolique se la digestive est debile, et cest chose utile de les depurer de la premiere eaue & nullement ne se doivent mengier cruz, & incite lhomme a luxure, et mondifie les voyes urinales.

¶Textus.

¶Egeritur tarde cor digeritur quoque dure.

Similiter stomachus melior sit in extremitates

Reddit lingua bonum nutrimentum medicine

Digeritur facile pulme cito labitur ipse:

Est melius cerebrum gallicanrum reliquorum.

¶Exposition.

¶En ce texte. v. proprietez du cueur sont declairees. ¶La premiere est que le cueur de toutes bestes est de tardive digetion & aussi de tardive egestion, & la cause est car le cueur est chair melancolique qui difficilement se digere, & tare descende de lestomac & des intestins, et la chair en est maulvaise selon Avicene au chapitre de la chair au .ii. livre, et est de petite nutrition comme dit rasis au .iii. l. dalmasor. ¶La .ii. est que lestomac semblablement est mal a digerer et tardif a descendre, la cause si est car lestomac est membre nerveux, & catilagineux, pouce est difficile a digerer, & pour une mesme raison engendre maulvais sang. En apres dit le texte que les extremites de lestomac comme le foye & lorifice sont plus faciles a digerer, a cause que icelles parcies sont plus grasses & plus charnues. ¶La .iii. est que la langue est de bon nourrissement principalement la partie vers la racine, cestassavoir la gule comme veult Avicene au .ii. canon au cha. de la chair, & la cause est car cest partie charneuse facile a digerer. Et entre les langues la langue du pourceau, quant la peau est rotye est equi

[96]

paree a la chair dung ver comme scevent les trancheurs des roys et des grans princes toutesfoys la langue du beuf nest pas fort saine a cause de sa grande humidine les gens gloutons & ceulx qui voulentiers mengeussent langues avant le rotissement & assation emplissent de cloux de girofles affin que par la vertu des cloux lhumidite en partie soit consumee, & sont convenables a mengier. La .iiij. est que le polmon est de legiere digestion, & de facile egestion a cause que de sa nature il est mol, toutesfoys son nutriment nest pas convenable a nature humaine, car il est fleumatique & de petit nutriment come dit Avicene au .ii. livre au cha. du mouton. Et environ ce est a noter que jacoit ce que le polmon du mouton ne soit pas bon a mengier, nonobstant cest medecine bonne & prouffitable aux excoriations du talon faicte des soliers quant on lappliques chault dessus comme dit Avicene au chapitre dessus allegue. La .v. est que le cerveau de geline ou poulle est le meilleur entre les cerveaux duquem dit Avicene ou .ii. livre quil reserre le flux de sang des narilles & se doit avec sel ou espisses mangier a cause quil est vomitif. Et est a noter que les medecins dient que le cerveau du poullet augmente la mémoire, & que le cerveaulx des porcz ne sont pas convenables a lhome, mais les cerveau du mouton, du lievre, & du counis avec sel ou espisses peult aucunement convenir a lhomme & estre mangie, & du cerveau a est dessus declaire plus aplain. ¶Textus.

¶Semen feniculi fugat & spiracula culi.

¶Exposition.

¶En ce present texte est mus ing enseignement, & est que la semence du fenoul nomme maratrum expulse les ventositez ou dissoulx. La cause si est, car il est chault & sec & carminatif. Et environ ce est a noter que selon plusieurs medecins quattre utilites viennent de user de la semence de fenoul nomme maratrum. ¶La premier cy est quellest prouffitable aux fievres. ¶La .ii. est quelle degaste et deboute le venin. ¶La .iij. est quelle mondifie lestomax. ¶La .iiij. est quelle aguise la veue, & de ces utilites sont escriptz telz. Bis duo dat maratrum febres fugat atque uenenum. et purgat stomachum lumen quoque reddit accutum. Et icelles mesmes utilites met avice.

[97]

au .ii. livre au chapitre du fenoul. Environ la .iiij. utilite est a noter au chapitre du fenoul, la ou dit Avi. Demoritus disoit que les vers venimeux mengoient la semence du fenoul recente, affin que leur veur fust renforcee, & les serpens & couleuvres touchoyent leurs yeulx encontre le fenoul quant elles yssoient de leurs cavernes apres lyver affin que leurs yeulx fussent aclersis & allumes. En oultre est a noter que le fenoul est de tarde digestion & donne aux corps petit nutriment. pource ne compete pas aux corps pour viande, mais pour medecine. Du fenoul donc nul nen doit user en regime conservative de sante, forsques pour preserver & corriger les malices daulcuns viandes comme nous meslons du persil avec lectues pour oster en partie la froideur & humidite deslectues, pareilleement avec caturbites se peult mesler fenoul & aussi avec raves pour corriger leurs nocumens.

¶Textus.

¶Emendat uisum : stomachum confortat anisum

Copia dulcoris anisi sit melioris.

¶Exposition.

¶En ce texte sont mises deux utilites de laniz. La premiere est que laniz conforte la veue. La .ii. que laniz conforte lestomac, raison est, car laniz mondifie lestomac des superfluites fleumatiques & eschauffees. et pource est utile a la veue, car il nest riens plus nuysible a la veue que limmondicite de lestomac, car en lestomac plain de superfluites se eslevent fumees caligineuses nuysibles aux yeulx faisant turbation aux esperitz visibles. Et ces deux utilites fait lenis doulce. Oultre ces utilitez Avice. au .ii. au cha. daniz met plusieurs aultres utilites de laniz, car avice. dit quil est sedatif de douleurs, resolutif de ventosites, & apaise la soif causee par humidite salce, & est apertif des oppilations du foye, de la ratelle, des reins, de la vescie, & de la matrice, & provoque lurine & le menstrue, & mondifie la matrice des fleurs blanches, & destruit luxure. ¶Textus.

Si cruor emanat spodium sumptum cito sanat.

¶Exposition.

¶En ce texte est mise une utilite de spodium. et est que spodium prins restraint le flux de sang a cause quil a propriete grande de con

[98]

forter le foye, & ainsi le foye reconforte a cause du spodium retient le sang duquel il est la fontaine & originement dit Avicene au .ii. livre au chapitre de spodium, que spodium sont racinnes de cannes brulees. et dit on que icelles racines se adurent & brullent par frication de ses extremites lune contre lautrequant le vent les faule et esmeult. Toutesfoys symon januense dit que spondiu est chose de laquelle loriginement nous est occulte, nonbstant ce semble a veoir chose aduste faicte par combustion des cannes. et notes que spodium ne confere point seullement au flux de sang, mais aussi au flux superflu du ventre, & au vomissement comme tesmoigne rasis au .iij. livre dalmasor. Et confere aux fievrez agues, & conforte le cueur. Et au defaillement de cueur & tremeur fait par effusion de colere du foye, a lestomac donne grant aydement comme veult Avicene au chapitre allegue. et est a noter environ les choses desudictes comme spodium a aspect & propriete de conforter le foye, semblablement ils sont aulcuns medecines ayant proprietes de conforter aultres membres come macis conforte le cueur, le mucz le cerveau, le raglise le polmon, les cappes la ratelle, galingal lestomac, comme appert en ses vers. Gaudet aperspodio : mace cor : cerebrum quoq(uue) musco. Pulo liquiria. splen cappare : stomachus galanda.

¶Textus.

¶Uas condimenti preponi debet edenti

Sal uisus refugat & non sapidumque saporat

Nam sapit esca male que datur absque sale

Orunt persalsa uisum sparmaque minorant

Et generant scabiem pruritum siue uigorem.

¶Exposition.

En ce texte trois choses declaire lacteur. Premierement met ung enseignement general observe de toutes gens & est que la saliere ou le sel se doit premierement mettre a table & premier oster comme dit ce commun ver. Sal primo poni debet : prioque deponi, car table sans sel est mal paree. Secondement enseigne lacteur .ii. utilites du sel. La premiere est que le sel resiste contre venin pour deux causes. La premiere est, car il est dessicatif & par sa secheresse il desseiche les humidites desquelz ce peult en

[99]

suyvre corruption. Lautre cause est pource que le sel comprime les humidites en les tirant hors & ainsi clost les conduitz du corps et pourtant il prohibe la penetration du venin qui se fait par les cotduitz ouvers. La .ij. utilite du sel est que le sel fait saveur es viandes, car experience le demonstre que nulles viandes non saveur sans sel comme dit le tiers ver du texte. Tiercement lacteur met .iiij. nocumas du sel & des viandes fort salees qui font perir la veue pour deux raisons. La premiere est pource que les viandes fort salees font venir les yeulx a trop grande secheresse laquelle leur est moult contraire, car ilz sont de nature deaue comme dit le philosophe de sensu & sensato. La .ii. cause est, car les viandes dort salees font pourritures et mordications come devant a este declaire, que des viandres mordicatives & purritures estans en lestomac font vaporations & fumees mordicatives nuysans fort aux yeulx & a la veue & les font rougir. Le .ii. nocument est que les viandres fort salees diminuent la semence de lhomme a cause quilz desseichent fort toutes humidites au corps. ¶la .iij. est que le sel & viandes fort salees engendrent rongnes a cause quil fait humeurs adustes, salles & mordantz, & telz humeurs sont cause des rongnes & pourritures, ces .iiij. nocumens a escript rasis au .iii. li. dalmasor quant il dit que le sel fait le sang aduste & debilite la veue dicelluy qui en prent grande quantite & diminue la semence & engendre pourritures & rongnes. Et oultre iceulx nocumens les choses fort salees font lhomme serpineux & venir morpher & lepreux, especialement es corps disposes & font excoriation des reins & de vescie, toutesfoys les choses salees attrempeement garissent lestomac facheux, & aguisent, & incitent lappetit.

¶Textus.

¶Hi feruore uigent tres salsus amarus acutus

Alget acetosus sic stipans ponticus atque

Unctus & insipidus dulcis dant temperamentum.

¶Exposition.

¶En se texte sont mises les qualites des saveurs. Premierement dit lacteur .iii. saveurs, cestassavoir saveur salse, saveur amere, et saveur ague eschauffent le corps dicelluy qui le prent. Seconde

[100]

ment dit que ses .iii. saveurs comme saveur aceteux, saveur stiptique et saveur pontique refroidissent le corps. Tiercement dit que .iii. saveurs comme saveur unctueux, saveur insipide, & saveur doulce sont attremppees, car ils neschauffent ne refroidissent le corps humain. Et pour plus ample entendement est a noter que selon Avice. au. ii. canon au .ij. traict au chapi. viii. sont .viii. saveurs qui enseignement la saveur insipide, & sont doulceur, martume, aguit, salure, acetosite ponticite, stiptique, & unctuosite, toutesfoys en comptant saveur insipide pour saveur comme fait le texte ilz sont .ix. Et adonc saveur est prinse pour toutes choses qui minuent le goust de lhomme, & de ses saveurs les .iii. sont chaultz, cestassavoir saveur salse, saveur amere, et saveur ague. Et selon Avicene au cha. allegue, de saveur ague est le plus chault, en apressaveur amere, & puis la salse, car les choses agues sont les plus fortes à resolver, inciser, & abstergier que choses ameres, en pares les choses salees sont comme les choses ameres refrenees avec humidite froide. Et. iij. dicelles saveurssont froides, cestassavoir aceteux, stiptique, & pontique. Et la saveur pontique est le plus froit, en apres le stiptique & dernier laceteux, et pource en tous fruictz qui acquierent doulceur premier y est saveur pontique de grande refrigeration. En apres quant le soleil a aulcunement digere le fruict par sa chaleur & influence digestive, le fruict est de saveur stiptique, en apres decline & vient a ceteusite come fait verjus, en apres de doulceur. et jacoit ce que les choses aceteuses soient moins froides que les stiptiques, toutesfoys a cause de sa grande subtilite & penetration communement il est de plus grande infrigidation selon Avicene au chapitre allegue, pontique stoptique sont en saveur prochain, maiss tiptique retraict & fait aspre la langue en la partie superficiale seulement, mais saveur pontique fait la langue retraire & aspre en la partie superficiale & es parties interiores. et troys de ses ssaveurs sont attrempees, car ilz ne sont pas de grande chaleur ne de grande froideur comme saveur doulce unctueulx et insipide, & jacoit ce que la saveur doulce soit chaulde, toutesfoys ny a point grande chaleur comme dit Rasis au .iij. livre dalmasor. Et oultre est a noter que une chascunesaveur a propres operations comme veult Avicene & Rasis alle

1514-Regimen sanitatis en francoys (Arnaud de Villeneuve) (101-150)

[101]

guez es lieux dessusdictz. Les operations de saveur doulce sont digestion, lenification, & multiplication de nutriment & nature laume & le tyre a luy par sa vertu attractive, & selon Rasis choses doulces engendrent colere & oppilation au foye & en la ratelle, & par especial se les membres sont seez enclins par leur nature & fait flux de ventre, & mollifie lestomac, mais confere au polmon & a la poinctrine, engresse le corps & augmente le sparme. Les operations de saveur amere est abstertion, exasperation. Et selon Rasis il eschauffe et decesseiche fort & fait incontinent le sang aduste & venir a grande malice & augmente la colere, et le sang. Les operations de saveur pontique selon Avicene est contraction quant le potifice est debile et expression quant elle est forte & vertueuse. Et selon rasis saveur pontique refroide & desseiche le sang & brulle, car il diminue celluy qui en use souvent, il conforte lestomac & restraint le ventre & engendre sang melancolique. Les operations de saveur stitique selon Avicene sont contraction, inspiration, induration & retention, & selon rais les operations de saveur stiptique sont semblables aux operations pontiques mails ilz sont plus debiles, car il comprent & retient la saveur stiptique sur le pontique, car de saveur stiptique il nendit rien textuellement. Les operations de saveur unctueux selon Avicene sont levification, lubrication, & digestion petite, & selon rasis saveur unctueux mollifie lestomac & fait flux de ventre & fait lhomme enfle & remply devant quil ait prins quantite de viande a luy necessaire, & eschauffe principalement les febricitans & ceulx qui ont le foye & lestomac eschauffe. Et fait le corps humide & le ventre lubrique & froit, & augmente le fleume, & lesommeil, & le sens cogitatif endort. En apre)s les operations de saveur agutz sont resolution, incision, & putrefaction selon Avice. Et selon rasis saveur ague augmente la chaleur, & incontinent enflame le corps & rend le sang aduste, & le convertist premier en colere, et apres en melancolie. Les operations de saveur salse selon Avicene sont abstersion, ebulision, exiccacion, & prohibition de putrefaction. Les operations de saveur aceteux refrene la colere & le sang & restraint le ventre, se lestomac & les intestins son premier mondifie, & se

[102]

matieres fleumatiques y sont il fait flux de ventre, & refroide le coprs. et debilite la vertu digestive, & proprement du foye, & blesse les membres nerveux, & desseiche le corps mais il excite la vertu apperitive des operations d saveur insipide dit rasis que aulcune chose insipide gouverne fort comme celle qui est quasi equale reschauffe attrempement, & lautre refroide aussi attrempement, & se grant humidite y est convenable elle fait le corps humide, & seicheresse y est adjoustee.

¶Textus.

¶Bis duo vippa facit : mundat dentes : dat acutume

Visum : quod minus est implet : minuit quod abundat.

¶Exposition.

¶En ce texte sont mises quattre utilites que fait la souppe en vin. ¶La premiere est quelle mondifie les dentz a cause que le pain adhere aux dentz plus long temps que le vin seul sans pain & ainsi les immundices & limosites adherentes aux dentz en sont mieulx consumees & purifiees. La .ii. quelle aguise la veue et prohibe les fumees acligineuses ascendantz au cerveau qui offusqent les esperitz visibles a cause que la souppe en vin digere les humidites estantz en lestomac. La .iij. est quil accomplist la digestion des viandes maldigerees, & clost lorifice de lestomac. La .iiij. est que les choses trop digeree la souppe leur reduiyt a bon moyen & tout ce est veritable de la souppe de pain faicte en vin quant le pain est rotu sur les charbons ou desseiche au feu.

¶Textus.

¶Omnibus assuetam iubeo seruare dietam

Epprobo soc esse : nisi sit mutare necesse

Est ypocras testis couniam sequitur mala pestis

Fortior est meta medicine certa dieta

Quam si non curas fature regis & male curas.

¶Exposition.

¶En ce texte sont mis aulcuns enseignemens. ¶Le premier est que une chescun doit garder bonne diete acoustumee. Et par diete on doit entendre administraiton de boire et de mengier. Et cause de celluy bpn enseignement est, car de transgresser la diete acoustumee nuyt grandement, car la coustume est la seconde nature,

[103]

et pource comme il fault garder nature il convient de garder coustume selle est louable. Et comme il fault garder la diete acoustumee de boire & de mengier, semblablement il fault garder la coustume es aultres choses non naturelles pour une mesme raison. ¶Exemple. ¶Se aulcun a acoustume de fort labourer & veult delaissier icelle coustume et vivre oyseulx et quil face aultre espece de labeur et en autlre temps sans doubte il en vient fort debile. Et semblablement sentend en boire, en mengier, en dormir, en veillier, en evacuation en repletion, & est accidens de lame, car en toutes choses se doit garder coustume selle est louable ou quelle ne soit fort malicieuse. Et enciron ce est a noter que gens acoustumes de exciter & labourer en certains labeurs & exercites acoustumees, jacoit ce quilz soient plus debiles ou vieulx ne feroyent silz estoyent jeunes & point acoustumees. Et ce veult ypocras en la .ij. partie des anfforismes quant il dit. Assueti assuetos ferre labores, et si fuerunt. La cause si est, car si iceulx ont grande inclination et acoustumance a iceulx labeurs et coustume passer long temps heue, est de legier a faire comme esy declaire au comment dudict anfforisme. Et ce est la cause que nous veons aulcuns hommes debiles et vieulx de faire & exerciter aulcune œuvre mechanique lesquelz ne scuaroyent faire jeunes gens & plus fors que eulx et en sont moins blessiez comme nous veons ung monnier debile vieulx lever ung sac de ble que ne scauroit faire plus fort que luy. et venons ung mareschal moins blesse de frapper long temps du marteau que ung point acoustume. ¶Le .ij. enseignement est que grant nuysement sensuyt de parmuer la diete acoustumee comme veult ypocras ce nessite ne cosntrainct de le muer. et est necessaire de la permuer premierement quant elle est fort malicieuse comme ce on en parvenoit a maulvaises maladies et mortelles comme la coustume de mengier maulvaises viandes qui en la fin mainent de leur nature lhomme es pigricites et maladies parmueuses comme veult Avicene en la .iij. distinction du premier livre au chapitre de boire et de mengier, et tells coustumes et semblables cest chose necessaire de les corriger et marmuer non pas su

[104]

bitement, mais petit a patit, car toute mutation subite nuyt grandem[e]nt, & par especial de choses acoustumees en choses point acoustumes. Secondement il est necesaire de le parmuer affin que on soit moins blesse de la chose pointa coustume, se en apres il se failloit par tresferer & transporter. Se aulcun acoustume dem engier ou boire de toutes hcoses moins dicelle chose sera blesse quant luy en fauldra prendre. Et ce semblablement se doit entendre en toutes choses non naturelles,& cest ce que dit ypocras en la .ij. partie des anfforismes, les choses de long temps acoustumees jacoit ce quelles soyent pires que les choses non acoustumees, mollestent moins le corps humain & pource est chose necessaire de se transporter a choses non acoustumees. Et environ ce est a noter que ung chescun se doit garder quil ne face coustume de quelque chose du monde combien quelle soit bonne, laquelle il luy soit necessaire de garder. ¶Exemple. ¶Se aulcun use tousjours dune viande acoustumee ou dung breuvaige, ou totalement sen abstenir, ou de se dormir, ou davoir compaignie a femme il est totalement acoustume, & a ce grandement est constraint tresgrant inconvenient en viendra se aulcunesfoys il est constraint de sen abstenir donc ung chescun corps se doit disposer de supporter le froit, le chault le dormir, le veiller, & toutes viandes, et breuvaiges, affin quilz puissent muer de lung en lautre sans lesion de son corps, laquelle chose se peult faire se coustume nest point totalement gardee, mais aulcunesfoys se peult transmuer aux choses non acoustumees, ce veult Rasis au .iiij. livre dalmasor au chapitre de conserver les coustumes. ¶Le .ij. enseignement est que la plus seure & principale voye en medecinant le malade est assavoir administrer la diete convenable et certaine, laquelle se le medecin ignore et administre diete non convenable il destruit le malade et fait perir se nature ny obvie par sa vertu, et environ ceste diete est a noter que la diete est triple, cesassavoir diete grosse, comme la diter de gens sains et diete fort subtile, de rien donner ou quasi, et lautre diete moyenne laquelle est nommee en medecin diete subtile & celle diete subtile est divisee en diete subtile declinant a grosseur comme brouet de chair oeufz sorbiles & poussins. Et en diete declinant

[105]

vers la diete fort subtile comme est tisanne, & vin de pommes de grenates. Et en diete moyenne nommee en medecine certaine comme est tisanne no()n coulee & les extremites des poussisn & ceste diete certaine communement se doit administrer es maladies agues & non pas es maladies croniques, car en icelles malades la vertu avec diete certaine ne pourroit parvenir jusques à la fin de la maladie & pource diete declinant a grosseur il competent. Samblablement diete certaine ne convient pas es maladies fort agues, qui se terminent au quart jour ou devant, mais en icelles convient diete fort subtile comme rien donner, ou quasi come veult ypocras en la premiere particule des anfforismes quant il dit es maladies dernieres, cesassavoir fort ague, la derniere curation, cestassavoir la derniere diete comm rien donner ou puissance de les garir. ¶Textus.

¶Quale quid & quando : opertum quotiens ubi dando.

Ista notare cibo debet medicus dietando.

¶Exposition.

¶En ce texte sont declarees .vi. choses lesquelles doivent considerer les medecins pour administrer diete convenable. ¶La premiere est que le medecin doit considerer la qualite du boire & du mengier, es maladies chauldes doit administer le medecin diete froides, es maladies froides diete chaulde es maladies humides dietes seiches, & es maladies seiches diete humidite, toutesfoys la complection naturelle doit estre garrdee por diete a luy semblable comme veult Galiean au .iii. livre de regin quant il dit que les corps chaultz doivent estre gardez par choses chauldes, & les corps froitz par choses froides. ¶La .ii. que le medecin doit considerer la substance du boire & du menger, car les rustiques & aultres gens de grant labeur et exercité doivent estre refectionnes de viandes plus grosses, car a iceulx la vertu digestive est forte et ne doit pas user de viandes subtiles comme sont poussins, chapons, et chair de veau, car icelle chaires se bruslent en lestomac ou incontinent seront digerees, et ainsi seroit chose necessaire de les souvent refectionner. Les nombres & ceulx qui vivent doyseaulx doivent user diete de subtile substance, car en eulx la vertu digestive est debile, et ne peult digerer grosses viandes com

[106]

me sont chairs de porcz salees, et chairs de beuf, et de poisson qui dessaiche. Semblablement les maladies agues doivent user de diete plus subtile que les malades de maladies croniques comme sont quartes. ¶Le .iij. que doit considerer le medecin cest le temps, cestassavoir en quelle heure la diete se doyt administer, car es gens sains la coustume principalement y doit estre attendue comme en este les gens levez au point du jour, & ont acoustume de mengier deux fois le jour, se doivent repaistre a .x. heures ou ung petit devant sans attendre midy, et la grande chaleur du jour. Semblablement doivent soupper a .vi. heures ou ung petit apres. En yver douvent disner a .xi. heures ou environ, la consuetude doit estre gardee. Est maladies semblablement doit on considerer le temps, car quant les febricitans ont leurs faces paroxismes ou acerbations on ne leur doit donner diete quelconque devant ne apres par petit de temps car nature qui est plus solliciteuse de la digestion de la viande en partie de la matiere de la fievre parquoy la fievre en este prolongien et pource devant ne se doit pas exhiber, ne apres par petit de temps car encores nature est debilitee a cause de paroxisme, dont le febricitant preigne sa diete en telle maniere, et en heure que la viande soit digeree devant que viengne le paroxisme, ou apres quant nature sera aulcunement reduite en disposition naturelle. Et se doit entendre quant il nya cremeur quelconques de grande debilitation de vertus, car se cremeur y avoit il fauldroit diete naturelle a toutes heures que nature seroit dissolue & faicte debile, car quant les accidens dissolvent la vertus incontinent doit estre diete donnee comme veult Galien au comment dung anfforisme en la premier particule. ¶La quattriesme chose est quil fault considerer la quantite de la viande, car on doit prendre petite quantite de viande en este en une foys, a cause que la chaleur naturelle en este est debile, & fort resolvee de la saleur du solei. Et en yver on doyt prendre grande quantite de viande en une foys, car la vertu digestive adoncques est forte a cause que la chaleur naturelle est unie par le froit extrinseque, comme a este declaire en ung texte. ¶Temporibus veris. ¶La cinquiesme chose si est que il fault considerer quantesfoys

[107]

i lfault prendre so nrepals le jour, car en este cest chose necessaire de estre plus forment repeu que en yver, antonne, printemps, jacoit ce que le repas soit petit a chescune fois comme il est declaire. Semblablement quant la vertu digestive est debilitee, souvent & peu doit estre refectionnee, mais quant elle est forte en grande quantite & peu souvent. La .vi. en quel lieu, car en lieu ne fort froit ne fort chault, mais en lieu attrempe, cest le plus sain.

¶Textus.

¶Jus caulis soluit cuius substantia stringit

Utraque quando datur venter laxare paratur.

¶Exposition.

¶En ce texte lacteur dit trois choses. ¶La premiere que le brouet des choux laiche le ventre, a cause que les partiessuperficiales de choux est vertu intreuse et abstersive de facile separation, en petite decoction, laquelle vertu reduite par decoction en leaue la fait laxative. Et pource la premiere decoction est plus laxative que la seconde, a cause que ladicte vertu abstersiveen plus part par la premiere decoction est separee. ¶La seconde est que la substance des choux apres la decoction faicte restraint le ventre, car ilz sont de substance terrene seiche laquelle restraint. ¶La troisiesme est que le brouet et les choux prins ensemble laichent le ventre a cause que la vertue laxative du brouet est plus forte que la vertu restrainctive des choux. Pour grande declaration est a noter que les choux engendrent humeurs melancoliques & songes maulvais, & nuysent a lestomac et sont de petit nutriment & font la veue obscure, & provoquent les menstrues, & lurine comme avons prins de Avicene et de Rasis en partie. Secondement est a noter qui le mengier des choux ou de la decoction ou semence retarde & prohibe lhomme de venir yvre comme escript aristote en la .iij. partie des probleumes ou il demande pour quoy redarguent les choux de enyvrer lhome, et ce mesme dit Rasis et Avicene es chapitres ditz, la cause si est selon aulcuns, apres que les choux sont mengies sengendrent grosses fumees & vapeurs lesquelz surontent le vin, lequel ne peult penetrer au cerveau & ainsi retarde ou prohibe de enyvrer. Le philolosophe en son probleume donne

[108]

aultre raisons, & dit quue une chescune chose qui tire lhumidite du vin aluy & expelle hors du corps & refroide le corps, prohibe lhomme denyvrer, & les choux sont de telle nature il preuve, car par le brouet ou jus des choux qui est diretique sont tirees les humiditez & fumes du vin indigeste de tout le corps & sont provoquez en la vescie, & par la sustance froide nature terrestre stiptique delaisse lestomac qui ne peult penetrer refroide tout le corps & ainsi prohibe ebriete et crapule par telle maniere, car les superfluitez subtilles qui ne peuvent descendre en bas a cause de la chaleur du vin les esmouvent vers les parties superiores comme au cerveau sont menees & composees en base et par la vertus du jus & du brouet des choux sont provoques en la vescie, car il est diretique & provocatif de mestrue comme il est declaire.

¶Textus.

¶Dixerunt maluam ueteres quia molliat aluum.

Malue radices rese dedere feces.

Uuluam mouerunt & fluxum sepe dederunt.

¶Exposition.

¶En ce texte sont mises troys proprietez & operations que font les maulvais. La premiere est que la maulve mollifie le ventre, car cest une des medecines remollitives. Il sont .iiij. medecines remollitives, cestassavoir maulves & abismalue, la marcure ou vientte, et brache ursime desquelles communement sont faictes cristeres remollatives pour lachier les feces endurcies. Et est deux manieres de maulves, cestassavoir une portant les fleurs rouges, et laultre les fleurs blanches, & icelle a plus grande vertu a mollifier que na la premiiere. La .ij. operation est que les racines mondifiees des maulves laichent les feces quant dicelles sont faites suppositoire comme est de coustume de faire la racine de la mercuriale. La .iij. operation est que la maulve fait fluir les menstrues des femmes par sa grande humectation & lubrication & operation des veines de la matrice comme plataire & aussi comme experience desmonstre.

¶Textus.

¶Mentitur menta si fit depellere lenta

Uentris lubricos stomachi versque nociuos.

[109]

¶Exposition.

¶En ce texte lacteur met ung enseignement de la mente et dit quelle ne se doit nommer mente selle navoit la vertu de occire les vers du ventre & de lestomac, car la mente est de grant aromatice & fort amere, & comme le fort fait mourir les vers semblabllement fait la mente et la decoction dicelle se doit exhiber comme de fort & non pas la substance. Il est a noter toutesfoys quelle est fort chaulde & seiche & brusle le sang, & ne se doit pas user par maniere de viande, & pour conserver sante, mais pur preserver ou garir, car il conforte lestomac et leschauffe et oste le sanglout & digere & prohibe le vomissement de sante & de fleume & incite luxure par sa ventosite & humidite & confere a rascement de sang, et a morsure de chien enrage & est p(ro-pre a ce, & selle est mise en laict il ne se peult reguler come dit avi. au .ii. canon au cha. de la mente.

¶Textus.

¶Cur moritur homo cui saluia crrescit in orto

Contra uim mortis non est medicamen in ortis

Saluia confortat neruos magnumque tremorem

Tollit & eius ope febris acuta fugit

Saluia castorem lauendula primula ueris

Nastur athanasia sanant paralitica membra

Saluia saluatrix nature consiliatrix.

¶Exposition.

¶En ce texte principalement lacteur fait trois choses. Premierement il demonstre la grande utilite de la saulge, & demaande par maniere de doubte pourquoy meurt lhomme quant en son jardin croist la saulge. A ce respond au second ver, que es jardins ne croist medecine nulle qui peult prohiber la mort, jacoit ce que es champs & jardins croissent medecines qui deffendent la putrefaction du corps, et qui puisse prohiber la putrefaction des humeurs, et aussi prohiber que lhumidite naturelle soit tantost consumee. Et ce enseigne Avice. en la .iii. distinction du premier au chapitre silgulier quant il dit. Lart de medecine nest pas sience pour faire lhome immortel ne pour faire serneur des choses extrisques nuysantes, & ne peult faire vivre chescun homme jusques au dernier terme de la vie qui est selon lespece

[110]

de lhomme, mais deux choses nous donne seurete, cestassavoir prohibition de putrefaction & defension que lhumidite naturelle ne soit tantost resolue. Secondement met .iij. operations de saulge. La premiere est que la saulge conforte les nerfz, car elles desseiche les humiditez par lesquelle les nerfz sont relaichiez. La .ii. est quelle oste le tramblement des mains a cause quelle conforte les, mains & toutes medecines confortatives de nerfz ostent le tremblement des membres, car tremblement est causee par debilitation de berfz. Et pource ilcelle cause aulcunes gens vieulx & par especial femmes mettent en leur boire ou mengier de saulge. La .iij. est quelle deffend de venir la fievre, car en desseichant les humaures garde les humeurs de putrefier laquelel putrefaction est cause de fievres. Et pour les plus grandes declaration est a noter que la saulge est chalde & seiche, & pource ne compete pas au corps en maniere de viande, mais pource quelle conforte moult les nerfz les gens sains aussi ont de coustume den user en deux manieres. Premierement en faisant dicelle une espece de vin nomme vin de saulge, duquel usent plusieurs gens par especial au commencement du repas, & est utile icelluy vin a gens paralitiques, & epilentiques quant il est prins attrempeement, & apres la purgation de la matiere accidence. Secondement usent de la saulge en leurs saulses, car il exite kappetit par especial quant lestomac est replet de humeurs cruz & indigestes. Et en est de deux especes, cestassavoir domestique, & a les fueilles moindre & plus estroicte, & est appellee des medecins lilifagus. Tiercement lacteur met .v. medecines prouffitables a curer paralisie, & dit que la saulge, les coulons dung castor, lavende premula veris, nascurcium, & tanesie garissent les membres paralitiques. De la saulge les causes sont souffisamment declairees & ainsi par sa chaleur & seicheresse consume les humidites fleumatiques inhibees es nerfz, que sont cause de paralisie. Des coulons du castor cest chose manifeste car ilz sont confortatiz & eschauffent & desseichent les nerfz, car Avi. dit que cest la medecine plus calefactive & dessiccative que toutes autres medecines, & dit quelle est utile es nerfz & tremer, & spasme humdie, & a endormisse

[111]

ment, & a paralisie. Et dit en apres quil nya medecine semblable a luy pour resolver la ventosite des oreilels quant on en prent la quantite dune lentiee dissoluee en huile, & semblablement huile de castri est fort utile en paralisie comme le castor apres evacuation faicte, car elle consume le residu & conforte les nerfz. La lavende semblablement par sa vertu aromatique & chaleur conforte les nerfz & consume la matiere de paralisie, semblablement est de prebleuma veris et est ainsi appellee pource que cest la premiere venant hors de terre en printemps. La nasturtium comme les aultres est chaulde & seiche, subtilitatif, incisif, & resolutif des matieres faisantes paralisie, & conforte les nerfz. Et dit Avicene au .ij. livre au chapitre de nastruno quil est utile a toutes mollificiations de nerfz & boute hors les flumes & mondifie les nerfz. Et pource conseillent les medecins de user de nasturtium a cause que les viandes sont flumatiques, & est nastrutium une herbe commune qui croist es lieux fort froitz aquatiques & pierreuz. La tanesie aussi est herbe ayant une vertu de purgier les fleumes & despart sa vertu dessicative, desseiche les nerfz & ussi purge les vers & la matiere de laquelle sont engendres. Et pource les francoys communement en usent es jours paschaltz & le frisent avec les oeufz pour purgier les fleumes engendrez du poisson en karesme, desquelles facillement se engendrent vers es corps disposes. Et en la fin du texte lacteur dit que saulge est dicte quasi la garde de nature.

¶Textus.

¶Nobilis est ruta quia lumina reddit acuta.

Auxilio rute uir quippe uidedis acute

Ruta uiris coitum minuyt mulieribus auget.

Ruta facite castum dat lumen & ingerit astum

Cocta facit ruta de pulicibus loca ruta.

¶Exposition.

¶En ce texte declaire lacteur .iii. operations de la rue. La premiere est que le aguise la veue & proprement le jus dicelle comme dit Caicene au .ii. canon au chapi. de la rue, & aussi a est declaire en ce texte Allea nux ruta. La .ii. operation est que la rue oste le desir de luxure es hommes, mais es femmes elle augmente, a cause que la rue par sa

[112]

chaleur & seicheresse dominue la semence de lhomme qui est subtil, & de nature de lair, mais es femmes il le subtile & reschaudde, car leur semence est aquatique & froide, & pource elle incite les femmes a luxure par sa subtiliation & calefaction que fait la rue en leur semence. ¶La .iii. operation est que la rue fait lhomme agu & subtil, & inventif de moyen en cause fort obscure a cause quelle fait les esperitz subtilz par sa calefaction & dessication, & aussi clarifie lengin. ¶La .iiij. est que la decoction de la rue fait fuyr les pulces quant la maison en est arrousee, car elle les fait mourir comme dient les medecins. Et selon Avicene en la .vi. distinction du .iiij. livre au chapitre de faire fuyr les pulces quant la maison est arousee de la decoction de lolloquitide les pulces senfuyent & semblablement de la decoction de lenglantier. En apres dit Avicene. Aulcuns dient que quant le sang du bouc est mis en le maison dedans une fosse les pulces se assemblent illec et puis meurent, & semblablement elles se assemblent sur ung boys oinct de gresse de herisson, & fuyent lodeur des choux, & de oleandre. Et selon aculcuns il nest riens qui face plus fuyr les pulces que les choses de forte odeur. Donc est bonnne la rue, la mente, les hoberons, et sur tout est de grant valeur les feces & lurine du cheval. Item quant la maison est arrousee de la decoction de semence des raves elle fait mourir les pulces, & se on fait fumee de corne de thoreau en la maison les pulces senfuyront. Pour les prendre il nest riens meilleurs que mettre du cotton dedns le lict, car elles se astembleront dedans.

¶Textus.

¶De cepis medici non consentire uidetur

Colericis non esse bonas dicit galienus

Fleumaticis uero multum docet esse salubres

Prefertim stomacho pulchrum creare colorem

Contricis cepis loca denudata capillis

Sepe fricans poteris capitis reparate pecorem.

¶Exposition.

¶En ce texte lacteur fait mention des oignons & declaire .vi. choses. ¶La premiere est que les medecins sont discors de la nature des oignons, car aculcuns dient que les oignons sont fleuatiques, & les

[113-114]

manquent]

[115]

aultres dient que non comme fait rasis, car il dit au .iij. livre dalmasor quilz engendrent humeurs superflues & fleumatiques en lestomac. La .ii. est, Galien dit que les oignons sont nuysibles aux coleriques, la cause est comme dit Avicene au .ii. canon au chapitre des oignons, car les oignons sont chaultz au .iii. degre, pource nuysent aux coleriques. La .iii. est que les oignons sont fort utiles ux fleumatiques, car ilz sont chaultz, incisifz, abstersiz, & apretifz, & pour ce ilz digerent subtilement, & mondifient les humeurs fleumatiques et vicieux qui multiplie en lestomac. ¶la quattriesme est que oignons sont bons a lestomac, car ilz mondifient lestomac de fleumes & leschauffent, & pource dit Avicene au chapitre dessusdict que les oignons par leur chaleur reschauffent lestomac & le confortent quant il est debile par froideur & donne couleur a la face pour une mesme raison, car il nest pas possible que la couleur de la face soit vive se lestomac est fort froit et fleumatique ou remplu de maulvaises humeurs cuitz & fleumatiques. La .v. est que les membres privez de poil soyent frotez soignons cuitez ilz recuperent leur poil, & est chose vraye quant la diete privation est causee par clausure des porois du cuir, ou par matieres corrumpues contenue soubz ledict cuir, car les oignons font ouverture & resolve la matiere maulvaises soubz le cuir, et attire la bonne ou lieu & pource vault moult frication faicte doignons a gens chauves comme veult Avicene au .ij. canon au chapitre des oignons, & en la .vii. distinction du quart en la cure de la privation du poil en la teste. Et a ceste cause conclud le texte que lornement de la teste ce peult recuperer avec frications doignons, car lornement de la teste est le poil. Pour plus grande declarations avoir des operations des oignons est a noter que les oignons incitent luxure provoquant lappetit, la face font rougir, et meslez avec miel ilz ostent les verrues, & nuysent a lentendement, car ilz engendrent humeurs maulvaises et grosses, & multipliyent la salive, & le jus des oignons est utile a garir les larmes des yeulx, et clarifie la veue comme dit Avicene au .ii. livre du chapitre allegue. Oultre est a noter que les oignons cribles avecques miel et vinaigre sont utiles a morsure de chien enrage. Et pource aulcuns medecins ont

[116]

adjuste au texte precedent ces deux vers. ¶Appositas prohibent morsus curae caninos. Si trite cume melle prius fuerint et aceto. Et ceste sentence a declairee par avant en ce texte qui est cy devant plus aplain declaire, cestassavoir. ¶Alle nux ruta pita raphanus & tiriaca. Hec sunt antidotum contra mortale uenenum & cetera.

¶Textus.

¶Emodicum granum siccum calidumque sinapis

Dat lachrymas purgatque aput tollitque uenenum.

¶Exposition.

¶En ce present texte lacteur fait deux choses. Premierement il met la complection de la graine de la moustarde, et dit quil est petit chault, et sec jusques au quart degre selon le docteur Avicene au second canon au chapitre de sinapi. Secondement il met troys proprietez et operations que fait ladicte graine de moustarde.

¶La premiere est quil esmeut les lermes des yeulx a cause de la grande chaleur il subtilient dessoubz humidites du cerveau et fait fluyr et couler les laermes des yeulx. ¶La seconde operation de ladicte semence est quelle purge le cerveau, et mondifie, et absterge les humiditez fleumatiques de la teste. Semblablement purge la teste quant il est mys dedans le narilles de lhomme ou de la femme en provoquant sternuation par sa mordication pungitive. Et pour icelle intention est mise es narilles des approprolitiques, car par starnuation les choses qui sont nuysibles au cerveau en sont expulsees. Et semblablement la semence de la moustarde par sa tresgrande chaleur subtile et dessoult les fleumes qui font oppilations es conduit du verveau de laquelle oppillation ensuyvent appoplexie. Il sensuyt doncques que la semence de la moustarde est moult incisif des maulvaises fleumatiques, & consumptif, et mondificatif. ¶La trsoisiesme operation que fait la semence est tresutile contre venin. Et en ce se concorde le docteur Avicene au chapitre dessusdit auquel il dit que la fumee de la semence de moustarde fait fuyr les vers.

¶Textus.

[117-118]

[manquent]

[119]

¶Crapula discutitur capitis dolor atque grauedo

Purpuream dicunt uiolam curare caducos.

¶Exposition.

¶En ce texte declaire lacteur troys proprietes de la violette de mars. La premiere est que la violette de mare a proprietez de garir ebriete, a cause que la violette de mars a oudeur attrempee tresgrandement confortative du cerveau par laquelle confortation la ebriete est expulsee, semblablement la violette est froide de nature reddroidissant le cerveau & ainsi le cerveau est prompt a recepvoir les fumees chauldes. La seconde operation est quelle est sedative de douleur de la teste venant de la chaulde cause comme veult Avicene au second livre au chapitre de la violette, & semblablement rasis au teiers livre dalmasor & mesmes a cause que à la violette est froide & repugne a chaulde cause. La tierce est, on dit que la violette de mars garist les exilentiques, mais les acteurs communs ne si accordent pas. et selle garist les exilentiques cest par sa grande aromaticite en confortant le cerveau, lequel reconforte peult resister a aulcuns nuysemens acoutumes de faire a epilence nommee petit appolexie causee par opilation des nerfz. Textus.

¶Egris dat somnum vomitum quoque tollit ad usum

Compescit tussin ueteremcolicisque medetur.

Pellit pulmonis frigus ventrisque tumorem

Omnibus & morbis subueniet articulorum.

¶Exposition.

En ce texte sont mises .vii. operations de lortie. La premiere operation est que lortie fait les gens dormir, car elle est subtiliative, incisive, & abstersive des humeurs fleumatiques grosses qui grevent nature & empeschent le somme & le dormir. La .ii. est que lortie oste le vomir & la coustume de vomir a cause que lortie consume les humeurs vicieulx qui sont communement cause de vomissement. La .iii. est que lortie garist la tous antique & principalement le miel auquel est trempee la semence de lortie, car lortie selon rasis au .iii. dalmasor espelle les fleumes de la poictrine, & semblablement fait la semence par la grande incision & abstercation & subtiliation, et dit avice. au .ii. livre

[120]

au chapitre de lortie quant one le boit avec tisanne elle mondifie la poictrine, & quant on boult les fueilles de lortie en tisanne elle lache les grosses humeurs qui sont en la poinctrine, mais la semence est de plus grande vertu. La .iij/ est quelle est utile aux gens coliques a cause quele est incise, subtiliative, & resolutive des humeurs fleumatiques et de ventosite grosse qui sont cause de collique passion, et est collique passion maladie douloureuse en ung tetin nomme ylion. La .v. operation est que lortie oste la froideur du polmon par grande chaleur. La .vi. est que lortie oste la tumeur du ventre a cause quelle est resolutive de vontositez communemnt cause de la tumeur du ventre. La .vij. est quelle est utile esdouleurs des joinctures come sciatique, & podagre quant celles douleurs sont faites de matieres froides fleumatiques a cause que lortie est de calefactive & incisive, et subtiliative des matieres grosses fleumatiques. Et oultre icelels operations selon avi. au .ii. canon au cha. de lortie elle excite luxure, & specialement la semence prinse avec du vin, & ouvre lorifice de la matrice, & laiche les humeurs fleumatiques cruz par sa vertu abstersive & non pas par sa ertu solutive, & affin que celluy qui prent de lortie ou de la semence ne soit blesse en la gorge est chose utile de prendre en apres de luyle rosat. Et est lortie chaulde au commencement du .iii. degre, & seiche au .ij. selon avi. au cha. de lortie. ¶Textus.

¶Isopus est herba purgans a pectore fleuma

Ad pulmonis opus cum melle coquaatur ysopus

Uultribus eximium fertut reparare colorem.

¶Exposition.

¶En ce texte sont mises les operations de lysope. La premiere est que lysope purge fleume de la poictrine a cause qui lisope est chaulde & seiche au .iii. degre fort abstersive dissolutive & consumptive des superfluites fleumatiques et aspec singulier aux parties pectorales et pour ce lysope est proprement medecine purgative des fleumes de la poictrine. La deuxiesme operation est quelle est propice semblablement a purger le polmon des fleumes par une mesme raison, a proprement quant on la boit avec miel, car le miel est abstersif et

[121]

ainsi par abstersion du miel est augmente la abstersion de lysope. Et cest ce que dit Avicene au .ii. livre au chapitre de lysope quant il dit. Lysope est utile au polmon & a la poictrine ayant la toux et difficulte dalaine & par especial sa decoction faicte avec miel & figues. La .iii. operation est quelle donne bonne couleur & la face, & ce veult Avicene au cha. dessudict quant il dit que le breuvaige fait disope don)ne bonne couleur a la face. Et oultre celles operations elles laichent les fleumes & les vers hors du ventre & des parties pectorales selon Avi. & selon platere sa decoction faicte en vin mondifie la mtrice des uperfluites.

¶Textus.

¶Appositum cancris tritum cum melle medetur.

Cum vino potum poterit separare dolorem

Sepe solet uomitum uentremque tenere solutum.

¶Exposition.

En ce texte sont mises trois operaitons du cerfeul. La premiere est qui le cerfeul trible avec miel & emplastre sur le chancre il le garist et a ce concordre platere au chapitre du cerfeul. Et est chancre apostume melancolque corrodant les parties du corps tant nerveuses que charneuses, & est nomme chancre, car il procede en maniere descrevice. La .ii. operation est que le cerfeul beu avec vin oste la douleur du ventre a cause quil dessoult, & dessoult les grosses venotisitez du ventre & de lestomac & ouvre les opilations & a ce donne le vin ayde. La .iii. operation estque le cerfeul est chault au .iii. degre, & sec au .ij. il digere la matiere et desseiche laquelle est cause de vomissement. et ce est principalement vray quant le vomissement & la solution de ventre sont causee de matiere froide fleumatique. Et oultre celles operations elles provoquent lurine & les menstrues & oste lodeur du flan des reins de la vescie.

¶Textus.

¶Cum vino coleram nigram potata repellit

Sic dicunt ueterem sumptum curare podagram/

¶Exposition.

¶En ce texte sont mis deux effectz du pulegium. La premiere est que pulegium & par especial son eaue prinse avec vin purge la me

[122]

lancolie. Le deuxiesme effect est que pulegium a propriete de garir le podagre antique a cause quelle a vertu de fondre & dessouldre la fleume de laquelle sengendre podagre le plus souvent. Et eviron se est a noter comme dit plater que pulegium est chault & sec au .iii. degre, et est de substance subtile & a vertu aromatique, confortative & appertive par sa substance e qualite, & vertu attrative par sa substance qui est de nature de feu & a vertu consumptive par chaleur & seicheresse. Et sa decoction faicte en vin est utile a douleur de lestomac & du ventre de matiere froide & de ventosite.

¶Textus.

¶Cecatis pullis hac lumina mater yrondo

Plenius ut scribit quamuis sint eruta reddit.

¶Exposition.

¶En ce texte est mus ung notable de la celidonne. Et est quant les jeunes arondelles en leurs nidz ont les yeulx crevez les metes apportent de la celidonne & en frottent les yeulx creves des jeunes, & tantost recoivent la veue. Et par ce veult denoter lacteur que la celidonne tresgrandement conforte la veue. et ce est chose manifeste, car es medecines convenables pour recuperer la veue communement est meslee la celidonne. et est celidonne herbe cogneue de tous ayant ius jausnes, la cause pourquoy est donne auc arondelles la congnoissance de la celidonne plus que aux aultres oyseaulx pource que les jeunes arondelles plus souvent perdent la veue que oyseau daultre espece, a cause que les fientes des arondelles ont vertu excitative les yeulx des jeunes sont souvent petit la veue des petites arondelles. et est a noter selon platere que la celidonne est chaulde & seiche au .iii. degre. et par ses qualites & substance elle a vertu de dissouldre & consumer et attirer. et la racine de la celidonne triblee cuite en vin est bonne a pourgier le cerveau & la vaulue des humeurs froitz se le malde recheoit la fumee en la bouche & apres face gargarisme de vin.

¶Textus.

Auribus infusis uermes sussus necat eius

Cortex verrucas in asceto cocta resoluit.

Pomoram succus flos partus destruit eius.

[123]

¶Exposition.

En ce texte lacteur dit .iii. choses de la saulz. La premiere est que le jus de saulz mys dedans loreille fait mourir les vers a cause de la stipticite et dessication. Et icy est a noter selon Avicene au .ii. canon au chapitre de la saulz que jus des fueilles de saulz est dernier remede pour guarir la pourriture courante de loreille. La deuxiesme est que lescorse de la saulz cuite en vinaigre ressoult les verrus. Et Avicene dit au lieu dessusdict que les cendres de la saulz meslees avec vinaigre et en oindre les verrues elle esrachent totalement lesditz verrues par la vehemente vertu excecative desdictes cendres. Toutesfoys pour oster les verrues il nest point de meilleure medecine que les froter avec du pourpier, car elle garit de sa propriete occulte selon Avicene au cha. du pourpier. La .iii. est que les fleurs & le jus des pommes de la saulz nuysent a lenganter, car par sa grande stipticite et de sication font lenfantement dificile.

¶Textus.

¶Confortare crocus dicatur letificndo

Membraque defectat confortat epar reparando.

¶Exposition.

¶En ce txte sont mises aulcunes proprietes du safran : La premiere est que le safran conforte corps humain en le resjoyant. Et environ ce est à noter que le safran a si grande propriete de resjoyr lhomme que quant il est donne en plus grande quantite quil ne doit il fait mourir lhomme joyeulx. Et dit avicene que .iiij. drames et demye font mourir lhomme joyeulx en riant. La .ii. est que le safran conforte les membres debiles & principalement le cueur, & conforte lestomac a cause de sa stipticite & chaleur. Et pour icelle mesme cause il repare le foye & par especial par la stipticite qui ne permet pas le foye dissoldre toutesfoys le souvent en user oste lappetit & fait le cueur sublever, & ce dit Avicene au chapitre du safran quant il dit. Il provoque abhomination & destruit lapetit a cause quil est contraire a saveur aceteulx quil est cause de lappetit en lestomac. Et oultre icelles operations il rovoque le somme, & endormit les sens, & quant on le boit avec vin il enyvre lhomme & prohibe les humeurs de fluyr

[124]

aux yeulx, & fait lesoufle facile, & incite luxure, & provoque lurine comme veult Avicene au chapitre du safran.

¶Textus.

¶Fleuma uires modicas latosque breuesque.

Fleuma facit pingues : sanguis reddit mediocres.

Sensus ebes tardus motus pigricia smnus

Hic somno lentus piger in hac sputamine multus

Est huic sensus ebes pinguis fasci color arbus.

¶Exposition.

¶En ce texte declaire lacteur aulcuns signes propres a la complection fleumatique. Le premier est pouvrete de vertu et de force, car gens fleumatiques ont petite vertu a cause que la chaleur naturelle est debile principe de toute force & operation. Le .ii. est que gens fleumatiques sont cours & gros, car en eulx la chaleur naturelle nest pas suffisante a descendre le corps en long & pource demeure le corps gros. La troisiesme est que les fleumatiques sont gras a cause de leur humidite & froideur & pource disoit Avicene au chapitre souvent nomme que gresse superflue signifie froideur & humidite, & dominer, & la complection estre froide & humide, car le sang unctueux matiere de la graisse penetre hors des veines es membres froitz & illec se congelle de la froideur des membres & sengendre graisse comme veult Galien au .ii. livre des complections. Apres le texte dit que les sanguins sont moins entre les gens longz & cours. Le .iiij. est que les gens fleumatiques sont plus enclins a oysivete que a lestude a cause de la froideur qui les endormist. Le .v. est quilz dorment moult, car ilz sont fort humides & aussi la froideur fait dormir somme long & parfond comme dit Avicene au chapitre nomme. Le .vi. est quilz sont durs dentendement, car comme la chaleur naturellement attrempee est cause de lengin subtil & du grant entendement, semblablement la froideur est cause du dur engin & petit entendement. Le vij. est quilz sont tart mouvement a cause de la froideur qui est tardive a esmouvoir come la chaleur legiere a faire mouvement. Le .viij. est quilz sont pesans. Le .ix. quilz sont de long somme pour une mesme cause plusieursfoys repetee.

¶Textus.

[125]

¶Reddit fecundas per mansum sepe puellas

isto stillantem poteris retinere cruorem.

¶Exposition.

¶En ce texte sont declairees les operations de poreaux. La premiere est que les poreaux souvent mengiez font les femmes fecondes, a cause que) selon avi. au .ii. livre au cha. des poreaux, les dilatent la matrice & ostent la duresse lesquelz sont souvent cause de sterilite. La .ii. est que les poreaux garissent les flux de sang des narilles comme dit avi. au cha. des poreaux, plusieurs aultres operations des poreaux sont declairees en ce texte. Allea. ¶Textus.

¶Quod piper est nigrum non est dissoluere pigrum.

Fleumata purgabit digestiuamque iuuabit

Lencopiper stomach prodest tussique dolori

Utile preueniet mutum febrisque rigorem.

¶Exposition.

¶En ce texte sont declairees les utilites du poyvre. et premierement met trois utilites du poyvre noir. La premiere est que le poyvre noir est fort resolutif par sa grande chaleur et seicheresse, car il est chault & sec au quart degre. La seconde utilite est qui purge la fleume & le attire des inferiores, & le consume, & semblablement la fleume en la poictrine & en lestomac adherent & anichille par sa grande chaleur en eschauffant subtiliant & dissoluant. La tierce est quil fait digerer & donne appetit comme veult Avicene au second livre au chapitre du poyvre fait digerer & fait avoir appetit. et par especial le poyvre long, car il est plus convenable pour digerer grosses humeurs que poyvre noir ou blanc comme tesmoigne Galien au quattriesme livre de regime de sante au .vii. chapitre. Secondement lacteur met .v. utilites du poyvre blanc. La premiere si est que le poyvre blanc conforte lestomac comme tesmoigne Galien au chapitre dessusdict quant il dit que poyvre blanc conforte plus letomac que les deux aultres especes de poyvre, & icelle mesme sentence veult Avicene au second livre au chapitre du poyvre, & dit que le blanc est plus convenable a lestomac & mieulx le conforte. La seconde est que le poyvre est utile a la toux de matiere froide, car il eschauffe, & dissoult, & con

[126]

sume. Et veult Avi. au cha. allegue, & dit. Quant le poyvre est administre es electuaires il est fort utile a la toux, & es douleurs de la poictrine. La .iij. est que le poyvre blanc est sedatif de doleurs & se doit entendre des douleurs come a est edclaire par avice. des douleurs ventoses, mais tout poyvre par sa chaleur est carminatif de ventosites. et Avice. dit au cha. dessusdict que poyvre lanc & poyvre long sont utiles es douleurs de ventre pungitif quant on le boit avec miel & des fueilles du laurier recentes. la .iiij. est que le poyvre peult prevenir & oste les acetz de fievres froides, car il digere et si eschauffe la matrice. La .v. est que le poyvre blanc vault contre tramblement des fievres a cause quil conforte les nerfz par sa chaleur & consume la matiere dispersee es nerfz, & dit avi. que ont face frication avec le poyvre mis en ungnement côntre tramblement des fievres. et icelles .v. utilitez sont appropriees a toutes especes de poyvre come il appert par Avice. au chap. du poivre eschauffe les nerfz & lacertes du corps en telle maniere que nulle medecine en ce nest a luy semblable & mondifie le polmon & prins en petite quantite il provoque lurine, & prins en grande quantite il laiche le ventre comme dit avi. au cha. du poyvre, & environ ce est a noter quil sont .iii. especes de poyvre, cestassavoir poyvre blanc nomme en medecine lencopiper, & poyvre long nomme macropiper, & poyvre noir nomme melanopiper.

¶Textus.

¶Et mox post esca dormire nimisque moueri

Ista grauare solent auditus ebrietasque.

¶Exposition.

¶En ce text sont declairees troys choses qui font venir lhomme sourt. ¶La premiere est le dormir incontinent apres le mengier, cestassavoir apres grande replection a cause que le somme incontinent fait apres la viande est cause de mal faire digerer la viande, et les viandes mal digerees engendrent grosses umeurs & grosses fumees qui oppillent par leur grosseur les voyes et conduictz de louye, et font lesperit auditif gros et inep pour ouyr. ¶La .ii. est trop mouvoir incontinent apres mengier fait les gens devenir sourt a cause quil fait mal digerer la viande & empesche de clore

[127]

lorifice de lestomac lequel orifice quant il est ouvert fumees et vapeurs monten en la teste & griefvent louye. La .iii. ebriete, car ebriete multiplye vapeurs & umees en grande quantite qui descendent en la teste & aux organes de louye & endormissent les esperitz de loye et ainsi engendrent sourdesse. Et ebriete ne nuyt pas seullement a louye, mais aussi a la veue, & a tous les .v. sens de nature pour une mesme cause. Et Avicene en la .iiij. distinction du tiers au second chapitre de conservation de sante des oreilles dit. Et des choses qui sont muysibles aux oreilles, & les aultres sens de nature font replecion, et proprement le somme fait incontinent apres la replection. et puis il est a noter que aculcun texte ont encore ung metre contenant encores aultres nocumens qui font venir lhomme sourt, et est ce. Balena sol uomitus affert repletio clamor, car iceulx font lhomme oyr dur, & proprement le font avoir bruyt es oreilels comme dit Avicene en la .iiij. distinction du .iii. au chapitre du bruyt de oreilles et cest chose necessaire, quilz evitent le soleil et le bainf et le vomissement et clameur et replection.

Textus.

¶Metus longa fames uomitus percussio casus

Ebrietas frigus tumultum causat in aure.

¶Exposition.

¶En ce texte sont declairees .vij. choses engendrent bruyt es oreilles. La premiere espouventement & paour, et selon aulcuns le mouvement. La cause du premier, cestassavoir despoventement est, car par espoventement les espritz & les humeurs se esmeuvent vers les parties interiores comme vers le cueur subitement duquel mouvement facilement sengendrent ventositez lesquelles penetrent a lorgane de loye font bruyt es oreilles, la cause du second, cesassavoir selon aulcuns mouvemens est, car du mouvement corporal pareillement sesmeuvent les humeurs & les esperitz de laquelle motion sont engendrez facilement ventositez lesquelles venant aux oreilles font bruyre les oreilles, car le bruyt es oreilles est engendre par motion des vapeurs ou de ventosite en lorgane de louyr commouvantes lair connaturel estant en lorgane de louye. ¶Le .ii. est avoir grant faine, et la

[128]

raison donne Avicene en la .iiij. distinction du .iii. au chapitre .ix. et dit. Et ce est a cause de agitation faicte es humeurs disperses au corps reposant en icelluy. et quant nature ne truve pas viande a digerer & occuper elle diverte & court es humeurs & les resoult et esmeult Le tiers est vomissement, car en vomissement lequel est mouvement laboureux semeuvent grandement les humeurs en teste. & en signe de probation nous veons les yeulx & la face fort devenir rouges en grans vomissement & nuyt a la veue, & aussi semblablement par fort vomir semeuvent vapeurs & ventositez en lorgane de louye. ¶Le quattriesme est ferue souvent faicte environ la teste par especial environ les oreilels, car de ferue ou percussion souvent faicte environ les oreilles sensuyvent grande commotion & mouvement de lair connaturel estant en lorgane de louye, & quant aulcun membre est bleisse nature incontinent envoye sang & esperitz audit membre qui sont les unstrumens de nature desquelz tous ensemble sengendrent bruyt es oreilles. Le .v. est chose par especial sur la teste pour une mesme raison comme est declaire de percussion & de ferue, car aussi de choir ilz sensuivent grandes commotions des humeurs au corps. La .vi. est ebriete a cause que en ebriete la teste est remplye de fumees & vapeurs venantz en lorgane de louye & esmeuvent & troublent louyr naturel de louye, & font bruyre les oreille. La .vii. est le froit, car le grant froit engendre ventositez es oreilles ou le grant froit fait debile lorgane de louye a cause que de legier le froit loffence & esmeult ventositez dedans. Et notez que non pas tant seulement la cause dessusdicte engendrent bruyt es oreilles, mais aussi plusieurs aultres comme de ventosite engendree en la teste, & illec esmeute ou par geeration & ebulition de somes engendre es oreilles, ou par mouvement de ventositez seuvent survenant es oreilles comme il fait es fievres ou replestion superflue au corps, & par especial en la teste, ou de matiere viscose resoluee en ventositez au cerveau come declaire Avice. au lieu cu dessus allegue.

¶Textus.

¶Balnea, u !ina, uenus, uentus, piper, allea, fumus

Porticum cepis, lens, fletus, faba, sinapis

[129]

Sol, coitus, ignis, labor, ictus, acumin, puluis

Ista nocent oculis : sed uigilare magis.

¶Exposition.

¶En ce texte lacteur declaire .xxi. choses nuysibles aux yeulx. ¶La premiere est le bain soit humide ou sec, comme sont estuves. Premierement a cause quilz eschauffent les yeulx de grande chaleur, & aussi blesse & destruit leur complection comme ilz soient naturellement froit de nature del eaue. Secondement il result & deseiche les humidites subtiles des yeulx desquelles les esperitz qui sont de la nature du feu doivent estre refociles & attrempes. Et pour icelle cause demourant plusieurs sur la riviere du rin sont aveugles, car en icelle region communement les gens se baignent & estuvent comme en holande plusieurs sont lepreux plus que en autre region a cause de leur maulvais regime. La .ii. cause est le vin immoderement prins, car le vin prins en telle maniere fait les yeulx debiles et la veue a cause quil remplist le cerveau de fumees & de vapeurs, & pource semblablement endormist tous les sens de lhomme. La .iij. cause est le trop habiter es femmes lequel universellement dient les medcins debilite fort la veue. Et aristote au .iij. livre de ses probleumes rend la cause au .iij. probleume & dit que le souvent habiter aux femmes prive les yeulx des humidites a eulx necessaire, car ce est chose necessaire que humidite subtile de nature de eaue soit es yeulx desquelz les espertiz visibles sont refociles, car les yeulx naturellement sont de telle nature, cestassavoir humide, cest ce que dit le philosophe au livre de sensu et sensato, & au .v. livre de la generation des bestes que les peulx sont de nature deaue, mais quant les humidites sont diverties et avacues le corps devient sec & aride & les yeulx perdent leur nature qui avoit vigueur par humidite. Et est chose raisonnable que les yeulx ayant vigueur par humidite, car par les esperitz visifz de la nature du feu qui sont en continuel mouvement les yeulx tantost seroient anichiles si nestoient refociles par humiditez aqueuses. Et de ce sensuyt chose manifeste que habiter souvent es femmes deseiches les parties sueriores en subtrahant les umidites auquel sensuyt debilitation de veue. La .iiij. cause est le vent & par especial le vent meridional

[130]

duquel dit ypocras en la .iij. particule des anfforismes en icelluy anfforisme, le vent austrin & caligineux, cesadire qui fait les yeulx obscurs a cause que tel vent remplist la teste de humidites endormisant les sens & rendent obscurs. La .v. est le poyvre, a cause de son ardeur et acuite il engendre fumees & vapeurs macicatives des tuniques des yeulx & des esperitz visifz. La .vi. font les aulx semblablement nuysant a la veue a cause de leur vacuite et vaporation aigre comme a este declaire en ung texte. Allea nux ruta &c. La septiesme est fumee seblablement nuysant aux yeulx a cause de leur mordication & exication. La huitiesme sont porreaux, car les porreaux mengiez se eslevent fumees grosses & melancoliques faisant la veue obscure comme est declaire en ce texte. Allea nux ruta &c. La .ix. sont oignons lesquelz mengiez nuysent aux yeulx, a cause de leur acuite. La dixiesme sont lentilles desquelles dit Avicene au .ii. canon au chapitre des lentilles de celluy qui souvent mengeue lentilles la veue devient obscure, a cause de sa grande dessication. La .xi. est le souvent plourer, a cause de la vertu retentive qui fait les yeulx devile. La xii. se sont feves, lesquelles le souvent user engendre grosses fumees melancoliques qui font les esperitz visifz, tenebreux, et obscurs comme est declaire des porreaux. Et semblablement les feves mengiees font lhomme songier en son somme choses terribles. Le tresiesme est moustarde de laquelle souvent mengiee fait la veue debile par sa grande acuite. La .xiiij. est de regarder le soleil par sa grande lumiere comme experience demonstre a cause que les choses fort sensibles improportionees comme sont les rayes du soleil corrumpent les sens. La quinsiesme est habiter aux femmes et par especial apres la replection ou ares grande evacuation, et de celle chose est souffisamment declairee. La sexiesme est le feu duquel le regart continuel engendre grande seicheresse es yeulx & blesse la veue, et semblablement blesse les yeulx a cause de sa grande clarte. Et pour icelle cause veons communement les fevres et aultre qui continuellement oeuvrent au feu avoir les yeulx rouges et debiles. ¶La .xvij. est grant labeur a cause quil deseiche fort les yeulx. ¶La .xviij. est frapper environ les yeulx qui blessent les

[131]

yeulx & la veue & fait fluir le sang parturbant les esperitz visifz et aulcunesfoys engendre apostume. La .xix. est de trop user de choses agues comme de user de plusieurs saulses agues a cause des fumees agues eslevees & mord(an)tes les yeulx. La .xx. cause & la derniere est la plus blessante de toutes les aultres les yeulx et la veue est le trop veillier, car le trop veillier deseiche fort les yeulx. Et en general toute repletion nuyt aux yeulx & a la veue, semblablement toute chose desseichant nature & toute chose qui trougle les humeurs comme choses salees, agues, & ebriete, vomissement certes est utile a la veue en tant quil purge lestomac & nuyt a la veue en tant quil esmeult les matieres du cerveau en les deboutant vers les yeulx. Et pour le vomissement est bien necessaire, mais quil soit facilement fait apres mengier. et semblablement apres refection a souvent segnier & par especial avec ventosite, & ce est sentence davicene en la .iii. distinction du tiers au .iiij. traicte au cha. de remeroration des choses nuysantes a la veue.

¶Textus.

¶Feniculus verbena rosa celidonia ruta

Ex istis fit aqua que lumina reddit accuta.

¶Exposition.

¶En ce text sont delcairees .v. choses medecinales desquelles leaue est propre a la veue. La premiere est le fenoul duquel le jus mis en lueil fait la veue clere selon rasis au .iii. livre dalmasor. La saconde est barbaine de laquelle eaue selon plusieurs medecins est toujours mise es receptes composees contre la dibilitation de la veue. La .iii. sont les roses de laquelle leaue enconfortant les esperitz animaulx confortent la veue. La .iiij. est celidonne & est herbe ayant jus citrin & est appellee celidonne quasi donnant dons celestes. La .v. est rue herbe commune & leaue dicelles deux herbes sont propres a conserver la veue comme il appert de tous medecins, & a este declaire dessus en divers passaiges. ¶Textus.

¶Sic dentes serua parrorum collige grana

[132]

Ne careas iure cum lusquiamo simul ure

Sicque per embotum fumum cape dente remotum.

¶Exposition.

¶En ce texte met lacteur aulcunes medecines propres a la douleur des dentz, & dit le texte que la semence des poreaux & le jusquiame bruslees ensemble sont cedatifz de la douleur des dentz, & doivent ainsy estre administrees le jus de jusquiame avec la semence des poreaux et doivent ensemble estre brusles, & recepvoir la fumees par le pertuis dung entonnoir au lieu douloureux du dent, le jusquiame a vertu dendormir & mortifier le sentement du dent parquoy la douleur est pardue. et la fumee de sa semence des poreaux a propriete de mortifier & de jetter les vers hors des dentz lesquelz concavitez des dentz font douleur intollerable, & icelle sentence dit Avicenne au .ij. canon au chapitre du poreaux, & sont les poreaux herbe congneue de tous et jusquiame est herbe stupefactive ayant longues fueilles et fetides.

¶Textus.

¶nux, oleum, frigus capitis angutilaque potus

Ac pomum crudum faciunt jhominem fore raucum.

¶Exposition.

¶En ce texte sont .vi. causes de la voix enrouee. La premiere sont noix grosses mengies, a cause quelle sont de grande excitation, et pource font la voix aspre semblable a la voix de grue. La .ij. est huyle laquelle mengie fait la voix enrouee, car les parties de lhuylle viscose adherent a la canne du polmon font la voix enrouee. Secondement peult faire la voix enrouee es corps coleriques, car lhuylle en iceulx corps de legier se inflame & a telle inflammation & chaleur sensuyt la voix enrouee & aspre toutesfoys la premiere cause semble mieulx approuvee. La .iij. est le froit de la teste a cause que de la froideur de la teste comprime le cerveau de laquelle compression fluent les humeurs au pomon & en la gorge & font la voix enrouee par trop grande humidite du polmon & de la gorge. La .iiij. est anguille mangie, car de mengier anguille fleumes viscoses se multiplient au corps lesquelles venant au polmon adherent par leur viscosite & font la voix enroue. La .v. est le trop boire & par especial quant on va dormir lequel boi

[133]

re rend le polmon fort humide, & engendre humidite du polmon & la cause principale faisant la voix enrouee selon tous medecins. La .vi. est mengier pommes crues, car en tant quelles sont crues elles multiplient la fleume. Et avec selles sont immatures, & stitique, ou pontique elles font la gorge aspre & ainsi font la voix enrouee.

Textus.

¶Ieiuna uigilia calias dape ualde labora.

Inspira calidum modicum bibe coprime flatum

Hec bene tu serua si uis depellere reuma

Si fluat ad pectus dicatur reuma catarrus

Ad fauces brancus : ad nares esto corisa.

¶Exposition.

¶En ce texte declaire lacteur .vij. choses pour garir le reume. La premiere est abstinence de mengier & de jeusnes, car par le jeusner la matirere de la rume se diminue a cause que le jeusner desseiche, et la matiere mieulx se pourrist & consume, car quant la chaleur naturelle na pas viande a digerer, elle digere & pourrit & consume la matiere de la rume & ainsi se diminue la replection de la teste. Et pour ce dit Avicene en sa.v. distinction au .iij. livre au cha. du cataire. Et garde que lhomme ayant cataire ou corise ne remplisse son ventre de viandes, parquoy le cerveau so remply. La .ij. chose pour guarir la rume est le veillier, car il desseiche fort le cerveau, & deffent les vapeurs monter en la teste. La .iij. sont le boire & le mengier chault, car par sa chaleur la matiere de la lume froide se pourrist & digere. La .iiij. est le travaillier, car le travailler consume la matiere de la rume et desseiche toutes les superfluitez du corps. ¶La .v. est aspirer lair chault & par especial en cataire de matiere froide, car par lair chault aspire la matiere seschauffe & se pourrist. La .vi. est guaire boire et supporter soif pour consumer la matiere de la rume, car le guaire boire consume fort & desseiche. La .vij. retenir son souffle, & est fort utile en cataire par especial de matiere froide, car par retenir le souffle les parties pectorales acquierent chaleur pourquoy la matiere froide se digere faisant le cataire. Et plusieurs dicelles commemoire avi. au lieu allegue quant il dit. Il fault continuellement tenir la teste

[134]

chaulde & eslongner du froit & le garder du vent de septentrion, & proprement apres le vent meridional, car vent meridional remplist la teste de vapeurs & rarife, & le vent de septentrion contraint et exprime les humidites & augmente cataire, & ne boive point deaue grandement froide, ne dorme de jour, & quil souffre soing, soif, & fain, et aussi veillier tant quil peult ce sont lesprincipes et commencement de cure du cataire. Rasis au .ix. livre dalmasor veult que le pacient du cataire ne dorme a revers. Et la raison est bonne, car par le dormir a revers la matiere du cataire fluyroit vers les parties posteriores au col lesquelles nont pas conduitz manifestes pour fluyr le matiere & fluyroit aux nerfz de la nuque & du dos et feroit paralisie ou spasme. Et semblablement se doit abstenir totelement de boire vin, car il est vaporeux, & come il soit chault il dissoult la patiere & augmente le raume. Et sembleblement ne se doit pas arrester empres le soleil ne le feu, car le feu & le seoleil en dissolvant les matieres du corps augmentent la rume. en apres le texte es derniers vers met difference entre iceulx trois noms cataire, brancus, et coriza, car quant la matiere fluyt es parties pectorales elle est appellee cataire, quant elle fluyt au nez, elle est nommee coriza, quant elle fluyt au col est nommee brancus, mais rume est nom general signifiant toutes matieres fluant dung membre en lautre : ¶Textus.

¶Auripigmentum sulfur miscere memento

His decet appponi calcem commisce saponi.

Quattuor hec misce commixtis quattuor istis

Fistula curatur quater ex his si repleatur.

¶Exposition.

¶En ce present texte met lacteur une medecine curative de fistule et dit que emplastre fait dauripigmen, de souddre, de chault vive et de savon ensemble mesles guarist la fistule, la raison si est, car en iceulx est vertu grande excicative mondificative lesquelles intentionssont necessaires en la curation de la afistule. Platere dit du auripigmen quil est chault & sec au quatriesme degre et dissoult attire, consume, et mondifie, et dit que le souffre et savon sont semblablement chaultz & secz, mais le souffre est plus chault, car il est

[135]

chault & sec au .iiij. degre & non pas le savon. Avicene dit de la chau que la chau lavee est excicative & sans mordication & consolide. Environ ce est a noter que fistule est ulcere de laquelle fluyt continuellement matiere, & a periode en son fluy selon divers temps ou diverses lunes jectant matiere en plus grande quantite.

¶Textus.

¶Ossibus ex denis bis centenisque nouenis

Constat homo denis bis dentibus & duadenis

Ex tricentenis deties sex quinque uenis.

¶Exposition.

¶En ce texte lacteur met le nombre des os, et des dentz du corps humain. et dit premierement que lhomme est compose de .ij. cens et .xix. os, toutesfoys selon les docteurs anciens comme ypocras, Galien, Rasis, Avicene le nombre des os de lhomme sont .ii. cens & xlviij. jacoit ce en la particuliere enumeration des os ilz soyent discors. et ce dit ung metre commun. ¶Ossa dicentena sunt atque quater duodena. ¶Secondement il dit que lhomme doit avoir .xxxij. dentz communement & es hommes parfaitz aulcunesfoys advient aulcuns hommes estre prives de .iiij. derniers dentz qui sont aprés les dentz nommes molares & iceulx gens nont que .xxviij. dentz. Aulcuns sont prives diceulx .iiij. dentz en enfance tant seulement, les aultres en enfance & en jeunesse & ne leur voennent tant quilz soient vieulx, les autres en sont prives toute leur vie. et environ ce texte est a noter que selon Avicee en la premiere distinction du premier au chapitre de nathomie des dents diceulx les deux anteriores sont nommees duales et deux nommees quadruples conjointz aux duales deux en la partie senestre & deux au destre & tant les dentz duales que les quadruples sont deux en mandibule inferiore, & deux immandibule superiore & sont tous ordonnes a incider & pour leur nommes daulcuns medecines dentz insciseurs, & par especial les dentz duales. Apres iceulx dentz sont deux aultres dentz cy bas conjointz aux dentz quadruples et leur offise est de rempre choses dures. Et apres sont les dentz molares quatre a senestre & quatre a destre tant en la superiore manidule comme en la inferiore. et apres les dents morales en aulcuns vient

[136]

enocres ungz petis dentz & en aulcuns non lesquelz se nomment dents sensus tant au senestre comme au destre, tant en bas comme en hault, et sont iceulx dentz molares, & les dentz sensus ordonnez a mouldre la viande. Et la somme du nombre des dentz est .xxxij. ou .xxxiij. en ceulx qui nont point les dentz sensus celle est assavoir quatre dualles et quattre quadruples, et .iiij. canon, & .xvi. molares, & .iiij. nommez les dentz sensus. En oultre dit le texte que lhomme atrois cens & soixante cinq veines comme il appert en nathomie.

¶Textus.

¶Enula camana reddit precordia sana.

Cum succo ruto si succus sumitur huius

Affirmant ruptis nil esse salubrius istis.

¶Exposition.

¶En ce texte sont mises trois operations de enulacampana. La premiere est que eunulacampana conforte lorifice de lestomac lequel est appelle en medecine precordium, & semblablement conforte les membres spirituelz comme le polmon, & la poictrine qui sont prochains au cueur quilz confortent lestomac est chose manifeste, car la racine de enulacampana est medecine odorante laquelle de sa nature conforte les membres sporituelz, cest choseprouvee par experience, car le vin fait de enulacampana mondifie la poictrine & le polmon comme veult Avicene au .ii. canon au chapitre de enulacampana Et aussi enulacampana conforte avec miel & petit a petit englentine fait expeller les superfluitez par la bouche, & est des medecines confortatives de mer. La .ii. operation est que le jus de enulacampana avec le jus de rue confere aux gens rompus, & par especial quant la rompure est faicte par grande habondance de ventosite. et oultre ces operations enulacampana est utile a lestomac replet de maulvaises humeurs & oste les opilations du foye & de la ratelle comme dit rasis au .iij. dal. & est a toutes blesseures & douleurs faictes de chose froide & commotions de ventositez selon Avi au cha. allegue.

¶Textus.

¶Illius succo crines retinere fluentes

[137]

Halitus asseritur dentisque curare dolorem.

Et scamas succus sanat cim melle prunctus.

¶Exposition.

¶En ce texte sont mises .iij. operations de nasturcio. ¶La premiere est que nasturcio a propriete de retenir le poil qui chiet de la teste quant on oinct la teste du jus de nasturcio, ou son boit leaue ou le jus comme dit Avice. au .ij. livre au cha. de nasturcio. ¶La .ij. oeration est quelle garist la douleurs des dentz par especial de cause froide, car masturcio est incisif, & resolutif co(m-me appert en ce texte. Cur moritur homo. ¶La .iii. operation est que le jus de nasturcio a propriete de garir la morsure adherente au cuir quant il se prent cum melle, é le lieu en est oinct a cause que telle morsure est engendree de fleume, & quant il se prent par la bouche il prohibe la vause du morphe & oinct par de hors, par sa abstection il mondifie la morphe & principalement quant il est melle avec le miel, car semblablement le miel est abstersif, & aide labstersion du nasturcio. Et oultre icelle operations nasturcio desseiche les humeurs utrides, & mondifie le ventre & le polmont, & est utile a difficulte dalaine, & est fort p(ropre a ce, a cause quil est insicif, & subtiliatif, & eschaufe lestomac & le foye, & est utile aux splenetiqus, & proprement quant de nasturcio est fait emplastre avec miel il fait vomir la colere, & lache par le ventre, & augmente luxure, & expulse les vers, & provoque les menstrues comme dit Avice. au .ii. li. au cha. de nasturcio.

¶Textus.

¶Quattuor humores in humano corpore constat

Sanguis cum colera fleuma melancolia.

Terra melan. aqua. fleg. & aer sanguis. cole ignis.

¶Exposition.

¶En ce texte met en nombre lacteur les humeurs qui sont necessaires a constituer le corps humain. Et dit quil sont .iiij. humeurs en corps humain, cestassavoir le sang, flemme, colere, & melancolie. ¶Secondement il declaire la complection & la nature des humeurs en comparant les humeurs aux elemens. Et dit que la melancolie est froide & seiche & le compare a la terre de nature semblable. La fleu

[138]

me est froide & humide & est comparee a leaeue. Le sang est chault & humide & est compare a lair. Et la colere est chaulde & seiche et comparee au feu. et tout ce appert par les metre qui sensuyvent. ¶Humidus est sanguis calet et uis aeris illi alget Hument fleuma illis uis sit aquosa. Sicca calet colera sic igni sit simulata. Melancolia friget quasi terra. Et pour avoir plus ample declaration est a noter selon Avicene en la premiere disti. du premier livre en la .iii. doctrine au chapitre premier quil sont .iiij. humeurs au corps humain, cestassavoir sang, fleume, colere, & melancolie comme a est declaire, entre lesquelles le sang est le meilleur. Premierement, car cest la matiere des esperitz desquelz la vie est maintenue & toute operatio()n vegetative, vitale, & animale. ¶Secondement, car le sang est conforme avec les principes de vie, car il est chault attrempeement. ¶Tiercement, car il restaure & nourrist plus les corps que les aultres humeurs. et pour tout conclure ces le tresor de nature duquel perdition & eschauffement sensuyt la mort incontinent. En apres disant la fleume en bonte premierment, car la fleume est disposee & apte en temps indigance de sang de convertir en sang, & pour icelle cause nature ne luy a pas ordonne propre receptacle, mais elle court avec dedans les veines avec le sang. ¶Secondement elle est voisine & semblable a lhumidite radicale. En apres sensuivent la colere laquelle participe et simbolifie avec la chaleur naturelle aussi longuement quelle garde sa mesure convenable. En apres est la melancolie comme feces & sorcies eslongies des principes de la vie ennemye de joye cousine a vilanie & a la mort. ¶Secondement est a noter pour la division & diffinition des humeurs que du sang sont deux especes, cestassavoir naturelle et non naturelle. La sang naturel est celluy qui a la couleur rouge sans maulvaise odeur et est fort doulx en le comparant aux aultres humeurs. Le sang non naturel est double, car sung non nature a cause quil est mue de sa qualite complection naturelle sans mixtion daultre humeur. Laultre est non naturel par humeur meslee avec luy peccant en qualite ou substance ou en proportion de lung a lautre. Et icelluy est double, car lung est non naturel par mixtion de maulvaises humeurs venant par dehors. Lautre est non naturel par

[139]

mixtion de maulvais humeurs engendre du mesme sang comme quant le sang se putrefie. La partie subtile se convertist en colere, & la grosse en melancolie & icelle colere ou melacolie ou toutes deux demeurent avec le sang, & icelluy sang non naturel par commixion de maulvaises humeurs en moult de maniere est divers du sang naturel premier en substance, car il est gros & feculenteux a cause que la melancolie est meslee avec luy, ou plus subtil quant la colere est meslee citrine ou aqueuse. ¶Secondement en couleur, car aulcunesfoys il est declinant a blancheur quant la fleume est meslee avec luy ou a noirceur par melancolie. ¶Tiercement saveur, car il est fetide par mixtion dhumeurs fetides au sang saveur par mixtion dhumeurs crues. ¶Quartement en saveur, car il decline a mertume par mixtion de colere ou acetosite par melancolie ou ansipidites par amixtion de fleume. De la fleume naturelle semblablement sont deux especes, cesassavoir naturelle et non naturelle. La naturelle est celle qui est disposee de convertir en sang en aulcuns temps, car cest sang imparfaictement digere. Et est aculcune espece de fleume doulce laquelle nest guaire froide & le comparent au corps et est de petite froideur, mais en la comparant au sang & a la colere elle est froide. Et est la fleume naturellement blanche. et est dicte icelle fleume doulce en prenant ce vocable doulx largement pour toutes saveurs delectables au gout, car aultrement icelle fleume naturelle nest pas doulce, mais insipide et aqueuse et voisine a leaue en saveur. Et na point nature ordonnee a la fleume de propre receptable, comme il a fait a la colere et a la melancolie, mais nature latransmis avec le sang affin que en temps de indigence soit convertu en sang, car elle a similitude prochaine au sang. Et icelle sont deux especes a deux necessitez & une utilite. ¶La premiere necessite est quelle soit empres les membres & que leurs vertus le digerent & convertissent en sang pour leur restauration quant ilz seront prives de nourrissement cest assavoir de sang acoustume de venir par aulcunes oppilations au foye ou es veines. ¶La .ij. necessite est affin quelle soit meslee avec le sang pour disposer le sang a nourrir les membres fleumatiques comme le cerveau, & la inique, car sang quil doit nourrir lesditz mem

[140]

bres doit avoir grande portion de fleume avec luy. Lutilite de la fleume est quelle tient les oinctures humide et les membres qui sont de grant mouvement affin quilz ne deviennent secz de la chaleur qui ensuyt le mouvement & le sucation diceulx. La fleume non naturel peult estre divisee premierement en sa substance. Et ainsi aulcune est mustillagineuse & est fleume apparante selon le sens diverses en ses parties, car lune est subtile & lautre est grosse. Et est dicte mustillagineuse par similitude quelle a avec les mustilages estraitz des semences, lautre fleume grosse apparente equale selon le sens en la substance, cestassavoir en subtilite & en grosseur, mais en verite elle est diverses en ses parties, & est appellee fleume crue. et icelle se pultiplie en lestomac & es intestins, et pour expulser hors de lestomac ypocras commande de vomir deux fois le moys, & pour expulser ladicte fleume hors des intestins nature a ordonne la colere fluyr de son sistifellis a ung intestin nomme jejunium, et en oultre aux aultres intestins pour mondifier ladicte fleume desdictz intestins pour le fait lubriquier avec les feces. Et semblablement aulcunefois se multiplye es vaines par especial es gens antiques, a cause que la vertu digestive est fort dominuee et illec faisant demourer petit a petit se augmentent & sengrossist & semblablement griefve nature & ne le peult expulser par les veines a ce ordonnee, mais nature tousjours labourant de faire de possibilibus quod melius est, le eslonge du cueur et des aultres membres intrinceques & le trasmet aux parties extremes, & par especial aux jambes, car icelle fleume de sa nature pesante decline tousjours es basses parties, & ce est la cause pourquoy les jambes des antiques gens sont enflees de inflation delaissant fosses apres compression faicte du doit, & par especial faicte environ la nuyt es gens gras nourris de viandes humides. ¶Lautre espece de fleume est fort subtile et est fleume aqueuse semblable a leaue aulcunement espesse, et souvent se mesle avec la salive de ceulx qui font maulvaise digestion & qui tro boivent & fluyt du cerveau es narilles & souvent fait une espece de cataire nommee coriza et sengrossit par decoction & se convertit en fleume grosse ou mustillagineuse. Aultre espece est de fleume fort grosse blanche appellee fleume

[141]

gipse, et est fleume de laquelle les parties subtilles sont resoluees a cause quelle a demoure es joinctures long temps & les parties grosses se sont limpidifiees & icelle fleume fait la podagre nodeuse, & la ciragre incurable. ¶Lautre espece fleume vitreuse & est fleume grosse semblable voire liquide en couleur viscosite & en pesanteur. ¶Secondement la fleume non naturelle divise de la partie de ses saveurs, car aulcune est fleume doulce faicte par amixtion de sang avec la fleume & sur icelle espece est continue la fleume unctueuse faicte par amixtion de sang unctueux en la fleume. ¶Laultre est fleume insipide faicte par indigestion comme aulcune fleume vitieuse. ¶Lautre est fleume salse faicte par amixtion de colere, et est mordicative seiche legiere plus que toutes autres especes a cause de la colere meslee avec le fleume laquelle est seiche legiee & ague. et icelle espece est souvent trouvee en lestomac des gens fleumatiques beuvans fors vins & usans choses salees agues & adherantes a lestomac et fait lhomme souvent avoir soit intolerable, & quant elle fluyt es intestins par long temps elle eschorche les intestins & fait le flux de ventre nomme dissinterie, et fait souventesfoys au fondement fortes exrinsions. ¶Lautre est fleume aceteuse engendree aulcunesfoys par la melancolie meslee avec la fleume. Et aulcunesfoys est engendree par ebulition survenant a la fleume, comme il fait au jus des fruictz doulz lesquelz premierement boullent & en apres sont aigres. Et icelle fleume souvent appert en lestomac de ceulx qui maldigerent que es aultres parties, car a lorifice de lestomac fluyt naturellement a melancolie pour inciter lappetit, laquelle descend es parties basses de lestomac et se mesle avec la fleume et la fait aceteuse et est congneue par eructations aigres. Et aulcunesfoys telle fleume est engendree en lestomac par ebullition du chilus par debile chaleur. ¶Lautre est fleume pontique laquelle aulcunesfoys est engendree par mixtion de melancolie pontique et icelle fleume est rare a cause que la melancolie pontique nest guaire souvent trouvee en corps humain, aulcunesfoys est engendree par sa froidure vehemente dicelle fleume par laquelle froidure humidite delle se cogelle et acquier alteration et nature terrestre, car celle chaleur debi

[142]

le pour le faire boullir elle se convertiroit en fleume aceteuse, ou selle avoit chaleur fort quil peult digerer elle se convertiroit en sang. Semblablement de la colere il en sont deux especes cestassavoir colere naturelle & colere non naturelle. Colere naturelle est escume du sang de couleur rouge, et clere, cestassavoir rouge citrins au dernier degre de citrinite et est legiere ague et tant plus est chaulde et plus est de couleur rouge. Et icelle colere apres ce quelle est engendree au foye elle est divisee en deux parties lune trespasse avec le sang es veines lautre partie est transmise en une bourse nomme xperifellis. Icelle colere trespassant avec le sang penetre avec celluy a cause de necessite et a cause de utilite. La necessite est affin quelle soit meslee avec le sang pour nourrir les membres coleriques, et lutilite est pour subtilier le sang et luy donner ayde a penetrer es veines. ¶La colere transmise en la bourse du xperifellis y est transmise par necessite et utilite, la necessite est double, car lune est universelle et necessaire pour tout lecorps, cestassavoir pour mondifier lecorps des superfluitez coleriques, lautre est particuliere, cestassavoir pour gouverner la bourse du xperifellis. La utilite est doulble, lune est pour mondifier les intestins des matieres fecales et des fleumes vicieuses adherantes aux intestins, lautre pour poindre les intestins et les musclles du fondement affin quilz sentent les choses a luy nuysibles pour expulser dehors les feces. Et probation de ce est que la colique passion est souvent engendree a cause de oppilation faicte au conduit de la bourse du cristifellis venant aux intestins. ¶La colere non naturelle est double, car lune est non naturelle par choses extrinseques meslees avec la colere, lautre est non naturelle en soymesme, cestassavoir en sa substance. ¶La colere non naturelle par choses extrinseques lune est fameuse et faicte par amixtion de fleume avec la colere, et est dicte fameuse a cause quelle est souvent engendree au corps, et de icelle espece de colere communement est la fievre tierce engendree. Lautre est moins fameuse et est celle avec laquelle est la melancolie meslee. ¶La colere fumeuse est double, ou elle est citrine est engendree par amixtion de fleume naturelle avec colere naturelle, ou elle est vicelline sembla

[143]

ble au rouge de loeuf, & est engendree par amixtion de fleume grosse avec colere naturelle. La colere moins fumeuse sengendre en deux maniere, la premiere est quant la colere en soymesmes est bruslee et ce en fait cendres de laquelle nest separee la partie subtile, mais sont ensemble meslees & icelle colere est la pire, lautre est quant melancolie survyent a la colere par dehors & se meslent ensemble & icelles colere est meilleure que lautre, et est de couleur rouge obscur semblable a sang venal de la colere naturelle en sa propre substance sans commixtion daultre humeur, lune sengendre souvent au foye a cause que la partie subtile du sang se brule & se convertist en colere, & la partie grosse se convertist en melancolye lautre sengendre en lestomax le plus souvent par viandes maulvaises digerees & corrumpues, ou sengendre es veines des autres humeurs, & diecelluy colere sont deux especes, car lune est nommee colere pressive semblable a la couleur dune herme nommee prassium laquelle est engendree de la colere vicelline par adustion, car adustion fait en la colere vicelline noirseur laquelle meslee avec couleur citrine engendre couleur verde, lautre est colere erugieneuse semblable en couleur a rongures darain, & sengendre de colere prassive, car quant se brusle jusques humidite soit consumee elle commence a retourner a couleur blanche par sa seicheresse. Et icelles deux colerus sont venieuses, & la colere erugineuse est la pire. De la melancolie semblablement sont deux especes, cesassavoir naturelle et non naturelle, la naturelle est la fece et lye du sang de saveur moyenne entr le doulx et le pontique. et icelle melancolie quant elle est engendree au foye est devisee en deux parties desquelles lune penetre avec le sang & fluit es veines avec le sang, lautre partie est trammise en la ratelle. ¶La premiere partie penetre avec le sang pour necessite et utilite, la necessite est affin quelle soit meslee avec le sang pour nourrir les membres melancoliques froitz et secz comme les os. Lutilite est pour condenser le sang subtil, & faire plus corpulent pour le mieulx convertir & restaurer les membres solides & compactes esquelles il fault convertir. Lautre partie malicieuse est transmise en la ratelle pour necessite et utilite. La necessite est doulble, lune est universelle pour tout le corps, cestassa

[144]

voir pour mondifier le corps de la superfluité melancolique. Lautre est particuliere, cestassavoir pour gouverner la ratelle lutilite procede de ma melancolie pource quelle fluyt a lorifice de lestomac en exprimant les humiditez illec trouves comme la femme exprime le laict des dois du piz de la vache. Et icelle utilite est double, lune si est que la melancolie unit & conforte lorifice de lestomac par sa ponticite et aigrete, & incite lappetit & le desir a mengier. La melancolie non naturelle est comme chose aduste en comparation des aultres humeurs. Et en sont quatre especes fameuses jacoit ce quilz soient plusieurs especes non fameuses. La premiere est la cendre de la colere et icelle espesse est amere. La .ij. est la cendre de la fleume et ce qui est brusle de la fleume, & se la fleume bruslee estoit fort subtile et aqueuse, la melancolie delle engendree sera de saveur salse. et se la flume bruslee estoit grosse la melancolie delle engendree decline a saveur aceteux ou saveur pontique. La .iij. est cendre su sang et celle melancolie ung petit salse declinant a doulceur. La .iiij. est la cendre de la melancolie naturelle. Et se la melancolie naturelle de laquelle est engendree ladicte melancolie est subtile. La non naturelle est aceteuse & quant elle chiet en terre elle boult & de odeur aigre et fuient les mouches. Et se la melancolie naturelle est grosse la non naturelle est aceteuse & quant elle chiet en terre elle boult & de odeur aigre et fuient les mouches. Et se la melancolie naturelle est grosse la non naturelle engendree delle est de moindre acetosite avec aulcune ponticite.

¶Textus.

¶Natura pingues isti sunt atque iocantes

Semper rumores rupiunt audire frequentes

Hos uenus & bachus delectant fercula risus

Et dacit hos hylares & dulcia uerba loquentes

Omnibus his studiis habiles sunt & magis apti

Qualibet ex causa nec os leuiter mouet ira

Largus, amans, hylaris, ridens, rubetque coloris

Cantans, carnosus, satis audax, atque benignus

¶Exposition.

¶En ce texte delcaire lacteur les signes pour congnoistre les gens sanguins. La premiere est que les sanguins sont naturellement gras.

[145]

Et ne devons pas entendre que le sanguin soyt gras proprement, car lhomme gras se juge de complection froide comme dit Avicene en la .ij. distinction du premier, droictrine .iij. au chapitre .iij. mais il est gras largement, prins en ce vocable gras pour charnosite, car le sanguin fort est charnu, car Avicene dit au chapitre nomme que habondance de chair rouge & ferme signifie la complection chaulde et moite, et telle est la complection sanguine a cause que habondance de chair a este forte vertu assimilative et multitude de sang lesquelz ont vigueur par chaleur & moiteur comme veult Galien au deuxiesme livre de coplection ou il dit, habondance de chair est engendree de habondance de sang, car la bonne vertue digestice assimulative fait la chair ferme, & Avicene au chapitre nomme dit que tous corps charnis sans habondance de grisse sont de complection sanguine. Et icelle mesme sentence veult galien au .ij. livre de regin en ce canon. ¶Humida uero & calida clausis. Le .deuxiesme signe est quil est joyeulx a cause de la bonte & benignite du sang & des esperritz clars & parfaitz engendrez de luy provoquant lhomme a lyesse et a choses joyeuses. Le troisiesme quilz oyent voulentiers fables joyeuses pour une mesme cause. La quatriesme est quil est incline a luxure a cause dhabondance dhumidite & de chaleur lesquelz les provoquent a luxure. Le .v. est que le sanguin boit voulentiers bon vin. Le .vi. est quil menge voulentiers bones viandes a cause que ung chescun appete son semblable, et est le vin & les bonnes viandes. Le .vii. est que facillement ilz rient a cause que le sang de soymesme provoque a rire. Le .vij. quil a la face joyeuse & amyable a cause la formosite & bonne couleur voisines du sang. Le .ix. est quil est doulx en ses paroles a cause du sang qui est de nature amyable. Le .x. si est que le sanguin est encline a toutes sciences, cestassavoir que legerement il peult apprendre de toutes sciences par la grande capacite de son engin. Le .xi. est que le sanguin est difficile a provoquer a ire a cause de son humidite amortissant la ferveur de colere provoquant lhomme aire. En apres le texte es deux derniers vers repete aulcuns des signes devant declaires, et on adjouste aulcuns aultres. Le premier si est que le sanguin est large non pas

[146]

avaricieulx. Le deuxiesme si est quil est de bonnes meurs & amoureux. Le troisiesme si est que il est joyeulx. Le quatriesme qui semble rire tousjours, et de tout ce la cause est de bonte et benignite du sang qui encline lhomme a celles proprietes. Le cinquiesme quil est de couleur rouge, car Avicene veult au chapitre nomme rougeur signife multitude de sa,g. Et se doit entendre de couleur rouge avec aulcune splendeur, & non pas de rouge affusque comme est couleur des bons beuveurs de fors vins & de qui usent choses salees et espices agues, car telle couleur signifie lepre advenir. Le .vi. est qui chantent voulentiers a cause de leur joyeux courage. Le .vij. est qui sont charnus pour la cause delcairee. Le .viij. est qui sont souffisamment hardis par la chaleur du sang qui est cause de hardiesse. Le .ix. est qui sont beningz par la bonte et benignite du sang.

¶Textus.

¶est & honor colere qui competit impetuosis

Hos genus est hominum cupiens precellere cunctos

Hii leviter discunt multum comedunt cito crescunt

Inde magnanimi sunt largi summa petentes.

Hirsutus fallax irascens prodigus audax

Astutus gracilis siccus croceique coloris.

¶Exposition.

¶En ce texte sont aulcuns signes pour congnoistre les gens coleriques. Le premier est que lhomme colerique est impetueux, & faisant ses choses hastivement, car la chaleur vehemente de la colere fait mouvoir lhomme colerique impetueusement. Et pource dut Avicene au premier canon en la .ij. distinction au chapitre .iij. que les operations faictes impetueusement signifient chaleur. Le deuxiesme est que le colerique appete honneurs a preceder tous aultres. La raison si est, car la vehemente chaleur du colerique dispose lame du colerique a arrogance & a temerite. Le troisiesme est quilz sont legiers daprendre a cause de subtilite & chaleur de la colere. Et pource dit Avicene au chapitre dernier nomme que promptitude a facillement entendre signifie complection chaulde. Le .iiij. est quilz mengent moult, car il sont de vertu fort digestice et plus grande resolution que tous aultres

[147]

corps. La .v. quilz croissent fort en petit de temp a cause de leur forte chaleur naturelle avec souffisant nourrissement. La .vi. est quilz sont magnanimes, & ne peuvent souffrir injures a cause de leur chaleur vehemente. et pource dit Avicene estre impatient dune chescune chose signifie chaleur. La .vij. est quilz sont larges et liberaulx et ceulx desquelz ilz sont honnorez. La .viij. est quilz appetent choses summeres & dignitez souveraines pour la cause declairee au .ij. signe. ¶La .ix. est que le colerique est peleu a cause que la chaleur euvre les porrois du corps & esmeult la matiere du poilz vers le cuyr, & pource dit on communement qui le colerique est pelu comme le bouch. La .x. est quil est trompeir. la .xi. est ireux, & facilement courrousse é pource dit Avicene au cha. nomme que lhomme souvent yreux de cause legiere signifie chaleur & vient icelle ire pour la facile commotion de la colere & ebulition du sang environ le cueur. La .xij. est quilz sont larges et prodigues a exposer pour acquerir honneurs. La .xiij. quilz sont delies de membres & graciles pour la chaleur superflue fort resolutive. Le .xvi. quilz sont secz & maigres par leur complection dessicative. La .xvij. quilz sont de couleur citrine, & pource dit Avicene au chapitre nomme citrine sifnigie la colere dominer.

¶Textus.

¶Restat adhuc tristis colere substantia nigre

Que reddit prauos par tristes pauca loquentes

Hii vigilant studiis nec mens est dedita somno

Seruat prepositum sibi nil reputans fore tutum

Inuidus & tristis cupidus dextreque tenacis

Non expers fraudis timidus luteique coloris.

¶Exposition.

¶En ce texte sont aulcuns signes propres de la completion melancolique.Le premier est malignite, car la melancolie fait les gens maulvais & de maulvaises meurs comme font plusieurs qui se occient. La .ij. quil est triste, car gens melancoliques sont tristes communement a cause de leurs esperitz melancoliques troubles & tenebreux

[148]

comme le gens sont joyeulx a cause des esperitz clers. Le .iij. taciturnite, car melancoliques sont de petit parler a cause de leur froideur, come la chaleur fait les gens grans parleurs. Le .iiij. est quilz sont enclins a lestude, car ilz appetent tousjours estre solitaire. Le .v. est quilz ne sont point endormis a cause quilz ont le cerveau fort sec, et a cause des fumees melancoliques faisant songes terribles lesquelz les esveillent incontinent. Le .vi. est quilz sont de ferme propos & de bonne mémoire & sont difficiles a complaires & la secheresse du cerveau les fait estre de ferme propos & de bone mémoire. Le .vij. est que les melancoliques jamais ne cuydent estre seigneurr, mais tousjours en crainte a cause de leure esperitz tenebreux. es deux derniers vers sont mis autres signes avec aulcuns des signes declaires. Le .premier est que les melancoliques sont enuieux. Le .ii. quilz sont tristes. Le .iij. quilz sont avaricieux. Le .iiij. quilz sont tenans & rien ne veullent baillier, & mal payans. Le .v. quilz sont simples frauduleurs & pource gens melancoliques sont devost aymant escriptures, jeusnant, & font abstinances. Le .vi. est quilz sont timides. Le .vij. quilz sont de couleur terrestre & fusques, & se la couleur est prochaine a la couleur verde signifie la melancolie dominer.

¶Textus.

¶Hii sunt humores qui prestant cuique labores

Omnibus in rebus ex fleumate sit color albus

Sanguine fit rubeus colera rubea quoque russus

Si peccet sanguis facies rubet extat ocellus.

Inflantur gene corpus nimiumque grauatur.

Est pulsusque frequens plenus mollis dolor ingens

Maxime fit frontis & constipatio uentris

Siccaque lingua sitis & somnia plena rubore

Dulcor adest sputi sunt acria dulcia queque.

¶Exposition.

¶En ce texte dit lacteur que le fleumatique est de couleur balnche et le colerique de couleur citrine, & le sanguin de couleur rouge & le melancolique de couleur fusque. et en est doctrine donnee. Secondement met .xij. signes signifiant superhabondance de sang. Le premier que la face est rouge a cause du sang qui ascend en la teste et en la face. Le .ii.

[149]

est que les yeulx apparent plus au dehors quilz nont acoustume, a cause que le sang illec multiplie extent le membre. Le .iij. est que les yeulx aux gens sont enflez pour une mesme cause. Le .iiij. est que tout le corps est pesant & grave, car nature ne peult maintenir & gouverner si grande quantite de sang & soustenir le corps. Le .v. est que le poux devient frequent a cause de la chaleur que fait le sang multiplie. Le vi. est que le poux est plain pour la multitude des vapeurs chauldes & humides. La .vij. est que le poux est mol a cause de lhumidite grande mollifiante la terre. La huitiesme est douleur au front a cause du sang multiplie in rethe mirabili Le .ix. est que le ventre est serre sans aller au retraict pour grant chaleur exsicant les faces. Le .x. est que l langue est seiche & aspre a cause des fumees ascendantes a la bouche. Le .xi. est la soif clameuse et intollerable a cause de la grande secheresse en lorifice de lestomac engendree de la graande chaleur. Le .xij. est que les maladessongent choses rouges et ce veult Avicene en la .ii. distinction du premier, en la .iij. doctrine au chapi. vii. quant il dit, les signes signifient habondance de sang sont quant il semble a lhomme quil voit choses rouges en ses songes, ou fluir sang de son corps, quil songe de nagier en sang. Le .xiij. est que le rascement est doulz a cause de la grant doulceur du sang, les figures de la colere superhabondant sont comprins en ces vers. Accusat coleraue dextre dolor aspera lingua. Tinitus uomitusque frequens uigilantia multa. Multa sitis pinguis est torsio uentris. & cetera. Les signes de la fleume superhabondante sont contenues en ces metres. Fleuma supergrediens proprias in corpore leges. Os facit insipidum &c. ¶les signes de la melancolie superhabondante sont cimprins en iceulx vers. Humorum pleno dum sex in corpore regant. Nigra cutis durus pulsus tenuis & urina. Sollicitudo timor & tristicia somnia tempus. Accrescit rugitus sapor et sputaminis idem. Lenamque precipue timuit et sidulat auris.

¶Textus septenus uix fleubothomium petit anus.

Spiritus uberior erit per fleubothomiam

Spiritus ex potu uini mox multiplicatur

[150]

Humorumque cib dammim lente reparatur

Lumina clarificat sincera fleubothomia.

Mentes & cerebrum calidas facit esst medullas

uiscera purgabit stomachum ventremque cohercet.

Duros dat sensus dat somnum tedia tollit

Auditus uocem uires producit & auget.

¶Exposition.

¶En ce texte lacteur parle de saignier. Premierement monstre leage competant & requis devant quon puisse faire seignier, et dit que lhomme a .xvij. ans peult bien estre saignie, de ce dit Galien au .xi. livre de ingenio. que les engans ne doivent estre seigniez quilz ne ayent xiiij. ans du moins, la raison si est, car ilz sont de facile resolution quant leur survient chaleur estrange, & sont fort debiles par le saigner. Item ilz ont necessite de grant nourrissement pour deux choses, cestassavoir pour leur nutrition & pourtant fleubothomie ne leur compete pas. Item ilz sont souffisamment dossolus de chaleur estrange sans les encore debiliter & dissoudre par le seignier. Environ ce est anoter que comme le seignier ne compete pas aux enfans semblablement est prohibee es gens vieulx comme veult Ga. au .ix. li. de megaregin, et selon Galien & haly au .iij. li. de regin es prohibees maladies convalessant et es gens vieulx, car a iceulx le sang est bon de petite quantite, & le maulvais habonde en grande quantite & se seignier evacue le bon & delaisse le mauvais come dit avi. au cha. de la fleubothomie. Secondement declaire le nocument que fait la fleubothomie & dit quelle evacue les esperitz en grande quantite car au sang les esperitz habondent & pource on grande fleubothomie evacue les esperitz en grande quantite. Tiercement il met se remede pour refocilier & restourer les esperitz evacuez, & dit que le vin beut incontinent repare & restaure les esperitz, car de tous nutrimens le vin est celluy qui plus restaure & nourrit come dessus est declaire, & semblablement les esperitz sont refocilez & restaurez des aultres viandes, non pas subitement come duvin. Et la viande qui se doit adonc exhiber doit estre facile a digerer & generative de sang en grande quantite come sont les rouges des oeufz & autres semblables. Et environ ce est a noter que jacoit ce que la viande repare les espritz apres la

1514-Regimen sanitatis en francoys (Arnaud de Villeneuve) (151-185)

 [151]

fleubothomie, toutesfoys ce doivent garder le premier & deux jour de prendre grande quantite de viande, car ysaac dit es dietes universelles que le boire leur doit estre augmenté oultre ce quilz ont acoustume, mais doivent plus boire quilz ne faisoient devant la fleubothomie a cause que la vertu digestive est debile. Quartement declaire .xi. aydes lesquelz fait la fleubothomie bien faicte. La premiere est que la fleubothomie attrempeement faicte conforte la veue, car en diminuant les humeurs, il diminue les fumees & repletion de la teste offuscante la veue. la .ii. il clarifie & aguise lentedement par une mesme raison. La .iij. est quelle eschauffe la medulle, car il diminue les superfluites a elle courante & refroidantes la medulle. La .iiij. est quelle purge les entrailles, car quant nature est deschargee de la superflue quantite des humeurs, le residu jacoit ce quilz soyent indigestes la digere. La .v. est que la fleubothomie restraint le vommissement et le flux du ventre, car elle divertist les humeurs vers les parties exteriores comme dit Avicene de la fleubothomie, et est chose veritable par especial quant la seignie est faicte es veines du bras, car la saignie du pied ne retient pas ainsi, toutesfoys accidentellement peult la fleubothomoe augmenter le flux du ventre en deux manieres. Premierement, car par fleubothomie nature est deschargee & confortee, aucunesfois provoque le flux du ventre en deux manieres. Premierement, car par fleubothomie nature est deschargee & confortee, aucunesfois provoque le flux du ventre ou aultres evacuations, laquelle paravant estoit suffoquee & endormie. Secondement est quant le flux du ventre vient par debilitation de la vertu retentive, & la fleubothomie est faicte en iceluy flux elle augmente le lux en augmentant le vertu retentive. La .vi. est que la fleubothomie fait lentendement cler et fort subtil en evacuant & divertissant les fumees de la teste qui mortifient les sens. Le .vii. est quil fait dormir pour unem esme cause. Le .viij. est quelle oste anuy & pesanteur de corps a cause quelle descharge nature, & avec le sang se evacue la melancolie qui fait lhomme avoir annuy. Le .ix. est quelle conforte bouye a cause quelle diminue les vapeurs, & les humeurs montant en la teste troublant le sens de louye. Le .x. est quelle est utile a la voix en diminuant les humiditez & superfluitez courantes a la poictrine & au polmon empeschantes la voix. Le .xi. est quelle augmente la vertu et la force a cause

 [152]

quelle descharge nature de fardeau pesant.

¶Textus.

¶Tres insunt istis mayus september aprilis

Et sunt lunares sunt uelut ydradies

Prima dies primi : postremaque posteriorum

Nec sanguis minuy nec carnibus anseris uti

In sens uel iuuene sint uene sanguine plene

Omni mense dene confert incisio uene

Hii sunt tres menses mayus september parilis

In quibus eminuas ut longo tempore uiuas.

¶En ce texte lacteur declaire .iii. choses. Premierement il dit que ces ;iii. moys may, septembre, & avril sont les moys de la lune en iceulx sont aulcuns jours esquelz est deffendu faire fleubothomie cest le premier jour de may, le dernier de septembres & le dernier davril. Et jacoit que aulcuns tiennent celle reigle, toutesfoys elle est faulse & de nulle valeur. Premierement, car ces jours peuvent estre jours esleuz comme les aultres & avoir bon aspect & constellation pour faire fleubothomie. Oultre dit lacteur que nulle personne en ces jours ne doit mengier chair doyes, & est aussi chose erronee & faulse. ¶Et tient se docteur pont comme je croys icelle sentence des juifz qui encore tiennent celle maniere. Secondement dit lacteur que les gens vieulx de la premiere vieillesse & les jeunes ayant les veines plaines de sang peuvent estre saignes en chescun moys, car ilz resistent bien a la resolution et en iceulx habonde grande quantite de bon sang, & guaire de maulvais. Tiercement dit que fleubothomie faicte pour garder la sante doit estre celebree en aucun diceulx .iij. moys, cestassavoir may, septembre, & avril toutesfoys differamment, car en avril & en may doit on fleubothomer la veine du foye, car ilz sont en printemps, & en septembre la veine de la ratelle pour la melancolie habondante en icelluy temps.

¶Textus.

¶Frigida nature figens regio dolor ingens

post lauacrum coitum minore tas aque senilis

Morbus prolixus repletio potus & esce

Si fragilis uel subtilis sensus stomachi fit

[153]

Et fastiditi tibi non sunt fleubothomandi.

¶Exposition.

¶En ce texte declaire lacteur .xij. choses empeschantes le saigner. La premiere est la complection froide, car selon galien en son metagin la fleubothomie refroide, & par ainsi augmente la complection froide, la cause est selon ysaac en ses urines, car le sang est fondement la chaleur naturelle, & pourtant la fleubothomie refroide. La .ii. la region grandement froide sur lequel il fault comprendre le temps excessivement froit, car semblablement il prohibe la saignie a cause que es regions et temps fort froitz le sang est au parfond du corps reclos, & celluy qui est aux extremitez est conduse & congelle inepte a fluyr. La .iij. grande douleur sur laquelle aussi est comprinse grande inflammation du corps car se fleubothomie estoit faicte iceulx accidens, il sensuivroit mouvement agitatif qui est grandement contraire a nature, & sensuivroit plus grande inflammation debilitant aussi nature, & la cause efficiente du mouvement agitatif en forte douleur est attraction es parties diverses, car par fleubothomie par la douleur forte est attraction au lieu dolereux la cause de la maieur inflamation est car par la fleubothomie sesmeuvent les humeurs & aquierent plus grande inflamation, cest chose veritable quant la pleubothomie est p etite & artificielle & celle est faicte jusques au sincopin elle est proffitable es choses dessudictes, car quant la fleubothomie surmmonte lattraction faicte de la douleur elle ne fait pas mouvement agitatif, elle oste aussi linflamation & ne delaisse pas humeurs souffisamment pour faire inflamation plus grande, & celle sentence veult ga. au canon dicelluy anffo. que geruntur, en la premiere particu. quant il dit il nest medecine meilleure en apostume de grant inflamation & fievres & en douleur forte que fleubothomie. Le .iiij. est le baing & pour especial resolutif, car il prohibe la fleubothomie a cause quelle est evacuative & nature ne peult supporter evacuation sur evacuation. La .v. est le habiter a femme, car incontinent apres ce on ne doit pas faire saignie, car nature seroit trop debile. Le .vi. est trop grant eage ou moindre que requerroit supporter lasaignie comme leage denfance & de vieillesse, et iceulx empeschemens touche

[154]

Avicene au cha. nomme, & garde toy de saignier le corps de complection fort froide & es regions de grande froideur & en forte douleur, & apres baing resolutif & apres lahbiter aux femmes & leage mondre de ;xij. ans & les vieulx tant plus que tu pourras se tu nas confiance en sa figure, cest en la sollicitude & grosseur du muscles & en la grandeur de ses veines & replection & en la couleur rouge. Le .vij. est maladie prolixe & de sa fleubothomie. Et icelle reigle ce doit entendre selon Avicene au chapitre nomme se le sang nest corrumpu,car adonc saignier il seroit necessaire. Le .vij. est grande replection de vin ou daultres brevaiges. ¶Le .ix. est tropt grande replection de viandes sur laquelle est comprinse la viande indigeste. et la cause diceulx est, car selon Avice. en la premiere la cause diceulx est, car selon Avicene en la premiere distin. du premier les choses qui attirent sont trois cestassavoir vacuum chaleur, et espesse, ou propriete acculte dont se les veines sont evacuees de sang par la saigne attirent la viande indigeste ou superflu, ou de boire superflu de lestoac & du foye, lequel indigeste attire es veines& ne peult estre corrige, car la iii. digestion ne corrige pas la premiere ne la seconde de ce lindigestion est grande & ne ce pourroit convertir a restaurer & seroit cause de maladie grande. Le .x. est foiblesse de vertu, car la fleubothomie est forte evacuationt selon ga. en la .ii. particule des anfforismes au comment dicelluy canon in quo morbo. et la vertu debile ne peult porter forte evacuation. Le .xi. est forte sensation de lorifice de lestomac ou lestomac fort sensible, car celluy qui a tel estomac de legier vient en sinopis par saignie, & avec celluy est comprins celluy qui a lestomac debile, & celluy qui est enclin au dernier fluit de colere en lorifice de lestomac engendre vomissement de colere. et pource ceulx qui ont les nommees accidens ne comptent pas la fleubothomie, car par elles les humeurs esmouvent lorifice de lestomac comme au lieu acoustume, car le membre est debile & ne peult resister, & pource leur sourvient plusieurs paulvais accidens par la saignee, & icelle est la cause pourquoy aulcuns sincopilent quant on les saigne, car la colere morditive fluit a lestomac & point, le cueur souffre avec lestomac a cause de

[155]

leur colligance & ensuyt sincopissement. le .xij. est fastidium, car ce en fastidium estoit faicte saignie les veines avacuees attireroient les humeurs males faisant fastidium. Et iceulx .vi. accidens met avi. au chapi. de fleubothomie. Et environ ce est a noter que oultre iceulx accidens sont encore aulcuns aultres empeschant la fleubothomie desquelz le premier est evacuation comme est flux de menstrues & de emorroides, car adonc ne compete pas fleubothomie pour evacuer, jacoit ce bien pour divertir. Le .ii. est le corps rare, car les corps rares sont fort dissoolute, & leur souffit icelle resolution continuelle & non indigence quelconque devacuation come veult Galien au .ix. de mageregin. Le .iij. est les humeurs indigestes & vicieux, car adonc est fleubothomie prohibee, car elle augmenteroit lindigestion & viscosite et feroit la vertu debile, & pource es maladies prolixes est saignie deffendue, & pource veult Avicene que es maladies croniques medecine laxative, soit prohibee devant le saignier, & non pas la saignie devant la medecine laxative, jacoit quilz ayent indigence des deux, mais les humeurs indigestes & crues peuvent venir par deux causes, lune par habondance dhumeurs quil suffoquent & extinguent chaleur naturelle laquelle suffoquee & debilitee engendre humeurs crues & indigestes, et adonc compete saignie, & pource dit alexandre y otros au .ii. livre au chapitre de ydropisie, fleubothomie au commencenement de yposarce cest une espece de ydropisie quant elle vient par multitude de sang des menstrues quant ilz ne peuvent fluir pour aulcune cause ou par multitude de sang des emorroides. La .ii. cause des humeurs crus est la chaleur naturelle debile comme les corps debiles de debile complection qui ont eu longues maladies, & comme gens vieulx, adonc ne compete pas fleubothomie, car par elle la cause seroit augmentee, car le sang ou gist la chaleur seroit extraicte & ainsi seroit la chaleur encore plus debile & augmentee sa froideur et oultre la crudite des humeurs donc laissier la fleubothomie pour digerer les humeurs crues & indigestes. La quattriesme maulvaise disposition de lair comme trop grande chaleur, outrop grande froideur, car en grande chaleur fait grande resolution, & grande froideur fait condenser ou congelle le sang et le fait inepte a fuir.

[156]

¶Textus.

¶Quid debes facere quando uis fleubothomari

Uel quando minuis fueris uel quando minutus

Unctio siue potus lauachrum uel facias motus

Debent non fragili tibi singula mente teneri.

¶Exposition.

¶En ce texte lacteur declaire .v ; choses qui doivent observer environ la fleubothomie, aulcuns devant, & aultres apres. La premiere unction laquelle se fait aulcunesfoys en la fleubothomie comme oindre la lancette pour amoindrir la douleur, aulcunesfoys se fait apres la seignie pour restarder la consolidation de la playe pour eventer les humeurs des veines & avoir respiration, & pour exiler fumees maulvaise. la .ii. est le boire & par especial du vin quiest utile pour secourir au sincopissementq ui survient aulcunesfoys en la saignie, et vault aussi apres la saignie pour reparer les esperitz et engendrer nouveau sang icelle pratique tiennent les medecins. La .iij. est le baing qui est utile par deux ou trois jours devant & .ij. ou .iij. jours apres la fleubothomie, & non icelluy jour devant comme se aulcun craignoyt davoir aulcunes grosses humeurs, car le baing dissoult les humeurs et les esmeult et pour icelle cause devant le saignier ung sirop fait deaue de vinaigre & succre & exercice pour dissouldre & subtilier les humeurs, pource devant quon face la saignie on face frication environ les veines qui veult saignier pour subtilier les umeurs & preparer pour fluyr facilement. Et aussi apres le saignier on fait frication pour resoluer aulcunesf umees & vapeurs demourees venantes du fluit des humeurs, mais au jour de la saigniee ne compete pas le baing, car ilfait lecueur lever & lubrique inepte a recepvoir le coude de la lancette ou il gist peril. La .iiij. est ligature avec draps blancz pour retenir le flux incontinent apres la saignie, & devant la saignie pour attirer les humeurs au lieu de la saignie & pour engrossir les veines. La .v. est mouvement ambulation attrempee faicte devant la saignie et pour dissouldre & subtilier les humeurs, & apres resoluer les reliques des humeurs de laisseez de la saignee. il est a noter communeent que on se fait saignier a ung, mais aulcuns docteurs dient quil vault

[157]

mieulx prendre premier ung œuf sorbile & boire petit de vin devant la seignee a cause que quant lestomac est en jung nature retient fort le sang pour sa nourriture, mais quant en lestomac est aulcune viande de grant nourriture comme sont les oeufz & le vin nature delaisse plus legierement fluyr le sang. ¶Textus.

¶Exhilarat tristes iratos placat amentes

Ne sint amentes fleubothomia facit.

¶Exposition.

¶En ce texte lacteur met trois effectz venant de la saignie. Le premier est que la saignie esjoyt lhomme triste et letifie. Le .ii. est que le saignier appaise les gens courrouces, la cause est, car quant grande quantite de melancolie est meslee avec le sang tristesse et melancolie sengendre, & quant colere en grande quantite est meslee avec le sang ire sengendre, car melancolie est cause de tristesse et colere de ire, et iceulx deux humeurs sont evacues avec le sang par la fleubothomie comle ilz soyent mesles avec le sang. Le .iii. est quelle prohibe & deffend les amoureux devenir ravis & en fureur, car elle divertist le sang de la teste & le fait fluyr des parties exteriores. Pour plus ample declaration est a noter quilz sont .v. causes pour lesquelles la saignie se fait. La premiere est pour evacuer le sang habondant en quantite ou en qualite ensemble, car selon Avicene au chapitre nomme deux manieres des gens sont a saignier, lune sont les gens qui sont enclins & disposes de cheoir en maladie comme ceulx qui ont habondance de sang en quantite, lautre maniere sont gens qui sont actuellement cheuz en maladie par la malice de leur sang, mais les saignies en iceulx sont differentes, car la saignie faicte pour evacuer lhabondance du sang doit estre grande, et faicte pour le sang maulvais doit estre petite. Pource disoit Galien au .ix. mengaregin se le sang du corps est malicieux et de maulvaise qualite il se doyt evacuer petit a petit. et pource pechent grandement ceulx qui font la saignie pour evacuer le sang maulvaises jusques ilz voyent yssir le bon sang, car tout le sang ysseroit devant dehors, mais se doit faire petit a petit en donnant selon Galien en icelluy cas devant la saignie aulcune diete, cestassavoir engendrant bon sang pour tenir le

[158]

lieu du sang maulvais qui sera evacue par la saignie, & ung petit de temps apres faire la saignie & proceder ainsi jusques a la fin, & icelle saignie est directe & de droicte ligne, car elles est faicte pour evacuer icelluy humeur qui se doit proprement evacuer par saignier, cestassavoir pour evacuer la multitude du sang. La .ii. cause est grandeur de maladie & grandeur dapostume de grant inflammation, car selon ga. au com. dicelluy anffo. que engeruntur il nest medecine meilleure ne plus profitable en apostume de forte inflamation et es feivres & douleur grant que seignie domme dit ce texte. Frigice nature. La .iii. cause pour attirer le sang en aulte partie du corps par laquelle le sang se doit evacuer comme pour provoquer les menstrues & les humeurs emorroydes on doit saingier la sopheme selon ga. & avi. pour tirer le sang vers les parties basses. La .iij. cause pour tirer le sang en lieu & partie opposite du leu ou fluit le sang pour divertir come en grant flux de menstrues on saigne la veine baselique pour retenir le sang de la partie opposite, et pour celle cause en plusieurs lieu de la partie senestre on fait fleubothomie en la partie dextre pour divertir la matiere & attirer en lieu contraire. La .v. est affin que par la saignie une portion & quantite de la matiere soit evacuee & nature plus forte sur le dormant, & pource fait on saignie quan le corps est replet pour prohiber apostume ou aultre maladie, car nature est debile & impotente de regir & gouverner ladicte replection. ¶Textus.

¶Fac plagam largam mediocriter ut cito sumus

Exeat uberius liberiusque cruor.

¶Exposition.

¶En ce texte lacteur declaire ung enseignement de louverture faicte en la saignie, et dit que lincision doyt estre large competemment, affin que le sang gros puisse bien yssir, car quand lincision est estroicte le sang subtil seulement fluit de hors & le sang gros demeure. Environ ce est a noter que aulcunesfoys en la saignie lincision doyt estre grande, aulcunesfoys petite. Et en trois cas doyt lincisien estre grande. Premierement quant le sang est gros comme es melancoliques. Secondement quant le temps est froit a cause quil engrosse

[159]

le sang & pourtant en yver lincision doit estre grande. Tiercement pour la grant quantite des humeurs affin quilz puissent mieulx estre evacuees mais lincision doit estre petite quant la vertu est debile affin que des esperitz & de la chaleur naturelle soit moindre quantite evacuee et aussi en temps chault pour une mesme cause & aussi quant le sang est subtil. ¶Textus.

¶Sanguine substract sex horis est uigilandum

Ne somni sumus ledat sensibile corpus

Ne neruum ledas non sit tibi plage profonda

Sanguine purgatus non carpas protinus escas.

¶Exposition.

¶En ce texte declaire lactur .iij. choses a considere de la fleubothomie. La premiere est que lhomme sanguin ne doit pas dormir incontinent apres la fleubothomie forsque six heures apres du moins, lacteur rend la cause au texte affin que les fumees engendress en dormant montees en la teste ne blessent le cerveau, toutesfois plusieurs raisons ont donnees, lune de paour que lhome sainge ne dorme sur son bras fleubothome pour les inconveniens. Autre cause affin que les humeurs ne fluent au membre blessez a cause de la ferve de la lancette & en viengne apostume, car Ga. dit en la .ii. particule des anffo. en ce ca. in quo morbo &c. se en dormant sengendre apostume dedans le corps ou aulcun membre soit blesse les humeurs fluent illec, Avi. rend aultre cause & dit que le somme apres la saignie engendre fraction de membre, la cause selon Ga. en celluy anffo. est car le somme fait au commencement du paroxysme est nuysant a cause que la chaleur naturelle se retourne au-dedans & les parties exteriores demeurent refroidees & les fumees qui ne sont pas consumees demeurent parquoy la rigueur & le tremblement est augmente & aussi le paroxysme, semblablement les fumees engendress par la commotion des humeurs par la fleubothomie retourent non consumez par le somme aux nerfz aux membres lacertans & illec refroidies sont confaction des membres le somme sensuyt incontienent apres la saigniee. ¶La .ij. est que la fleubothomie se doitg arder de faire parfonde incision en la veine de paour quil ne blesse nerfz ou autres dessoubz la veine, car de la blesseure du nerf sensuyt spasme mortel ou

[160]

au moins perdition du membre comme du bras ou daultre membre, & de lincision de laltere sensuyt grant flux de sang alterial difficile a restraindre. La .iij. est que lhomme saignie ne doit pas prendre incontinent apres la fleubothomie viande, mais doit attendre que les humeurs soient en repos affin que la viande ne soit pas attiree avec le sang pour secourir au membre blesse. ¶Textus.

¶Omnia de lacte uitabis rite minute

Et uitet potum fleubothomatus homo

Frigida uitabis qui sunt minuta minutis

Interdictus erit minutus nubilus homo

Spiritus exultat minutis luce per aures

Omnibus apta quies est motus ualde nociuus.

¶Exposition.

¶En ce texte met lacteur .v. choses deffendues a celluy qui est saignie. La premiere est que lhomme saignie doit eviter le laict & choses lacticinieuses, la raison est, car de la commotion des humeurs faicte par la saigniee souvent surviennent aulcunes humeurs a lestomac & pourtant se lhomme saignie prenoit du laict incontinent apres la signee le laict se corrumproit en lestomac a cause que de luy mesmes est de facille corruption. Et ainsi le laict par sa grande doulceur devant quil fut digere pourroit estre attire des membres, mais par la fleubothomie. La .ii. est que lhomme saignie se doit garder de trop boire, car a cause que les veines sont evacues tel breuvaige superflu facilement est attire es veines indigestes comme est souvent declaire. La .iij. est que lhomme saignie doit eviter toutes choses froides au dehors comme dedans comme laict froit viandes froides, baing froit, petite vesture, froideur des piedz de la teste, & toutes aultres semblable a cause que la chaleur naturelle est debilitee par la saignee & de legier seroit refroidee. La .iiij. est que lhomme saignie ne doit pas cheminer en air tenebreux ne obscur, & tristesse est causse de sang melancolique, mais il doit cheminer en air cler, car en tel air les esperitz vitalz animal & naturel sont recrees & refocillees, et sensuyvent au dehors en esjoyssant de leur semblable. La .v. est que lhomme saignie doit estre en repos at

[161]

trempe & eviter traudil excessif, car adonc le travail debilite fort & esmeult les humeurs & repos attrempe & appaise le mouvement des humeurs.

¶Textus.

¶Principio minuas in acutis perpera cutis

Etatis medie multum de sanguine tolle

Sed puer atque senex tollet uterque parum

Uel tollet duplum reliquum tempus tibi simplum.

¶Exposition.

¶En ce texte declaire lacteur quattre choses. La premiere est que fleubothomie doit estre faicte au commencement de la maladie fort ague comme celles qui sont terminees au .iiij. jour, car telles maladies sont briefves sans donner induces & pource des le commencement les fault medeciner. La .ij. est que en leage moyen, cest depuis .xxx. ans jusques a .xlv. ou .l. lon doit plus extraire de sang que en aultre eage, car en icelluy eage le sang sengendre & multiplie grandement et en icelluy eage la vertu ne augmente ne diminue, mais demeure en ung estat apparamment. La .iij. est que les gens vieulx & les enfans ne doivent guaires estre saignies, car es enfans quantite de sang grant est requisse pour leur nourriture & augentation, & es vieilles gens la vertu commence a devenir debile. La .iiij. est que ne printemps double quantite de sang doit estre extraicte en la saignie en comparant aux aultres temps, la raison est, car le printemps est fort generatif & multiplucatuf de sang selon tous docteurs de edecine. Environ la premiere pour plus ample declaration sont a noter aulcunes reigles environ la fleubothomie. La premiere est que au commencement de la maldie fleubothomie ne doit pas estre faicte, car le medecin est serviteur de nature selon Galien au .ii. livre du regin. Omnium natura operatrix medicus vero minister, mais selon Galien en la .iiij. particule de anffo. en celluy comment egritudinis quibuscunque incipientibus. Nulle evacuation ou commencement de la maladie nest naturelle & comme nature au commencement de la

[162]

maladie ne evacue pas semblablement aussy ne doit pas faire le medecin, toutesfoys celle reigle a instance en troys cas ; Premierement en nature furieuse, car Avicene au chapitre nomme veult que au commencement de la maladie saignie ne soyt faicte a cause que la fleubothomie esmeult les humeurs et les subtiles & les fait courir par tout le corps sinon que la matiere fut furieuse. Secondement a instance en grande multitude de matier pourquoy Galien au commencement dicelluy anfforisme. Inchoantibus morbis. dost cest chose necessaire de faire fleubothomies ou de donne medecine laxative affin que nature soit allegee, car elle est deschargee par grande multitude dhumeurs. ¶Tiercement il est instance en grandeur de maladie, et fort ague et pourtant quand apostume est grande et malice douloreuse, jacoit ce quil nya point grande quantite de matiere accedente au corps et pour eviter que la postume ne viengne a ouverture devant quil soit madure, pour eviter tel accident on doit saignier. ¶La deuxiesme reigle est que la saignie ou aultre evacuation ne doit pas estre administree au jour du mouvement de la maladie comme au jour de crisis, car par la saignie on pourroit divertir la matiere et évacuer par partie contraire a nature, semblablement ne au jour du paroxysme, car selon Galien au premier livre des anfforisme en lestat de la maldie fleubothomie ne aultre evacuation foit estre faicte, car en icelluy temps la moderation de la matiere se fait, & se fait mieulx en repos que en mouvement & par le paroxisme des maladies agues interposees est a comparer a lestat des maladies agues, car comme il est deffendu de saignier a evacuation en lestat semblable il est deffendu au jour du paroxisme. ¶La .iij. que laseignie est deffendue au commencement de la maladie quant le crisis cestadire le mouvement subit a salu ou a mort est elongie de lestat, car selon ysaa au livre de ses urines le sang est la racine & fondement de la chaleur naturelle & celluy qui le soustient en vigueur jacoit ce que le cueur soit la fontaine gnative du sang & des esperitz, toutesfoys le sang est le fondement de la chaleur naturelle, car de luy sont les esperitz & la

[163]

chaleur naturelle & pource celluy qui evacue le sang evacue la chaleur naturelle qui doit digerer & maturer la matiere de la maladie pource elle sen prolonge & la vertu se debilite qui est chose a craindre que pour longueur de la maladie & la deliberation de la vertu naturelle ne soit succombee. La .iiij. que en corps ayant les intestins plais de feces saignee ne doit pas estre celebree, la raison est, car trois choses attirent, cest la chaleur a chose vuide et espesse a propriete & a cause que la seignee evacue des veines & attire des membres prochains les humidites maulvaises des intestins & de lestomac par laquelle chose leventre est prefere plus que devant et le sang plus infect que paravant, pource les intestins doiven)t premier estre avaacues par cristeres ou suppositoire. La .v. que on ne se doit pas faire souvent saignier, car lhomme quant il deevient antique en est enclin a ydropisie paralisie, appoplexie, et epilence, car saigner celebre debilite chaleur naturelle, & est cause dengendrer multitude de fleumes qui sont causes des maladies nommees. La .vi. que la saignie est deffendue es femmes ayant leurs fleurs, ou pourtant enfant, car par la saignee faicte en femmes portant enfant la vertur digestive est fort diminuee. Et le fruict en pert son nourrisement et per especial quant le fruict est frant de six ou sept jusques à .ix. moys, car adonc il a necessite de grant nourrissement et ce dit ypocras en la .v. particu. des anfforisme. En femme ses menstrues naturellement selon la revolution de la lune ne doit pas estre saignee, car on attireroyt le sang menstrual corrumpu & venimeux es veines & feroit grant inconvenient, et en divertiroit nature de sa propre operation naturelle. ¶La septiesme reigle est que apres la colique passion saigniee ne doit pasestre administree, car comme ainsi soit que la fleubothomie esmeult les humeurs elle pourroit esmouvoir la colere et faire fluir a lestomac & linflamer, et doit estre faicte apres vomissement que la seignie ne face fluir les humeurs a lestomac, et apres flux de ventre, grandes veilles, travail, mouvement, ne universellement apres chose fort eschauffant ou fort evacuante, car la fleubothomie esmouvroit les humeurs et debiliteroyt la vertu plus que devant. Il fault supporter aussi les corps qui peuvent porter la sai

[164]

gniee. La premiere reigle est que la saigniee est bonne aux gens delicatz puissans et fort charnus qui usent viande fort generative de sang. La seconde reigle est que la saigniee compete au corps ayant habondance de sang laquelle chose est congneue par lespesseur de lurine, car habondance de sang fait lurine espesse et de colere subtile. La troisiesme est que ceulx qui habondent en melancolie doyvent estre saignies, car quant grande quantite de sang de melancolie naturelle court avec le sang par tout le corps, adonc saigniee doit este administree & apres farmacie. La naturelle est les feces du sang laquelle quant elle habonde court avec le sang & pourtant la saignee est propre a evacuation a la melancolie naturelle, & semblablement le sang et la melancolie sont engendres dune mesme chaleur attrempee et apres la saigniee farmacie doyt estre administree. La quattriesme est que en iceulx ou gist crainte de ebulition des humeurs ou comturbation ou calefaction compete saigniee & iceulx incontinent quilz se sentent eschauffez ou inflamez se doyvent faire saignier pour eviter ladicte ebulition des humeurs se font saignier, & quant celle ebulition & calefaction vient par la colere, la saignie ne lappaise pas, mais par la saigniee est augmentee a cause quelle esmeult les humeurs, et les fait courir par tout le corps, et pource ne copete pas la saigniee forsque quant ladicte ebulitition survient par habondance des humeurs laquelle chose est congneue par sueur grande venant par especial du matin, car plusieurs sont qui jamais ne suent forsque quant ilz ont indigence de evacuation. La cinquiesme est que les gens fors & vertueulx doyvent estre saignies, & ceulx qui sontsanguins en complection et non de froide et seiche complection comme dit Rasis au .vii. livre dalmasor les corps disposes a saignier sont ceulx qui ont les veines grosses & apparantes, et les corps habondans en poil & de couleur brune ou sur le noir, & les gens jeunes & adolescens, & les antiques en la derniere vieillesse ne doivent

[165]

pas estre saignies se grande necessite ne les contrainct. Et icelles reigles pour la plus grande partie sontp rinses hors davicene au chapitre de la saigniee.

¶Textus.

¶Estas uer dextras antumpnus hyemsque sinistras

Quattuor hec lebra cephe. cor. epar. uacunda.

Uer. epar. estas ordo sequens reliquas.

¶Exposition.

¶En ce texte declaire lacteur aulcunes choses regardantes les membres qui doyvent estre saignies. ¶Et dit premierement que en printemps & en este les veines de la partie dextre doyvent estre saignies comme les veines du bras, ou de la main dextre, ou du pied droit, mais en yver & en antompne doyvent estres saignies les veines de la main et du pied senestres, la raison peult estre, car le printemps multiplie le sang, et leste la colere, et pource en printemps & en este doyvent estre saignies les veines esquelles habondent grande quantite de sang et de colere, et icelles sont les veines de la partie dextre, car en la partie dextre est citue le membre engendre le sang, cestassavoir le foye, & la cistis bourse de la colere, mais antompne engendre et multiplue la melancolie laquelle se assemble & acumule en yver sans estre resoluee, et pourtant en antompne & en yver on doit faire saignier les veines esquelles habonde la melancolie comme sont veines de la partie senestre a cause que en partie seneste est situee la ratelle bourse de la melancolie. ¶Secondement il dit que iceulx quattre membres, cestassavoir la teste, le cueur, le pied, et le foye selon les .iiij. temps de lan doyvent estre evacuez par saigniee chescun en son temps convenable, le cueur en printemps, le foye en este, la teste en yver, & les piedz en antompne.

¶Textus.

¶Dat saluatella tibi plurima dona minuta

Purgat epar : spenem pectus : precordia uocam.

Innaturalem tollit de corde dolorem.

¶Exposition.

¶En ce texte declaire lacteur .vi. aydes ou bonte venant par la

[166]

saignie de la veine saluatelle laquelle gist sur le dos de la main entre le petit doig et le medicinal. ¶La premiere est ayde ou bonte laquelle purge le foye. ¶La seconde quelle mondifie la ratelle. ¶La troys quelle clarifie la poictrine. ¶La quattre quelle preserve le membre precordial, cest lorifice de lestomac de plusieurs nocumen. ¶La cinq quelle oste les empeschemens de la voix. ¶La six quelle oste la douleur du cueur, la raison de ces aydes sont mises a cause que ladicte veine purge et evacue le sang de tous les membres desusdictz comme sera apres declaire. Pour avoir plus ample declaration des choses dictes est a noter que par saignier aulcunesfoys sont ouvertes les veines et aulcunesfoys alteres. En saignie daltere gist grant crainte a cause que le sang fluyt inpetueusement et est difficile fort a restraindre pour deux sauces, lune a cause de la chaleur grande et vehemente du sang venant de latere, car les choses chauldes sont de facile mouvement. ¶La seconde est la mobilite de latere & pource la playe ne se peult considerer legierement comme les veines, car les playes ne se peuvent guarir sil ne sont en repos toutesfoys icelle saigniee est prouffitable au corps en troys manieres. ¶premierement quant le sang subtil est fort habondant au corps. ¶Secondement quant le sang est plaint de vapeurs ; ¶Tiercement quant le sang est grandement chault, car le sang subtil duquel sont engendres les esperitez resiste es alteres et cerveau et le sang gros duquel les membres sont nourris riside es veines, & le sang vaporeux est contenu es alteres, & lautre sang es veines. La saignie se fait en aulcuns membres aucunesfoys au bras, en la main, aulcunesfoys au pied, au nez, au fronc, es levres, en la langue & es veines lacrinales. Et la main grande laquelle commence aux esselles jusques a la couldee sont veines a saignier selon Rassis au .vii. livre dalamasor & selon Avicene au chapitre de saigniee. ¶La premiere est appelle ciphalique, & est la veine de la teste. ¶La .ii. est la veine baselique ou la veine du foye. ¶la .iii. la cardiaque ou nigra nommee par avi. & rasis maris. ¶La .iiij. ascellaris. ¶La .v. funis du bras en la petite main, & en la main petite est sailes ou nommee saluatelle et ainsi du bras quil contient la main grande et

[167]

la petite sont .vi ; veines a saignier. La cephalique evacue le sang des parties du col jusques en amont & pource vault la saigniee de la teste comme en migraine et en manie, en frenesie, et es aultres maladies de matiere chaulde, & commence celle veine avoir son originement a lespaule & va au long du bras tendant a partie senestre. La baselique evacue proprement des parties soubz le col comme des parties pectorales & du foye, & pource est saignie es passions pectorales, & du foye, & es semblables, & en pleuresie, & commence est esselles tirant vers la partie domestique du bras. La mediane est situee entre icelles deux & est composee ou a originement delles, car es branches dicelles les deux. Et est aussi moindre quant a la evacuation car elle evacue tant les parties superiores comme les inferiores et pourtant est universelle en evacuant tout le corps et nest pas unverselle comment dient plusieurs medecins pource quelle vient du cueur, car elle est branche de la cephalique et baselique, et pource quant nous voulons saignier la cephalique, et nest pas apparente on seigne & fleubothomie la veine mediane & non pas la veine baselique. Et semblablement quant le medecin veult saignie la baselique nest pas apparente on doit seignier la mediane et non pas la cephalique, car elle a plus grant colligance avec icelles deux que la cephalique et baselique nont ensemble. Seiles ou saluatelle est une veine situee entre le doig grant, & le doig medecin tirant plus envers le doid medecin && prent origenement dit la baselique et est ceste veine saignie es oppillations du foye en la main dextre et en la main senestre es oppillations de la ratelle. Et celle saignie na pas este faicte par argument ou raison demonstrative comme dit Avicene, mais a este congneue par experience, aquelle saigniee a trouve Galien en son songe comme il refere, car il avoyt en cure ung malade ayant le foye oppilte & la ratelle & songea quil le fleubothomoit de la veine saluateila, et le lendemain le fit saignier et fust guary. Et pour saignier celle veine il convient mettre la main en eaue chaulde pour lengrosser & enfler, car lle est subtile & de petite apparence. La veine ascellaris est celle qui est situee soubz la baselique et est apparente en la ligature du bras et est son jugement

[168]

semblable a la veine baselique. Funis brachii, appelle funis du bras est une veine qui est dessus la veines cephalique envers la partie du bras de laquelle ya ung metre. Partem sinistram & cetera. Et veult lacteur que dicelle veine et de cephalique quelles doivent estre dung jugement, la raison est desus declairee. Et jacoit ce que selon Avicene & Galien la saigniee soit evacuation universelle evacuant tout le corps toutesfoys il nest pasequales de toutes les veines, comme dessus a este declaire, et jacoit ce que les veines evacuent de tout le corps, toutesfous il nest pas equales de toutes les veines, comme dessus a este declaire, et jacoit ce que les veines evacuent de toute le corps, toutesfoys la crainte es veines neset pas equale, car la cephalique selon Rasis au .vii. dalamasor est la plus seure, la baselique est a doubter et la cardiace, toutesfoys moins que la baselique, et la sephalique est est la plus seure, car environ elle nest nerfz ne alteres, et soubz la veine cardiaca est ung nerf, et ung petit dessus est ung nerf subtil & pourtant est a doubter quil ne soit ouvert en saignent la veine cardiaca. La baselique est fort dangereuse, car desoubz elle a ung aultre altere, et environ elle a ung nerf & ung muscle & pource est elle fort a doubter. La saluateile nest pas perilleuse, mais est subtile, & pource quant on le doyt saignier il le fault mettre en eaue chaulde. Au pied son troys veines, cest la veines, cest la veine sciatique, la sophene, & la veine du ploy du genol selon avicene saignee provoque mieulx les menstrues que la sophene ou la sciatique a cause quelle est plus prochaine de la mere ou matrice, & pourtant tire plus fort de la matrice. La sophene tire le sang des testicules & de la verge & de la mtrice. Et la veine sciatique tire per especial des hanches, des reins, & des membres situes vers la partie senestre. La sophene de la matrice, est des parties environ situees vers la partie domestique jacoit ce quilz soyent branches dune mesme veine au milieu du front cest une veine lquelle veine ou saignie es passions antiques de la teste, & de la face comme en morphee & en serpignir & es passions des yeulx toutesfoys, premierement on doit faire saignie de la veine cephalique, aussi est une veine au nez & en icelles deux doit on lyer le co pour faire apparoir

[169]

Es levres sont aulcunes veines lesquelles on saignie pour garir les apostumee & ulceres de la bouche & des gencives tousjours doit proceder la saignie de la veine cephalique. Au palait sont .iiij. veines lesquelles selles sont ouvertes confortent a la rume & aux douleurs des dentez, & sont manifestes, & se doivent saignier quant la matiere est digeree & pourrie. Item sont aulcunes veines soubez la langue lesquelles on saigne en esquinancie, mais la saignie de la cephalique doit preceder. Item les veines des temple sont saignies pour la migraine & grant douleur de teste, & de cerveau diurne, & sont icelles nommees de ypocras & davi. veines juveniles desquelles la saignie fait lhomme devenir sterile. Item au col sont deux veines nommees guides lesquelles se doivent saignier au commencement de lespre et par especial quant le souffle est suffoque, & en squinancie que oste le souffle doivent estre saignies. ¶Textus.

¶Si dolor est capitis ex potu limpha habibatur.

Ex potu nimio nam febris accuta creatur.

Si vertex capitis vel frons estu tribulentur

Timpora fronsque simul moderate sepe fricentur.

Morella cocta necnon calidaque lauentur.

¶Exposition.

¶En ce texte lacteur declair deux choses. ¶La premiere est que la douleur de teste vient par trop boire, & par especial de vin, ou daultre breuvaige duquel on senyvre, adonc on doit boire leau froide qui par sa froideur engrossit & empesche les fumees de monter au cerveau. ¶la .ii. est se la teste ou le fronc sont en grande chaleur les temples et le fronc doivent froter & apres les lever ou forventer deaue de decoction de morelle, car elle a grant propriete de refroider le cerveau.

¶Textus.

¶Temporis estiui iieiunia corpora siccant

Quolibet in mense confert uomitus quoque purgat

Humores nocuos stomachi lauant ambitus omnis

Uer antompnus hyems est dominatur in anno

[170]

Tempore uernati calidus sit aer humidusque

Et nullum tempus melius sit fleubothomie

usus tunc homini ueneris confert moderatur

Corporis & motus uentrisque soluto sudor

Balnea purgentur tunc corpora cum medicinis

Estas more calet sicca noscatur in illa

Tunc quoque previpue coleram rubeam dominari

Humida frigida fercula dantur sit uenis extra

Balnea non prosunt sint rare fleubothomie

Utilis est requies sit cum moderamine potus.

¶Exposition.

¶En ce texte lacteur declaire plusieurs choses. La premiere est que le souvent jeusner en este desseiche le corps a cause que leste de sa propre complection est chault a sec il ressouit les humidites du corps par sueurs & resolution occultes, & se la personne jeusme donc en celluy temps il desseiche grandement son corps, car quant le corps est prive des humidites la chaleur naturelle ressoult les humidites des membres & desaiche fort le corps & pourtant dit ypocras en la .vij. particule des anffo. il convient les corps ayant la chair humide supporter la fain, car la fain desseiche les corps. La .ii. que vomissent fait en ung chescun moys est prouffitable au corps humain, car le vomissement purge le corps des humeurs nuysibles contenuz es veines & en tout le corps & icelle sentence met Avicene en la .iij. distintion du premier li. cha. x.iij. des aydes du vomissement quant il dit ypocras commande faire vomissement .ij. fois le moys .ij. jours continuelz pour expeller les humeurs .ij. qui furent esmeuz au premier sans evacuer, & par icelluy vomissement selon ypocras est la sante conservee, car il mondifie lestomac & evacue la fleume et la colere. En oultre Avicene met plusieurs aydes du vomissement administre comme il appert. La premiere quil oste douleur deteste qui vient de matiere humorale estant en lestomac effumant en la teste, mais se la douleur de la test venoit de matiere estant en la teste vomissement seroyt muysible. ¶La deuxiesme ayde est quil clarifie la veue quant lobscurite de la veue vient de matiere estant en lestomac

[171]

effumante aux yeulx, aultrement non. ¶La troisiesme est quil oste lappetit de vomir en evacuant les humeurs de lestomac qui sont cause de vouloir vomir. ¶La quattriesme est quelle est utile a celluy qui a souvent la colere en lestomac venant du foye ou des intestins corrumpant la viande. ¶La cinquiesme est quil oste lhabomination que font les viandes unctueuses. ¶la sixiesme est quil oste le maulvais appetit comme de vouloir mengier choses aygres, pontiques, ou aceteuses, pource que le vomissement oste la cause de toutes icelles dispositions & quant la cause est oste leffect est oste. ¶La septiesme est quilz est utile a cacecie et est disposition precedant ydropisie a cause quil evacue matiere dicelle cacecie & mondifie lestomac. ¶La huytiesme est quelle confere aux ulveres des reins et de la vescie en divertissent les matieres courentes vers iceulx membres. ¶La neufviesme est quilz confere aux gens lepreux & par especial quant ledit vomissement est fait & acomplu de forte medecine vomitive comme est blanc ellebore distans & de difficile eradication desquelles est la ladrerie engendree, ainsy le vomissement corrige la premiere digestion, cest lestomac par laquelle les aultres digestions comme du foye & les veines en sont vigerees & la lepre vient par faulte de vertu digestive .ii ; ou .iii. ¶La .x. est que le vomissement est utile pour faire avoir bonne couleur en divertissant les humeurs du cueur. ¶La .xi ; est quil confere a epilence venant de lestomac en evacuant les humeurs de lestomac ensuivant au cerveau engendrent epilence. ¶La .xii. est quilz est utile a la jaunisse & par especial a celle qui vient par oppillation de cestis fellis, car par grant mouvement qui fait en vomissement la matiere oppillante se meult de son lieu, parquoy la jaunisse est guarie, semblablement par vomissement est avacuee la matiere fleumatique qui est cause dicelle oppillation ¶La .xiij. est quil confere a gens antiques en evacuant la matiere antecedente estant en lestomac qui nourrit la matiere de la disposition asmatique, & semblablement eschauffe le pomon, & les parties pectorales, lequel eschauffement é cahleur consume les superfluitez faisantes asme. Asma est difficulte dalaine & de souffle. ¶La .xviiij. chose quil confere a tremeur de cueur & a paralisie en eva

[172]

cuant la matiere faisant icelles maladies. Et jacoit ce que le vomissement convenablement administre ayt plusieurs aydes, toutesfoys le vomissement superflu fait au corps plusieurs nocumens, car il debilite lestomac, & le ressoult & dispose a recevoir les superfluitez du corps & nuyt la poictrine et la veue et les dentz aux maladies antiques de la teste comme declaire Avicene en la .iiij. distintion du premier livre chapitre .xiiij. Au tiers metre dit lacteur quil sont quattre temps en lan, cest printemps, este, antompne, et yver, et est chose manifeste, et entre iceulx le printemps est chault & humide en le comparant aux aultres temps jacoit ce quil soit attrempe soumesme comme dit ga. au livre des complections, & sensuit que en celluy temps, cestassavoir le printemps est le plus convenable pour la saignie, car ilz multiplie plus les humeurs que tous les aultres temps. Et pource en icelluy temps doit plus hardiment habiter & lachier le ventre et baignier pour diminuer la complection du corps fait en yver, et le temps plus convenable a prendre medecine laxative. ¶La .iiij. est que leste eschauffe et deseiche le corps, et pourtant multiplie la colere rouge laquelle est chaulde et seiche, et semblablement a cause de sa complection on doit mengier en este viandes froides et humides pour obvier et oster la distemperance de la chaleur et selcheresse du corps engendree par la coplection de leste, et doyt lhomme se abstenir de baignier pour une mesme cause, et eviter le saignier tant quilz est possible se grant necessite ne constrainct a la saigniee, & doit lhomme estre en repos ou de petit travail car le repos rent le corps humide et le mouvement desseiche, et doit lhomme en icelluy temps user attrempeement breuvaiges et par especial froitz, car du boire superflu froit aulcunesfoys sensuyt subite refrigeraction de corps & paralesie ou mort subite a cause que tous les conduitz sont ouvers de laquelle mort subite & de tous aultresmaulvais accidens nous vueille garder la saincte trinite. Amen.

¶Finit le regime de sante. Sensuyt le remede de la peste.

[173]

¶Remede contre lepydimie.

A Lhonneur et louenge de la tressaincte, et indivisee trinite, de la glorieuse et tressacree mere de dieu, et detoute la court celestielle. Pour la conservation de ceulx qui ont sante et reformation des maladies je veulx soubz la correction de mes anciens maistres et docteurs aulcunes choses tractier a la chose publique prouffitable et contre la pestilence que souvent les corps humains invadent le contraire, lesquelles choses je traicteray par ordre selon ma petite puissance en la maniere qui sensuyt. Et premierement.

¶Des signes prenosticables dicelle pestilence. Chapitre .i.

¶Des causes dicelle. Chapitre .ii.

¶Des remedes alencontre. Chapitre .iij.

¶De la confortation du cueur et des principaulx membres. Chapitre. .iiij.

¶De fleubothomie. Chapitre .v.

¶Des signes prenosticables de

pestilence. chapitre premier.

LEs signes par lesquelz on peult prenostiquer parler et congnoistre de la maladie pestilencieuse sont par ce present œuvre assignes .vii. tantseulement. Le premier signe est quant en ung mesme te(mm)ps deste le vent se change & mue par plusieursfoys tout ainsy que se au matin il appert pluvieux et apres obscur et nubileux. Et principalement procede du vent meridional, cestadire de midy. ¶Le .ii. signe est quant souventesfoys au temps de este les jours se apparoissent & se monstrent otalement obscurs en telle maniere que se plouvoir il deust, et nonobstant il ne pleust pas, laquelle disposition est a craindre, et signe grant pestilence quant le temps demeure longuement en tel estat. Le troisiesme quant nous voyons sur la terre au temps deste habondance de mouches, ce signe denote linfection de lair. Le quatriesme signe est quant les estoilles apparoissent au regart humain cheoir & partir de leurs lieux, et ce signe denote lair infect & charge de vapeurs & venimeuses. Le cinquiesme signe est quant le regart humain juge a son advis que les cometes vo

[174]

lent, et ainsi que le philosophe declaire en metheores. Lapparition dune ocmete souvent porte signes merveilleux, et par les experiences souventesfoys veues telles apparition denote mort tresfurieuse, ravissement de citez, dandier & peril de mar, obfucation de soleil, mutatio de royaulme, torment et affliction au peuple par peste et par famine. ¶Le sixiesme signe est habondance de fouldres & tonnoirres, et principalement quant il procedent de la partie meridionale. ¶Le septiesme signe est quant plusieurs ventositez sourdent et procedent des parties meridionales, car elles sont venimeuses et immundes, & engendrent puanteur dangereuse de laquelle peult sortir une pestilence a corps humain contagieuse, laquelle griefve la creature en telle maniere que nul medein ny peult remedier fors seulement la misericorde de dieu.

 ¶Des causes de pestilence. Chapitre .ij.

LEs causes de pestilence sont divisees en trois, car aulcunesfois elles procede de la racine dembas, aulcunesfoys de la racine denhault, & aulcunesfoys des deux ensemble. Pestilence peult estre cause de la racine dembas come nous povons veoir quant nous avons aupres de nostre chambre latrines ou aultrs choses particulieres parquoy lair peult estre corrumpu & infect, & telle pestilence est dicte particulier & peult advenir de jour en jour, et dicelle procede une fievre pestilencieuse de laquelle plusieurs medecins sont souvent deceuz non congnoissans telle fievre estre pestilencieuse, aulcunesfois procede par la corrumption des charongnes mortes, laquelle souvent adient aux lieux corrumpuz. Et cest est aulcunesfois universelle & aulcunesfois particuliere. ¶De la raicine denhault advient souvent ceste pestilence par la vertu des corps celestres, desquelz est corrumpu lesperit vital en la creature humaine. Et de ce la parle Avicene en son quattre livre disant que la forme du ciel & par linfluence des corps celestes sont souvent & de legier les corps dembas corrumpis & infectz, car limpression celeste corrumpt lair, et par telle corruption est en lhomme corrumpu lesperit de vie. ¶De la racine superiore et inferiore, cestadire tant par linfluence des corps denhault que dembas est aulcunesfoys causee pestilence quant

[175]

par lympression celeste lair est corrumpu en telle maniere que par putrefaction des charongnes est en lhomme maladie causee, & aulcunesfous telle maladie est fievre, & aulcunesfoys en plusieurs est apostume, car lair est aspire et attraict et souvent venimeux et corrumpu qui griefve et blesse fort le cueur parquoy nature est en plusieurs manieres debilitee et grevee, de laquelle lesion ne se peuvent les medecins apercevoir, car souvent apparent bonnes urines et bonnes digestions au patient que nonobstant ce il tend a la mort, et pourtant plusieurs medecins considerans & ayant regart seulement a lurine de leurs patiens superficiellement en parlant & sont deceuz, parquoy il est necessite ue le patient pourvoye de medecin bon et expert. Et ainsy appert des causes de la peste. ¶jouxte les choses cy apres declairees on peult demande deux questions.

¶La premiere pourquoy de ceste maladie lung meurt et lautre non, et en une mesme ville, et en une mayson meurent les ungz et les aultres non. La deuxiesme si telles maladies pestilencieuses sont contagieuses. A la premier question je dis que cella peult advenir pour deux raisons, la premiere est de la partie de laction des corps celestes lesquelz regardent plus ung lieu que lautre, la deux vient de la partie du patient, car comme ainsi que tous humains ne soient pas equalemnt complectionnez ling peult estre capable dune maladie dont lautre ne lest pas. Il est a noter que ceulx qui plus sont disposez a telle maladie ont les corps chaultz qui ont conduictz larges et porrosies ouvers remplis de plusieurs humeurs et les corps desquelz grant resolution est faicte comme sont les hommes quil mal usent & trop frequentent loeuvre de nature, ceulx qui usent de baingz ceulx qui par grant labeur ou par ire vehemente sechauffent, telles manieres de gens ont les corps plus que les aultres a telle pestilencieuse maladie disposez. ¶A la .ii. question je ditz que telle maladie est contagieuse, car des corps infaictz yssent humeurs, et deffluent fumees venimeuses corrumpant et causant infections de lair & pourtant il est necessite de fuyr ceulx qui de telle maladie sont ataintz. En temps pestilencieux fault fuyr grans compaignies de peuple, car en grant multitude en peult avoir ung infect par lequel

[176]

plusieurs aultres seroyent corrumpuz, et pour ceste raison les saiges & expertz medecins en visitant les patiens se tiennent loing diceulx en tenant leurs faces vers la porte, ou aulcune fenestre de la maison, ainsi doivent faire les serviteurs en gardant les malades. Il est a noter que chose onne & utile pour la sante du mlade est par aulcuns jours changier dechambre ou souvent avoir fenestres de sa chambre ouvertes vers la bise, ou vers orient, et tenir les fenestres devers midy closes, car le vent meridional en soy a deux causes de putrefaction. ¶La premiere est quil debilite les corps tant sains que malades. ¶La seconde comme il est escript au .iii. livre de anfforisme. Le vent austral enfle, engrossit, griefve loye & blesse le cueur, car il euvre les conduitz porrositez de lhomme, et entre jusques au cueur, pourquoy est bon a lhomme sain en temps de este quant le vent meridional vente soy venir en la mayson tout le jour, & qui par necessite seroit contraint daller hors ne parler jusques le soleil soit hault & dessus nous luysant.

¶Des remendes contre ladicte pestilence. Chapitre troisiesme.

APres ce que nous avons veu les causes de pestilence, il convient dire et declairer aulcuns remedes et conservations contre icelle. Pour laquelle est a noter selon ledit du supernaturel et souverain medecin disant & parlant par Hieremie que pour excellente & seure medecine lhomme doit delaisser son peche, fuyr mal, & bien faire & en grant humilite & repentence ses pechez confesser, car en temps est pestilencieux confession & penitence sont a estre preferez devant toute aultre medecine. Et pour remarde & conservation du corps humain la souveraine chose est fuyr & delaisser les lieux infectz, et personnes infaictes. Mais pource que plusieurs sont qui ne peuvent pas a leur prouffit muer les lieux de leur habitation & demourance, je leur conseille de fuyr toutes choses qui peuvent produire putrefactions, & consequamment se abstenir de frequentation de femmes. On se doit aussi garder du vent qui vient de devers midy, car il est de sa nature cause de plusieurs infections & putrefaccions dnagereuses, et pour ceste cause est dit devant que les fenestres de la

[177]

maison de la partie donc celluy vent procede doyvent estre closes jusques a heure de prime, et ouvertes devers septentrion, pourtant avons-nous dessus dit que toutes infections sont a fuyr comme charongnes pourries & infection deaues, laquelle est tresdangereuse. Il advient aucunesfoys quon garde pour lusaige de la maison les eaues troys ou quattre jours qui peult engendrer es corps diceulx qui en usent dangereuse infection. Aulcunesfoys aussi en plusieurs maysons vieilles sont goutieres ou conduictz soubz terre ou les eaues de la mayson sejournent et sarrestent et la causent telle infection que les habitans meurent, & ceulx de la prochaine habitation demeurent sains et en bon point. On dit aussi fuyr le lieu ou en vent les choulx ou les porees car les choulx pourriz et infectz de leur nature engendrent infection et odeur poult contraire. Et tout ainsu que les odeurs aromatiques confortent le cueur, ainsy par contraire les odeurs infectz le grevent et debilitent, parquoy il est necessaire pour obvier a telle infection quelle nentre en maison ne en chambre ou on repose de tenir sa mayson garnie de feu a clere flame, et des fumees daulcunes herbes, cestassavoir lauribassee, iumperii, uberi, organi quon treuve cheuz les appoticaires, absinchi, ysopi, rute, et alcimesie, et ligni aloes mieulx vauldroyt, mais il est treschier. Et soit telle fumee aspiree dedans le corps par la bouche et par les narines, car elle ratifie affermist et confrte le cueur et les narines et les entrailles dedans la personne, et pour icelle cause ou doit semblablement fuyr trop grande replection, car les corps fort replez de maulvises humeurs sont de legier corrumpuz et infectz pource dit Aviceneau canon .iiij. que ceulx qui trop grant replection appetent abregent leurs jours et la periode et fin de leur vie. Lhomme doit aussy eviter baing et estuves en grant compaignie, car une petit morceau, une maulvaise aleine peult tout le corps destruire et infecter. Et finablement tout multitude de peuple doit estre fuye, car ainsy que devant est dit une seulle aleine peult plusieurs infecter, mais pourtant quil est fort difficile aa plusieurs de soy abstenir de frequentation de gens. Ceulx qui faire ne le peuvent usent des medecines qui sensuyvent. ¶premierement quant la personne se le

[178]

vera au matin mengeusse une petit de rue lavee en eaue nette avec ung petit de sel et une ou deux grosses noix bien ettoyees, et sil ne peult avoir lesdictes choses preigne une rostye moillee en vinaigre et principalement en temps nebuleux, & vault mieulx en temps de peste demourer en la mayson que aller hors, car il nest pas chose saine aller parmy la ville. Soit aussy la mauson arrousee de vinaigre de roses et fueille de vigne principalement en este. Bonne chose est laver ss mains deaue et vinaigre et apres odorer les mains. Il est bon yver et este odorer choses aigres laquelle chose jay approuve a montpellier, car comme fut ainsi que par cause de ma pouvrete je naye pu eviter la communite de gens mais aloye de mayson en mauson pour guarir les patiens javoye une esponge ou du pain moullie en vinaigre lquelle chose je tenoue au pres de ma bouche et de mon nez, car toutes choses aigres remplissent les conduitz et deffendent choses venimeuses de entrer dedans & par ce moyen jay evade la peste nonobstant que mes compaignons ne esperoyent pas que vif eschapeese, mais tous ceux remedes faisoie.

¶De la confirmation du cueur & des principaulx membres. Chapitre .iiij.

LEs confortemens du cueur son saffran carnifer, plantain, avec aultres herbes qui ratiffient & consolident lesperit inteigre. Ces choses valent principalement en vulgaire communite ou advient souvent quelong est infaict de lautre parquoy fault fuyr les aleines. Sachiez que les yeulx par linfection de lair viennent de legier obscurs son ne porte dessus luy les choses dictes. Chose saine est laver souvent le jour ss mains, bouche, face, et yeulx deaue rose et vinaigre, & qui ne trouve ces choses preigne vinaigre, et si est tel remede laxatif utile pour le ventre, et se naturellement telle laxation faire ne se peult soyt fait artificiellement par ung supositoire, et a ce faire valent moult bonne pilulles pestilencielles quon trouve vers les appoticaires. Soit aussi la mayson entretenue de feu, car le feu grandement empesche limpression celeste et clarifie lair. Au regard des viandes je dis que en especial le triacle est fort utile tant aux sains comme il est aux malades, et

[179]

pourtant il est bon de en user deux foys le jour avec vin cler, ou avec eaue rose, ou cervoise a la montance de deux cuilliers et doyt estre ledict triacle du tout au vaisseau bien destrempe. Et apres ce que la personne beuvra cela prins il se doit bien abstenir de toutes aultres viandes jusques au midy, affin que ledict triacle puisse dedans le corps excercer ses operations. Bonne chose est une foys le jour user de bonnes viandes & vin pur non pas trop, il sengenderoit putrefaction de humeurs. Viande qui causent chaleur sont a fuyr, comme poyvre & aulx, nonobstant que le poyvre purge le cerveau de fleume & les especiaux membres de superlues humeurs visqueuses, non pourtant a locasion de la chaleur qui engendre putrefaction plus en plaist lamertume que saveur. Les aulx aussi nonobstant quilz purgent les fleumes & mettent hors les maulvaises humeurs & si esmeuvent lappetit, & reboutent lair non pourtant pource quilz perturbent les yeulx & eschauffent lateste de celluz qui souvent en use il ne semble pas sain ne plaisant a user. Et pourtant que pestilence par cause de chaleur est souvent augmentee, toutes viandes de facile digestion sont plus saines, et au matin bon de prendre viandes boullies, & au soir rosties, broueetz & chaudeaux silz ne sont mistionnez de aigre sont plus prouffitables, car en temps de peste les viandes aigres sont plus utiles au corps que toute aultre medecine. Tous fruictz sont nuysibles sil ne sont aigres comme cerises, pomme grenate, ou lieu de medecine ung petit de pommes ou de poires, car tous fruictz engendrent putrefaction. Les espices communement prouffitables en temps de peste sont cynamomme, gigembre ciminum flores, muscatorum, & saffran, de telles espices peult on faire saulce pour gens riches. Les pouvres prengnent pour leur saulse rue, saulge, nuces gallicas, & percil, & tout broye et destrempe de vinaigre, & silz sont de moyen estat ilz doyvent prendre saffran et cymium & mettre parmy aigre, car tele saulse vault moult, et deffend toute putrefaction, & avec ce soy tenir joyeulx sans melancolie. Pourtant ne doit nul en temps de peste craindre la mort, mais doit vivre chescun en esperance de longuement vivre.

¶De fleubothomie.

[180]

FLubothomie peult une foys le moys estre faicte se voyage ou aultre chose ne le deffend comme a pelerins, ou a aulcuns debiles de nature, ou malades de flux de ventre. Et se fleubothimie faicte en la baselique dextre ou en la senestre devant que la personne prengne refection corporelle deviande, et apres lincision la personne doit estre & se tenir de dormir le jour que la baselique est isscisee. Et se aulcun se sentoit ja greve dapostume, ou infect il doyt fuyr le dormir, querant compaignie joyeuse, ou cheminer, car en dormant la chaleur intrinque appelle & attraict a soy le venin au cueur, et aux principaulx membres en telle maniere que a peine peult on par herbes ou aultresmedecines restaurer ne mettre en ce premier estat le corps de la personne, laquelle chose ne aviendroyt pas si se nestoit par cause de dormir. Et qui vouldroyt faite telle question, cestassavoir la personne est prinse de dormir naturel sil doyt dormir ou non. A celle question je respons que se lhomme apres la refection en temps pestillencieulx vouloit ou appetoit dormir il le doit differer en cheminant par aulcune espace en aulcun lieu paisant comme champs ou jardins. Et apres pourra naturellement dormir ar lespace deune grant heure. Et a ce propos dit Avicene que quant lhomme veult ainsy dormir il doit boire aulcun bon vin ou aultre breuvaige car lhomme en dormant peult attirer plusieurs maulvaises humeurs lesquelles sont repellees par le bon breuvaiges estant tau corps de la personne, mais aulcun peult mouvoir ung doubte tel, cestassavoir comme la personne peult sentir & apparcevoir quant il est touchie ou attaint de pestilence. A laquelle question je respons que lhomme qui est infect pour celluy jour ne mengera que bien petit, car il est replet de maulvaises humeurs, & bien tost apres quil a prins sa refection il desire le dormir et soubez une espece de froit il sent chaleur vehemente avec ce la teste deult en la partie de devant ; lesquelles choses peuvent estre revoquees par soy mouvoir ou cheminer par aulcune espace, car chevauchier ou fort travaillier par chemin ne peult lhomme pour la pesanteur du corps, mais appete en chescune heure dormir, car le venin intrinseque qui

[181]

est dedans le corps perturbe lesperit vital tellement quil ne quiert que repos, et par les signes dessusdictz peult lhomme apparcevoir quant il est infect de peste, et qui croire ne le vouldra attende lespace de demy jour et il trouvera par experience que tantost sentira apostumes soubz les bras, autour des oreilles, ou au parties dembas vers les espaules, au col, ou au dessus des reins. Cest donc le souverain remede en temps de peste est fuir le dormir, car quant lesperit repose le venin lespart par les membres, lesquelles choses jay de moymesmes experimentees & esprouvess, et pourtant quant lhomme se sent frappe de peste il doit celluy jour faire evacuation et axtraction de sang en grande habondance car la petite diminution de sang esmeut et excite le venin, et qui ne vouldroit faire de plusieurs veines incision on doit par une faire evacuation pour la cause dessudicte, et lhomme qui de sang fait evacuation soit saint ou malade il doit fuyr le dormir pour les raisons dessusdictes, et sil a aulcune apostume il se doit faire inciser la veine de la partie du corps ou elle tient et non pas de lopposite partie pour cause apres assignee. Pourtat se lapostume tient soubz le dextre bras soit faicte incision en la veine du milieu du bras ou tient la maladie, et selle tient au senestre soit fait pareillement et se la postume tient embas vers les parties honteuses soit fait fleubothomie au pied dicelluy coste vers le gros orteil. Se la postume tient au col soit fait en la main dudict coste jouxte le poulce et jouxte le petit doig. Mais se lapostume aparoist au pres des oreilles de cephanica en la partie ou est le mal soit faicte fleubothomie de la veine qui est entre le poulce et le doig dempres pour le cerveau ou de la veine qui est jouxte le petit doig quon nomme basilica. Se lapostume apparoit aux espaulles soyt diminue sang par ventositez. Et premier de la veine mediane selle apparoist au dossoit diminuee sur predica magna, et soyent ces choses se lhomme na dormy devant la congnoissance de lapostume, mais se lapostume est sentue apres dormir dominuation de sang doit estre faicte en croisee, cestassavoir se lapostume apparoyt au bras dextre soit fleubothomie faicte au bras senestre de la veine du foye ou de la baselique ou mediane, et se lapostume se apparoit au bras

[182]

senestre soit fait comme au dexte, et consequemment de tous les aultrs membres tousjours en lopposite parte. Et se le patient apres telle diminution de sanf soit debilite, il peult dormir apres myjour mais a myjour il doit estre en cotinuel mouvement soit en cheminant ou chevauchant modereement, et se lapostume croist lhomme ne doit riens craindre, car telle apostume est cause de la sante, et affin que telle apostume soit plustost meure et rompue faictes la medecine qui sensuyt. Broyez fueilles de seur et ung peu de moustarde, et soit faicte emplaster pour bouter sur lapostume. Aulcuns cyrurgiens y veulent adjouster du triacle, laquelle chose je deffens sur tout, car la nature du triacle est derepeller le venin, et pource seroit cause de le faire entrer dedans le corps, pource seroit meilleure chose que le patient en beust pour le venin contraindre a saillir hors. ¶Autre rmede pour apostume meurir. Prenez de lherbe qui sappelle selon les medecins barba jovis, sepilum plataginem et modicum de siligine, et broyez tout ensemble tant que leaue en saille, puis destrempes du laict de femme et donnez a boire au patient a cueur jung et devant dormir, car adonc exercera la medecine son oparation plus vertueusement.

¶Item celluy a qui apparoistra laspotume preigne avelaynes, figues, et rue, et de ce face emplastre, puis mette sur lapostume. Et a tant suffit.

¶Qui seon les choses dussudictes se vouldra gouverner il pourra evader les dangiers de la pestilence alayde de dieu

¶Cy commence le chapitre pour congnoistre les urines, selon lopinion des medecins
tresexpers en lart de medecine.

[183]

SE tu veulx congnoistre les urines du corps humain il te fault premierement regarder se lurine a grant escume par-dessus. Et au fond tu verras ung sercle et adonc doit savoir que sont ventositez aux entraillez et aux reins. ¶Item quant tu verras urine plaine comme de spin elle signifie douleur aux reins. ¶item quant tu verras urine grande et clere comme eaue elle signifie virginite dune pucelle. ¶Item quant tu verras en lurine de petites flammettes, et petites estincelles comme il appert en la ray du soleil luysant parmy la mayson signifie maulvaises humeurs en lhomme, et en la femme engrossement, et maulvaisement se icelles petites estincelles ou flammettes sont rouges. ¶Item quant tu verras urine rouge laquelle aura couleur de vin rouge et au fond apostume signifie que le malade souffrira mal en tout le corps et grant douleur. ¶Item quant tu verras urine descoulouree, et au milieu obscure signifie que fleume habonde en luy sans fievre, et doit avoir le ventre enfle, douleurs de reins, de costez, et en la teste, et se telle urine est de femme elle doy souffrir douleur au nombril au reins et aux genoilx, et doit avoir piedz et mains froitz. Et a telz pourras survenir en telle maniere & leur donner a boire de von vin destrempe avec eaue chaulde, et en icelle eaue soit mise saulge cuyte, et leur en donnez demy once au matin, et luy faictes baing de poulliot royal, et de camamille, et des fueilles de laurier, et iceulx homme ou femme fault estre par grant piece ou baing et oignes les reins et le ventre dicelles avec huylle de laurier.

¶Cy finist le chapitre pour congnoistre les urines.

¶Remede tresutile pour ceulx qui ont la maldie appellee en hebreu malfranzos, et en latin variole croniqua, et en francoys la grosse verolle.

[184]

¶Remede pour la grosse verolle.

JE trouve que ceste maladie a regne en lan de la creation du monde deux mille. CCC. xxx. et .vi. Et maintenant je dis que la conjunction de deux infortunes de saturne & de mars esquelz elle avoir son cours et la conjunction et maulvais regard desdictes planettes si fut en son commencement .mil quatre cens. lxxxxvi. le .vi. de janvier en la tierce face appelle piscis, laquelle infortune & maulvais redard desdictes planettes imprimist dedans le corps humain dispose a corruption ceste maladie devat dicte, car saturne est cause de la passion du mal des jmabes et aultres membres. et mars est cause dengendrement ainsi quil est dist. In libro qui inicium sapiencie est nomme chapitre .iiij. de la nature et signification des planettes. Pource je dis que leffect de ladicte conjunction est cause de ceste maladie laquelle est passee et ne reviendra plus, car lan mil. CCC. lxxxxviij. les dessudictes planettes se conjoindroient en tout leur signe contraire en quoy estoient, pourquoy le premier est apparu, & sil advient que aucuns ayent ladicte maladie de nouveau ce nest pas par linfluence de la constellation, ne par linfluence de maulvais regard de ladicte maladie de nouveau ce nest pas par linfluence de la constellation, ne par linfluence de maulvais regard de ladicte conjoinction, mais cest a loccasion que la maladie de sa nature est contagieuse. Et ceulx qui font et tiennent bon regime en seront gueris en brief temps, car ceste passion est cronique de longtemps et etandue de la nature de saturne, et les pustulles, roignes, vessies, et goutres interieuses et exterieuses lesquelles sont de nature de mars seront en brief gueris, toutesfoys selon ceste matieres quattre choses sont a considerer. ¶Premierement que les malades ne doyvent pas user de grant sobriete de boire ne de mengier, car de soy abstenir fait les malades trop debilitez de nature, affoiblissent les corps, mais il fault mengier viandres de legiere digestion, & boire bon vin doulx avec eaue de pluye. ¶Secondement se doyvent purger une foys ou deux la sepamine avec pilulle convenables a purgier le chief, pource que de la tesete procede ceste maladie qui est maladie saturnique. ¶Le tiers est pour oster la maladie et douleur des membres. Il se convient oindre dhuyl

[185]

le de terbentine mesle avec huylle damandes doulces. ¶Le quart prendre chescun matin du laict de femme et le succer, car il est plus convenable ou prendre laict danesse, ou de chievre, et que lesdictes bestes soyent nourriez selon lusaige de medecine, la maniere de le prendre est la mamelle, et la raison en telle, car en ceste maladie prensente y a troys choses, cestassavoir ulceration saignee et consumption. Cleration doit estre solidee. saignee doit estre mondifiee. et la consumption doit estre nourrie et restauree. Et maintenant dieu tout puissant a cree une tressouveraine medecine ou sont ces troys choses, cestassavoir le laict en quoy est nature mondifiee et astergee, et le fromaige procede du laict consolide, et le beurre qui est dedans ledict laict nourrit et repare ladicte consolidation. Pour quoy je infere et ditz que ceulx qui en useront du matin a jung sen trouveront bien et plustost seront gueris et viendront a sante au plaisir de nostre seigneur Jesucrist auquel je prie quil vueille donner sante et guerison a ceulx qui ont ladicte maladie, et quil en vueille preserver garder et deffendre ceulx qui ne lont pas eue, et a chascn diceulx donnee pour heritaige le royaule de paradis, auquel nous vueille conduire sa tressacree et glorieuse mere. Amen.

¶Cy finist regimen sanitatis en francoys. Le remede contre la peste. Ung petit traicte urines. Et un remede contre la grosse verolle. Imprime a lyon par Claude nourry le .xi. jour de may. Lan mil cinq cens & .xiiij.

1516-Les fantasies de mere Sote (Pierre Gringore) (1-50)

Les fantasies de mere Sote.

Cum privillegio regis

[1]

¶Ensuyt le privillege donne a pierre gringore dit mere sotte.

FRancois par la grace de dieu roy de france au prevost de paris, baillif de roue, seneschal de lyon et a tous autres justiciers et officiers ou a leurs lieutenans salut Receue avons humble supplication de pierre gringore conenant quil sest applicque a Ditter et composer ung livre intitule les fantasies de mere sotte ou il a vacque par long temps, et tant en ce faisant que aussi a faire pourtroire et tailleur plusieurs hystoires pour la decoration dudit livre & conformes aux matieres contenues en icelluy Ledit supplyant a emplye son temps & despendu de grans deniers, lequel livre ledit supplyant tant pour recouvrer partie de ses mises et vacations que pour donner plaisir et recreation aux lysans et escoutans les faictz contenus oudit livre il feroit voulentiers imprimer, mais il doubte que incontinent ladicte impression faicte que autres que ceulx a qui il en aura donne la charge le voulsissent semblablement faire imprimer et que par ce ilz emportassent le proffit de son labeur & vacation et que dicelluy il fust prive se par nous ne luy estoit pourveu et subvenu de nostre gracieux et convenable remede humblement icelluy requerant Parquoy nous ces choses considerees non voulans audit supplyant demourer inutil son labeur et vacation a icelluy avons donne & octroye, donnons et octroyons de grace especial par ces

[2]

presentes conge, licence, permission et octroy que luy seul puisse par telz libraires que bon luy semblera de nostredicte ville de paris, lyon, rouen ou autres faire imprimer ledit livre par luy dicte et compose intitule les fantasies de mere sotte durant le temps et terme de quatre ans prochain venans Et sans ce que autres libraires ne autres que ceulx qui auront de luy charge & licence se puissent ingerer imprimer ne faire imprimer ne vendre ledit livre ledit temps durant Si vous mandons et commectons par ces presentes et a chascun de vous sur ce requis endroit soy et comme a luy appartiendra que de noz presens grace conge, permission & octroy vous faictes souffrez & laissez ledit supplyant et ceulx a qui il aura donne charge de faire ladicte impression de sondit livre jouyr & user plainement et paisiblement Et faisons inhibicions et deffences a tous autres libraires et autres quelzconques sur grosses et grandes peines a nous appplicquer et de perdre tout ce quilz y mectront quilz ne ayent a imprimer ne faire imprimer ne vendre ledit livre ledit temps durant sans lexpres vouloir et consentement dudit supplyant Car ainsi nous plaist il estre fait. Donne a Paris le .xxviie. jour Doctobre Lan de grace Mil cinq cens et seize, et de nostre regne le deuxiesme. Par le roy a vostre relation.

Ainsi signe Des landes.

[3]

[illustration]

[4]

[illustration]

CE qui ma fait en ma fantasie mettre

Plusieurs propos tant en prose que en metre

Cest que en leglise ay veu [ses]mes erreurs

Et sur les champs gens differens erreurs

Lors les lyens de julius rompirent

Dont serfz de mars en plorent et souspirent

Durant ce temps lansquenetz et gascons

Vuydoient tonneaulx, quartes, potz et flaccons

Laigle je vis porteur de doubles testes

Voller par tout et sans faire conquestes

Les ours aussi ravissans et rapteurs

Se disoient lors des princes correcteurs

[5]

Les albanois qui haulx chappeaulx portoient

Par mons et vaulx nuyt et jour estradoient

Je vis alemans flamens et hennoyers

Qui aux angloiys se rendoient souldoiers

Les espaignolz qui possedoient castille

Prindrent navarre et naples par castille

Le porc apic fist paix en plusieurs cours

Puis la mort vint qui le mist en decours

La salmendre eut premier an de son regne

Autant dhonneurs comme en mer a darene

Et le lyon sur la terrasse assis

Se monstra preux, gay, constant et rassis

Le tygre estoit a toute diligence

Contre ennemys prest faire resistance

Le cerf vollant sur pegasus volloit

De nuyt et jour en tous lieux vigilloit

Dedans ung pre se resposoit prudence

Qui en sa main tenoit par excellence

Trois trefles vers laquelle voulentiers

Oyoit conseil de doctes conseilliers

Dieu permit lors dominer sur la terre

Lhumble leon prest dapaiser la guerre

Que discord met entre les preux chrestiens

Voulant tascher a corriger payens

Cest que leur loy soit abollie, estaincte

En conquerant la noble terre saincte

Car pour ce faire a pardons ardonnez

Dont les humains peuvent estre guerdonnez

Quant ilz mourront ou quilz auront victoire

Selon les faictz est loeuvre meritoire.

[6]

¶Lacteur

APres grant dueil joyeusete acourt

Paix vient apres, noises, discordz, contens

Tel a le bruyt pour aucun temps acourt

Qui son plaisir le plus souvent a court

Les ungs y sont joyeulx autres contens

Il me suffit, mais ainsi que jentens

Deu naturel en fin fault que livrons

Allez de biens aurons et peu vivrons.

¶Tant de discordz nous avons veuz venir

Depuis dix ans et regner sur la terre

Quil nous en doit a present souvent

Et que fortune a fait plusieurs bannir

Les mutillant par ennuyse guerre

On appetoit facon et moyen querre

Desheriter lung lautre par envye

Lenvieux meurt, mais envye est en vie.

¶Leglise avons par fureur veue en armes

Et l noblesse eglise corriger.

Journees gaigner puis perdre les alarmes

Grans interditz sur princes et gensdarmes

Mauldire tost absouldre de liger

Princes mourir les subgectz en danger

Tout conquerir et faire a nostre poste

Mais au partir fallut compter a lhoste.

¶On a tant fait daccordz dappoinctemens

[7]

Crye la paix, mesmement feux de joye

Et en passer lectres et instrumens

Puis tout soubdain faire crys vehemens

Meurtrir, tuer, gens par champs et par voye

Passer la mer et les montz de savoye

Dont le soleil en est retrograde

Par foy mentye accor est degrade

¶Puis peu de temps mort a prins gens subit

Les grans seigneurs ont este en danger

Tel sest vestu dung precieux habit

Qui estoit fol de mauvais acabit

Voulant raison abolir, estranger

En soy vantant quil se vouloit venger

Sans que jamais on luy fist mal ou tort

Droit escript paix, et lenvieux la tord.

¶Plusieurs mignons avons veuz resjouys

Contrefaisans leurs langaiges et termes

Noz ennemys enmpetueux ouyr

Venir ves [eux], puis de crainte fouyr

Habandonner artilleries et armes

Dautres aussi, preux, vaillans, hardys, fermes

En demonstrant leur treshaulte proesse

Sans cueur francoys destruicte estoit noblesse.

¶Quatre vieillars avons veuz radotez

Qui ont eu bruyt, il fault noter ce compte

Dont les trois sont trespassez nen doubtez

[8]

De grans deniers aux humains on coustez

Car leurs subgectz leur ont fait maint mescompte

Quant est du quart on en tient peu de compte

Malheureux est, jamais beau fait ne fit

Deniers mal prins font bien peu de proffit.

¶Les justiciers nous avons veuz contrainctz

De juger gens a peines execrables

Comme volleurs et gens suyvans leurs trains

Rostir tous vifz parquoy se sont restraintz

De plus piller ne faire cas damnables

Force a voulu muer loix pitoyables

A la riqueur ainsi quon appercoit

Le fol ne croit, juc a ce quil recoit.

¶Las nous voyons en la foy catholicque

Gens desrigler qui est ung piteux cas

Le sainct esprit par la voix angelique

Nest plus patend mondanite practique

Dedans les cueurs delecteurs sonne cas

Volupte veult par escus et ducas

Regime avoir deglise sans subgectz

Oyseaulx de proye vallent bien peu sans gectz.

¶Les folz voyons corriger les gens saiges

Villains se font appeler escuyers

Gens sacrez font vilz naturelz ouvraiges

Les vicieux ont bruyt par grans deniers

Moynes, abbez chevauchent gros coursiers

[9]

Gens darmes sont sur les mulles montez

Cueurs feminins abolys eshontez

Larrons puissans greffiers sans justes taulx

Jeunes enfans mal regis, mal domptez

Et sans besoing on fait plusieurs assaulx.

¶Sans aulmosner riches sont desvoyez

Hommes prudens sans faire œuvre voyez

Et vieilles gens nayment religion

Les serviteurs desobeyr oyez

Riches ne font daulmosnes mencion

Mondains entre eulx meuvent contencion

On voit seigneurs sans vertu ne equite

Les fors puissans regnent sans chastete

Evesques sont negligens, paresseux

Les povres fiers, despitz et orgueilleux

Ung bien y est nous avons begnin roy

Sans discipline est peuple cauteleux

Et le commun veult corrompre la loy.

¶Ay je donc tort se je me fantasie

Quant je congnois telz choses, et regarde

Quil ny a nul present qui rassasie

Son cueur despit, et si mort de sa darde

Renverse humains el les tresperce et darde

En tous climatz a son fer agu mis

Penser devons que dieu a ce permis

Pour corriger noz faultes et forfaitz

De noz amys faisons noz ennemys

[10]

Bon nest porter trop pesant ou fort faix

¶Le resumer je ne me puis saouller

En esperant quon y prenne exemplaire

Car on ne voit riens stabille soubz ler

La ou il plaist a fortune voller

Monstrer se veult despite ou debonnaire

Notez quel fait ce que dieu luy fait faire

Non autrement, croire en ce point le fault

Saige est ui nest ne trop froit ne trop chault.

¶Les nobles preux selon noblesse nez

Le plus souvent endurent de grans maulx

On en congnoist qui sont bien fortunez

Veu en avons captifz de emprisonnez

Aussi daucuns nont gueres ny assaulx

Ceulx que on congnoist joyeulx et liberaulx

Ont bien souvent de la paix la conduicte

Selon le maistre on voit la mesgnie duicte.

¶Princes chrestiens voyons present unir

Dont adviendront des biens innumerables

Mais que chascun laccord vueille tenir

Et envyeux des nobles cours bannir

Deboutant ceulx qui sont irraisonnables

Expulser gens plains de plaisirs damnables

Qui ont desir en follye samuser

Jeunesse doit de vieil conseil user.

[11]

¶Qui le conseil de saige homme refuse

Merveille nest se en ce monde sabuse

En commectant peche abhominable

Vivre ne peult longuement quant il use

De son vouloir, car sa vie est confuse

Et sur luy vient maint cas esmerveillable

Ainsi quon voit par fantasie ou fable

Que lyre on peult en lescript de ce livre

Gens inconstans ne scauroient long temps vivre.

¶Qui veult regner longuement en honneur

Il luy convient les ditz du saige lyre

Avoir tousjours Jesus dedans son cueur

Et sil est fier non auxiliateur

A ses subgectz doit appaiser son yre

Ung homme yre qui veult peche eslyre

Laissant vertu na bon bruyt merite

Car yre empesche de dire verite.

[12]

[illustration]

UNg grant seigneur regna tout ainsi comme

Limperateur, car il fut prudent homme

Par le moyen dung saige clerc son maistre

Comme on le peult par fantasie congnoistre

Son hault renom par tous climatz volloit

Le cas est tel ainsi comme on parloit

[13]

De son povoir magnanime et prudence

Vertueux faitz estoit en la presence

Une princesse en aquillon regnante

Qui une fille avoit doulce et plaisante

Gente de corps tresbelle de visaige

Son doulx regard esmouvoit le couraige

Des regardans prendre delict charnel

Verite est, je treuve le cas tel

Que icelle fille avoit contre nature

Mange tousjours viande et pourriture

Metz tresinfectz sans tenir long blazon

Nourrye nestoit que dordure et poison

La fille fut a lempereur menee

Luy obeyr tout determinee

Cest assavoir dacomplir son plaisir

Quant il la vit esmeu dardant desir

Fut desirant de prendre son delict

Humainement couche dedans son lict

Et ce voyant son maistre prudent, saige

Le reprint lors ainsi que avoit de usaige

En luy disant que ce sa vie touchoit

Et se une foys avec elle couchoit

Il en mourroit voire soubdainement

Limperateur sesbahyt grandement

Du prompt parler du saige, et a grant peine

Croire vouloit que telle fille humaine

Si luminante en beaulte si pompeuse

Fust au toucher si ordre et dangereuse

Et ny veoit aucun cas apparent

[14]

Mais le clerc saige ostant ce different

Requist mander ung homme condampne

A souffrir mort, conge luy fut donne

De sesjouyr, et de passer le temps

Avec la fille ainsi comme jentens

Incontinent que sa bouche approucha

Pour la baiser mort au lieu trebuscha

Dont lempereur de ceste grant merveille

Sesbahit fort, onc nen vit la pareille

De son recteur tint lors je vous promectz

Compte plus grant quil navoit fait jamais.

¶Fantaisie sur ceste histoire

NOus figurons cest empereur puissant

A ung chrestien en vertu florissant

Prest de scavoir maint cas esmerveillable

Lequel combat la chair, le monde et dyable

Pource quest plain damour de charite

Sans ce quil soit contre nul irrite

Et si parler de la royne voulon

Qui avoit bruyt tresgrant en aquillon

Soustenir fault quel est signifiance

De grans tresors et biens en habondance

Que lhomme pevent spirituellement

Livrer a mort et corporellement

Car les grans biens font de chair nourriture

Par quoy sesmeult la fragille nature

Dhumanite qui va mauvais chemin

[15]

La fille estant nourrie dinfect venin

Pour gloutonnie ou se nourrit luxure

Nous la prenons a lame est aigre et sure

Avoir ne fault a elle intelligence

Le clerc aussi pour la nostre conscience

Qui contredit a toutes voluptez

Obediens soyons donc reputez

Obtemperons a nostre bon vouloir

Desir charnel mettons a nonchalloir

Considerons que sommes viande a vers

Le malfaicteur pour ung homme pervers

Obstine fol adveugle tellement

Quil ne luy chault pecher publicquement

Et ce voyant le seul dieu plasmateur

Permet la mort dicelluy malfaicteur

Qui prend plaisir en ses charnelz delis

Gens vicieux en fin sont abolis.

Lacteur.

¶Princes seigneurs conseillez vous aux saiges

Par ce moyen maintz dangereux passaiges

Eviterez, mais se autrement le faictes

Sur vous, voz gens viendront pertes, dommaiges

Dame et de corps, ditz serez plains doultraiges

Derreurs, de horreurs, de mauvaistiez infaictes

Des haulx seigneurs on cronique les gestes

Apres leur mort on les lyt a toute heure

Le bon renom ou le mauvais demeure

¶Au temps present tresgrande mesprison

[16]

Commettre on voi qui entend bien le cas

Car on congnoist qua tort et sans raison

En paliant usant de beau blason

Emposonnez ont este maintz prelatz

Princes, seigneurs cuidant prendre soulas

Sont mors soubdain, mes motz bien practiquez

Dangereux sont francois ytaliquez

¶Voyons nous pas regner aucunes femmes

Lasches de cueur si viles si infames

Que devant eulx voient filles violler

Pensez y bien ilz damnent triples ames

Dedans ce monde et en lautre en ont blasmes

En puanteur se veullent consoller

Leur chair, leur sang voient meurtrir affollee

Pour or, argent, vins et nouvelle viande

Nul bien ne vient dune femme gormande.

¶or voyons nous tracasser macquerelles

Sur le pave offrant filles pucelles

Pour violler par officiers marchans

Juges prudens qui scavez choses telles

Pugnir devez leurs faultes criminelles

Et les chasser hors des villes aux champs

Car ceulx qui sont de leur bouche approchans

En leur touchant tuent les ames et corps

De folle amour en fin viennent discors

¶Femmes voyons qui les femmes decoivent

[17]

Et les maris souvent sen appercoivent

Bien peu leur chault son fait telle entreprinse

Ilz sont certains que telles femmes boivent

A leurs despens, touteffois ilz recoivent

Aucuns deniers, ce leur esprit aguise

Cupido vient son brandon sec atise

Venus le suyt une grant flamme alume

Feu nest si cler qui a la fois ne fume

¶Femmes qui sont ainsi determinees

Sabandonner pour plaisance mondaine

On les estime arides chaminees

Ou busches sont par brazier effumees

Fumees gectans en puanteur villaine

Voullans humer a venimeuse alaine

Luxurieuse en cueur qui les honnit

Tous obstinez pescheurs dieu les pugnit.

¶Ceulx qui veullent plusieurs pechez commettre

Luxurieux et faire violence

Devant leurs yeulx le saige homme fault mettre

Icy se prent pour la nostre conscience

Si vous supply se aucun y a qui pense

De faire mal les ditz du saige notte

Bien est heureux qui chez soy a bon hoste

¶Des fantasies et variabletez des filles.

[18]

[illustration]

UNg grant seigneur fantasieur rememora la fragillite femenine regardant la formosite beaulte et pulchritude dune seulle fille qui avoit considerant quelle devoit parvenir a son royaulme & seigneure. Tant aymoit sadicte fille que impossible est a pere desirer plus lhonneur, le bien, sante et prosperite de son enfant. Si pensa en soy mesmes que pour la garder plus seurement luy feroit preparer dedans son chasteau une chambre bien acoustree. Ce quil fit, et esleut cinq preux chevaliers ses feaulx a qui il bailla la

[19]

garde de sadicte fille affin se quelque envieux ou decepteur par parolles souefves ou blandies venoient pour la decevoir, suborner ou prendre aforce quilz y fissent resistance. Encore pour estre plus fors et hardis a ce faire les fit armer de precieuses & vertueuses armes. Les chevaliers ainsi noblement acoustrez par le voulour de leur prince et seigneur luy firent promesse garder sa fille nuyt et jour a leur povoir laquelle promesse pleut tresfort audit seigneur, mais encore pour leur donner meilleur couraige ordonna en oultre que a lentree de lhuys de la chambre fust pendue une lampe qui rendoit continuelle clarte affin se quelcun venoit nuytamment pour la suborner que les chevaliers ne eussent excusation de lavoir laisse ravir hors de la chambre. Puis de rechief establit quil y auroit pres de son lict ung chien bien aboyant et rebelle afin que se quelcun se vouloit latirer ou musser secretement et les chevaliers fussent endormis il les resveillast par hurlemens, crys ou abboys. En ceste chambre ladicte pucelle fut mise et nourrie delicativement, touteffois elle desiroit a veoir choses mondaines et joyeuses, car apres ses repaps et repos ne souhaitoit que faire a son plaisir et fantasie disant en ceste maniere.

De quoy me sert la mondaine richesse

Estre paree acoustree gentement

Quant je ne suis avec gens de noblesse

Pour vivre en joye et parfaicte lyesse

Prenant plaisir, soulas, esbatement

Nourrie je suis delicativement

[20]

Mais sans cesser nature me admoneste

Fille seullete a maint penser en teste

¶Cupido vient son arc bende desbende

Sur moy tirant sagettes empennees

Venus me dit que hommaige je luy rende

Nature veult que a leur vouloir entende

Aussi leurs lois treuve bien ordonnees

En attendant filles sont guerdonnees

Mais que men chault ma jeunesse se passe

Lennuy trop long beaulte humaine efface

¶Aux nopces voy dames et damoiselles

Qui passent temps en banquetz et convys

Mon desir est de mesbatre avec elles

Pour passer temps et ouyr des nouvelles

Du dieu damours dont font souvent devis

Helas helas certes il mest advis

Que par trop suis subjecte, brief je vois

Que ce quon ayme on pert souventesfois

¶Lacteur.

CEste fille estant en ceste pensee penetrative mettoit souvent la teste hors de la fenestre desirant veoir aucun grant prince, seigneur ou chevalier pour passer temps et deviser ensemble affin de recreer son esperit qui se fantasioit, mais quant avoit long temps fische son regard sur les plains chemins et sentes mesmement sur boys, prez, landes, taillis & voyes obliques et ne voyoit aucun a qui elle peust dire ses gra

[21]

cieuses complainctes et amoureux pensers et desirs affectueux se retiroit comme fachee, ennuyee & fantasiee. Aucunesfois se gectoit sur ung lict cuidant prendre repos, mais impossible luy estoit, et breif elle ne scavoit quelle contenance tenir. Apres elle se mectoit sur ung banc ou elle contemploit et regardoit plusieurs tapisseries ou estoient figurees et painctes anciennes et nouvelles hystoires, maus peu y prenoit de plaisir par quoy incontinent esmeue dardant desir retournoit a la fenestre pour faire regards lubriques esperant que quelcun passeroit par la a qui elle racompteroit ses complainctes, car cueur courrource ou ennuyeux est se luy semble descharge quant il a dit a quelcun sa pensee. Sur ceste fantasie passa par la ung grant et puissant prince qui venoit de lesbat & si tost quelle lapperceut pensa comment elle pourroit trouver facon quil adressast son chemin vers elle considerant que ce neust pas este son honneur de lappeller. Si luy sembla pour le plus couvert quelle chanteroit une chancon et que ainsi comme loyseleur par son flaiol ou pipe decoit loyseau et le prent a la pipee ainsi par son chant attrairoit a son amour ledit prince esperant que se il estoit joyeulx et recreatif prendroit son chemin vers elle et la pourroient ensemble deviser de choses humaines et naturelles & estoit la chanson telle.

¶Chanson e nfacon de rondeau.

PEnsive suis frappee dung subtil dart

Et nay science ou abilite de art

Doster mon cueur damoureuse poincture

Se ne compaitz a ma dame nature

[22]

Qui mon esprit nuyt et jour brusle et art

¶En plisueurs lieux je gecte mon regard

Et si ne voy nul qui me dye dieu gard

En ce beau lieu ou prens ma nourriture

Pensive suis.

¶Je vouldroye bien ouyr quelque brocart

Dung gay amant, secret, plaisant, gaillart

Qui fust hardy dassaillir ma closture

Preste seroye en faire louverture

Car trop mennuye actendant ce hazart

Pensive suis

¶Lacteur

TAndis que ceste fille amoureuse et plaisante verbioit la chanson predicte Le prince qui venoit de lesbat ouyt la resonance de la voix humaine et eut fantasie le plus secrettement quil se peust faire approche pres le lieu ou estoit la dame esperant jouyr delle, car il prenoit singulier plaisir a ouyr son chant armonieux Si approcha si pres quil apperceut que les cinq chevaliers armez qui avoient a garde estoient endormys et en estoit cause la dame, car elle les avoit nourris & repeuz au paravant de viandes exquises, vins fumeux et delicatz qui les contraignit a dormir Ce qui enhardit et donna couraige au prince dapprocher pres delle en telle maniere quil povoit facillement deviser a son plaisir et contempler sa beaulte, et incontinent la re

[23]

garda de ses yeulx impudicques, et elle dung regard attrayant, ainsi furent tous deux pasmez en lamour lung de lautre Touteffois le prince et seigneur parla a elle luy disant sa fantasie qui fut telle.

CUeur feminin celluy seroit heureux

Qui jouyroit de vostre plaisant corps

Mon vouloir est par faitz chevalereux

Vous conquerir comme vray amoureux

De ceste tout vous transporteray hors

Mais icy sont cinq chevaliers tresfors

Vous preservant et une lampe ardante

Mesmes ung chien jen suis assez recors

Bien abbayant cest cela qui mespante.

¶Or y je espoir ma maistresse et ma dame

Que sil vous plaist de vous je jouyray

Icy navez aucun reconfort dame

Finesse nest que ne treuve une femme

Saillez dehors je vous resjouyray

Aymez moy donc et je vous serviray

Car fort me plaist vostre noble noblesse

Passer le temps par tout vous meneray

Icy perdez vostre fleur de jeunesse.

¶Se possible est trouvez facon, maniere

De vous oster de ce lieu solitaire

Et nous ferons ensemble bonne chiere

Car sans doubter serez mamye tres chiere

[24]

Mon plaisir est a vostre vueil complaire

Ce lieu est clos, ce ne vous scauroit plaire

Vous ny avez passetemps ny esbat

Laissez le tost, et nou deux yrons faire

En autre part ung amoureux sabat.

¶Lacteur.

CEste fille oyant le grancieux devis du prince et regardant so namoureuse contenance mua couleur et fut incontinent ravye et frappee de son amour, se delibera de obtemperer a sa voulente, touteffois fut par aucune espace de temps toute fantasiee, puis apres parla a luy gracieusement ainsi quil sensuyt.

PRince puissant mon pere ma cy mise

En me baillant cinq chevaliers pour garde

Folle seroye de sens peu rassise

De le courcer, vela ou je regarde

Et touteffois aussi lheure me tarde

Que ne suis hors dicy, car je congnois

Que la fain fait saillir le loup du boys.

¶Jay grant desir de veoir choses mondaines

Rire, chanter, passer temps et mesbatre

Les filles ont des fantasies soubdaines

Il est bien fol qui cela veult debatre

Icy croupir a la cendre ou a lastre

Sans sesjouyr cest rompement de teste

[25]

Acomplir fault raisonnable requeste.

¶Cinq chevaliers qui ont garde de moy

Jay endormys par mon chant gracieux

Or ne soyez plus de rien en esmoy

Vous jouyrez de mon cueur precieux

La lampe ardante illuminant ces lieux

Verrez souffler, et ce chien qui abboye

Mettray a mort quon ne ous pye et voye.

¶Lacteur.

Ceste fille fantasiee dune amour libidineuse sans regarder la fin de son œuvre ne considerer lentreprinse quelle faisoit regarda les cinqchevaliers tous armez endormys. Et incontinent delibera de estaindre la lampe, ce quelle fist, puis print ung glaive duquel furieusement occist son chien qui abbayoit Incontinent sen alla avecques so namoureux qui layma dune amour deceptive Et furent par aucune espace de temps ensemble en lieux deshonnestes et publicques acomplissans leurs voluptez et desirs charnelz en deshonnestes parolles et villains atouchemens. Le jour ensuyvant fut faicte grande clameur par le palais royal pour la perte dicelle tant que les nouvelles en vindrent jusques a son pere. Et quant il fut certain de labsence et perte de sa fille quil aymoit de vraye amour se courrouca tresfort en disant.

[26]

O Que as-tu faut fille mal conseillee

Qui as souffert estre ravye, pillee

Sans te vouloir nullement revencher

De mon palais royal es exillee

Par lieux vagans ainsi que desriglee

Vas tracassant, en meurtrissant ta cher

Je te aymoye tant jestoye ton pere cher

Ta gloire pers, ton bruyt seffacera

Qui honte craint sans honneur ne sera.

¶Ton vicieux depart si fort margue

Quil men survient pensee si ambiguë

Que aucunesfois te couhaitte ta mort

Mais tout soubdain pitie me redargue

En me disant que pensee si ague

Doys expulser, vela qui me remort

Et mesmement fragilite qui mort

Le feminin est cause de ce blasme

Trop aise fait varier mainte femme.

¶Tu passoyes temps en mon palais royal

Du bien souvent dung vouloir cordial

Revisiter doulcement te venoye

Des biens avoyes, et par especial

Mamour qui est ung don si liberal

Que qui lacquiert il vit sans fin en joye

Et maintenant fault il que dire je oye

Grace obtenir es reputee indigne

Le malheur vient a cil quil le machine.

[27]

¶Lacteur

LE pere de la fille tout fantasie resida en son palais delicieux courrouce & marry contre elle Et ce voyant ung preux chevalier qui avoit ladministracion et gouvernement de la justice imperialle adverty de loffense que la fille avoit commise en contemnant son pere et loultrecuidance du prince descepteur et rapteur dicelle se arma de precieuses armes & courut legierement apres eulx et en fist telle poursuyte quil les trouva joinctz & unys ensemble. Quant le prince apperceut le chevalier il tira son glaive et se mist en deffence Car le chevalier monstroit semblant et maniere quil le vouloit combatre vertueusement & venger le pere de loultrage que le prince luy avoit fait en luy ravissant et subornant sa fille excusant sa fragillite. Tant combatirent lung contre lautre que en fin le prince fut vaincu par le chevalier et luy couppa la teste, puis ramena la fille au palais de son pere qui fut long temps sans oser regarder la face de sondit pere Mais continuellement gectoit regretz et souspirs, fondante en larmes, comblee de dueil, taincte de courroux, pasmee de gemissemens en disant.

JAy cource trop mon pere qui ma faicte

Dont me repens de voulente parfaicte

Ma coulpe en batz, fort me desplaist loffense

Maintenant suis gastee, pollue, infaicte

Totallement et de vertu deffaicte

Incessamment a mon meffat je pense

[28]

Me prsenter par devant la presence

De monseigneur ne me oste touteffois

Il me desplaist de linobedience

Et me repens de mon inscipience

Mon peche grief considere et congnois.

¶Meurtriere suis et de moy larronnesse

Jay lapme ardante et luminant sans cesse

Soufflee, estaincte, et cinq preux chevaliers

Contrainctz dormir. O povre pecheresse

A tousjours mais doys lamenter sans cesse

Gectant larmes par cens et par milliers

Secrete mort souffriroye voulentiers

Tant doubte et crains lyre de mon chier pere

Car il navoit privez ne familliers

Qil aymast mieulx que moy, mais les sentiers

Que jay suyvis me font grant vitupere.

¶O que as-tu fait ? ton pere te desprise

De ton malfait tu as este reprise

Repense toy donc, helas amende toy

Considerant comme as este surprise

Et le rapteur qui ta ravye et prise

Succombe est caus as de prendre esmoy

Mon pere plus ne tient compte de moy

Sa fille suis, fille que dois tu dire

Offense as pere empereur et roy

Ou te est tu mise, en trespiteux arroy

Las je crains trop de mon geniteur lyre.

[29]

¶Lacteur.

Ceste fille de cueur contrit plongee en larmes soy repentante de la faulte que avoit commise envers son pere ne scavoit quelle contenance tenir, mais tandis que elle gectoit ses cris, regrets et plaintes estoit pres dicelle ung prudent conseiller de so npere qui eut pitie de ouyr telles lamentacions & saprocha pres delle en la reconfortant doulcement Et si sa coustume estoit telle destre mediateur de faire paix a ceulx qui avoient offensee la sacree majeste imperialle Si promist a la fille de faire sa paix envers son pere pourveu quelle fust deliberee de ne le plus offenser Ce quelle promit dung ferme propos. Ainsi ledit mediateur trouva facon et maniere de avoir acces au pere delle, et apres quilz eurent devise de plusieurs choses ladvertit comme sa fille se repentoit de son malfait promectant ne loffenser jamais luy supplyant que se fust son plaisir luy pardonner ses meffaitz. A la priere duquel mediateur son pere luy pardonna et l areceut comme devant Et oultre pour luy faire plus de plaisir la maria a ung tresillustre, noble et puissant prince voulant pour la solennite du mariage faire grande assemblee de princes, seigneurs, chevaliers, escuyers, dames et damoiselles et faire preparer ung excellent banquet. Or advint que lespousee estoit assise en une chaire richement paree actendant lesditz princes & seigneurs pour recevoir ses estraines ainsi quil est acoustume de faire Par quoy son pere se delibera de luy faire present dune riche robe appelle pomite bordee de lectres dor et estoit lescript tel. Je tay pardonne ny re

[30]

tourne plus. Ung roy qui estoit present aux nopces luy donna une couronne ou estoit escript. Et moy ta dignite. Le chevalier ou propugnateur qui lavoit ostee des mains du rapteur luy donna ung anneau ou estoit telle escripture. Je tay aymee appres a aymer. Du mediateur qui fit la paix envers son pere receut ung autre anneau ainsi escript. Que ay je fait, combien, pourquoy. Le filz du roy luy presnta ung autre anneau ainsi escript Tu es noble, ta noblesse ne contempne pas. Son propre germain luy donna ung autre anneau dont lescripture estoit telle. Vien a moy, ne ayes paour, je suis ton frere. Son espoux la voulut douer dung signet dor ou estoit escript. Maintenant est conjoincte garde toy de plus pecher. La fille du seigneur ainsi acoustree de vestemens et joyaulx se gouverna sagement avec son espoux et garda les dons que on luy avoit donnez jusques a la mort par ce moyen fut aymee de tous & fina ses jours en paix.

¶Sens moral a lhistoire precedente.

ON pourroit entendre par ceste exemple et prendre ce grant seigneur pere de la fille pour le roy celeste, cest assavoir dieu le createur qui est roy des roys et segneur des seigneurs cest nostre pere qui a puissance sur nous, car il nous a creez. La fille seulle heritiere du royaulme de son pere peult signifier lame raisonnable & les cinq chevaliers noz cinq sens de nature. Les armeures dont sont armes signifient la vertu que lhomme recoit quant il prent le sainct sacrement

[31]

de baptesme institue et ordonne par le precurseur de nostre saulveur et redempteur Jesuchrist et conferme par icelluy jesus, et lesquelz cinq sens sont la veue, louye, lordorement, le goust et le tast qui sont commis pour garder lame raisonnable contre la chair, le monde & le dyable La lampe ardante est la voulente de dieu qui est que lame raisonnable soit ardante en son amour faisant bonnes œuvres et operations affin quelle ne consente a peche. Le petit chien se prent pour la conscience qui doit resister ou recalcitrer contre les pechez, mais nous voyons que lame voullant veoir les mondanitez humaines nappete que de saillir hors des limites de raison, ce quelle fait incontinent quelle commet quelque chose contre le divin commandement et est incontinent subornee du prince que prenonns icy pour le dyable prince denfer rapteur qui la reduit a la voulente infernalle et par ainsi la lampe de bonnes œuvres est estaincte, et le petit chien bien abbayant qui est nostre conscience meurtry et tue. Par ce moyen ou propugnateur signifie nostre saulveur et redempteur jesuchrist qui veult combatre pour lame raisonnable, car il ny a point dautre qui combate pour nous fors dieu nostre seigneur Le chevalier qui batailla contre le duc sentend que dieu batailla pour nous contre le dyable et a vaincu le rapteur en ramenant la fille au palais de son pere qui est le palais celestiel Le saige mediateur qui fist la paix entre lempereur et sa fille figurons a jesus comme dit lapostre qu le mediateur du dieu et homme fut jesus en prenant nostre humanite lequel jesus est filz de dieu comme dit le psalmiste

[32]

Tu es mon filz je tay ennuy engendre. Pareillement le cousin ou frere germain de lame raisonnable figurons a jesus nostre redempteur. Aussi lespoux de lame a nostre saulveur et redempteur jesuchrist lequel lespousa en vraye amour de fidelite. La fille est reconsillee a son pere, cest a dire nostre ame est reconsillee a u pere celestiel et appellee a paix. De luy avons receuz les dons dessusditz, premierement la robe polimite Cest assavoir sa digne chair Car par flagellation, crueur et plusieurs autres tourmens la robbe polimite Cest a dire la robbe de humanite dont nostre saulveur et redempteur jesuchrist aorne descripture sanguine sestoit vestu et estoit lescript tel. Je tay rachaptee de mon propre sang precieux, et ne te demande pour tout mon salaire que ne retournes plus a peche. La robe polimite de joseph nestoit taincte que de sang sainct, cest assavoir de sang de bestes irraisonnables, mais la mienne est taincte et abruvee de mon propre sang tire de mon corps par crueur. Cestuy jesucrist nostre roy nous a donnee une glorieuse couronne quant souffrit estre couronne ainsi quon peult apercevoir par lescript pose en la couronne de la fille de lempereur, qui est, & moy ta dignite. Ce fut pour nous chose digne & precieuse quant il voullut aller pour nous au lieu de tourment portant couronne despines sur son chef Aussi jesuchrist est nostre propugnateur, batailleur & deffendeur qui nous a donne ung anneau cest le pertuis de sa main dextre & peult on apercevoir que a juste cause y estoient escriptz telz motz, je tay aymee aprns a me aymer. Nous povons bien entendre que jesus nous a aymez en tant quil a lavez noz pechez par son sang respendu, aprenons

[33]

doncques a laymer, et se nous laymons bien nous ferons ses commandemens. Jesuchrist aussi est nostre saige mediateur qui nous a donne ung autre anneau cestassavoir le pertuys de sa main senestre ou est escript Que ay je fait, combien, pour quoy je me suis humilie prenant la forme de serviteur Pour quoy me suis-je fait homme sinon qaffin que je rachetasse par les payes de mes mains lhomme perdu ? Jesuchrist filz de leternel roy est nostre frere qui nous a donne le tiers anneau, cestassavoir le pertuys de son pied dextre ou est escript Tu es noble ne contemne point ta noblesse. Certainement jesuchrist est nostre germain & nous a donne le quatriesme anneau, cest assavoir le pertuis du pied senestre auquel i lest escript. Approche nayes paour je suis ton frere Jesuchrist aussi est nostre espoux, il nous a donne ung signet auquel lheritaige de nostre ame son espouse est baillee, cest a dire les palyes de son coste parce de lance ou estoit tel escript. Tu es conjoincte a moy par misericorde ne vueilles plus pecher. Estudions tandis que sommes en ce mortel monde a bien garder les joyayulx que ostre redempteur jesuchrist nous a donnez affin que nous puissons dire. Sire tu nous as baillez cinq tallens en vecy cinq autres que nous avons gaignez par yceulx. Et ainsi sans faulte apres la mort corporelle pourrons acquerir eternelle gloire.

¶Lacteur.

PRinces puissans se voullez garder filles

Ne les souffrez parler toutes seullettes

Avec mignons, car ilz sont difficielles

A les garder pose quelz soient subtilles.

[34]

Par beau parler a vices sont attraictes

De les laisser enfermees seullettes

Nest point requis, nature les esmeult

Qui saigement nourrir ses filles veult

Faire leur fault quelque science apprendre

Pour se occuper, car fille par ce peult

Passer le temps sans envers dieu mesprendre.

¶En femme oysive est laschete diffame

Tant noble soit, car ainsi que jentens

Le fresle corps qui est subgect a lame

Ne veult souffrir quon le deprime ou blasme

Lame et le corps font noises et contemps

Mais dieu pugnit tout a heure et a temps

Quant il congnoist que lame est obstinee

Et quel sen part faire sa destinee

Avec le duc, cest le prince infernal

Se el se repent bien tost est ramenee

Soubz le povoir puissant imperial

¶Le corps subgect a lame est sans doubtance

Et nous voyons lame se assubgectir

A nostre corps, ayons donc congnoissance

Du hault povoir de lame, repugnance

Faisons du corps a mal veult consentir

De ce corps peult mortalite sortir

Et nostre ame est sans doubter immortelle

Ne perdons pas gloire perpetuelle

Pour satiffaire a chose transsitoire

[35]

Dieu nous a fais de forme naturelle

Et si aurons se a nous ne tient s floire.

¶le doulx jesus plusieurs joyaulx nous donne

Que nous devons garder soigneusement

A nostre vueil ses biens nous habandonne

Quant le prions tous noz meffaitz pardonne

Il est puissant, sapient et clement

Obeyssons a son commandement

Puis quil nous peult en leternel demaine

Place donner, laissons la vie mondaine

Qui passe ainsi comme vent ou fumee

Certains voye vault mieulx que lincertaine

Dur est laisser la chose asouctumee.

¶De justice et misericorde.

Princes seigneurs doyvent bien regarder

A quelz recteurs baillent gouvernement

De leurs subgectz, silz le font autrement

Lyre du ciel ne pourront evader

Or voyons nous advocatz proceder

En jugemens causes irraisonnables

Or qui vouldroit a telz gens accorder

On gecteroit des jugemens dampnables

Juges soyez des povres pitoyables

Qui ont bon droit abregez leurs proces

Car si souffrez que par vous ayent exces

[36]

Chambre prenez avecques tous les dyables.

¶Or voyons nous juges vindicatifz

Qui par despit font plusieurs jugemens

Obeyr fault a leur commandemens

Quant sont despitz, rebelles et hastifz

Les autres sont mornes, songears pensifz

Qui ont le cueur a traper pecune

En commettant plusieurs cas excessifz

Pour seslever sur le roue de fortune

Aucuns ont bruit qui tiennent e la lune

Eviter fault de telz gens les chaleurs.

Tout en ce point que aveugles des couleurs

Veullent juger se a quelcun ont rancune

¶Nous en voyons qui sont si paresseux

Que abusent gens par leurs subtilz blazons

Vingt ou trente ans gardent en leurs maisons

Porces en sacz, telz gens sont vicieux

Chascun congnoist qui laissent mourir ceulx

Qi ont bon droit en grant necessite

Prenans presens comme malicieux

Pour differer de juger verite

Lhomme qui est de grant auctorite

Et au povre a debat proces ou plet

Si par argent ou par amys complet

A juges faulx il sera herite

¶Paresseux sont quant ilz ne daignent lyre

[37]

Aucun proces sil y a conjecture

Jugemens fontsouvent a ladventure

On doit doubter de telz justiciers lyre

Princes gardez telz justiciers eslire

Car aucun bien nen vient a la parfin

Ilz craignent trop de la verite dire

Contre parens ou quelque amy afin

Or ny a il si ruse ne si fin

Se muny est de bien meuble ou de terre

Quil ne luy faille avoir proces ou guerre

Et fust il pape, empereur, rou, daulphin.

¶Le juge doit bein observer la loy

Sans la casser, mais juger justement

Ne souhaicter ny aumer ardamment

Bagues, joyaulx, or, argent ny alloy

Quant jugeras les hommes pense a toy

Que dieu tout bon misericordieux

Est aux humains, helas cest nostre foy

Et sans laquelle on ne parvient aux cieulx

Juge est esleu en ces terrestres lieux

Et tu scais bien que dieu plain de concorde

Te doit juger, se fais misericorde

Il mest advis que tu en vauldras mieulx

¶Exemple de misericorde et de justice

[38]

[illustration]

UNg juge en fantasiant ordonna telle loy que qui prendroit une femme a force ou violence il seroit a la voulente de la partie offensee declairer le violateur estre digne de mort ou le prendre a mary sans douaire. Le cas advint que deux filles estoient couchees ensemble seulles en une maison et avoient oublye a penser a la fermeture dicelle. Durant le temps quilz estoient en leur premier somme arriva ung jeune filz qui les trouva seulles, se delibera davoir leur compaigniecharnelle, et ainsi quil sefforcoit de ce faire

[39]

sesveillerent toutes esmeues et estonnees Le jeune filz leur declaira son vicieux desir, mais pour priere quil leur sceust faire ne se voulurent consentir a sa voulente desordonnee, il leur fist plusieurs doulces requestes et promesses dont tindrent peu de compte, & quant il vit quil ne les povoit attraire a sa voulente par beau parler leur fist plusieurs menasses, mais il perdoit temps ? Quant il vit quil nen povoit jouyr par beau parler ne menasser et que lune senfuyt en une garde robe il trouva moyen de lenfermer Ce temps pendant alla vers lautre et la viola Et ce fait sadressa a lhuys de ladicte garde robe que lautre fille tenoit ferme contre luy, si le rompit, entra dedans et pareillement la viola, puis se partit & sen alla a son adventure sans redoubter son enorme peche Or est ains ique lesdictes deux filles toutes deschevelees, plorantes et gemissantes la perte de leur pucellaige quilz ne povoient recouvrer Allerent faire leurs complainctes devant le juge Lequel du cas adverty mesmement du nom du violateur y envoya ses sergens qui firent la dilligence de le trouver et le amenerent decant le juge Et icelluy interrogue sur ce cas confessa sans jehaine ne troture avoir commis la defloration. Le juge demanda a lune des filles quelle estoit sa voulente. Sa responce qut quelle vouloit quil fut mys a mort selon la loy. Pareillement le juge demande a lautre fille quelle estoit sa voulente. Sa response fut quelle estoit contente le prendre par mariage selon que la loy lavoit ordonne. Celle qui pourchassoit sa mort dist au juge. La loy veult et ordonne que quiconques prent une fille par violence il doit estre mene a lexe

[40]

cution patibulaire Cest a dire au lieu determine pour souffrir mort, si vueil que cestuy violateur y soit mene et execute comme il est dit en la loy. Lautre fille luy respond. Il est vray que la loy dit et determine que tu ayes ta demande, mais aussi qui vouldra garder la loy jauray la mienne, et pource que ma peticion ou demande est plus petite et charitable il me semble que le juge donnera sentence pour moy si demande le benefice de la loy. Le juge ouyt le differant des parties en considerant la fragillite humaine meu de pitie et misericorde permist a la fille qui vouloit avoir a mariage le violateur le prendre a mary selon la loy, ce qui fut fait et depuis le gouvernerent vertueusement et regnerent paisiblement jsuques en l fin de leurs jours.

¶Exposition et sens moral a lhystoire prealleguee.

ON pourroit fantasier et entendre par ce juge nostre saulveur & redempteur Jesuchrist qui a deffendu tout peche mortel sur peine de mort eternelle Car sa loy est telle comme ung chascun chrestien scait ou doit scavoir Le violateur signifie lame dung chascun pecheur Car si tost quelle part du corps humain elle treuve deux filles, cest assavoir justice et misericorde quelle ravit et prent Puis toutes deux viennent devant le juge ou est amenee lame du pecheur. Justice alleuge contre lame du pecheur quelle doit estre condamnee a souffrir mortet peine eternelle selon la loy. Mais

[41]

misericorde divine allegue que par contriction, confession et satisfaction lame sera saulvee. Et pource estudions a plaire a dieu affin que ne soyons jugez selon la rigueur de justice, mais saulvez par sa misericorde sil ne tient a nous Car le juge qiu est nostre redempteur jesuchrist ne refuse misericorde a ceulx qui luy demandent de bon cueur.

¶Lacteur.

AU temps present regnent violateurs

Dont on ne fait quelque pugnition

Illes en font bien peu de mention

Car force argent ont de riches rapteurs

On les pourvoye a daucunsserviteurs

Qui sont daccord de les croire pucelles

On voit assez de mondains decepteurs

Filles gaster par blazons et cautelles

Et sans penser aux offences mortelles

Desir pervers commys et grief malice

Mais en la fin la divine justice

Le pugnira silz font plus choses telles.

¶Pose que christ misericorde face

Aux penitens et estende les mains

Justice veult pugnir pecheurs humains

En leur monstrant espouventable face

Violateurs justice vous menace

Hels il est tant de filles gastees

Que on peult trouver en la publicque place

[42]

Gentes de corps, parees et eshontees

Nen faictes plus, trop en est de notees

Bien est requis que notez ceste clause

Que des pechez quilz font vous estes cause

De leur salut ilz sont par vous ostees

¶Vierge gastee on ne peult reparer

Fille heureuse est qui virginite garde

Des biens aura sans doubte quoy quil tarde

Dieu permect delle se separer

Mais place au ciel luy vouldra preparer

Et lespouser comme sa chiere amee

Honneur est prest la vestir et parer

El sera fille a justice clamee

Mais sans doubter la fille diffamee

Pour son plaisir desplaist si fort a dieu

Quil ne la peult veoir en place ne lieu

Non plus que font mauvais yeulx la fumee.

¶De vaine gloire et oultrecuidance.

ES courtz des roys et des princes royaulx

Sont plusieurs gens en honneur eslevez

Tenans termes vaniglorieux, haulx

Qui des seigneurs sont amys et privez

Or ont plusieurs ainsi que vous scavez

Tresgrant besoing que des princes ayent grace

Leurs gouberneurs ne veullent quon leur face

Silz nont argent de grace sont privez.

[43]

¶Si grant plaisir prennent a recevoir

Que voulentiers les gens escorcheroient

En esperant de leur substance avoir

Ou autrement le seigneur ne prieroient

Robe et pourpoint, ou manteau souffriroient

Vendre plus tost quilz ne happassent dons

Tendans la main pour avoir grans guerdons

Ou autrement nul plaisir ne feroient.

¶Actendans sont drappiers, merciers, grossiers

Pour recevoir draps de laine et de soye

Haulbins, courtaulx, haquenees et coursiers

Mulles, mulletz quilz prennent a grant joye

Les officiers baillent or ou monnoye

Autrement nont office cest lasaige

Autant leur est le fol comme le saige

Par ce moyen maint juge se desvoye.

¶Quant tresoriers ont fait quelque deceptes

Et ne pevent plus parvenir a leur cas

Que compte fault rendre de leurs receptes

Terme ont souvent de compter pour ducas

Ce temps pendant ilz font quelque cabas

Ou le seigneur par accident se meurt

Mais touteffois il fault garder le heurt

Plusieurs en sont tumbez du hault en bas.

¶Conclusion vous povez bien entendre

Que gens de court mectent tout leur plaisir

[44]

Tendre la main, tousjours sont pretz de prendre

Car vaingloire appetent de saisir

Tant amasser nayez plus de desir

Par ce perdez lheritage des cieulx

Car ceulx qui font dor et dargent leurs dieux

Despendre tout nauront ja le loysir.

¶Exemple de vaine gloire.

[illustration]

[45]

UNg grant seigneur regna qui print sa fantasie sur toutes choses a regarder la beaulte des dames Et pource que souvent frequentoit en ung temple fist faire trois statues feminines et les fit mectre debout commandant a tous es subgectz les adorer. La premiere statue ou ymage avoit la main estendue vers le peuple tenant ung anneau dor ou estoit escript. Je suis noble vela lanneau. La seconde statut avoit une barbe doree et ung escript en son front qui estoit tel. Je suis barbue sil y a aucun qui soit chauve vienne a moy & prenne ma barbe et mon poil. La tierce statue avoit ung manteau de pourpre sur sa robe et estoit escript sur so nestomac en lectre dor. Je suis qui ne crains omme. Ces trois statues estoient de pierre et couvertes de vestemens humains. Ce grant seigneur qui avoit mys sa fantasie a les veoir fist ung edict que celluy ou ceulx qui prendroient lanneau, barbe ou manteau desdictes ymages seroit condamne a souffrir mort ignominieuse et detestable. Apres ledict fait et publye a son de trompe advint que ung homme inique, maivais, oultraigeux et obstine entra au temple ou estoient les statues, et voyant lymage qui a tous presentoit lanneau luy ravit et osta de son doy, et non content de ce alla a la seconde statue et par violence luy osta la barbe dor quelle avoit Et derechief pertinax en son oppinion se transporta vers la tierce statue et luy osta son manteau Ce fait se partit du temple et myt lanneau en son doy, la barbe en son menton, vestit le manteau et se pourmena en cest estat pour son plaisir par la ville.

[46]

Quant le seigneur fut adverty du cas se courroucea tresgrandement a lencontre du malfaicteur qui avoit contemne son commandement. Si envoya ses souldars et sergens qui le trouverent et lamenerent par devant luy. Quant il fut devant le seigneur il ne fit pas grant compte de sa prinse, mais le regarda dung couraige fier & hardy. Le seigneur qui estoit prudent et vertueux le redargua quil avoit contre son edict prins les anneau, barbe et manteau des statues qui estoient au temple. Le malfaicteur requist quil fust ouy en ses deffences, ce que le seigneur luy permist ainsi que juge rassis et modere. Le rapteur ou larron fist telles excuses Quant jentray au temple la premiere statue avoit la main tendue vers moy tenant en icelle ung anneau comme se elle voulloit dire. Prens cest anneau, et touteffois je ne me ingereay pas de le prendre jusques a ce que jeusse fait lecture de lescripture qui estoit telle. Je suis noble vela lanneau, si me sembla que sa voulente estoit que jeusse ledit anneau par quoy je le prins et mis en mon doy. Apres je vins a la seconde statue qui me sembla fort estrange a cause quelle avoit la barbe dor, et comme tout pensif rememoray que son pere ne porta jamais telle barbe, car je lay veu et congneu plusieurs fois, si consideray quel ne devoit presumer de soy estre plus grant que son pere et me sembla que selon raison estoit utille et convenable luy oster sadicte barbe, mais nonobstant telle consideration je ne luy voulus point oster jusques a ce que je eusse fait lecture de lescript qui estoit en son front qui estoit tel. Je suis barbue, et sil ya quelcun qui soit chaulve vienne a moy et prenne ma bar

[47]

be et mon poil. Or peulx tu scavoir et congnoistre que je suis chaulve. Et si te vueil bien advertir que je luy ay ostee ceste barbe pour deux choses. La premiere affin que ladicte statut fust semblable a so pere et que pour si riche barbe elle ne fust orguilleuse et fiere. La seconde estoit affin que je parasse et accoustrasse de son poil precieulx et riche ma teste qui est chaulve. Au regard du manteau que jay oste a la troisiesme statue je ne lay pas fait sans grande consideration Car jay pense en moy mesmes que lymaige est de pierre, or naturellement la pierre est froide si ma semble que si elle avoit le manteau dor qui aussi est froit de soy ce seroit adjouste froidure sur froidure qui cuaseroit aucune pourriture et putrefaction a la statue ou audit manteau. Et encores pour telles considerations je ne luy eusse point oste, mais quant je vis lescript de son front qui estoit tel. Je suis qui ne crains homme du monde je euz dueil de lorgueil qui estoit en elle et luy ostay le manteau affin que elle se humiliast. Les excusations de rapteur ouyes le seigneur luy fit response telle. Mon amy il est commande et crye par la loy que nul ne fust si hardy doster, ravir ne despouiller les statutes dont tu estois bien adverty et pour ce que tu te est entremis des choses qui ne te appartiennent en contempnant mes editz et loy nonobstant tes excusations je donne par jugement et arrest au jourduy que tu soyes pendu et estrangle en ung gibet tant que mort sensuyve. Incontinent vint lexecuteur de justice qui executa larrest prononce et ainsi ledit rapteur fina ses jours.

[48]

¶Sens moral sur ladicte hystoire.

ON pourroit appliquer ce grant seigneur a nostre saulveur et redempteur Jesuchrist Et les trois ymaiges a leglise, noblesse et marchandise du labour qui se delecte a les aymer ainsi quil est dit. Mes delices sont estre avecques les filz des hommes par quoy si nou vivons sainctement et justement dieu demourera avecques nous. Par la premiere statue qui a la main estendue nous devons entendre les marchans ou laboureurs de ce monde. Et quant ilz vont es cours des princes ou devers les juges ilz ny sont prisez ne bien venus se ilz nont tousjours la main tendue pour bailler et silz sont prestz de bailler les gens de court et juges sont plus deliberez de recevoir. Mais se il advient davanture que les princes et seigneurs ou la court souveraine en soient advertis et les en reprennent et redarguent ilz se excusent en disant. Puis je pas prendre en bonne conscience ce que on me presente et donne liberallement Je ne les contrainctz point a ce faire. Par la deuxiesme statue qui a barbe dor sont demonstrez et signifiez plusieurs grans et riches gens en ce monde qui ont acquis vertueusement rischesses sans fraulde dol ne tromperie et sont plus riches que ne furent jamais leurs parens ne leurs peres. Et ce voyant les envieux de ce monde taschent a leur ravir oster et tollir leurs biens, leur richesse et leur substance

[49]

Cest assavoir la barbe dor qui signifie leur richesse, en disant Cestuy cy soulloit estre povre et miserable ayons ses biens, aprenons a entendre quil a forfait contre la sacree majeste du prince ou le metons en proces devant juges favorables trouvans moyen par phas ou nephas que luy puissons oster sa barbe dor, cest assavoir son or et argent et de sa barbe en faisons cheveulx pour parer nostre chef. Il sentend de son avoir ferons nostre propre et en jouyrons comme se leussons gaigne loyallement. Telz tyrans et mal faicteurs sont chauves, cest a dire ilz nont nulles richesses Mais en veullent avoir ne leur chault comment et vivre sans prendre peine ne labourer en desprisant ceulx qui ont des richesses les voulant avoir par force. Par la troisiesme statue qui a le manteau dor devons entendre les gens uqi sont constituez en dignitez et offices comme les prelatz & gens de justice qui ont loix a garder, lesquelz doivent assembler les vertus et gecter les vices dehors, mais les mal faicteurs ne veullent croire en leurs ditz et ne pevent endurer destre reprins ne souffrir descipline et qui plus est se enorguillissent contre leurs prelatz et anciens les menassant et disant. Nous ne voullons point que nul regne par-dessus nous, & mesmement font derrision et mocquerie diceulx ainsi que les juifz moquerent nostre seigneur et ne tenoient compte de ses preschemens ne miracles par luy fais ne de ce quilz les reprenoit en rompant la loy Car ilz conspirerent sa mort Telz murmurateurs et conspirateurs sont pendus au gibet denfer ou ilz meurent de mort par le jugement de dieu comme le malfaicteur larron est comdampne pour son

[50]

larcin et contemnement de loy a souffrir la mort corporelle. Estudions doncques a garder la loy affin que ne soyons pugnis corporellement en ce monde & eternellement en lautre ce que ferons facillement sil ne tient a nous.

¶Lacteur

IL est requis davoir juges prudens

Pour gouverner le peuple sur la terre

Car la justice en soy nullement ne erre

Ses termes sont communs et evidens

Mais justiciers es villes residens

Recoivent dons des povres maintesfois

Comme motifz de plusieurs incidens

Telz juges sont discipateurs de loix

Prince puissant se aucuns tu en congnois

Dessus la terre ilz en soient dehors mis

Repute les comme tes ennemys

En leurs erreurs soustenir ne les dois.

¶Se ung justicier veult donner sa sentence

Ou son arrest jamais seul ne doit estre

Avec luy doit vis-à-vis apparestre

Pour luy donner conseil dame prudence

Mais larrest dit qui fera dilligence

Lexecuter requis est le scavoir

Faire se doit tousjours par attrempance

Et avec soy dame prudence avoir

Et pour encor mieulx faire son devoir

1516-Les fantasies de mere Sote (Pierre Gringore) (51-100)

[51]

Si le faulteur voulloit estre rebelle

Force convient mener avecques elle

Par ainsi nul ne la peult decevoir

¶Las nous voyons des jugemens gecter

Sans que prudence y tienne son hault train

Aux justiciers si souvent tendre la main

Pour biens mondains assembler, acquester

Doivent ilz point lyre de dieu doubter

A vostre advis et son grant jugement

Ilz veullent dire, on nous vient apporter

Sans demander plusieurs biens, seurement

Ne jugent plus les proces autre ment

Ce nonobstant que pour telz cas aient gages

Ceulx qui pour dons commettent tant doultraiges

Seront pugnis irremissiblement.

¶Se aucuns marchans ont des biens amassez

Honnestement en acquerant richesse

Plusieurs larrons leur font larcin, opresse

Affin quilz soyent en honneur surhaulcez

Pour amasser des biens se sont lassez

Et ilz leur sont ravis, ostez, tollus

Pis que en forestz, pillez et destroussez

Par gens pervers a tout mal resolus

Telz rapineurs mal regise dissolus

Seront pugnis en souffrant mort cruelle

Nen doubtez point plus criminelle et felle

Que ne fut onc linhumain tantallus.

[52]

¶Si gens lectrez reprennent mal faicteurs

Ils sont despitz les repreneurs menassent

Et leurs commis les biens dautruy amassent

Deu estimez sont par eulx leurs recteurs

Compte ne font douyr predicateurs

Sur tous mondains veullent avoir le pris

Conclusion telz pillars et rapteurs

Nendurent point des bons estre repris

A faire mal sont si tresbien apris

Quil ne leur chault dont les biens mondains viennent

Mais que en leurs mains les hapent et les tiennent

En la parfin des dyables sont surprins.

¶De malice qui retourne a begninite et amour.

¶Comme enfans sont ingratz envers leurs peres

En eulx voulantsouvent aventurer

De les navrer, occir, meurtrur, tuer

Mais beau parler oste telz vituperes.

PRinces seigneurs qui des enfans avez

Corrigez les en leur tendre jeunesse

Nattendez pas quilz se soient eslevez

Fiers et pompeur ou vous serez grevez

Par leur meffait durant vostre vieillesse

Avoir enfans cest tresbelle richesse

Silz ont vertu, mais on peult bien entendre

Que des mauvais le pere en a destresse

Quant sont despitz aucun hastivement prendre

[53]

On doit ployer losier quant il est tendre.

¶Le plus souvent par faulte de doctrine

Les enfans sont a leurs peres rebelles

Car ung orgueil en leur cueur senracine

Pour ce quilz nont point eu de discipline

Qui cause en fin maintes erreurs cruelles

Par quoy enfans prennent guerres mortelles

Et sont tous prestz de leurs peres assaillir

Et mettre a mort par subtilles cautelles

Pour leur povoir ou puissance abolir

Mais en la fin bon sens ne peult faillir

¶Aucuns enfans font a leur pere oultrage

En les guectant pour les livrer a mort

Affin davoir leurs biens et heritaige

Bien tard leur est quilz soient mors ou hors daage

De leur meffait ilz nont aucun remort

Lenfant se voit hardy, puissant et fort

Au mesme lieu de son pere veult estre

A tout le moins ilz en font leur effort

Comme pourrez en ce livre congnoistre

Maintz serviteurs sont envie sur leur maistre.

¶Exemple de malice qui retourne a benignite.

[54]

[illustration]

IL fut ung prince prudent et saige qui fut conjoinct par mariage a la fille dung roy lesquelz se aymerent dune amour loyalle, naturelle et maritalle observas et gardans la loy. De eulx procda ung tresbeau filz de la nativité duquel furent resjoys, & aussi fut tout le peuple du pays Lenfant devint grant, et quant il eut environ laage de .xxiiii. ans il luy print ung appetit et plaisir desordonne de vouloir tuer son pere, et pour ce faire sefforca plusieurs fois tant en lieu secret que publicque Ce voyant son pere fut fort

[55]

esmerveille Comme saige & prudent fist semblant de nen congnoistre rien, touteffois il se tenoit tousjours sur ses gardes Advint ung jour quil devisoit avec sa femme pensant a la rigueur que son filz luy vouloit faire luy dist telles parolles.

Mon reconfort, ma chiere amye, ma femme

Mon bien, mon port, mon espoir, mon soulas

Cest toy qui peult remectre en paix mon ame

Gardant mon cueur de deshonneur infame

Qui tresfoible est, dolent, triste, mat, las

Incessamment je dois crier helas

Ainsi que suis ne prens repos ne somme

Si mon espoir on demande, tu las

Grant charge porte et trespesante somme

La femme doit estre confort de lhomme.

¶Jay grant desir scavoir la verite

Et ne le puis congnoistre que par toy

Ne me mentz point tu feras charite

Se quelque bien jay fait ou merite

Vers ton doulx cueur quil ait pitie de moy

Prince puissant et magnanime roy

Reclame suis nul ny doit contredire

Entre nous deux promise avons la foy

Si te supplye ung cas au vray me dire

Femme ne doit son mary escondire.

¶Nayes point de peur licence je te donne

[56]

De dire tout parle a moy priveement

Car si tu as failly je te pardonne

Celer le vueil sans le dire a personne

Je te promectz dessus mon damnement

Declaire tost et me dys franchement

Si ton seul filz as conceu de mon germe

Se estoye ceertain quil en fust autrement

Il y fauldroit pourveoir et en brief terme

a priser est qui verite afferme.

¶Je ne te viens ce demander sans cause

Car ton filz veult me occire tous les jours

Ne me mentz point dy moy a peu de pause

Le vray du cas sans faire longue clause

Par ce moyen tu me feras secours

Je dois avoir vers toy mon seul recours

Si tu me mentz tu vas contre raison

Penses y bein et me dis en motz cours

As-tu forfait, ne tiens point long blazon

Si juste nest qui nait mesprison.

¶Lacteur

LA dame saige et bien advisee oyant ainsi parler son mary et seigneur mua couleur Et si elle fut esbahye de la demande quil luy faisoit touchant son honneur Encore fut elle plus esmerveillee et craintive de ce que son filz se mectoit en aguet jour et nuyt pour tuer son mary quelle aymoit sur toutes choses touteffois elle fist telle responce.

[57]

Mon chier seigneur et mary tresame

Selon raison te dois obedience

Sur tous mondains es vertueux clame

Mais nuellement je ne tay diffame

Craindrete vueil a toute dilligence

Brief je nau point chargee ma conscience

Ne foy faulsee je le prens sur la mort

Que nay commis aucune violence

Soyes tout certain que oncques ne te fis tort

Tout peche est infame, vil et ort.

¶Dieu appeler vuei la tesmoing du fait

Que oncques ne fus maculee ne pollue

Sur mon honneur jamais ne fis forfait

Memoire nest que on me ait veue disolue

On ne ma point prinse, ravye, tollue

Et neuz jamais de mal faire courage

Car a te aymer je suis si resolue

Que autre sur moy naura quelque advantage

Tous maulx viennent de rompre mariage.

¶Cest ton vray filz naturel nen fais doubte

Je ne scay pas pourquoy ta mort pourchasse

Tresvoulentiers mectray puissance toute

A len garder quelque chose quil couste

Penser ne puis pourquoy il te menasse

Avoir nen vueil de toy la malle grace

Mon chier seigneur cartes je te promectz

Que ne tay fait injure ne fallace

[58]

Et nay espoir de ten faire jamais

Tel bien souvent lachete et nen peult mes.

¶Lacteur.

LImperateur fut content des excusations de sa femme, car aussi elle estoit loyalle et ne luy avoit fait aucun tort, si delibera de soy humilier envers son filz et se vint presenter devant luy avecques une amour paternelle et benigne parlant en ceste maniere.

O Mon chier filz et amy tresparfait

Que ay tant ayme affectueusement

Tu dois penser que tu es forme, fait

De ma substance et par moy en effect

Tu peulx regner ne le croys autrement

Mon amour a si tresparfaictement

Que je te vueil garder de vitupere

Mon royaulme est a toy totallement

Apres ma mort que orgueil ne te supere

Fils est pervers qui veult tuer son pere.

¶Je tay conduyt en plaisirs et delices

Et tous les biens sont a toy, si te prie

Que chasses hors iniquitez, malices

De ton fier cueur, trop commectrois de vices

Mectant a mort ma noble seigneurie

Devers toy viens, humblement te supplie

Que prennes garde au mal que veulx commectre

Ton pere suis et vers toy me humilie

[59]

Ce ne devroyes endurer ne permettre

Lenfant ne doit de son pere estre maistre.

¶Mais que peulx tu a ma mort proffiter

Tu fais ainsi comme si mort estoye

Se me obeys honneur peulx conquester

Et bon renom, de ce ne fault doubter

Que a ton regard prens singuliere joye

Appetes tu que de biens te pourvoye

Je ne scay pas, tu as ce quil te fault

Si te requiers ue en maison, champs ne voye

Je naye de toy plus guerre ny assault

Cest grant erreur quant sang naturel fault.

¶Lacteur.

LE filz de lempereur par maniere dacquit escouta les romnstrances de son pere, mais il ne laissa point a continuer son malice jour et nuyt, ce que congneut de rechief son pere, si se pensa de trouver facon et maniere de loster de ceste erreur en luy priant quil luy fist compaignie pour aller a ung boys chasser quelque beste, deffendant a tous es subgectz mesmes aux serviteurs de son filz que quant ilz les verroient approcher de quelque fort ou gros buisson quilz se absentassent de eulx Ce qui fut fait. Quant ilz furent au buysson seulletz le pere regarda son filz de piteux regard, et incontinent tira ung glaive qui presenta a son filz puis se mit a genoulx la teste nue en disant.

[60]

PUis que tu veulx a ma mort pourchasser

Presuposant quel te soit necessaire

Ce glaive prens dautre nen fault chercher

Facillement le cueur men peulx perser

Soyes tout certain que nyray au contraire

Car plus dhonneur auras de me deffaire

En lieu secret que devant tout le monde

De moy tu peulx tout a ton plaisir faire

A toy me rendz, regarde ma faconde

Bon est le cueur ou charite habonde.

¶Je suis tout prest dendurer ton plaisir

Me humectant a ta misericorde

Et si tu veulx acomplir ton desir

Il ne te fault que ce glaive saisir

Pour me tuer point ny mectz de discorde

Fais ton vouloir mon filz je my accorde

Mectre ny vueil aucune resistance

Mais mon chier filz je te supplie recorde

Dedans ton cueur que cest de faire offense

Celluy est fol qui fait tout ce quil pense.

¶Approche suis dune amour cordialle

De ce desert pour garder ton honneur

Ce te seroit villenie et scandalle

De me tuer en ma salle royalle

Publicquement veu que suis ton seigneur

Penser y doys, tu me voys dhumble cueur

Devant tes yeulx prest de mort recevoir

[61]

Secrettement peulx faire ton erreur

Sans que homme nul sen puisse apercevoir

Mais dieu face tout tu dois cela scavoir.

¶Lacteur

QUant le filz vit so npere a genoulx et se humilier si humainement devant luy et mesmes quil luy presenta le glaive fut tout honteux & changea son appetit desordonne en filiale amour ostant toute fureur de soy, prenant le glaive, le remist en son fourreau, se inclina envers son pere le relevant humblement, puis se prosterna a genoulx devant luy en disant.

HElas helas mon bon seigneur et pere

Forfait me suis contre toy, jay commis

peche cruel, jeusse fait vitupere

Te mectre a mort pour mon grant impropere

Amerement de cueur plore et gemis

Te supliant quil soit par toy permis

Me pardonner, payer ne puis lamende

Ne le forfait que ay fait quant me suis mis

A te offenser, ta grace je demande

Plus que le mal misericorde est grande.

¶Je congnois bien que je ne suis pas digne

Destre dit filz pour mes cruelz meffaitz

Mais chasse hors ou gecte en ruyne

Et touteffois a ta bonte benigne

Je me submetz, charge dung pesant faix

A mes desirs qui sont si tresinfectz

[62]

Garde ne prens mon trescher pere helas

Mais mon esprit par ta pytie refais

De pardonner jamais tu ne fuz las

Apres grantdueil peult venir grant soulas

¶Brief sil te plaist doresnavant me aymer

Tout ton plaisir sans faulte acompliray

Je m repens de cueur contrict amer

Sans me vouloir jamais acoustumer

A faire mal plus ny retourneray

Des maintenant ton ayme filz seray

Car en tous lieux tascheray te servir

Selon ton vueil je te ministreray

En appetant ta grace desservir

Saige est qui scait peche de soy ravir.

¶Lacteur

LE pere oyant lhumilite de son filz et saichant son couraige lembrasse dung vouloir paternel et luy donna incontinent tout le mal quil avoit machine alencontre de luy en disant telz motz.

O Mon chier filz tresame et begnin

Ne peche plus soyes moy juste et loyal

Je te congnois mo namy et affin

Si tu me veulx servir juc a la fin

Tu me verras courtois et liberal

Monstre toy donc filz vertueux feal

Si me verras pere tresgracieux

En te vestant de vestement royal

[63]

Tresriche et beau plaisant et precieux

Cueur penitent acquiert place aux sainctz cieulx

¶Lacteur

INcontinent lempereur print son filz par la main puis le mena en son palais royal et le vestit dung vestement precieux et fit ung grant convy ou furent mandez les princes & seigneurs du pays qui y assisterent. Du depuis le filz du prince se gouverna humainement au royaulme jusques a la fin de ses jours.

¶Sens moral a lhistoire dessusdicte

PAr ceste exemple on peult applicquer ce prince et seigneur a nostre saulveur et redempteur jesuchrist, et a lenfant qui veult persecuter son pere le mauvais chrestien. La mere de lenfant on peult prendre pour saincte eglise Car tous chrestiens sont legitimez en elle par le sacrement de baptesme duquel avons prins nostre salut. Et si tost que le chrestien peche et va contre le commandement de jesuchrist son pere il pourchasse et demande sa mort, mais jesuchrist tout bon et misericordieux le meine au desert de ce monde ou il ne sest pas seullement offert a mourir, mais y est mort pour noz pechez et iniquitez. Doncques pour lamour de luy et le salut de nostre ame nous devons resister a peche & le servir loyallement. Le pere baille le glaive a son filz affin quil le tue, dieu nous baille ung glaive cestassavoir liberal arbitre de faire bien ou mal. Et pource si nous sommes saiges nous ferons ainsi que le filz du prince, nous

[64]

cryerons mercy a jesuchrist cest nostre pere createur lequel avons offence et sans doubte il nous recevra a mercy et aura misericorde de nous comme le pere de famille receut benignement son filz qui estoit alle en region longtaine ou il avoit despendu le sien prodigalement avec femmes luxurieuses jeux de hazart en lieux dissouz dont vint en si grande necessite quil se loua a garder les pourceaulx & mangeoit viande pareille a eulx, touteffois considerant que en la maison de son pere y avoit tant de biens & de richesses se retira humblement devers luy luy demandant pardon de son offence, ce que son pere luy accorda benignement & fit tuer ung veau gras pour festoier son filz et ceulx qui le venoient visiter. Ce pere de famille cest dieu qui recoit le pecheur a mercy toutes les fois quil luy demande pardon de ses pechez pourveu quil sen repente, par quoy quant nous sommes vray confes et repentans de noz pechez Jesuchrist plain de grace nous donne misericorde par laquelle poovons obtenir sa gloire eternelle et parvenir au royaulme celestiel.

¶Lacteur.

AU temps present regnent enfans divers

Qui voulentiers pere et mere turoient

Pour faire bien ont les engins ouvers

Dedans leurs cueurs ont folz pensers couvers

Qui les croiroit jamais bien ne feroient

Le patrimoine et revenu auroient

Que peres ont tresprudamment gardez

Pour leur plaisir en brief temps le joueroient

A jeux de fort comme aux cartes, aux dez

Gens trop hastifz sont souvent eschaudez

[65]

¶Jeunes enfans sefforcent de conquerre

En peu de temps honneur, louenge et gloire

Et avoir bruyt triumphant par la terre

Sans eulx monstrer vertueux en la guerre

Tant seullement des dames ont victoire

Car ilz ne font pour œuvre meritoire

Fors que parler de toute vanite

Sans appeter davoir bras laudatoire

Ravissent biens de la communite

Guerre de culz est en ville et cite

¶A telz mignons on baille mondains biens

Ignorans sont comme on les a cquis

Et de trouver de vivre les moyens

Peur leur en chault mais que ayent oyseaulx et chiens

De relater leur beaulx faictz nest requis

Qui auroit bien par tout cherche et quis

On trouveroit sans faulte que richesse

Au tamps present fait les hommes exquis

En leur donnant le renom de noblesse

Il est gentil qui fait la gentillesse.

¶Je ne dy pas que les princes mondains

Ne soient regentz sur le peuple menu

Mais si fault il quilz se monstrent humains

Sans desrober et prendre a toutes mains

Plus quatre fois quilz nont de revenu

Se peuple nest ung petit soustenu

De son seigneur la chose est veritable

[66]

Que en peu de temps de tous sera congneu

Povre chetif langoureux miserable

Cest grant vertu que destre charitable

¶Jeunes seigneurs aymez les vieilles gens

En escoutant de bon cueur leur doctrine

Car de jeunesse ilz sont les vrays regens

Ainsi que vous ont este joyeulx gens

Et de noblesse ont plantee la rcine

Est pas parvers ung enfant qui machine

De mettre a mort son pere naturel

Qui layme tant et damour si benigne

Que pourveu est en son royal hostel

On doit penser que tout homme est mortel

¶De femmes mariees luxurieuses.

¶Lacteur.

QUe dirons nous des femmes daujourduy

Qui aux maris font infinies finesses

Contentes sont de prester leur estuy

On mentend bien ilz rompent leurs promesses

Doivent ilz pas estre appelles traistresses

Vendent leur chair cest grande vilite

Notez quelz sont plus griefves pecheresses

Que ceulx quon voit en plain bordeau sans cesses

Prenant plaisir a leur fragilite

Quant la femme est dautre que son mary

Grosse ou enceincte el commet maint oultraige

[67]

Bien doit avoir le cueur triste et marry

Gecter souspirs et regretz sel est saige

Car si lenfant jouyt de lheritige

De son espoux qui cuide son filz estre

Sainct augustin dit a peu de langaige

Quil est dampne, pense donc au dommaige

Que tu commetz tu le devroies congnoistre

¶Si ton enfant est dampne pour ce cas

Tu dois scavoir que nen auras pas moins

Mais descendras en enfer au plus bas

Par tes desirs charnelz et inhumains

Dy a ton filz, ne prens les biens mondains

De mon espoux et tu te acquiteras

Puis sil les prend et tient entre ses mains

Cest a son damp, plus de ce ne te plains

Totallement dechargee en seras.

¶Femmes voyons qui pour se resjouyr

Et acomplir leur folle voulente

Prennent plaisir de quelque homme jouyr

Pose quil soit trespovre et peu rente

Voire et si sont de grande parente

Le plus souvent, mais je vueil bien quon saiche

Quelz ayment trop vanite, volupte

Et qui en dit la pure verite

Villaines sont et ont le cueur bien lasche.

¶Si vous avez este gastees, pollues

[68]

Repentez vous, criez a dieu mercy

Et ne soyez desormais dissolues

Femme saige est qui se gouverne ainsi

Dieu est tout prest vous pardonner aussi

Il ne vous fault que demander sa grace

Cela vous doit oster hors de soucy

En esperant de le veoir face a face.

¶Exemple comme le temps passe on pugnissoit les femmes qui rompoient leur mariage.

[illustration]

[69]

UNg gouverneur dung pays eut fantasie ordonner que si une femme mariee estoit trouvee en adultere que sans misericorde elle fust gectee du coupeau dune montaigne jusques au val et profond dicelle. Le cas advint que une femme fut trouvee en adultere & amenee devant le gouverneur qui en observant la loy la condamna a telle sentence. Lexecuteur de justice fit son execution ce que la povre pecheresse endura benignement. Or advint que par grace de dieu ou autrement en tresbuschant ne receut point mort. Lexecuteur ce voyant la voulut reprendre et la regecter de rechief du hault de la roche a quoy elle se oposa par quoy fut remenee devant le gouverneur & luy dist Sire je congnois que jay peche et me repens de loffence que jay commise en offencant ta loy, jay paciemment portee la peine en quoy tu mas condampnee, ta sentence a este executee sur moy, mais les ministres et executeurs de ta justice me veullent de rechief precipiter et gecter du hault de la roche qui est contre ta loy, car elle ne dit pas que on doive estre pugnu par deux fois pour ung delict. Je confesse et lay confesse que jestoie adultere, mais jay este miraculeusement saulvee. Si sensuyt bien que ne doys de rechief estre pignie. LE juge oyant sa repsonce et ferme foy la delivra & luy donna sa grace.

¶Sens moral touchant lhystoire devantdicte.

[70]

ON pourroit entendre et fantasier que ce gouverneur pourroit estre prins pour jesus qui a ordonne telle loy que sil ya quelqung qui ait este pollu en so name par peche mortel il doit estre gecte du hault dune montaigne jusques au fons diecelle Cest a dire gecte & expulse du regne celestiel Comme fut adam quant fut gecte hors de paradis terrestre, mais jesuchrist par sa benoiste passion la saulve. Quant lhomme peche dieu permect souvent quil en soit pugny par justice affin quil samende & ne veult pas quil meure incontinent Cest a dire il ne le donne pas, car il est plain de infinye misericorde & se le pecheur se repent il est sauve par le moyen de sa grace qui le garde destre pugny eternellement. Ainsi nous devons endurer les adversitez de ce monde paciemment, priant a dieu quil ait misericorde & mercy de nous.

FEmmes qui ont rompu leurs mariages

Font deshonneur a prens et amys

Ne doubtez point qui ny en ait de saiges

Qui leur plaisir a vertu ayent submys

Celles qui ont cest ort vice commis

Il est requis quilz laissent leur follie

Car silz le font maulgre leurs ennemys

Auront pardon dieu la ainsi permis

Saige est le cueur qui a dieu se humilie.

¶Cest beau tresor que dune saige feme

Qui est plaisante, humble gaye et joyeuse

Le mary est en repos de so name

[71]

Lasche seroit faire une autre amoureuse

Si sa femme est despite ou rigoureuse

Voulant porter trop riche estat mondain

Ilz meneront une vie malheureuse

Par le moyen de sa femme orgueilleise

Leurs biens seront degastez tout soubdain.

¶Femmes ya qui de pecher nont honte

Devant chascun ilz corrumpent la loy

Se on les reprent peu en tiennent de compte

Cueurs ont plus durs que acier, fer ou alloy

Et toutefois quant corrompent leur foy

A leurs marys, silz nen font penitence

Gectees seront avec tout leur arroy

Du hault du roch par jugement de roy

Dedans le val infernal sans doubtance.

¶De pitie et misericorde.

¶Comme lon doit des prisonniers avoir

Compassion, pitie, misericorde

Beaucoup de maulx ont comme on peult scavoir

Et grant besoing que de eulx on se recorde.

CEulx qui ont mis leur semblable en prison

Et na commis envers eulx mesprison

Ilz ont grant tort chascun le peult entendre

Le prisonnier pet son temps et saison

En lieu obscur ne scauroit plaisir prendre

Si dur cueur nest qui ny devienne tendre

[72]

Communement on y est mal traicte

Lamy on voit a la necessite.

¶Il est des gens quon doit selon droicture

Emprisonner, car de propre nature

ilz font des cas enormes, execrables

De eulx amender cest bien grande adventure

Car ilz ne sont de eulx mesmes pitoyables

Telz gens sont ditz bestes irraisonnables

Pensent ilz point que ung jour dieu les pugnisse

Tout homme humain doit redoubter justice.

¶Pour le plaisir des juges aucuns sont

Mys en prison quant dessus eulx hayne ont

Les devallant en quelque fosse basse

A leur plaisir et vouloir ilz en font

Puis quilz lont dit par la force est que on passe

On voit daucuns a qui on donne grace

Par le moyen damys ou de pecune

Aucuneffois dangereuse est la lune.

¶Aucuns parens laissent en grant dangiers

Enfans, prochains, la ou par estrangiers

Sont mis dehors ou sen mectent en peine

Pose quilz soyent marchans ou voyagiers

Hazart les prent qui en prison les meine

Ou sont saisis par quelque cappitaine

Qui les veult mectre a rancon execessive

Mondaine vie est souvent trop active.

[73]

¶Dessus la mer plusieurs marchans sont pris

Par faulx tirans de maint vice repris

Car escumeurs ou pirates de mer

Prennent leur bien qui vault ung tresgrant pris

Tant quon ne scait le vray en estimer

Les parens sont se me semble a blasmer

Qui si long temps les laissent la transmys

Plus de parens est souvent que damys.

Exemple de pitie et misericorde.

[illustration]

[74]

IL fut ung riche marchant qui avoit ung filz prudent, saige et de bon gouvernement Son pere eu voulente et fantasie de lenvoyer sur mer en mrchandise. Le cas advint qu’il fut pris des larrons, pirates ou escumeurs de mer. Le prince et cappitaine diceulx le fist mectre prisonnier dedans son chasteau & le condamna a payer tresgrande rancon devant que parti du lieu Nonobstant que ledit cappitaine fust trespuissant et riche homme. Le prisonnier sachant le nombre de sa rancon envoya lectres a son pere quil luy pleust le delivrer et payer sa rancon Ce qil ne voulut faire, mais en fist refus dont se esbahit grandement et en fut trescourrouce & marry tellement qui luy en print une maladie contagieuse tant quil en devit las et debiliite. Or fault il noter que le prince & cappitaine qui le tenoit en ses prisons avoit une tresbelle fille tant doulce et gracieuse que tout homme qui l regardoit estoit hors de toute tristesse laquelle avoit tousjours este nourrye en la maison de son pere. Elle visitoit souvent le prisonnier en luy donnant mainte consolation Mais il estoit tant triste et dolent en cueur quil ne se povoit resjouyr. Il advint ung jour comme la pucelle visitoit icelluy enfant en le reconfortant de sa parolle au mieulx que possible luy estoit il parla a elle en ceste maniere.

Le doulx regard de ton œil precieux

Sans que aye penser mauvais ne vicieux

me resjouyt dedans ceste prison

Et nay aucun plaisir delicieux

[75]

Fors de te veoir dedans ces obscurs lieux

Ou jay este tenu longue saison

Tu mentedz bien point ne fault long blazon

Par toy je puis avoir ma delivrance

Celluy est fol qui vit sans esperance.

¶Lacteur.

LA fille regarda piteusement et de franc courage entremesle de vraye et honneste amour le povre prisonnier, et ne fut pas si ingrate quelle ne fist responce a sa demande qui fut telle.

Possible nest te mectre hors dicy

Tu est captif de mon pere, cecy

Tu dois noter bien entendz la maniere

Tes parens te ont laisse en ce lieu cy

Bien peu leur chault se fais piteuse chiere

Congnois tu pas que je suis estrangiere

De tes parens, me requiers tu tel chose

Lhomme souvent propse et dieu dispose.

¶Or scais tu bien quant te delivreroye

Que griefvement mon pere offenseroye

Car il perdroit la rancon qu luy dois

Il est certains que plaisir te feroye

Tresvoulentiers ainsi que tu congnois

Et que tu las ja veu par plusieurs fois

En la prison ou es mis en servage

Plaisir nest bon qui redonde a dommage.

[76]

¶Ce nonobstant je te delivreray

De ces prisons et franc ten envoyray

Si tu me veulx une chose promectre

Soyes tout certain que plaisir te feray

En estperant que le vueillez congnoistre

Ne doubte point que ne te vueille mectre

Hors de ces lieux quoy quil doye advenir

Ce quon promect est requis de tenir.

¶Lacteur.

LE prissonnier se resjouyt du parler de la pucelle et luy estoit tard de ouyr la requeste et peticion dicelle parquoy fist telle responce.

FIlle dhonneur plaise toy commander

Tout ton plaisir prest suis de laccorder

Tant soit il grant, dangereux et terrible

Doubte nen fais qe ce vueil conceder

Pourveu quil soit a moy faire possibleCar ma douleur congnois inextinguible

Sans ton moyen, si demande ta grace

Tout prisonnier sa delivrance trasse.

¶Lacteur.

LA fille de rechief regarda en pitie le prisonnier et luy dist liberallement que pour sa delivrance ne luy demandoit autre chose que en temps oportun et convenable il la print en mariage Ce quil promist de ferme pensee, & incontinent la pucelle

[77]

doubtant les reproches et blasme que son pere luy pourroit dire a cause de la delivrance se partit avec son accorde et tant firent par leurs journees quilz arriverent en la maison du pere du prisonnier qui navoit voulu entendre a la delivrance de son filz, lequel monstra semblant quil estoit tresjoyeulx de la delivrance de son filz, aussi de sa venue. Mais il voulut scavoir qui estoit ceste pucelle. Son filz luy racompta comme elle lavoit delivre de la prison et que cestoit la fille du roy a qui il avoit promis mariage Desquelles choses le pere fut tresmal content et luy deffendit sur peine de perdre son heritage quil ne la print a espouse. A quoy son filz luy fist reverente responce en luy disant quil estoit plus tenu a elle que a luy et quant il estoit prisonnier es mains de ses adversaires quelque escripit, supplication ou requeste quil luy eust envoyee il nen tenoit compte et lavoit laisse ainsi que habandonne et mis en nonchalloir, et que la pucelle lavoit delivre non seullement de la prison, mais du peril et danger de mort parquoy estoit delibere luy tenir promesse. Le pere fist responce quil ne se devoit point fier en elle pource quelle avoit trompe & deceu son pere quant sans son sceu elle lavoit delivre, le frustrant de la pecune quil eust receut pour sa rancon, ou autrement lavoit fait pour acomplir plus a son aise le peche de luxure, en luy deffendant de rechief de la prendre par mariage. La pucelle sur ces altercations parla vertueusement et dist. Tu dys que jay deceu mon pere, et je dy qye non, car icelluy est deceu qui est diminue de son bien, mais mon pere est tant riche quil na besoing des biens dautruy, & si mon pere eust prins rancon de ton filz

[78]

il nen eust pas este plus riche et toy et luy feussiez devenuz povres pour se redemption par quoy en ce faisant ne pense avoir forfait. A ce que tu dis que pour mon plaisir charnel jay vacque a sa delivrance je puis respondre au contraire, car appetit charnel vient pour la beaulte, force richesse ou beau langaige de la personne & ton filz navoit dedans la prison beaulte, richeese, force ne beau parler, car pour la detencion de prison il estoit pasle, maisgre, mal vestu et acoustre. Au regard de richesse il nen avoit piunt, quant a lhonneur quelle magnificence povoit il tenir ne me faire quelque plaisir quant il estoit captif. Assez y avoit en la court de mon pere de princes & seigneurs qui ne demandoient que a me faire plaisir et service pour deviser avecques moy et leur sembloit quilz eussent este bien heureux davoir seullement ung doulx regard. Quant de sa force il lavoit perdue par lhumidite de la prison et froidures quil y avoit endurees. Ainsi sensuyt que je lay delivre par pitie et charite et non autrement. Le pere ouyt le parler raisonnable de la pucelle dont fut trescontent et ne voulut plus imposer blasme a son filz ne a elle aussi, par quoy furent espousez honorablement et regnerent en vraye amour maritalle durant leur vie.

¶Exposition et sens moral a ladicte hystoire.

CE filz prins des pirates, larrons ou escumeurs de mer peult estre entendu pour tout le genre humain prins par le peche du premier homme nostre pere adam et mis en la prison & chartre du dyable, cest assavoir en sa puissance. Le pere qui na voulu racheter son efnant nous peult signifier ce monde cy qui

[79]

ne veult ayder a lhomme pour le tirer de prison, cestassavoir des liens du dyables, mais plus tost luy tenir. La fille qui la visite en prison peult signifier la benignite de nostre saulveur & redempteur jesuchrist meu de pitie & descendu des cieulx anous en prenant nostre chair humaine & ne nous demanda que nostre amour pour salaire Le pere de la fille peult estre figure le pere celeste qui na besoing de noz richessez, car sur toutes choses il est riche & bon. Le monde desprise la benignite de jesus et toutesfois le dilz voyant que son pere la laisse en danger, cest a entendre le monde qui abuse les mondains il a congneur quil nest permanable & ny a point de fiance par quoy la habandone & a prins la fille en mariage, cest la benignite de jesucrist qui la delivre de prison infernalle par quoy fault conclure que en ce monde nya fiance fors en dieu.

¶De reformacion de paix et de la vengence de ceulx qui la rompent.

¶Ballade

VEue vons paix par plusieurs fois florir

Et puis apres venir une brouyne

Du maulvais air par sur elle courir

La trebuschant quasi comme en ruyne

Le plus souvent pa rla grace divine

Nous la voyons en france florissante

Carte gectant radiante, luysante

Puis quelcun vient qui casse et rompt les loix

Par ainsi est frustree, desracinee

Si povons nous bien dire touteffois

[80]

Que par vouloir liberal et couroys

Pour aucun temps la paix nous est donnee

¶Au beau vergier de france veult meurir

Flandres aussi par la voulente trine

Laquelle paix devons priser, cherir

Car on ne peult sans travail conquerir

Tel triumphal precieux tresor digne

Cest la vraye fleur qui la terre illumine

De son odeur, a tous fruictz est duysante

Pour substanter les princes suffisante

Et les tenir en sumptueux arroy

Par aucuns jours el a este regnee

Pour en jouyr a nostre vueil et chois

Bref par loyse au jourduy je congnois

Pour aucun temps la paix nous est donnee.

¶Quant au regard faire guerre mourir

Impossible est, tousjours quelqung mutine

On la peult bien laisser a langourir

Sans luy vouloir aider ou secourir

Mais cueur felon se despite et obstine

La nourrissant pose quel ne chemine

En ville ou champs, en lieu secret la plante

Ou prent repos couverte au feu la plante

En esperant que usera de ses droitz

Comme despite en cueur desordonne

Cuidant tenir princes dens ses charroys

Mais par pape, empereur nobles roys

[81]

Pour aucun temps la paix nous est donnee.

¶Prins ce se avez quelque noyse irritante

invocquer fault leglise millitante

Et de justice ouyr la saige voix

Ainsi accord gaignera la journee

Et sera dit en champ, villes et boys

Par gens de court seigneurs, marchans, bourgeoys

Pour aucun temps la paix nous est donnee.

¶Exemple de paix et de ceulx qui la rompent.

[illustration]

[82]

LA fantasie des gens du temps passe estoit que quant il y avoit eu guerre, discord ou aucun debat entre les pape,emperur, roys ou princes et on traictoit quelque paix ou accord ilz montoient sur une haulte montaigne sur laquelle estoit occis un aigneau. Et estoit le sang respandu devant eulx en signe de reformation de paix, et aussi demonstrant que celluy qui lenfraindroit ou yroit a lencontre vengeance seroit prinse de luy et son sang respandu ainsi que le sang de laigneau.

¶Moralite sur ceste exemple.

PAr les grans seigneurs on peult fantasier et entendre dieu le pere et lhomme. Le psalmiste dit de dieu, il nya point de fin ne de terme de sa grandeur Dit aussi de lhomme quil a este cree & fait selon sa semblance Tu as rendu toutes choses subgectes a ses piedz. Entre dieu et lhomme a este telle discorde que tous ceulx qui mouroient pour lors alloient aux enfers. Depuis confirmacion de paix a este faicte entre eulx. Et a este mene ung aigneau innocent sur une montaigne, lequel aigneau nous peult figurer nostre saulveur et redempteur jesuchrist qui fut crucifie sur la montaigne de calvaire ou il respandit son sang En signe que celluy qui yroit contre ceste paix faicte seroit pugny, & aussi que on prendroit de luy grosse vengeance et seroit son sang respandu. Par quoy devons estre asseurez que serons pugnis greiefvement si nous rompons lappoincte

[83]

ment et paction qui est entre dieu et nous, laquelle a este promise au jour que nous receusmes le sainct sacrement de baptesme. Et pource estudions a garder ceste paix et bien nous en prendra.

¶Lacteur.

TAnt on a fait damyables accords

Puis peu de temps par beau parler confit

Puis mue paix en noises et discors

Par envieux qui nont este records

Que noble cueur vouloit que paix on fist

Par trop aymer leur singulier prouffit

Non regardans quilz rompoient les vertus

Contre raison ilz se sont debatus

Car autrement leur estat changeroit

Incontinent que guerre fineroit

De la nourrir font nuyt et jour effors

Courcez seroient quant le monde diroit

Tant on a fait damyables accords.

¶Par trop aymer tresors et biens mondains

Faire bastir chasteaulx, manoirs, fortreses

Abatre pain nuyt et jour a deux mains

Frapper de taille et destoc sur humains

Gens de lieu bas ont eu grandes richesses

Simples clergeaux qui ont apprins finesses

Sont devenus comme petis seigneurs

Et en orgueil tant eslevez leurs cueurs

Quilz ont desir tousjours quon face guerre

Affin davoir tous les biens e la terre

[84]

Ce nonobstnt quilz soient filz de villains

Ne doubtez point que leur couraige ne erre

Par trop aymer tresors et biens mondains

¶Tel na eu cours que deux ans qui est riche

Voire a milliers dont peult cela venir

Quant mon esprit a y penser se fische

Conclure veult pour finalle rebriche

Que au commun fault telles gens soustenir

Car sa substance on luy veult retenir

Tirer son sang et aracher sa laine

Comme a laignel que au sacrifice on meine

Gens affamez happent de tous costez

Ses biens saisiz, raviz, pillez, ostez

Tant qui na plus la valeur dune miche

Par gens telz quelz se le cas bien notez

Tel na eu cours que deux ans qui est riche

¶Celluy qui rompt la paix, lappoinctement

Non desirant que le peuple soit franc

Pugnir le fault si criminellement

Que en lieu publicq on voye notoirement

Leffusion par crueur de son sang

Ou le gecter en riviere ou estang

Paliateur est de roys et de princes

Et destructeur de mondaines provinces

Dont les seigneurs ne sont point advertis

Que des pays plusieurs sont fugitifz

Tous esperdus, mais on congnoist comment

[85]

Par gens qui ont espritz doctes, subtilz

Celluy qui rompt la paix lappoinctement

¶Comme ung homme seul peult saulver une nation par endurer peine voluntaire.

GEns liberaulx font a chascun plaisir

Aucuneffois ny perdent quelque chose

Aussi daucuns se veullent dessaisir

Du bien mondain, mais ung autre en dispose

Le plus souvent tel veult des biens saisir

Et les happer par larcin, mais il nose

Si est requis le bon chemin choisir

On ne fait pas tout ce que lon propose.

¶Aucuns ont mis leurs ames et leurs corps

En grant danger pour a chascun complaire

Et appaiser les noyses et discords

Dont en la fin ilz ont peu de sallaire

Incontinent quilz ont fait les accords

Du plaisir fait plusieurs se veullent taire

Et ne sont plus de ce bien fait records

Bon fait penser au plaisir quon veult faire

¶On en congnoist qui mectent leur estude

A faire enpruntz, mais quon y vueille entendre

Tout leur penser est trouver habitude

Pour demander, mains ont prestes a prendre

Tel fait promesse et mentir point ne cude

[86]

Qui tost apres na que engaiger ne vendre

Son luy demande il rend langaige rude

Dieu est au prest, mais le dyable est au rendre.

¶Exemple.

[illustration]

IL advint une fois que au meillieu de la ville de romme la terre se ouvrit et estoit le trou ou pertuys merveilleusement grant et de si grande profondeur que œil tant fust subtil ne eust sceu veoir le fons, dont les rommains furent fort esbahys & fantasiez, parquoy pour y remedier assemblerent le

[87]

senat avec les consulz, preteurs et dictateurs de la cite et eurent conseil sur ce cas qui fut tel quilz yroient devotement vers les dieux supplyant quil leur pleust reveler la cause de ceste adventure et mesmes le remede de y pourveoir. A quoy les dieux firent responce que jamais louverture ne seroit fermee jusques a ce que quelqung se gectast voluntairement dedans icelle Ce que homme ne vouloit faire parquoy louverture fut longuement dedans la dicte ville Et ce vouant ung noble rommain meu de pitie considera en soy que il feroit ung bien inestimable en la cite se il la delivroit de cest inconvenient, se arma de precieuses armes, print ung cheval hardy, legier & isnel, monta dessus et se gecta tout ainsi arme avec son cheval dedans ceste profonde abisme Et incontinent la terre fu[t re]close ainsi que elle avoit este parvant qui du depuis fait ouverture.

¶Moralite sur ceste exemple.

PAr la cite de romme on peult signifier et figurer ce monde au meillieu duquel est enfer cest le centre de la terre lequel a este ouvert devant la nativite de jesuchrist ou infinus hommes y sont trebischez. Par le senat consulz, preteurs & dictateurs on peult prendre les patriarches, roys et prophetes qu tous les jours demandoient a dieu le pere la cause de ceste ouverture infernalle Qui leur fist responce par leurs bouches mesmes que jusques a ce que une vierge enfanteroit ung filz qui en la fleur de son aage delibereement &

[88]

et voulentairement se gecteroit en ceste ouverture jamais enne ne seroit reclose Ce que nostre saulveur ere redempteur jesuchrist fist, car incontinent apres sa mort et passion monta sur le cheval de charite arme des armes de la croix entra en labisme infernalle, cest enfer, en tira dehors les anciens peres et meres et incontinent fut enfer recls qui ne nous sera jamais ouvert se ne pechons mortellement et desprisons les commandemens de dieu Si est requis nous en garder affin que ne puissons tumber en lieu si obscur, mais monter au ciel ou est clarte nompareille.

¶Lacteur.

PEu de gens sont deliberez mourir

Pour subvenir a la chose publicque

On ne veult plus son prochain secourir

Mais ung chascun pour amasser practique

Plusieurs veullent tracasser et courir

Qui ont parler liberal, authentique

Et touteffois leurs parens voyent perir

Sans leur aider esse pas chose inique.

¶Amytie est cachee en quelque coing

De chercher foy au jourdhuy on sabuse

Quant de union fuye sen est bien loing

Amour venir en ce monde refuse

Largesse a bruyt, mais el a clos le poing

Se on veult avoir liberte et se excuse

Amasser biens sans prendre dautruy soing

Pour le jourdhuy le peuple humain samuse.

[89]

¶Ceulx qui devroient le bien publicq garder

Ont cueur felon et pensee desloyalle

A leur proffit veullent trop regarder

Quant sont munys de puissance royalle

Ilz ont vouloir par sur tous preceder

Silz font u bien nest que par intervalle

Absorbez sont quant vient a deceder

Sans revenir en la fosse infernalle.

¶Comme necessite treuve moyen de vivre.

GEns eshontez qui ne veullent trouver

Aucun moyen de vivre et sont oyseux

Pour bestiaulx on les doit reprouver

Sans frequenter ne hanter avec eulx

Car dieu nayma jamais gens paresseux.

¶Il y en a qui veullent besogner

Pour peu de gaing et sont de bon affaire

Les autres sont tousjours prestz dempongner

Leur petit gaing et ne veullent riens faire

Selon louvrage on doit avoir salaire.

¶On voit coquins, larrons, maraulx, bellistres

Lasches de cueur, rongneux, pelez, tondus

Ainsi rengez que moynes en chapitres

Nudz et dechaulx, gelez et morfondus

Tous paresseux sont en fin confondus.

¶Qui na argent requis est den chercher

[90]

Le fol sattend a lescuelle dautruy

Qui rien nemprunte on na que reprocher

Bon fait avoir argent en son estuy

Bien peu damys on voit pour le jourdhuy.

¶Si nous voyons que ayons necessite

Trouvons facon de gaigner nostre vie

En nous mectant hors de perplexite

Despendre trop ne fault avoir envye

De peu de chose est la chair assouvye.

[illustration]

[91]

¶Exemple.

IL fut ung roy qui eut fantasie de faire ung grant convy ou banquet et de tenir ung certain temps durant court ouverte a ung chascun. Il envoya messagiers & heraulx par tous pays qui le publyerent a son de trompe et autrement. Le banquet fut prest aux jours limitez ou se transporterent gens de plusieurs estatz voluntairement pource que le roy avoit dit et promis que ceulx qui se y trouveroient avroient infinys biens & richesses. Advint que ung aveugle fort et puissant de corps et ung homme boiteux et impotent de tous ses membres excepte des yeulx […] veoit trescler ouyrent la publication du banquet […][vin]drent a regretter leur imparfection qui estoit cause […] ne se presentoient audit convy & que par ce perdoient […] bon repas mesmes une richesse infinye. Laveugle diso[it] au boiteux. Mon amy tu es impotent de tes membres et je ne voy goutte impossible nous est de comparoir a ce noble et solennel banquet. Auquel le boiteux fist responce Mon amy il nest riens impossible aux hommes pourveu quilz se vueillent employer a resister a leur malle fortune ne te soucye sil ne tient atoy nous parviendrons au banquet que le roy a estably, jay advise que tu es robuste, fort et puissant pour cheminer, mesmes pour porter ung pesant fardeau Si est requis que me charge sur tes espaules et je te adresseray la voye par ou il fault aller au banquet royal par ce moyen nous y parviendrons Ce qui fut fait Et par ainsi prindrent leur repas et eurent selon la promesse du roy richesses et biens infinys.

[92]

¶Exposition et sens moral a la predicte hystoire.

LE roy qui a prepare le convy ou banquet solennel se peult entendre nostre redempteur jesuchrist, et le banquet la vie eternelle Car il est dit en la saincte escripture. Ung homme fit ung grant convy ou plusieurs furent appellez, & ceulx qui y assisterent eurent richesses eternelles. Cest aveugle peult signifier les homes riches, fors & puissans en biens mondains qui ne considerent et ne veullent veoir […] cognoistre que les biens quilz ont sont venus par la [grace de] Dieu et par ainsi sont aveuglez par peche et les do[it on] nommer aveugles quant a la vie eternelle et qui plus est ignorans des choses salutaires La comparaison diceulx est la taulpe qui dessoubz terre a plusieurs petis logis ou elle se retire, aussi les riches mondains aveuglez en leurs biens terrestres ont plusieurs logis, cest assavoir chasteaulx, maisons, manoirs et autres lieux quilz ont fait ediffier pour eulx retirer, et mesmement y ont mussez ou cachez leurs tresors qui les ont si bein aveuglez quil leur semble que jamais ne leur fauldront. Quant la taulpe est dehors de la terre et a eslongne le pertuys dont elle sest partie impossible luy est de y retourner. Aussi quant lhomme humain part de ce monde cest assavoir que lame est separee du corps elle ny peult plus retourner et lui est force de laisser et habandonner les maisons, manoirs & autres logis ainsi que a

[93]

la tauple qui ne peult plus retourner a son pertuys. Les riches voient assez cler aux choses temporelles, mais ilz sont aveuglez aux spirituelles. Le boiteux povons comparer a ung homme devot A ce quil cloche on doit scavoir quil ny homme parfait Touteffois il voit assez cler pour aller au banquet eternel, car il enseigne a laveugle Cest a dire aux mondains de y parvenir et les y conduyt pourveu quilz y veullent mectre peine Et pource ceulx qui veullent parvenir au banquet eternel cest la gloire celestielle ilz doivent croire ceul qui leur enseignent le chemin et les porter sur leur dos affin que assemblement ilz y puissent parvenir. Mais il est a entendre que le fardeau que laveugle doit porter a parler morallement […] sont les povres a qui ilz doivent presenter dons & aulm[os]nes pour subvenir a leurs necessitez. Les heraulx qui on[t p]ublie le banquet ou convy on les pourroit applicquer aux devotz docteurs et interpreteurs de la saincte escripture qui sans ceser nous admonnestent par leurs sermons et enseignemens a nous gouverner selon la doctrine de mostre mere saincte eglise Par ce moyen nous devons croire ceulx qui nous monstrent le chemin pour aller au banquet et convy solennel qui est la gloire eternelle cest paradis ou povons facillement parvenir en prenant peine et labeur acomplissant les commandemenz et conseil des docteurs et predicateurs qui nous enseignent le chemin pour y parvenir.

¶Lacteur.

[94]

AU temps present on fait plusieurs banquetz

Ou viennent gens maisgres et desguisez

On se esbat, on dit plusieurs caquets

Souvent y sont mariages brisez

A dur metal fault engins aguisez.

¶Richesses, biens on y peult acquerir

Plaisir de corps et jouyr de sa dame

Par doulcement prier et requerir

Mais cela nuit terriblement a lame

Fuyr fault lieux ou sont reproche et blasme.

¶[AU]cuns banquetz sont honnestes, gaillars

Les gens de bien y prennent plaisir, joye

Sil y survient gens goulliars, paillars

Chasser les fault comme loyseau la proye

Nest que suyvir la seure et droicte voye.

¶Pour parvenir au banquet eternel

Il fault porter povres, aumosnes faire

Sans trop penser a son bien temporel

Prescheurs oiyr qui sont de bon affaire

One ne revient de marche com de faire

¶Gens aveuglez y arrivent souvent

Advis leur est que nul ne les escoute

Mais malle bouche est soufflante son vent

Quant elle meut ne haulce pas le coulte

Banquet donne aucuneffois cher couste

[95]

¶Aucuns y vont par bien et par honneur

Viandes et vins assez on y appreste

Car icelluy qui en est gouverneur

Joyeusement les recoit et les traicte

Mais faulse langue a mal parler est preste.

¶Par envieux qui ont legiere langue

Pour blasonner en convis, nopces, veilles

Les cas dautruy faisant mainte harangue

Sont advenuz des choses nompareilles

A coup de langue il fault escus doreilles

¶Bref se quelqu'un est gay en passant temps

Sans penser mal ne faire quelque offence

Les mesdisans en seront malcontens

Et en diront souvent folle sentence

Assez a fait de mal qui tant en pense

¶De ceulx qui baillent mauvaise exemple.

PLusieurs voyons qui prennent leur plaisir

Et passent temps pecher publicquement

Voulans complaire a leur charnel desir

Sans croire dieu ne son commandement

Et ne leur chault quant ou quoy ne comment

Tousjours sont prestz et prennent le loisir

De nuyt et jour vivre mondainement

Sans crainde mort qui les vient tost saisir

Quant de biens fais ilz les laissent moysir

[96]

Comme usuriers font en coffres escus

Tous pecheurs sont par les pechez vaincus.

¶On encongnoist qui sont pecheurs de fait

Et son contens que le monde le saiche

Advis leur est quilz font ung tesbeau fait

Disant quilz nont lesprit ne le cueur lasche

Si de railleurs ilz en ont quelque ataiche

Compte nen font et monstrent par effect

Quilz nont voulloir que leur erreur se cache

Car peu leur chault de leur faulte ou forfait

[Qua]nt maint en est navre, batu, deffait

Pugnicion a court qui pecheur lye

Le fol trop tard recongnoist sa follie

¶On en congnoist qui veullent corriger

Et remonstrer a gens plus saiges que eulx

Ilz ont parler si prompt et si ligier

Que a ladventure ilz disent motz oyseux

Secretement font cas malicieux

Advis leur est pour autruy laidenger

Quilz sont purgez de leurs faictz vicieux

Par beau parler veullent gens oultraiger

Entre deux eaues appetent de nager

Mais bien souvent a la fange demeurent

Souvent mocqueurs plus tost que mocquez meurent.

¶Exemple.

[97]

[illustration]

IL fut ung prestre lubrique qui estoit cure dune bonne et riche parroisse & y avoit plusieurs notables parroissiens, entre lesquelz y en avoit ung qui faisoit difference de ouyr sa messe et luy sembloit quil estoit indigne la celebrer et que son service desplaisoit a dieu, par quoy incontinent quil se preparoit pour celebrer ledit parroissien tout fantasie se transportoit hors de leglise. Advint ung jour quil sestoit departy pour telle cause soy pourmenant en ung pre ou fluoit et decouroit ung petit ruysseau deaue clere et puri

[98]

fiee ledit parroissien qui avoit une ardeur de foyz & estoit eschauffe pour rassasier sa soif print de leaue du ruisseau et en beut par plusieurs fois Ca nonobstant il ne estanchoit point sa soif se delibera daller contremont le ruisseau jusques a ce quil eust trouve la fontaine dont sortoit et procedoit ceste eaue. En cheminant rencontra ung homme vieil et ancien qui luy demanda ou il alloit, car il ne tenoit point de chemin. Il luy fut responce quil cherchoit le lieu dont le ruisseau procedoit. Le vieillart se offrit de luy mener, mais en cheminant linterrogua pour quoy il sestoit absente de leglise a une si bonne journee sans ouyr messe veu ce que le prestre estoit prest de celebrer. Le parroissien luy fit responce quil sen estoit party ource que le prestre estoit lubrique et menoit vie deshonneste & que par ce il differoit ouyr sa messe. En devisant de telles choses arriverent au lieu ou estoit la source dudit ruisseau, le vieillart dist au parroissien. Vela la source dont procede ceste eaue que tu as trouvee si bonne, si doulce et savoureuse. Le parroissien sapprocha pres et vit que tout le ruisseai passoit par la gueulle dun chien mort puant et infect dont il eut crainte doubtant que leaue que il avoit beue fust cause luy engendre une maladie qui luy tournast a grant prejudice et mesmement quil avoit si grande soif que force luy estoit en boire de rechief ou de mourir en la place, ce que congneut ledit ancien homme et luy dist. Mon amy ne tesbahis de ce que tu vois tu ne dois point avoir de paour que leaue de ce ruisseau que tu as beue te face aucun mal et si peulx estancher ta soif et en boire a ton plaisir, car je te asseure que nen auras aucun maulvais inconvenient,

[99]

mais en seras rassasie. Le parroissien se confiant aux parolles de lancien homme et aussi que force luy estoit de boire ou mourir subitement beut de ceste eaue quil trouva si doulce et si bonne que par son rapport il ne gousta jamais si doulx bruvage. Adonc le vieillart luy fist response en disant. Mon amy tou ainsi que ceste fontaine et clere eaue decourt par la gueulle dung chien puant et infect sans que ladicte eaue en soit corrompue Tout ainsi la messe celebree par la bouche du prestre lubricque et pecheur te peult prouffiter et nen vault pas pis quant a toy. Par quoy ne dois differe de ouyr la messe dung prestre pecheur non plus que de boire de leaue qui passe par la gueulle de ce chien mort et infect. Incontienent ledit ancien homme se departit du parroissien qui racompta a plusieurs sa vision. Ainsi ne firent plus de difference de ouyr la messe de leur cure ne de ouyr par sa bouche les commandemens de leglise.

¶Exposicion et sens moral.

NOus povons fantasier que tout ainsi que ung cure doit vacquer et veiller sur les ames de ses parroissiens & les preserver de peche Aussi tout bon chrestien doit mettre peine & labeur a garder soigneusement les vertus qui la receues par le sacrement de baptesme. Or est ains ique ce prestre lubrique qui monstre mauvais exemple a ses paroissiens peult estre figure au pervers chrestien, car par parolle & effect tire et fait commettre a plusieurs qui le hantent et ferequentent pechez et cas enormes qui est cause de descendre au

[100]

lieu infernal. Mais pour eviter ce danger il fault faire ainsi que le parroissien qui a tant chemine quil a trouve le vieillart par lenseignement duquel a congneu la source du ruisseau. Le vieillart povons prendre pour jesuchrist que nous devons chercher en cem onde que pourrons trouver par les ouevres de misericorde, mais si fault il nonobstant boire premierement du ruisseau dont nous beuvons peult estre prins pour le sacrement de baptesme qui estainct le peche original. Mais si davanture nous tumbons en peche nostre soif qui est nostre peche ne peult estre estaincte jusques a ce que nous ayons beu de la grande fontaine. Car comme dieu dit par la bouche de levangeliste. Je suis fontaine en la vie eternelle Les ruisseaulx ou veynes de ceste fontaine pevent signifier les sainctz escriptz Lesditz ruisseaulx procedans par la gueule dung chien putrefaict se pevent applicque aux parolles qui soirtoient par la bouche du prestre pecheur & toutesfois ilz ne laissent pas a estre bonnes et vertueuses et fault noter que on peult faire comparaison de prestres achiens Car ainsi que en ung chien y a quatre bonnes proprietez tout ainsi sont quatre bonne proprietez en ung bon prestre. Les quatre proprietez du chien sont telles. Premierement il a langue medicinable, lordorement, loyalle amour a son maistre et labboy Car comme chascun scait il nectoye par sa langue les playes et les cures, pareillement les curez doivent par leur langue cestassavoir par leurs sermons et remonstrances oster les playes de peche qui sont aux hommes. Secondement les chiens par

1516-Les fantasies de mere Sote (Pierre Gringore) (101-150)

[101]

odorer treuvent les bestes vulpines. Et aussi ung prestre sent ou odore en confessant la creature ses fraudes & malices, pechez, heresies, perversitez et faulcetez. Tiercmeent le chien sexpose au dangier et peril de mort pour deffendre son maistre, sa maison et biens En telle maniere doivent faire les prestres, cestassavoir exposer leurs corps en danger et peril de mort pour garder et deffendre la foy catholique et mesmement pour le salut des ames de leurs parroissiens et de tous autres chrestiens, car ung bon pasteur met son ame pour ses ouailles. Quartement le chien par so nabboy chasse les larrons et ne les seuffre approcher pres la maison de son maistre. Le prestre fidelle et loyal nous represente le chien du grant roy cest jesus, car par labboy de sa predication et soingg continuel de priere & oraision ne seuffre venir larrons pour desrober ou subornder ses parroissiens Cest a entendre quil nendure les espritz dyaboliques et perverses cogitacions estre faictes du tresor de son seigneur, cest de lame raisonnable laquelle a este rachetee bien cherement du precieux sang de nostre saulveur et redempteur jesuchrist.

¶De lenvie des mauvais contre les bons.

LEs envieux sont tristes et pensifz

Quant prosperer congnoissent leur semblable

Ilz sont tous prestz faire cas excessifz

En luy nuysant

Le desprisant

[102]

En devisant

Ou en parlant, en passant tamps a table

Lhomme est louable

Doulx, honnorable

Bon et affable

Quant escouter les veult de sens rassis

Gens excessifz

Mondains, passifz

Sont cinq ou six

Qui ont parler attrayant, aguisant

En tous lieux nest tousjours soleil luysant

¶Las trop de maulx viennent par envieux

Et si en fin ilz sont mis en decours

Car on en voit bien peu qui soyent joyeux

Mais faulx, pervers

Et folz divers

Quie a lenvers

Veullent tumber ceulx qui ont bruyt et cours

Envye es cours

Baille coups lours

Cadetz, millours

y doivent penser a tout par eulx

Les vicieux

Fantasieux

Sont souffreteux

Apres quilz ont leurs pensers descouvers

Fol est celluy qui rompt les huys ouvers.

[103]

¶Ung envieux plus que a autruy se nuyt

Car il meurtrit son cors, son cueur et amer

Se quelqung a des biens dequoy luy nuyt

Tout so navoir

On doit scavoir

Quon peult avoir

Gloire et honneur par seigneur et par dame

Le nom et fame

Contrainct quon ame

Sans nul diffame

Ceulx qui ont nom et acquierent bon nruyt

Maint est destruyt

Par fol deduyt

Qui le conduyt

Donc mesbahys que de dueil ne se pasme

Toutes odeurs ne sentent comme baseme.

¶Les freres ont lung dessus lautre envye

Au temps present qui est ung piteux cas

Car fraternnele amour on a ravye

Muee pour lors

Est en discors

Par griefz effors

Et folle amour qui es cueurs sonne cas

Debatz, soulas

On est las

Disant helas

Amytie nest au jourdhuy plus en vie

Dueil la convye

[104]

Chair qui devye

Nest assouvye

Mais dit du mal ou el ne le voit pas

A bon ouvrage il fault rigle et compas.

¶Exemple.

[illustration]

UNg homme notable et bien renomme eut deux enfans masles, sa fantasie fut de mectre so namour a eulx en telle maniere quil luy sembloit quant ilz estoien hors de sa presence quil avoit

[105]

perdu tout son plaisir. Advint que le plus jeune fut amoureux dune meretrice ou fille publicque et si fort espris de son amour que par frequentacion naturelle avec les promesses quelle luy fist que sil luy plaisoit de sa grace la prendre a mariage quelle luy obeyroit a ses commandemens en soy obligeant que se elle luy faisoit faulte de son corps estre chassee & expulsee de sa compaignie, mesmes contente de recevoir mort par ses mains. Le jeune enfant fantasie de ceste requeste considera comme ladicte meretrice selon sa puissance le traictoit honnestement et ne lhabandonnoit point pour autry et aussi qui lavoit veu plusieurs filles estre mariees pucelles qui durant leur mariage se gouvernoient tresmal, mesmement qui feroit les œuvres de charite sil retiroit une pecheresse de peche se delibera lespouser & de fait lespousa en saincte eglise, pour laquelle cause son pere fut si courrouce quil ne le vouloit veoir ne rencontrer et de fait fut prive de ses biens, son frere ainsne le blasmoit incessamment devant son pere. Le jeune homme qui navoit point acoustume de besongner, mais vivre du revenu des biens de son pere fut en grande necessite de maladie avecques sa femme, touteffoys quelque povrete quilz eussent ilz se gouvernerent honnestement en mariage et sans deshonneur. Advint que certain temps apres ceste povre pecheresse enfanta ung beau filz et plaisant de la semence de son mary Or estoient ilz si povres que apeine avoient dequoy substanter eulx ne leur enfant. Le jeune homme fantasie se pensa que il prendroit hardyesse de aller devers sondit pere luy requerir grace et mercy. Mais honte

[106]

le redarguoit, si pensa et delibera quil envoyeroit une lettre ou epistre par devers son pere qui fferoit declarartion de so ncas, si print papier, plume et encre puis se mit a escrire ce qui sensuyt & puis lenvoya a son pere par ung sien amy feal qui luy presenta.

¶Espiste.

PEre et amy sang naturel me meult

Te faire escript aussi raison le veult

Precongnoissant que jamais ung vray pere

Nappete veoir de son filz vitupere

Et se ainsi est que jaye vers toy mespris

A ton plaisir jen vueil estre repris

Mais requis est touteffois que vieillesse

Supporte ung peu ma fragille jeunesse

Contre ton vueil jay ung cas perpetre

Se aucunement tu en es penetre

Tu nas pas tort, devant toy me humilie

En esperant pardon de ma follie

Ma femme fut digne de reprocher

Pour le present nully ny doit toucher

Car si tresbien avec moy ses conduicte

Quel na este par luxure seduicte

Et tant ya que dieu nous a donne

Ung bel enfant, de biens peu guerdonne

A le nourrir avons traveil et peine

Sans reste avoir au bout de la sepmaine

Sil te plaisoit me aider a ce besoing

Incessamment je prendroye cure et soing

[107]

A te servir voire de bon couraige

Comme servant sans pension ou gaige

Me suffiroit davoir tant seullement

Pour passer temps la vie et vestement

Mon filz pareil dont je suis en pensee

Ma femme aussi fust ainsi dispensee

Ou les subgectz comme auxiliateurs

A tes petis et simples serviteurs

Ton plaisir soit me mander que est de faire

Le saoul ne scait que le jun a affaire.

¶Lacteur.

APres que le pere eut fait lecture des lespistre envoyee par son filz fist response au messaiger quil ne vouloit despriser lhumilite de son filz et que son plaisir estoit le recevoir en sa maison. Le filz adverty de ce fut tresjoyeulx et incontinent partit pour aller au mandement de son pere et y mena sa femme et son filz qui furent recueillis honnestement. Le pere pour la pitie quil veoit de son enfant, femme et filz de son filz fondoit en larmes Son filz ploiroit tendrement pour la joye de sa reception, la femme souspiroit de honte Lenfant du filz faisoit plusieurs regardz & joyeuse chiere parquoy le pere grant le print a si grande amour quil fut longue espace entre ses bras Et comme ceste reconsiliation se faisoit arriva lancien frere qui ce voyant fut despite & plain de courroux, & ne sceut couvrir son mauvais vouloir, mais comme tout esmeu dist a son pere. Tu mon

[108]

stres la follie et imbecillite qui est en toy veu qce que tu recoys en ta maison celluy qui a fait deshonneur a toy et a tout ton lignage en tant quil a espouse une paillarde a laquelle a engendre ung filz que tu aymes mieulx que moy Il sest marye maulgre ton vouloir, ce que je nay pas fait et pource je congnois que tu es fol et insence le receoir en ta maison et nourrir lenfant de une pecheresse publicque Par ce moyen il semble que tu vueilles faire ton heritier de mon puisne ou de son enfant qui me retourne a grant prejudice & mest impossible de lendurer. Le pere fut cource de linobedience de son filz ainsne et aussi quil le reprint un bon zele quil avoit a son frere, efemme et filz luy dist. Tu es mon filz aisne qui a s par plusieurs fois desobey a mon commandement tant absent que present et si nas considere ton offense, tu ne as voulu te reconsilier amoy ne a ton frere ma offense griefvement je le congnois, mais aussi il sest a moy reconsilie par grande contriction ce que nas pas fait toutes les fois que me as offense parquoy tu est ingrat envers moy et envieux contre ton frere et si tu nas voulu congnoistre tes faultes et meffaitz, ce que ton frere a congneu Tu le veulx expulser et gecter hors de ma compaignie, et tu te devroyes resjouyr de ce quil sest reconsilie a moy Et pource que tu es ingrat tu ne auras point mon heritage que devoyes avoir et posseder de droit Ton frere en jouyra, car ainsi me plaist et est ma fantasie qui est raisonnable.

¶Exposition a ladicte fable.

[109]

ON peult fantaiser & applicquer le pere des deux freres au pere celeste Le premier filz a nature angelicque, et le second a nature humaine. Nous povons doncques dire par figure que nature humaine a espouse une femme meschante Ce fut iniquite quant contre le commandement de dieu elle mangea du fruict de vie dont fut expulse de la maison de son pere. Le filz de la paillarde povons prendre pour le genre humain. Par ce que le pere du filz qui est nature humaine fut malade on peult dire et figurer que apres so npeche il a este au val de pleurs et de misere Car il fut mis en la sueur de sa face et y mangea son pain Et toutesfois il sest reconsilie a dieu son pere par sa passion et jour en jour se y reconsillie par œuvres meritoires et vertueuses. Par le premier filz que disons nature angelicque povons figurer le dyable qui est ingrat & sans cesser murmure et a dueil de nostre reconsiliacion Alleguant que pour nostre peche ne sommes dignes davoir lheritaige que prenons pour la gloire eternelle. Mais si nous vivons en ce monde justement so nalleguacion ne nous nuyra point, mais aurons paradis quil a perdu par son orgueil et ingratitude.

¶De bonne vie par prendre exemple aux faictz dautruy.

ON doit donner et departir ses biens

Selon raison et regarder comment

Car aucuns sont qui tiennent les moyens

[110]

De eulx enrichir Jamais ne perdent riens

Par demander voire illicitement

Et quant on donne il fault que sagement

On pense a qui, quel do na merite

Car bien souvent ung fol est herite

Par ung tresgrant prince, seigneur ou maistre

Pour son plaisir nompas par charite

Qu ifait plaisir on le doit recongnoistre

¶Ung prince doit estre joyeulx, oyal

Hardy, plaisant, courtois et amyable

Audacieux, grave, franc, liberal

[…]ulx et piteux corriger vice et mal

[…]ge en ses faictz, amoureux, charitable

[…]me en propos, constant et non muable

[…] croire ceulx qui ont conseil ligier

Et nestre aussi trop hastif de juger

Sans regarder quelle la fin sera

En evitant tout perilleux danger

Qui na raison son bruit seffacera

¶Despendre fault, donner aussi garder

Faire bastir edifices, fortresse

Et ce quon fait deux fois le regarder

ou par conseil si bien y proceder

Que tout soit fait selon droitsans finesses

Bon fait garder et avoir des richesses

Nonobstant ce que aux biens mondains on fault

Les biens sont bons en este pour le chault

[111]

Et en yver pour le froit cest la cuise

Car nous avons il nya nul deffault

Chault en este et en yver la bise

¶Regarder fault les faictz du temps passe

Et ceulx qui ont eu bonne renommee

Faire comme eulx que tout soit compasse

Par bon moye et le bien amasse

Le departir par loy acoustumee

La region sera bien estimee

Se ainsi est fait on le peult bien entendre

Au temps present a lhonneur fault pretendre

Et les haulx faictz des predecesseurs lyre

Fin de noz jours sommes contraintz datendre

De deux chamins fault le meilleur eslire

¶Exemple

[112]

[illustration]

IL fut ung empereur qui eut vouloir de faire edifier ung lieu triumphal & pour ce faire mist en besongne plusieurs ouvriers, et ainsi co(m-me ilz fouilloient en terre pour faire les fondemens de ledifice trouverent ung cercueil ou il y avoit trois cercles dor entre lesquelz estoit escript. Expendi, Donaui, seruaui, habui, habeo, perdidi punior. Primo quoi expendi habui et quod donaui habeo. Ce voyant lempereur fist venir par devers luy les saiges de son empire, les interogua que telle escripture signifioit. Leur responce fut

[113]

telle que ung empereur qui avoit regne devant luy avoit fait faire ledit cercueil pour donner exemple aux autres empereurs ses successeurs affin que durant leur regne se gouvernassent en la maniere quil sestoit gouverne. Expendi Comme sil vouloit dire Jay manigeste ma vie en jugeant droictement et destruisant moy mesmes selon raison. Donaui Sa fantasie estoit dire Jay donne a mes chevaliers choses necessaires, vivres aux povres et a ung chascun selon leurs merites. Seruaui Jay garde en toutes œuvres justice et si ay use de misericorde faisant œuvre condigne. Habui Jay eu le cueur ferme & large a donner a mes subgectz grace en tous temps. Habeo Jay eu la main a destruire, a garder, apugnir. Perdidi Jay perdu follie, lamytie de mes ennemys et luxure Punior Je suis pugny en enfer pource que je nay pas eu ferme creance en ung seul dieu eternel. Et ce voyant lempereur se gouverna mesmement ses subgectz vertueusement durant son regne.

¶Moralite.

ON pourroit prendre cest empereur pour ung chascun chrestien qui est tenu de ediffier ung palais qui se peult entendre ediffier son cueur a bonnes œuvres et fouiller en icelluy cueur par contriction & ainsi pourra trouver le cercueil dor, cest assavoir lame doree plaine de vertus par le moyen de la grace divine avec trois cercles dor qui sont foy, esperance et charite, et sera escript Expendi. Jay expose dit le bon chrestien mon ame et mon corps au service de dieu. Et se ung chascun chrestien fait ainsi il doit estre bien suer destre

[114]

guerdonne de la gloire celestre. Puis y est escript Seruaui. On peult demander, que as-tu garde Responce Jay garde mon cueur contrict humilie preste de faire toutes bonnes œuvres a dieu pour acomplir son bon plaisir. Tiercement estoit escript Donaui Cest que le bon chrestien a donne a dieu de tout son cueur de toute so name et pensse amour et dilection, mesmes a son prochain. Car en ces deux pointz sont contenuz les commandemens de la loy que dieu bailla a moyse Hanui Jay eu du monde vie miserable pour tant que jay este conceu et ne en peche originel et fait de ville et orde matiere. Habeo Jay baptesme et suis fait chevalier de dieu ou je estoie serviteur du dyable. Perdidi Jay perdu la grace de lieu par mes pechez, mais je lay recouvree en amendant ma vie faisant penitence qui purge tous pechez. Punior. Je suis pugny pour mes faultes et pechez Car mon corps et esprit son en peine de faire penitence. Expendi quo habui Jay expose tout mon temps par don de grace aux œuvres de misericorde. Quod donaui habeo Jay donne a ma vie bon conseil et me suis submis a croire ce que leglise croit parquoy jay la vie eternelle.

¶De ceulx qui mettent en oubly les biens que on leur a fais et sont ingratz.

PLusieurs tirans prennent argus, debatz

Contre raison et font a autruy guerre

Advis leur est que ce sont beaulx esbatz

De conquerir de simples gens la terre

[115]

Ce qui les meut de voulloir tant acquerre

Cest pour avoit or, argent a grant tas

Cueur ont si fier sont contens qui erre

Orgueil leur fait porter les grans estatz

Telles gens nont honneur en leurs combatz

Fortune vient souvent qui les defferre

En trebuschant soubdain du hault en bas

On doit tousjours le juste chemin querre

¶Ung noble cueur a dames na discords

Mais les supporte en tous cas et affaire

Pervers tirans mectent tous leurs effors

A les piller et leur bon bruit deffaire

Mais bon voulloir qui est prest de complaire

Au femenin leur fait plusieurs consors

Et est content pour telz tirans deffaire

En grant danger exposer biens et corps

Assez en est qui veullent mettre hors

De leur maison des dames debonnaire

Et delles font villains et faulx rapportz

Tel di le mal et du bien se veult taire.

¶Ce a bien servir dames on prent plaisir

Selon raison le doivent recongnoistre

Mais que ce soit par vertueux desir

Et ne oublier cela quon veult promettre

Or en est il qui vuellent dehors mettre

Leur vray amy pour ung double en choisir

Dont en la fin ilz en ont belle lectre

[116]

Car pour soulas soucy les vient saisir

Puis sur leur cueur laissent courroux moysir

Qui sendurcit comme pave en cloistre

On se repent souvent tout a loysir

De ce quon veult a la haste commettre

¶Les pelerins estrangiers sur les champs

Voient plusieurs cas dont ilz sont pitoyables

Aucuneffois lhonneur sont pourchassans

De ceulx a qui on fait maulx execrables

Pugnicion de gens qui sont dampnables

Faire se peult par gens povres meschans

Quant dieu le veult choses irraisonnables

On voit pugnir par juges non saichans

Ceulx qui dautruy sont vices reprochans

On les congnoist de plusieurs maulx coulpables

Asnes tresmal saccordent a leurs chantz

Et les despitz avec les amyables

¶Qui a bon droit on le doit secourir

Raison le veult justice si accorde

Ce non obstant il se fault enquerir

Dont est benu le debat et discorde

On doit tascher ay mettre concorde

Sans se bouter en danger de mourir

Se on se repent avoir misericorde

De ceulx qui vont pour mercy requerir

Qui gloire veult pourchasser conquerir

Il est requis que dhonneur se recorde

[117]

Se on voit des chiens apres ung chien courir

Ny a celluy sil peult qui ne le morde.

¶Exemple

[illustration]

UNe noble dame et princesse gouverna son royaukme paisiblement et si fist aymer de ses subgectz tant que par tout en couroit la renommee Et ce voyant ung prince cruel & tirant en fut envieux et eut sa fantasie de destruire elle & son royaulme car pour ce faireil se mist en armes. La dame et princesse advertie de ce cas considera que lle estoit insuffisante et

[118]

peu forte pour se deffendre dudit tirant qui avoit mis le siege devant sa forteresse et touteffois avoit courage de resister a sa fierte et tirannye Mais el congneut quil luy estoit impossible, parquoy souventeffois ploroit & faisoit plusieurs regretz. Or advint que comme elle estoit en ce courroux arriva ung saige, vertueux et honneste pelerin au lieu ou elle faisoit sa residence, et le vit de si bonne sorte quil luy fut advis mais que elle luy eust compte son cas quelle seroit aucunement allegee de sa douleur. La noble dame en plorant & souspirant luy dist comme ce prince et cruel tirant la molestoit en la voulant priver de son heritaige et seigneurie. Le pelerin regardant lhumilite de la dame, meu de pitie et compassion se delibera la venger de son ennemy & de fait le voulut combatre en champ de bataille Ce qui fut mande au tirant qui comme fol et oultrecuide la voulut accepter. La dame par le moyen du pelerin eu esperance de vivre en paix en son royaulme Si sefforca de luy bailler armeures au mieulx quil luy fut possible, mais le pelerin contre tous ses ennemys ne voulut porter autre glaive fors son escharpe et son housdon. La dame se submist a son vouloir, mais il ne voulut point entreprendre la bataille jusques a ce que elle luy eust fait promesse que luy revenu du conflict ou bataille se il subjuguoit son ennemy que elle garderoit ses bourdons et malecte dedans sa chambree t quilz seroient mis en tel lieu que ne pourroit entrer ne sortir en icelle sans les veoir affin que elle eust de luy memoire durant sa vie Ce quelle promist voluntairement et de bon cueur Car il ne luy demandoit autre recompense. Lors le pe

[119]

lerin delibere se adressa devers le prince tirant et le combatit en telle maniere quil loccit & tout lost se retira, mais le preux et bon pelerin fut fort navre en la btaille. Il remist la dame et princesse en sa franchise et liberte dont elle le mercya treffort, puis print son escharpe et bourdon et les atacha au chevet de son lict, incontinent le pelerin se departit et alla faire son voyage. Plusieurs princes furent advertys de la delivrance de la dame et que ses terres quelle avoit perdues estoient recouvertes par quoy par devers elle arriverent trois grans princes avecques leur appareil et gens pour la visiter deliberez de lespouser dont ladicte dame fut advertye, par quoy se acoustra royallement pour aller au devant de eulx et les recueillir honnestment Touteffois avant que partir elle pensa que se ces princes dadventure entroient en sa chambre ilz pourroient apercevoir le bourdon et mallecte qui estoit au chevet de so nlict et luy sembloit que cela luy tourneroit a grant honte, si les osta et depuis ne les y voulut remettre, ainsi oublya la promesse faicte au pelerin et fut ingrate envers luy.

¶Application au sens moral.

CEste dame nous peult figurer lame humaine et le tirant ledyable qui la privee par longue espace de temps de son heritaige qui est le royaulme de paradis, dont elle estoit fort douloureuse et triste non sans cause. Car elle a tousjours este en enfer jusques a ce quil soit venu ung pelerin du ciel au pelerinage de ce monde que povons interpreter

[120]

pour nostre saulveur et redempteur Jesuchrist. La malecte du pelerin nous peult signifier sa chair pure et necte soubz laquelle estoit cachee la divinite en laquelle chair il a receues plusieurs cruelles playes. Le bourdon nous peultsignifier le boys ou fist de la croix ou il fut pendu pour nous pecheurs et la eut victoire pour noz ames et luy fut restitue tout ce que nous avions perdu Et pour la douleur, peine & traveil quil a souffert et endure pour nous ne demande autre chose fors que gardons songneusement ses bourdon & malette pour lamour de ly, qui se peult entendre que ayons continuelle memoire de sa passion douloureuse dedans nostre cueur. Les trois roys pevent representer le dyable, la chair & le monde qui viennent pour esmouuoir lame a delectaccions & plusieurs autres maulx et ce voyant lame malheureuse va au devant de ses desirs et concupiscences et incontinent que elle y consent pert le memoire d dieu & par consequent oublie les biens quil luy a fais, et par ainsi fault songneusement penser garder lescharpe et le bourdon qui se peult entendre avoir memoire des graces et biens que dieu nous a fais, car par ce moyen parviendrons a la gloire eternelle.

¶De honneur et de villennie ou injure.

QUi acquiert bruyt en bataille et honneur

Quant est esleu regent ou gouverneur

Est a priser quelque chose quon dye

Se a gens hardys et preux est grant donneur

Bayant flateurs ou quelque blasonneur

[121]

Ce nest pas droit que nul y contredye

Celluy qui est de vertus enseigneur

Doit estre dit hault prince et grant seigneur

En demonstrant bras droit, face hardye

Premier que mort vient quelque maladie.

¶Quant a quelqung la charge on veult bailler

Conduyre gens qui doivent batailler

Il doit tousjours sur champs en aguet estre

Se les souldars veullent desvitailler

Leurs ennemys, coupper et detailler

Ilz veullent trop entreprendre et congnoistre

Mieulx vault laisser le harnoys rnouiller

En ung guernier que de se aller brouiller

Parmy ung camp et gens en danger mectre

Soit bien, soit mal obeyr fault au maistre.

¶Outrecuidez alleuguent, nous ferons

Au jourdhuy bruyt et lhonneur acquerrons

Se a nostre vueil on nous veult laisser faire

Mais de telz gens sobrement parlerons

Et leurs beaulx faits cy ne relaterons

On a congneu puis ung peu leur affaire

Touchant ce cas riens nen fantasierons

Desirons paix ne scay si nous laurons

Guerre grumelle et ne se daigne taire

De guerre et paix dieu est le secretaire.

¶Quelque chose que lhomme soit instruyt

[122]

Impossible est davoir en guerre bruyt

Longue saison sans mauvaise adventure

Pose le cas que tout soit bien conduyt

Fortune vient qui veult prendre deduyt

De faire tort a cil qui a droicture

Aucuneffois peuple mal se conduyt

Parquoy malheur cil qui a bon droit fuyt

Seigneurs pugnis sont pour leur forfaicture

Maint pert son bruyt prenant dautruy pasture.

¶Qui a commis darmes quelque beau fait

Est a prise se en vertu est parfait

Cest grant honneur a prince davoir gloire

Et se en bataille on voit quil soit deffait

Louenge acquierts, car peult estre en effaict

Quil est moyen de obtenir la victoire

Les mors sont mors nature satisfait

Tel est petit qui une armee reffait

Les preux, hardys font œuvre meritoire

Mais le long temps efface le memoire.

¶Exemple.

[123]

[illustration]

IL fut ung roy qui en sa fantasie ordonna et establit que tous princes et cappitaines et autres qui reviendroient triumphateurs de la bataille avroient trois manieres dhonneur. Advint que ung preux chevalier fut commis par le roy aller en certaine bataille contre ses ennemys ou se gouverna si tresbien & si saigement quil obtint la victoire & amena plusieurs prisonniers. Le roy adverty de ce cas fit preparer ung chariot triumphal, lequel chariot menoient quatre haquenees blanches quil luy envoya. Le premier honneur estoit que le

[124]

peuple venoit au devant de luy en grande joyeusete & lyesse luy faisant honneur é reverence ; Le second que tous les prisonniers estoient derriere son chariot triumphal les mains lyees et testes nues. Le tiers honneur quil estoit en une chaire paree dedans ledit chariot et vestu dung riche vestement Et ainsi estoit conduit jusques au capitolle, mais le roy eut en fantasie affin que tel honneur ne fust moyen de causer orgueil & vaine gloire es cueurs des victorieux que aussi lesditz triumphateurs eusent trois manieres de injures. La premiere injure est que on mectoit avec eulx dedans le chariot gens de vile & serville condition affin que chascun qui les veoit eust esperance de parvenir a tel honneur si le cas advenoit quilz fussent envoyez en bataille & que ce leur donnast couraige de gaigner la victoire. La seconde injure estoit que ung home aussi de condition serville le batoit en luy baillant des buffes, en disant, congnois toy mesmes ne soyes point orgueilleux, car tu es home. La tierce injure estoit quil devoit paciemment endurer ce que on luy voudroit dire quelques oprobres, villennies ou hontes, ou injures que se fussent.             ¶Application

NOus fantasions & povons figurer pour le roy qui a fait elles ordonnances & estatus le pere celeste Et celluy qui a gaigne la bataille pour jesuchrist Lennemy quil alloit combatre povons prendre pour le prince infernal cest lucifer A ce que on luy fit trois manieres dhonneur. La premiere peult estre prinse que le jour des rameaulx que vulgairement on dit pasques fleuries plusieurs vindrent au devant de luy tenant en leurs mains palmes disans a haulte voix.

[125]

Osanna filio david. Le cond honneur que les prisonnies alloient derriere le chariot testes nues & les mains lyees nous peult signifier les juifz qui suyvoient jesuchrist Car ilz estoient lyez des lyens dep eche, voyant le signes et miracles qui faisoit nen tenoient compte, mais persecutoient son humanite. Le tiers honneur que le triumphateur estoit vestu dung tresriche vestement nous peult figurer la divinite unye interiorement a lhumanite A ce que quatre haquenees blanches le conduysoient les povons applicquer aux quatre evangelistes qui ont parle de sa divinite et humanite. Contre les trois honneurs triple injure fut faicte alhomme victorieux. La premiere estoit que ung homme de condition serville estoit avec luy en son chariot povons figurer par le mauvais larron. La seconde quil estoit batu, colaphise, par les juifz qui batirent jesuchrist disans Prophetise que ta frappe. La tierce injure, on disoit au triumphateur toutes les villennies que on vouloit, par ce povons specifier que les juifz cracherent contre la precieuse face de jesuchrist, et luy dirent plusieurs obprobres & villenies quil endura paciemment.

¶De richesse et de mort.

CHascun desire avoir des biens mondains

Et si ne fault que deux hazars soubdains

Pour perdre tout cest le point ou me fonde

Empereurs, roys, princes & tous leurs trains

Recevoir mort aussi bien sont contrains

Comme sont gens peu riches en ce monde

Dequoy nous sert force et belle facond

[126]

¶Puis que subgectz nous sommes a la mort

Et que en noz corps vile matiere habonde

Fuyons peche qui lame picque et mort.

¶Fuyons peche qui lame picque et mort

A servir dieu mectons tout nostre effort

Faisons du bien tant que sommes en vie

Car il ny a si hardy ne si fort

Jeune ne vieil soit a droit ou a tort

Que a son banquet atropos ne convye

Laissons orgueil naoyons de biens envye

Taschons gaigner lheritage des cieulx

Et nostre chair soit de peu assouvye

Aussi tost meurt le jeune que le vieulx

¶Aussi tost meurt le jeune que le vieulx

Il ny a nul soit juste ou vicieux

Qui en eschappe en aucune maniere

Et touteffois on doit fuyr les lieux

Ou se sont mors gens pestillencieux

Nature veult que on sen retyre arriere

La chair humaine est precieuse et chiere

Pose quel soit plaine de vilite

Lung meurt tout jeun lautre faisant grant chiere

Par accident ou par debilite

¶Par accident ou par debilite

Finons noz jours et nest habilllite

Force scavoir qui garder nous en puisse

[127]

Se nous avons plaisir, transquilite

Hors davec nous chasson humilite

Et ne craignons point que dieu nous pugnisse

Nous assemblons souvent vice sur vice

Et biens mondains acquis injustement

Il fault doubter la divine justice

Quant nous mourons nous ne scavons comment.

¶Quant nous mourons nous ne scavons comment.

Nostre ame va selon le jugement

De dieu el est ou saulvee ou dampnee

Par quoy devons continuellement

Faire du bien servant devotement

Celluy par ui grace nous est donnee

Si nous laissons nostre ame habandonnee

A tous plaisirs nous en dirons helas

Selon ses faictz el sera guerdonnee

Grant dueil souvent vient apres grant soulas

¶Grant dueil souvent vient apres grant soulas

Qui sans peine est ne sent le mal du las

Loeil son regard en lieux vicieux fiche

Le dyable tend incessamment ses las

Et si tu veulx grace impertrer tu las

La departir jamais dieu ne fut chiche

Si est requis noter ceste rebriche

Que tous mondains tournent en pourriture

Mais on ne scait qui est le povre ou riche

Quant trouvez sont dedans leur speulture.

[128]

¶Exemple.

[illustration]

IL fut ung empereur qui fut puissant et vertueux, mais il eu en sa fantasie conquerir plusieurs royaulmes, ce quil fit, touteffois estant en ceste fantasie il alla de vie a trespas et ainsi que on lensevelissoit pour le mettre en son sepulchre y sourvindrent gens de plusieurs estatz qui devisoient de choses differentes. Lung diceulx dist telz motz. Lempereur faisoit tresor de or et maintenant or fait tresor de luy Ung autre dist Il ne suffisoit a lempereur avoir fait les trois

[129]

pars du monde, mais au jourduy ung drap de trois aulnes luy suffit. Quelcun en devisant dit. Lempereur commandoit hyer au peuple et maintenant le peuple luy commande. Lautre dit. Lempereur avoit hier puissance de en delivrer plusieurs de mort, mais il na sceu eviter la mort ; Ung quidem disoit. Il foulloit hier la terre et au jourduy la terre le foullera. Ung autre dit. Lempereur se faisoit hier craindre a ung chascun Maus au jourduy schascun le repute ort et detestable. Lautre disoit. Lempereur a eu plusieurs amys, mais maintenant il nen a pas ung. Lautre dit. Lempereur menoit hier tresgrant excercite et maintenant lexercite le met en sepulture.

¶Moralite.

On pourroit applicquer cest empereur a tous hommes riches en ce monde qui mectent toute leur estude a acquerir mondains biens, car voulentiers tant plus que on vient pres de lla mort et plus veult on amasser sans voulloir labourer pour lame qui est en peine. Ceulx qui sont venus visiter lempereur et dit plusieurs choses de luy on les peult applicquer aux expositeurs de la saincte escripture ; A ce quil est riche dor, argent & biens mondains, cest a dire que les mondains doivent faire tresor de vertus acomplissant les œuvres de misericorde et par ainsi il acquiert tresor au ciel pour son ame. Cest pourquoy aucuns veullent dire Le monde ne suffit a lor, car plus on en a et plus en veult on avoir qui est grant follie, car le monde nous fault a la mort on le voit, et au departir on nemporte que ung suaire de toille. Quant les riches sont en vie ilz com

[130]

mandent aux povres et apres leur trespas les povres leur commandent. Durant la vie ilz peuvent delivrer plusieurs de mort et toutesfois quelque richesse quilz aient ilz ne sauroient eviter la mort. Les riches durant leur vie sont pocesseurs & dominateurs de la terre, mais apres leur mort la terre a dominacion de leur corps et est consomme par elle. Tandis que lhomme riche vit il est craint & doubte, car il est dit face dhomme, face de lyon, mais apres la mort on est repute ort et abhominable. Pareillement lhomme riche a durant sa vie plusieurs amys, mais apres la mort chascun le defuyt et demeure seul & habandonne. Quant il vit il peult mener plusieurs gens apres luy, aussi apres sa mort plusieurs le suyvent quant on le met en seplture. Ainsi fine nostre miserable vie mondaine par quoy devons durant nostre vie faire du bien affin de avoir la vie eternelle cest paradis.

¶De lexecrable tromperie des mauvaises femmes.

¶Rondeau.

AU temps present on voit hommes rusez

Et toutesfois souvent sont abusez

Deceuz trompez par parolle de femme

Tant que en la fin en ont reprouche et blasme

Leurs corps, leurs biens en sont perduz, usez

¶Se le plaisir des dames reffusez

Force sera que apres elles musez

Une autr fois ou vous feront infame

Au temps present

[131]

¶Passez le tmeps, caquetez, devisez

Tout vostre saoul, mais si vous nadvisez

A leur bailler la naturelle dragme

Ou foncer plus vous naurez plus de dame

Car leurs engins sont par trop esguisez

Au temps present

¶Pour le jourdhuy on voit des femmes gentes

Faire plaisir estre tresdiligentes

De soy parer pour amans conquester

Du premier coup les veullent bien traicter

Mais au partir a peine sont contentes.

¶Aucuns souvent mettent leurs biens en ventes

Que de happer ne sont point negligentes

De demander ont luy non de prester

Promesses assez, a tenir differentes.

Pour le jourdhuy

¶Rondeau

¶Femme souvent est par femme deceue

Si en son cueur a finesse conceue

El vous fera de voz amours jouyr

En secret appete une autre femme ouyr

En secret est mieulx que ung homme receue

Femmes souvent est par femme deceue.

[132]

¶Dedans leglise a lentree ou lyssue

Se une femme a autre femme apperceue

Ilz pevent parler, caqueter, sesjouyr

La ou ung homme on contraindroit fouyr

Se le mary sa venue avoit sceue

Dedans leglise a lentree ou lyssue

¶Quant ung amanst et si ravy quil sue

Belle parolle en bouche tissue

Luy sert beaucoup se on le laisse rouyr

Longue saison, mieulx luy vauldroit brouyr

Dedans ung feu, ou porter la massue

Quant ung amanst et si ravy quil sue

¶Rondeau.

¶Une putain vieille qui plus ne peult

Jouer des reins et devient maquerelle

Cest grant danger frequenter avec elle

Car qui lauroit en la fin il sen deult

¶Si employer son mauvais engin veult

A son plaisir fera dune pucelle.

Une putain

¶A faire mal autres femmes esmeult

Voullant songer tousjours quelque caultelle

Fuyr la fault comme peste mortelle

Vertu la chasse et faulcete la meult

Une putain

¶Femmes qui sont messagieres damours

Commettent cas villains et execrables

[133]

Ilz ont ung art plu subtil que les dyables

Quant privees sont en villes, maisons, tours

Aux amoureux font faire maintz estours

Puis on les loge au reng des miserables

Femmes qui sont messaigieres damours

Commettent cas vilains et execrables.

¶Vers vous viendront en disant motz louables

Soit a paris, lyon, rouen ou tours

Ilz ont ung art plus subtil que les dyables

Quant privees sont en maisons, villes tours

Cest leur plaisir de jouer de fins tours

Apres quilz ont deceues dames traictables

Aux amoureux font faire maintz estours

Puis on les loge au rence des miserables

¶Commettent cas vilains et execrables

Femmes qui sont messaigeres damours

A vostre advis doyvent ilz avoir cours

Je dy que non, ilz trompent leur semblables

Quant sont privees en villes, maisons, tours

Ilz ont ung art plus subtil que les dyables

Bigoterie est en leurs rains ou rables

Honneur est mys par elles en decours

Puis on les loge au renc des miserables

Aux amoureux font faire maintz estours

Femmes qui sont messaigieres daours.

¶Exemple.

[134]

[illustration]

IL fut ung tresnoble et prudent chevalier qui eut voulente & fantasie aller en ung loingtain pelerinage. Or est ainsi quil avoit espouse une tresbelle dame courtoise & saige qui se gouvernoit honnestement avec luuy sans faulter sa foy Ce qui le meut ne luy bailler aucune garde, caril se fioit en elle, se partirent amoureusement lung davec lautre Le chevalier alla en son voyage, et la femme demoura en la maison ou se gouverna chastement. Advint ung jour quelle fut priee dune sienne voisine pour disner en sa maison

[135]

Ce quelle accorda et la firent les deux dames ung repas gracieux parlant de toute honnestete. Apres le repas et graces endues a dieu la dame retourna en sa maison. Or y eut il ung jeune escuyer qi par temptacion dyabolicque quant il la vit cheminer par la rue fut esprins de son amour Touteffois il ne se osa enhardi de luy declairer son vouloir, mais il pensa luy envoyer ung rondeau & le bailler a lung de ses serviteurs le plus feal quil eust pour luy porter, et estoit le rdoneau tel.

¶Rondeau.

UNg cueur hardy qui ayme loyaulment

Doit estre ayme voire tresardamment

Et qui en fait le reffus cest simplesse

Quant il choisit sa dame et sa maistress

Soit excuse sil le fait priveement

¶Priere fait affectueusement

Quil soit receu puis que treshumblement

Veult demonstrer que pour vous est en presse

Ung cueur hardy

¶Mandez luy tost, quant, ou, quoy et comment

Il vous plaira laccoller doulcement

Et vous conjoindre ensemble par leesse

Si congnoistrez sans faulte a quel fin esse

Qil vous souhaicte avoir joyeusement

Ung cueur hardy

¶Lacteur.

[136]

LA dame receut le rondeau et en fist lecture si luy sembla assez joyeulx & plaisant, touteffois elle considera que elle estoit mariee et que son mary se fioit en elle et oultre que elle commectroit ung peche enorme & desplaisant a dieu si elle obtemperoit a ceste requeste Se delibera totallement en faire reffus, mais affin que le serviteur messager ne fust blasmer de retourner sans rendre responce a son maistre luy fist responce par ung rondeau qui sensuyt.

¶Rondeau.

FAire plaisir qui cause deshonneur

Cest grant follie a dame aymant honneur

Qui congnoist bien que seroit insencee

Sans craindre dieu qui est son vray seigneur.

¶Je congnois bien que soubz saincte couleur

Voulez passer vostre ardante chaleur

Avecques moy dont seroye courroucee

Faire plaisir

¶Cueur trop hardy peult engendrer douleur

En demandant chose de grant valeur

Que stime peu vostre folle pensee

Je nen vueil point estre recompensee

Touchant ce cas pas nay si lasche cueur

Faire plaisir

¶Lacteur.

[137]

LA noble dame ploya le rondeau, puis le bailla au messaiger qui incontinent le fist tenir a son maistre. Mais quant il en eut fait lecture & quil cogneut quil estoit refuse du tout fut plus espris de son amour que devant, car de nuyt en reposant la songeoit, en veillant ne pensoit a autre chose, il ne povoit boire ne manger, prendre esbat ne plaisir a chose que on lu sceust faire qui luy causa une tresgriefve maladie Touteffois nonbstant quil fust pasle, deffait, maisgre et las quint il scavoit que la dame passoit par aucun lieu il se presentoit devant elle affin quelle eust pitie de luy, mais il perdoit temps, car elle estoit ferme en son propos.Advint ung jour que ce jeune escuyer tout pensif & melencolieux se pourmenoit en une eglise ou estoit une vieille bigote qui faignoit manger les crucifix, mais elle gecta son regard vers le jeune escuyer, & quant elle le vit ainsi triste sadressa vers luy demandant la cause de sa tristesse et melencolye Le jeune escuyer luy dist. Mamye que me proffitera le vous reciter. La vieille luy dist. Mon seigneur vous scavez quant ung homme a quelque playe tant soit elle secrete quil fault en fin sil en veult estre guery quil la monstre au cirurgien. Aussi si vous avez sur le cueur aucune chose dont ne povez venir a bout il le vous fault declairer a gens qui y sachent remedier ; Le jeune escuyer oyant ainsi parler la vieille luy dist la cause de sa maladie luy promectant que si par elle il povoit avoir guarison il luy donroit ung gros & riche present Ce quelle promit faire et en brief temps, ainsi se departirent lung davec lautre. La vieille alla en sa maison ou elle nourrissoit une petite chienne quelle fist jeusner par

[138]

lespace de deux jours, et au troisiesme jour luy bailla du pain tout couvert de moustarde.La povre chienne avoit si grant fain quelle fut contraincte manger dudit pain qui fut cause luy faire gecter grosses larmes de ses yeulx toute la journéee Ce fait ladicte vieille bigotte acompaignee de sa chienne seullement alla en la maison de la dame que lescuyer aymoit si ardamment. La fut receue amyablement, car elle estoit estimee femme de bien & de bonne vie en tant quelle estoit aucuneffois a bigoter en leglise depuis le matin jusques apres midy. Ainsi quilz estoient ensemble parlans de plusieurs matieres La noble dame advisa la chienne de la vieille qui gectoit grosses larmes dont fut esbahye, si demanda a la vieille dont cela luy procedoit. la vieille luy fist responce. Tresnoble dame je vous prie ne me demandez point le cause pourquoy elle pleure incessamment sil vous plaist et ce me sera plaisir, car elle seuffre une si griefve douleur quil est impossible le racompter, plaisir me ferez de ne vous en enquerir point. La dame tant plus quelle faisoit reffus de luy dire le cas tant plus estoit desirante et active de le scavoir et contraignit la vieille de luy dire qui luy fit tel recit. Ceste chienne que voyez ainsi plorante estoit ma propre fille chaste a merveilles, belle & gracieuse qui fut durant le temps quelle portoit corps huimain tant aymee dung jeune compaignon quil la requit par plusieurs fois luy faire plaisir, mais elle estoit si chaste que jamais ny voulut consentir pour priere quil sceust faire dont il fut si courrouce & ennuye quil luy en survint une maladie contagieuse dont il mourut de dueil et desplaisance Pour laquelle faulte dieu la convertit en une chienne comme vous

[139]

voyez Et en ce disant se print ladicte vieille a plorer Et puis dist de rechief Toutes les fois que ma fille pense que elle estoit tant belle et que maitnenant elle est chienne elle pleure et ne peult estre consolee, mais par sa douleur incite les autres a plorer. Ce voyant la noble dame pensa & dist en soy mesmes. Ung jeune escuyer me ayme ainsi que ceste chienne a este aymee et est malade pour mo namour, et de fait le racompta a ladicte vieille bigotte qui luy dist. O ma treschiere et noble dame gardez vous bien de despriser lamour du jeune escuyer de peur que ne soyez muee en chienne ainsi que fut ma fille, car ce seroit ung tres grant dommage. La noble dame luy demanda conseil sur ce cas Le conseil de la vieille fut quelle envoyast incontinent par devers lescuyer luy prier qui vint devers elle A quoy la dame saccorda priant a la vieille quelle mesmes fist le messaige et que elle lamenast devers elle Ce quelle fist Alla devers lescuyer qui fut tresjoyeulx du rapport, fut par aucune espace de temps avec la noble dame ou acomplit son plaisir, ainsi par le moyen de ceste vieille bigotte la noble dame commist adultere.

¶Moral.

NOus povons figurer ce chevalier a Jesuchrist et sa femme a lame chaste et belle purgee par bptesme a laquelle dieu a donne son liberal arbitre quant il alla en pelerinage de ce monde au ciel par devers dieu son pere. Ceste femme que prenons pour lame est priee daller a quelque banquet toutes & quanteffois quelle est incline a charnelles concupiscences. Le

[140]

jeune escuyer povons prendre pour la vanite mondaine lequel incite ladicte dame a faire son plaisir Qui se peult entendre que la vanite mondaine incite lame a volupte charnelle Et se elle ny veult consentir la vieille vient par laquelle povons figurer le dyable qui cherche tousjours a prendre quelque ame Et affin quelle consente a peche luy monstre la chienne plorante que povons figurer pour esperance de longue vie et presumption trop grande davoir la misericorde de dieu Laquelle presumption ont tous ceulx qui sont enclins a pecher Et tout ainsi que la chienne ploroit pour la moustarde povons presupposer que esperance tourmente lame en telle facon que elle consent a peche. SI nous voulons doncques garder chastete et eviter les deceptions mondaines fuyons le monde pour ce quel ny a que orgueil, desir davoir & concupiscence charnelle.

¶Comme avarice offusque lentendement de plusieurs personnes et les dangiers qui viennent de frequenter tavernes.

DE hanter jeux, tavernes et bordeaulx

Ne vint onc bien, peu y vont gens feaulx

Au vray parler cest une mocquerie

Souvent en jeu on treuve pipereaulx

Et au bordeau putains et macquereaulx

En la taverne on fait gaudiserie

Beuvant dautant, on chante, on brait, on crie

On fait marchez souvent pour en sortir

Apres dormir on sen veult repentir.

[141]

¶Je ne dis pas que en taverne on ne voise

Gens bien famez y vont sans faire noise

Faisans marchez qui coustent grans deniers

Les gros marchans y font chose qui poise

Car lestranger bien souvent se aprivoise

De ceulx qui sont residens es quartiers

Mais simples gens dy aller coustumiers

Pour se enyvrer vallent pis que insencez

Car au rtour ilz sont fort courroucez.

¶Telz povres gens font trop de folz marchez

Ils perdent temps et si sont desbauchez

Au revenir cryent, btaent et tempestent

Tant yvres sont quil fault quilz soyent couchez

Quelque raison a iceulx ne cherchez

Jouer, jurer ou mal parler sapprestent

Mais lendemain au matin quilz se vestent

Ilz sont pensifz, la cervelle leur loche

Plus sont pesneux que le fondeur de cloche.

¶Se assemblez sont pour disner ou soupper

Lung a desir vouloir lautre tromper

Et tous les jours ilz frequentent ensemble

Nya acelluy qui ne vueille happer

Quelque marche pour une trou estoupper

De lune main font lautre ce me semble

Mais quant ennuy telles gens desassemble

Ilz vont jouer a la paulme ou aux billes

Tousjours ya des dresseurs de coquilles.

[142]

¶Lung pert le sien contre droit et raison

Tandis ses gens perdent temps et saison

En leur eschppe ilz nont de quoy ouvrer

Et lautre dit quelque chose faison

Pour cest escot, icy trop devison

Il nen fault que ung pour tous nous delivrer

Le temps perdu nul ne peult recouvrer

Silz scavoient bien entendre ce proverbe

Ne mangeroient ainsi leur ble en herbe.

¶En la taverne il nest memoire tendre

Graces a dieu on le peult bien entendre

Il est bien vray qon parle assez de luy

Lunf par le corps te teste le veult prendre

Lautre regnie il le me fault tant vendre

Tant ma couste cest lestat daujourduy

Au tavernier font percer nouveau muy

Et chair sallee apporter des aumeres

A coulombz saoulz cerises sont ameres.

¶Aucunesfois discor, noise se meult

Apres bon vin chascun maistre estre veult

Il sen ensuyt injures et repriches

Tant que a grant peine accorder on les peult

Lung blesse lautre en fin quelqung sen deult

Dessus leurs corps ou leurs glaives font oches

Soubdain il fault mettre le rost en broches

Pour appoincter cela est tout notoire

Et puis apres recommencer a boire.

[143]

¶Daucuns aussi achetent a devoir

La mrchandise et ne le pevent avoir

Sans se obliger ou le corps ou les biens

Silz sont hastifz deniers en recevoir

Marche se fait, mais on peult bien scavoir

Le revendant quilz ny acquestent riens

Le terme vient force est trouver moyens

Du crediteur contenter cest raison

Du bailler biens ou aller en prison.

¶Exemple

[illustration]

[144]

IL fut ung roy pieux et misericordieux qui eut en sa fantasie ordonner telle loy que durant son regne tout homme aveugle auroit tous les ans a certain jour limite cent solz, par quoy plusieurs aveubles se faisoient conduire et amener au lieu cedit jour. Durant ce temps arriverent en la ville vingt & trois compaignons gaudisseurs et grans buveurs deliberez de faire bonne chiere, entrerent en une taverne ou furent receuz par le tavernier qui les traicta tresbien. Ilz trouverent le vin si bon quilz y sejournerent lespace de sept jours Au bout des sept jours firent compte, le compte fait chascun mist son argent sur table, mais ilz avoient plus despendu que leur argent ne montoit jusques a la somme de cent solz dont voulloient faire creance au tavernier qui en fit reffus, ferma son huys disant que jamais ne partiroient de la tant quil fust paye. Les compaignons estoient tous esbahis et ne sceurent plus que dire ne quelle contenance tenir fors que regarder lung lautre. Entre les autres il y en eut ung qui dist. Ne vous souciez se me voulez croire il ny aura que lung dentre nous qui payera les cent solz presupose quil ny ait celluy qui ait denier ne maille. Vous scavez que le roy a fait edict que tout homme qui est aveugle aura cent solz, nous sommes vingt et trois faisons ung sort et celluy a qui il adviendra les autres luy creveront les yeulx puis sera mene a la court du roy ou il recevera les cent solz pour nous acquiter, de laquelle invencion furent tous contens, gecterent le sort ainsi quil apartenoit, mais le sort tumba sur celluy qui avoit trouve linvencion par quoy fut prins par ses compaignons qui luy creverent les yeulx puis

[145]

fut mene au palais du roy ou on departoit aux aveugles largent predit. Ilz heurterent a la porte isans au portier la cause de leur venue.Il en advertit le maistre dhostel ayant la charge de faire tel payement. Il luy demanda les cent solz Ce quil refusa de bailler apres que quil eut regarde tout a loisir ledit aveugle et aussi que par toute la ville estoit mencion comme on luy avoit crevez les ueulx dont il avoit ouy nouvelle, luy fist telle responce. Je tay veu passe a six jours en ceste ville dedans une taverne faire bonne chiere bien garny et muny de deux yeulx et jentens que par ta follie tu es cause que on te les a cernez. La lou nest pas ainsi ordonnee. Car celluy qui la faicte entend que qui par maladie ou autre cas fortuit sans quil en soit cause et ne aura eu puissance de y resister il obtiendra le benefice de la loy. Au regard de toy qui as voluntairement souffert oster tes yeulx mesmement as invente le sort qui est cause de ton inconvenient par quoy tu es aveugle tu ne es pas digne davoir le benfice ordonne par la loy Et pource va chercher proye autre part, car la cuyder icy recouvrer cest paine perdue. Le povre aveugle tout confus sen retourna plain de honte et de douleur.

¶Moral

LA loy de dieu est telle que tout homme qui ygnoremment par quelque malladie ou temptacion dyabolique sil est confesse et repentant de son peche a toute heure quil en demandera pardon a dieu il luy fera misericorde et grace, car on peult faire comparaison dung aveugle a ung pecheur, mais si dadventu

[146]

re quelcun de propos delibere et subtille malice commet peche mortel a peine le peche luy pourra estre pardonne. On pourroit entendre par le tavernier qui recoit toutes manieres de gens en sa taverne le dyable qui recoit en son gouffre denfer toutes ames qui y tresbuschent, et pour ce evitons peche et fuyons la taverne infernalle.

¶Damour desordonnee.

SI les enfans

Sont triumphans

En leur jeune aage

Quant ilz sont grans

Fors et puissans

Muent de couraige

Lung fait oultraige

Et lautre est saige

De subtilz en est, de ygnorans

Brief cest ung naturel ouvrage

Qui a congnoistre est fort sauvaige

Car bien ou mal sont desirans.

¶Ne fault tascher

Voulloir coucher

Filz avec mere

Chair esmeult chair

Le reprocher

Est chose amere

Seur avec frere

[147]

Mettre on differe

Cela peult lhomme trop toucher

Ostez filles davec le pere

Quant nature mondains supere

Le dyable veult deulx approucher

¶Se ne advisons

Ce que faisons

Peu on nous prise

Noz defraisons

Euvrent prisons

Que a peine on brise

Quie a sa guise

Le feu atise

Et le met au pres des tysons

Il brusle et art non par fainctise

Dont fault que la flamme en reluyse

Par quoy on voit les mesprisons.

¶Peche commis

Avec amys

Lhonneur rabesse

Et nest permis

Quil soit desmis

Pour or, richesse

Qui ne confesse

Plorant sans cesse

Le vice auquel on sest submis

Et que le prestre le congnoisse

[148]

Pour bailler penitence expresse

Jamais ne peult estre remys

¶Dire convient

Dont le mal vient

Et rendre copte

Mais sil advient

Que on en devient

Remply de honte

Ou que orgueil monte

Qui nous surmonte

Quant la langue nous lye et tient

Chasson lay hors, nen faison compte

Confessons que peche nous dompte

Et que vertu lame soustient

¶Qui peche fait

Il se forfait

Le corps et lame

Dieu tout parfait

Veult en effect

Quon fuye diffame

Seigneur ou dame

Qui acquiert blasme

Sa gloire et honneur contrefait

Mais se en necessite reclame

La vierge marie el enflame

Les cueurs de vertu et reffait.

¶Exemple.

[149]

[illustration]

IL fut ung roy qui print par mariage une tresbelle, noble et honnestre princesse lesquelz aymerent lung lautre parfaictement.Or advint que la dame conceut et enfanta ung enfant masle et neust sceu dormir se il neust este tousjours couche au pres delle. Au bout de trois ans le roy alla de vie a trespas pour la mort duquel tout le peuple fist plusieurs regretz et la royne souspirs, pleurs et lamentacions. Apres les obseques du roy la royne eut en fantasie se retyrer en ung sien chasteau et la maintenir honneste

[150]

ment lestat de viduite, mais continuellement son filz estoit avec elle beuvant & mangeant a sa table et mesmement couchoit avec elle sans autre compaignie jusques en laage de dixhuyans passez ; Le dyable voyant lamour qui estoit entre la mere & le filz les incita a commectre lort villain peche de inceste, car le filz congneut charnellement sa mere. Tant continuerent ce peche quelle conceut & devint grosse denfant tout vif. Quant le filz entendit quil avoit engendre ung enfant a sa propre mere & quil avoit macule et pollu le lieu dont il estoit yssu et aussi le peche de inceste et luxure quil avoit commis fust esmeu de si grande douleur quil habandonna mere et royaulme et sen alla en estrange pays faire penitence. La royne au bout du terme enfanta dung bel enfant masle. Et ce voyant toute esmeure et hors de raison se fantasia de lestrangler et mectre a mort, ce quelle fit sans en avoir pitie ne misericorde, mais en lestranglant tumberent sur sa main trois goutes de sang qui furent en la facon de trois o o o . Apres lhomicide fait la royne cuida oster les trois o o o en facon de cercles sanguins, mais pour quelque chose quelle sceust faire ne peut trouver maniere de les effacer dont elle estoit toute honteuse, tellement quelle fut contraincte avoir continuellement ung gan en sa main Car elle craignoit que on veist lesditz cercles. Ceste royne servoit devotement la vierge Marie, et touteffois elle avoit tousjours ung courroux secret dedans son sueur quant luy souvenoit quelle avoit conceu de son filz et enfante ung enfant quelle avoit occis et si de honte ne losoit confesser a personne, nonbstant que de tous les autres pechez se con

1516-Les fantasies de mere Sote (Pierre Gringore) (151-200)

[151]

fessoit toutes les sepmaines deux fois et faisoit plusieurs aulmosnes charitables alhonneur et louenge de la glorieuse vierge marie, et estoit si gracieuse a chascun que tout le peuple laymoit. Il advint ung jour comme son confesseur estoit a genoulx devant lymage de lavierge marie ou il disoit la salutacion angelicque tresdevotement la vierge Marie qui veult remunerer ses serviteurs et ne permect quilz soyent pugnus eternellement sapparut a luy en disant. Prestre devot jau ton service aggrable je congnois que la royne a coustume de soy confesser a toy, touteffois elle a commis ung tresenorme et vil peche quelle tient enferme dedans son cueur & ne lose confesser pour la honte quelle a Elle est deliberee demain soy confesser et elle venue tu luy diras que ses oraisons et aulmosnes a ma requeste sont aggrables par devant mon pere et filz, et aussi que je luy commande quelle se confesse du peche quelle tient enclos en sa pensee & en ce faisant il luy est pardonne, et si elle ne veult adjouster foy en tes parolles prie luy quelle oste son gan de sa main et incontinent verras le peche perpetre quelle ne veult confesser ne dire, touteffois se elle fait reffus de loster je te commande luy oster a force. Apres ces parolles la vierge marie se disparut & demeura le devot prestre tout console de la vision Lendemain au matin la royne vint par devers luy et se confessa de tous ses pechez excepte du peche dessusdit. Le prestre luy dist. Ma dame dictes moy hardyement ung secret peche que tenez enclos en voste pensee et nayez point de honte, car la vierge marie sest apparue a moy qui ma dit quelle aprins a gre vos ervices et aulmosnes et que

[152]

vostre peche vous est pardonne par son filz si vous le voulez confesser, mais de ce faire fist reffus, car pour priere quil luy sceust faire ne le voulut confesser. Et voyant quelle estoit obstinee luy prya affectueusement que elle ostast son gan et luy monstrast sa main Mais pour priere ne requeste quil sceust faire ne le voulut oster, toutesfois elle se escuxa en disant. Je nay pas la main saine je ne vueil que homme la voye Nonobstant ses excusations le prestre trouva moyen de luy oster le gan dont elle fut tresmal contentente, & ce considerant le prestre la rappaisa au mieulx quil luy fut possible en luy disant doulcement. Ma dame pardonnez moy je nay fait chose que la vierge ne me ait commande, ce qui contenta aucunement la noble royne. Incontinent le gan oste le prestre apperceut les quatre cercles tous sanglans. Au premier cercle estoient c c c c a lentour duquel estoit escript. Casu cecidisti carne cecata. Cest a dire tu est cheuste par cas aveuglee de charnalite. Du cercle second estoient d d d d ou estoit escript. Demoni dedisti dona donata ; Cest a dire tu as donne au dyable les dons que dieu te a donnez. Au troisiesme cercle estoient m m m m ou estoit escript. Monstrat manifeste manus maculata. Cest a dire ta main macullee le monstre manifestement. A lentour du quatreisme cercle estoit r r r r ou estoit escript. recedit rubigo regina rogata. Cest a dire la bonte se pert apres que la royne est priee. Quant la noble royne ouyt ainsi parler son confesseur elle congneut que son peche luy estoit manifeste, et incontinent avecques grande effusion de larmes se prosterna a genoulx devant son confesseur

[153]

auquel confessa par grande contriction et repentance son peche commis lequel elle avoit par si longue espace de temps cele, & par ainsi elle obtint absolution Et apres la penitence enjoincte par elle faicte trespassa et obtint leternelle gloire.

¶Moralite.

NOus povons fantasier et applicquer ceste royne a nature humaine, et son filz a delectacion charnelle, le filz occis et tue au genre humain Quant nature humaine par la bouche de adam mordit a la pomme elle engendra ung filz que nous appellons tout le genre humain quelle atue et occis par peche mortel dont le sang que nous prenons pour peche fut si notoire quil estoit impossible le celer fors seullement par ung gan, par lequel povons figurer nostre fragillite. Or ne povoit jamais estre efface nostre peche fors par le merite de la passion de Jesus. Nous povons applicquer le confesseur aux sainct esperit qui a visite la vierge Marie dont elle a conceu ung beau filz par lequel nous sommes saulvez Touteffois en nostre main estoient quatre cercles. Le premier cercle prenons pour congitacion ou pensee de laquelle procede le peche. Le second pour delectacion. Le tiers pour consentement, et le quart pour leffect du peche. De telz quatre cercles estoit signe Adma quant il pecha et nous aussi en sommes signez quant nous pechons. Au premier estoit c c c c Casu cecidisti carne cecata. Casu peult estre dit le dya

[154]

ble par lequel tout le genre humain est perdu Cecidisti Tu es cheu en enfer Carne, en frigdite maladies & plusieurs miseres tu as este cree en paradis sans aucune faulte, mais pour le peche de ton premier pere tu es envelope de toutes ces miseres Cecat Tu est fait aveugle, car par ce peche as perdu la vision de dieu et des joyes celestielles de paradis. Au second sercle estoient d d d d. Demoni dedisti dona donata. Demoni dedisti Tu as donne to name au dyable quant tu as peche et offense dieu le createur mortellement Comme fit le premier homme quant il mangea de la pomme a luy deffendue Dona donata se peult entendre les vertus dequoy dieu ta aorne et donnees au baptesme et tu les as donnees au dyable en luy obeyssant a ses persuasions ; Par les m m m m il est assez notoire en quelle povrete nous sommes Car premierement nous estions fais et creez pour non jamais mourir. Mais pour ce peche nous sommes fais mortelz Manus maculata, car toutes noz œuvres quelles quilz soyent honnes ne eussent sceu garder le genre humain de trebuscher en enfer. Au quatriesme cercle estoit r r r r. Recedit rubigo regina rogata. Recedit. La charge de peche est ostee par la passion de Jesuchrist. Rubigo Peche originel par baptesme ? Regina Cest a dire la vierge Marie par sa benoiste conception quant elle a conceu du sainct esprit. Rogata Elle est mediatrixe entre dieu & homme Car par la supernaturelle conception de son filz, joyeuse nativite, douloureuse circuncision, tresamere passion, glorieuse resurrection et admira

[155]

ble ascention nous povons parvenir a la gloire eternelle.

¶De commectre homicide sans y penser.

IL faut penser a ce quon fait

Sans estre trop chault ou hastif

On peult soubdain faire ung forfait

Dont apres on est fugitif

Et par long temps songeart, pensif

Pour la deffaulte ainsi commise

Sans avoir pardon de lestrif

Cest que dieu y ait la main mise.

¶Se de cas de fortune advient

Que ayons fait quelque forfaicture

Repentir il nous en convient

Par raison et selon droicture

Corrigeant la fresle nature

Qui a lesprit fantasieux

Car tous sommes en adventure

Soubz le povoir du roy des cieulx.

¶Lhomme a peine se peult garder

De fortune predestinee

Parquoy il doit bien regarder

Ne avoir la pensee obstinee

Sil a voulente indignee

Se refroidir tout a loysir

A peine on passe la journee

[156]

Sans avoir quelque desplaisir.

¶Il est requis aucuneffois

Habandonner ses pere et mere

Suyvre cours des princes et roys

Pose quon y ait peine amere

Mais qui y sert bien et differe

Obeyssant a son seigneur

On peult estre hors de misere

Et parvenir a grant honneur.

¶Nous avons de simples gens veuz

Avoir es cours grant advantage

Les ungs en leglise pourveuz

Et les autres par mariage

Ny a que davoir bon courage

Et faire son cas par moyen

Mais quon ait une femme saige

Le demourant se porte bien.

¶Femme doit aymer les parens

Du mary par bonne maniere

Navoir avec eulx differens

Gectant debatz, discordz arriere

Mais faire avec eulx bonne chiere

La femme par ce point sera

De son espoux amye treschiere

Et jamais ne la laissera.

[157]

¶Femme qui ayme son mary

A tousjours ses parens en grace

Sel le voit cource ou marry

Ne doit avoir joyeuse face

Mais en tout lieu et toute place

Le Conforter au mieulx quel peult

Tout dueil et tout courroux sefface

Quant lung veult ce que lautr veult.

¶Se a lhomme vient necessite

Qui a femme de bonne sorte

Moytie de son adversite

Sans doubter dedans son cueur porte

Et quant lung lautre reconforte

Tant ayent lecueur navre, presse

Silz ont amytie et foy forte

Nest courroux qui ne soit laisse.

¶Exemple.

[158]

[illustration]

IL fut ung noble homme et une noble dame conjoinctz par mariage qui en la fleur de leur aage engendrerent et conceurent ung filz qui fut nourry delicieusement jusques en laage de vingt ans tousjours tenu subgect par ses pere et mere & aussi navoit vouloir leur desobeyr, car il estoit de bonnes meurs Advint quil luy print ung jour vouloir de aller a la chasse & acompaigne de aucuns ses braconniers, veneurs & faulconniers se mist sur les champs ou ses chiens trouverent ung cerf de merveilleuse grandeur. Le jeune filz

[159]

estoit nomme julian. Lequel voyant ledit cerf avoir fait plusieurs ruses par lesquelles estoit eschappe au veneurs et chiens le poursuyvit dedans le boys en si grande diligence que ses serviteurs perdirent la veue tant de luy que du cerf, lequel cerf fut si longuement poursuivy que dedns une lande se retourna et fist arrest devant la face dudit julian et parla a luy en telle maniere. Ne viens plus apres moy, pense a ton cas ; Car ung jour viendra que tu tueras ton pere et ta mere. Lescuyer julian oyant tel parler demoura tout esperdu et pensif tant pour le langaige quil avoit ouy parler a une beste sauvaige et irraisonnable de facon que pour le cas quil estoit predestine commettre, si print conseil en soy mesme et fantasia pour eviter que telle fortune ne luy advint habandonner la chasse mesmement le pays et aller en estrange region. Se partit sans plus retourner devers pere ne mere. Et chevaucha tant par ses journees quil arriva en la court dung grant prince et seigneur qui le receut volutainrement et obtint la grace tant de luy, des autres princes, seigneurs et gouverneurs du pays que des dames et damoyselles. Mesmement a une bataille qui fut faicte durant ce temps contre ledit prince se monstra vertueux et fut cause de gaigner la victoire. Ce qui meut ledit prince donner la collee a Julian et le faire chevalier, puis luy donna en mariage la femme dung sien deffunct chastellain noble dame bonne é honneste & ung fort pruissant et riche chasteau pour douaire ou lescuyer julian et sa femme firent leur demeure, et estoit impossible de aymer plus lung lautre que faisoient lesditz mariez.

[160]

Or est il requis dentendre que les pere et mere de julian attendirent par plusieurs journees le retour de leur filz, mais voyant quil ne revenoit point devers eulx firent plusieurs egretz & lamentacions, car cestoit leur seul filz et heritier. Le pere disoit en ceste maniere.

Le pere de julian

SE je me plains cest la raison

Car jay perdu mo nesperance

Par quoy ne puis en ma maison

Ne dehors prendre esjouissance

Celluy qui durant son enfance

Me donnoit plaisir et soulas

Navre mon cueur ainsi que en transse

Qui me contraint de dire helas.

La mere de julian

¶Helas jay perdu mon plaisir

Par quoy seuffre peines cruelles

Et me vient tel courroux saisir

Que femme oncques nen eust de telles

Du laict dunes tendres mamelles

Lay si doulcement alaicte

Et fortune par ses caultelles

Subtillement le ma oste

Le pere du julian

¶Oste mest par grande rigueur

Celluy qui me donnoit leesse

Par quoy nay force ne vigueur

Et fault que tout plaisir je laisse

Car le baston de ma vieillesse

[161]

Jay perdu dont suis plain de cueil

Merveille nest si jay sans cesse

En souspirant la larme a loeil.

La mere de julian

¶La larme a loeil je dois avoir

Gectant plusieurs regretz et plainctes

De joye et plaisir recevoir

Desormais ce ne sont que fainctes

Delectacions jay prins mainctes

Le nourrissant humainement

Si prie a jesus les mains joinctes

Que en oye nouvelle aucunement

Le pere de julian

¶Aucunement je ne me puis

Resjouyr la cause y est bonne

Se en peince incessamment je suis

Le tort a fortune jen donne

Jay ung seul filz qui mabandonne

Toutesfois encor je latens

Jesus sil luy plaist en ordonne

De ses faictz fault estre contens.

La mere de julian

¶Contes fault estre maulgre nous

Mon cher amy je vous laccorde

Mais cesser ne puis mon courroux

Quant de mon filz je me recorde

En paix, en maour et concorde

Partit davec nous haa vray dieu

Par sa saincte misericorde

[162]

Dy nous son demeure et son lieu.

¶Lacteur.

APres ce que le pere et la mere eurent longuement plore la pert de leur enfant eurent en fantasie partir hors de leur habitacion et aller en plusieurs places & cyrcuir plusieurs pays disant que jamais ne retourneroient jusques a ce quilz eussent eu nouvelles de leur enfant. Se partirent eulx deuc ensemble et firent tant par leurs journees quilz arriverent au bourg qui estoit soubz la seigneurie du chasteau appartenant a leur filz, et apres linquisition par eulx faicte aux gens du pays congneurent que le seigneur du chasteau estoit leur filz q(ui-lz avoient tant cherche qui leur donna une joye singuliere. Si delibererent aller au chasteau visiter leur enfant, mais ilz furent advertis que au matin sestoit prty pour aller au gibier, toutesfois quelqung du chasteau qui estoit au logis des pere et mere de Julian saichant que cestoit le pere et la mere l’annonca a la dame sa maistresse. Et incontinent quelle en fut advertie partir de son chasteau et se transporta devers eulx leur faisant ung gracieux et amoureux recueil. Et apres plusieurs parolles et enseignes qui furent baillees par lepere et la mere de julian congneut veritablement que son mary estoit leur filz par quoy comme plaine de bon vouloir et amour cordialle en lheure presente les mena en son chasteau ou elle mesme les traicta humainement attendant la venue de leur fils son mary & eut enfantasie affin de leur faire plus dhonneur que apres soupper elle les coucheroit au propre lict ou son mary & elle prenoient leur repos, ce quelle

[163]

fist & reposerent le pere et la mere de julian toute la nuyt Lendemain au matin la noble dame chsastellaine apres son lever ainsi que elle avoit de coustume, alla a la messe Et tandis quelle y estoit son mary julian arriva et incontinent quil fut descendu de son cheval encor tout houze et esperonne entra en sa chambre delibere se reposer avec sa femme, et regardant dedans son lict vit ung homme et une femme qui y estoient couchez, or cuidoit il que ce fust quelque paillard qui eust seduicte ou subornee sa femme par quoy eut fantasie tirer son glaive et les tuer tous deux ce quil fit. Incontinent se part tout despite de sa chambre mais il nen fut gueres loing quil rencontra sa femme qui venoit de ouyr messe qui luy dist. Mon amy resjouissez vous, car vostre pere et vostre mere vous sont venuz visiter lesquelz pour lamour de vous jay mis reposer dedans nostre lict, je vous pris allons vous & moy les consoler. Quant julian entendit ses parolles il congneut & eut en memoire les parolles du cerf et dist a sa femme lhomicide quil avoit commis dont elle fut tresesbahye et courroucee en cueur. Mais Julian fort trouble considerant le cas quil avoit commis fut fantasie et se delibera incontinent partir de ce lieur pour aller faire penitence et que jamais ne retourneroit jusques a ce quil fust certain que dieu luy auroit pardonne son meffait par quoy print conge de sa femme disant telz motz.

Julian

MA tresloyalle et doulce amye

Que jayme de cueur tresparfait

Fortune se monstre ennemye

[164]

De moy comme on voit par effect

Moy ygnorant jay meurtre fait

Qui met mon cueur en deplaisance

Car je scay bien que le meffait

Nest excuse par ygnorance

La femme de julian

¶Certes mo namy le remede

Est porter tout paciemment

De mauvais vouloir ne procede

Fait lavez sans scavoir comment

Mais dieu qui ne fault nullement

De ses serviteursse recorde

Criez luy mercy humblement

Il vous fera misericorde

Julien

¶Je congnois que tay offencee

En tant que tay impose blasme

Et que neuz jamais la pensee

Me pourchasser quelque diffame

Et pource mamye et ma femme

Je prens conge de cueur courtois

Pour purger ma maculee ame

En lieu solitaire men vois

La femme juliean

¶Jai eu mon plaisir par compas

Avec vous sans dueil ne tristesse

Pour quoy ne porterau je pas

Ma part de vostre grant destresse

Dieu ne permette helas que laisse

[165]

Vostre cueur de douleur saisir

Ne que on me voye prendre liesse

Lors que vivrez en desplaisir

Julian

¶Ma femme et amye ainsi est

Que moy seul ay commis loultraige

Sur moy doit venir literest

Porter nen devez le dommaige

Je prens conge courtoise et saige

Par trop me desplaist le malheur

Car raison veult que mon oultraige

Soit pugny par peine et douleur

La femme julian

¶Vray est que avez le cas commis

Mais cest par moy bien le scavez

Se en ce lieu ne les eusse mis

Par vous neussent este trouvez

Remede ny a vous avez

Commis le cas dont je mestonne

Si la penitence en devez

Porter ma part je mabandonne.

Julian

¶Vostre doulx parler gracieux

Mest agreable et me conforte

Mais de venir en divers lieux

Avec moy vous estes peu forte

Permettez que tout seil je porte

La peine que je dois avoir

Jusques a ce quon le rapporte

[166]

Que pour ce cas aye fait devoir.

La femme julian

¶Comment me voulez vous laisser

Seulle a part moy vuidee de joye

Seroit pour mon honneur blesser

Mon chier amy se vous laissoye

Jay espoir que dieu nous pourvoye

Pourquoy me menez avecvous

Sil vous plaist par champs et par voye

Je vous en prie a deux genoulx.

¶Lacteur.

LE chevalier considerant lamytie et bon vouloir que sa femme avoit a luy luy accorda sa requeste, prindrent leur meuble, partirent du chasteau seulletz le plus secrettement quilz peurent Et tant cheminerent quilz arriverent pres dung fleuve impetueux et tresdangereux a passer, pres duquel ilz firent edifier ung hospital qui fut muny de utensilles Auquel hospital recevoient tous povres, et oultre firent faire une nacelle ou ilz passoient tous venans En cedit hospital servoient les povres sans avoir autres serviteurs & fiserent en cest estat par long temps faisans abstinences et jesunes. Advint ung jour ainsi que julian estoit de nuyt couche en son lict las et traveille, morfondu & engele pour une tresgrande gelee qui estoit pour lors ouyt une piteuse voix de lautre part du fleuve qui disoit. Julian viens moy passer. Incontinent Julian se leva tout esmeu, alla oultre leaue trouva ung povre home qui estoit quasi transy de froit, le print entre ses bras et le mit en sa nacelle puis

[167]

le passa et le voyant ainsi plain de froidure le porta en sa maison, mais quele grant feu que sa femme & luy sceussent faire impossible fut leschauffer parquoy julian doubtant quil ne trespassast le mist coucher en son lict propoe ou leschauffa et couvrit au mieulx quil peut. Peu de temps apres alla visiter ce povre homme qui luy sembla ainsi que ung ladre, puis apres trescler & luysant monta au ciel disant a julian son hoste. Nostre seigneur te mande par moy quil a eue ta penitence pour aggreable & que ton peche test pardonne, il a prepare ton logis en son paradis ou parviendras de brief acec ta femme, puis se absconsa Et tost apres ledit julian et sa femme plains de vertus & bonnes œuvres payerent le tribut naturel et furent leurs ames portees en leur logis eternel.

¶Moral.

CE chevalier juliant peult estre figure aung bon prelat A ce que julian chasse povons dire que il doit trasser les ames dont il a le gouvernement. Par le cerf on peult figurer jesuchrist, car comme le cerf desire estre aux eaues des fontaines ainsi nostre ame doit desirer parvenir a la grace de dieu. A ce que julian suyt le cerf povons entendre que le prelat doit suyvre jesuchrist & faire ses commandemens A ce quil habandonna ses pere et mere devons prendre figure sur la saincte escripture qui dit. Qui aura laisse ses pere & mere sera sallairie a la centiesme partie et possedera la vie eternelle A ce que ce chevalier est alle en loingtain pays povons fi

[168]

gurer que ung prelat se doit transporter hors du monde & des choses mondaines vivant purement & sainctement. A ce que julian servit ung prince et batailla pour luy povons dire que le prelat doit servir le prince eternel cest jesuchrist et batailler contre ses ennemys qui sont la chair, le monde et le dyable. Et quant le prelat aura ainsi bataille il luy donnera sa grace a femme espouse Ainsi que le prince donna la chastelaine a julian, mais nous voyons souvent ensuyvent tellement les prelatz quilz les esmeuvent a mal faire par cogitacion, operation et acoutumance durant nostre vie, et en avons a la mort trois douleurs, cest assavoir lyre de dieu, la privation du ciel et peine denfer Ce que tu dois tuer de ton couteau de penitence et apres venir au fleuve de la saincte escripture et eslyre une maison salutaire Cest assavoir jeusner, donner aulmosnes et prier dieu, le servir et aymer dedans ton cueur pour parvenir a la joye eternelle.

¶De femmes despites et furieuses qui veulent faire a leur plaisir.

FEmme que ont voit obstinee en son mal

Et ne veult point estre de nul reprise

COmmectre peult vice voire enormal

Parquoy chascun la blasme et la desprise

Quant elle fait quelque folle entreprise

Advis luy est que mieulx pource on la prise

Mais pire vault que une faulse marastre

[169]

S alangue est preste a mal dire et aprise

Parens, amys ne son mary ne prise

Cest grant danger de femme acariastre.

¶Il y en a qui ont legier vouloir

Sottes en faictz et en parler coquardes

Si folles sont quilz cuident trop valoir

Pource quilz nont renom destre paillardes

Gentes de corps, plaisantes et gaillardes

Semblent aux gens, culz ont fardez des bardes

Sur le pave se veulent regarder

Mais en secret parolles goullardes

Qui vallent pis que coups de hallebardes

Sort de leur bouche en voulant brocarder.

¶Son cul garder preude femme ne fait

Il est requis de sa langue refraindre

Car qui dautruy allegue le forfait

Doit regarder se on peult sur luy attaindre

Son est cource et que on tache gens poindre

Eulx revencher veulent quant vien au joindre

Puis ung debat sesmeult qui est villaion

On sentrebat, au juge on se va plaindre

Le proces fait lung lautre on veult contraindre

Il est requis daller le chamin plain.

¶Orgueil siet mal afemme il est ainsi

Et si ne doit estre trop familliere

Car il ya maint amoureux transy

[170]

Qui de en jouyr veult trouver la maniere

Femme qui veult estre despite et fiere

Et qui ne daigne a nully faire chiere

Voulant avoir cueur fier, couraige hault

Qui sa parolle appete tenir fiere

Si ce nest quant de mesdire est legiere

Sa compaignie en effect bien peu vault.

¶Concupiscence et volupte ont bruyt

Avec orgueil au cueur daucunes femmes

Qui leur honneur aolit et destruyt

Et si ne sont en repos de leurs ames

Bien scay quil est de tresnotables dames

Qui nont reproche ou aucuns villains blasmes

Ilz font leurs cas selon droit et raison

QUen leur follie ilz distribuent par dragmes

A ung chascun, reputees sont infames

Et ne doit nul frequenter leur maison.

¶Si avec vous concupiscence avez

Orgueil aussi et volupte mondaine

Il est requis que le moyen trouvez

Que pendues soyent dedans vostre demaine

A trois cordons, lung nomme jeusne humaine

Et lautre dit chastete pure et saine

Noublier pas dabstinence la corde

Quant les pendrez, car cest la voye certaine

Pour parvenir a la gloire haultaine

Ou dieu nous met par sa misericorde.

[171]

¶Il est requis se bien vivre voulez

Monstrer exemple atoutes voz voisines

Si lune lautre en honneur consolez

Daller aux lieux etermenz serez dignes

Mais si voulez faire ung grant tas de mynes

Au amoureux sans prendre disciplines

Vendans voz chairs pour escus ou ducas

Decevant gens par vos frauldes vulpines

Tous voz plaisirs tumberont en ruynes

Et en la fin on scaura vostre cas.

[illustration]

[172]

¶Exemple.

UNg homme fut conjoinct par maraige a une femme assez jeune qui fut si plaine de sa voulente quelle eut fantasie ne obeyr jamais a son mary Car elle estoit fiere, despite et orgueilleuse. Son mary du commencement la traicta humainement luy cuidant changer sa condicion, mais tant plus quil faisoit a son plaisir et tant plus estoit mauvaise. Advint ung jour apres quil eut mis peine de la chastier par parolles et que il vit quil perdoit sa peine luy fit plusieurs menasses, dont elle fut si fort despitee quelle senfuyt en ung jardin ou il y avoit ung bel arbre, print une corde et se pendit en une branche. Et ce voyant son mary pensa en sa fantasie quil trouveroit moyen en recouvrer une autre, et de fait pour la seconde fois espousa une autre femme qui fut si plaine de concupiscence charnelle et libidineuse quelle nescondissoit homme touchant le jeu de aumer dont le maru se apperceut si se advisa quil ny scauroit mectre remede fors lenfermer en sa chambre et la garder de troter par les rues et gaster le pave, parquoy lenferma par aucune espace de temps en une chambre, touteffois elle trouva une nuyt facon deschapper secrettement, entra au jardin et se pendit avec la premiere femme. Le mary fort esbahy de ceste adventure ne sceut que penser Touteffois sa fantasie fut de soy arrester a ung proverbe quon dit. Toutes tierces sont bonnes, se delibera de espouser encore une autre femme Mais si la premiere fut fiere, despite et orgueilleuse, et la seconde plaine de concupiscence charnelle La troisiesme fut encores plus plaine de vo

[173]

lupte mondaine Car toutes les sepmaines vouloit avoir vestemens nouveaulx et estoit impossible au mary scavoir entretenir si gros estat sans devenir povre & meschant Si luy remonstra au mieulx quil peut disant pour la chastier qui lavoit achete de la marchandise et quil falloit vendre partie de ses habitz pour la payer dont elle fut courroucee tresfort disant quelle estoit bien de lieu venue pour porter tel estat et sans considerer que son mary estoit de moyen estat. Touteffois adint ung jour que pour aucune debte que le mary devoit les sergens furent a la maison qui prindrent les meilleures robes quelle eust par execution. Or lendemain la demme estoit de nopces de lune de ses parentes, eut en fantasie que si elle se y trouvoit povrement acoustree que on sen mocqueroit Et aussi se ne si trouvoit celuy seroit honte et reproche parquoy fut sa fantasie de aller au jardin et de soy pendre comme les autres femmes. Le mary voyant ses trois femmes ainsi pendues fist plusieurs complainctes, sadressa a ung sien filz et a plusieurs de ses voisins triste, merencolieux & parla a eulx en plorant, disant telz motz. Jay en mon jardin ung arbre bel & plaisant, mais tant ya que ma premiere femme si est pendue, la seconde aussi et pareillement la tierce qui mest une peine merveillable, si vouldroye bien avoir bien conseil sur ce cas Or les voisins a qui il faisoit ce recit estoient mariez a femmes noysives & tenceresses. Lung diceulx luy fist responce. Tes trois femmes se sont pendues atrois branches de larbre Je te prie donne moy ung greffe de chascune branche affin que jen departe entre noz voisins qui avons mauvaises femmes si les planterons

[174]

en joz jardins ou le temps advenir noz femmes se penderont qui nous sera ung tresgrant reconfort et joye singuliere, par quoy me semble que tu as tort de plorer la perte de celles qui te tourmentoient jour et nuyt. Le mary a qui ces femmes sestoient pendues alla en son jardin print de chascune des trois branches ung sion, les bailla a lung de ses voisins qui se delibera les departir aux autres.

Moral

PAr cest arbre qui est plante au jardin on peult fantasier pour le jardin nostre cueur et pour larbre qui est plante nostre saulveur et redempteur jesuchrist. Par les trois femmes qui se sont pendues en larbre povons fantasier et entendre que lhomme a trois femmes en ce monde qui le tormentent jour et nuyt et se nomment Concupiscence charnelle, volupte mondaine et orgueil. Mais si tost que lhomme qui est pecheur congnoist la follie de telles femmes et que par le moyen de la grace de dieu il veult amender sa conscience ses trois femmes despitees que avecques luy ne prennent plus leurs plaisirs se vont pendre a cest arbre Concupiscence se pend a la corde de jeusne & chastete Orgueil a la corde de humilite, et volupte a la corde daumosne. Celluy qui a demande les trois branches povons figurer au bon chrestien qui de toute sa puissance les veult desirer et appeter non pas pour luy, mais pour tous es voisins affin quilz plantent en leurs jardins qui sentend en leurs cueurs ung arbre ou se pendent ces trois femmes qui sont causes de plusieurs pechez ; Le mary qui pleure

[175]

pour la perte de ses femmes on peult prendre pour le malheureux homme qui est courouce quant peche se part davecques luy. Car il prent plaisir et delectacion a pecher. Touteffois souvent a la persuasion dung homme de bien celluy peult estre remis a bonne vie, et se repentant faisant penitence acquiert le vie eternelle.

¶De demander bon conseil aux saiges.

NObles seigneurs qui sont promptz diligens

Deliberez ouyr parler les saiges

Acquierent bruyt, espritz ont prudens gentzPour gouverner leurs subgectz & leurs gens

Jeunesse apprent les ditz de ses regens

Cela luy sert souvent en maintz passaiges

Seigneurs sont prestz pugnir vices, oultraiges

Silz ne croyent point folz parlans de legier

Par ce scauront les pertes et dommaiges

Les maulx commis en villes et villaiges

Et ceulx qui font les larcins et pillaiges

Car en eulx est les faultes corriger

¶Cest ung grant bien davoir prince prudent

Qui a desir faictz vertueux apprendre

Quant il congnoist ung mauvais incident

Qui peult venir par aucun accident

Ou que estrangiers sont dessus luy la dent

Facillement pourra leur cas entendre

[176]

Comme prudent juste responce rendre

A ung chascu ntant soit grant balsonneur

Dissimulant quant est saiso ndatendre

Voulant tousjours a bonne fin pretendre

Fier aux maulvais, aux bons cueur piteux tendre

Parvenir fait la science a honneur.

¶Il ne suffit que on soit docte en scavoir

Estre beau, fort quelque chose quon die

COngnoistre fault dont peult venir lavoir

De ses subgectz come on le peult avoir

Pour sur ce cas en faire son devoir

La est requis mettre son estudie

Les seigneurs sont subgectz en malladie

Comme leurs serfz nest nul qui ne le saiche

Autant peult vivre ung homme qi mandie

Que ceulx qi font tousjours chiere gaudie

Qui lentend bien a ce ne contredie

Aussitost meut le veau comme la vache.

¶Aucunesfois les seigneurs font des cas

Dont le peuple est cource et se veult plaindre

Mais motif est des noises et debatz

Car a pecher prent plaisir et esbatz

Par quoy dieu veult que guerres et combatz

On mette sus pour son vice reffraindre

Poignez villain prest sera de vous oingdre

Mais oingnez lay il vous poindra sil peult

Si est requis de sa challeur estaindre

[177]

Tout par raison le tailler et contraindre

Non trop au vif le piquer et ataindre

On na tousjours argent quant on en veult.

¶A la ballance il fault ses faictz peser

Le chemin plain suyvir et droicte voye

Ire et challeur oster et despriser

A ce quon fait regarder, adviser

Ne parler trop quant vient a deviser

Chose on ne fait quon ne congnoisse ou voye

Saige seigneur qui a son cas pourvoye

Est a priser sil veult rememorer

Que cest de luy, et quant il se forvoye

Lesprit en est debile et se desvoye

Puis la mort vient qui le cite et convoye

Prince prudent on le doit honnorer.

¶Exemple

[178]

[illustration]

UNg roy eut en fantasie se enquerir qui estoit le plus saige homme de son empire esperant se gouverner selon sa doctrine et introduction. On luy admena ung clerc docte, entendu et bien morigine auquel lempereur dist que ce fust son plaisir luy donner aucune bonne doctrine tant pour soy gouverner que monstrer exemple a ses princes, seigneurs, gentilz hommes, escuiers et subgectz. Le docteur ou clerc voyant le bon vouloir de lempereur et le desir daprendre quil avoit luy enseigna sept choses assez ambigues a en

[179]

tendre, touteffois lexposicion on pourra veoir au sens moral apres la narracion de ceste histoire. Le premier enseignement est Ne passe point la balance. Le second, ne fouille point au feu avecques ung glaive. Le troisiesme est, ne prens point de couronne. Le quatriesme, ne mangeuz jamais du cueur dung oiseau. La cinquiesme, quaant tu seras party ne retournes point. La sixiesme, ne chemine point par voyes et chemins publiques. Et la septiesme, ne seuffre point une arondelle gazouiller en ta maison. Lempereur tout fantasie a cause quil ne povoit entendre facillement la doctrine de so ndocteur luy pria de luy exposer la doctrine qui vouloit quil gardast en son cueur luy promettant que apres ce quil auroit congneu le cas pourveu que la chose luy fust prouffitable la garder a son pouvir. Ainsi le prudent et vertueux docteur en fit lexposition qui sensuyt.

¶Exposition a lhistoire precedente.

¶Lacteur.

LE scientifique docteur dist a lempereur telz motz. Nous povons prendre et figurer par la verge de la ballance la vie humaine. Lung des bacins pour toy qui es renomme le plus grant prince du monde et lautre bacin pour le plus povre homme qui soit sur la terre, or te fault il entendre quant tu arrives au monde cest a dire quant tu es ne tu ne apportes sur terre nomplus que le plus povre et mesmement autant en est il au departir, car tout ainsi que tu es sorty

[180]

du ventre de ta mere sans riens apporter tout ainsi retourneras en terre sans riens reporter des biens mondains. Si est requis ne passer point la ballance, cest a dire ne desire que ce qui te est necessaire pour la vie, & fais ainsi que le vaultour qui de sa propre nature quant il a prins sa proye il essaye sil pourra voller avecques ycelle en lemportant et sil voit que a ce faire ne soit suffisant il en laisse une partie & emporte ce quil peult seullement, par quoy peult voller au lieu ou il desire, mais il y en a qui sont contraires aux vaultours, car ilz estudient jour et nuyt a trouver invencions pour ravir les biens dautruy te donnant plusieurs cas a entendre & si tu les escoutes et fais a leur plaisir ilz te chargeront de si pesante proye et eulx mesmes aussi que impossible sera tant a toy que a eulx voller en hault cest le royaulme de paradis. Et est grant follie a gens de eulx charger de plus pesant faix que ilz ne pevent ne doivent porter. Soit doncques divisee ta proye, cest a dire tes richesses & en retiens seullement par honneur pour ta necessite donnant le demourant a gens clercs et entendus, mesmes a ceulx qui te ont servy et secouru au besoing et non pas a flateurs et gens qui ne pensent que a orgueil et voluptez mondaines ; La seconde doctrine est, ne fouilles au feu dung glaive qui se peult entendre Ne provocque a fureur par rudes parolles ceulx qui sont courroucez & marris Car ains ique le feu qui est sans air quant les tisons sont sur la cendre et ne rendent pas grant challeur, mais en prenant ung glaive & fouillant dedans en luy donnant air icontinent il senflamme Pareillement lhomme yre & courrouce

[181]

a qui les langues baveresses sont preste a mal dire quant veullent injurier peuvent estre dictes le glaive qui enflamme le feu. Lhomme yreux est ainsi que la chaulx qui a en soy une challeur latitee et jamais ne seroit demonstree qui ne gecteroit de leue dessus, mais incontinent que on y en a gecte elle rend ses challeurs et fumees. Tout ainsi lhomme preux ne descoeuvre son yre qui ne le pique ou argue, mais incontinent que on le redargue et reprend luy disant aucune parolle qui luy trouve a desplaisir soit pour bien ou mal de luy faillent grosses noyses et discords dou viennent plusieurs maulx & pour la cause je te advertis que ne fouilles point au feu dung glaice. La tierce chose est. Ne prens point la couronne Qui se peult entendre ne reprens point les loix des cytoiens. Or la cite en quoy nous sommes pour le present nous figurons pour leglise & les loix pour les doctines dicelle eglise lesquelles nul ne doit reprendre ne corriger, mais les ouyr homblement & icelles ensuyvre Si est requis escouter les parolles de leglise, garder ses loix et commandemens retenir si nous voullons avoir part au ciel La quetriesme doctrine est. Ne mengeuz point de cueur doyseau qui se peult entendre ne murmures contre dieu & ne prens tristesse en ton cueur pour quelque adversite quil te puisse advenir, car lhomme saige ne se esjouyt de grande richesse et aussi ne sesbahyt se grande povrete luy advient, par quoy fault tousjours avoir en son cueur fresche et recente memoire de la puissance de dieu et sesjouyr en so nadvertsite comme faisoient les apostres & martirs quant les tirans les menoient au lieu de tourment. La

[182]

cinquiesme doctrine est quant tu sera party ne retourne point qui se peult entendre. Quant tu seras party de peche ny retourne plus, mais plusieurs font ainsi comme la couleuvre qui quant elle se veult coupler et joindre a la lamproye succe son venin trouvant moyen de le vosmir en quelque lieu, puis incontinent se joinct a la lamproye, et son vouloir acomply retourne au lieu ou a laisse sondit venin et le reprent Tout ainsi plusieurs veulent estre conjoinctz a dieu vomissant le venin devant lautel qui peult estre entendu se confessent de leurs pechez, mais incontinent y retournent et sont plus prestz a mal faire que devant La sixiesme doctrine est ne chemines point par les voyes et chemins publicques. Par la voye publicque povons fantasier la voye de peche qui est si large que par icelle plusieurs vont a perdition. La septiesme est ne seuffre point une arondelle gazouiller sur ta maison qui se peult entendre Ne peche point en ton cueur contre lequel murmure ta conscience, mais desire avoir et gaigner la vie eternelle.

¶De consideration envyeuse.

LEs inventeurs qui songent nouveaulx cas

Aucuneffois ilz ne se doubtent pas

Du grant fanger ou ilz se vont sumettre

Si est requis besongner par compas

Et si se fait mal jouer a son maistre

Fortune veult aucuneffois desmettre

Celluy qui fait une œuvre meritoire

Et si ne peult a tous estre notoire

Car le plaisir de son seigneur lefface

[183]

Ainsi so nart nest mis en repertoire

Tel fait du bien et si son mal pourchasse

¶Il est des gens qui sont par trop subtilz

Et a monstrer leur esprit trop hastifz

Dont sont pugnis en temps et en saison

Necessaire est quil soit des iventifz

Et que diceulx on notte le blason

Mais les pugnir sans doit et sans raison

Il mest advis quil nest requis ce faire

Veu quilz ont fait pour auxseigneurs complaire

Moralitez cuidans estre en valeur

Chose bien faicte a plusieurs peult desplaire

Fortune donne ou bon heur ou mal heur.

¶Par trop parler les ungs sont mal venus

On en congnoist de bien entretenus

Pour caqueter et ne dyent riens qui vaille

Les vertueux des folz sont incongneuz

Les ignorans aux saiges ont bataille

Tel a le grain qui ne deust avoir paille

Les biens mondains sont ainsi departis

Il y en a quon despeche gratis

Par blazonner, flater ou beau parler

Autres sont grans que lon fait bien petis

Selon le temps fault le voille caller

¶Et toutesfois puis quil ny a si fin

Ne si subtil qui ne faille en la fin

[184]

Passer le pas de la mort tant terrible

Il est requis justement vivre affin

Destre saulvez cela nous est posible

Aucuns sont prestzde corriger la bible

Pource quilz sont ung peu audacieux

Ce nonobstant quilz soyent fort vicieux

Et ayent lesprit inepte et fantastique

On na voulour gaigner les biens des cieulx

Au temps present tout pense a la praticque.

[illustration]

[185]

¶Exemple.

VNg noble et trespuissant chevalier se gouverna si bien a la court de limperateur que apres la mort dicelluy ledit chevalier fut esleu a limperialite. Incontinent quil eu accepte le gouvernement de lempire il se monstra vertueux en bataille ; Mais peu de temps apres mist ses vertueux faictz en nonchalloir et chassa temperance hors davecques luy. Adint que ung quidem mist en sa fantasie aller par devers ledit imperateur qui apres son salut se vanta en sa presence forger ung voirre de excellent beaulte Ce que lepereur luy permit Et incontinent quil fut forge le presenta audit empereur qui le gecta contre terre le plus rudement quil peut en telle facon quil fut ploye aucunement mais ledit ouvrier le reprint et avecques so nmarteau le dressa comme se il eust forge de lor ou de largent. Ce voyant lempereur demanda a louvrier comme il estoit possible fiare telle chose. Responce luy fut faicte par ledit ouvrier que homme qui fust vivant sur terre ne scavoit ceste science fors luy, parquoy ledit empereur eut fantasie que se telle science venoit en usaige lor et largent seroient peu estimez, si commanda que ledit ouvrier fust decolle, ce qui fut fait.

¶Fantasir sur ceste exemple.

[186]

CEst empereur nous peult figurer aucuns clovestriers ou autres qui devant quilz soyent promeuz a grandes dignitez, offices et richesses sont assez humbles et paciens. Mais apres quilz sont eslevez en dignite ou en honneur font autrement quilz ne doivent et se fondent sur ung proverbe qui dit. Les honneurs muent les condicions ou manieres. Par lhomme qui a offert le voirrepovons ffigurer le povre qui de bon cueur offre au riche quelque present & sil ne luy plaist il le gecte incontinent & ne le veult pas recevoir mais est yreux luy faisant tant de maulx que bien souvent le povre homme pares quil a prins peine a captiver sa benivolence voyant que on nent tient compte ile en seuffre et endure la mort.

¶De congnoistre enfans naturelz et legitimes de avec les advoultres.

¶Lacteur.

AUcuns ya qui nourrisent enfans

Presupposant les avoir engendrez

Leur plaisir est de les veoir triumphans

Comme en lescript cy apres lentendrez

Et puis apres la raison en rendrz

Danger y est beaucoup plus quon ne cude

Bon nest avoir aux mauvais habitude.

¶Daucuns bastardz est requis faire estime

Car on en voit qui sont preux et hardis

[187]

Faisans secours au frere legitime

Tant par leurs faitz comme par nobles ditz

Il y en a de fiers et estourdis

Qui font des maulx ignorans nous nen sommes

Les doys unis ne sont aux mains des hommes.

¶Quant il ya entre freres discord

Se possible est on y doit la paix mectre

Souvent advient que quant le pere est mort

Ny a celluy qui ne vueille estre maistre

Si est requis aux saiges se submectre

Affin de oster tout reproche et exces

Amour ne regne ou il ya proces

¶Faire du bien tandis quion est en vie

Cest le meilleur, car apres mort actendre

Les heritiers ont de happer envie

Et nont couraige a prier dieu pretendre

A leur proffit sans cesser veulent tendre

Par cemoyen seslievent maintz discordz

Au temps present on fait dieux de tresors.

¶Tant plus mondains sont caducz, anciens

Plus on les voit fondez en avarice

Sont ilz pas folz destre practiciens

Quant mot les presse et quilz en ont notice

Se actendent ilz avoir pardon du vice

Quilz ont commis, par prieres futures

Maint danger vient actendant adventures.

[188]

¶On a fonde messes ung million

Qui en ung jour se doivent toutes dire

Mais on les passe a ung fidelium

Chascun le scait nul ny peult contredire

De gens deglise on ne doit point mesdire

Mais il en est qui sont marchans de messes

Dieu est parfait il congnoist noz finesses.

¶Aucuns enfans lysent joyeulx rommantz

Livres exquis ont dedans leurs reperes

Ou pevent trouver les textes et commentz

Que estudier doivent sans vituperes

Sil leur advient lyre la vie des peres

Ce leur desplaist le livre est ennuyeux

Tel souvent change a qui nene est de mieulx.

¶Apres la mort on congnoist dequoy sert

Celluy qui est mis soubz la tombe ou lame

Durant son temps tel estoit franc qui sert

Honneur avoit et apres il a blasme

Car il despend a jeux ou sort infame

Le revenu que son pere a acquis

Hanter les bons fait les hommes exquis.

¶Exemple.

[189]

[illustration]

IL fut ung roy tresnoble de lignage & de condition qui eut a femme et espouse une noble dame Ce neantmoins elle neut pas tousjours souvenance de la promesse de mariage faicte a son mary, car elle conceut trois enfans masles non de la semence dicelluy, lesquelz enfans la dame fit reffus les nourrir de sa mammelle, mais les envoya nourrir aux champs Touteffois congnoissant son peche se voulut abstenir de son vouloir libidineux Et peu de temps apres conceut de la femme de son mary ung beau filz

[190]

quelle nourrit et allaicta de ses propres mammelles. Aucun temps apres le roy alla de vie a trespas et fut son corps ensevely et mys honnorablement en sepulture. Incontinent les quatre enfans eurent de bat pour la succession de leur pere en telle facon quilz estoient prestz tuer lung lautre. Touteffois il y avoit ung noble chevalier qui durant le regne du roy leyr pere avoit eu gouvernement du royaulme auquel ilz baillerent charge juger de ce different. Lequel chevalier considerant plusieurs choses leur dist quil ne scauroit bien discerner de leurs cas se ilz ne faisoient tyrer leur pere du cercueil ou il estoit. Ilz se accorderent tous quil en fust tyre, et par le consentement diceulx fut mys debout contre ung arbre et lye pour le garder de tomber a terre. Ce fait dist aux enfans quil estoit requis que chascun deulx fust fourny dung arc et aussi dung traict. Ce quilz firent. Lors le cvheavlier leur dist Vous tirerez tous quatre contre vostre pere et celluy qui le percera le plus profondement il obtiendra le royaulme et en sera dominateur. Le conseil du chevalier leur fut aggreable, prindrent leurs arcz et les benderent, poserent leurs traictz en coche prestz de tyrer contre leur pere mort en la presence de plusieurs. Le premier ne tira contre le roy quil cuydoit son pere et luy persa de son traict la main dextre tout oultre. Et pour ceste cause il fut proclame quasi comme vray heritier du royaulme ; Le second assena le rou par la bouche Et pour ceste cause il se disoit estre plus certain et vray heritier que son frere premier ne Le tiers essena le roy par le cueur qui pour tel coup se disoit estre vray heritier ; Le quatriesme quant il approu

[191]

cha pres de son pere gectra son arc et so ntraict contre terre et se print a plorer en disant ;

O Cuers pervers oultraigeux et espitz

Remplis derreurs peu cosntants en couraige

Plus venimeux que serpens ou aspicz

Mal regardez a vostre lasche ouvrage

Quant ung tel prince et noble personnage

Apres sa mort navrez par cruaulte

Tout enfant doit a pere loyaulte

¶O desloyaulx regardez le forfait

Que avez commis et le grant vitupere

Nostre pere est pale, mort et deffait

Chascun de nous soubz son bon nruit prospere

Tous voz espritz avarice supere

Que avez vous fait le voullant martirer

Dung ort chemin il se fault retirer

¶Retirez vous faictes dicy depart

pRenez ses biens je les vous quicteray

De ses tresors ne vuei lavoir ma part

Par ce moyen ja je nen jouyray

Mais a jamais je vous reprocheray

Vostre avarice et merveilleux deffault

Au temps present le sens naturel fault.

¶Nobles seigneurs, barons, juges prudens

Jaymeroye mieulx perdre tout lheritage

[192]

Que devant vous qui estes presidenx

Ne en autre lieu je feisse tel oultraige

Pere et amy qui tant fus preux et saige

Treshumblement par raison et droicture

De mon habit couvriray ta nature.

¶Freres, amys regardez en pitie

Nostre bon pere en terible estat mis

La il a eu vers nous tant damytie

Que a nostre vueil plusieurs fois sest submis

Or sommes nous ses pervers ennemys

Quant de noz traictz pesons sa chair tant tendre

De ce quon fait fault en fin compte rendre.

¶Lacteur.

TElles parolles dictes & proferees par la bouche du jeune enfant ayant regard a ses pleurs et lamentacions les princes du royaulme ensemble tout ledit populaire esleurent le jeune enfant comme vray, juste et loyal heritier du royaulme et fut couronne de couronne royalle et mis en la place de son pere. Au regard des trois autres enfans non legitimes ilz furent privez de toutes dignitez et chassez hors du royaulme.

¶Fantasie sur lhystoire

PAr le roy saige, noble et riche povons figurer le roy des roys et seigneur des seigneurs lequel a acompaigne et prins a espouse nature humaine qui du depuis a acomply fornication avec les dieux estranges, et non ayant souvenance de

[193]

son espoux a eu comme adultere trois enfans qui se pevent entendre les payens, juifz et les heretiques. A ce que le premier a navre la la main du roy se peult entendre que les payens ont refuse la doctrine de Jesuchrist quil leur envoyoit prescher par ses apostres et disciples, mais ilz estoient martirez par yceulx de plusieurs playes mortelles Par le second filz qui la frappe de son traict par la langue et dedans la bouche povons entendre que les juifz navrerent jesuchrist quant on luy bailla a boire fiel et vin aigre Par le troisiesme filz qui a este si mauvais et pervers que quant il a veu son pere ainsi mal traicte et palye de plusieurs playes au plaisir de ses freres na point laisse a le frapper par le corps et lassener au cueur se peult signifier les heretiques qui apres la mort de jesus ont navre et martire les fideles Chrestiens lesquelz chrestiens ont ung cueur, ung corps et une ame. Et de ce dit le plasmiste Ilz ont aguise leurs langues commes serpens & aussi ilz on appareillees flesches en leurs trousses. Par le quatriesme filz qui na point voulu tirer contre le corps de so npere apres ce que les autres le ont navre de leurs traictz se peult entendre le bon chrestien qui a la crainte de dieu ne le voulant offencer, mais est cource du peche des autres. Et si daventure la offence il est prest et delibere satisafire et en faire penitence a son povoir. Si devons scavoir que celluy qui ainsi fera sera exalte le jour du jugement au royaulme de paradis.

¶De ingratitude et de la pugnition de ceulx qui sont ingratz.

[194]

AUcuns mondains sont plains de ingratitude

Et si aucun leur fait quelque plaisir

A le grever ilz mectent leur estude

Quant riches sont laissent son habitude

Autre party desirent de choisir

De le grever ont singulier desir

Quasi tous prestz le tuer et deffaire

Qui plaisir fait on luy doit plaisir faire

¶Se despouiller pour autruy revestir

Cest bon vouloir et œuvre charitable

Aucunesfois on sen peult repentir

Quant lhomme ingrat ne se veult consentir

Congnoistre ceulx qui font œuvre louable

Leur desir est de le veoir miserable

Et toutesfois il leur a fait ce bien

Qui donne tout ne luy demeure rien

¶Donner le sien et puis en demander

Le franc se veult oster de sa franchise

Faire fault ce quon souloit commander

Courir, troter ou on souloit mander

Estre reprins dont on faisoit reprise

Disciple a qui on a lecon aprise

Il fait grant mal destre reprins par luy

Qui na de quoy nest prise aujourduy.

¶Quant a flateurs on veult adjouster foy

Il mest advis que cest grande simplesse

[195]

De bien servir ilz font devoir, mais quoy

Quant vous serez avec eulx a requoy

Ilz parleront de vostre grant richesse

Puis vous feront faire quelque pormesse

Dont en apres ne vous vouldrez desdire

Croire ne fault tout ce que len oyt dire

¶Ung bon vouloir a qui est advis

Que on luy fera ainsi quil vouldroit faire

Par daucuns folz ses biens luy sont ravis

Il sen desmet pour faire a leurs devis

Affin du tout a leur vueil satffaire

On luy promet ce qui est necessaire

Durant s avie et quil ne fe frea rien

A temps present il fault garder le sien.

¶Apres quon a le sien habandonne

Et quon en veult aucune part reprendre

On pert son temps, car rien nest redonne

Encor on na ce qui est ordonne

Et se on le baille il fault long temps attendre

Cest grant follie ainsi quon peult entendre

Mettre a ses piedz ce quon tient a ses mains

Au temps qui court on voit des trompeurs maintz

¶Aucuns sont bons durant leur povrete

Simples et doulx comme jeunes pucelles

Pensez y bien, car tel a povre este

Durant liver et quant vient en este

[196]

Quil a de quoy est au renc des rebelles

Qui veult bailler a gens plains de cautelles

Tout ce quil a on luy joue du phebe

On congnoist moyne a lors quil est abbe.

¶Exemple.

[illustration]

IL fut ung tres noble et trespuissant prince qui avoit ung seul filz et estoit sa fantasie laymer sur toutes choses presuposant luy vouloir accorder toutes ses requestes sans riens excepter Advint que lenfant vint en aage suffisante si fist request

[197]

a son pere se desmettre de son royaulme & len mettre en pocession durant sa vie luy donnant a entendre que il feroit son plaisir obeissant ases commandemens mieulx que se il nestoit point constitue en telle dignite, luy remonstrant aussi comme il estoit en decrepite de vieillesse & que impossible luy estoit vacquer aux affaires du royaulme Le roy tout fantasie de ceste requeste fut pensif par aucune espace de temps, toutesfois il luy fit responce que il le feroit coulentiers sile estoit certain que son filz le traictast humainement le redisu de sa vie, ce que le filz promit. Et oultre apres ce que son pere luy auroit donne la couronne le ne feroit aucune chose que par son conseil et commandement luy faisant plus dhonneur que a soy mesmes et de ce fit serment devant les princes, seigneurs, juges du pays et tout le peuple. Le roy se confiant a la promesse de son filz luy donna son royaulme sans riens retenir luy prpesentant la couronne quil receut devant tous. Apres quil fut pocesseur du royaulme par aucune espace de temps il eut son pere en grant honneur, mais il sen ennuya et petit a petit selongnoit de son pere et en tenoit peu de compte tant que par succession de temps il le delaissa du tout et estoit honteux quant il le voyoit devant sa magnificence. Ce voyant le bon ancien Roy en fit sa plainte aux princes & seigneurs lesquelz furent deliberez luy remonstrer son ingratitude, et de fait luy en parlerent vertueusement en le reprenant ce qui luy despleut, car il ne vouloit estre reprins de nully, toutesfois il endure la correction ce nonobstant quil en eust dueil en son couraige Et eut fantasie faire enfermer son pere en ung Chasteau ou nul ne

[198]

povoit entrer sans son conge Ce quil fit Et fault noter que le bon ancien roy y endura plusieurs necessitez. Advint ung jour que le jeune roy estoit alle a la chasse & poursuyvit tant le cerf quil se perdit dedans ung boys en telle maniere que homme ne scavoir quil estoit devenu Si fut contraint suy retirer dedans le chasteau ou estoit son pere ou se fit traicter au mieulx quil peut et sans que sondit pere en eust aucune recreation, touteffois il fut adverty que son filz estoit au chasteau parquoy eut en fantasie soy presenter par dvant luy pour ladvertir de sa fortune esperant davoir de luy aucune gracieusete, ce quil fit en disant ; Om mon treschier filz considere le bon vouloir que jay eu vers toy et que me suis despouille de mon royaulme pour te revestir, regarde moy en pitie, pense a la captivite la ou je suis, rememore ma vieillesse et decrepite ayes regard a ma necessite, contemple ma maladie a lquelle peulx donner remede me remectant en sante si cest ton plaisir me donner aucune porcion de ton vin. Le jeune roy fit responce a son pere disant. Je ne scay sil ya du vin ceans. A quoy le bon ancien roy doulcement ladvertit que il y en avoit cinq tonneaulx, mais que le seneschal avoit fait reffus luy en bailler pource quil luy estoit expressement deffendu par luy, toutesfois il luy dist. Je te supplye que pour ta bien venue me faces donner a boire du premier tonneau Car il me semble que par ce moyen je recouvreray ma sante. Le jeune filz se excusa disant. Mon pere je ne ten donneray point, car cest moust qui est contraire a vieilles gens. De telle excuse le pere fut content, mais luy supplya que par son moyen il peust boire

[199]

du second tonneau. Le roy fit responce quil nen feroit riens et quil le vouloit garder pour luy & les jeunes gens qui le suyvoient. Le povre pere luy demanda du tiers tonneau. Le jeune roy en fit reffus disant quil estoit trop fort pour luy & que se il en beuvoit ce luy causeroit une fievre qui le mettroit en danger de mort. Le pere luy fist requeste avoir du quart tonneau, dont pareillement le jeune roy fit reffus disant quil estoit aigre qui estoit contraire a sa complction. Le pere encores pour esprouver sa voulente luy demanda du cinquiesme tonneau. Responce luy fut faicte par son filz quil nen beuvroit point & que se nestoient que lyes et reverseures parquoy se il luy en bailloit a boire et que mort se en ensuyvist les princes, seigneurs & juges du pays le pourroient accuser de crime Ce voyant par lancien roy se retira en son povre logis et eut en fantasie escrire unes lectres ausditz princes, seigneurs et juges du pays contenant la povrete et misere ou il estoit detenu par son filz, et que pour lhonneur de dieu trouvassent moyen de loster hors de ceste calamite. Les princes et seigneurs voyans la pitie du bon ancien roy qui durant so nregne les avoit si bien & vertueusement regis et gouvernez, mesmement lingratitude de son filz tindrent conseil par lequel il fut dit que le pere seroit remis en som premier estat & le filz en chartre pertuelle, ce qui fut fait

¶Fantasie sur ceste hystoire.

ON peult applicquer & prendre cest ancien roy a nostre redempteur jesuchrist, et le filz a ung chascun chrestien. A ce quil aymoit tant son filz on peult entendre que dieu nous a tant aymez quil

[200]

a fait toutes choes mondaines subgectes a nous en nous donnant tous es biens. A ce quil devint povre il se doit entendre que les povres de ce monde sont ses membres, lesquelz povres ont fain, soif, chault et froit & plusieurs autres accidens et inconveniens de maladie Et les riches qui ont les biens de deux ne leur en veulent donnier ne departir. A ce que le roy nous demande a boire du premier tonneau on peult entendre par le tonneau enfance par lquelle jesuchrist doit et veult estre servy. Je suis jeune et ne puis faire bonnes œuvres en mon enfance veiller ne prier dieu. A ce que il demande du deuxiesme tonneau il sentend que dieu veult estre servy du chrestien en sa jeunesse Et a ce quil en fait reffus se peult interpreter que le jeune enfant dit et se excuse a dieu. Je ne puis maintenan applicquer ma jeunesse a ton service pource que le monde se mocqueroit de moy disant. Vela ce jeune homme qui devient bigot et ne daigne converser avec les autres parquoy te vueil obtemperer a leur vouloir beuvant et mangeant avec eulx appetant choses mondaines. A ce quil demande du troisiesme tonneau, et que le filz luy respond cest vin fort se peult entendre. Je suis en ma force et puissance et se je faisoye penitence nature se pourroit debiliter en moy et apetisseroye ma force ce qui rabaisseroit mon honneur, car je vueil suyvre les batailles, saillir, dancer & sercir les dames a leur palaisir. A ce quil demande du quatriesme tonneau et que lenfant luy respond le vin est vieil et aigre se peult entendre que le chrestien se excuse disant. Je suis ja vieil & ne puis jeusner ne veiller pource que ma nature est

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

ulb ltc

L’utilisation du genre masculin dans les pages du présent site a pour simple but d’alléger le style. Elle ne marque aucune discrimination à l’égard des femmes.