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1705- Le cuisinier roïal et bourgeois (Massialot) (201-250)

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des de lard selon la grandeur de vos Cotelettes : vous mettez de cette farce sur les bardes avec l’os des Coetelettes, & vous faites la même chose à chaque Cotelette, que vous formerez rondement avec votre coûteau trempé dans des œufs foüettez, comme si c’étoit une Cotelette veritable. Vous les dorez & panez par-dessus ; & les aïant rangées dans une tourtiere, on les met au four pour leur faire prendre une belle couleur. Voila ce qu’on appelle Cotelettes farcies à la crême. Elle vous peuvent servir pour garnir toute sorte d’Entrées, & pour Hors-deouvres.

On ser encore des Cotelettes de Veau farcies rien qu’avec du fenoüil, & jus au fond du plat en servant, pour Hors-d’œuvres.

Autre Entrée de Cotelettes.

Il faut prendre les Cotelettes de Veau ou Mouton, & qu’elles soient bien tendres & bien coupées : piquez-les de petit lard comme des Fricandeaux, & les passez de même maniere, les assaisonnant comme il faut. Si ces COtelettes vous servent de plat, il y faut mettre toute sorte de garnitures : si vous ne faites qu’en garnir quelqu’autre Entrée, cela n’est pas necessaire, mais

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seulement les laisser cuire dans leur jus ; parce qu’à l’Entrée qui sera au milieu du plat, il y aura le ragoût par-dessus.

Cotelettes en Haricot, & autrement.

Les Cotelettes de Mouton se peuvent mettre en Haricot avec des Navets cuits bien à propos, une bonne liaison en cuisant, & bien assaisonnée ; On y peut mettre des marons, & servir pour Hors-d’œuvres.

On peut aussi, aprés les avoir bien appropriées, les tremper dans du lard, les paner & griller, & servir avec bon jus, & jus de citron en servant.

Vous les pouvez aussi faire mariner, les frire de belle couleur, & garnir de persil frit : Ou bien vous les servez avec un coulis & jus, un morceau de citron & truffles, les aïant fait mitonner ensemble ; & jus de citron en servant.

Coulis,

Est une maniere de sausse, servant aux liaisons & à donner une saveur agreable aux choses.

Coulis pour differens Potages gras.

Ce Coulis peut servir pour plusieurs

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petits Potages gras ; comme de Profitrolles, de Perdrix, de Cailles, d’Aloüettes, de Becasses, ou e Sarcelles, que l’on peut tous garnir de fricandeaux & ris-de-Veau. Pour le faire, prenez un morceau de Bœuf de cimier que vous faites rôtir à la broche, bien rissolé, avec croûtons de pain, carcasses de Perdrix, & autres que vous aurez. Le tout étant bien pilé & arrosé de bon jus, passez-le dans une casserole avec jus & bon boüillon, & l’assaisonnez de sel, poivre, clou, thim, basilic, un morceau de citron verd. Vous le faites boüillir quatre ou cinq boüillons, vous le passez dans l’étamine, & vous vous en servez pour mettre sur vos Ptages, avec jus de citron.

Coulis de Jambon.

Il faut prendre moitié Veau & moitié Jambon, le tirer dans une casserole de même, sans lard, comme un jus de Veau ; & quand il est cuit, y mettre des croûtes de pain seches, de la ciboule, persil, basilic, clous de girofle, avec du meilleur boüillon : & étant de bon goût, le passer dans l’étamine, & le tenir un peu épais.

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Coulis de Chapon.

Prenez un Chapon rôti ; battez-le dans un mortier le plus que vous pourrez : passez des croûtes de pain dans du lard fondu ; étant bien rousses, vous y mettez de la ciboule, persil, basilic, & un peu de mousserons bien hachez, que vous mêlerez avec le reste & acheverez de le passer sur le fourneau. Mettez-y ensuite du meilleur boüillon autant que vous jugerez à propos, & le passez par l’étamine.

Coulis de Perdrix.

Prenez deux Perdrix rôties, & les battez bien dans un mortier, avec les bardes de lard dans quoi vous les aurez fait cuire : ensuite prenez une pincée de truffles vertes, & autant dechampignons frais que vous passerez dans du lard fondu, avec fines herbes, ciboules, basilic, marjolaine ; puis vous mêlerez votre viande battüe ensemble dans la même casserole, avec deux bonnes cuillerées de jus de Veau, pour les faire mitonner à petit feu ; & vous le passerez ensuite dns l’étamine, avec jus de citron.

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Coulis de Canard.

Il faut prendre un Canard rôti, le battre bien dans un mortier : faites rissoler du jambon dans un plat d’argent, & le mettez dans un pot avec une poignée de nantilles, pour faire cuire le tout ensemble : mettez-y deux ou trois clous de girofle, une gousse d’ail, de la sarriette & ciboule ; & aprés qu’il sera cuit, battez le tout avec la viande du Canard, & le passez dans une casserole avec lard fondu, & ensuite du boüillon clair ; afin que votre coulis ait un beau blond, vous le passerez dans l’étamine avec jus de citron.

Coulis de gros Pigeons.

Faites rôtir deux ou trois gros Pigeons, puis les battez dans un mortier : hachez-y trois anchoix, une pincée de capres, un peu de truffles & morilles, deux ou trois rocamboles, persil, ciboule ; le tout bien haché, mêlez-le avec la viande des Pigeons, & passez-le dans une casserole avec du lard fondu : mettez-y du meilleur jus que vous aurez, passez-le par l’étamine avec un jus de citron, & le tenez aussi épais que vous jugerez à propos.

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Coulis de blanc de Poularde

Il faut prendre le blanc d’une Poularde, avec un morceau de Veau cuit bien blanc, les battre dans un mortier : prendre un quateron d’amandes douces que vous pilerez ensemble, & une mie de pain bien blanc trempée dans de bon boüillon des os de Poulardes que vous aurez battus. Vous vous ervirez du même boüillon pour faire mitonner votre viande & vos amandes dans une casserole, un boüillon ou deux : En le passant par l’étamine, vous y pouvez mettre un peu de lait ou de crême pour le rendre plus blanc ; & prendre garde qu’il ne tourne en le faisant chaufer.

Coulis blanc en maigre.

Prenez des amandes la quantité que vous jugerez à propos, & les battez dans un mortier. Il faut avoir de la mie de pain trempée dans de la crême ou du lait, & des filets de Poisson cuits les plus blancs que vous pourrez. Vous y mettrez des mousserons frais, des truffles blanches, basilic, ciboules ; & vous prendrez du boüillon le plus clair que vous trouverez, pour faire boüillir le tout l’espace d’un quart-d’heure ;

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aprés quoi vous le passerez par l’étamine. Ce Coulis vous ert à tout ce que vous aurez de blanc.

Autres Coulis pour les jours maigres.

Il faut passer des oignons & carotes comme pour un boüillon ; & étant bien roux, vous y jetterez une poignée de persil, un peu de thim, de basilic, clou de girofle, corûtes de pain, & du boüillon de Poisson & un filet de vinaigre.

Coulis de Racines.

Prenez des carotes, racines de persil, panais & oignons par tranches, le tout passé un peu dans une casserole ; puis vous le pilez dans un mortier, avec un douzaine & demie d’amandes, & un morceau de mie de pain trempée dans de bon boüillon de purée : faites boüillir le tout dans une casserole, & l’assaisonnez de bon goût comme les autres. Vous le passez tout chaud dans l’étamine ; & vous vous en servez pour tous les Potages d’Oignons blancs, de Poreaux, de Cardes, de Salsifix frits marinez & en pâte, & au Potage de Cheruis.

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Coulis de Nantilles.

Vous prenez des croûtons de pain, des carotes, panais, racines de persil, oignons par tranches passez à l’huile, ou au beurre bien chaud. Si c’est en gras, vous y mettez du lard bien roux ; & vous y jettez vos legumes & vos croûtes de pain. Faites-bien rissoler le tout, jusqu’à ce qu’il se fasse un gratin bien roux ; mettez y des Nantilles & du boüillon, & l’assaisonnez de bon goût. Aïant boüilli quatre ou cinq boüillons avec un morceau de citron, passez-le dans l’étamine. Il vous sert pour les Potages de Nantilles, aux croûtes farcies de Nantilles, aux croûtes farcies de Brochet aux Nantilles, & à beaucoup d’autres ; comme de Soles, Vives & Carpes. En gras, il vous sert pour des Potages de Pigeons, de Canards, aux Perdrix, &c.

Il y a encore beaucoup d’autres sortes de Coulis[1] qui se font pour differentes choses, comme Coulis d’Anchois, Coulis de Carpes, Coulis de Truffles, Coulis de Mousserons, Coulis de Morilles, Coulis de Pois, Coulis de Champignons, Coulis de jaunes d’œufs, & autres que l’on trouvera par le moïen de la Table.

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Court-Boüillon,

Est une façon particuliere de cuire certains Poissons : il est composé d’eau, de vinaigre, de sel & de beurre ; mais comme le Court-Boüillon est commun a beaucoup de Poissons, on renvoie le Lecteur à l’article du Brochet & des Carpes, pour sçavoir ce qu’il faut observer à cet égard ; afin de ne pas repeter inutilement une même chose en plusieurs lieux.

Cremes.

Il se fait de plusieurs sortes de Crêmes : il y a de la Creme d’Amande, de la Crême à Pistaches, de la crême brûlée, des Crêmes croquantes, à frire, à l’Italienne, & encore d’autres manires. Voici pour les Cr^mes à Pistaches.

Crème à Pistaches.

Il faut prendre des Pistaches bien échaudées, les piler dans le mortier, avec de l’écorce de citron cnfit & un peu d’écorce de citron verd. Le tout étant bien pilé, il faut prendre une ou deux pincées de afrine, avec trois ou quatre jaunes d’œufs ;

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délaïez-les ensemble dans une casserole de la grandeur de vote plat, & y mettez du sucre à proportion, y versant ensuite du lait petit à petit, un peu plus qu’une chopine. Prenez ensuite vos Pistaches pilées ; & les aïant délaïées avec le reste, passez le tout dans l’étamine deux ou trois fois : aprés faites-la cuire de même maniere que les autres Crêmes ; & quand elle sera cuite, versez la dans son plat, & la servez froide pour Entremets. Si vous la voulez servir chaude, aprés qu’elle sera froide, vous y pouvez faire une glace blanche dessus, & la mettre dans le four à sécher la glace.

Crême d’Amandes.

Elle se fait de même manière que la precedente. Quand c’est pour les jours de Jeûne, le soir à Collation, aprés avoir pilé les amandes, passez-les avec de l’eau par l’étamine pour faire le lait d’amandes ; il faut qu’il y ait beaucoup d’amandes. Votre lait d’amandes étant fait, formez vos crêmes, soit de Pistaches, de Chogolat ou autre, rien qu’avec un peu de farine, du sucre & de l’eau de fleur d’orange, sans œufs & sans lait ; mais seulement un peu de sel & beaucoup de sucre. Le tout étant bien cuit, servez : & si vous en voulez faire

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des Tourtes, garnissez de Biscuits de Savoie, ou Meringues, ou autres choses semblables ; & faites l’abaisse de la pâte croquante que l’on trouvera ci-aprés.

Crême à l’Italienne.

Prenez du lait environ une bonne chopine, selon la grandeur de votre plat : faites boüillir ce lait avec du sucre & un peu de canelle en bâton, afin d’en relever le goût & un grain de sel. Etant boüilli, prenez un grand plat d’argent avec une étaminé ; mettez-y quatre ou cinq jaunes d’œuf frais : & tout d’un tems passez le lait avec les œufs trois ou quatre fois. Aprés il faut mettre son plat dans le four decampagne, qui soit bien droit ; versez le tout dedans, & mettez du feu dessus & dessous, jusqu’à ce que votre Crême soit bien prise ; & servez chaudement. Si à toutes ces Crêmes on veut y mettre de la crême de Lait, elles en seront beaucoup plus délicates.

Crême pâticiere.

Si vous en voulez faire pour plusieurs fois, il faut battre douze œufs, le blanc & le jaune. Etant battus, il y faut mettre une bonne demi-livre de farine, plutôt davantage que moins, & battre le tout ensemble, Vous y ajoûterez ensuite encore

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une douzaine d’œufs, que vous continuerez de délaïer avec le reste. Aïez en même tems environ deux pintes & demiede lait, & mettez-le dans une casserole grande à proportion, pour le faire boüillir. Quand il boüillira, versez le tout dedans, & remuez toûjours. Il y faut un peu de sel, environ demi-livre de beurre, un peu de poivre blanc, & le faire bien cuire, prenant garde qu’on ne s’attache au fond. Votre Crême étant épaissie & cuite, vous la verserz dans une autre casserole, & la laisserez refroidir. Quand vous en voudrez faire des Tourtes, prenez-en selon la grandeur des Tourtes que vous souhaiterez, & la mettez dans un casserole : vous l’y mêlerez bien, avec la gâche ou spatule, & y ajoûterez du sucre & de l’écorce de citron hachée, verte & confite, un peu d’eau de fleur d’orange, quelques jaunes d’œufs ; & les jours gras, de la moëlle de Bœuf, ou de la graisse de Bœuf fonduë. Le tout étant bien passé & demêlé, formez vos Tourtes d’une pâte de feuilletage, & faites-y un petit rebord autour, aprés quoi vous y verserez votre crême. Quand la Tourte sera presque cuite, il la faut glacer ; & servez en Entremets. Pour les jours maigres, au lie de la moëlle de Bœuf, on y met du beurre fondu.

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Crême brûlée.

Il faut prendre quatre ou cinq jaunes d’œufs, selon la grandeur de votre plat ou assiette ; Vous les délaierez bien dans une casserole, avec un bonne pincée de farine, & peu à peu vous y verserez du lait, environ une chopine. Il y faut mettre un peu de canelle en bâton, & de l’écorce de citron verd haché, & d’autre confit. On y peut aussi hacher de l’écorce d’orange comme celle de citron ; & alors on l’appelle Crême brûlée à l’Orange. Pour la faire plus délicate, on y peut mêler des pistaches pilées, ou des amandes, avec une goute d’eau de fleur d’orange. Il faut aller sur le fourneau allumé, & la toûjours remuer, prenant garde que vôtre Crême ne s’attache au fond. Quand elle sera bien cuite, mettez un plat ou une assiettesur un fourneau allumé ; aïant versé lacrême dedans, faites-la cuire encore, jusqu’à ce que vous voïez qu’elle s’attache au bord du plat. Alors, il la faut tirer en arriere & la bien sucrer par-dessus, outre le sucre que l’on y met dedans : on prend la pêle du feu, bien rouge ; & du même tems on en brûle la Crême, afin qu’elle prenne un belle couleur d’or. Pour garniture, servez-vous de

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feüillantine, de petits fleurons ou meringues, ou autres découpûres de pâte corquante. Glacez votre Crême, si vous voulez ; sinon servez sans cela, toûjours pour Entremets.

Crême croquante.

AÏez un plat avec qutre ou cinq jaunes d’œufs frais, selon le plat que vous voulez. Délaïez ces jaunes d’œufs avec unecueillere ; & en les délaÏant, versez-y du lait petit à petit jusqu’à ce que votre plat soit presque plain. Aprés il y faut mettre du sucre râpé avec de l’écorce de citron. Il faut avoir un fourneau allumé, porter son plat dessus ce fourneau allumé, & remuer toüjours avec la cueillere, tant que la Crême soit un peu formée. Il faut ensuite que le fourneau ne soit pas si ardent ; & cependant, remuant toûjours avec la cuillere, vous jetterez votre Crême sur le bord u plat, en sorte qu’il n’y en reste quasi point dans le fond, & qu’elle ait ainsi formé un bord tout autour du plat. Il faut avoir soin qu’elle ne brûle pas, mais seulement qu’elle reste attachée au plat. Etant cuite, il lui faut faire prendre une bonne couleur avec la pêle rouge ; & aprés, avec la pointe du coûteau, vous détacherez tout ce bord d’autour

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du plat, afin qu’il reste entier : vous le remettrez dans le même plat, & le laisserez encore un peu sécher dans le four ; de maniere qu’il reste peu de chose dans le plat, & qu’elle soit croquante à la bouche.

Crême vierge.

Prenez cinq blancs ‘œufs ; foüettez-les bien, & les mettez dans une casserole avec sucre, lait & eau de fleur d’orange. Mettez une assiette sur un fourneau avec un peu de canelle, & versez-y votre Crême bien battuë, que vous dorerez étant faite, avec la pêle rouge.

Crême à frire.

Il faut prendre environ une pinte de lait, le faire boüillir sur le feu, & y délaïer quatre jaunes d’œufs avec un peu de farine. Etant bien délaïé, remuez le tout ensemble sur le fourneau jusqu’à ce que la crême soit formée : on y met un peu de sel, un peu de beurre, & de l’écorce de citron haché. Quand elle est cuite, farinez sur votre tour, & versez votre Crême, qu’elle se détende d’elle-même : il faut que quand elle sera refroidie, elle fasse l’effet comme si c’étoit une omelette cuite. Vous la couperez par morceaux, selon la grosseur que vous vou

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drez, & les ferez frire avec de bon saindoux chaud, prenant garde qu’elle ne foire dans la poële. Etant colorée, tirez-la ; mettez-y du sucre en poudre, & de l’eau de fleur d’orange par-dessus. Dressez-la dans son plat ; & l’aïant glacée, si vous voulez, avec la pêle rouge, servez chaudement. Vous pouvez aussi, lorsque cette maniere de Crême est détenduë sur la table, avoir du beurre chaud dansvotre poële, & la faire frire comme une omelette. Quand elle aura pris couleur d’un côté, vous la verserz sur son plat, & la ferez courir doucement dans la poële, pour lui faire prendre couleur tous tous côtez. Vous la sucrerez, glacerez, & servirez de même chaudement, le tout pour Entremets.

Pour rendre toutes sortes de Crêmes plus délicates, au lieu de farine ordinaire, il faut prendre de la farine de Ris ; elles en sont beaucoup meilleures. Encore qu’on n’y mette pas des œufs, on ne laisse pas d’en faire de bonne avec du lait, si les personnes mangent au beurre ; & avec le lait ‘amandes, si elles ne mangent qu’à l’huile. Il faut toûjours qu’un pinte de lait revienne en cuisant à une chopine, afin que l’on ne sente point la farine.

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Crême de Cohocolat.

Prenez une pinte de lait & un quarteron de sucre que vous ferez boüillir ensemble un quart d’heure ; & aprés vous delaÏerez un jaune d’œuf que vous mettrez dans la Crême, & vous la derez boüillir trois ou quatre boüillons ; Otez-la ensuite de dessus le feu, & mettez-y du Chocolat, jusqu’à tant que la Crême en ait pris la couleur. Aprés, vous la remettrez trois ou quatre tours sur le feu ; & l’aïant passé dans une étamine ; vous la dresserez où il vous plaire.

Crême douce.

Prenez trois pintes de lait nouvellement trait, & le faites boüillir ; & quand il monte, ôtez-le du dussus le feu, & le laissez reposer un moment. Vous ôtez toute la crême qui sera para-dessus, que vous mettrez dans une assiette. Vous remettrez vôtre poële sur le feu, & vous ferez toûjours de même jusqu’à ce que votre assiette soit pleine de la Crême que vous retirerez. Il faut y mettre des eaux odorigerentes, & n’oublier pas de la bien poudrer de sucre avant que de servir.

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Crême blanche legere.

Il faut prendre trois demi-setiers de lait & demi-quarteron de sucre que vous ferez boüillir un demi-quart-d’heure. Aprés vous l’ôterez de dessus le feu, vous y mettrez deux blancs d’œufs bien foüettez, remuant toûjours le tout ensemble. Remettez votre lait ou Crême sur le feu, faites la boüillir quatre ou cinq boüillons en la foüettant toûjours. Ensuite vous la dresserez dans ce qu’il vous plaira ; & étant froide vous l’arroserez d’eau de fleur d’orange, & vous la poudrerez de sucre fin. Vous lui pouvez donner couleur avec la pêle rouge.

La Crême de Canelle se fait de même que celle de Chocolat.

Pour ce qui est des sausses à la Crême, voïez l’article desArtichaux, des Asperges, des Champignons, &c. comme aussi lesOmelettes à la Crême de plusieurs sortes, & autres pieces que la Table indiquera.

Crepines,

Est une farce composée de la maniere qui suit. Prenez de la roüelle de Veau, & un morceau de lard, & les faites blanchir

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ensemble dans le pot. Etant refroidis, hachez-les avec de la panne, quelque blanc de ciboule, deux ou trois rocamboles & autres assaisonnemens. Battez encore le tout dans un mortier, avec un peu de crême ou de lait, & des jaunes do’eufs ; & mettez ensuite cette farce dans des Crêpines, comme du Boudin blanc. On les fait cuire dans une tourtiere à petit feu, bien proprement & de belle couleur. Servez pour Hors-d’œuvres d’Entrées.

Voïez ci-aprés, sous la lettre F. la maniere des Foies-gras à la Crêpine.

Cretes.

Oute la part qu’ont les Crêtes de Coq dans les meilleurs Ragoûts & dans les Bisques, il s’en fait encore des Services particuliers pour Entremets ; sur tout des Crêtes farcies, ou avec des Ris-de-Veau, ou avec desFoies-gras, ou avec des Champignons & Morilles, ou seules. En voici la maniere.

Crêtes de Coq farcies.

Prenez des plus belles & des plus grandes Crêtes de Coque, & faites-les cuire à demi. Ouvrez-les ensuite par le gros bout avec la pointe du coûteau. Faites farce

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avec un blanc dePoulet ou de Chapon, moëlle de Beouf, lard pilé, sel, poivre, muscade, & un jaune d’œuf. Fricassez vos Crêtes, & les faites cuire dans un palt avec un peu de boüillon épais, & quatre ou cin champignons par tranches : delaïez y un jaune d’œuf crud ; & mettez en servant, jus de citron & autre bon jus.

Pour conserver des Crêtes farcies.

Nettoïez les bien, & les mettez dans un pot avec lard fondu, & les tenez un peu sur du feu sans cuire. Demi-heure aprés, mettez-y un peu de sel menu, un oignon piqué de clous, un citron par tranches, du poivre, & un verre de vinaigre. Lorsque le lard commencera à se prendre, tirez-les, & les couvrez d’un linge & beurre fondu, comme on fait au reste que l’on veut conserver.

Croquets.

On appelle Croquets, certain composé d’une farce délicate, dont il s’en fait de gros comme un œuf, & d’autres comme une noix. On peu servir de ces premiers pour Entrée, du moins en Hors-d’œuvres ; & les autres ne sont que pour garnir. Pre

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nez pour cela des estomacs de Poulardes, de Poulets & de Perdrix. Hachez cette viande avec du lard blanchi, de la têtine de Veau cuite, quelques ris-de-Veau blanchis, des truffles & des Champignons, de la moëlle, une mie de pain trempée dans du lait, & toutes sortes de fines herbes, avec un peu de fromage à la crême, & de la crême de lait autant qu’on juge à propos : le tout bien haché & bien assaisonné, on y met quatre ou cinq jaunes d’œufs, & un ou deux blancs. Avec cette farce, on forme les Croquets en rond ; on les roule dans un œuf battu, on les pane en même tems ; & on les laisse reposer sur un plat, pour les frire ensuite avec du sain-doux bien propre, & servir chaudement. La même farce sert à farcir des Fricandeaux, & pour les Filets mignons dont il sera parlé ci-aprés.

Pour les petits Croquets, on le peut faire de la même farce, ou de toute autre qui soit un peu délicate & liée. On les empâte avant que de les frire, avec une pâte comme celles des beignets de pomme. On les peut aussi fariner ou paner ; & ils vous serviront pour garnir toute sorte de plats, où il y arua des Entrées de Volaille farcie : le tout servi chaudement.

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D.

Dain,

Est un animal sauvage assez semblable à la Biche : Voici la maniere de l’accommoder. Si on veut le manger rôti, lardez-le de gros lard, assaisonné de sel, poivre, clous pilez, & le mettez tremper avec vinaigre, laurier & sel : faites-le rôtir à petit-feu en l’arrosant ; & étant cuit, mettez anchois, capres, échalotes coupées, & citron verd dans la sausse, que vous lierez avec farine frite.

On le peut aussi piquer de menu lard, & le mettre à la marinade avec cinq ou six gousses d’ail : faites-le rôtir envelopé de papier, puis e mangez à la poivrade.

Le Fan de Dain se peut manger de même, hors qu’il ne lui faut pas la marinafe si forte.

Vous pouvez aussi servir pour grande Entrée, une cuisse deFan avec la croupe, moitié piquée, moitié panée, garnie de petits Pâtez, & une poivrade dessus, comme on en a vû un exemple page 28. Ou bien étant piqué de muenu lard, le manger à l’aigre-doux, faisant la sausse avec le degout, sucre, canelle, poivre blanc, ci

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tron verd, un peu de sel, farine frite, échalote coupée : Vous ferez boüillir le tout à petit feu, avec vin clairet ou vinaigre, & tournerez de tems en tems votre Fan, afin qu’il en prenne le goût ; puis mettez capres en servant.

Daubes,

Est un ragoût qui se mange froid, & qui est fort en usage aujourd’hui ; on le sert ordinairement pour cela de gigot de Veau, de gigot de Mouton, de Poulet d’Inde, de Canard, d’Oisons, & autres. Nous avons déjà expliqué une maniere de Daube pour le Poisson, dans le second article de la Carpe. Voici maintenant pour le gras.

Daube d’un Gigot de Veau.

Il faut ôter la peau du Gigot, le faire blanchir, le piquer de menu lard, & le mettre tremper en verjus, vin blanc, sel, un bouquet de fines herbes, poivre, laurier & clous : ensuite faites-le rôtir à la broche, l’arrosant dudit vin, verjus, & un peu de boüillon. Etant cuit, faites une sausse avec le degout, un peu de farine frite, capres, tranches de citron, jus de champignons & un anchos ; & laissez-y mitonner quelques tems votre Gigot de Veau, avant

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que de servir ; ce que vous ferez pour Entrée.

On peut accommoder de même une Eclanche deMouton à la Daube.

Daubes d’Oisons, & autres.

Vous larderez vos Oisons de moïen lard, assaisonnez de sel, poivre, clous, muscade, laurier, ciboule, citron verd, & les enveloppez dans une serviette. Faites-les cuire dans un pot, avec boüillon & vin blanc, & les laissez à demi refroidir dans leur boüillon. Servez sur uneserviette, avec tranches de citron.

C’est de la même maniere qu’on peut faire cuire les Poulets d’Inde, Chapons gras, Perdrix, & autres pieces.

Dindons.

Entre les manieres dont on peu accommoder des Dindons, soit rôtis, soit en ragoût, ces deux-ci sont sans doute des plus nouvelles, & celles par consequent qui meritent que nous en parlions les premieres. L’une est une Entrée de Dindons farcis aux fines herbes ; & l’autre, à l’essence d’oignons ; On met encore des Dindons en Salmi & à la sausse au Jambon, comme

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d’autres pieces qu’on eut voir dans la Table.

Dindons farcis aux fines herbes.

Prenez desDindons & les retroussez pour rôtir, mais ne les faites point blanchir. Il faut détacher la peau de dessus l’estomac pour les pouvoir farcir. Cette farce se fait avec du lard haché crud, du persil, de la ciboule, & toute sorte de fines herbes ; le tout bien haché, & même pilé un peu dans le mortier & bien assaisonné. On farcit les Dindons entre la peau & la chair, & un peu dans le corps. Il les faut ensuite bien procheter, & les faire rôtir. Etant rôtis, dressez-les dans le plat, & mettez un bon ragoût par-dessus, composé de toute sorte de garnitures ; & servez chaudement. Il s’en peut faire de même pour les Poulets, Pigeons, & autres Volailles : Et pour les déguiser d’un jour à l’autre, on peut les mettre à la braise, les aïant farcis comme ci-dessus ; étant cuits, les bien égouter, & les servir avec un bon ragoût de truffles & ris-de-veau, le tout bien passé, dégraissé & garni de petits croquets.

Entrée de Dindons à l’essence d’Oignons.

Il faut couper de l’oignon par tranches, & les passer dans une casserole, avec du

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lard. Etant passé, égoutez un peu de la graisse, mettez-y une pincé de farine, & passez-le encore ensemble ; puis u mettez de bon jus, quelques clous de girofle, & les autres assaisonnemens necessaires. Quand le tout est un peu cuit, on le passe par l’étamine proprement ; on y jette un filet de verjus & un peu de oculis de pain. Vos Dindons doivent être rôtis, étant bien ficelez aux aîles, sur l’estomac & aux cuisses ; Vous les dressez dans un plat, & jettez la sausse dessus bien chaudement ; & servez avec propreté.

AutresEntrées de Dindons.

On sert quelquefois de petits Dindons, un piqué, & l’autre non, rien que bardé, sans petre pané ; servi au jus.

D’autres fois, vos Dindons étant cuits à la broche bardez, enlevez les cuisses, les aîles & le blanc, & coupez-les par filets, que vous mettrez en ragoût aux Concombres passez au roux, avec une liaison rousse, & un morceau de citron en cuisant.

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E.

Echaudez glacez.

On sert des Echaudes glacez pour Entremets, ou pour garnir : ils se font de cette maniere. Prenez des Echaudez à l’eau, selon la grandeur de votre plat : coupez-les par la moitié, comme vous feriez une orange, qu’il y reste de la croûte dessus & dessous : mettez-les tremper dans du lait avec du sucre, à proportion de ce que vous aurez d’Echaudez. Couvrez-les & les mettez sur de la cendre chaude pour les tenir chaudement, environ quatre ou cinq heures : il ne faut pas qu’ils boüillent ; car ils deviendroient en boüillie. On les tire ensuite hors de là ; & quand ils sont bien égouté, vous les faites frire avec du sain-doux neuf. Etant colorez, il les faut tirer proprement, les sucrer de sucre fin, & les glacer dessus ; aprés tourner les Echaudez, & les glacer de l’autre côté : & l’étant ainsi de tous les deux, les servir chaudement.

Eclanche,

Est la cuisse d’un Mouton[2] ; nous la nommons aussi Gigot, sur-tout à la campagne ;

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& quoiqu’une Eclanche soit quelque chose de fort commun, on ne laisse pas de la pouvoir accommoder de plusieurs façons qui peuvent faire honneur. Voïons comment.

Entrée d’uneEclanche de Mouton farcie.

L’Eclanche étant cuite, tirez-en toute la viande, qu’il n’y reste que les os attachez ensemble. On dégraisse cette chair, & on la hache bien avec du lard blanchi, un peu de graisse ou de moëlle, des fines herbes, de la ciboule & du persil, un peu detêtine de Veau, une mie de pain trempée dans de bon boüillon, deux jaunes d’œufs & deux œufs entiers. Le tout étant bien haché & assaisonné, on met l’os dans le plat que l’on veut servir, & on fait paroître le petit bout de l’Eclanche. On met tout autour la moitié de ce godiveau. Vous faites un creux façonné comme est l’Eclanche ; vous trempez les mains dans un œuf battu, afin que rien ne s’y attache ; vous remplissez ce creux d’un ragoût de toute sorte de garnitures, bien passé & cuit & bien assaisonné ; & on acheve de le remplir avec la farce, qui fasse le même dessein qu’un Eclanche : le tout étant bien pané, mettez-le au four pour lui faire prendre couleur. Etant coloré, tirez-le du four : ôtez bien

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la graisse qui est autour du plat ; & par une petite ouverture au-dessus, mettez-y un peu de coulis bien fait, & recouvrez-le pour le servir chaudement.

Autres manieres.

On fait une autre moïenneEntée d’une grosseEclanche deMouton farcie à la crême. Vous la desossez & vous en prenez la chair, avec un morceau de Veau, de la panne, un morceau de lard, de la graisse de Bœuf, & vous hachez bien le tout ensemble. Vous y mettez un peu de ciboule & de persil haché, avec deux ou trois rocamboles, un peu de basilic & de thim, le tout bien haché & assaisonné de sel, poivre, épices fines, & un peu de coriandre. Vous mêlez & battez le tout dans un mortier, avec crême, jaunes d’œufs & mie de pain. Etant bien battu, vous en farcissez votre os en façon d’Eclanche : vous la dorez de blanc d’œuf, & mie de pain par-dessus ; & si vous voulez, vous la façonnez avec le dos du cpûteau. Vous la faites cuire au four sur un plat d’argent, ou tourtiere, avec des bardes de lard dessous. Il fautque votre farce soit assez forte, afin qu’elle ne se casse pas au four. Vous pouvez garnir de petits Pâtés, Cotelettes de

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Veau farcies, Poulets marinez, ou autre garniture convenable ; que le tout soit bien prorpe & de belle couleur.

On fait encore une moïenne Entrée d’une Eclanche deMOuton farcie dans sa peau, passée en ragoût avec cus d’artichaux, ris-de-Veau, truffles, champignons, foies-gras, pointes d’asperges, le tout bien assaisonné : garni de roulettes au fenoüil & poupiettes farcies, & jus de citron en servant.

Eclanche de Mouton à la Roïale.

Il faut prendre l’Eclanche, ôter la graisse & la chair qui est autour du manche, la battre & la piquer à gros lardons. On peu aussi larder de même quelque morceau de cuisse de Bœuf ou de Veau. Etant lardé, que le tout soit bien assaisonné, farinez l’Eclanche & la même viande, & lui faites prendre couleur dans du sain-doux chaud. Aprés il la faut empoter avec toute sortes de fines herbes, quelque oignon piqué de clous de girofle, avec de bon boüillon ou de l’eau, le tout bien couvert, & la faire cuire long-tems. Etant bien cuite, il faut avoir un bon ragoût de champignons, truffles, cus d’artichaux, pointes d’asperges, ris-de-Veau, le tout bien passé : on y met aussi quelque bon coulis.

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Vous tirez l’Eclanche de dedans le pot ; vous la dressez dans son plat, & coupez vos morceaux de Bœuf ou deVeau, par tranches bien prorpement, pour en faire une bordure tout au tour : il faut faire en sort que le lard paroisse à ces tranches. On met le ragoût par-dessus, bien chaudement : & si l’on veut que l’Eclanche en prenne bien le goût, quand elle est presque cuite, mettez-le cuire quelque peu dans le même ragoût ; & servez de même maniere. On peut aussi garnir de fricandeaux piquez, & marinade.

Entrée d’une autre Eclanche.

Prenez l’Eclanche, & o^tez-en la graisse comme ci-dessus. Lardez-la proprement, & l’assaisonnez bien, on la peut aussi larder de jambon crud. Il faut prendre la marmite, avec des bardes de lard & tranches de Bœuf ou de Veau, & les y ranger comme pour une braise : mettez-y ensuite votre Eclanche, avec du feu dessus & dessous ; & faites en sorte qu’elle prenne un bonne couleur. Lorsque cela sera, tirez cette viande & ces bardes de lard, & égoutez un peu de la graisse, sans neanmoins ôter encore l’Eclanche. Il faut mettre une bonne pincée de farine tout au tour de la marmi

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te, & lui faire prendre couleur avec l’Eclanche. Etant colorée, vous y remettrez la viande que vous aviez tirée, avec bon jus & un peu d’eau, & tiendrez la marmite bien couverte, achevant de la faire cuire entierement. Il faut que la saussi soit un peu liée. Si cela n’est pas, il faut y mettre un coulis de cette viande pilée qui étoit autour de l’Eclanche ; & le bien passer avec de bon jus. Vous y pouvez mettre aussi toute sorte de garnitures ; pointes d’asperges, morilles, champignons, mousserons, cus d’artichaux & marons, & faire cuire le tout ensemble ; même des truffles, des crêtes, & des ris-de-Veau, si l’on en a la commodité. Etant cuit, dressez votre Eclanche ; dégraissez bien le ragoût, & y mettez un filet de verjus. On peut garnir le plat deCotelettes de Mouton ou de Veau farcies, comme on a dit ci-devant.

Eclanche à la Chicorée, & aux Concombres.

Faites rôtir l’Eclanche, prenant garde qu’elle ne soit pas trop cuite. Cependant, faites un bon ragoût avec de la chicorée qui soit un peu blachie & coupée par tranches. Prenez du lard, & faites un petit roux,

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avec un peu de farine & de bon jus, le tout bien assaisonné, & un bouquet de fines herbes dedans, avec un filet de vinaigre. Faites cuire de la sorte votre chicorée, qu’elle ne soit pas noire, & qu’elle ait un peu de haut goût, & vous la servirez sous votre Eclanche. Vous en pouvez faire de même aux Concombres : mais il faut que lesConcombres aïent été marinez & coupez par petites tranches : & les passer ensuite de même maniere. Si vous ne voulez pas servir l’Eclanche entiere, vous la pouvez couper par tranches bien minces, & les mettre dans le même ragoût, prenant garde qu’ils n boüillent pas ensemble, & que la sausse ne soit ni trop liée, ni trop liquide. Le tout étant dégraissé, servez chaudement.

On peut encore servir une Eclanche cuite à la broche, avec une sausse Robert, où il entre des caprres & anchois ; soit pour Hors-d’œuvres, soit pour Entrée même, étant garnie.

Vous pouvez aussi mettre une Epaule de Mouton de toutes les manieres qu’on a vû pour Eclanche.

Ecrevice,

Est une espece dePoisson qui naît dans

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les rivieres & dans les ruisseaux vifs ; sa chair est fort delicate : il y a aussi celle de mer, mais qui est beaucoup plus grosse. Les ecrevices se peuvent accommoder de diverses manieres : on les peut mettre en Ragoût, en Hachis, en Tourte, les manger en Salade, & en faire des Potages tant gras, que maigres.

Pour le Ragoût ; faites cuire vosEcrevices dans du vin, vinaigre & sel : prenez ensuite les queuës, les pattes & le dedans du corps des Ecrevices, & les passez à la poële avec beurre roux, fines herbes menuës, un morceau de citron verd, sel, poivre, muscade, un peu de farine frite ; jus de champignons & de citron en servant.

Vous servez le Hachis, garni de pieds marinez & frits, aprés en avoir tiré la chair ; & vous en faites un cordon autour du plat.

Pour la Tourte ; voïez sous la lettre T. parmi les autres dont on y trouvera la maniere : & page 65. pour les Ecrevices en Salade, ausquels vous pouvez faire la Ramolade qui y est marquée, aprés les avoir fait cuire avec vin, vinaigre, sel, poivre, clous, laurier & ciboule ; & les servir entieres avec persil ver.

On les peut aussi passer à la poële à la sausse blanche, comme beaucoup d’autres

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choses. Voici pour lePOtage d’Ecrevices.

Potage d’Ecrevices.

Le boüillon de ce Potage est celui de Poissons que nous avons décrit ci-devant : ainsi prenez vos Ecrevices, & les faites cuire à l’ordinaire. Etant cuites, tirez-les, & mettez toutes les queües à part dans une casserole, avec des truffles, des champignons, cus d’artichaux, pointes d’asperges, selon la saison ; & passez ce ragoût, avec de bon beurre, & un peu de farine. Etant passé, moüillez-le de bon boüillon de Poisson, ou autre : ensuite mettez-y vos laites, un bouquet de fines herbes, le tout bien assaisonné ; & laissez-le cuire à petit feu.

Pour faire le coulis, il faut piler toutes les jambes & cuisses de vos Ecrevices : &tant pilées, les passer par l’étamine avec un peu de boüillon & une petite croûte de pain. Si vous voulez que votre coulis soit plus rouge, vous ne prendrez que les jambes de voz Ecrevices. Le tout bien passé, mettez-le à part. Il faut avoir d’autres Ecrevices ; leur laisser la queuë, & en ôter seulement la coquille & les petites jambes, pour border votrePotage. Prenez la chair d’une bonne carpe, & faites-en un bon hachis

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qui vous servira pour le mêmePotage. Mitonnez-le de bon boüillon : étant mitonné, si vous avez un pain farci du même hachis de Carpe, avec quelques petites garnitures, vous pouvez les mettre proprement sur votre Potage, le garnir de vos Ecrevices, distribuer votre ragoût par tout autour du pain & l’arroser tout d’un tems de votre bon coulis.

Vous pouvez aussi, pour garnir un semblable Potage, farcir les coquilles de vos Ecrevices d’une bonne farce de Poissons, qui soit un peu liée : les aïant farci, les fariner tant soit peu ; & quand on sera prêt de ervir, les frire dans du bon beurre chaud, & garnir votre Potage proprement, aussi-bien que les plats-ci-devant, sur tout le Hachis d’Ecrevices.

On fera aisément toute sorte de Potages gras auxEcrevices, qui se trouveront marquez dans ce Livre, en suivant ce que l’on vient de dire dans cet article, pour ce qui est du coulis, hors qu’on se servira de jus & de boüillon.

Eperlan,

Est un petit Poisson de riviere, qui se mange ordinairement frit ou rôti. Nous ne parlerons point des Potages d’Eperlans u boüillon blanc & brun ; ou en filets, que

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l’on peut servir : n’y aïant qu’à observer en cela la même chose, que pour d’autres Poissons. Voici seulement les Entrées qu’on en peut faire.

Vous les pouvez frire, & les servir à la sausse d’anchois fondus, avec beurre roux, jus d’orange, & poivre blanc.

Une autre fois mettez-les en casserole, les faisant cuire avec beurre & un peu de vin blanc, muscade, un morceau de citron verd, un peu de farine frite ; & en servant, mettez-y des capres & du jus de citron.

On les peut aussi faire cuire au court-boÜillon, avec vin blanc, citron verd, poivre, sel & laurier ; & les servir sur une serviette, avec persil & tranches de citron, pour les manger au vinaigre & poivre blanc ; ou bien y faire la Ramolade qui a été dite page 65.

Esturgeon,

Est un Poisson de mer qui passe quelquefois en eau douce : on en prit un il y a quelque tems dans la riviere de Saine, qui avoit neuf pieds de long ; sa chair est ferme & lourde.

Entrées d’Esturgeon au gras.

On accommode l’Esturgeon au gras de

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diverses façons : l’une, en maniere de fricandeaux bien piquez ; & l’autre, à la Sainte-Menehout, par grosses tranches. On prend pour celui-ci, du lait, duvin blanc, une feüille de laurier, le tout bien assaisonné, avec un peu de lard fondu : on fait cuire là-dedans doucement, les tranches d’Esturgeon, & ensuite on les pane & on les grille, & on y fait une sausse dessous, de même maniere qu’aux queuës de Mouton. servez chaudement.

Pour les fricandeaux du même Esturgeon : aprés les avoir coupez & piquez, on les farine tant soit peu, & ont leur fait prendre couleur dans du lard, ou du sain-doux. Etant colorez, on les met dans une casserole, avec de bon jus & de fines herbes, quelques tranches de citron, des truffles, des champignons, des ris-de-Veau, & un bon coulis : Le tout bien dégraissé & cuit, on y met un filet de verjus, & on le sert de même chaudement ; & tous deux pour Entrées & Hors-d’œuvres.

Autre maniere.

L’Esturgeon se peut aussi mettre en Haricot avec des navets. Vous les faites cuire à l’eau & au sel, poivre, thim, oignons & clous. Si vous avez du boüillon, vous y en

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mettez ; & si vous passez vostre Esturgeon au roux avec du lard : ensuite vous le mettez égouter, & le jettez dans un coulis preparé, avec vos navets, un peu de jambon en tranches, ou haché menu. Servez avec jus de citron, & garnissez de marinade, ou autre chose.

Esturgeon en maigre.

Vous le faites cuire dans un bon court-boüillon, & le passez en ragoût avec champignons, qu’il soit de bon goût.

Il s’en fait aussi un Haricot avec des navets, comme en gras, le coupant par morceaux comme le doigt : & étant cuit à l’eau & au sel, vous le passez aux roux ; & étant égouté, vous le jettez dans un coulis de même, & vous y mettez vos navets, blanchis & assaisonnez.

F.

Faisans.

Sont Oiseaux sauvages qui habitent les bois : ils sont de la grosseur du Coq domestique, aïant les plumes rgoueâtres, & longue queuë : la Faisanne au contreire, est toute grise, & n’est pas tout-à-fait si gros

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se ; c’est un excellent & délicat manger : nous en avons aussi de privez qui ne sont pas moins bons.

On peu servir deux Entrées de Faisans, fort particulieres : l’un, en Pâtée chaud ; & l’autre, à la sausse à la Carpe. Nous allons parler en premier lieu, decette derniere.

Entrée de Faisans, sausse à la Carpe.

Il faut avoir des Faisans bien retroussez, les barder d’une bonne barde de lard, les faire rôtir, & prendre garde qui’ls ne se sechent pas. Pour faire la sausse, prenez une casserole ; rangez au fonds de bonnes tranches de Veau, comme si c’étoit pour faire du jus : mettez avec ce Veau, des tranches de jambon, quelques tranches d’oignon, des racines de persil, & un bouquet de fines herbes. Il faut avoir une Carpe & la vuider, la laver dans une eauseulement, sans l’écailler ; la couper par morceaux, commesi c’étoit pour faire une étuvée, & l’arranger dans la même casserole. Allez sur le fourneau pour lui faire prendre couleur, comme si vous vouliez faire un jus ; & ensuite moüillez-la de bon jus de Veau, avec une bouteille de bon vin de Champagne, une gousse d’ail, des champignons hachez, des truffles, quelques

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petites croûtes de pain : Faites bien cuire le tout, prenant garde de ne point trop saler. Quand il est bien cuit : passez-le par l’étamine, à force de bras ; & faites que la sausse soit un peu liée. Si elle ne l’est pas, ajoûtez-y quelque coulis de Perdrix, & mettez-la dans une casserole. Auparavant que de servir, dressez vos Faisans dans un plat, & la sausse par-dessus. On les peut garnir de pain de Perdrix, dont il sera parlé ci-aprés en son rang.

Entrée d’un Pâté chaud de Faisans.

Prenez de la chair de Faisan & de la chair de Poularde, & un morceau de cuisse de Veau tendre ; hachez bien le tout ensemble, avec du persil, de la ciboule, des champignons, des mousserons, quelques ris-de-Veau, du jambon cuit & du lard crud. Etant bien haché, & assaisonné de fines herbes & épices, sel & poivre, formez-en un bon godiveau, & faites une pâte un peu forte. Si vous voulez, vous en ferez un Pâté à deux abaisses, ou seulement avec une. Vous ferez bien cuire votre Pâté ; & voulant servir, vous le dégraisserez, & y mettrez un coulis de champignons : Servez chaudement.

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Farce.

On fait d’une infinité de sortes de Farces, qu’il seroit difficile de particulariser mieux, qu’en parlant de chaque chose où on les emploie. On a vû ci-devant, par exemple, comme on compose celle des Croquets, des Cotelettes de Veau & de Mouton, des Dindons, des Eclanches ; & ainsi du reste. On renvoie donc à chacun de ces articles, pour trouver la maniere de chaque Farce ; & nous n’expliquerons ici, que la Farce de Poissons.

Pour faire une bonne Farce de Poissons.

Il faut prendre des Carpes, des Brochets, & autres Poissons que vous aurez ; le tout haché sur la table. Il faut faire une omelette qui ne soit pas trop cuite, & y hacher des champignons, des truffles, du persil & de la ciboule ; & après avoir formé l’omelette, mettez le tout sur la Farce, bien haché & bien assaisonné. On y peut mettre une mie de pain trempée dans u lait, du beurre, & quelques jaunes d’œufs ; faites, en un mot, que votre Farce soit bien liée. Elle vous peut servir pour farcir des Soles & des Carpes ur l’arête ; pour faire

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de petites Andoüillettes, pour farcir des Choux, former de petits Croquets, des Pigeons, & toute autre chose que vous jugerez à propos, comme si c’étoit en jours gras.

Filets.

Nous avons remarqué ci-dessus, ce qui regarde la maniere d’accommoder un Filet de Bœuf au concombre ; & nous avons observé en cet endroit, qu’il s’en peut faire de même de toute autre sorte de Filet. Voici pour les Flets mignons, que l’on sert dans les Entrées pour Hors-œuvres.

Pour faire des Filets mignons.

Il faut avoir de bons Filets de Bœuf, de Veau ou de Mouton ; les couper par grandes tranches ; & les bien applatir sur la table. Il faut ensuite avoir une Farce, composée de même qu’on verra pour le Pain au Veau, hors qu’elle sera liée de quelques jaunes d’œufs. Il y entre du lard, de la roüelle de Veau, un peu de graisse de Jambon cuit, quelque chair de Volalle, avec du persil, de la ciboule, des truffles & des champignons, du pain trempé dans du boüillon ou du lait, & un peu de rême de lait. Votre farce étant faite, étendez-la

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sur vos Filets ; suivant la quantité que vous en aurez, & roulez-les bien fermes. Aprés il faut avoir une casserole qui ne soit pas trop grande. Rangez des bardes de lard au fond, & quelques tranches de eau bien battuës ; mettez-y ensuite vos Filets farcis, bien assaisonnez, avec toute sorte de fines herbes, && quelques tranches de cibuole & citron. Couvrez-les par-dessus, de même que dessous, & les mettez à la braise, feu dessus & dessous, maisqui ne soit pas trop ardent, afin qu’ils suicent doucement. Etant cuits, il les faut tirer, laisser bien égouter la graisse, & les servir chaudement, avec un bon coulis, comme on juge à propos, & jus de citron. On y fait aussi un petit ragoût de truffles, si l’on veut. Si vous avez à faire quelqu’autre Entrée de Volaille farcie vous pouvez y emploïer la même farce, & les mettre à la braise avec vos Filets : & pour les distinguer, quand tout sera cuit, vous y ferez des ragouts ou coulis differens ; vous égouterez bien la graisse, & servirez chaque chose à part, le tout chaudement.

Filets de Poularde à la Crême.

Il faut prendre des Filets de Poularde rôties, & les couper par morceaux. Prenez une casserole, avec un peu de lard &

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du persil : & l’aïant passé avec un peu de farine, mettez-y des cus d’artichaux coupez en quatre, quelques champignons & tranches de truffles, un bouquet de fines herbes, un peu de boüillon clair, & les assaisonnez bien. Etant cuits, mettez-y vos filets : & un peu auparavant que de servir, versez-y un peu de crême de lait, & les tenez chaudement ; Pour les lier, vous delaïez un ou deux jaunes d’œufs avec de la crême ; & l’aïant passé proprement, vous servirez tout d’un tems, aussi pour Entrées & Hors-d’œuvres.

O sert encore des Filets de Poularde au blanc, aux huîtres & aux concombres ; des Filets de Mouton aux truffles ; d’autres en tranches au jambon ; & ainsi de plusieurs autres qu’on verra par la Table.

Pour les Filets de Poissons qu’on peut servir en Salade le Carême, voïez ci-devant, page 65.

Foies.

Entremets de Foes-gras à la Crèpine.

Il faut avoir des Foies-gras ; prendre les plus maigres, & les hacher avec du lard blanchi, un peu de graisse & de moëlle, des truffles & des champignons, quelques

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ris-de-Veau, un peu de persil & de ciboule, & du jambon cuit ; le tout bien haché, & lié d’un jaune d’œuf. Coupez de la crêpine par morceaux, selon la grosseur de vos Foies, pour les pouvoir bien rouler dedans : mettez de la farce sur cette crêpine coupée, & ensuite un Foie-gras dessus, & puios encore de la farce par-dessus, & faites que le tout soit bien renfermé dans la crêpine. Vous mettrez ces foies ainsi accommodez, sur une feüille de papier, pour les faire griller avec un peu de lard fondu ou bien dans une tourtiere, & les mettez au four. Etant uits, tirez-les, égoutez bien la graisse, & les dressez dans un plat, avec un peu de jus chaud dessus, assaisonné d’un peu de poivre & de sel ; & aïant pressé le jus d’une orange, servez chaudement.

Entremets de Foies-gras & Champignons.

Aprés avoir levé proprement l’amer de vos Foies, prenez une tourtiere, & mettez quelques bardes dessous, & les Foies dedans : assaisonnez-les, & les couvrez d’autres bardes de lard par-dessus ; & les aïant bien couvert, mettez-les cuire au four, prenant garde qu’ils ne sechent trop. Prenez des champignons bien épluchez & bien lavez : mettez-les dans un plat avec un peu

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de lard, & un filet de verjus ; les aïant auparavant dessechez de leur humidité, en les mettant sur le feu. Passé à part quelques tranches de Jambon, avec un peu de lard & de farine, & un bouquet de fines herbes. Etant passé, mettez-y du bon jus de Veau qui nesoit pas salé, & faites-le cuire avec les champignons & les Foies bien égoutez le tout dans[3] la même sausse. Sur la fin, liez-la de quelque liaison, s’il est besoin ; & l’aïant dégraissé, mettez-y un filet de vinaigre, & servez chaudement. On garnit le plat de tout ce qu’on veut, pourvû que ce soit des pieces d’Entremets.

Autres Foies-gras, pour Entremets.

Il faut prendre des Foies-gras, qu’ils soient bien propres, & avoir une tourtiere. A chque Foie, faites-y une petite barde de lard, & les rangez separément dans la tourtire, & les Foies dessus bien assaisonnez. Vous les recouvrirez d’une autre barde de lard, & panerez proprement, pour les mettre au four & les faire bien cuire, qu’ils soient d’une belle couleur. Quand ils seront cuits & bien colorez, tirez-les du four, & les rangez proprement dans un plat, les aïant bien égoutez ; On y peut mettre un peu de quelque bon jus, & y presser le

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jus d’une orange ; & ensuite servir sur le champ, tout chaud.

Foies-gras au jambon.

Prenez du jambon, que vous couperez bien mince, & le pasez au roux, & vos Foies, avec une ciboulette & un peu de persil bien menu. Vous les ferez cuire à petit feu, bien assaisonnez, avec un morceau de citron ; & les servirez au jus de bon goû, pour Hors-d’œuvres, & Entremets.

Foies-gras à la braise.

Vous les oudrez de sel menu & poivre ; & les aïant envelopez d’une barde de lard, & mis dans une feüille de papier, que vous moüillez un peu par-dessus, de peur qu’ils ne brûlent, vous les ficelez & les mettez entre deux braises, cuire doucement. Servez avec le jus.

Autre Entremets de Foies-gras ;

Prenez les Foies ; les aïant levé l’amer proprement, faites-les un peu blanchir : tirez[4]-les ensuite dans de l’eau fraîche, & les[5] mettez aprés, avec la même eau, dans un[6] plat, bien assaisonnez. Hachez-y un

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peu de champignons, de truffles, du persil & de la coboule, & mettez cuire le tout ensemble. Pour ce qui est desFoies, envelopez-les dans de bonnes bardes, comme ci-dessus, & mettez-les au four, qu’ils prennent belle couleur ; & en cas qu’ils n’en aïent pas assez, donnez-leur-en avec la pêle rouge. Quand il faudra servir, égoutez bien la graisse ; rangez vos Foies dans un plat, & mettez-y un peu de jus par-dessus, avec le jus d’une ou deux oranges.

Fricandeaux.

Les Fricandeaux servent non-seulement pour garnir de Entrées fort riches, mais aussi pour en faire des plats particuliers. Quand c’est pour garnir, on ne fait que les piquer : mais quelquefois aussi on les farcit, comme quand on en fait un plat ; ce qui se pratique de cette maniere.

Pour les Fricandeaux farcis.

Il faut avoir de la cuisse de Veau coupée en Fricandeaux un peu minces, & les piquer : aprés avous les rangerez sur la table, le lard en dessous ; vous mettrez sur le milieu, un peu de quelque bonne farce, & vous passerez la main sur le bord, l’aïant

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trempée dans de l’œuf ; afin que le Fricandeau que vous mettrez par-dessus, s’y attache bien, & qu’il soit comme une même chose. Le lard doit paroître de tous côtez. Rangez ces Fricandeaux dans une casserole, & les mettez sur de la braise, bien couverts ; mais point de feu dessus, & qu’il ne soit pastrop ardent. Il leur faut faire prendre couleur de deux co^tez, ensuite les tirer, & égouter un peu de la graisse, afin qu’on y puisse faire un petit roux avec un peu de farine : aprés vous les moüillerez avec de bon jus qui ne soit pas noir, & les remettrez dans la casserole, pour les faire bien cuire. Si l’on veut s’en servr pour garnir, o les laissez de la sorte : mais si vous voulez qu’ils vous servent de plat, il y faut mettre quelques truffles, des champignons & ris-de-Veau, quelque bon coulis de pain ; & degraisser bien le tout. Avant ue de servir, jettez-y un filet de erjus ; rangez-les dans un plat, votre ragoût par-dessus, & servez chaudement. Plusieurs appellent cette sorte de Fricandeaux, du Veau à l’escalope.

Voïez ci-aprés, des Fricandeaux pour faire une Grenade.

 

[1]             Ces deux derniers mots soudés.

[2]             Le texte porte : Mouoton.

[3]             Le texte porte : daus.

[4]             Le texte porte : irez.

[5]             Le texte porte : tes.

[6]             Le texte porte : ln.

1705- Le cuisinier roïal et bourgeois (Massialot) (251-300)

[251]

G.

Galantine.

ON a expliqué dans l’article des Cochons de lait, ce que c’est qu’un Entremets de Galantine, & l’on y a marqué la maniere de le servir, & dequoi le garnir. On ajoûtera seulement ici, qu’on le peut aussi garnir de sa peau bien panée, & bien colorée par le moïen de la pêle rouge ; & au surplus on renvoie le Lecteur à l’endroit qu’on vient d’indiquer.

Galimafrée.

Ce n’est pas une chose fort nouvelle, ni fort difficile, que de mettre une épaule de Mouton, ou autre chose, en Galimafrée : cependant, comme cela peut servir à diversifier les Services, dans les Ordinaires où l’on a plus de viande de Boucherie que de Volaille, en voici la maniere.

Levez la peau de l’épaule de Mouton, qu’elle tïenne neanmoins au manche : hachez la chair menuë, passez-la à la poële avec lard fondu, fines herbes, ciboules entieres que vous ôterez, sel, poivre, muscade, champignons, citron verd, & du boüillon

[252]

pour cuire le tout ensemble ; ensuite vous le dresserz sous votre peau, que vous ouvez paner & colorer, & jus de citron, & autre bon jus en servant.

Gelée.

On a vû dans l’article du blanc-manger une sorte de Gelée : on a vû aussi celle de corne de Cerf pour les jours maigres. Voici de la Gelée pour les malades, que ceux qui se portent bien trouveront encore meilleure, la servant pour Entremets, comme le reste.

Maniere de faire de la Gelée.

Il faut prendre des pieds de Veau, selon la quantité de Gelée qu’on veut faire. Aïez aussi un bon Coq ; & aïant bien lavé le tout, mettez-le dans une marmite, & remplissez-la d’eau à proportion. Aprés fdaites-la cuire, & écumez sur-tout avec soin. Quand ces viandes sont presque défaites, c’est signe que votre gelée est assez cuite. Prenez garde qu’elle ne soit pas trop forte. Il faut avoir une belle casserole ; passer la Gelée par l’étamine, rien que le boüillon ; la bien dégraisser, avec deux ou trois aîles de plume ; y mettre du sucre à proportion, de la canelle en bâton, deux ou trois clous de gi

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rofle, l’écorce de deux ou trois citrons, dont voue garderez le jus. Vous ferez cuire quelque peu votre Gelée avec tout cela ; & cependant faites de la nége avec quatre ou six blancs d’œufs : pressez-y le jus de vos citrons, & versez le tout dans la Gelée, les remuant un peu de tems ensemble sur le fourneau. Laissez-les ensuite reposer, jusqu’à ce que le boüillon s’élevera prêt à répandre hors de la casserole. Il faut alors avoir la chauffe prête, vuider la Gelée dedans, & la passer deux ou trois fois, jusqu’à tant que vous la voïez claire. Lorsque la Gelée cuit avec les viandes, il y en a qui y mettent un peu de vin blanc. Pour la servir, il faut la mettre dans un lieu bien froid, afin qu’elle prenne proprement dans vos plats.

Couleurs qu’on peut donner à la Gelée.

Ces couleurs étant bien ménagées, pêuvent faire un effet fort agréable dans un Blanc-manger, ou autre semblable. On peut, par exemple, laisser de la gelée dans sa couleur naturelle ; en blanchir d’autre, avec des amandes pilées & passés à l’ordinaire : pour le jaune, y mettre quelques jaunes d’œufs : à la gris-de-line, un peu de cochenille : pour la rouge, du jus de

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betterave, ou du tornesol de Portugal : pour la violette, du tornesol violet, ou poudre de violettte : & pour la verte, du jus de feüilles de poirée, que vous ferez cuire & consumer dans un plat, afin d’en ôter la crudité.

Gigot.

Il n’est plus ici question d’un Gigot de Mouton, puisqu’on en a montré assez de manieres sous le mot d’Eclanche ; on a même vû la maniere de mettre un Gigot de veau à la Daube : en voici encore quelques autres.

Jambon de Mouton.

Aïez Gigot ou Eclanche de Mouton, le plus gros & le plus gras que vous pourrez trouver ; levez-en proprement la peau, & en coupez le bout du manche ; piquez-le ensuite de clous de girofle, de feüilles de laurier, & des rameaux de sauge séche : aprés cela, mettez-le tremper pendant vingt-quatre heures dans du vin blanc avec du sel, du poivre, du clou, du gingembre, de la muscade & de la canelle ; le tout en poudre, avec un bouquet de fines herbes : bouchez bien le vaisseau dans lequel il est, & le mettez en un lieu frais ; ensuite tirez-le, & le laissez un peu égouter. Aïez un

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Jambon frais un peu plus gros que votr gigot ; levez-en proprement la peau, le lard y tenant ; poudrez ensuite votre gigot de sel, poivre, clous, canelle, muscade, sauge & gingembre battu ; puis couvrez-le de la peau de votre Jambon, que vous coudrez aux extremitez : aprés cela vous le mettrez parfumer à la cheminé, pendant vingt-quatre heures : ensuite faites-le cuire dans un chaudron avec une pinte du vin le plus clair dans lequel a trempé votre gigot, avec cinq pintes d’eau, & un bouquet de fines herbes ; étant cuit, levez chaudement la coëne, en sorte que le lard tienne sur le Jambon[1], que vous servirez froid pour Entrée.

Gigot de Veau farci.

Il faut faire la farce de la même chair, avec graisse & lard, fines herbes, ciboules, poivre, muscade, sel, jaunes d’œufs cruds & champignons ; & l’aïant cousu, faites-le cuire avec bon boüillon. Vous en pouvez faire une Entrée, ou le servir en Potage, faisant un coulis de jaunes d’œufs cuits & amandes, passez par l’étamine avec le même boüillon. En servant, mettez jus de citron & bon jus ; & garnissez de champignons farcis & en ragoût, ou autre chose que vous aurez, comme cotelettes, ris-de-Veau, &tc.

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Gigot de Veau à l’estoufade.

Lardez-le de gros lard, & le passez par la poële, mettez-le étoufer dans une terrine, avec champignons, une cuillerée de boüillon, un verre de vin blanc, assaisonné de sel, poivre, un bouquet de fines herbes, clous & muscade. Quand il sera cuit, passez parine par l poële pour lier la sausse ; & garnissez de pain frit, ris-de-veau, & jus de citron en servant.

Grillade.

Quand on a quelque Volaille froide, comme Poulets ‘Inde ou autre ; pour en faire une Entrée, vous en pouvez prendre les aîles, les cuisses & le croupion ; les griller avec sel & poivre, passer farine par la poële avec lard fondu, y mettre huîtres, anchois, capres, muscade, un peu de laurier & de citron verd, un filet de vinaigre & un peu de boüillon ; faire mitonner le tout ensemble.

Grive,

Est un Oiseau un peu plus gros qu’une alloüette : la veritable saison de les manger, est le tems de la vendange ; auquel tems, elles sont fort grasses, sur tout, lorsqu’el

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les ont mangé du raisin. On peut imiter pour les Grives, les apprêts qu’on trouvera pour les pieces approchantes. Il s’en peut faire entr’autres, un Pâté chaud & un Ragoût ; les passant à la poële, pour ce dernier, avec lard fondu, un peu de farine, un bouquet de fines herbes, poivre, sel, muscade, un peu de vin blanc, capres & jus de citron en servant.

Pour le Potage qu’on a marqué au boüillon brun, passez-les de même avec lard fondu, les aïant vuidées, & mettez-les cuire avec du boüillon propre à cela, comme on a vû, lettre B. Passez aussi les foies à la poële avec le même lard ; & ensuite pilez-les, & les passez par l’étamine avec le même boüillon : & vous le mettrez dans vos Grives, ou sur votre Potage, l’aïant dressé & garni de champignons.

Godiveau.

On a déjà pû voir diverses manieres de Godiveaux pour differentes choses : il suffira de toucher ici la maniere de faire le Godiveau d’un Poupeton, qui peut servir pour beaucoup d’autres semblables.

Pour faire le Godiveau d’un Poupeton.

Prenez de la cuisse de Veau, de bonne

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graisse blanchie & du lard blanchi, le tout bien haché. Mettez-y quelques truffles & champignons hachez, de la ciboule, du persil, une mie de pain trempée dans e bon jus, quatre œufs, deux entiers & deux jaunes ; & formez le Poupeton comme un Pâté dans la casserole, avec des bardes de lard dessous. Il faut avoir des Pigeons bien passez, avec toute sorte de fines herbes & de bonnes garnitures, & quelques petites tranches de jambon bien minces ; le tout bien assaisonné. Mettez vos Pigeons dans le Poupeton, & achevez de les couvrir avec la farce ; Afin qu’il ne creve pas, on bat un œuf, & avec la main on l’accommode proprement. On renverse dessus les bardes qui sont autour ; & on le fait cuire à la braise, à petit feu dessus & dessous. C’est ce qu’on appelle un Poupeton farci de Pigeonneaux. On le sert pour Entrée. On en peut farcir de Cailles, ou autres semblables choses.

Grenade.

Pour faire une Grenade, il faut avoir une quantité de fricandeaux piquez de petit lard, & une casserole ronde qui ne soit pas trop grande. Mettez-y de belles bardes de lard dessous, & rangez vos fricandeaux, le lard

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en dehors ; qu’ils soient en pointe au milie, & qu’ils se touchent l’un l’autre, de peur que cela ne se défasse en cuisant : on les fait tenir ensemble avec du blanc d’œuf battu, dans lequel on moüille la main, pour les humecter par les bords qui doivent être plus minces que le reste. On met dans le creux que cela fait, & tout autour, un peu de la farce des Mirotons, ou autre godiveau ; reservant le milieu pour y mettre six Pigeons, passez en ragoût de ris-de-Veau, truffles, champignons & petites tranches de jambon, le tout bien assaisonné ; & le ragoût, on le jette dedans aussi, comme si c’étoit un Poupeton. On couvre le dessus du reste de la farce, la façonnant avec la main trempée dans de l’œuf ; & on joint les fricandeaux tout contre. On met par-dessus encore quelques bardes de lard ; & on le fait cuire à la braise, afin qu’il prene belle oculeur. Pour servir, il faut le renverser sens dessus dessous ; & l’aïant bien dégraissé, vous ouvrirez la pointe des fricandeaux, comme à une Grenade, & servirez chaudement.

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Grenadin

De Poularde, Poulets, Pigeons, Perdrix ; & de toute sorte d’autre Volaille.

Il faut faire un bon godiveau, de la même maniere que pour les Poupetons ci-devant ; se souvenir de lier le godiveau de jaunes d’œufs, & avec de la mie de pain trempée dans de bon jus, ou dans une goute de crême de lait. Le godiveau étant fait, prenez une tourtiere suivant la grandeur de votre plat, & y mettez des bardes de lard bien minces : mettes votre godiveau sur ces bardes ; & avec la main trempée dans un œuf battu, formez un creux selon la grandeur de votre assiette ou plat, élevant les bords de la hauteur de trois doigts, & qu’ils soient un peu resistans. Prenez vos Poulardes cruës, ou autres Volailles ; coupez-les en deux, & les battez bien. Passez-les ensuite dans une caserole, avec du lard, du persil & de la ciboule, & un peu de farine ; & y mettez ensuite un peu de jus, les assaisonnant bien. On y ajoûte des truffles en tranches, des champignons & ris-de-veau. Le tout étant presque cuit, en sorte qu’il n’y ait pas grande sausse, rangez ces volailles dans votre Grenadin, & le panez propre

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ment par-dessus, pour lui faire prendre couleur au four. L’aïant tiré, il le faut bien égouter, couper les bardes autour, & le faire couler sur vote plat & assiette. On y peut mettre un oculis de champignons, & servir chaudement pour Entrée.

Gruot,

Est une farine d’avoine grossierment mouluë, dont on fait une décoction avec de l’eau ou du lait : celui de Bretagne est le plus estimé. Plein une cuillere à bouche de Gruot, suffit pour une chopine d’eau ou de lait, que l’on fait boüillir ensemble : on peut y mettre un peu de sucre ; c’est un remede fort rafraîchissant, & fort bon pour les poitrines foibles.

Entremets de Gruot.

Il faut prendre du Gruot, le mettre dans une petite marmite, la remplir de lait, avec un morceau de canelle en bâton, un peu d’écorce de citron cerd, de la coriandre, un peu de sel, & un clou de girofle. Faites-le oüillir jusqu’à tant qu’il forme une crême délicate ; aprés cela, pasez-le par l’étamine ; & l’aïant vuidé dans une cuvette, mettez-y un peu de sucre. Tenez-

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le ensuite sur un fourneau qui ne soit pas trop ardent, parce qu’il ne faut pas qu’il boüille davantage ; Il le faut remuer de tems en tems legerement ; & quand le sucre sera fondu, posez-le sur de la cendre chaude & le couvrez, de maniere qu’il s’y formera une toile épaisse dessus. Vous le servirez chaudement dans la même cuvette.

H.

Hachis.

Pour faire un Hachis de Perdrix, vous observez le même que vous feriez pour un Hachis ordinaire de Mouton. Vous y pouvez ajoûter du jambon, le délaïer avec bon jus ; & garnir de petits croûtons de pain frit, & jus de citron en servant.

Dans un Hachis de Carpe, mettez-y un peu de capres, champignons, truffles, & autres garnitures que vous aurez ; le tout bien haché & bien assaisonné.

Il y a encore d’autres Hachis, que l’on trouvera par le secours de la Table, aux lieux où ils se rapporteront en particulier.

Haricots.

On a vû ci-devant la maniere de faireun

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Haricot de Mouton en parlant des cotelettes. On en peut aussi faire de Poissons, comme il est marqué pour le Borchet en Haricot, & autres. Voici pour les Legumes qu’on nomme Haricots.

Maniere de conserver & accommoder des Haricots.

On en peut conserver de deux façons ; ou confits dans du vinaigre, de l’eau & du sel, comme les concombres ; ou bine séchez, aprés les avoir épluchez & blanchis. On les fait sécher au Soleil : & quand ils le sont bien, vous les mettez dans un lieu qui ne soit point humide. Pour les faire revenir, vous les faites tremper durant deux jours à l’eau tiede ; & ils reprennent presque la même verdeur, que quand on les a cueillis. Vous les faites ensuite blanchir, & vous les accommodez à l’ordinaire. A ceux que l’on confit ou marine ; quand ils sont bien assaisonnez dans un pot, avec quelquesclous & un peu de poivre, il faut les bien couvrir, de peur qu’ils ne se gâtent ; on peut y mettre du beurre fondu par-dessus. A mesure que vous les voulez emploïer, vous les faites tremper dans de l’eau, comme les autres, afin qu’ils se dessalent bien ; & aprés ils vous peuvent servir,

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ou pour Salade, ou pour Entremets, aprés les avoir blanchis & passez à la crême.

Hattelettes.

Les Hattelettes sont encore un piece d’Entremets : Voici ce que c’est. Prenez des ris-de-Veau, & les faites blanchir : il les faut couper en petits morceaux, avec des foies et du petit lard blanchi, & passer le tout avec un peu de persil, de ciboule & de farine, & le bien assaisonner. tant presque uit, en sorte qu’il y ait un peu de sausse, & qu’elle soit liée ; faites de petites Hattelettes, de ris-de-Veau & de petit lard, selon la grandeur de vos Hattelettes : trempez-les dans la sausse ; & les aïant panez, vous pourrez les faire griller, ou frire.

On en garnit aussi des plats de Rôti.

Huites,

Sont certains Poissons de mer qui naissent entre deux écailles : ils se mangent cruds, avec du poivre à déjeûner, & d’autres façons.

Maniere d’accommoder des Huîtres.

Il les faut mettre dans une casserole avec

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un peu d’eau & du verjus, & leur faire donner un boüillon. Tirez-les ensuite de là ; & l’eau qui est dans les écailles, conservez-la, pour la mettre dans les ragoûts, lorsqu’on est prêt à servir.

On fait de cette sorte une Entrée de Poulets farcis aux Huîtres, comme on le marquera dans l’article des Poulets, lettre P. & l’on a déjà observé la maniere d’accommoder du Brochet & autres Poissons aux Huîtres, qui se pratique à l’égard de beaucoup d’autres choses. Voici pour servir des Huîtres en particulier.

Huîtres à la Daube.

Vous prendrez des Huîtres que ous ouvrirez, & les assaisonnerez de fines herbes, comme persil, ciboule, thim, basilic, fort peu dans chaque Huître, & aussi du poivre & un peu de vin blanc. Ensuite vous les recouvrirez de leur couvercle, & les mettrez au feu sur le gril ; & de tems en tems vous mettrez la pêle rouge par-dessus. Etant prêt à servir, vous les dresserez, & servirez découvertes.

Huîtres farcies.

Vous ouvrez os Huîtres & les faites

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blanchir ; aprés vous les hachez bien, avec persil, ciboule, thim, sel, poivre, anchois & bon beurre. Vous faites tremper une mie de pain, que vous y mêmez, avec muscade & autres épices douces, deux ou trois jaunes d’œufs, & vous pilez le tout ensemble. Vous en farcissez vos coquilles d’Huîtres ; & les aïant dorées ou panées, vous les mettez cuire au four sur un gril, & les servez à sec, ou avec jus de citron.

Huîtres marinées & frites.

Aprés les avoir fait mariner au jus de citron, on les peut mettre en beignets, & les frire de belle oculeur.

HUre,

Est un nom particulier à la tête du Saumon & du Sanglier : on l’applique aujourd’hui, à celles de tous les gros poissons.

Hures de Poisson.

Nous avons remarqué dans l’article du Brochet, qu’on en peut mettre la Hure au court-boüillon. On la peut aussi servir en Potage, de même que d’autres ; sur tout celle de Saumon salé, pour laquelle observez ce qui suit.

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Ecaillez votre Hure de Saumon ; lardez)la de lardons d’Anguille, assaisonnez de poivre ; passez-le à la poële avec beurre roux, & faites-la cuire dans une terrine, avec purée claire, fines herbes & citron verd : ajoûtez-y des ca^res, champignons & huîtres passez à la poële au beurre roux, avec un peu de farine ; & dressez le tout proprement sur votre Potage avec jus de citron en servant.

Entremets d’une Hure de Sanglier.

Il faut prendre la Hure, & la bien faire brûler à feu clair ; ensuite la froter avec un morceau de brique, à force de bras, pour en ôter tout le poil. Vous acheverez de la ratisser avec les coûteau, & la nettoïerez comme il faut. Aprés cela, vous le desosserez, ôtant les deux mâchoires & le museau : vous la fendrez en dessous, de maniere qu’elle se tienne attachée dessus par sa peau ; & ous ôterez la cervelle & la langue. Vous prendrez votre coûteau, & avec la pointe vous ferez penetrer du sel dans toute la chair. Ensuite vous la remettrez & joindrez ensemble, & la ficelerez bien, l’envelopant dans une serviette. Il faut avoir un grand chauderon, & la mettre dedans proprement, avec une grande quantité d’eau, toute sorte de fines herbes,

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e la panne e Cocho, de la coriadre deux feülles de laurier, de l’anis du clou de girofle & muscade rompuë, & du sel, si vous croïez qu’il n’y en ait pas assez ; y faut encore de l’oignon & du romarin : & étant à demi cuite, vous y mettrez une bouteille de bon vin, & acheverez de la faire cuire l’espace de douze heures. On peut aussi faire cuire la langue dans le même boüillon. Si vous avez le tems, vous pouvez laisser la même tête dans son sel, & la saler auparavant que de la faire cuire. Etant cuite, laissez-la refroidir dans son boüillon ; ensuite tirez-la, rangez-la proprement dans un plat, & la servez froide, entiere, ou par tranches.

I.

Jambon,

Est la cuisse d’un Porc que l’on a salé, & que l’on a mis parfumer à la cheminée. Les plus estimez, sont ceux de Baïonne & de Maïence : on en fait aussi de Poisson pour le Carême.

Pour faire l’essence de Jambon.

Il faut avoir de petites tranches de Jambon crud, les battre bien, & les passer

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dans la casserole avec un peu de lard fondu : mettez-lessur un réchaut allumé, & aïant une cuillere à la main, faites-lui prendre couleur avec un peu de farine. Etant coloré, on y met de bon jus de Veau, un bouquet de ciboule & de fines herbes, du clou de girofle, une gousse d’ail, quelques tranches de citron, une poignée de champignons hachez, des truffles hachées, quelques croûtes de pain, & un filet de vinaigre. Lorsque tout cela est cuit, passez-le proprement par l’étamine, & mettez ce jus en lieu propre, sans qu’il boüille davantage : Il vous servira pour toute sorte de choses où il entre du Jambon.

Pour faire le Pain au Jambon.

Passez vos tranches de Jambon comme ci-devant, hors qu’il n’y faut point de champignons, ni les passer par l’étamine. Etant cuit, s’il n’est pas assez lié, on y mettra un peu de coulis de pain. Il faut avoir un Pain dePotage, le fendre par le milieu, de maniere que les deux croûtes, dessus & dessous, soient entieres, ôtez la mie de deans, & faites-le secher & prendre couleur à l’air du feu, ou au four, qu’il soit roux. Quand on sera prêt à servir, prenez les deux croûtes, joignez-les ensemble

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dans un petit palt, les aïant fait un peu tremper dans la sausse : mettez votre ragoût dedans, & la sausse entre-deux. On peut garnir avec des foies à la crêpine, & servir pour Entremets.

Pâté de Jambon.

Aïez un bon Jambon ; ôtez la peau ou coëne, & la mauvaise graisse : coupez le manche, & levez l’os du milieu. Aprés envelopez-le de bardes de lard & tranches de Bœuf, avec de fines herbes & épiceries, des tranches d’oignons, une feüille de laurier ; & étant ainsi bien couvert, mettez-le à la braise, un couvercle par-dessus, qu’il ne respire de nulle part. Vous le ferez cuire environ douze ou seize heures, que le four ne soit pas trop ardent : étant cuit, laissez-le refroidir dans la même marmite. Formez cependant une grosse pâte, avec un peu de beurre, un œuf, de l’eu & de la farine. Prenez le plat dans lequel ous voulez servir, & faites un grand bord autour avec ette pâte, que ce bord soit épais & ait du pied, afin qu’il puisse se soutenir, parce qu’il n’y a point de fond. On façonnera ce rebord en dehors, avec de petits fleurs-de-lys & autres ouvrages. Faites-le cuire dans le four ; & étant cuit, tirez votre

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Jambon, ôtez-en tout la graisse qui est autour, & le mettes dans votre plat avec le jus qu’il aura rendu. Vous mettrez aussi des mêmes tranches de Bœuf pour remplir les intervalles, & de la graisse ; & l’acheverez de remplir, comme s’il avoit été fait dans le Pâté. Il y faudroit un peu de persil haché, & le poudrer de chapelûre de pain ; lui faire prendre couleur avec la pêle du feu rouge, & servir froidement.

Autre Entremets de Pâté de Jambon.

Otez la peau & la mauvaise graisse, coupez le bout & le desossez comme ci devant. Faites une grosse pâte bise, avec de la farine de seigle & de l’eau ; dressez votre Pâté rond, d’une grande hauteur : mettez au fond une quantité de lard haché & pilé ; rangez-y ensuite le Jambon, & y mettez des feüilles de laurier, quatre ou cinq tranches de citron, & plusieurs autres bardes de lard au-dessus. Couvrez-le ensuite de l’abaisse ; le tout façonné, dorez-le d’un jaune d’œuf, & le faites cuire au four des six heures ; & servez froid.

Jambon en ragoût à l’hipocras.

Il faut passer des tranches de Jambon

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cruds par la poële ; faire une sausse avec sucre, canelle, un macaron pilé, vin vermeil, un peu de poivre blanc concassé, & y mettre vos tranches & jus d’orange en servant.

Le Jambon se sert d’ailleurs sur le pied de Salé, avec Saucissons & Langues fourrées.

Voïez ci-aprés l’Omelette de Jambon, lettre O. & les Poulets & Pigeons au Jambon, lettre P. chacun en sa place ; comme aussi le coulis de Jambon, ci-devant page 203.

Jambon de Poisson.

Prenez chair de Tanches, d’Anguilles & de Saumon frais, & des laites de Carpes, que vous hacherez & pilerez dans un mortier, avec sel, poivre, muscade & beurre. Mëlez bien toutes ces chairs ensemble, & formez-en une maniere de Jambon, sur des peaux de Carpes. Vous enveloperez le tout dans un linge neuf, que vous coudrez bien serré, & le ferez cuire avec moitié eau & vin, assaisonné de clous, laurier & poivre : laissez-le refroidir dans son boüillon ; & servez avec laurier, fines herbes coupées menu, & tranches de citron. Vous le pouvez aussi couper par

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tranches, comme le véritable Jambon.

On peut imiter de la même maniere une Eclanche ou Epaule ; comme aussi des Poulets & Pigeons, ou avec la farce qu’on a pû voir, lettre F.

Julienne,

Est le nom d’un Potage de consquence : en voici la maniere. Faites rôtir une Eclanche de Mouton, & la dégraissez bien : ôtez-en la peau ; & quand elle sera rôtie, mettez-la dans une marmite grande à proportion, pour qu’il y ait du boüillon pour votre Potage. Mettez ensemble un bon morceau de tranches de Bœuf, de roüelle de Veau, un bon Chapon, deux carotes, deux navets, autant de panais, racine de persil, celeri, & quelque oignon piqué : faites cuire toute cela long-temps, afin que votre boüillon soit bien nourri. Il faut avoir dans une autre petite marmite, trois ou quatre paquets d’asperges, un peu d’ozeille coupée de deux coups de coûteau, & du cerfeüil. Vous le ferez bien cuire, avec du boüillon de votre marmite ; & vos croûtes étant mitonnées, vous rangerez vos asperges & votre ozeille par-dessus, & rien auttour.

On fait aussi des Potages à la Julienne, de Poitrine de Veau, Chapon, Poulard,

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Pigeons, & autres viandes. Les aïant bien appropriées & fait blanchir, vous les empotez avec de bon boüillon & un bouquet de fines herbes. Vous y ajoûtez ensuite les racines & legumes ci-dessus, dont vous garnissez le Potage, avec des montans d’asperges rompus, rien que le verd, comme des petits pois.

Jus.

On a marque la maniere de tirer le Jus de Champignons, tant pour les Potages, que pour autre chose. En voici quelques autres.

Jus de Veau.

Coupez une roüelle de Veau en trois, mettez-la dans un pot de terre, & le bouchez de telle sorte avec son couvercle & pâte, qu’il n’y ait point d’air. Vous le mettrez sur un peu de feu, environ deux heures de tems ; & votre jus sera fait, pour vous en servir dans les choses où l’on marque qu’il est besoin d’en mettre, pour les rendre plus succulents, & d’un meilleur goût.

Vous pouvez pratiquer la même chose pour le jus de Mouton & de Bœuf ; ou bien voir ce qui a été dit au premier article des Coulis.

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Jus de Perdrix & de Chapon.

Faites rôtir l’un & l’autre ; & étant cuits, vous les presserez separément, pour en tirer le jus. On peut aussi en user de même pour le jus de Veau, & autres.

Jus de Poisson.

Prenez des Tanches & des Carpes ; limonez les premieres, & les fendez tout du long, & écaillez les Carpes : ôtez les oüies des unes & des autres, & mettez ces Poissons dans un plat d’argent, avec un peu de beurre. Faites-les rissoler comme le Bœuf : & étant cuits, mettez-y un peu de fraine, que vous ferez encore risoler avec le reste ; & ensuite du boüillon, suivant ce que vous en aurez à faire. Passez le tout dans un linge & le pressez bien fort : assaisonnez-le d’un bouquet, sel, & citron verd piqué de clous ; & vous en servez, tant pour vos Potages, que pour les Entrées & Entremets de Poisson.

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L.

Laitues.

Laituës farcies à la Dame Simone.

Pour farcir des Laituës à la Dame Simone, il faut prendre des Laituës pommées, les faire blanchir, seulement qu’elles aïent senti la chaleur de l’eau, les tirer & les faire égouter. Prenez de la chair de Poulets & Chapons cuits, que vous aurez ; hachez-la avec quelques morceaux de Jambon cuit, quelques champignons & fines herbes. Le tout assaisonné & bien haché, mettez-le dans une casserole, avec deux poignées de mie de pain, & quatre ou cinq œufs, selon la qualité de votre farce. Il faut farcir vos Laituës dans le cœur ; & aprés qu’elles seront farcies, les bien ficeler, & les faire cuire avec du bon boüillon. Etant cuites, il faut faire un bon blanc, de plusieurs jaunes d’œufs ; qu’il ne soit pas tourné : tirer vos Laituës, les bien égouter & déficeler, & les mettre dans ce blanc, qu’elles se tiennent chaudement. On les sert pour Hors-d’œuvres, & parmi les Entrées.

On garnit aussi des Soupes de Volailles

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farcies avec de semblables Laituës : & l’on en farcit pour les jours maigres, d’une bonne farce de Poisson, ou d’herbes & d’œufs.

Lamproie,

Est un Poisson de mer, qui ressemble à l’anguille ; il y a aussi celles de riviere : elles se mangent frites ou rôties : on les peut aussi accommoder de l’une de ces manieres. Saignez-les, & gardez le sang : ensuite limonez-les dans de l’eau chaude, & les mettez par tronçons, que vous ferez cuire dans une terrine avec beurre roux, vin blanc, sel, poivre, muscade, un bouquet de fines herbes, & une feüille de laurier ; puis mettez-y le sang, avec un peu de farine frite & capres ; & servez, garni de tranches de citron.

Pour les mettre à la sausse douce ; aprés les avoir limonées, faites-les cuire avec vin vermeil, beurre roux, canelle, sucre, poivre, sel, un morceau de citron verd, & jus de citron en servant.

Si l’on en veut faire un Potage, coupez-le par morceaux aprés les avoir limonées, & les passez par la poële avec beurre roux, farine, fines herbes bien menuës, quelques champignons, sel, purée claire, & un morceau de citron verd ; & étant cuites ;

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dressez-les sur vos croûtes mitonnées, & jus de citron en servant.

Pour les Pâtez de Lamproies, voïez lettreP.

Langouste,

Est une écrevice de mer. La maniere de faire un hachis de Langoustes, ne doit pas nous arrêter, étant commune avec celle d’autres hachis de cette nature. Pour les ervir en Salade, on peut voir ce qui a été dit page 65. touchant les autres Salades de Poissons ; & ajoûter dans la sausse de celle-ci, lededans du corps des Langoustes. On en fait aussi un ragoût, & on les sert enPotages, les desossant aprés qu’elles sont cuites ; & tout cela n’a rien de difficile, n’y aïant qu’à observer là-dessus ce qu’on trouvera expliqué ailleurs en divers endroits, pour d’autres Poissons.

Langues.

Nous avons marqué divers Services de Langues de Bœuf, lettre B. On y a vû la maniere de faire des Langues de Cochon fourrées, qui peut aussi être pratiquée pour celles de Mouton, celles de Veau, de Cerf, de dain, de Chevreüil & de Sanglier.

Ces dernieres se peuvent aussi manger à

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la sausse ouce, dans laquelle, aprés les avoir farinées & frites de belle couleur, vous les mettez mitonner tout doucement, avec truffles & mousserons.

On les mange aussi à la grillade, avec verjus, boüillon, champignon, sel, poivre farine frite, muscade, citron verd ; & vous faites de même boüillir le tout ensemble, aprés avoir faiat griller vos Langues de Mouton avec sel & mie de pain ; ou bien vous y faites une ramolade. Voici maintenant pour les Langues de Veau.

Pour faire des Langues de Veau farcies.

Il faut prendre les Langues, & y faire un trou en-dedans, du cô^té de la gorge, avec un coûteau bien mince, & qu’elles ne soient coupées en aucun endroit. Ensuite passez le doigt tout du lng, comme si c’etoit un boïau. On met la-dedans un petit ragoût de ris-de-Veau, de champignons, de truffles, de persil & de ciboule, le tout bien passé, avec un peu de lard & de farine ; qu’il ne soit pas roux, & bien assaisonné. Vos Langues étant farcies avec ce ragoût, ficelez-les dans de l’eau chaude, pour y pouvoir lever la premier peau ; aprés quoi on

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les met à la braise. Etant cuites, on les fait bien égouter de la graisse, & on le dresse dans un plat, avec un bon ragoût par-dessus. Garnissez de Fricandeaux, rien que piquez, & point de farce.

Langues de Veau d’autre manier.

On en peut faire dux autres Entrées, comme celles de Langues de Bœuf qu’on a marquées, lettre B. ou bien les rôtir, aprés les avoir piquées étant à moitié cuites, & les servir à la sausse douce.

Lapins, Lapreaux et Levraux.

Les Lapins se peuvent mettre en Pâté froid pour Entremets, comme il sera dit ci-aprés, au dernier article des Pâtez. On en fait aussi un Pâté chaud pour Entrée, ou comme ceux qui sont marquez au premier article, ou de cette maniere.

Pâté chaud de Lapin

Lardez vos Lapins, & les empâtez en abaisses de pa^te brisée, assaisonnez de sel, poivre, muscade, clous, lard pilé, laurier, & une échalote : L’aïant doré, faites-

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le cuire deux heures ; & mettez-y jus d’orange ou de citron en servant.

Lapins & Lapreaux[2] en Casserole.

Mettez vos Lapins en quatre, lardez les de gros lard ; & les aïant passez à la poële, mettez-les dans une terrine avec boüillon, un verre de vin blanc, un bouquet de fines herbes, poivre, sel, farine frite & orange.

Lapreaux à la sausse blanche & brune.

On les coupe par quartiers ; on fend la tête ; & les aïant passez à la poële comme ci-dessus, avec lard fondu, on les fait cuire dans une terrine, avec sel, poivre, muscade, citron verd, boüillon & vin blanc. A ceux qu’on met à la saulle brune, on y ajoûte un peu de farine frite ; & aux autres, on fait la sausse blanche avec des jaunes d’œufs, comme les autres semblables.

Lapins & Lapreaux en Tourte, & autrement.

Les Lapins & Lapreaux se peuvent aussi mettreen Tourte, les coupant par morceaux, que vous passerez à la poële avec lard fondu, un peu de farine frite, fines

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herbes, ciboulette, sel, poivre, muscade, & un peu de boüillon. Etant refoidis, formez-en votre Tourte avec pâte fine, & garnissez de morilles, trufles, lard pilé ; & la recouvrez de la même pâte. Faites-la cuire une heure & demie ; & quand elle le sera à moitié, mettez-y la sausse om vous les aurez passez, & jus d’orange en servant.

On peut aussi, aprés que vos Lapreaux sont rôtis, les couper par la moitié, & y faire une sausse au Jambon.

Lapreaux à la Saingaraz.

Piquez vos Lapreaux proprement & les faites rôtir. Il faut ensuite avoir des tranches de Jambon battuës, & les passer avec un peu de lard & de farine, un bouquet de fines herbes, & de bon jus qui ne soit pas salé, & faire cuire le toutensemble : mettez-y aussi un filet de vinaigre, & liez cette sausse avec un peu de coulis de pain. Coupez votre Lapreau en quatre, & dressez-le dans un plat ou assiette ; jettez la sausse dessus avec les tranches de jambon, & servez chaudement, aïant bien dégraissé.

Il se fait de la même maniere, des Poulards à la Saingaraz, même des Poulets des Pigeons, hors qu’on ne les coupe

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par quartier, si l’on ne veut.

Levraux piquez.

Lardez-en une épaule & une cuisse, & l’autre non ; & les aîant fait rôtir, servez-les avec une sausse douce, ou poivrade, garnis de marinade.

Levreau à la Suisse.

Mettez-le parquartiers, & les lardez de gros lard ; faites-les cuire avec du boüillon, assaisonné de sel, poivre, clous, & un peu de vin. Etant cuits, passez le foie & le sang par la poële, avec un peu de farine ; & mêlez le tout ensemble, avec un filet de vinaigre, olives desossees, capres & tranches de citron pour garnir.

Potage de Levraut à l’Italienne.

Il faut couper le Levraut en quatre quartiers, les larder de gros lard, & les passez à la poële avec lard fondu ; mettez-les cuire avec du boüillon gras, tel qu’on peut voir lettre B. avec dattes, raisins de Corinthe, écorce de citron, canelle, sel, & un peu de vin blanc : dressez le tout sur vos croûtes mitonnées, & servez avec jus

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de citron, garni de tranches ou de grains de grenade.

Pour les Pâtez de Levraux, voïez lettre P. parmi les autres Pâtez.

Limandes,

Sont Poissons de mer assez semblables aux Carlet. On peut tâcher d’imiter avec les Limandes, les manieres qu’on verra pour les Soles : car pour ce qui est de les mettre au beurre blanc, ou d’en faire un ragoût, les passant au beurre roux aprés en avoir coupé la tête, cela est assez commun, pour n’être ignoré de personne.

Nous ne nous arrêterons pas non-plus, à la manière de faire une Etuvée de Loup de Mer, ou les autres apprêts qui lui peuvent convenir ; parce qu’on n’a qu’à se regler sur d’autres semblables.

M.

Macreuse,

Est un Oiseau de mer assez semblable aux Canards ; neanmoins nous le mettons aux nombre des Poissons, & en usons en maigre, à cause qu’elle a le sang froid. Vous la pouvez mettre à la Daube,

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tout comme un Oison ou un Carnd ; & étant cuite, servez-la sur une serviette blanche, garnie de persil & tranches du citron.

Macreuse au Court-boüillon.

Aprés l’avoir plumée & vuidée, lardez-la de gros lardons d’Anguille ; faites-la cuire quatre ou cinq heures à petit feu, avec eau, sel, un paquet de fines herbes, laurier, clous, poivre, un peu de vin blanc, & un morceau de beurre. Faites-y une sausse avec beurre bloanc, farine, sel, poivre blanc, citron verd & vinaigre ; & frotez d’une échalote, le cu du plat où vous la dresserez. On l’appelle à la poivrade.

Macreuse en ragoût au Chocolat.

Aiänt plumé & nettoïé proprement votre Macreuse, vuidez)-la, & la lavez ; faites-la blanchir sur la braise, & ensuite empotez-la, & l’assaisonnez de sel, poivre, laurier, & un bouquet : vous ferez un peu de Chocolat, que vous jetterez dedans. Preparez en même tems un ragoût avec les foies, champignons, morilles, mousserons, truffles, un quarteron de marons ;

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& votre Macreuse étant cuite & dressée dans son plat, versez votre ragoût par-dessus, & servez garni de ce que vous voudrez.

Macreuse en haricot.

Vous la ferez cuire de même que ci-dessus ; & vous ferez un ragoût de navets, que vous passerez un peu au roux. Vous les moüillez ensuite avec la sause de votre Macreuse, laquelle étant cuite, vous la couperez par morceaux, & les mettrez dans vos navets. Dressez & servez quand il en sera tems, garni de ce que vous aurez.

Macreuse au Pot-pourri.

Lardez vos Macreuses de gros lardons d’Anguille, & les passez à la poële avec beurre roux ; ensuite mettez-les dans un pot ou terrine, avec un peu du même beurre & de farine, & eau ; assaisonnez de sel, clous, poivre, muscade, champignons, un bouquet de fines herbes & citron verd. Faites-les cuire à petit feu, pendantquatre à cinq heures, comme au court-boüillon ; & voulant servir, ajoûtez-y des huîtres, capres, & jus de citron.

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Macreuse Haut-goût à la Broche.

Ayant plumé, vuidé & fait revenir votre Macreuse, faites une pâte des choses qui suivent.

Aïez de la mie de pain blanc assez tendre, effraisez-la grossierement sur une assiette ; ajoûtez-y du sel environ une once, une pincée de poivre, une douzaine de clous de girofle entiers, feüilles de laurier, thim & basilic en poudre, deux ou trois rocamboles, écorce d’orange & muscade râpée, & une bonne pincée de persil haché ; ajoûtez-y un quarteron de bon beurre frais, une pincée de farine, & deux ou trois cuillerées de bon vn rouge ; pétrissez bien le tout ensemble, & en formez une masser un peu longue : enfermez-la dans un linge clair & blanc de lessive, que vous coudrez lâchement en un sel double, mettez-le ainsi dans le corps de votre Macreuse, que vous recoudrez à son ouverture ; & aïant embroché votre Macreuse, arrosez-la en cuisant, de vin blanc, de beurre, & de sel ; étant tres-bien cuite, ôtez le linge de dedans, & servez chaud avec jus de citron, vin blanc, & croûte de pain râpé.

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Macreuse rôtie.

Vous l’arrosez en cuisant, de sel, & beurre : ensuite on y fait une sausse avec le foie, que l’on hache bien menu ; & on le met dans le degout, avec sel, poivre, muscade, champignons & jus d’orange.

Pâté de Macreuse.

Il faut prendre les Macreuses, qu’elles soient bien plumées & bien retroussées, & les battre un peu sur l’estomac ; les faire blanchir à la braise, & les ficeler aux côtez. Prenez le foie avec des truffles hachées, des champignons, ud beurre & du persil, un peu de ciboule & de capres, & un anchois ; le tout bien haché, bien nourri & bien assaisonné. Il faut en farcir le corps de la Macreuse, & garder un peu de cette même farce, pour en mettre dessous. Formez votre Pâté de deux abaisses ; & faites-le cuire dans le four, l’aïant rempli de votre Macreuse. Si vous voulez le servir chaudement, il y faut faire un bon ragoût, composé de laites de Carpes, de queuës d’Ecrevices, champignons & truffles ; ou un ragoût aux huîtres ; le tout servi proprement : Et si vous voulez le servir froid, aprés qu’il

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est[3] cuit, il n’y a qu’à le laisser refroidir, & servir quand vous voudrez.

Autre maniere.

Aïant bien plumé, vuidé & retroussé votre Macreuse, faites fondre d’excellent beurre frais dans une casserole ; étant assez chaud, mettez-y revenir votre macreuse, la tournant & retrounant de tous côtez : l’aïant retirée, jettez du sel, du poivre & du clou battu dans son corps, avec un peu de basilic, & de thim ; laissez-la ainsi l’espace de cinq heures : ensuite, faites un bon hachis de chair de Carpe[4], d’Anguille & de Tanches ; assaisonnez-le bein d’écorce de citron ou d’orange seche, sel, poivre, muscade, laurier, clou de girofle, persil & ciboule : ajoûtez-y des laitances de Carpes, des marons des champignons, des truffles, cus d’artichaux, & point d’asperges, le tout entier ; & aprés avoir lardé votre macreuse de chair d’Anguille, emplissez-la de votre farce & de ses accompagnemens, avec des petits morceaux de beurre frais ; & aïant dressé votre abaisse, mettez votre Macreuse au milieu, avec la garniture ordinaire autour : votre Pâté étant cuit, coulez-y de bon boüillon de Poisson bien lié, avec un jus de citron, & servez chaudement pour Entremets.

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Potage de Macreuses.

Pour le Potage de Macreuses, il les faut faire boüillir dans du bon boüillon de Poisson. Entant cuites, faites mitonner votre Potage d’un semblable boüillon. Il faut ensuite avoir un bon hachis de Poisson, pour mettre dessus vos Macreuses, quand vous les aurez rangées sur votre Soupe, & qu’elle sera suffisamment mitonnée. Garnissez avec des filets de Sole ou de Merlan, ou des Ecrevices, ou autres Poisson : le bon ragoût par-dessus, & un bon coulis aux Ecrevices ou champignons ; le tout servi chaudement.

On fait aussi des Potages de Macreuse aux nantilles.

Maquereau,

Est un Poisson de mer que tout le monde connoît : on le sert dans la nouveauté, sur les bonnes Tables de la maniere qui suit. Vous les fendez ou incisez un peu le long du dos, les aÏant vuidez ; & vous leur faites prendre sel avec de l’huile & sel menu, poivre & fenoüil. Vous les envelopez du même fenoüil verd, pour les faire rôtir ; & vous y faites une sausse avec beurre roux,

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fines herbes hachées menu, muscade, sel, fenoüil, groseilles dans la saison, capres & un filet de vinaigre : garnissez de tranches de citron.

On peut aussi les servir en Potage, aprés les avoir fait frire bien à propos en beurre affiné, & mitonner ensuite dans une casserole, avec bon boüillon de Poisson ou d’herbes : Garnissez de champignons en ragoût, capres, jus & tranches de citron.

Marinade,

Est une sausse dans laquelle on met tremper les choses ausquelles on veut relever la saveur, & les rendre plus agreables au goût. On met differentes choses en Marinade, ou pour garnir d’autres plats, ou pour en faire de cela même. On garnit des Fricassées de Poulets, d’autres Poulets en Marinade : la Marinade de Veau sert à farnir des Poitrines de Veau farcies, ou Longes de Veau rôties ; & ainsi du reste, comme Pigeons, Perdrix, & autres, dont on peut aussi faire des plats separez pour Entrées. Parcourons ce qu’il y a à observer là-dessus.

Marinade de Poulets.

Mettez-vos Poulets par quartiers, &

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faites-les mariner au jus de citron & verjus, ou vinaigre, sel, poivre, clous, ciboules & laurier. Laissez-les dans cette Marinade l’espace de trois heures : ensuite faites un pâte claire, avec farine, vin blanc & jaunes d’œufs ; trempez-y vos Poulets, & les faites frire dans du lard fondu, ou du saindoux ; & servez en piramide, avec persil frit & tranches de citron, si c’est pour en[5] faire un plat particulier.

Marinade de Pigeons.

Il faut les faire mariner au jus de citron & verjus, comme ci[6]-devant, avec les autres assaisonnemens, les aïant fendus sur le dos, afin que la Marinade penetre, ou les couper en quatre : vous les laissez deux ou trois heures dans la Marinade : ensuite vous les empâtez ou farinez tout moüillez, & les faites frire doucement[7] en belle friture. Vous servez avec persil frit par-dessus & autour, & vinaigre rosat & poivre blanc.

Marinade de Perdrix.

Fendez-les en deux, battez-les, & les faites tremper dans de la Marinade, comme les pieces ci-dessus. Il faut aussi les frire de la même maniere, & servir avec vinai

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gre à l’ail, & poivre blanc.

La Marinade de Veau se fait de même pour garnir, coupant des tranches de Veau en maniere de Fricandeaux ; & ainsi des autres choses qu’on voudra mariner. Pour des Cotelettes de Mouton marinées, voïez page 202.

Marinade de Poissons.

Il y a des Poissons que l’on met en Marinade tout comme l’on vient de dire, entre-autres les Tortuës : ainsi étant cuites, mettez-les tremper dans du vinaigre, avec sel, poivre & ciboules ; puis les farinez, & les faites frire en beurre affiné, & les servez avec persil frit, poivre blanc & jus d’orange.

On fait une autre maniere de Marinade à des Poissons, aprés les avoir fait frire ; qui est de passer à la poële des tranches de citron ou d’orange, avec laurier, beurre affiné, ciboules, sel, poivre, muscade & vinaigre ; & vous mettez cette sausse sur vos Poissons tels que peuvent être les Soles, Congres, Sardines, Thon par roüelles, &c. On trouvera encore d’autres Marinades de Poissons dans l’article des Potages ; la Table les indiquera.

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Mauviettes,

Sont des petits oiseaux semblables aux Allouettes. Outre ce qu’on verra pour les Mauviettes rôties, lettre R. dans l’article du Rôt ; on peut faire une Entrée de Mauviettes farcies à la moutarde, & un Potage de Mauviettes au boüillon brun.

Menus-droits ou Mine-droit.

On fait des plats ou hors-d’œuvres de Menus-droits, pour Entremets, de differentes choses ; entre-autres de palais de Bœuf, que l’on coupe par tranches déliées : & les aïant passées à la poële avec lard fondu, persil, cerfeüil menu, thim, ciboule entiere, poivre, sel, boüillon & vin blanc, on les fait mitonner dans un pot ou plat, & on lie la sausse avec chapelûre de pain ; jus de Mouton & de citron en servant.

Les Menus droits de Cerf et autres, s’accommodent de la même maniere.

Meringues.

Les Meringues ne sont proprement qu’une affaire d’Officier ; cependant, comme

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les Cuisiniers ne laissent pas quelquefois d’en faire, pour garnir plusieurs choses, en voici la maniere.

Prenez trois ou quatre œufs frais, selon la quantité de Meringues que vous voulez faire ; retirez-en les blancs, & les foüettez jusqu’à tant qu’ils forment la neige à rochers. Après il y faut mettre un peu de râpure de citron verd, & trois ou quatre cuillerées de sucre fin passé à l’étamine, & le tout foüetté ensemble : on y peut aussi ajoûter un peu d’ambre préparé. Ensuite prenez du papier blanc ; & avec une cuillere, formez vos Meringues rondes ou ovales, selon que vous voudrez, de la grosseur d’environ une noix, laissant de la distance entre l’une & l’autre. Prenez du sucre en poudre au bout d’une serviette, & poudrez dessus les Meringues. Sur la même table où vous les avez dressées, vous pouvez mettre le couvercle du four qui n’ait point été au feu, mais seulement du feu dessus, & couvrir les Meringues, pour leur faire prendre une couleur cendrée ; il n’y faut point de feu dessous. Etant cuites & bien glacées, ôtez-les de dessus le papier. Vous y pouvez mettre dedans, un grain de fruit, ou framboise, ou cerise, ou fraise, selon la saison ; & joindre une autre Meringue contre, pour en faire de jumelles.

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Meringues pistaches.

Il faut prendre une poignée ou deux de Pistaches, & les échauder : & quand vous aurez foüetté vos blancs d’œufs, comme pour les autres Meringues ci-dessus, & que vous y aurez mis & battu ensemble vôtre sucre fin, mettez-y vos Pistaches bien égoutées de leur eau ; & avec la cuillere à bouche, formez vos Meringues de la grosseur que vous voulez, & les glacez de la même maniere. Si vous ne les voulez pas glacer, elles resteront blanches comme du papier. Elles vous serviront pour garnir toute sorte de Tourtes d’Entremets, principalement des Tourtes de Massepain.

Merlans,

Sont des poissons de Mer d’une mediocre grandeur. Ils se mangent ordinairement frits ou rôtis sur le gril. Ils se peuvent accommoder en Casserole, comme on en trouve la maniere pour beaucoup d’autres Poissons. Vous pouvez aussi les servir frits, avec jus d’orange & poivre blanc : & pour cela fendez-les par le dos, & les poudrez de sel & poivre ; mettez-les tremper dans du vinaigre, & ensuite farinez ou empâ

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tez-les, avant que de les frire. On les farcit encore, comme on verra dans l’article du Miroton en maigre ; & on sert enfin des filets de Merlans, non-seulement en Salade, comme on a vû page 65. mais aussi en ragoût de plusieurs manierres ; & même en Tourte, en Pâté & en Potage : surquoi voïez les articles qui s’y rapportent, comme Brochet, Soles, &c.

Mirotons.

On sert un Miroton pour Entrée ; & il s’en fait de diverses manieres. Par exemple, on peut prendre une belle roüelle de Veau, & en faire plusieurs tranches bien minces, que l’on battra avec le couperet sur la Table. Il faut avoir d’autre roüelle de Veau, que vous hacherez avec du lard blanchi, de la graisse, quelques champignons, quelques truffles, de fines herbes & un peu de moëlle, le tout bien assaisonné. Mettez-y deux ou trois jaunes d’œufs ; & quand vous aurez fait la farce, prenez une casserole ronde, qui ne soit pas trop grande : mettez des bardes de lard bien arrangées au fond, & aprés des tranches de Veau que vous aurez battuës, & enfin la farce, que vous couvrirez par-dessus, du reste de vos tranches ; le tout bien fermé. Renversez ensuite vos

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bardes de lard ; & l’aïant bien couvet, mettez-le cuire à petit feu dessus & dessous, comme une Braise. Etant cuit, on le dégraisse bien proprement ; on le dresse dans un plat, le dessus dessous ; on y met, si l’on veut, un peu de coulis, & l’on sert chaudement.

Mirotons d’une autre maniere.

Plusieurs font un bon godiveau bien lié, de même que pour le Poupeton : ils en font ensuite un bord à l’entour de leur plat, comme si c’étoit un bord de Potage au lait composé de blancs d’œufs. Ils dorent cela avec des œufs battus ; & l’aïant pané bien proprement, ils lui font prendre couleur au four. Etant cuit, on égoute bien proprement la graisse. Il faut avoir une Terrine, composée d’un carré de Mouton coupé par morceaux, d’un bout-saigneux de Mouton, du petit lard, quelques Pigeons & Cailles, selon la commodité. Tout cela étant bien cuit dans une terrine avec toute sortes de fines herbes, comme si c’étoit une Braise, il faut avoir de petits pois passez, ou des pointes d’asperges, selon la saison : tirez vos iandes de dedans la terrine ; faites-les bien égouter, & mettez-les ensuite avec vos pois par-dessus, dans vô

[299]

tre plat. On y peut aussi ajoûter quelques cœurs de laituës blanchis & cuits dans la même sausse ; & servir chaudement. A la place de la Terrine, quand il n’y a que le bord, on met au milieu toute sorte de bons ragoûts. On peut aussi y mettre un Hachis de Mouton ; & jus de Mouton & de citron en servant.

Pour faire un autre Miroton.

Aïez des truffles, des champignons & du jambon cuit, le tout bien haché ensemble : mettez-le dans une casserole, avec deux ou trois anchois, selon la grosseur du Miroton ; hachez une poignée de capres, & les mettez dans le même Miroton. Quand vous verrz qu’il sera presque cuit, il faut mettre vôtre Hachis dans une casserole, avec un peu de persil, de ciboule, du lard fondu : le tout bien passé, le moüiller avec du jus, y mettre un peu de coulis & le faire boüillir, prenant garde qu’il ne soit pas trop lié. Aïez du Bœuf qui soit tendre & maigre ; coupez-le par petites tranches, un peu plus grandes que si c’étoit pour un filet au concombre, & ensuite mettez le Bœuf dans vôtre ragoût ; remue-le fort peu, & ne le laissez pa boüillir beaucoup. Avant que de servir, vous y mettrez un jus de citron,

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& et dressez vôtre plat.

Pour faire un Miroton en maigre.

Il faut prendre quatre ou six Merlans, suivant la grandeur de vôtre plat ; râtissez & lavez-les bien. Il les faut fendre tout du long par devant, & prendre garde de les gâter sur le dos : ôtez-en l’arête & coupez la tête, & les détendez sur la table. Prenez ensuite de la chair de bon Poisson ; faites-en une bonne farce, comme nous avons dit ci-devant ; La farce étant faite, rangez-la sur chaque Poisson, & les roulez comme si c’étoit des Filets mignons. Il faut prendre une casserole ou une terrine sans manche, qui soit ronde. Faites une omelette avec un peu de farine, & qu’étant entiere elle tienne toute la casserole : Rangez là-dessus vos Poissons farcis, aïant mis un peu de beurre sous ladite omelette. Le Poisson étant rangé, avec quelques truffles & champignons bien assaisonnez, il faut faire une autre omelette pour mettre par-dessus, & la placer de même, qu’elle tienne toute la rondeur de la casserole. Mettez la casserole bien couverte sur un peu de feu, afin qu’elle cuise doucement ; néanmoins feu dessus & dessous : Il faut prendre garde que cela ne s’attache pas au fond.

 

[1]             Ces deux derniers mots soudés.

[2]             Le texte porte : Lapreax.

[3]             Ce mot, mis en réclame à la page 288, est omis à la page 289.

[4]             Ces deux derniers mot soudés.

[5]             Le texte porte : en pour.

[6]             Ces deux derniers mots soudés.

[7]             Le texte porte : doucemeent.

1705- Le cuisinier roïal et bourgeois (Massialot) (301-350)

[301]

Etant cuit, égoutez le beurre ; & versez le Miroton dans une assiette ou plat, le dessus dessous. Coupez au milieu un petit morceau en rond, comme si c’étoit un Poupeton ; versez dedans un petit coulis de champignons, & le recouvrez de la même piece : le tout bien dégraissé, frottez le bord de vôtre plat, & servez chaudement.

Vous pouvez aussi faire une farce comme pour le Poupeton, ci-aprés, & en faire un cordon autour du plat que vous mettrez cuire au four ; & vous le remplirez d’un bon ragoût de champignons, morilles, truffles, mousserons, anchois, le tout bien haché ensemble, & toute sorte de filets de Poisson & capres ; un lit de ragoût, & un autre de filets, jusqu’à ce qu’il soit plein : & l’aïant fait mitonner sur un petit feu, servez avec sausse du ragoût, & jus de citron.

Morilles & mousserons,

Sont comme les Champignons des excremens de la terre, qui naissent dans les bois : on les trouve ordinairement aux pieds des arbres dans les mois de Mars & d’Avril : on les fait sécher pour en avoir toute l’année ; ils servent à garnir les ragoûts & les pâtez. Dans l’article où nous avons montré comment conserver des champi

[302]

gnons, sçavoir page 181. on a vû aussi ce qui regarde sur ce point les Morilles & Mousserons. Il ne s’agit donc plus ici, que de marquer les plats particuliers qu’on en peut faire, pour hors-d’œuvres d’Entremets.

Morilles en ragoût.

Vous le pouvez faire au roux ; passant vos Morilles par la poële, avec beurre ou lard fondu, aprés les avoir coupées en long & bien lavées. Vous y mettez du persil & cerfeüil bien menu, une ciboule, du sel, de la muscade, & un peu de boüillon, pour les faire mitonner dans un petit pot ou casserole. Servez à courte sausse, avec jus de citron.

On les met aussi à la crême, comme on a vû pour les champignons, page 179. & de cette autre maniere.

Morilles frites.

Il faut couper les Morilles en longueur, comme ci-dessus, & les faire boüillir avec un peu de bon boüillon, à petit feu. Quand le boüillon sera consommé, farinez-les, & les faites frire en lard fondu ou sain-doux. Faites sausse avec le reste du boüillon, assaisonnée de sel & muscade ; & ser

[303]

vez-la dessous vos Morilles, avec jus de Mouton & de citron.

On sert encore des Morilles farcies, & en Potage ; & on en fait aussi des Tourtes, comme on verra pour celles de Champiggnons.

Mousserons en ragoût.

Aprés avoir bien mondé les Mousserons, lavez-les un peu, puis les secoüez dans un linge : faites-les cuire dans un plat ou casserole, avec beurre ou lard fondu, un paquet, sel, muscade ; & liez la sausse avvec jaunes d’œufs, farine, ou chapelûre de pain. En servant, mettez-y jus de citron, & garnissez de tranches.

Morüe.

Est comme chacun sçait un poisson de Mer, qu’on nous apporte tout salé de Terre-Neuve. C’est un bon aliment, & pour ainsi dire, le Bœuf des jours maiges. Il y en a aussi de fraîche, mais qui est beaucoup meilleure & plus estimée. Laissant à part les manieres communes de manger la Moruë, soit fraîche, ou salée, qui sont assez connuës d’un chacun, on ne s’arrêtera ici, qu’à ce qui peut les relever & les enrichir, tel qu’on va voir qu’est ce qui suit.

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Morue fraîche en ragoût.

Ecaillez vôtre Moruë, & la faites cuire avec eau & vinaigre, citron verd, laurier, sel & poivre. Faites sausse avec beurre roux, farine frite, huîtres, capres, jus de citron & poivre blanc en servant.

Queuë de Moruë en Casserole, & autrement.

Prenez une belle queuë de Moruë ; & l’aïant écaillée, détachez-en la peau, la faisant descendre en bas. Enlevez des filets de vôtre Moruë, & remplissez-en les creux, d’une bonne farce de Poisson, ou de fines herbes avec beurre & chapelûre de pain. Remettez ensuite la peau par-dessus, pour recouvrir la queuë de Moruë ; & l’aïant panée proprement, faites-la cuire au four, de belle couleur. Vous y ferez un ragoût, des garnitures que vous aurez pour l’enrichier, & servirez proprement.

Quand on la veut frire, il faut la faire cuire dans l’eau chaude, sans qu’elle boüille, afin qu’elle demeure bien entiere ; & aprés qu’on l’a laissé égouter, on la farine, & on la frit en beurre affiné. Servez avec jus d’orange & poivre blanc. Vous pou

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vez garnir de crêtes de Moruës empâtées & frites, si vous n’êtes dans un Ordinaire assez médiocre, pour n’en pas faire un plat.

Moules ;

Sont une espece de petits poissons de Mer, de la nature à peu pres des huîtres étant enfermées de même dans des pettites coquilles. On les met en ragoût aprés les avoir bien lavées, avec sel, poivre, persil, ciboule, beurre frais, & de la chapelûre de pain, aprés les avoir passez à la poële. On met les Moules en ragoût, à la sausse blanche ou brune ; & l’on en fait un Potage fort considerable. Voici pour le Ragoût à la sausse blanche.

Tirez les Moules de leurs coquilles, & les passez à la poële avec beurre blanc, thim, & autres fines herbes hachées bien menu : assaisonnez de sel, poivre & muscade ; & l’eau des Moules étant consommée, mettez-y des jaunes d’œufs avec du verjus, ou jus de citron ; & garnissez des coquilles, & de pain frit.

La Ragoût à la sausse brune se fait de même, hors qu’on n’y met point d’œufs mais seulement un peu de farine frite.

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Potage aux Moules.

Il faut prendre de bonnes Moules, les bien nettoïer, & les laver dans quatre ou cinq eaux. Etant bien lavées, il les faut mettre dans une marmite avec de l’eau, qui vous servira pour le boüillon, en cas que vous n’aïez pas d’autre bon boüillon de Poisson. Mettez avec vos Moules un peu de persil, du bon beurre, un oignon piqué de clous de girofle,, & les faites ainsi blanchir ; aussi-tôt que la coquille s’ouvre, cela signifie qu’ils le son assez. Passez le boüillon dans une marmite à part. Otez les Moules de leurs coquilles, & n’en laissez que pour garnir vôtre Potage : les autres seront mises dans une petite marmite ou casserole, rien que la chair. Aprés il y faut mettre des champignons coupez par morceaux, des truffles en tranches, quelques laites de Carpes, un cu d’artichau entier, en cas que vous ne vouliez pas farcir un pain de hachis de Carpes ; c’est-à-dire que le cu d’artichau sera pour mettre au milieu de vôtre Potage, & trois ou quatre cus d’artichaux coupez en quatre. Passez tout ce ragoût avec de bon beurre dans une casserole, & un peu de farine : étant bien passé, moüillez vôtre ragoût du boüil

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lon des Moules, & les faites cuire quelque peu. On y met un bouquet de fines herbes, une tranche ou deux de citron ; le tout cuit doucement & bien assaisonné. Faites mitonner vôtre Potage de croûtes de pain, du même boüillon des Moules, qu’il ne soit pas trop gras. Etant mitonné, vous le garnirez de vos Moules qui sont dans la coquille ; & si vous avez un pain farci, vous en laisserez aussi pour garnir autour dudit pain. Le tout bien mitonné, & le ragoût par-dessus, il faut avoir un coulis blanc, composé d’amandes, mie de pain, & six ou huit jaunes d’œufs, le tout passé par l’étamine, avec un peu du même boüillon de vos Moules ; prenez garde qu’il ne tourne pas. En servant, arrosez vôtre Potage avec ce blanc ; & servez chaudement. Prenez garde au sel.

Mouton.

Parmi les apprêts qu’on peut faire avec du Mouton, on a vû les différentes manieres d’Eclanches que l’on peut servir pour Entrées. Nous avons aussi observé ce qui regarde les Langues, Cotelettes de Mouton, & les Filets de Mouton. Dans le second article des %irotons, il y a une Terrine avec un Carré de Mouton, un

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Bout-saigner & autres pieces. Voci encore d’autres Entrées qu’on en peut faire, dont la plus considérable est le Ros-de-bif.

Grand Entrée d’un Ros-de-Bif de Mouton.

Prenez toute la croupe d’un Mouton bien tendre : levez adroitement la premiere peau de dessus par la pointe, & la laissez attachée par en-bas. On y met quelques tranches de jambon bien mminces ; assaisonnées de persil, ciboule & poivre blanc : rangez le tout sur la croupe de vôtre Mouton, avec quelques bardes de lard, & renversez la peau par-dessus. Ficelez-la ensuite, & la faites cuire à la broche, envelopée de papier. Etant rôtie, panez-la proprement : garnissez de cotelettezs de Mouton, un ragoût fort riche par-dessus ; & servez chaudement.

On en peut faire autant d’un quartier d’Agneau & de Mouton.

Autre Entrée d’un Quartier de Mouton.

Vous le farcissez sur la fesse d’un Salpicon ou hachis de la même viande que vous en tirez, comme on peut voir à l’A

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loyau farci, ou sous le mot de Salpicon, lettre S. Vous panez ensuite vôtre Quartier de Mouton, & le mettez au four pour le colorer. Garnissez de pain frit, Cotelettes marinées & persil frit ; & marbrez avec jus de citron, & de son jus.

Carbonade de Mouton.

Coupez un Membre de Mouton en carbonnades, & les passez à la poële avec lard, avant que de les mettre cuire avec boüillon, sel, poivre, clous, un bouquet de fines herbes, marons& champignons : passez farine par la poële, pour lier la sausse ; garnissez de champignons & pain frit, & servez avec capres & jus de citron.

Carré de Mouton.

Vous le pouvez servir pour Hors-doeuvre, l’aïant piqué de persil & fait cuire à la broche ; y ajoûtant le jus d’une orange, & bon jus en servant, aprés l’avoir fraisé de pain, sel & poivre blanc.

Une autre fois, aprés qu’il sera cuit dans la marmite, passez-le dans une pâte claire ; & l’aïant fait frire avec lard fondu, servez-le avec verjus de grain & poivre blanc.

Pour les Cotelettes qu’on en fait, aïez

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recours à l’endroit qu’on a indiqué, lettre C.

Entrée de pieds de Mouton farcis.

Il faut prendre des Pieds de Mouton bien échaudez, & les faire cuire dans du bon boüillon, avec un peu de persil & de ciboule, prenant garde qu’ils ne soient pas trop cuits. Les aïant tirez, coupez le pied & laissez la jambe, dont vous ôterez l’os, & détendrez cette peau sur la table : vous y mettrez un peu de la farce des Croquets, ou autre, & les roulerez un à un. Vous les rangerez ensuite dans un plat, & les arroserez d’un peu de graisse ; vous les panerez proprement par-dessus, & leur ferez prendre couleur dans le four. Etant colorez, égoutez la graisse, & frottez le bord de vôtre plat. On y met un peu de ragoût par-dessus, ou du coulis de champignons ; servez chaudement.

On met aussi les pieds de Mouton à la sausse blanche, les passant à la poële avec lard fondu, fines herbes, ciboulettes que vous retirerez, sel, poivre & muscade. Vous blanchissez la sausse avec jaunes d’œufs & vinaigre rosaat ; & vous garnissez des os empâtez & frits, & de persil de même.

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Queuë de Mouton à la Sainte-Menehout.

Pour faire les Queuês de Mouton à la Sainte-Menehout, il faut avoir une marmite qui soit à propos ; y metre au fond de bonnes bardes de lard, quelques tranches de veau & d’oignon. Rangez ensuite vos Queuës de Mouton, & rachevez de couvrir avec des tranches de Veau & du lard, aïant assaisonné de fines herbes & épices. Mettez votre marmite dans le four, ou sur la braise, que le tout soit bien cuit, mais qu’il ne se défasse pourtant pas ; Il faut aprés les tirer, les bien paner & les griller. Etant grillées, on y fait une sausse qu’on nomme Ramolade : elle est composée d’anchois, de câpres hachées, de persil & ciboules hachées à part. Passez cela proprement avec de bon jus, une goute d’huile, une gousse d’ail, & assaisonnement ; & le mettez sur vos Queuës, les aïant rangées dans un plat : serve chaudement. Cette même sausse sert pour plusieurs Volailles froides, que l’on pane & passe sur le gril ; & à beaucoup d’autres choses.

Queuë de Mouton d’autres maniers.

Vous la pouvez larder de gros lard, &

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la faire cuire dans un pot à part avec eau & un peu de vin blanc, assaisoné de sel, poivre, laurier, clous, un bouquet de fines herbes, une tranche de citron ; qu’elle soit de haut goût : Passez à la poële, des capres & anchois, avec du lard, & un peu de la sausse om elle aura cuit : & mettez cela par-dessus en servant, avec jus de citron, ou un filet de vinaigre à l’ail.

Une autre fois, votre Queuë de mouton étant cuite, ôtez-en la peau ; trempez-la dans de la pâte claire, faite avec farine, jaunes d’œufs, sel, poivre & boüillon : & passez-la à la poële en bonne friture. Servez avec poivre blanc, verjus de grain & persil frit.

Et une autre fois ; aïant ôtez la peau, arrosez la Queuë de Mouton, de lard fondu, & la panez jusqu’à trois fois, pour lui faire prendre une belle croûte au four ; aprés quoi vous la pouvez glacer, en la frotant d’un blanc d’œuf.

Muges,

Sont Poissons de mer & de rivier : ils sont également bons l’un & l’autre. Faites les griller, aprés les avoir écaillez & incisez, & frotez de beurre fondu ; & faites sausse avec beurre roux, farine frite, ca

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pres, tranches de citron, un bouquet de fines herbes, poivre, sel, muscade, & verjus ou jus d’orange.

Vous pouvez aussi les faire frire en beurre affiné, puis les mettre dans un plat avec anchois, capres, jus d’orange, muscade, & un peu du même beurre où ils auront cuit, aïant froté le plat d’une échalote ou gousse d’ail.

On peut encore les mettre en Tourte, & sur tout en Pâté, comme beaucoup d’autres Poissons.

O.

Œufs & Omelettes.

Rien ne fournit une plus grande diversité, que les Œufs ; on en sert même en gras, le tout pour hors-d’œuvres d’Entremets. En voici les principales manieres.

Œufs à l’Orange.

Il faut foüetter des Œufs, suivant le plat que vous voulez faire, & en même tems y presser le jus d’une orange, & prendre garde qu’il n’y tombe de la graine. Le tout étant bien battu, & assaisonné d’un peu de sel, prenez une casserone : si c’est un jour maigre, mettez-y un peu de beurre :

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& en jour gras, un peu de jus. Versez-y vos Œufs, & remuez toûjours, comme si c’étoit une Crême, de-peur qu’ils ne s’attachent au fond. Quand ils seront cuits comme il faut, versez-les dans une assiette ou plat ; & garnissez, si vous voulez, avec des Œufs frits, & servez chaudement.

Œufs farcis.

Vous prenez & faites blanchir le cœur de deux ou trois laituës, avec ozeille, persil, cerfeüil, & un Champignon ; hachez le tout bien menu avec des jaunes d’œufs durs assaisonnez de sel & muscade. Passez-les ensuite avec du beurre, & les faites uire. Etant cuits, vous mettez de la crême naturelle, & vous en remplissez le fond de votre plat ; & vos blancs d’œufs, vous les remplissez d’une autre farce, avec de fines herbes pour garnir le bord : vous leur donnez couleur avec la pêle du feu.

On peut aussi frire des Œufs farcis, aprés les avoir trempez en pâte claire ; & les servir avec persil frit.

Œufs à la tripe.

Coupez rien que les blancs de vos Œufs par morceaux, en tailladins ou en roüelles,

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& les passez au beurre, avec persil, & ciboule bien menus : vous les liez un peu, & les assaisonnez de sel & muscade ; & vous y mettrez de la crême. Les jaunes, faites-les frire, pour garnir vôtre assiette.

Petits Œufs.

Prenez un demi-setier de bon lait, que vous ferez chauffer prêt à boüillir, avec un peu de sel & du sucre en poudre, un morceau de canelle & de citron, & de l’eau de fleur d’orange. Cassez quatre ou cinq Œufs frais ; ôtez les blancs d’une partie, & les delaÏez avec vôtre lait ou crêùe tout chaud. Vous faites chaufer une assiette sur un réchaut ; & quand elle est bien chaude, vous y jettez vôtre appareil, aprés l’avoir passé à l’étamine. Vous en faites aller par tout, en sorte que l’assiette en soit bien couverte : vous lui donnez oculeur avec la pêle du feu. Délaïez ensuite vos jaunes d’œufs sans blancs, & un peu de farine pour faire le gratin, avec le reste de vôtre lait : remettez vôtre assiette sur le feu pour la faire chaufer, que vos Œufs soient comme une crême ; & jettez-y vos jaunes. Poudrez de sucre par-dessus ; & un jus de citron, & eau de fleur d’Orange en servant.

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Œufs à l’Allemande.

Vous cassez des Œufs dans un plat ; comme au Miroir ; vous y mettez un peu de boüillon de purée, & vous cassez deux ou trois jaunes d’œuf avec un peu de lait, que vous passerez par l’étamine : vous ôtez le boüillon où ont cuit vos Œufs ; vous y mettez vos jaunes par-dessus, avec du fromage râpé, & vous leur donnez couleur.

Œufs à la Bourguignonne.

Prenez un morceau de betterave qui ne sente pas le terroir ; pilez-la bien, avec un morceau de citron, un peu de macarons, du sucre & de la canelle concassée : prenez quatre ou cinq Œuf, dont vous ôterez les germes, & broüillez bien le tout ensemble, & le passez par l’étamine avec un peu de lait & de sel ; & vous le ferez cuire comme des Œufs au lait, de belle couleur.

Oeus fricassez en oreille de Cochon.

Vous n’y mettez point le jaune ; il vous sert à frire, pour garnir avec de la moutarde, si vous voulez, & jus de citron en servant.

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Œufs au pain.

Mettez tremper de la mie de pain dans du lait, pendant deux ou trois heures, afin qu’il soit bien trempé. Vous le passez à l’étamine, ou dans une passoire bien fine. Vous y mettez un peu de sel & du sucre, un peu d’écorce de citron confite hachée bien menu, un peu do’range verte râpée, & eau de fleur d’orange. Frotez un plat d’argent de beurre un peu chaud, mettez vos Œufs dedns, avec du feu dessus & dessous, qu’ils prennent belle couleur, & servez proprement.

Œufs à la Suisse.

On les met comme au miroir ; & les aïant panez de mie de pain, & poudrez de hachis de Brochet & de fromage râpé, on leur fait prendre belle oculeur.

Œufs au jus, ou à la Huguenote.

Mettez jus de Moton ou autre, sur une assiette creuse ; & étant chaud, cassez-y vos Œufs, ou au miroir, ou brouillez : assaisonnez de sel, muscade, jus de citron ; & passez la pêle rouge par-dessus pour leur donner couleur.

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Œufs à la Portugaise.

Il faut faire fondre du sucre avec de l’eau de fleur d’orange, deux jus de citron, & un peu de sel ; mettez-le ensuite sur le feu avec vos jaunes d’œufs, & les remuez avec une cuillere d’argent : lorsque les Œufs quitteront le plat, il seront cuits. Etant froids, dressez-les en piramide, & garnissez d’écorce de citron & massepain.

On peut aussi les servir chauds, les dressant dans son plat ; & les glacer avec sucre & la pêle rouge.

D’autres fois, vous les pouvez mêler dans le mortier, avec de la gelée de groseille, ou du jus de poirée cuit en sucre, & les passer à la seringue, ou dans une toile de crin, pour les servir secs, en rocher verd ou rouge.

Œufs aux Pistaches.

Pilez des Pistaches & un morceau d’écorce de citron confite : faites cuire vôtre sucre avec du jus de citron ; & quand le sirop sera à moitié fait, mettez-y les Pistaches avec les jaunes d’œufs : remuez comme ci-dessus, jusqu’à ce qu’ils quittent le poëlon, & servez avec eau de senteur.

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Œufs à l’eau de fleur d’orange.

Mettez sucre & eau de fleur d’orange dans un plat ou poëlon, avec de la crême naturelle, de l’écorce de citron confite râpée, & un peu de sel ; puis mettez-y huit ou dix jaunes d’œufs, & remuez comme des Œufs broüillez.

Œufs en filets.

Vous faites du sirop du sucre pur avec du vin blanc, & étant plus de moitié fait, vous y battez vos œufs, & les passez dans une écumoire plate, afin que les filets se fassent bien : faites-les secher devant le feu, & les servez musquez, ou autre senteur.

Œufs à l’Italienne.

Faites un sirop avec sucre & un peu d’eau : étant plus qu’à demi-cuit, prenez des jaunes d’œufs dans une cuillere d’argent, l’un aprés l’autre, & les tenez dans ce sirop pour les cuire. Vous en ferez ainsi tant qu’il vous plaira ; tenant toûjours vôtre sucre bien chaud ; é vous les servirez garnis & couverts de Pistaches, tranches d’écorce de citron, fleurs d’orange que vous

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aurez passées dans le reste de vôtre sirop, avec jus de citron par-dessus.

Œufs à l’eau-rose.

Détrempez vos jaunes d’œufs avec eau-rose, écorce de citron, macarons, sel, canelle pilée, & les faites cuire à petit feu dans une tourtiere, avec beurre affiné. Etant cuits, glacez-les avec sucre & eau-rose, ou de fleur d’orange ; & mettez jus de citron & grains de grenade en servant.

Œufs au jus d’ozeille.

Pochez des Œufs dans l’eau boüillante ; pillez de l’ozeille, & mettez-en le jus dans un plat, avec beurre, deux ou trois Œufs cruds, sel & muscade, & mettez cette sausse liée sur vos Œufs en servant.

Œufs au verjus.

Délaïez vos Œufs avec verjus de grain, assaisonnez de sel & muscade, & faites-les cuire avec un peu de beurre : garnissez de pain frit, ou pâte frite.

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Œufs à la crême.

Vos Œufs étant cuits tous entiers dans une casserole avec beurre, détachez-les, & les dressez sur une assiette ; puis mettez crême naturelle, & un peu de sel & de sucre, & les servez[1] chauds, avec grains de grenade, ou autre garniture.

Salade d’œufs.

On la fait avec anchois, capres, fenoüil, laituës, betteraves, pourpier & cerfeüil, le tout chacun en son particulier, & bien assaisonné.

Il y a encore beaucoup d’autres sortes d’œufs qu’il suffira de specifier ; comme Œufs à la ciboulette & autres fines herbes.

Œufs pochez, à la sausse-robet.

Œufs au lait.

Œufs au miroir.

Œufs à la sausse verte, tout entiers.

Œufs en hachis, passez avec fines herbes, & garnis de petits boulettes d’œufs frites.

Œufs au fromage râpé.

Œufs frits empâtez.

Œufs au beurre rouz à la poële,

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Œufs pochez à l’eau, au beurre liée.

Œufs pochez au sucre.

Œufs aux anchois.

Œufs à l’ozeille, &c.

Œufs falsifiez, ou artificiels.

En Carême, & principalement le jour du Vendredi-Saint, on peut servir des Œufs falsifiez de plusieurs façons. Pour cela prenez deux pintes de lait, & faites-le cuire dans une terrine ou poëlon d’argent, remuänt toûjours avec une cuillere de bois, jusqu’à ce qu’il soit reduit à une chopine. Tirez-en la troisiéme partie dans un plat à part, & remettez-le sur le feu, avec de la crême de ris, & un peu de safran.Entat épaissi & un peu ferme, faites-en comme des jaunes d’œufs, que vous maintiendrez toûjours tiedes. Du reste du lait, remplissez-en des coquilles d’œufs, que vous aurez ouverts, aprés les avoir levées & les couronnes aussi ; & pour servir, mettez-y les jaunes d’œufs que vous aurrez faits, & par-dessus un peu de crême d’amande, ou de crême de lait sans cuite, & eau de fleur d’orange. Servez sur une serviette dressée[2] : ce sera des Œufs milets artificiels.

Pour les autres sortes, mêlez d’abord avec

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vôtre lait, de la fleur de farine ou maidon, & faites-en comme une crême pâticiere sans Œufs, assaisonnée de sel. Etant cuite, prenez-en de même une partie pour faire les jaunes, &y ajoûtant du safran ; & mettez ces jaunes dans des demi-coquilles d’œufs lavées & moüillées avec eau ou vin blanc. Du reste, remplissez-en des coquilles entieres ; & votre crême s’y étant refroidie, vous tirerez ces blancs & ces jaunes de leurs coquilles, pour en faire telle sorte d’œufs artificiels que vous voudrez. Par exemple.

Pour des Œufs farcis ; aprés avoir ôté la coquille, fendez les blancs, & creusez chaque moitié avec un cuillere d’argent, pour les remplir d’une farce telle qu’on a vû ci-devant ; les dressant de même, garnis de jaunes artificiels, quevous aurez farinez & frits.

Pour des Œufs à la trîpe ; aprés les avoir fendu & vuidé de même, remplissez-les des jaunes, & les ocupez encore en quartiers ; puis vous les farinerez & frirez en grande friture. Les aïant dressé sur une assiette, vous y ferez une sausse avec beurre roux, fines herbes, champignons cuits & hachez, sel, poivre, muscade & vinaigre rosat ; & garnirez de pain frit, persil & champignons frits.

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Pour des Œufs au lait ; prenez du lait cuit & de la crême d’amande, & délaïez-y de la marmelade d’abricots : mettez le tout avec beurre dans une assiette sur petit feu, & ensuite la composition de vos Œufs ; & couvrez-les d’un couvercle de tourtiere avec feu, pour lui faire prendre couleur, comme à un flan de lait. servez avec fleur d’orange & sucre.

Les Œufs au miroir se font de cette maniere. Remplissez de vôtre crême le fond d’une assiette, & la faites cuire avec beurre, couverte d’un couvercle de tourtiere avec feu. Quand vous verrez qu’elles s’affirmera, ôtez-la du feu ; faites dix ou douze places avec une cuillere, & remplissez-les des jaunes artificiels ; ensuite faites sausse avec beurre lié, fines herbes bien menuës, sel, poivre, muscade, & un filet de vinaigre, ou sans cela ; & quand vous voudrez servir, mettez la sur os Œufs tout chaud : & ainsi de beaucoup d’autres manieres.

Omelette au sucre.

Foüettez vos Œufs ; aprés hachez-y de l’écorce de citron bien menu : il y faut mettre un peu de crême de lait, & du sel. Le tout bien battu ensemble, faites vôtre Omelette. Avant que de la verser sur son plat, il

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la faut sucrer dans la même poële ; & la tourner en la dressant, du côté qu’elle sera colorée : il faut avoir renversé l’assiette sur laquelle vous la mettrez. Ensuite poudrez- la de sucre & d’écorce de citron haché & confite ; & tout d’un tems, glacez-la avec la pêle du feu bien rouge : étant glacée servez chaudement.

Omelette de fèves vertes, & autres choses à la crême.

Il faut prendre les féves, en ôter la peau, & les sortir de l’écorce, & les passer ensuite avec un peu de bon beurre, un brin de persil & de ciboule. Aprés il faut y mettre un peu de crême de lait, l’assaisonner doucement, & les faire cuire à petit feu. Formez une Omelette avec des Œufs frais, où il y entre de la crême, & salez-la à discretion. Etant faite, dressez-la sur son plat ; liez les féves avec un ou deux jaunes d’œufs, & versez-les sur l’Omelette qu’elles tiennents jusques sur le bord ; & servez chaudement.

On peut faire de pareilles Omelettes,

Des Champignons à la crême/

Des Mousserons & Morilles à la crême.

Des petits Pois à la crême.

Des points d’Asperges à la crême.

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Des cus d’Artichaux à la crême.

Il faut que le tout soit coupé par petites tranches. On en peut faire aussi,

Des Truffles blanches à la crême.

Des Truffles noires de même.

Des Eminars à la crême.

De l’Ozeille à la crême, &C.

De telle maniere que ce que l’on vient de dire vous servira pour masquer une infinité d’omelettes ; & aussi ces petites sausses à la crême vous peuvent servir pour assiette ou plat, les garnissant de petites garnitures ; comme artichaux frits, roties de pain, fleurons, feüillantine, cus d’artichaux frits en pâte, & autre semblable que l’on jugera à propos, le tout chaudement.

Pour faire une Omelette de Jambon.

Faites un hachis de bon Jambon cuit, & que dans le même hachis il y entre un peu de Jambon crud. Vôtre Omelette étant formée & dressée dans son plat, vous la masquerez de ce hachis de Jambon, de même que celle-ci-dessus. On fait encore pareille chose pour des langues de Bœuf cuites.

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Autre Omelette farcie.

Prenez un estomac de Poule rôtie, ou autre volaille, & coupez-le en dez, des champignons en dez, du jambon cuit en dez, des foies gras, des truffles, & autres garnitures, le tout passé en ragoût & cuit. Formez l’Omelette ; & avant que de la dresser sur son plat, mettez tout contre une mie de pain, ou de la croûte ; aprés versez dans la même poële vôtre ragoût, & dressez vôtre Omelette sur son plat avec adresse. En servant, arrosez-la d’un peu de jus, & servez chaudement. On peut farcir des Omelettes de toute sorte de ragoût, sans qu’il soit necessaire d’en dire ici davantage ; comme roignons de Veau cuits, foies de Lapin ou de Levraux, ris de-Veau, foies-gras, &c. aussi-bien qu’en maigre, d’une farce de Poissons, de laites de Carpes, & farce d’herbes bien nourrie.

Omelette nouvelle.

Faites une bonne farce de blanc de Chapon, de Poulet, & de Perdrix ; de foies-gras, de crême douce, & de cervelats hachez par morceaux, avec deux ou trois jaunes d’œufs durs effraisez : assaisonnez

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le tout de sel, poivre & clou battu ; cassez vos Œufs dans un plat, jettez-y un peu de sel, & de la canelle en poudre ; battez bien le tout, faites fondre d’excellent beurre frais, jettez-y vos Œufs & vôtre farce au milieu ; étant cuite servez, avec jus de citron & persil haché.

Oil.

L’oil est un grand Potage que l’on peut servir en maigre, aussi-bien qu’en gras. Voici premierement pour ce dernier.

Oil en gras.

Prenez toute sorte de bonnes viandes ; sçavoir, Bœuf de cimier, roüelle de Veau, morceau d’éclanche, Canard, Perdrix, Pigeons, Poulets, Cailles, un morceau de Jambon crud, des Saucisses & un Cervelat : le tout passé au roux, vous l’empotez, chaque chose suivant ce qu’il faut de tems pour cuire, & vous faites une liaison de vôtre roux que vous mettez ensemble. Aprés l’avoir bien écumé, vous l’assaisonnez de sel, clous, poivre, muscade, coriandre, gingenbre, le tout bien pilé avec thim & basilic, envelopé dans un linge. Ensuite on y ajoûte toute sorte d’herbages & raci

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nes bien blanchies, selon qu’on juge à propos, comme oignons, porreaux, carotes, panais, racines de persil, choux, navets, & autres par paquets. Il faut avoir des cuvettes, marmites d’argent, ou autre bassin propre à cela ; & vôtre potage étant bien consommé, vous rompez des croûtes par morceaux & les faites mittonner du même boüillon bien dégraissé & de bon goût. Etant mitonné, avant que de servir, vous y mettez encore beaucoup de boüillon, toûjours bien dégraissé ; vous dressez vos volailles & autres viandes, & vous garnissez des racines si vous n’avez qu’un bassin : sinon vous servez sans racines, mettant la cuvette sur un plat d’argent, & une cuillere à pot d’argent, dedans, avec laquelle chacun puise de la soupe quand l’Oil est sur la table.

Voïez parmi les Potages une autre maniere d’Oil aux rameraux & autres volailles.

Pour l’Oil maigre.

Prenez de bon boüillon de purée ou moitié poisson : empotez-y toutes les racines ci-dessus, & faites-les cuire bien à propos. Dressez vôtre Oil, un pain de profitrolle au milieu, & garnissez des racines.

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On peut aussi servir un Oil de racines & autres legumes à l’huile pour le Vendredi-Saint.

Olives,

Sont des fruits dont la Provence est fort abondante ; on nous les apporte confites en eau & en sel. Elles servent ordinairement en salade.

On fait aussi des Entrées de Poulardes, Becasses, Perdrix & autres gibiers aux olives. Les unes & les autres se font de la mêm maniere ; ainsi il suffira d’en expliquer une pour donner à connoître tout ce qui regarde les autres.

Entrée de Poularde aux olives.

Il faut avoir des Poulardes bien tendres, bien retroussées, & les faire rôtir, une bonne barde de lard sur l’estomac. Durant qu’elles cuisent, faites le ragoût, composé d’un petit brin de persil & de ciboule haché, & passé avec un peu de lard & de farine. Etant passé mettez-y deux cuillerées de jus, & un vere de vin de Champagne, des capres hachées, un anchois, des olives, une goute d’huile d’olive, un bouquet de fines herbes : Pour lier la sausse,

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ajoûtez y du bon coulis, le tout bien assaisonné & bien dégraissé. Prenez les Poulardes rôties ; & aïant coupé les jambes à la jointure, & ficelé aux aîles, aux cuisses & à l’estomac, écrasez-les un peu, & les mettez ensuite dans la sausse. Un peu auparavant que de servir, dressez les Poulardes dans un plat, le ragoût par-dessus, pressez y un jus d’orange, & servez chaudement.

Oreilles.

Oreilles de Veau farcies.

On sert en Entremets des Oreilles de veau farcies. Pour cela prenez les Oreilles entiers, échaudez-les bien, & les faites blanchir un peu. Il faut faire une bonne farce qui soit bien liée, en farcir le dedans des Oreilles, & les coudre tout autour proprement. On les fait cuire comme les pieds de cochon à la Sainte-Menehout. Etant cuites déficelez-les proprement, que la farce ne sorte, & les roulez dans des œufs foüettez legerement : panez-les en même tems, & faites-les frire dans du sain-doux, comme les croquets ; garnissez de persil frit.

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Oreilles de porc.

Vous les pouvez servir à la sausse Robert, les aïant coupées par tranches & passés à la poële, avec un peu de beurre. Fricassez dans le même beurre de la ciboule bien menuë, assaisonnée de sel, poivre, muscade, vinaigre, capres & un peu de boüillon ; & quand vous voudrez servir, ajoûtez-y de la moutarde. Les mêmes tranches vous les pouvez empâter & frire, & les servir avec poivre blanc & jus de citron.

P

Pain.

On fait diverses Entrées qu’on appelle Pains, ainsi qu’on a déjà vû pour le Pain au Jambon, lette I. On sert entr’autres des Pains de Perdrix, des Pains au Veau, & le Pain d’Espagne. Voici la maniere de les faire.

Entrée de Pain de Perdrix.

Il faut avoir des Perdrix rôties, & prendre la chair de quelque Chapon ou Poulet avec du lard blanchi, de la graisse blan

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chie, des champignons & motilles hachées, quelques truffles & cus d’Artchaux, de fines herbes, une gousse d’ail, le tout bien assaisonné & bien haché ; & pour le lier, ajoûtez-y une mie de pain trempée dans de bon jus, & quelques jaunes d’œufs. Il faut avoir du papier, & former desus des Pains de Perdrix qui soient ronds, de la grosseur d’un œuf, & éloignez les uns des autres ; il faut tremper la pointe de vôtre coûteau dans de l’œuf battu, pour les pouvoir former, & les paner proprement. Ils peuvent aussi vous servir pour garnir d’autres plus grandes Entrées.

Pour faire un Pain de Veau.

Prenez de la roüelle de Veau, & coupez-la par tranches bien minces, que vous batrez avec le dos d’un coûteau. Vous en prendrez à proportion du plat que vous voulez faire. Aprés il faut prendre d’autre Roüelle de Veau, & la bien hacher avec du lard blanchi, de la graisse blanchie, du Jambon cuit, toute sorte de fines herbes, la chair d’un estomac de chapon & perdrix ; un peu de truffles hachées, & de champignons & mousserons aussi hachez ; tout cela bien assaisonné, de toutes sortes de fines épices, & mêlé d’un peu de crême de lait. Il

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faut avoir une casserole ronde, y arranger des bardes de lard, y mettre la moitié des tranches de veau battuës, & ensuite la farce. il faut achever de couvrir au-dessus de la même maniere que dessous, en sorte que la farce soit bien enfermée. Ensuite, mettez à la braise bien couvert, feu dessus é dessous, & le faites bien cuire. On peut mettre dans la Farce une petite pointe d’ail. Il faut servir chaudement, aïant bien degraissé, & dressé vôtre plat proprement & avec adresse.

On peut servir ce Pain de veau, aux pois & aux asperges, quand c’en est la saison.

Pour faire un Pain d’Espagne.

Il faut prendre des estomaces de Perdrix rôties, les bien hacher, & une poignée de Pistaches bien échaudées, avec un peu de coriandre en poudre, le tout bien pilé dans le mortier. On y met trois ou quatre jaunes d’œufs, suivant vôtre plat, un peu d’écorce de citron, & de bon jus de veau ; le tout bien delaïé dans le mortier, & passé dans l’étamine comme si c’etoit de la crême à l’Italienne. Etant bien passé, il faut ranger son plat dans le four, & verser le tout dans le plat, feu dessus & dessous, jusqu’à ce

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qu’il soit bien pris. Il faut le faire porter sur table par une personne adroite, de-peur qu’il ne se rompe en s’ébranlant : servez chaudement.

Autre Entrée d’un Pain farci.

On fait une autre Entrée d’un Pain farci de ris-de-veau, cus d’artichaux, truffles & jambon passez en ragoût, avec une liaison blanche de veau rôti, & jus de citron ; & vous faites bien mitonner vôtre Pain pendant un quart d’heure avec de bon boüillon. Vous servez avec jus de Mouton, un peu de liaison, & jus de citron en servant.

Voïez ci-aprés parmi les Potages, les Pains de Profiterolle, & croûtes farcies de plusieurs sortes, tant en gras qu’en maigre, dont on peut aussi faire autant d’Entrées dans des Ordinaires mediocres.

Patez.

Il y en a de plusieurs sortes, tant en gras qu’en maigre ; les uns se servent froids pour Entremets, & les autres chauds pour Entrées. voici la maniere de preparer la pâte.

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Pâte bise, pour les Pâtez de Jambon, & grosse venaison.

Prenez un boisseau de farine de seigle, pêtrissez-la avec de l’eau un peu chaude ; mettez-y un peu de sel menu, & demi-livre de beurre frais ; faites vôtre Pâte un peu ferme, & formez vôtre abaisse avec le rouleau de l’épaisseur d’un bon poûce.

Pâte blanche pour les gros Pâtez qui se mangent froids.

Mettez un demoi-boisseau de fleur de farine de froment sur une table bien nette ; faites une fosse dans le milieu, & mettez-y deux livres de beurre frais & trois onces de sel bien menu, & un demi-setier ou environ d’eau tiede ; maniez le tout ensemble & en formez vôtre Pâte ; si elle est trop forte, vous y ajoûterez encore une peu d’eau pour la rendre plus maniable ; ensuite formez-en vôtre abaisse avec le rouleau. On doit y mettre plus de beurre en Hiver qu’en Eté, parce que le froid la rend plus seche et plus difficile à manier.

Si vous la voulez rendre plus fine, vous y mettrez trois livres de beure, & observerez la même chose comme ci-dessus.

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Pâte feüilletée.

Mettez trois livres de fleur de farine sur vôtre table, faites vôtre Pâte avec de l’eau tiede, mettez-y un peu de sel menu, & si vous voulez quelques jaunes d’œufs ; pêtrissez-la & la rendez maniable, ensuite faites-en une abaisse avec vôtre rouleau à l’épaisseur d’un poûce : vous la couvrez ensuite de deux livres & demi de bon beurre frais, & renversez l’un des bouts sur l’autre, de telle maniere que le beurre soit en dedans ; vous la détendrez une seconde fois avec le rouleau en la poudrant de farine dessus & dessous, pour qu’elle ne tienne pas à la table : la replier & la détendre de rechef, continuant ainsi jusqu’à cinq ou six fois. Elle est bonne à faire des Pâtez d’assiette, de veau, de pigeonneaux, de beatilles, & autres à manger chaud ; elle peut aussi servir à faire des Tourtes de confitures, & autres pieces de four.

Paté chaud de Perdrix, Becasses, &c.

Il faut avoir deux Perdrix & deux Becasses ; les Perdrix, les bien vuider & garder le foie ; retrousser les unes & les autres proprement, & les battre sur l’estomac avec

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un rouleau : ensuite les piquer à gros lardons de lard & jambon assaisonnez de poivre & sel. Les aïant piquées, fendez-les par le dos : faites farce d’un morceau de veau gros comme un œuf, bien tendre, avec du lard crud, un peu de moëlle, du persil & de fines herbes, un peu de truffles & champignons hachez, & quelques peu de graisse de veau. Le tout étant bien haché & assaisonné, liez-le avec un jaune d’œuf, & farcissez avec cela vos quatre pieces par le dos. Il faut encor hacher & piler du lard ; prendre les deux foies de Perdrix, & les piler tout ensemble, & assaisonner cela de fines épiceries. faire une Pâte composée d’un œuf, de bon beurre & farine, & peu de sel. Formez deux abaisses, jettez-en une sur du papier beurré ; prenez du lard pilé dans le mortier, & l’étendez proprement sur l’abaisse. Assaisonnez vos Perdrix & Becasses, & rangez les rondement : il faut leur avoir cassé tous les os. Mettez-y quelques truffles & champignons, une feüille de laurier, le tout bien couvert de bardes de lard. Enfoncez votre autre abaisse rondement ; fermez bien les bords tout au tout, dorez vôtre Pâté & le mettez au four, prenant garde au feu. Etant cuit, tirez-le & ôtez le papier de dessous, aïez un bon coulis de Perdrix, quelque ris-de-veau,

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champignons & truffles ; coupez le couvercle du Pâté, levez toutes les bardes de lard, dégraissez-le bien, pressez un jus de citron ; & quand il faudra servir, jettez le tout dans le Pâté bien chaudement, couvrez-le & le servez en même tems pour Entrée.

Les Pâtéz chauds de Poulets, Pigeons, Alloüettes, Cailles, Grives, & autres, semblables, se font de la même maniere.

Voïez ci-devant le Pâté chaud de Faisans, lettre F. qui est une maniere de Godiveau.

Paté de gros Pigeons ou Dindons.

Il faut prendre de gros Pigeons, les vuider & retrousser, & les battre sur l’estomac pour en casser les os. Lardez-les ensuite à gros lard bien assaisonné. Prenez les foies & du lard crud, du persil, de la ciboule, de fines herbes, le tout bien haché & bien assaisonné, avec quelques truffles, champignons & moëlle ; pilez le tout ensemble dans le mortier : farcissez vos Pigeons ou Dindons dans le corps, & gardez un peu de la farce pour mettre dessous. Il faut faire une bonne pâte, dresser vôtre Pâté, mettre la farce dessus l’abaisse, ensuite les Pigeons bien arrangez & bien assaisonnez : mettez-

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y une feüille de laurier, couvrez de bardes de lard, & ensuite de l’autre abaisse. Vôtre Pâté étant cuit, il le faut dégraisser, & y mettre un bon ragoût de ris-de-veau, champignons, crêtes, &c. selon la commodité, & suivant la saison : servez chaudement encore pour Entrée.

Pâté de Poulets à la crême.

Vôtre Pâté étant dressé, mettez-y vos Poulets par quartiers, assaisonnez de sel, poivre, muscade, canelle, lard fondu ou pilé, & fines herbes : couvrez-le d’une autre abaisse de même pâte, & étant cuit, mettez-y de la crême & le laissez encore quelques momens dans le four : ajoûtez-y jus de champignons, & servez chaudement.

Pâté de Chapon desossé.

Vous le farcissez d’une farce faite avec sa chair, roüelle de veau, moëlle ou graisse de bœuf, & lard, assaisonnée de sel, muscade, poivre, clous & fines herbes, avec ris-de-veau, truffles & champignons. Ensuite vous le dressez avec bardes en pâte fine que vous dorez, & faites cuire environ deux heures. En servant mettez-y jus de citron.

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Pâté de Canards.

Cassez-en l’estomac, & les lardez de moïen lard ; dressez-les ensuite comme les autres ci devant ; & garnissez de champignons, foies gras, truffles & assaisonnemens necessaires. Aïant cuit deux heures, mettez-y jus d’échalote ou d’ail, & d’orange en servant.

Pâté à l’Allemande.

Vous le faites d’agneau en quartiers que vous lardez de moïen lard, & les mettez dans un Pâté dressé de pâté demi fine : assaisonnez de sel, poivre, muscade, clous, laurier, lard pilé, fines herbes & ciboule. Couvrez-le d’une abaisse de la même pâte, & faites-le cuire trois heures : sur la fin passez huîtres par la poële avec lard fondu, farine frite, capres, olives desossées[3], jus de citron, de champignons & mouton, & mettez le tout dans vôtre Pâté avec l’eau des huîtres.

Pâté de Godiveau.

Faites un bon Godiveau avec roüelle de veau, moëlle ou graisse de bœuf,

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& un peu de lard ; assaisonnez de sel, poivre, clous, muscade, fines herbes & ciboules : dressez vôtre Pâté en abaisse fine en la forme que vous voudrez, ronde ou ovale, & de trois ou quatre doigts de hauteur : garnissez-le de champignons, ris-de-veau, cus d’artichaux, morilles & andoüillettes à l’ouverture du milieu, & en servant versez-y une sausse blanche.

Les Pâtez d’assiette qui se façonnent en rond se font de même, lorsqu’on les couvre entierement, & on fait un peit dôme au milieu ; on les dore, & il ne faut qu’une petite heure pour les cuire.

Pâté de Roüelle de Veau.

Vous la coupez par morceaux que vous lardez de gros lard ; & l’aïant dressée dans un bon Godiveau, vous le remplissez de pointes d’asperges, champignons, ris-de-veau, & cus d’artichaux ; étant rpêt à servir, vous y mettez une petite liaison & jus de citron ; & le garnissez de sa même croûte aussi-bien que les autres.

Pâté de Sang pour Entrée.

Dans les jours que l’on tuë des dindons, poulardes, & autres volailles, il faut en

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conserver le sang la quantité seulement d’un grand verre. Il faut le mettre dans une terrine, & avoir quelques filets de liévre & de veau. Piquez ces filets de jambon é de lard à gros lardons, & les mettez tremper dans le sang, les assaisonnant un peu. Pour faire le Godiveau, il faut avoir de la chair de Poulet, de la chair de Perdrix, quelque bon morceau de cuisse de veau, du lard & de la moëlle, & un peu de graisse, du persil & de la ciboule, une pointe d’ail, des truffles hachées, le tout bien assaisonné, bien nourri & bien haché. Mettez le sang dans cette farce & la delaïez avec. Faites deux pâtes ; une pâte ordinaire, mais beaucoup, & peu de l’autre composée d’œufs, de beurre, sel & farine, & point d’eau, le tout bien manié. Il faut faire deux abaisses de la pâte ordinaire, & deux petites abaisses de la pâte fine. Mettez la grande abaisse sur du papier & la petite par-dessus. Prenez la moitié du Godiveau & l’étendez proprement dessus les deux abaisses : Rangez ensuite vos filets, & achevez de mettre vôtre farce que vous couvrirez de bardes de lard, & aprés de la peite abaisse par-dessus rondement, moüillant un peu la grande abaissse tout autour. Mettez ensuite l’autre abaisse, façonnez vôtre Pâté, dorez-le d’un œuf, & le mettez cuire au four le soir a huit ou

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dix heures. Il l’y faut laisser toute la nuit jusqu’au lendemain matin à la même heure ; prendre garde du four trop chaud, & servir chaudement, y aïant fait un oculis de perdrix. La viande & la pâte qui sont dedans, se doivent manger avec la fourchette.

Pâté à la Ciboulette.

Pour la farce ou Godiveau, il faut avoir un morceau de tranches de Bœuf, ou de Veau bien tendre, avec de la graisse de Bœuf cruë & blanchie ; du persil & beaucoup de ciboule ; hachez-le tout ensemble proprement, & qu’il soit bien nourri, & bien assaisonné de toute sorte de fines épices. On y met un peu de moëlle de Bœuf, & de la mie de pain trempée dans du jus, quelques morceaux de truffles & champignons hachez. La farce étant faite, faites deux abaisses de bonne pâte : celle de dessus assez mince, & celle de dessous plusforte. Dressez le Pâté de la hauteur de trois ou quatre doigts sur du papier, & mettez la farce dedans, le tout bien assaisonné & bien rangé. Couvrez le dessus de quelques bardes de lard & tranches de citron, mettez ensuite l’autre abaisse, & l’aïant façonné proprement, mettez-le cuire au four. Etant cuit, on y peut

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mettre un bon coulis au blanc, ou de Perdrix, & servir chaudement.

Pâté a l’Anglaise.

Il faut prendre de la chair de liévre, & de la cuisse de Veau bien tendre, selon la grosseur de votre Pâté. Hachez le tout sur la table avec du bon lard crud, de la moëlle, un peu de graisse de Veau, de l’écorce de citron confite, du sucre, de la canelle en poudre, un peu de coriandre ; le tout bien haché, bien nourri & bien assaisonné de toute sorte d’épices douces, & lié de quatre ou cinq jaunes d’œufs ; Il faut avoir une pâte bien faite, la dresser d’une belle hauteur, mettre votre farce dedans, quelques tranches de citron & bardes de lard, && couvrir de l’autre abaisse. Faites cuire votre Pâté : étant cuit, faites une sausse composée de deux bons verres de vinaigre, un peu de sucre, du clou de girofle & de la canelle en bâton. Faites boüillir le tout, ensemble, que la sausse soit presque cuite : si votre Pâté est gros, il en faut à propotion. Découvrez le Pâté, dégraissez-le bien, & y versez la sausse. Fates une belle découpure à fleur sèche dessus, su vous voulez, & servez chaudement pour Entrée.

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Pâté de Poisson.

Pour faire un Pâté de Poisson au maigre, faites un Godiveau de même maniere que la farce de Poissons qu’on a vû lettre F. hors les jaunes d’œufs, & l’omelette que vous en pouvez exclure. Du reste, hachez des champignons & truffles tout de même. Ce Godiveau vous servira comme si c’étoit pour un Pâté de Godiveau au gras. Après avoir fait sa pâte & dressé le Pâté, on met dedans la moitié de ce Godiveau, & en même tems toute sorte de garniturezs au maigre, truffles, champignos, andoüillettes, cus d’artichaux & filets de poisson crud coupez par petits morceaux : le tout bien assaisonné, formez votre Pâte, & le faires cuire. on u peut faire sur la fin un blanc ou coulis dechampignons, ou quelqu’autre ragoût ; & sur tout servez chaudement.

La Table vous indiquera quelques autres Pâtez de Poissons particuliers qui ont été décrits à l’occasion de ces mêmes Poissons : Voici ceux qui restent.

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Pâté de Carpes.

Il faut écailler la Carpe[4] & la larder de lardons d’anguilles, assaisonnez de bon beurre, sel, poivre, clous, muscade, laurier & huîtres, & dressez votre Pâté de la longueur de la carpe en pâte fine ; couvrez-le, & le faites cuire à petit feu ; & étant cuit à demi, mettez-y un demi verre de vin blanc.

Vous la pouvez aussi farcir comme il a été dit lettre C. avec laites de carpes, huîtres, champignons, cus d’artichaux, & servir avec jus de citron : ou bien la mettre en filets comme aux Pâtez ci-devant. De même que les Poissons suivans & autres.

Pâté de Turbot.

On le dresse dans un bassin rond, ou ovale, ou en deux abaisses de pâte à l’ordinaire ; aprés l’avoir bien écaillé & lavé, coupez la queuë & la tête, & ôtez les foies ; assaisonnez de sel, poivre, clous, muscade, ciboulette, fines herbes, champignons ou morilles, & bon beurre, & le couvrez de son abaisse : étant à demi cuit, mettez-y un verre de vin blanc, & servez avec jus de citron ou verjus de grain.

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Pâté de Rougets.

Vous les dressez comme celui de Turbot en pâte fine, l’assaisonez & garnissez de même, y ajoûtant des pattes d’Ecrevices si vous en avez. Etant à demi cuit, passez les foies par la poële avec beurre roux, & ensuite pilez-les & les passez par l’étamine avec demi verre de vin blanc, que vous mettrez dans le Pâté, & jus de citron en servant.

Pâté de Truite.

On peut larder la Truite d’Anguille, aprés l’avoir écaillée & incisée, puis la mettre en Pâté dressé à l’ordinaire, assaisonné de sel, poivre, muscade, clous, laurier, beurre, fines herbes, & enrichi de champignons, cus d’artichaux, capres, huîtres, laitances, & jus de citron en servant.

Pâté de Soles.

Vos Soles étant bien écaillées & lavées, mettez-les en pâte fine, assaisonnées de sel, poivre, muscade, fines herbes bien menuës, ciboules, champignons, truffles, morilles ou mousserons, huîtres fraiches,

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& force beurre ; & « tant cuit, servez avec jus de citron.

Pâté de Thon.

Coupez-le par rouëlles, & le dressez à l’ordinaire en pâte fine, enrichi d’huîtres ; cus d’artichaux, fines herbes, ciboule, beurre, sel, poivre, muscade, laurier, avec une ou deux tranches de citron verd. Faites-le cuire à petit feu, & mettez-y jus de citron en servant.

Petits Pâtez de Poissons.

Prendez chair de Carpes, Anguilles & Tanches, & des champignons à demi cuits en casserole, hachez le tout avec persil, ciboule, thim, sel, poivre, clous, muscade, autant de bon beurre que de viande ; &

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dressez vos Pâtez en pâte feuilletée.

Petits Pâtez d’Huîtres à l’écaille.

Aïez telel quantité d’huîtres à l’écaille que vous voudrez faire de pâtez ; faites ensuite un hachis de laites & chair de Carpes, de Tanches, de Brochets, de chair d’Anguilles ; assaisonnez le tout de poivre, sel clou battu, & vin blanc ; envelopez-en vos huîtres, dont vous en mettrez une dans chaque pâté, avec un peu de bon beurre frais ; faites-les cuire, & servez chaud pour Entremets.

Petits Pâtez à l’Espagnole.

Nous allons finir par cet article ce qui regarde les Pâtez chauds pour Entrées tant en gras qu’en maigre. Il ne consiste qu’à prendre un morceau de lard, un petit morceau de veau, & un blanc de poulet : faites blanchir le tout dans une marmite & le hachez bien menu, asaisonnez de fines épices. Vous le battez encore dans le mortier, y ajoûtant un peu d’ail & de rocambole, & aïant fait une pâte fine, cous en formez des abaisses, & vos petits Pâtez, qui vous serviront pour garnir ou pour hors-d’œuvre.

 

[1]             Le tetxe porte : sevez.

[2]             Le texte porte : fressée.

[3]             Le texte porte : dosossées.

[4] Les deux derniers mots soudés.

1705- Le cuisinier roïal et bourgeois (Massialot) (351-400)

[351]

Pâtez froids pour Entremets.

On a déjà vû ci-devant ce qui regarde le Pâté de Jambon lettre J. Parlons des autres qui se servent encore pour Entremets, & commençons par les Pâtez de venaison qu’on peut servir entiers ou en tranches.

Paté de Cerf, & autre Venaison.

Il faut laisser mortifier le Cerf ou le mariner, & le larder de gros lard, assaisonné de sel, poivre, muscade & clous, le tout bien pilé. Faites une pâte bise avec farine de seignel, comme étant plus propre à conserver les viandes & plus portative ; il y faut du sel & un peu de beurre. Dressez votre Pâté, y mettant du lard pilé, bardes de lard, laurier & assaisonnemens ci-dessus. Dorez-le avec jaunes ; & le faites cuire trois ou quatre heures. Il faudra le percer de-peur qu’il ne crève & ne s’enfuie, le boucher sortant du four, & le mettre sur un claïon.

le Pâté de Sanglier se fait de la même maniere, & celui de Chevreüil assui ; mais il n’est pas besoin de le laisser tant cuire, ni lassaisonner si fort.

[352]

Pâtez de tranches de Bœuf, & autres grosses viandes.

Prenez une tranche de cimier, battez-la bien & la lardez de gros lard, assaisonné comme ci devant, & la dressez & faites cuire de même.

Selon la grosseur dont vous voudrez faire votre Pâté, vous y pouvez aussi mettre une éclanche, ou en faire un Pâté particulier ; & pour cela vous en ôtez la peau & la graisse, vous la desossez & la battez bien, & vous la piquez de moïens lardons, assaisonnez de fines herbes, persil, ciboules & épices. Faites une pâte ordinaire dont vous tirerez un abaisse épaisse & forte, vous jetterez sur du gros papier beuré : dressez-y vos membres de mouton avec bardes de lard, feüilles de laurier & assaisonnemens necessaires : couvrez votre Pâté d’une autre abaisse ; & l’aïant façonné proprement, faites-le cuire comme les precedens, environ trois heures. Etant cuit, mettez-y une gousse d’ail ou déchalote écrasée par le soupirail, & servez froid.

Pour les Pâtez de roüelle de veau, il la faut larder de même, l’aïant mis un peu mariner avec vinaigre bien assaisonné. Du reste observez ce qu’on vient de dire pour

[353]

les Pâtez de membre de Mouton.

Pâté de Liévre & Levraut.

Si vous les voulez faire avec les os, lardez votre Liévre & Levraut de moïen lard, assaisonné de sel, poivre, muscade, clous, laurier ; & ne plaignez point le lard pilé ni les bardes, en dressant votre Pâté en pâte bise ou blanche ; étant cuit, mettezle en lieu sec & le bouchez.

Quand on les veut dessosez, il faut tâcher de conserver la chair la plus entiere que l’on pourra, la larder de gros lard & l’assaisonner, empâter & faire cuire comme avec les os.

Pâte de Poulardes & autres.

Troussez vos Poulardes proprement & leur cassez les os : piquez-les de gros lardons assaisonnez de fines herbes, persil, ciboule & épices : ranges-les sur une abaisse de pâte ordinaire, avec laurier, beurre frais, bardes de lard & assaisonnement : & aïant couvert & façonné proprement votre Pâté, faites-le cuire deux ou trois heures, suivant le feu.

les Pâtez de Dindons, Canards, Perdrix, Faizans, Becasses, Lapreaux, Lapins,

[354]

Oisons, Sarcelles & autres se font de la même manire

PÂTES.

Il ne s’agit pas ici des différentes Pâtes que l’on fait ; les unes claires, les autres plus fortes ; celles-ci pour des Pâtez & des Tourtes ; & celles-là pour des Beignets, ou pour empâter plusieurs choses qu’on veut frire. On doit être à présent assez instruit de ce qui regarde ce point ; & l’on a même déjà vû quelques autres especes de Pâtes, comme les Pâtes d’amandes page 90. à quoi nous en allons ajoûter une, qui n’est pas moins curieuse.

Pâte croquante.

Il faut prendre du Sucre en poudre, & autant de farine ; quelques blancs d’œufs, selon la quantité de vôtre Pâte, & une goute d’eau de fleur d’orange. Formez vôtre Pâte sur le tour, qu’elle soit bien faite, & pas trop molle : tirez-en une abaisse aussi mince que du papier, s’il se peut ; & farinez toûjours bien dessous, en frotant avec la main : elle s’étendra presque d’elle-même, aprés lui avoir donné quelques coups de rouleau. Engraissez une assiette ou tour

[355]

tiere d’un peu de beurre ; mettez-y vôtre abasse, & la rognez tout au tout : aprés il la faut piquer avec la pointe du coûteau, afin qu’elle ne boufe pas dans le four. Faites-y secher cette abaisse ; & étant[1] cuite, dressez-la dans son plat ou assiette : & un peu avant que de servir, vous y mettrez vôtre marmelade, telle que vous aurez, Abricots, Pêches, Cedres, & autres fruits confits.

De cette Pâte, vous en pouvez tirer des abaisses bien minces, que vous découperez proprement, & les ferez secher au four ; il faut toûjours engraisser l’assiette ou tourtiere, de-peur qu’elles ne s’y attachent. Etant seches, on les peut glacer, si l’on veut, & mettre ces abaisses sur vos Tourtes, que vous garnirez de Bicuits de Savoie, ou autres petites garnitures.

Pâte seringuée.

Prenez de la Pâtes d’amandes qu’on a décrite, lettre A. pilez-la dans un mortier, avec un peu de crème naturelle & cuite ; & l’aïant passé à la seringue, faites-la frire en grande friture : mettez sucre musqué & eau de senteur en servant. Vous pouvez façonner cette Pâte de mille autres manieres, chacun suivant sa fantaisie, ainsi

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qu’il a été remarqué au même endroit de la lettre A.

PERCHES,

Est un Poisson de riviere fort excellent. Vous en pouvez faire une Entrée à la sausse aux mousserons passez au blanc avec de la crème. On en met aussi en filets au concombre, comme ci-aprés les Soles, les coupant en filets quand elles seront écaillées, & qu’elles aurant cuit un boüillon. On sert encore des Perches à la sausse verte, & de cette autre maniere.

Perches en filets au blanc.

Passez des champignons au blanc, & les faites cuire avec un peu de crème, sans liaison. Vous aurez vos filets de Perches coupez tout prêts, que vous metttrez dedans, avec une liaison de trois jaunes d’œufs, du persil haché, de la muscade râpée, & un jus de citron : vous remûrez bien doucement, de-peur de rompre vos filets ; & étant cuits vous les dresserez garnis de tranches de citron, ou autre chose.

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PERDRIX,

Est un oiseau assez commun pour être connu de toute le monde ; c’est la viande des meilleurs Tables.

On a parlé ci-devant de la maniere de faire les Pains de Perdrix. Voici encore d’autres Entrées qu’on en peut faire.

Perdrix sausse à l’Espagnol.

Il faut faire rôtir vos Perdrix. Etant rôties, prenez-en une, & la pilez bien dans le mortier : aprés il faut passez cela avec de bon jux. Il faut aussi avoir pilé les foies de perdrix, quelques morceaux de truffles, le tout bien passé avec de bon jus, en sorte que le coulis soit un peu lié ; remettez-le dans un plat. Prenez une casserole, avec deux verres de vin de Bourgogne, une gousse ou deux d’ail, deux ou trois tranches d’oignon, un peu de clous de girofles, des deux verres de cette sausse, il faut qu’il n’en reste qu’un : si le plat est grand, augmentez davantage de vin & de coulis. Votre sausse étant cuite, passez-la par un tamis dans une casserole ; versez-y le coulis dedans, le tout bien assaisonné. On y met un

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peu d’essence de jambon, & on fait cuire le tout ensemble. Dépecez vos Perdrix, mettez-les dans la sausse, & les tenez chaudement. Auparavant que de servir, il faut y presser deux ou trois oranges.

Biberot de Perdrix

Prenez tout l’estomac de vos Perdrix, aprés qu’elles seront rôties. Si vous n’en avez pas assez, prenez quelque estomac de Poulardes rôties. Hachez le tout sur la table, qu’il soit comme de la farine. Prenez les carcases, & pilez-les bien dans le mortier : aprés les avoir pilé, mettez-les dans une casserole avec de bon jus, & l’aïant ensuite passé par l’étamine, remettez-le dans une petite marmitte, & vôtre Biberot ou viande hachée dedans. Laissez-le cuire à petit feu, prenant garde qu’il ne s’attache au fond. Vous y pouvez mettre quelque cuillerée d’essence de jambon. Il faut le faire cuire, de maniere qu’il ne soit pas trop liquide, ni gras. Etant bien cuit, dressez-le dans une assiette ou deux ; Il y en a plusieurs qui le servent ainsi : & d’autres aprés qu’ils l’ont dressé dans leur assiette, ils le poudrent avec de la chapelûre de pain bien fine, & ils y font prendre couleur avec la pêle rouge. On le mange de cette

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maniere, à la fourchette ; & pour l’autre, à la cuillere. Servez chaudement.

Perdrix en filets au jambon.

Vos Perdrix étant ucites à la broche, vous les mettez en filets & les passez avec vôtre jambon & un anchois, capres, ciboule, persil hachez bien menu ; & servez pour hors-d’œuvres d’Entrées.

On en sert aussi à la sausse de Becasse, ou de Brochet.

Autre maniere pour les Perdrix.

Vous les pouvez mettre à la braise, ou en sutout, comme on trouvera la maniere pour les Pigeons ; ou bien aux olives, comme on a vû pour les Poulardes. Pour les Pâtez de Perdrix, voïez ci devant ; & ci-aprés pour les potages ; ou mieux à la Table des Matieres.

PIGEONS.

Les Pigeons fournissent une grande diversité de ragoûts. On en a déjà pû voir une partie ; comme la Bisque, le Godiveau farci de Pigeonneaux, les Pâtez de gros Pigeons, ci-devant. Il en reste encore beau

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coup d’autres, dont il est à propos de faire connoître les manieres. Commençons par les Pigeons au basilic.

Pour faire des Pigeons au basilic.

Il faut prendre les Pigeonneaix bien échaudez & bien blanchis ; les gendre par le dos, is peu que rien, pour y pouvoir mettre une petite farce, composée de lard crud bien haché, avec un peu de persil, de basilic, de ciboule, le tout bien assaisonné. Etant farcis, on les fait cuire dans une petite marmite, avec du boüillon, un oignon piqué de clous de girogle, un peu de verjus, & du sel ; & quant ils sont cuits, vous les tirez hors de la marmite. Il faut avoir des œufs battus ; rouler vos Pigeons dedans, & en même tems dans la mie de pain, afin qu’ils soient bien panez. Aprés en avoir fait de même à tous, il faut avoir du sain-doux bien propre ; & quand il sera bien chaud, frire vos Pigeons jusqu’à tant qu’ils aïent pris une belle couleur ; les tirer, frire tuot d’un tems du persil pour garnr ; & servir chaudment our entrées

Entrée de geons au fenoüil.

Il faut que vos Pigeons soient d’une bel

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le qualité, les bien retrousser, & montrer seulement à l’air du feu, pour les faire blanchir. Prenez le foie, avec du lard, de la ciboule, du persil, & un peu de fenoüil verd ; hachez & assaisonnez bien le tout : farcissez-en le corps de vos Pigeons ; faites-les rôtir ; & en servant, mettez un bon ragoût par-dessus.

Entrée de Pigeons à la braise.

Prenez de gros Pigeons bien retroussez : faites, si vous voulez, une farce un peu liée, pour les farcir dans le corps. Mettez-les à la braise, comme beaucoup d’autres choses : étant cuits, dressez-les dans un plat ; & les aïant bien dégraissez, metez un ragoût de truffles & ris-de-veau par-dessus.

Compote de Pigeons.

Vous les lardez de gros lard & les passez ensuite avec lard fondu ; puis vous les mettez cuire avec sel, poivre, muscade, citron verd, clous, champignons, truffles, un verre de vin blanc & boüillon. Vous y faites un coulis blanc ou brun, comme pourla fricassée, pour laquelle on les coupe par morceaux ; & vous garnis

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sez de roulettes que vous coupez en deux ; ou de ce que vous voudrez, & jus de citron enservant.

Entrée de Pigeons au jambon.

Elle se fait de la même maniere que les Poulets au jambon, que l’on verra ci-aprés. Si les Pigeons sont bien gros, il les faut piquer à gros lard & lardons de jambon, & les mettre dans le ragoût de jambon que l’on a fait. Le tout bien dégraissé, mettez-y un filet de verjus ou vinaigre ; prenez garde qu’il n’y ait trop de sel, & servez chaudement.

Autre Entrée de Pigeons aux truffles.

On fait une autre Entrée de Pigeons, piquez ou farcis, en ragoût de belle couleur é bien assaisonné, avec cus d’artichaux & pointes d’asperges. Vous garnissez de ris-de-veau passez au blanc, & persil frit ; & jus de citron en servant.

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Entrée de Pigeons grillez ou frits, à la Sainte-Menehout.

Il faut prendre de gros Pigeons ; les bien retrousser, les couper endeux, & les mettre à la braise. Etant bien cuits, tirez-les, & les panez proprement ; prenant garde qu’ils ne se défassent. Si vous les voulez frire, avant que de les paner il les faut tremper dans des œufs battus, & les paner ensuite, afin que le pain tienne mieux. De l’une ou l’autre maniere ; ils vous peuvent servir pour garnir. S’ils vousservent de plat, il y faut faire une ramolde dessous, composée d’anchois, persil, capres hachées, un peu de ciboule, & bon jus, le tout bien assaisonné, avec un filet de vinaigre ; & servir chaudement.

Vous en pouvez faire de même de toute autre Volaille que vous voudrez. Si l’on veut, on peut larder les Pigeons à gros lard avec du jambon, afin qu’ils aïent meilleur goût. Quelques-un appellent cette maniere, des pieces à la Sainte-Menehout.

On en peut aussi faire cuire dans une marmite, bien assaisonné, comme un bon court-boüillon, bien nourri & de bon goût : & quand ils sont cuits, vous les panez pro

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prement, en sorte qu’on ne voïe point de viande ; & vous leur donnez couleur avec la pêle rouge.

Pigeons en sourtout, rôtis & à la braise.

Preznez de gros Pigeons, qui soient bien retroussez : faites une farce qui soit composée de lard crud & jambon cuit, de truffles & champignons, hachez avec[2] les foies, du persil & de la ciboule, une pointe d’ail, & quelques ris-de-veau ; le tout bien haché & bien assaisonné, & lié avec un ou deux jaunes d’œufs. Il faut farcir vos Pigeons entre la peau & la chair & dans le corps, & les bien ficeler : avoir un grand fricandeau piqué pour chaque Pigeon, que vous mettrez sur l’estomac ; le tout bien ficelé & embroché proprement, vous l’enveloperez de papier, & ferez cuire ainsi vos Pigeons. Etant rôtis, on y fait un bon ragoût ; & auparavant que de servir, dressez vos Pigeons dans un plat, ôtez le fricandeau, versez le ragoût ou coulis par-dessus, de quoi que ce soit, pourvû qu’il soit bien cuit & bien assaisonné : remettez ensuite le fricandeau sur l’estomac, & servez chaudement.

Pour les Pigeons ensurtout à la braise, on les fait de la même maniere. Toute la

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difference qu’il y a d’avec les autres choses qu’on accomode de cette façon, c’est qu’on ne met point de bardes de lard, ni viande sur le fricandeau, afin qu’il prenne belle couleur. Etant cuit, vous égoutez la graisse, & vous faites un ragoût aux truffles, selon vôtre commodité. On peut servir de pareilles Entrées de Perdrix, Becasses, & autres Volailles : & pour les déguiser, on y fait un ragoût aux huîtres, à la Saingaraz, ou du coulis de perdrix, suivant la dépense ; le tout bien dégraissé, & servi chaudement.

Tourte de Pigeons.

Il faut avoir des Pigeons de Voliere, bien échaudez & bien retroussez. Mettez-les dans une Casserole avec du lard fondu, de la moëlle, des ris-de-veau coupez par moitié, des cus d’artichaux coupez en quatre, & un entier pour mettre au milieu, quelques foies grans, des crêtes ien épluchées, des champignons coupez en dez, des truffles par tranches ; le tout bien passé dans une casserole avec un peu de farine, & bien assaisonné. Etant passé, tirez-le en arriere. Formez vôtre pâte avec de la farine, selon la grandeur de vôtre Tourte, un œuf, du beurre, du sel & de l’eau : faites un morceau

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de pâte feüilletée ; & de la premiere, formez une bonne abaisse, que vous mettrez dans une tourtiere qui soit propre, suivant la grandeur de vôtre plat. Aprés avoir étendu l’abaisse dans la tourtiere, mettez-y du lard fondu qui ne soit pas trop chaud, mais par raison. Ensuite il faut bien arroser & arranger les Pigeons, le cu d’artichaut au milieu, & les truffles en tranches, les champignons & ris-de-veau dans les intervalles. Achevez ensuite de mettre toute la sausse ; & prenez l’autre morceau de pâte qui étoit roulé rondement, aprés avoir plaqué la main dessus pour l’élargir sur le tout, afin d’y pouvoir mettre la pâte de feüilletage, & détendre l’avaisse proprement. Il faut qu’il n’y ait point trop de feüilletage, afin que l’autre mordeau soit plus gros. Couvrez vôtre Tourte de cette abaisse ; faites un bord proprement à l’entour : & pour servir, levez les bardes de lard, dégraissez, & jettez-y un coulis de quelque carcasse dePigeons, ou une liaison au blanc.

Autres manieres pour les Pigeons.

Vous les pouvez mettre au Pere-Doüillet ; & pour cela, les aïant bien appropriez, faites-les cuire dans un petit pot, bien assai

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sonnez & bien nourris, avec sel, clous, thim, oignon, & un peu de vin blanc : Garnissez de persil, tranches de citron, & jus en servant.

D’autres fois, vous les pouvez servir au jus de Veau, rôtis, bardez, de belle oculeur, sans autre garniture ; ou au blanc ; ou enfin, en marinade, comme on a vû lettre M.

PLIES DE LOIRE.

Ces sortes de Poissons sont particuliers à la Loire, & valent mieux qu ceix des autres Rivieres.

Vous les pouvez mettre à la broche ; les découper par-dessus le dos en croix, leur couper nez & la queuë, & les mettre dans une casserole avec vin blanc, champignons, laites, morilles, truffles, persil, ciboule & thim, & un morceau de bon beurre, le tout bien lié : remuez-les doucement, de peu de les rompre. Etant cuites & de bon goût, dressez-les proprement ; qu’elles soient bien blanches, une sausse de même par-dessus : & garnissez de ce que vous voudrez.

Pour celles que l’on frit, on les poudre auparavant de sel & de farine ; & on les sert avec sel & jus d’orange.

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POTAGES.

Quoique nous aïons déja parlé de divers Potages, tant gras que maigres ; comme de la Bisque, Casserole, Oil, Julienne, Potage de tête d’Agneaux, de cailles, de Brochet, d’Ecrevices, de Macreuses, de Moules, & plusieurs autres, suivant les pieces dont il s’agissoit, cette matiere ne laisse pas d’être encore tres-feconde, & capable de fournir pour un gros article. On a vû en general ce qui regarde les boüillons qui doivent faire le corps de tous ces Potages, & de tous les autres qu’on voudroit servir ; comme aussi les coulis qu’on y fait. Venons maintenant au particulier ; & commençons par les Potages de Légumes, qui peuvent convenir à plusieurs Volailles, pour ne pas repeter inutilement une même chose pour chacune.

Potage aux Pois.

Prenez des petits Pois ; & les aïant écossez & mis les gros à art, ils vous serviront pour faire de la purée verte. Prenez pour cela les écosses des petits Pois avec les gros, & les faites blanchir tant soit peu, avec un verd de ciboule & un peu de persil ; &

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égoutez-les de leur eau. Aprés il les faut piler, & y mettre une mie de pain trempée dans de bon boüillon. Aïant pilé le tout ensemble, passez-le par l’étamine à force de bras ; faites que votre purée soit un peu liée. Il faut prendre vos petites Pois avec un peu de lard dans une casserole, y aïant auparavant frit un peu de persil haché & de sarriette hachée : passez vos petits Pois avec cela, & moüilliez de bon bouïllon ; on y met un bouquet de fines herbes. Le tout empoté & presque cuit, vous y mettez la purée verte. On y passe aussi quelques cœurs de laituës pommées en petites tranches[3], avant que de mettre les petits Pois ; l[e]

tout bien assaisonné. Faites mitonner vôtre Potage avec de bon boüillon clair. Etant mitonné, mettez un peu de purée par-dessus ; rangez vos Volailles sur vôtre Potage avec de bon boüillon clair. Etant mitonné, mettez un peu de purée par-dessus ; rangez vos Volailles sur vôtre Potage. Vous garnirez de laituës farcies, ou sas farcir ; ou de concombres, ou de lard maigre, selon que vous jugerez à propos. Arrosez ensuite avec de la purée, & petits Pois sur vôtre Potage ; & servez tout d’un tems.

On sert beaucoup de semblables Potages aux Pois dans lasaison ; comme de têtes d’Agneaux, Canards, Oisons, Poulets farcis, Dindons & autres, que l’on doit empoter separément avec bon boüillon.

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On garnit de pointes d’asperges, laituës farcies, ou concombres. Hors de la saison, on peut faire la purée avec des vieux Pois ; & cela est bon, sur tout pour les Canards, Andoüilles, &c.

Il est aisé de se regler sur cet article, pour le Potage aux Pois en maigre, les passant au beurre blanc, & faisant mitonner vos croûtes d’un bon boüillon d’herbes, comme il est marqué lettre B.

Pour les Volailles qui se doivent farcir, on en trouve la maniere aux articles où il est parlé de ces Volailles. Voïez pour le reste, ce qui sera dit aux Potages suivans.

Potages aux Navets.

Aprés avoir ratissé vos Navets, coupez-les en dez ou le long, & les passez à la poële avec[4] lard fondu, & un peu de farine. Vous pouvez vousservir du même lard où vous aurez passé vos Volailles au roux, soit Canards, Sarcelles, Oisons, ou autres ; à moins que vous ne vouliez les faire un peu rôtir à la broche. De l’une ou l’autre maniere, empotez le tout ensemble avec bon boüillon, assaisonné de sel, poivre & un paquet de fines herbes ; vous y ajoûtez une liaison rousse en cuisant ; & aïant fait mitonner vôtre Potage du même

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boüillon, vous dressez vos Volailles & vos Navets proprement, & garnissez tantôt de paint frit, & tantôt de saucisses, andoüillettes, ou petit lard cuit ensemble : mettez jus de citron & bon jus en servant. Quelques-un font cuire les Navets separément.

Les Oies, Oisons, Canars, & semblables, que l’on sert aux Navets, doivent être piquez de gros lard avant que de les passer à la poële ; & les Volailles plus legeres se peuvent farcir, principalement les Poulets.

Les jarets de Carf & de Sanglier se peuvent servir en pareil Potage.

On peut aussi servir un Potage aux Navets, d’une épaule deMouton que vous lardez de gros lard, étant bien mortifié, & la faites rôtir à demi : aussi-bien que d’une éclanche farcie, que vous passerez à la poële comme les Volailles ci-dessus.

Potage de Choux.

Prenez de gros Pigeons, des Perdrix ou autres Volailles bien retroussées ; piquez-les de trois ou quatre rangées de lard, & faites-les rôtir seulement qu’elles aïent pris couleur. Prenez des Choux qui soient bien pommez ; coupez-les en quatre, & les fai

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tes blanchir : étant blanchis, il les faut égouter, les empoter, & vos Volailles aussi, avec du petit lard blanchi, un peu de basilique, un oignon piqué de clous de girofle, une ou deux gousses d’ail : les assaisonner, y mettre de bon jus & boüillon, & faire cuire le tout ensemble. A demi cuit, on y fait une liaison rousse, composée de lard & farine, comme si c’étoit pour faire une bonne sausse-robert. Quand la farine a pris couleur, moüillez vôtre liaison de bon jus, ou de même boüillon des Choux ; & étant cuit, jettez tout ensemble dans les Choux. Vous faites mitonner vôtre potage avec de bon jus, & boüillon des Choux, quand vous voïez qu’il a bon goût & qu’ils sont bien cuits. Etant mitonné, rangez les Volailles dessus le Potage ; faites un beau bord autour du plat, ou dans les intervalles, avec du petit lard par tranches : arrosez de bon boüillon, & servez chaudement.

Pour les Choux de Milan & autres, on peut, étant blanchis, les hacher & passer à la poële, avant que de les empoter comme ci-devant ; hors quelques cœurs, que vous conserverez pour garnir. Voïez encore ce qu’on a dit sur cet article, lettre C.

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Potages de racines.

Aprés avoir fait de bon boüillon, passez-le dans une marmite ; & empotez-y un Chapon gras, avec des racines de Persil, Panais, & petites Ciboules entieres. Le tout étant cuit ensemble, mitonnez vôtre Potage ; mettez le Chapon dessus : garnissez des Panais & petites Ciboules, & avant que servir, arrosez avec de bon jus de Veau.

On fait aussi des Potages de Cailles, Ramereaux, Poulardes & autres, aux Racines, de la mêe maniere.

Potages aux Nantilles.

Il faut prendre des Perdrix, Pigeons, Canards, ou autres Volailles ; les piquer de quelques rangées de lard, & les faire rôtir. Etant rôties à demi, empotez-les avec de bon boüillon, un bouquet de fines herbes, & autres assaisonnemens ordinaires, & faites-les cuire. Prenez des Nantilles qui soient cuites ; pilez-les avec oignon, carotes, racines de persil, & les passez par l’étamine, pour ne faire le coulis. Passez d’autres Nantiles dans la casserole, avec un peu de persil, ciboule hachée,

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& sarriette menuë. Etant passées, mettez-y du boüillon où ont cuit vos Volailles, & le coulis avec ; & empotez le tout, jusqu’à ce que vous fassiez mitonner, & dressez vôtre Potage. Il faut avoir du petit lard, cervelat ou saucisse, pour garnir ; & si l’on veut faire de la dépense, faites une bordure autour de vôtre plat, avec des crêtes & ris-de-veau en ragoût, le tout bien dressé & bien dégraissé ; & nourissez vôtre Potage, d’un coulis de Bœuf, carcasses de Perdrix, croütons de pain & morceau de citron verd, le tout pilé dans le mortier, passé à l’étamine, & assaisonné. Voïez le coulis de Nantilles, lettre C.

On fait un autre Potage aux Nantilles, garni d’un pain farci au milieu, tant en gras qu’en maigre. On le peut servir à l’huile pour ces derniers jours ; & principalement pour le Repas en Racines, ou autres jours de Carême, ausquels on en peut faire un plat ou assiette, les passant en ragoût aux fines herbes.

Potage de Ramereaux, maniere d’Oil.

Aïant retroussé proprement vos ramereaux, faites-les blanchir à l’eau, & les empotez avec de bon jus. On y met un paquet de porreaux coupez par morceaux, un bou

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quet de celeri, un autre de navets, un paquet d’autres racines, quelques ciboules, & un bouquet de fines herbes. Le tout étant cuit, faites mitonner vôtre Potage du même boüillon : rangez vos Ramereaux dessus, & garnissez tout le tour, de vos racines. Arrosez de bon jus & de bon goût, & servez chaudement. Les garnitures ne doivent accuper que le bor du plat, pour laisser la Soupe libre.

On en peut faire autant des Cailles, & de toute autres volaille.

Les Ramereaux se mettent d’ailleurs en Potage aux Choux, aux Champignons, & autres manieres que l’on voudra.

Potage d’Alloüettes.

Aïant vuidé & retroussé vos Alloüettes, poudrez-les d’un peu de farine, & les passez à la poële avec lard & beurre roux : passez aussi palais de bœuf & roignons de mouton ; ajoûtez-y champignons, morilles, pointes d’asperges, raisins, & marons rôtis : assaisonnez bien le tout de sel, poivre, clous, muscade, & un bouquet de fines herbes ; le tout étant cuit, faites mitonner vos croûtes de quelques bons boüillons, & garnissez vôtre plat de vos Alloüettes, & vôtre ragoût au milieu, avec un jus de ci

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tron en servant. Il se peut faire un pareil Potage de Francs-Moineaux, observant la même chose comme ci-dessus.

Potage à la Reine, de Perdrix, Cailles, ou autres Volailles.

Il faut prendre des Perdrix qui soient fraîches ; les faire blanchir, les bien retrousser, & les faire cuire dans de bon boüillon, avec un bouquet de fines herbes, quelques bardes de lard das la marmite, & tranches de citron. Faites un coulis d’un blanc d’estomac de Poularde ou Chapon rôti, haché & pilé dans le mortier, avec une mie de pain trempée dans du boüillon, & passé ar l’étamine proprement. mettez ce coulis dans une petite marmitte, qui soit bien couverte. Que vôtre Potage, qui doit être de croûtes de pain, mitonne avec de bon boüillon clir ; rangez ensuite vos Volailles dessus ; arrosez avec de bon jus ; & auparavant que de servir, pressez un jus de citron dans le coulis. Aïez un pain farci pour mettre au milieu de vôtre Potage, & les Volailles autour : versez vôtre coulis par-dessus ; & bordez le plat de crêtes de Coq farcies, de ris-de-veau piquez & rôtis, de quelques autres tranches de ris-de-veau en ragoût, & cus d’artichaux. Couvrez

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l’estomac de vos Perdrix, ou autres Volailles, de tranches de truffles noires, le tout rangé proprement. Pour le pain farci, il sera d’un bon hachis de quelques Volailles rôties, quelques morceaux de truffles & champignons, & petites pointes d’asperges selon la saison.

Vous pouvez faire un petit Potage d’une Perdrix seule, sans pain farci, en observant tout le reste, le plus que la dépense & la commodité vous le permettront.

On fait aussi un Potage de Perdrix farcies, garni de fricandeaux piquez passez en ragoût, avec ris-de-veau, champignons, cus d’artichaux, crêtes, truffles, & un jus de citron en servant.

Autre Potage blanc à la Reine.

On n’y met point de Volaille ; l’on prend seulement le blanc d’un Chapon, un morceau de colet de Veau, des amandes, deux ou trois jaunes d’œufs durs, une mie de pain trampée dans de bon[5] boüillon : le tout bien pilé dans un mortier, vous le faites mitonner dans une casserole, avec de bon jus & boüillon, qu’il soit de bon goût ; vous le passez par l’étamine, vous l’étendez sur vôtre Potage quand il est mitonné. On peut le marbrer avec quelque beau jus ;

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Potages de Cailles farcies, & Perdreaux.

Farcissez vos Cailles au blanc de Chapon ; moëlle de Bœuf, sel, poivre, muscade, & jaunes d’œufs cruds : faites-les cuire avec bon boüillon, & un paquet, comme au Potage precedent. Pour le coulis, passez par létamine deux cus d’artichaux cuits, & six jaunes d’œufs, avec le même boüillon des Cailles ; faites-le boüillir doucement sur les cendres chaudes. Dressez vos Cailles sur les croûtes mitonnées, & garnissez de petis cus d’artichaux : mettez vôtre coulis par-dessus, & jus de champignon & de Mouton en servant. On peut aussi y fare un ragoût de truffles, ou farcir les Cailles au Basilic.

Pour les Perdreaux & Perdrix farcies ; aprés les vaoir fait cuire avec bon boüillon, vous faites un coulis blanc, où il entre des amandes & citron verd ; & vous garnissez de crêtes, champignons, & jus de Mouton & de citron en servant.

Potage sans eau.

Aïez une belle marmite bien étamée ; une bonne roüelle ou tranche de Bœuf, de

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la roüelle de Mouton, de la roüelle de Beau, un Chapon, quatre Pigeons, deux Perdrix, le tout bien retroussé, & les grosses viandes battuës. Rangez-les dans[6] vôtre marmite, avec quelques tranches d’oignons, quelques racinesd e panais & persil, & assaisonnez de toute sorte de fines herbes, & peu de sel. Faites unes pâte ; & avec du papier fort, bouchez entierement tout le vent que pourroit respirer vôtre marmite, en sorte qu’il n’y entre, ni n’en sorte le moindre air. Il faut avoir une autre grande marmite, où celle-ci puisse entrer : qu’il y ait de l’eau qui boüille avec du foin, afin que l’autre marmite ne se troune & ne s’agite point dedans Cette marmite doit ainsi boüillir continuelement dans l’eau bien serrée, environ cinq ou six heures. Aprés il faut la décou[vrir][7], & passer tout le jus que la viande aura rendu, & le bien dégraisser. Vous hacherez les Volailles qui étoient dedans, pour farcir un pain, avec de bonnes garnitures. Etant farci, faites mitonner, autant la soupe que le pain, avec le même jus ; & faites un ragoût de toutes sortes de garnitures passées au lard, pour mettre par-dessus. Garnissez avec des crêtes farcies, ris-de-veau, ou autre chose semblable ; le tout dressé & servi proprement.

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Potage de santé.

Vous prenez de bon boüillon fait avec Bœuf de cimier, jarret de Veau & Mouton, pour empoter vos Chapons, Poulardes, ou autres Volailles propres pour la Soupe de Santé, & vôtre boüillon étant de bon goût, vous en faites mitonner vos croûtes. Aïez dans un autre pot à part, de bonnes herbes, comme ozeille, pourpier, cerfeüil, &c. le tout coupé bien menu : vous en garnirez vôtre Potage avec vos Volailles ; ou les passerez, pour n’en mettre que le boüillon, & bon jus en servant.

On fait un autre petit Potage de Santé tout clair, d’un Poulet, d’un morceau de roüelle de Veau, sans garniture. Vous lui donnez seulement couleur, avec la pêle du feu bien r[ougie].[8]

Potage de Poulets farcis.

Vous les farcissez d’un bon Godiveau, entre la peau & la chair : vous pouvez aussi ôter l’estomac ; & étant bien propres & bien blanchis, vous les empotez avec de bon boüillon. Vous pouvez garnir de ris-de-veau & crêtes, comme un Bisque, ou de légumes ; & jus & coulis en servant.

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Voïez ci-apés, differentes maniers de Pouletsfarcis.

Potage de Poulets de grain.

Après ls avoir farcis d’un bon Godiveau bien delicat, où il entre de la crême, vous les empoterez proprement ; & garnirez de pâtes frites, ou de legumes, & jus de citron en servant.

Potage de Poulets farcis aux oignons.

Vous y faites un coulis blanc par-dessus, avec du blanc de Chapon ou de Veau, & trois au quatre jaunes d’œufs durs : le tout bien pilé dans un mortier, avec de la mie de pain trempée dans de bon boüillon, vous le passez dans une casserole ; & l’aïant assaisonné, vous le faites boüillir cinq ou six boüillons. Vous le passez ensuite par létamine, & y ajoûtez un jus de citron ; & vous en arrosez tout vôtre Potage, étant prêt à servir.

Le Potage de Pigeons au blanc, garni d’oignons blancs ou de cardes, se fait de la même maniere que celui ci-dessus.

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Potage de Poulets farcis, garnis de Marons.

Faites cuire vos Poulets dans vôtre pot ordinaire, & les marons dans un petit pot à part, aprés les avoir pelez & epluchez de leur seconde peau, avec du bon boüilllon de bon goût, & qu’ils ne soient point rompus. Vous en ferez un cordon autour de vôtre plat & des Poulets, & vous arroserez avec un bon coulis en mitonnant, & jus de citron en servant.

Autre Potage de Poulets farcis.

On fait encore un Potage de Poulets farcis, avec un coulis verd, & des pointes d’asperges par-dessus, & un cordon de petit lard.

Potage de Poulets & autres, aux Concombres.

Empotez vos Poulets ou Chapons à l’ordinaire, avec bon boüillon, bien assaisonnez. A l’égard des concombres, vuidez-les : & les aïant fait blanchir à l’ea, farcissez-les d’une bonne farce, & les faites cuire avec boüillon, sel, & un paquet de fines herbes.

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Passez par l’étamine des jaunesd ‘œufs cuits, avec jus de poirée & un bon boüillon, & faites-le cuire & mitonner à part. Dressez vôtre Potage avec croûtes, vosPoulets au milieu ; les concombres farcis pour garnitures, & vôtre coulis par-dessus, avec jus de citron. Observez la même chose pour des Dindonneaux, & autres pieces.

Vous pouvez faire d’autres Potages aux concombres, sans les farcir ; mais seulement les passer à la poële avec lard fondu, & les faire cuire & dresser comme ci-dessus.

Potage aux croûtes farcies de blanc de Perdrix.

Vos Perdrix étant cuites à la broche, prenez-en le blanc & le coupez en dez, & des cus d’artichaux de même. Vous les passez ensemble, qu’ils soient de bon goût, & vous en farcissez vos croûtes. Vous faites un coulis d’un morceau de Bœuf bien rissolé à la broche, que vous pilez dans le mortier, avec les carcasses de vos Perdrix ; & vous passez le tout dans une casserole, l’assaisonnant comme il faut : Vous le passerez ensuite par l’étamine avec de bon jus, & un morceau de citron ; & vous en ferez mitonner vos croûtes. Faites un petit ha-

[384]

chis de Mouton que vous poudrerez par-dessus, avec un cordon de croûtons autour de vôtre plat.

On fait un autre Potage de croûtes farcies de nantilles, avec un coulis de nantilles, comme aux Pigeons & autres Volailles, comme ci-devant ; & il est aisé d’en imiter d’autres sur le pied de ce premier, suivant les viandes que vous aurez ; ou bien, faircir le pain d’un bon ragoût.

Autre Potage aux croûtes farcies de jambon.

Vous les farcissez de jambon, de ris-de-veau, blanc de Chapon, mousserons, cus d’artichaux ; le tout coupé en dez, & passé en ragoût avec coulis de veau. Vous fermerez vos vroûtes avec une autre, & les ficelerez proprement pour les faire mitonner, qu’elles ne se rompent point. Etant prêt à servir, dressez-les sur vôtre Potage, & garnissez-en vôtre plat, avec un jus de citron en servant.

Potage de Profiterolle.

Il faut avoir un petit pain rond, de même que ceux de la Soupe aux croûtes. Vous les farcissez, & faites mitonner avec

[385]

jus de Veau & bon boüillon : & étant mitonné, vous le dressez sur vos autres croûtes mitonnées, avec un peu de hachis de Perdrix, ou de Chapons. Faites un coulis avec les viandes dont vous aurez fait vôtre jus ; & l’aïant passé, versez-le sur vôtre Potage. Quand vous servirez, vous pouvez mettre un beau cu d’artichaut sur vôtre pain, quelques champignons au-dedans ; & garnir avec des fricandeaux, ou ris-de-veau.

Potage de Profiterolle, garni de Paupiettes.

Vous passez les paupiettes, dont vous trouverez la maniere en son rang, dans un plat ou casserole ; & vous faites un coulis d’un morceau de veau rôti à la broche, battu dans le mortier, bien assaisonné & passé par létamine, pour en arroser vos paupiettes. Il faut avoir un ragoût de ris-de-veau, champignons, truffles, mousserons, morilles, crêtes, cus d’artichaut ; le tout passé au blanc & de bon goût, vous en garnirez vôtre Potage ; le pain de Profiterolle au milieu, & un jus de citron en servant.

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Autre Potage de Profiterolle.

Formez-le de six petits pains, & un grand au milieu ; trois farcis avec du jambon, & les trois autres farcis de Chapon : le grand, farci d’un hachis de jambon & de Chapon, avec ris-de-veau, champignons, truffles, mousserons, cus d’artichaux coupez en dez. Vous garnirez de fricandeaux piquez passez au roux, un cordon de crêtes, & un ragoût de mousserons, ou champignons, cus d’artichaux, pointes d’asperges, le tout passé au blanc ; & un jus de citron en servant.

voîez ci-aprés, pour les Potages de Profiterolle au maigre.

Potage de Chapon ou Poularde, au Ris.

Vous faites cuire vôtre Ris avec de bon boüillon, & vous en garnissez vôtre Chapon ou Poularde sur vos croûtes mitonnées. Vous mettez par-dessus, un lit de Parmesan râpé, & de pain de canelle ; & vous lui faites prendre couleur avec la pêle bien rouge. On peut garnir le tour du plat, de croûtons de pain bien roussis dans le saindoux, & servir avec jus de Mouton & de citron.

Le Potage de Vermicelli se fait de la même maniere.

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Potage de Sarcelles & autres, aux Champignons.

Lardez les Sarcelles de moïen lard ; & les aïant passées à la poële avec lard fondu, faites-les cuire dans du bon boüillon à l’ordinaire, avec sel, & un paquet de fines herbes. Passez champignons & farine avec le même mard, & les mettez avec les Sarcelles, quand elles seront à demi-cuites. Servez, dressé proprement, avec jus de Mouton & de citron, & par tranches.

On a vû les Potages de Champignons farcis, lettre C.

Potage au Truffles.

Il faut faire cuire les Truffles avec bon boüillon & jus dans un petit pot, avec un bouquet de fines herbes, & une liaison bien nourrie. Vôtre Potage étant mitonné, & vos Truffles cuites, vous les rangerez dessus, & jus de citron en servant. Vous pouvez mettre un pain de Profitrolle au milieu.

Pour les Potages de Faizandeaux, Cailles & autres volailles que vous voudrez servir aux Truffles ; empotez-les à l’ordinaire, bien assaisonnées. Coupez vos Truffles par

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morceaux, & non par tranches ; & les aïant passez avec un peu de lard, faites-les cuire comme dessus : & pour brunir le Potage que vous en garnirez, aïez un bon coulis de Bœuf ou de Mouton, & jus de citron en servant.

Potage aux Truffles & aux Mousserons.

Faites un coulis de Veau ou blanc de Chapon, bien assaisonné & de bon goût ; & un pain farci de tout ce que vous voudrez, au milieu de vôtre Potage. Vous passerez vos Truffles & mousserons en bon ragoût ; & vous en garnirez le Potage, & un jus de citron en servant.

Potage de Pigeons farcis au roux.

Vous passez des oignons au roux, pour faire le cordon ; & vous faites un coulis brun, d’un morceau de Bœuf bien rissolé à la broche, & pilé dans le mortier avec croûtons de pain ; le tout passé dans une casserole & bien assaisonné, & passé ensuite par l’étamine avec un jus de citron, pour en arroser vôtre potage, étant prêt à servir. Enrichissez de champignons, cus d’artichaux, & autres garnitures.

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Potage de Pigeons aux Raves.

Vous[9] les lardez de gros lard, & vous les passez au roux de belle couleur ; vous les mettez cuire avec de bon boüillon doucement, & un bouquet de fines herbes. Vous faites une liaison avec fines herbes, que vous jettez dedans ; & aïant fait mitonner vos croûtes avec de bon boüillon, vous garnirez vôtre Potage avec les Raves bien blanches, & cuites proprement ; une partie coupées en dez, & l’autre partie entieres.

On fait un Potage de Pigeons farcis au roux de la même maniere ; une liaison en cuisant, & garni de Raves de même.

Potage de Pigeons au blanc.

On peut le garnir de poupiettes & de membres de Poulets de g rain matinez & frits ; un coulis blanc sur vos Pigeons, & un pain au milieu ; ou bien un cordon d’asperges, & pain de profitrolle, & jus de citron en servant.

Voïez ci-devant, pour le Potage blanc de Pigeons aux oignons.

[390]

Potage de Parmesan.

On le peut garnir de petits pains de profitrolle chapelez bien proprement, que vous trempez dans du lard fondu, & les poudrez ensuite de Parmesan râpé, pour leur faire prendre couleur au four. Vous preparez vôtre Potage dans un plat, pour mitonner ; & vous faites un lit de Parmesan, un lit de quelque bon hachis de viande, & un lit de pain à canelle. Vous faites cela par deux fois, & lui faites prendre couleur avec la pêle. Garnissez le bord de vôtre Potage, de croûtons bien roux ; & le milieu, de vos pains ; & ris-de-veau dans les intervalles, avec des fricandeaux piquez, truffles & crêtes ; & un jus de citron en servant.

Pour un autre Potage de Parmesan, hachez la chair d’un Poulet fort menu, que vous poudrerez sur vos croûtes, & du Parmesan râpé par-dessus. On peut mettre un pain au milieu, garnir de cus d’artichaux & autres choses ordinaires ; ou ne le point garnir, & lui donner belle couleur avec la pêle.

Voïez ci-devant la Casserole au Parmesan, lettre C.

[391]

Potage de Cailles au blanc-manger.

Vos Cailles étant cuites avec de bon boüillon, sel & un paquet de fines herbes ; pulez des amandes, que vous passerez par l’étamine au même boüillon ; & faite-le cuire avec un peu de canelle & de sucre. Faites le fond de vôtre Potage avec macarons, biscuits, & massepains ; & quand vos Cailles seront dressées, mettez vôtre boüillon blanc par-dessus, & garnissez de tranches de citron, & jus & grains de grenade en servant.

Les autres Potages de Cailles sont expliquez ci-devant, soit au sujet d’autres Volailles, ou en particulier.

Potage de Perdrix en boüillon brun.

Lardez vos Perdrix de moïen lard, & les passez à la poële avec lard fondu, passez-y aussi un peu de farine, & mettez le tout dans un pot avec bon boüillon, un paquet de fines herbes, & le sel necessaire. Faites le coulis d’un morceau de Bœuf rôti, passé avec le même boüillon de Perdrix, & le maintenir chaudement ; coupez par morceaux des cus d’atichaux cuits, & les mettez dans ce coulis, avec tranches de

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citron & crêtes cuites & passées en ragoût. Vôtre Potage étant mitonné, dressez vos Perdrix & vos garnitures, jettez le coulis par-dessus, & tranche & jus de citron en servant.

Vous pouvez aussi en faire un Potage aux Ecrevices, observant ce qui a été dit pour le Potage maigre, lettre E. Vous garnirez de ris-de-veau, foies gras, fricandeaux, pains de Perdrix, & autres choses que vous aurez.

On peut voir plus haut, les Potages de Perdrix, que l’on veut faire aux Choux, aux Nantilles, & autres legumes.

Potage d’une poitrine de Veau & d’un Chapon, un pain au milieu.

Vous farcissez le pain de blanc de Chapon, Mouton & Perdrix hachez ensemble, avec cus d’artichaux, ris-de-veau coupez en dez, truffles, crêtes & champignons passez en ragoût, & un coulis de Veau : le pain est ouvert par-dessus, afin qu’on voîe le ragoût. Vous le marbrez d’un jus de Veau & de citron ; & aïant dressé vôtre Potage, vous le garnissez de ris-de-veau & crêtes autour, le tout passé au blanc ; & jus de citron en servant.

[393]

Potage de Dindons à la chicorée.

Prenez des Dindons, Poulardes, Poulets, ou autres Volailles, que vous empoterez & ferez cuire à l’ordinaire, avec boüillon, sel & un paquet de fines herbes. Faites blanchir vôtre chicorée dans l’eau, & les mettez cuire avec le reste. Dressez & faites mitonner vôtre Potage : garnissez de la chicorée, & servez au boüillon naturel, avec jus de Mouton & de champignons.

Potage de Poulardes.

Vous en prenez une, que vous coupez par morceaux, & vous le faites mariner au jus de citron ou verjus, avec les autres assaisonnemens. Vous faites une pâte avec du verjus, pour les frire de belle couleur ; ce sera pour en garnir vôtre Potage, autour d’une autre Poularde que vous auez empotée bien proprement dans de bon boüillon. Vous ferez un coulis avec les os de la Poularde marinée, des croûtons de pain & bon boüillon : vous en arrosez vôtre Potage en mitonnant, & un jus de citron en servant.

Potage à l’Italienne.

C’est une maniere d’Oil, que l’on dresse

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dans un bassin, aprés y avoir fait uneseparation en croix avec de la pâte que l’on fait cuire au four. A l’un des quarreze, on fait une Bisque ; à l’autre, un Potage de petits Poulets ; au troisiéme, un Potage à la Reine en profitrolle ; & au quatriéme, un Potage de Perdrix farci ; le tout dans ses boüillons particuliers, & avec differentes garnitures, les plus riches qu’on pourra.

Potage d’Oisons farcis.

Faites une farce avec le foie[10], le cœur, & fines herbes, & une omelette de quatre œufs, que vous battrez ensemble dans un mortier, & l’assaisonnerez de bon goût, pour en farcir vôtre Oison entre la peau & la chair. Vous l’empoterez avec de bon boüillon, & ferez une purée verte pour jetter par-dessus vôtre Potage. Faute de Pois nouveaux, prenez en de vieux, dont vous ferez vôtre coulis verd. Garnissez de laituës farcies.

Potage blanc.

On peut appeler ainsi le Potage à la Reine, que l’on a marqué le second ; en voici quelques autres. Prenez des blancs de Poulets ou de Chapons, que vous hache-

[395]

rez bien menu, & les poudrerez sur vôtre Potage mitonné ; le marbrant avec jus de Veau bien roux, & jus de citron en servant.

Autre ment : pilez la chair d’un Poulet ou du blanc deChapon, & un morceau de mie de pain bien blanc ; passez le tout par l’étamine : & vos croûtes étant mitonnées, mettez ce coulis par-dessus sans garnir.

Potage de Chapon désossé aux Huîtres.

Aprés avoir desossé vos Chapons, conservant les peaux entieres, farcissez-les de la même chair, avec graisse de Bœuf ou moëlle, lard pilé, fines herbes, sel poivre, muscade, jaunes d’œufs, & le mettez cuire avec bon boüillon. Passez huîtres, champignons et farine par la poële, & mettez le tout avec les Chapons, quand ils seront presque cuits : dressez & servez proprement, avec jus de citron & de champignons.

Pour les autres Potages de Poissons en gras, voïez ci-aprés celui de Soles.

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POTAGES MAIGRES.

Potage de Santé.

Coupez laituës, pourpier, ozeille, poirée & autres bonnes herbes, & les mettez sur le feu dans un pot de terre avec du beurre, pour les faire amortir. Mettez-y ensuite de l’eau boüillante, du sel, un bouquet de fines herbes, & un pain ou croûte que vous mettrez au milieu de vôtre Potage. Vous passerez les herbes, si vous voulez ; ou vous les servirez, & garnirez de petites laituës, jus de champignons & une cuillerée de purée en servant.

Le Potage sans beurre & la Julienne se rapportent assez à ceci, pour n’être pas besoin d’en parler en particulier.

Potage de Mousserons & Morilles à la crème.

Passez-les au bon beurre, avec fines herbes ; ils se passent aussi à l’huile, pour d’autres Soupes. Quand vos croûtes seront mitonnées, vous mettrez vôtre crème avec les Mousserons, dans la casserole où vous les aurez fait cuire, avec un bouquet de fines herbes ; faites qu’ils soient bien liez. Vous dresserez en même tems

[397]

vôtre Potage, un pain de profitrolle au milieu, & jus de citron en servant. Garnissez le tout de vôtre plat, de Mousserons frits en beignets, ou autres choses convenables.

Potage d’Oignons au blanc.

Vous le dressez avec un pain au milieu si vous voulez ; vous faites un coulis blanc d’amandes, racines de persil & mie de pain trempée dans du boüillon de purée, le tout passé par l’étamine. Ce même coulis est bon, non seulement pour les Oignons, mais aussi aux Cardes, Salsifix, Cheruis, &c.

On fait un autre Potage d’Oignons passez au roux, coupez en dez ; & pour garniture, des Oignons par roüelles frits comme les beignets, ou entiers[11] : comme aussi un Potage d’oignons au basilic.

Potage d’Oublons.

Blanchissez-les bien proprement, & les liez par paquets ; & les aïant fait cuire dans de bonne purée ou autre boüillon maigre, vous en garnissez vôtre Potage, avec un pain au milieu.

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Potage de Pourpier

Vous le laissez presque de toute sa longueur quand il est petit, & le faites cuire avec boüillon de purée dans un petit pot, un oignon piqué, une carote, quelques panais, & une liaison. Etant cuit, & vos croûtes mitonnées, vous en garnissez vôtre Potage.

Potage de Brocolis.

Les Brocolis sont des rejettons de choux : vous les épluchez bien, & les jettez dans de l’eau fraîche ; & les aïant fait blanchir, vous les empoterez, y mettrez un petit coulis comme au pourpier ; & garnirez de Brocolis.

Potages deRaves.

Ratissez-les bien, & laissez un petit bouquet de vert au bout. Vous les ferez blanchir, & les mettrez cuire avec de bon boüillon, & une petite liaison. Dressez les comme le pourpier.

Potages aux Concombres.

Faites blanchir vos Concombres, & les mettez cuire dans de bon boüillon de pu-

[399]

rée, avec un oignon piqué de clous, quelques racines, & de petites herbes. Vous y ferez une liaison comme aux autres en gras, & garnirez de vos Concombres avec capres. Vous pouvez aussi les farcir d’herbes ou de poisson, & garnir de pointes d’asperges selon la saison.

Potages d’Asperges.

Au défaut de pois, vous pouvez passer des Asperges piléees par l’étamine, avec du boüillon d’herbes, pour faire le coulis verd. Vous passerez d’autres pointes d’Asperges par la poële, avec beurre & fines herbes, & les mettrez mitonner, assaisonnées de sel & muscade ; vous en couvrirez vôtre Potage, & vôtre coulis par-dessus, auquel vous ajoûterez de la crème naturelle, ou des jaunes d’œufs, si le tems le permet.

Potages de Laituës farcies.

Voïez ce qui a été dit ci-devant pour les Laituës farcies, lettre L. hors qu’ici vous les farcirez d’une bonne farce de poisson, telle qu’on a vû letre F. & si c’est pour des jours de plus grande abstinence, ou faute de Poisson, farcissez-les d’une bonne farce de fines herbes, assaisonnée de sel,

[400]

poivre, muscade, & jaune d’œufs ou crème. Du reste, faites-les cuire avec purée claire, ou boüillon d’herbes ; & les aïant dressées sur croûtes mitonnées de pareil boüillon, ajoûtez-u un coulis, & jus de champignons en servant : garni de pain frit, ou autre chose.

Potage marbré.

C’est un Potage de lait d’amande, auquel on ajoûte des jaunes d’œufs, du sucre, de la canelle, & un peu de sel : vous le dresserez sur pain ou biscuits, & vous le marbrez avec jus ou gelée de groseille, jus de poirée cuit au sucre, & fleurs d’oranges. Garnissez de grains de grenade & nompareille.

Potage au Fenoüil.

Vous prenez du Fenoüil que vous hachez bien, & le mettez dans un petit pot ; observant quant au reste, la même chose qu’au Potage qui suit.

Potage d’Epinars.

Vous n’en prenez que le cœur, que vous hachez bien ; & vous les mettez cuire dans un petit pot, avec du boüillon de purée, une

 

[1] étaint

[2] avez

[3] tran-tranches

[4] avez

[5] Les deux derniers mots soudés.

[6] Ce mot dupliqué.

[7] Impression altérée.

[8] Impression altérée.

[9] Vou

[10] foies

[11] enties

1705- Le cuisinier roïal et bourgeois (Massialot) (401-450)

[401]

carote, un oignon piqué de cloud, & les autres assaisonnemens. En faisant mitonner vos croûtes[1], râpez-y du Parmesan, & dressez vôtre Potage, le garnissant de pains à canelle, un au milieu ; ou bien d’oignons, ou de rôties frites.

Potage de bourgerons de Vigne-vierge.

Otez les plus grandes feüilles, & prenez garde qu’il n’y ait du bois : faites-les blanchir à l’eau boüillante, & les aïant liez par paquets, mettez-les cuire dans un petit pot, avec un carote, panais, racine de persil, oignon piqué, quelques navets en quatre, & une gousse d’ail. Ajoûtez-y en cuisant une petite liaison ; & garnissez-vôtre Potage avec les bourgerons, un pain au milieu.

Potage aux petits Pois.

Voïez ci-devant ce que nous avons dit pour le Potage aux Pois en gras, & observez la même chose ; hors qu’ici vous passerez vos petits Pois au bon beurre, & vous servirez de bon boüillon. A la purée simple, garnissez de concombre, cus d’artichaux, pointes d’asperges, & semblables choses.

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Potage ax Choux.

Voïez aussi lePotage de Choux gras, où il y a la maniere de les empoter & faire cuire ; retranchant ici le lard, pour ne se servir que de beurre, & de boüillon maigre, ou purée claire : Garnissez des cœurs, cus d'artichaux & paix frit.

Potage de Citroüilles au lait.

Coupez les Citroüilles en dez bien menus, & les passez à la poële au beurre blanc, avec sel, persil, cerfeuil & fines herbes : mettez-lesdans un pot de terre, avec lait bouillant, & les dressez sur croûtes mitonnées : Garnissez de pain frit, & mettez poivre blanc en servant.

Potage de Melon.

Il faut le couper comme les Citrouilles, & le passer de même à la poële avec beurre ; faites-le cuire, assaisonné de sel, poivre et un paquet de fines herbes ; passez-en par l'étamine avec le même boüillon, dont vous ferez aussi mitonner vos croûtes ; & aïant dressé le tout, servez garni de Melon frit, & grains de grenade.

[403]

Autre maniere.

Vous pouvez faire un Potage avec le Melon, comme l'on fait celui de la Citrouille au lait ; réservé qu'il y faut mettre du sucre & le border de macarons, de prâlines & de biscuits, d'amandes ameres, & servir sans mitonner.

Potage au Lait.

Aïez de bon lait de vache fraîchement tiré, mettez-le dans un poëlon sur le feu avec un peu de sel & du sucre ce qu'il en faut : quand il viendra à bouilir, vous y jetterez dedans quelques jaunes d'œufs délaïez avec du lait, ensuite vous le remuërez bien avec une cuillere, de peut qu'il ne tourne : quand il commencera à boüillir, vous le verserez vôtre plat, aïant auparavant rangé dedans vos croûtes seches.

Potages de grains de Muscat.

Faites un bon lait d'amandes, comme vous avez pû voir page 92. & quand vous voudrez dressez vôtre Soupe, mettezy des grains de muscat, aïant ôté les pepins. Au lieu de croûtes ou autre pain,

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dressez vôtre Potage avec macarons ou biscuits, & garnissez de Muscat confit au sucre ; jus de citron & de groseilles pour marbrer en servant.

Potage de Cardes d'Artichaux.

Il faut faire blanchir & cuire vos Cardes avec eau, beurre, sel & une croûte de pain. Etant cuites, mettez-les proprement dans du beurre fondu ; il les faut couper fort courtes. Faites mitonner vôtre Potage avec bon boüillon d'herbes : mettez la croûte d'un petit pain entier au milieu, dressez vos Cardes en dôme surle pain, & râpez du fromage de Parmesan par-dessus. Vous y pouvez faire un coulis blanc ; parsemer encore de fromage râpé ; & garnir de capres & tranches de citron.

Potage de Choux blancs & Ciboulettes au lait.

Aprés les avoir fait blanchir dans l'eau, hachez-les, & les passez à la poële avec beurre blanc ; puis les mettez dans du lait chaud, assaisonnez de sel, poivre & un paquet de fines herbes : dressez sur du pain par tranches.

On en fait de même avec des Ciboulettes, bien menuës.

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Potage de cus[2] d'Artichaux.

Coupez vos cus d'Artichaux par la moitié, & les passez à la poële avec beurre roux et farine, ou au beurre blanc : gardezen un entier pour le milieu du Potage. Mettez-les dans un pot de terre avec purée claire, sel & fines herbes ; & étant cuits, dressez sur croûtes mitonnées ; & servez avec capres & jus de champignons. Ces Potages sont plus que suffisans pour ce qui concerne les Herbages & Legumes, soit pour le jour duVendredi-Saint, ou pour les autres jours maigres durant l'année : venons à ce qui regarde les Poissons dont nous n'avons point encore parlé.

Potage d'Esturgeon.

Vôtre Esturgeon étant bien nettoïé, faites-le cuire avec eau, beurre, sel, & un paquet de fines herbes. Etant à demi cuit, tirez ce boüillon ; & remettez dans vôtre casserole ou terrine, vin blanc, sel, poivre, clous pilez, verjus, oignons & laurier[3], avec quoi vous l'acheverez de cuire. Passez des champignons & farine à la poële avec beurre que vous mettrez dans le premier

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boüillon pour vôtre Potage, avec une cuillerée de purée. Faites en mitonner des croûtes[4] de pain dans un bassin rond ou ovale ; & dressez l'Esturgeon au-dessus, l'aïant égoutté. Garnissez d'huîtres, champignons, capres ; & ajoûtez-y jus & tranches de citron en servant.

Potage de Turbot.

Ecaillez le Turbot, & le faites cuire dans un linge avec vin blanc & moitié eau, verjus, sel, poivre, muscade, clous & laurier[5] : faites mitonner vos croûtes avec bon boüillon de poisson ; & aïant égouté vôtre Turbot, dressez-le, & garnissez de champignons sur lecorps du poisson ; & les bords du plat, de champignons farcis, laites, huîtres, capres ; & jus & tranches de citron.

Potage de Saumon frais.

Il faut écailler le Saumon, le mettre par tronçons, & le faire cuire à demi comme l'Esturgeon, pour en tier le boüillon : vous l'assaisonnerez ensuite de sel, fines herbes bien menuës, & purée claire ; & pendant que vous en ferez mitonner vos croûtes, vôtre Saumon achevera de cuire

[407]

à petit feu, bien assaisonné. Quand il faudra servir, dressezn & garnissez de champignons farcis, laites de carpes, champignons à l'estoufade, capres, jus & tranches de citron, & jus de champignons.

Potages de Soles.

Pour faire un Potage de Soles, prenezen qui soient d'une belle qualité & bien fraîches : Il nes faut ratisser & bien laver. Si elles sont petites, prenez-en deux pour farcir : si elles[6] sont grandes, vous n'en prendrez qu'une, pour mettre au milieu de vôtre Potage. Prenez la Sole à farcir du côté de la tête proprement : il la faut presser au-dessus, pour en pouvoir sortir toute l'arête & la renverser. Il faut prendre un peu de cette chair & de la chair de Carpe, pour en faire un farce, avec ciboule, persil, mie de pain ; & vous la remettrez de la même maniere que quand elle étoit entiere. Vous sla farcirez tout d'un tems. Vous en aurez d'autres pour frire, afin d'en tirer les filets pour garnir vôtre potage. Il faut avoir un bon ragoût, de même que pour le Potage aux ecrevices, & aussi un pareil coulis. Vous ferez mitonner vôtre Potage avec de bon boüillon de poisson ; cependant vous frirez vôtre Sole farcie, que vous

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mettrrez sur lePotage quand il sera mitonné & prêt à servir. Vous garnirez des filets des autres Soles frites, de laites de Carpes et cus d'artichaux. Versez le ragoût tout autour, & laissez la Sole découverte, qu'elle paroissed'une belle couleur : le tout servi chaudement.

Si ce n'est pas en Carême, on peut faire une omelette pour mêler avec la farce ; & au lieu de frire les Soles, on les peut aussi mettre dans une tourtiere frotée de beurre : Vous les panez pour leur faire prendre couleur, & les faites cuire dans le four doucement.

On fait encore un Potage des seuls filets de Soles, un pain au milieu, garni d'oignons passez au roux : comme aussi un Potage de filets de Soles au basilic.

Potage de Soles en gras.

Le boüillon & le jus sont de même que pour les autres Potages gras. Quant au reste, prenez des Soles, & à quelquesunes, tirez-en les filets cruds, & les piquez proprement, avec quelques ris-deveau piquez ; ce qui servira pour la garniture de vôtre Potage. Pour la Sole farcie au milieu de vôtre Potage, prenez vôtre Sole, ratissez-la, & la troüez du côté de

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la tête, pour en tirer toute l'arête, & que la peau reste toute entiere. Prenez de la chair de la même Sole, un peu de lard blanchi, quelques morceaux de ris-de-veau, truffles & champignons, le tout bien haché. Pour faire une farce delicate, il faut y mettre un peu de mie de pain trempée dans un peu de lait, & la lier avec deux jaunes d'œufs : il faut y avoir haché un peu de persil & de la ciboule. Vôtre farce étant faite, il en faut remplir vôtre Sole ; & étant prêt à servir, la fariner, la faire frire avec lard, de belle couleur ; & du reste de la farce, faire de peites andoüillettes & les frire, les aïant bien farinées & panées, aprés les avoir trempées dans des œufs battus, afin que le pain s'y tienne. Pour les filets, aprés les avoir piqué, & les ris-de-veau, il faut les fariner un peu, & les frire dans le même lard. Vôtre Potage étant mitonné, garnissez-le de ces filets & ris-de-veau, & de petites andoüillettes : mettez la Sole au milieu du Potage, avec un ragoût de ris-d'agneau & truffles selon la saison ; le tout bien garni, & arrosé de bon jus sur le pain du Potage, & servi chaudement.

Une autre fois, on peut piquer la Sole du milieu ; & pour la pouvoir piquer, aprés l'avoir ratissée, lavée & bien essuïée,

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il y faut passer la pêle rouge sur le dos legerement, afin que vôtre lardoire puisse passer proprement pour la pouvoir piquer. Etant piquée, vous la pouvez frire comme l'autre Sole ; & aussi vous pouvez la mettre dans une tourtiere, avec du lard dessous, & lui faire prendre couleur à la broche, ou au four.

Pour des Entrées ; il s'en peut faire de même que le ragoût ci-devant, garnissant de filets, andoüillettes & autres choses ; le tout servi chaudement.

Potage de Tortuës maigre.

Il faut prendre des Tortuës, leur couper la tête & les jambes un jour auparavant, & les mettre tremper dans de l'eau pour ôter le sang. Ensuite il faut prendre une petite marmite, à proportion des Tortuës, & les mettre cuire avec de l'eau, un peu de sel, du bon beurre, un peu de persil, une ciboule piquée de clous de girofle, un peu de fines herbes, & faire bien cuire le tout. Sivous voulez que vôtre boüillon soit meilleur, ajoûtez-y quelques arêtes de Carpes ou autre poisson dont vous aurez tiré la chair pour faire des farces. Le tout étant bien cuit, tirez les Tortuës, & passez le boüillon, qui servira pour le Potage &

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Il faut prendre des Tortuës, leur couper la tête & les jambes un jour auparavant, & les mettre tremper dans de l'eau pour ôter le sang. Ensuite il faut prendre une petite marmite, à proportion des Tortuës, & les mettre cuire avec de l'eau, un peu de sel, du bon beurre, un peu de persil, une ciboule piquée de clous de girofle, un peu de fines herbes, & faire bien cuire le tout. Sivous voulez que vôtre boüillon soit meilleur, ajoûtez-y quelques arêtes de Carpes ou autre poisson dont vous aurez tiré la chair pour faire des farces. Le tout étant bien cuit, tirez les Tortuës, & passez le boüillon, qui servira pour le Potage &

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Potage de Tortuës en gras.

Pour lePotage de Tortuës en gras, on les fait cuire comme ci-dessus, pour en tirer la chair, que l'on passe avec du lard & fines herbes. On fait un coulis avec un morceau de veau rôti à a broche bien rissolé, que vous pilez dans un mortier avec du blanc de Chapon ou de Poulets, & cinq ou six amandes, un morceau de mie de pain trempée dans de bon boüilon. Vous faites bouïllir le tout dans une casserole, & l'assaisonnez de bon goût ; & le passez ensuite par l'étamine, avec un morceau de citron verd ; ce coulissera pour bien nourrir vôtre Potage en mitonnant. Vous le garnirez de ris-de-veau coupez en laites, cus d'artichaux, poupiettes piquées passées au roux à part ; & au milieu, vos coquilles frites de belle couleur, & jus de citron en servant.

Potage aux croûtes farcies de Vives & Perches au blanc.

Vous faites cuire vos Vives ou vos Perches, à l'eau & au sel ; vous en ôtez la peau, & prenez la chair, quevous hachez bien menu. Il faut avoir une douzaine d'a-

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mandes avec de la chair de vos Vives, & en faire un coulis ; les pilant avec trois ou quatre jaunesd'œufs, si le tems le permet. Vous passez vôtre hachis au bon beure & fines herbes, & vous vous enservez pour poudrer vos croûtes mitonnées : & jus de citron en servant.

Potage aux croûtes farcies de Soles.

Il faut faire le hachis comme celui ci-dessus, aïant fait frire vos Soles, avec nantilles passées dans le coulis ; ou bien un coulis verd avec des pointes d'asperges.

Potage aux croûtes farcies de Brochet.

Vous le faites comme les precedens, avec un coulis verd & des pointes d'asperges dans la saison, ou bien un coulis blanc.

Potage de Perches au blanc.

Prenez vos Perches ; & les aïant bien lavées, faites-les cuire avec de l'eau, du sel, clou, oignon, thim, poivre. Etant cuites, épluchez-les bien proprement : vous en prendrez une pour faire un coulis, avec un peu d'amandes pilées & quelques jaunes d'œufs, suivant le tems ; pilant le tout dans

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un mortier, bien assaisonné, & passé ensuite par l'étamine. Vous mettez d'un hachis de Carpes sur vos croûtes, & le coulis par-dessus ; & garnirez de pain frit.

Potage de Grenoüilles.

Vous prenez vos Grenouilles, dont vous coupez les jambes, & décharnez les os des cuisses & les rompez. Vous reservez les plus grosses pour frire. Vous les faites mariner avec verjus, sel, poivre, & les aïant passées dans une pâte claire, vous les faites frire d'une belle couleur, pouren faire un cordon autour de vôtre Potage. Les autres, vous les passerez en ragoût, avec laites, champignons, & autres garnitures, le tout au blanc : vous en garnissez vôtre Potage mitonné ; un coulis par-dessus, & un jus de citron.

Potage aux Profiterolles.

Faites un hachis de Carpes que vous passerez au beurre avec fines herbes, un morceau de citron verd & boüillon. Vous le ferez cuire & l'assaisonnerez, qu'il soit de bon goût. Coupez du Brochet ou des Vives en fricandeaux, que vous ferez mariner avec verjus, oignon, sel, poivre ; & les

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aïant farinez, vous les ferez frire de belle couleur : ce sera pour garnir vôtre Potage. Vous mettrez vôtre hachis pardessus vôtre pain mitonné, le pain de Profiterolle au milieu, & jus de citron en servant.

Potage de Profiterolle de Tortuës.

Vous le pouvez garnir d'Ecrevices, & coquilles frites par intervalles. Faites un coulis roux, comme au Ecrevices : passez vos Tortuës en fricandeaux, comme des Poulets au coulis blanc, & un morceau de citron verd. En mitonnant vos croûtes, mettez par-dessus quelque hachis de poisson, & laites passées au roux avec fines herbes. Vous dressez ensuite vos Tortuës, un pain au milieu, & jus de citron.

Potage à la Roïale.

Il faut avoir de la chair d'anguille & autant de champignons, que vous passerez à la poële avecbeurre blanc : hachez le tout ensemble, & le mettez dans un pot avec bon boüillon de poisson, assaisonné de sel & un bouquet de fines herbes. Vous ferez mitonner vos croûtes du même boüillon de poisson : vous les couvrirez de vôtre chair hachée par-dessus ; & garnirez de lai-

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tes de Carpes, foies deBrochet, champignons farcis, & tranches & jus de citron & de champignons en servant, avec capres.

Potages d'Huîtres.

Passez les Huîtres par la poële avec beurre roux, & gardez leur eau, comme on l'a déjà dit ailleurs ; passez en même tems avec vos Huîtres, des champignons par morceaux, & un peu de farine : & mettez cuire le tout avec purée claire, sel, & un morceau de citron verd. Faites mitonner vôtre pain avec bon boüillon de poisson ; & aïant dressé vos Huîtres & vos champignons, garnissez de capres & tranches de citron ; & servez, aprés avoir mis l'eau de vos Huîtres dans vôtrePotage, avec jus de champignons & de citron.

Potage de Tanches farcies, au boüillon brun.

Il les faut limoner dans de l'eau chaude, & ôter la peau entiere, comme vous pourriez faire aus Soles. Faites farce avec la chair, chapignons, fines herbes, jaunes d'œufs, sel, poivre & muscade ; & étant farcies comme si elles étoient entieres,

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mettez les cure avec purée claire, ou autre boüillon, & beurre. Passez champignons par la poële avec beurre & farine ; & faitesles cuire dans d'autre boüillon ou eau, assaisonnez desel, clous, & un paquet de fines herbes. Ce boüillon vous servira pour faire mitonner vos croûtes, sur lesquelles vous dresserez vos tanches, garnies de champignons, capres, laites de Carpes ; & jus & tranches de citron en servant.

Les Cancres farcis, & autres semblables poissons, se peuvent servir en pareil Potage.

POT-POURRI.

Cette maniere est propre à plusieurs choses, comme Canards, Dindons, Levraux, & autres pieces. on les larde de gros lard, & on les passe à la poële avec lard fondu, pour les colorer ; ensuite on les fait cuire avec bouïllon, vin blanc, un paquet de fines herbes, sel & poivre. Etant à demi cuits, passez des champignons dans le même lard, & un peu de farine ; & mettez letout ensemble, avec jus ou coulis d'artichaux, andoüillettes, ris-de-veau, huîtres, si vous voulezs, & concombres marinez suivant le tems. Servez avec jus de Mouton & de citron, dressé proprement & chaudement pour Entrée.

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POULARDES

Nous avons marqué ci-devant une maniere d'Entrée de Poulardes, sçavoir aux Olives ; que l'on peut pratiquer à l'égard d'autres Volailles. En voici de particulieres, qui ne sont pas moins curieuses, ni moins délicates.

Poulardes à l'Angloise.

L'on y fait une farce omposée de capres, du lard, de la tetine de Veau, un peu de moëlle, des truffles, des champignons, des cus d'artichaux, des ris-de-veau, un peu d'ail ; le tout haché, blanchi & assaisonné. On en farcit les Poulardes dans le corps ; & les aïant bien ficelées, avec une bonne barde de lard sur l'estomac, vous les envelopez dans du papier, & les faites rôtir. Vous les servez chaudement, avec une petite sausse composée de truffles hachées, chapignons, anchois, un peu de capres, & du jus de Veau ; le tout haché, détrempé & cuit. On y met aussi un peu de coulis ; & en servant, on y presse le jus d'une orange.

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Poulardes à la crême, farcies sur l'arête.

Il faut prendre des Poulardes & les faire rôtir. Etant rôties, tirez l'estomac ; prenez-en la chair, & la hachez bien proprement, avec du lard cuit, un morceau de jambon cuit, un peu de champignons, des truggles, de la ciboule & du persil, une mie de pain trempée dans de la crême, qui ait un peu mitonné sur le feu : le tout étant bien haché, mettez-y quelques jaunes d'œufs. Ensuite il faut farcir avec cela vos Poulardes sur l'arête, les ranger dans un plat ou tourtiere, les paner dessus proprement, y aïant passé du blanc fouetté des œufs dont vousavez pris le jaune, & leur faire prendre couleur dans le four. Si vous avez trop de cette farce, & que vous ayez quelques cuisses ou aîles de Poulets & Poulardes, vous les pouvez farcir avec la même farce ; ce sera pour garnir vôtre plat : & si vous voulez, vous pouvez faire à ces Poulardes un petit ragoût de champignons & foies passez à la crême, que vous mettrez dessous.

Poulardes à la Sainte-Menehout.

Prenez des Poulardes, retroussez-les

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pour boüillir, & les fendez par derriere : élargissez-les sur la table, cassez les os, & ôtez ceux des cuisses. Il faut avoir une casserole avec du bon lard, & les passer proprement ; que la casserole soit large, & qu'il y ait beaucoup de lard, avec un peu de persil, de la ciboule, & les autres assaisonnemens. Aprés les avoir passées, laissezles dans la même casserole : couvrez-les de quelques bardes de lard dessus ; & les mettez à la braise, feu dessus & dessous, prenant garde qu'il ne soit pas trop ardent. Il faut y avoir aussi mis quelques tranches d'oignons. Etant cuites, tirez-les, & les panez proprement ; mettez-les au four pour prendre couleur, & s ervez chaudement, avec une ramolade dessous, si vous voulez, & jus de citron.

Autre Entrée de Poulardes en filets.

Il faut faire rôtir les Poulardes ; ensuite en tirer les filets & toute la chair bien proprement. Otez la graisse, & rangez-les dans le fond du plat. Il y faut faire cette sausse[7] : Hachez du persil, un peu de ciboule, de capres, d'ail ; & mettez le tout dans une casserole, avec un peu d'huile & de vinaigre, bien assaisonné. Délaïez tout cela bien ensemble, & pressez-y un jus de

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citron : il ne faut pas mettre la sausse sur le feu. Aprés aqu'elle est bien delaïée, versezla dans un plat où sont vos filets de Poulardes, & servez froid.

Poularde accompagnée.

Prenez une bonne Poularde, ou Chapon, ou autre chose approchant, comme Faizan ou Becasse. Vous les fendez par-dessus le dos, & vous en ôtez tout ce que vous pouvez d'os en dedans. Faites une farce pour les farcir, avec des viandes delicates ; comme Pigeonneaux , petits Poulets, Becassines, Mauviettes, & un petit ragoût mêlé & passez ensemble, bien assaisonné. Vous les recousez proprement, aprés les avoir farcies ; & vous les faites cuire doucement à la braise dans une marmite bien bouchée, avec des bardes de lard, tranches de Bœuf, un morceau de citron verd, un bouquet de fines herbes, & autres épices. Etant cuites, vous les dressez sur le dos, & jettez pardessus un ragoût de champignons, ris-deveau, truffles, cus d'artichaux, le tout de bon goût : vous garnirez de Pigeons marinez, ou autre chose convenable.

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Poulardes à la sausse au jambon, & autrement.

Etant cuites à la broche, faites-y une sausse au jambon, avec captres & une petite liaison, & jus de citron en servant. D'autres fois, passez-les en ragoût avec truffles : ou bien mettez-les à la braise, à la Saingaraz, ou au coulis d'Ecrevices, comme beaucoup d'autres choses.

POULETS.

Nous voici encore à un article qui fournit abondamment dequoi faire un grand nombre d'Entrées differentes : commençons par les principales.

Poulets au jambon.

Prenez des Poulets ; vuidez & retroussez les, & ne les faites pas blanchir. Coupez des tranches de jambon pour chaque Poulet ; battez-les un peu, & les assaisonnez de persil, & ciboule hachée. Avec les doigts détachez la peau de dessus l'estomac de vos Poulets, pour y pouvoir faire entrer cette tranche de jambon, entre la chair & la peau ; sur tout que celle-ci soit entiere. Blanchissez-les à l'air du feu ; mettez

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une bonne barde, & faites-les rôtir : Etant cuits, levez la barde ; faites une bonne sausse au jambon par-dessus, & servez chaudement.

Poulets farcis aux Huîtres.

Il faut avoir de bons Poulets, les accommoder comme si c'étoit[8] pour rôtir ; & faire une petite farce, pour les farcir entre la peau & la chair. Il y faut des huîtres, un peu de ris-de-veau, des campignons, des truffles, du persil & de la ciboule hachez, le tout passé proprement dans une casserole, avec un peu de farine, une petite goute de jus passé, & bien assaisonné. Il faut farcir les Poulets dans le corps, les bien ficeler des deux côtez, & les faire rôtir, une barde sur l'estomac. Etant cuits, dressez-les dans le plat ; faites y un petit coulis de champignons, & servez chaudement.

Poulets à la Mazarine.

Coupez vos Pouletz de même que si c'&toit pour faire une fricassée blanche ; & les mettez à la braise, comme nous avons dit ci-devant pour les Pigeons grillez ou frits à la Sainte-Menehout, avec toutes sortes de fines herbes. Le tout étant bien cuit, on les pane proprement, & on les fait griller.

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Ils vous peuvent servir pour garnir, ou pour plats. On ne les frits pas ordinairement, comme on peut faire les Pigeons. Le tout se sert chaudement, pour Entrée. Plusieurs appellent ces Poulets, Pigeons & autres Volailles, qu'on accommode de la sorte, des Pieces à la Sainte-Menehout. Il faut sur tout, que le pain dont on les pane soit fin & blanc, afin qu'il ait belle couleur quand le tout est grillé.

Entrée de Poulets, coulis aux Ecrevices.

Il faut prendre des Poulets qui soient bien gras ; les bien retrousser, & les faire rôtir. Si vous les voulez mettre à la braise, il les faut larder à gros lard & jambon, selon que l'on jugera à propos. Etant cuits, d'une maniere ou d'autre, il faut avoir un bon ragoût, composé de toute sorte de garniture, bien passé & bien assaisonné ; sçavoir, ris-de-veau, truffles, pointes d'asperges & cus d'artichaux selon la saison. Aprés que vôtre ragoût sera cuit, il y faut mettre les Poulets, qui doivent avoir l'estomac un peu battu, afin qu'ils irent le goût del asausse. Prenez des Ecrevices ; pilez bien toues les jambes, mais point de cuisses ne de queuës, parce que le coulis n'en

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seroit pas bien roux. Aïant pilé cela dans le mortier avec une petite croûte de pain, passez-le avec du jus, ou même les seules jambes, afin qu'il soit plus roux. Pour lier le ragoût, aïez un coulis de pain, & quand tout sera cuit, vous y mettrez le coulis d'Ecrevices. Vous pouvez ausssi y mettre quelque queuës d'Ecrevices ; & si vous voulez, vous y hacherez un anchois : le tout bien dégraissé, & servi chaudement.

Poulets à la brochette.

Prenez des Poulets, & les ocupez demême que si c'estoit pour une fricassee blanche. Il faut avoir une casserole, y mettre un peu de lard, & le passer avec un peu de farine & les Poulets. Etant bien passez & assaisonnez, mouïllez avec de bon jus, & faites cuire vos Poulets. On y hache quelques champignons & truffles ; on y met aussi un verre de bon vin de Champagne, un peu de capres & d'anchois hachez. En cas que la sausse ne soit pas assez liée, on y met un peu de bon coulis. Etant bien cuit & bie dégraissé, dressez proprement le tout dans un plat, la sausse dessus : vous garnirez avec des cotelettes, ou autre chose que vous voudrez. Servez chaudement.

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Poulets farcis, coulis de Cahmpignons.

Il faut prendre lesPoulets & les bien retrousser, qu'ils ne soient pas blanchis. Pour faire la farce, prenez du lard crud, de la moëlle, des ris-de-veau hachez, des truffles hachees, du persil & de la ciboule, toute sorte de fines herbes, des foies gras & des champignons : hachez & pilez le tout ensemble, qu'il soit bien assaisonné. Cette même farce peut servir pour le Pâté de Perdrix, & toute sorte de Volaille farcie, à la braise ou rôtie. Liez la sausse avec deux jaunesd'œufs : faites rôtir vos Poulets fracis, bien ficelez & couverts de papier, & preparez sur la fin vôtre coulis de champignons. Il doit y entrer un peu de jambon, des capres, des truffles, & un anchois. Dressez vos Poulets, le coulis par-dessus ; & garnissez de pain blanc.

On farcit encore des Poulets sur l'estomac, aprés en avoir tiré la chair que vous y emploïez ; & vous les servez, panez & cuits au four, de belle couleur.

Poulets à la Civette.

Prenez des Poulets bien grans, & les re-

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troussez bien pour les faire rôtir : blanchissez-les sur la braise, & leur coupez les jambes. Etant blanchis, mettez-les tremper dans du bon lard, environ trois ou quatre heures, avec quelques tranches de ciboules, & assaisonné de toutes sortes de fines épices & un peu de sel ; aprés il les faut faire rôtir, & les arroser du même lard. Etant rôtis, vous y faites un bon ragoût, ou du coulis de champignons, ou une bonne poivrade, le tout servi chaudement. Vous en pouvez faire de même à plusieurs Volailles, de même que pour les Poulardes à la Sainte-Menehout.

Poulets à l'ail.

Il faut prendre des Poulets, & les piquer à lard par rangees : ensuite les faire rôtir, les aïant auaparavant piquez de petites pointes d'ail. Etant cuits faitez-y une bonne poivrade, ou du bon coulis de champignons, ou u ragoût de truffles ; qu'il y entre une pointe d'ail ; & auparavant que de servir, pressez dans la même sausse deux jus d'orange.

Poulets en fricassée.

On fait des fricassées de Poulets au

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blanc & au roux. Pour ledernier, vous écorchez les membres de vos Poulets, & les passez a la poële avec lard fondu ; ensuite vous les mettez cuire avec un peu de beurre, boüillon ou eau, & un verre de vin blanc, assaisonné de sel, poivre, muscade, cerfeüil bien menu, ciboulettes entiers que vous retirerez ; & vous y ferez une liaison du même roux où vous les aurez passez, avec un peu de farine. Vous y pouvez mettre des ris-de-veau, champignons, cus d'artichaux & autres garnitures. Garnissez de fricandeaux & paupiettes à la broche, ou tranches de citron ; servez avec jus de mouton & de citron.

La fricassee de Poulets au blanc, se blanchit d'une bonne liaison de trois ou quatre jaunes d'œufs, avec verjus ou citron. On la peut garir de Poulets marinez, pain frit & persil dans les intervalles.

Et pour la fricassée de Poulets à la crême : aprés qu'ils sont cuits comme ci-dessus, on ôte un peu de la graisse, & l'on y met de la crême en servant.

Entrée de Poulets à la Gibelote.

Vous prenez vos Poulets, & vous les coupez comme pour mettre en fricassée : vous les rangez dans une casserole, & les

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assaisonnez comme une étuvée de Carpes. Voys y mettez champignons & autres garnitures, & un morceau de vitron ; & jus en servant.

Autre Entrée.

On fait une autre Entrée de Poulets piquez sur les membres, cuits à la broche : & quand ils sont cuits, vous les retirez dans un plat ; vous coupez les jointures & les cuisses, & vous jettez dessus un ragoût de champignons, cus d'artichaux, mousserons, ris-de-veau, foies gras & capres.

Poulets a la braise.

Vous prenez vos Poulets, & les fendez sur le dos juqu'au croupion, & vous les assaisonnez de sel, poivre, ciboule, persil haché bien menu, coriandre : vous les mettez entre de bonnes bardes de lard, l'estomac en dessous ; & vous les faites chaufer, aupraravant que de les enterrer entre deux braises, feu dessus & dessous. Voys y pouvez mettre un peu de jambon, un morceau de citron, & un bouquet de fines herbes. Vous haches le jambon crud bien menu, & le poudrez parmi vos Poulets ; & étant prêt a servir, mettez le jus qui en

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sort par-dessus, & jus de citron en servant. On peut aussi farcir ces Poulets qu'on met à la braise.

Entrée de Poulets desossez.

Vous les farcissez d'un bon Godiveau, & les passez au royx ; & vous y faites un ragoût de ris-de-veau, truffles, champignons & artichaux coupez par petits morceaux ; le tout bien assaisonné, & garni de marinades ou autre chose convenable, & jus en servant.

Poulets en filets, pour Hors-d'œuvres.

On les met au blanc ou au roux, & l'on y fait une liaison avec de la mie de pain passée dans du lard, avec fines herbes & boüillon, & jus de citron ; & passez le tout par l'étamine, avec un peu de jus.

Poulets a la sausse de Becasse.

On les passe au roux brun, avec une petite liaison ou coulis de Becasse. Vous y mettez un anchois haché bien menu, avec une rocambole & jus de citron, & une goute de vin ; & on les sert aussi pour Hors-d'œuvres d Entres, de même que les suivans.

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Poulets au jus.

Vous les servez sans être panez, ni piquez ; seulement un peu de sel menu pardessus : Vous les pouvez garnir de petits croûtons de pain.

Poulets en compote.

Aïant troussé & bardé vos Poulets, embrochez-les, & en rôtissant, arrosez-les de verjus ; étant à demi rôtis, tirez-les de la broche. Faites fondre ensuite de bon lard & de bon beurre dans une poël ; étant fort chaud, mettez-y vos Poulets & les y laissez un moment, en les retournant bien de côtez & d'autres ; puis retirez-les & les égoutez : mettez-les cuire ensuite dans une casserole, avec bon boüillon, fines herbes, sel, poivre, clous & muscade ; & aïant mittonné quelque tems, servez chaud, avec un jaune d'œuf, & un jus de citron, ou d'orange.

Poulets à la sausse de Brochet.

Passez-les au brun, comme en fricassée ; & mettez-y un anchois bien haché, avec une échalote, un peu de capres, un filet de vinaigre, poivre blanc & jus de citron en servant

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Poulets mignons.

Aprés avoir farci vos Poulets, vous les piquez bien proprement, & vous les envelopez d'une bonne barde de lard & une feüille de papier, & vous les faites cuire à la broche, & les servez avec un bon degout.

Poulets à la Tartare.

Aïant plumé & nétoïé[9] vos Poulets, coupez-les en deux, troussez-les, & les battez avec le plat d'un gros coûteau : mettez-les ensuite dans une casserole avec bon beurre & lard fondu, quelques tranches de citron, rocamboles, & toutes sortes de fines herbes, à l'exception du thim & du laurier ; faites cuire & mitonner le tout doucement à petit feu avec un peu de bon boüillon, ensuite voys y mettrez un verre de vin de Champagne, ou de bon vin blanc : quand ils seront presque cuits, il faut les tirer de la casserole, les bien paner & les faire griller, & les servir à sec ou avec la Ramolade.

Poulets d'autres manieres.

On sert encore des boulets gras aux

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Truffles, d'autres à la Polacre, avec une ramolade : & il y a d'ailleurs les Marinades de Poulets, comme on a vû lettre M. les Poulets en Civet, lettre C. les Pâtez & Potages de Poulets qui ont aussi été expliquez[10] ci-devant ; & les Tourtes de Poulets, par où nous allons finir cet article.

Tourte de Poulets.

Il faut prendre les Poulets, & les couper comme pour faire une fricassée blanche. Passez-les avec toute sorte de bonnes garnitures, & formez-en vôtre Tourte, comme on verra celle des Pigeons, lettre T. On y mettra un bon coulis auparavant que de servir, le tout bien dégraissé.

Quand c'est la saison des jeunes Poulets, il faut les bien éplucher & retrousser, comme si c'étoit pour boüillir, & ne les pas blanchir. Il faut tirer l'estomac par le côté du gosier, & aussi tous les os, si vous voulez ; aïant soin que la peau reste entiere. Prenez la chair avec quelques morceaux de Veau, & hachez-les ensemble, avec un peu de lard, moëlle, truffles, champignons, persil & ciboule ; le tout bien assaisonné, & lié d'un ou deux jaunes d'œufs. Mettez cette farce dans la peau des Poulets, afin qu'ils soient comme entiers ; & les

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faites un peu blanchir à l'eau. Mettez-les ensuite en pâte, avec toute sorte de bonnes garnitures. Cette pâte se peut faire bien fine, avec bon beurre, farine, sel, & deux ou trois jaunes d'œufs. Plusieurs appellent cette sorte de Tourte, une Tourte à la Parisienne. Pour ce qui est du coulis, on le fera suivant sa commodité. Etant prêt à servir, dégraissez bien vôtre Tourte, & servez chaudement, garni de sa croûte.

POUPETON.

En parlant de la maniere de faire le Godiveau d'un Poupeton, lettre G. on a vû aussi ce qu'il y avoit à observer à l'égard de tout le reste, pour des Poupetons farcis de Pigeonneaux, ou autres pieces. Voici pour les diversifier, quand c'est la saison des petits pois.

Formez vôtre Poupeton à l'ordinaire ; & avant que de le couvrir de sa farce, mettezy deux ou trois pognées de pois passez, & fermez le tout avec vôtre Godiveau. On le cuit à la braise ; aprés quoi il faut le découvrir, & le mettre dans son plat. Vous y pouvez encore mettre quelques cuillerées de pois par-dessus ; & servez chaudement.

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Poupeton en maigre.

Prenez de la chair de Carpes & de Brochet, dont vousferez un bon Godiveau bien assaisonné, avec mie de pain ou farine, aïant haché le tout ensemble. Vous y pouvez ajoûter quelque œuf, si ce n'est pas en Carême, & en former un Poupeton comme les precedens. Vous mettez au milieu, des Soles en filets, ou autres, que vous passerez au bon beurre, avec toute sorte de bonnes garnitures. Au milieu, il y faut un beau cu d'artichaut : aprés, vôtre ragoût & vos filets de poissons ; & vous achevez ensuite de remplir, avec la sausse de vôtre ragoût. Vous couvrez le tout de vôtre farce ou godiveau, & le faites cuire doucement à la braise. Etant cuit, renversez-le sens dessus dessous ; & servez avec jus de citron.

POUPIETTES.

Pour faire des Poupiettes, i lfaut prendre des bardes de lard qui soient un peu longues, mais pas trop larges, selon la grosseur dont vous souhaitez les Poupiettes. Vous prendrez autant de tranches de Veau, que de bardes ; & les aïant ben battuës,

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vous mettrez chaque tranche sur une barde. Il faut faire une bonne farce, où il peut entrer une pointe d'ail : Vous mettrez de cette farce sur vos tranches, la quantité que vous jugerez à prpos, & vous les roulerez ferme. Etant roulées, aïez une brochette de fer, & les embrochez en travers ; & faites les rôtir, envelopées de papier. Quand elles seront presque rôties, ôtez le papier, panez-les proprement, & leur faites prendre couleur. Elle vous peuvent servir de plat, ou pour hors d'œuvres : ou pour garnir. On en accommode aussi en ragoût comme des Fricandeaux, avec un morceau de citron en cuisant, & jus en servant.

Vous faites aussi des Poupiettes piquées, & passées au roux avec quelques morceaux de truffles & morilles, & bon jus, ou un peu de coulis, pour les bien nourrir, avec jus de citron en servant.

Q

QUARLET,

Est un poisson de mer assez semblable à la Limande ; on en fait des potages, on les met en ragoût, & on les frit.

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Potage de Quarlet.

Aïant bien lavé, vuidé et écaillé vos Quarlets, faites-les cuire dans une casserole avec du vin blanc & de l'eau ; ajoûtez-y beurre frais, champignons, mie de pain, sel, poivre, laurier, thim, persil, & un oignon piqué de clous ; étant cuits, tirez les grandes arêtes de vos Quarlets, agitez-les ensuite avec un cuillere, puis passez le tout en maniere de coulis : ajoûtez-y un jaune d'œuf mêmé avec du verjus ; ensuite, faites mitonner vos croûtes seches dans de bon boüillon d'herbes bien assaisonné : versez vôtre coulis sur vôtre Potage, & garnissez de ragoût de champignons, laitances de Carpes, & pain frit ; puis servez.

Quarlets en casserole.

Les aïant habillez et essuïez, passez-les un peu dans de bon beurre roux, puis mettez-les cuire doucement dans une casserole, avec beurre frais, persil, ciboule, laurier, thim, sel, poivre, clou, & un verre de vin blanc ; prenez garde qu'ils ne s'attachent au fond & ne se brisent en les remuant ; étant prêt de servir, poudrez-les de chapelures de pain

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assez fines, & jettez dessus un jaune d'œuf mêlé avec du verjus, ou jus de citron, & servez : Ils se mangent aussi frits avec sel & jus de citron, ou jus d'orange.

R

RAMEQUINS.

Pour faire des Ramequins au fromage, on fait une farce de même qu'on verra ci-aprés pour les Talmouses : il n'y a qu'à y piler un peu de persil, de plus ; & y ajoûter, si l'on veut, de la levûre de biere pour les faire mieux enfler. Pour former les Ramequins, il faut trancher de la mie de pain en petit carrez, avec la pointe du coûteau, & à chaque tranche de pain, vous mettez un peu de vôtre farce dessus. Il faut avoir quelque œuf foüetté, ou vous tremperez vôtre coûteau, afin que la farce ne s'y attache pas. Voz Ramequins seront formez d'une hauteur ronde, ou carrée. Vous les ferez cuire dans une tourtiere, aïant mis un peu de beurre au-dessous : prenez garde qu'ils ne prennent trop de couleur. Ils vous serviront pour garnir des Pois à la crême, & toute autre chose que vous jugerez à propos, & même pour hors-d'œuvres d'Entremets.On peut aussi prendre un morceau de

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fromage affiné, un morceau de beurre, deux pincées de farine, & trois jaunes d'œufs, un peu de poivre & du jus de citron : le tout bien pilé ensemble, vous l'étendez sur une assiette, & vous le faites cuire sous le couvercle d'une tourtiere, feu dessus, prenant garde qu'il ne brûle.

RIS-DE-VEAU.

Le Ris-de-Veau est un morceau fort délicat, qui se prend à la gorge de cet animal, tenant d'un bout à la partie superieure de la poitrine.

Outre la part qu'on les Ris-de-Veau dans tout ce qu'il y a de meilleurs ragoûts, comme on l'a assez pû voir ; on en fait encore divers plats ou hors-d'œuvres, pour Entrée & Entremets, dont voici l'un des plus considerables.

Ris-de-Veau farcis, à la Dauphine.

Il faut avoir de bons Ris-de-Veau, les faire un peu blanchir, & les piquer d'un peu de jambon cuit. Faites une farce délicate & un peu liée ; & avec la pointe du coûteau, faites un trou à vos Ris-deVeau par le côté, qui ne passe pas de part en part : il faut les farcir par là

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proprement, & les mettre à la baise à petit feu. Etant cuits, faites un bon ragoût, composé de champignons, truffles, arti-chaux & mousserons. Le tout étant bien passé, il faut y mettre des crêtes farcies de la même farce, & un peu de coulis de Pouler, afin que la sausse ne soit point noire. Dégraissez-bien vos Ris de-Veau, les aïant tirez ; & mettez-les ensuite dans le ragoût, où vous les laisserez cuire encore un peu. Dressez ensuite el tout dans son plat ; pressez-y un jus de citron, & servez chaudement.

Les autres manieres sont, de piquer les Ris-de-Veau de menu lard ; &tant cuits à la broche, les servir avec un ragoût ou sausse par –dessus ; ou bein de les frire, les aïant marinez, coupez par tranches & farinez, pour les servir avec persil frit & jus de citron : ou enfin d'en faire differens ragoûts, tantôt au blanc, tantôt avec de champignons & morilles, & tantôt aux truffles ; le tout servi pour Entremets.

RISSOLES.

Les Rissoles sont encore une piece d'Entremets. Pour les rendre plus délicates, on les fait avec du blanc de Chapon ; du reste, on les assaisonne & on les forme à peu prés

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comme on a vû pour les Boüillans, lettre B. & on les frit en grande friture, de belle couleur.

Il s'en peut faire en maigre, d'une bonne farce de poisson bien délicate ; & même, de mousserons & épinars, pour le Repas en Racines. Pour les mousserons, on les fait cuire auparavant avec beurre, fines herbes & épices, un jus de citron & un peu de farine frite, aprés quoi on en forme des Rissoles : Et à celles d'épinars ; étant cuits, vous les hachez menu, & vous les assaisonnez de sel, canelle, sucre, écorce de citron pilée ou râpée ; & servez ces Rissoles cuites au four, avec sucre & eau de senteur.

Roignons de Mouton en ragoût & à la broche.

Aïant fait blanchir vos Roignons, ôtezen la petite peau, piquez-les ensuite de gros lard, & les passez à la poële avec bon beurre, persil & ciboule : empotez-les avec bon boüillon, sel, poivre, clous, champignons, morilles, palais de Bœuf, marons, & un bouquet de fines herbes ; & servez chaud pour Entremets.

On les peut aussi rôtir à la broche, les aïant blanchis & piquez de menu lard,

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comme les Alloüettes ; & servir de-même.

RÔTIES.

On en peut servir en gras & en maigre, & c'est une chose assez commune. En gras, on ne fait de roignons de Veau cuits, hachez bien menu, avec cerfeüil, sel, canelle, un jaune d'œuf, & sucre. On met cela sur des Rôties de pain ; & pour les servir, on les poudre encore de pain, ou bien on les glace proprement.

Pour celles de Becasses, hachez aussi la chair & le dedans des Becasses fort menu, hors le jusier : assaisonnez de sel, poivre blanc, & lard fondu ; & aïant mêlé le tout ensemble, faites vos Rôties, & les faites cuire à petit feu dans une tourtiere. Vous servirez sans sucre, & seulement avec du jus de mouton & d'orange, où vous aurez passé une échalote.

On fait encore de semblables Rôties avec des foies gras passez à la poële, avec lard pilé, trois ou quatre champignons, fines herbes, & assaisonnement ci-dessus.En maigre, on en fait au beurre, à l'huile d'olive, & à l'hipocras ; ce qui ne merite pas de nous arrêter plus long tems, n'y aïant rien que de tres-facile & tres-connu.

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RÔTI.

Quoiqu'il semble qu'il n'y ait rien que de facile dans ce qui regarde le Rôti, nous avons crû qu'il ne falloit pas laisser d'en dire quelque chose : non pas pour marquer le degré de cuisson necessaire, ou le tems qu'il faut à chaque piece pour être rôtie bien à propos, parce qu'on en juge assez à l'œil, & suivant la grosseur & la solidité des viandes ; mais bien pour expliquer la maniere de les apprêter avant que de les mettre à la broche ; & les sausses qui leur conviennent le mieux. Par exemple :

Vuidez les Cailles & Cailleteaux, & les mangez bardez, avec poivre ; ou piquez, à l'orange.

Les Faizans & Faizandeaux se doivent plumer à sec, & vuider : on les pique de menu lard, & on les mange au verjus, sel & poivre, ou à l'orange.

Piquez & mangez de même les Perdrix & Perdreaux, aussi-bien que les Gelinotes.

Les Becasses & Becassines ne se vuident point ; on les pique bien menu, on les fait rôtir avec rôties de pain dessous : & étant rôties, on y fait une sausse avec

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orange, sel, poivre blanc, & une ciboulette.

Les Pluviers s'apprêtent & se mangent de même.

Arrosez les Poulets d'Inde & Dindonneaux en rôtissant, avec un filet de vinaigre, ciboules, un peu de sel, & poivre blanc.

Servez les Ramiers & Ramereaux avec verjus de grain, ou orange ; ou bien au vinaigre rosat, avec sel, & poivre blanc. Les Tourterelles se mangent de même : il les faut vuider, & piquer de menu lard, comme ceux-là, aussi-bien que les Bizets, qui sont une espece de Pigeons.

Les Canards, Sarcelles, & autres Oiseaux de Riviere, se doivent vuider, & être mis à la broche sans larder. Etant à demi cuits, on les flambe avec du lard ; & on les mange tout sanglans, avec sel, poivre blanc, jus d'orange ; ou poivrade naturelle. Pour ce qui est des Canards de pailler, on y peut mettre quelques rangees de lard, & les faire cuire un peu plus que les autres.

Vuidez & bardez les Oisons ; & faites

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farce avec les foies, lard, herbes hachées, ciboulettes, sel, poivre, muscade ; jus de Mouton & de citron en servant[11] : ou les mangez au verjus de grain ou vinaigre, avec poivre & sel.

On flamne les Grives, & on les poudre de pain & sel, pour les manger avec verjus & poivre aïant frotté le plat d'une échalote ; & un peu de jus d'orange.

Les Alloüettes se mangent de même, hors qu'on peut mettre un peu de sauge dans la sausse.

Les Chapons gras se doivent vuider & barder : on met dans le corps un oignon piqué de clous, avec sel & poivre blanc. Etant cuits, ôtez la barde, panez-les, & les mangez avec cresson amorti dans le vinaigre & sel : ou bien avec l'orange & sel ; ou huîtres amorties dans le degout. Et quant aux autres Chapons, on les peut piquer de menu lard, & les manger de même que les autres ; aussi-bien que les Poulardes.

Vuidez, & embrochez les Ortolans dans une brochette, & les arrosez d'un peu de lard fondu. On les fraise, ou poudre de pain & sel ; & on les mange avec sel & orange.

On ne vuide point lesMauviettes ; on laisse les pieds, & on les pique de menu

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lard. Faites sausse dans le degout, avec verjus de grain, sel & poivre blanc ; ou les mangez au sel & à l'orange.

Les Becfigues ne veulent être que plumées : on coupe la tête & les pieds[12] ; & en cuisant dans une brochette, on les poudre de pain râpé & sel. Mangez-les à l'orange, ou au verjus de grain & poivre blanc.

Les Liévres & Levraux se doivent ensanglanter de leur sang : on les pique de menu lard, & on les mange à la poivrade, ou à la sausse douce, avec sucre, vin, vinaigre, canelle & poivre.

Les Lapins & Lapreaux se mangent à l'eau & au sel & poivre blanc, ou à l'orange.

On fait blanchir l'Agneau & le Chevreau dans l'eau, ou sur la braise : on les pique de menu lard, & on les mange à la sausse verte ; ou à l'orange, sel & pouvre blanc ; ou au vinaigre rosat.

Le Cochon de lait doit être bien échadé à l'eau chaude : on ôte le dedans, on y met sel, poivre, ciboules, & un morceau de lard pilé : On le met à la broche, & quand il est un peu échaufé, on l'arrose partout d'huile d'olive avec une plume, cela lui fait prendre une peau croquante. Etant presque cuit, flambez-le, & l'arrosez d'eau

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& sel. On le mange avec sel, poivre blanc, & orange.

On peut piquer le Marcassin de menu lard, sans ôter la tête ni les pieds : & étant rôti bien à propos, mangez-le à la poivrade ; ou avec orange, sel & poivre.

Le Sanglier s'apprête de même ; & on le mange à la poivrade, ou à la sausseRobert.

On pique aussi le Chevreüil de menu lard ; & &tant rôti, on fait un sausse avec oignons passez à la poële avec lard & par l'étamine, avec vinaigre, un peu de boüillon, sel, poivre blanc ; ou à la sausse douce.

Le Cerf & la Biche doivent être piquez de menu lard, & se manger à la poivrade.

Les Daims & Fans seront piquez de même, étant blanchis sur le feu : on les arrose de sel, vinaigre, citron verd, un paquet de fines herbes, & poivre ; & on les mange aussi à la poivrade.

De la Sausse nouvelle & toûjours prête, ou Sausse à tous Mets.

Aïez du verjus, du vinaigre & du vin ; sçavoir un poisson de verjus, un verre de vinaigre & un demi-septier de vin ; mettez

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le tout ensemble dans un vaisseau de terre neuf que vous puissiez boucher : jettez-y une demie livre de sel auparavant seché sur la pêle chaude, deux onces de poivre noir, deux gros de muscade en poudre, autant de clous de girogle, un demi gros de gingembre, un morceau d'écorce d'orange seche ; une once de graine de moutarde un peu broïée, une demi douzaine d'échalottes un peu froissées, dix feüilles de laurier, une pincée de basilic, un petit rameau de thim, & un peu de canelle ; aïant bien bouché vôtre vaisseau, vous laisserez infuser le tout sur cendre chaude pendant vingt-quatre heures, aprés lesquelles vous passerez vôtre composition dans un linge serré, en exprimant le plus que vous pourrez : Elle se garde à la cheminée, dans une bouteille de grés bien bouchée, plus d'un an dans sa bonté, & se peut porter en campagne, ou à l'armée, ou on est[13] bien-aise de la trouver, pour en assaisonner en un moement toutes sortes de ragoûts & de viandes.

Ceux qui aimeront l'ail & l'oignon y en pourront mettre ; & ceux au contraire[14], qui n'aiment pas ces sortes de choses, les retrancheront.

Vous la pouvez faire avec l'eau seule, ou avec le verjus ou le vin, ou du jus

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d'orange ou de citron.Avec de l'eau seule, elle se garde un mois bonne.Avec le verjus, trois mois.Avec le vinaigre, un an ; & avec le vin autant.Avec le jus d'orange ou de citron, un bon mois.

On en met peu à la fois, & on observe en la mettant dans les viandes de les remier.

Elle convient à toutes sortes de ragoûts, en gras & en maigre ; & augmente merveilleusement la bonté des legumes.

Autres Sausses qui se peuvent servir au Rôti.

Sausse au jus de Canard.Sausse de Becasses.Sausse au jus d'Eclanche, à l'échalite.Sausse au jus de Beau, à l'orange.Sausse au jus de Veau, à l'échalote.Sausse aux truffles hachées & herbes fines.Sausse au jambon crud, & huîtres.Sausse à l'Oignon, & jus de Veau.Sausse au coulis de Perdrix, & capres.Sausse aux Anchois, & échalotes.Sausse à l'Espagnol, à l'huile & moutarde.Sausse à la ciboulette, au roux.

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Sausse au verjus de grain entier, au jus de Veau.Sausse aux mouserons nouveaux, hachez. Sausse au Pauvre-homme, à l'ail.Sausse au Povre-homme, à l'huile.Sausse de jus d'Aloïau, à l'ail.Sausse au verjus nouveau, à l'échalote.Sausse au fenoüil & groseilles vertes.Sausse aux huîtres vertes, & jambon haché.Sausse aux Ramiers, & grenade.Sausse aux foies[15] gras.Sausse au bled verd.

On trouvera beaucoup d'autres Sausses en son lieu, par le moïen de la Table.

ROUGETS,

Sont des petit poissons de mer, qui s'accommodent de differete maniere.

Entrée de Rougets marinez.

Vous les faites mariner dans l'huile ; & au vin & jus de citron, & autres assaisonnemens ordinaires. Etant marinez, vous les panez bien, & les faites cuire au four doucement ; qu'ils prennent belle couleur. Vous les dressez ensuite dans un plat proprement, & garnissez de pain frit & persil verd.

 

[1] croûte

[2] Les deux derniers mots soudés.

[3] l'aurier

[4] coûtes

[5] l'aurier

[6] elle

[7] fausse

[8] éoit

[9] n'étoïé

[10] exqliquez

[11] sevant

[12] bieds

[13] Mot suppléé.

[14] contaire

[15] froies

1705- Le cuisinier roïal et bourgeois (Massialot) (451-500)

[451]

Rougets en ragoût, de plusieurs manieres.

On en peut faire un autre ragoût, en les faisant cuire sur le gril, aprés les avoir trempez dans du beurre : & l'on passe les foies par la poële avec un peu de beurre, pour les piler & passer ensuite par l'étamine, & mettre ce coulis avec vos Rougets, assaisonnez de sel, poivre blanc, & jus d'orange ou de citron ; frotant, avant que de les dresser, l'assiette ou le plat, d'une échalote ou gousse d'ail.

Vous pouvez aussi servir des Rougets farcis, comme beaucoup d'autres poissons : & d'autres en Casserole & en Pâté, surquoi voïez lettre P. pour le Pâté.

ROULADES

Prenez de la rouëlle de Veau avec de la graisse de Bœuf, que vous hacherez bien menu, comme un Godiveau ; mettez-y deux œufs avec les blancs, & du sel. Aïez un peu d'Eclanche, ou de Veau, ou toilette de Veau, que vous poudrerez de persil, & sept ou huit tailladins de citron par intervalles. Vous aurez une langue de Veau ou de Mouton cuite, que vous couperez par petites tranches déliées, avec de petites

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bardes de lard. Vous étendez vôtre Godiveau sur tout cela : du persil par-dessus, avec sel, & poivre. Roulez le tout ensemble & le liez, pour le mettre cuire dans une marmite comme un bon court-boüillon, avec un morceau ou bardes de lard. Servez avez jus pour Hors-d'œuvres ; ou pour Entrée, l'aïant garni de tout ce que vous jugerez à propos.

Voïez l'article des Tranches de Bœuf roulées, lettre B. & ci-devant les Poupiettes, lettre P.

S.

SALPICON

LE Salpicon est u nragoût que l'on fait à de grandes pieces de Bœuf, Veau, ou Mouton, qu'on veut servir étant rôties, pour principales Entrées. Pour cela coupez des concombres en dez, du jambon cuit, des foies, des truffles, champignons, cus d'artichaux, filets de Poularde ; le tout coupé en dez. Il faut prendre les concombres a part, & les passer avec du lard ; ensuite on ôte la graisse, on y met un brin de farine, & on les passe encore un peu ; mettez-les aprés avec tout le reste ci-dessus, & bon jus ; & laissez cuire le tout. Si vous avez de l'essence de jambon, mettez-

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y-en une cuillerée. Pour lier la sausse, il faut avoir un bon coulis, y mettre sur la fin un filet de vinaigre. On fait un trou à l'Aloïau, ou quartier de Veau sur la cuisse : on leve toute cette viandre, qui servira à d'autres farces ; & l'on met à la place, le ragoût que nous venons de marquer.On peut aussi servir le Salpicon separément, pour Entrée.

SAUCISSES.

Pour faire des Saucisses, il faut prendre de la chair & panne de Cochon, le hacher, l'assaisonner, & y mêler un peu de persil, & autres fines herbes, & quelque échalote. Quant on les veut rendre plus délicates, il y faut hacher aussi quelue estomac de Chapon ou de gros Poulets ; un peu de jambon crud & de l'anis, de même qu'au Boudin Blanc : le tout bien haché & bien assaisonné, avec un peu d'essence de jambon, vous le pouvez lier de quelque jaune d'œuf. Il faut avoir des boïaux de Mouton, selon la frosseur dont vous voulez vos Saucisses ; il les faut bien nettoïer, former vos Saucisses de la longueur que vous souhaiterez ; & pour les servir, les griller sur du papier, ou les passer à la poële.

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Vous pouvez aussi enelopper vôtre composition dans des crêpines ; & alors c'est de la Farce à la Crêpine, comme on a vû pour les Foies gras, lettre F.

Les Saucisses de Veau se font de la même maniere ; hachant de la roüelle de Veau, avec la moitié autant de lard, assaisonné de sel, poivre muscade, & fines herbes bien menuës. On les fait aussi cuire sur le gril, avec papier gras ; & on les sert avec moutarde, comme les precedentes ; le tout pour Entrée.

Saucisson Roïal.

Il faut prendre de la chair de Perdrix cruë, de la chair de Poularde ou Chapon cruë aussi, un peu de jambon crud, un peu de cuisse de Veau & de lard crud, du persil & de la ciboule ; le tout bien haché, avec des champignons & des truffles, & assaisonné d'épiceries fines, d'une pointe d'ail, sel & poivre, deux œufs entiers, & trois ou quatre jaunes, & un filet de crême de lait. Roulez cette farce en gros morceaux, selon la quantité que vous en aurez ; & pour les faire cuire sans que la farce se défasse, coupez des tranches bien minces de roüelle de Veau, & les applatissez sur la table : enfermez avec cela vô-

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tre farce ; qu'elle soit de la grosseur du bras, pour le moins, & d'une longueur raisonnable. Les aïant ainsi accommodées, il faut avoir une casserole ovale, avec beaucoup de bardes de lard au fond, & ranger les Saucissons dans la casserole, qu'ils osient bien enfermez ; couvrez-les de tranches de Bœuf & bardes de lard, & les faites cuire à la braise, prenant garde que le feu ne soit pas trop ardent : il faut qu'ils cuisent envoiron huit a dix heures. Etant cuits, tirez-les en arriere hors du feu ; laissez-les refroidir dans la même casserole : & quant on sera prêt de servir, ôtez la graisse avec la main proprement ; tirez vos Saucissons, prenez garde de les rompre : ôtez toute la viande qui est autour[1], & qu'il n'y reste point de graisse. Ensuite, avec vôtre coûteau ou tranche-lard qui coupe bien, coupez-les par tranches, & les rangez proprement dans on plat ou assiette ; & servez froid. S'il se presente occasion de faire de la Galantine en même tems que du Saucisson Roïal, on le peut faire cuire dans la même casserole.

SAUMON

Est un poisson de mer que chacun con-

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noît ; il y en a de salé & de frais : le salé se mange ordinairement à l'huile ; pour le frais on le sert en ragoût passé au roux, comme des fricandeaux, avec ris-de veau, truffles, champignons, & bon boüillon ou jus de Bœuf en cuisant, & jus de citron pour servir. On peut aussi observer ce qui sera dit ci-aprés, pour la Truite en gras : ou bien le larder de moïen lard bien assaisonné, & le faire cuire à la broche à petit feu, l'arrosant de vin blanc & verjus ; un bouquet de fines herbes, & un morceau de citron verd dans la sausse. Ajoûtez dans le degout, des huîtres, champignons cuits, capres, farine frite & le foie du Saumon ; poivre blanc & jus de citron enservant : le tout pour Entremets.

Queuë de Saumon en Casserole.

Voïez ce qui a été dit pour la queuë de Moruë, lettre M. & aïant farci celleci de la même maniere, panez-lan & la faites cuire au four, avec sel, vin blanc, ciboule[2], thim, laurier, & écorce de citron. Etant cuite, aïez un ragoût, que vous jetterez par-dessus ; & servez, garni de ce que vous voudrez.

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Saumon en ragoût.

Prenez une hure, ou ce que vous voudrez de Saumon ; & l'aïant incisé ou mis par tranche, faites-le cuire au four, avec un peu de vin, verjus, sel, poivre, clous, fines herbes en paquet, muscade, laurier, citron verd, & un peu de boüillon de poisson ; il faut que vôtre plat ou bassin soit couvert. Faites cependant un bon ragoût d'huîtres, capres, farine, frite, champignons, & le foie du Saumon ; et mettez le tout par-dessus en servant, avec jus de citron.

Saumon a la sausse douce.

Coupez-le par tranches ; & l'aïant fariné, faites-le frire en beurre affiné. Etant frit, mettez-le un peu mitonner dans une sauce douce, faite avec vin vermeil, sucre, canelle, sel, poivre, clous, citron verd ; & servez avec telle garniture que vous voudrez.

Voïez pour la Salade de Saumon, page 65. & pour le Pâté de Saumon, ci-devant lettre P.

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SOLES,

Est un poisson de mer qui a la chair fort ferme & blance, & est d'un bon suc ; on le mange ordinairement frit, avec jus de citron ; on l'accommode aussi d'autres manieres.

Soles à l'Espagnol.

Faites frire des Soles, & les coupez ensuite par filets. Vous faites une sause avec de bon vin de Champagne, deux gousses d'ail, sel, poivre, thim, une feüille de laurier : Vous mettez vos Soles mitonner doucement dans cette sausse, qui soit de bon goût ; & vous garnissez de ce que vous voudrez.

Entrée de Soles frites.

Vous ouvrez le dos d'un côté & d'autre, & vous ôtez l'arête ; que l'on voïe la chair blanche. Vous prendrez la chair de quelques autres, pour garnir ; & vous ferez une sausse blanche avec un anchois & des capres ; ou bien une sausse-Robert ; ou bien un ragoût de champignons & de foies de Brochet, quelques morceaux de

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cus d'artichaux[3] coupez fort mince, & quelque laites de Carpes ; & jus de citron en servant.

Soles en filets aux Concombres.

Vos Soles étant frites, coupez-les en filets, & les mettez dans vôtre concombre, accommodé de la maniere qui suit. Vous couperez des concomb[r]es[4], que vous ferez mariner : vous lese passerez, & les moüillerez avec du jus ou boüillon, dans lequel vous les ferez cuire, bien assaisonnez ; prenez garde qu'ils ne s'attachent. Vos filets étant dedans, servez un peu aprés ; & garnissez de ce que vous voudrez.

Soles fracies aux fines herbes, & autrement.

Laissez refroidir vos Soles aprés qu'elles seront frites : Faites une farce de fines herbes, persil, ciboule, thim, sarriette, basilic, le tout haché ensemble, clous, sel, poivre, muscade. Vous manierez tout cela avec un bon morceau de beurre, & farcirez vos Soles en leur tirant l'arête par-dessus le dos. Moüillez-les ensuite dans du beurre fondu ; & les aïant panees, mettez-les sur le gril au feu, & leur donnez couleur avec la pêle

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rouge. Vous les servirez avec des citrons coupez par moitiez.

On farcit d'autres Soles, de mie de pain & d'anchois, persil & ciboules bien menus, & bon beurre, bien haché, bien pêtri, & bien assaisonné. Etant farcies comme dessus, trempez-les dans de l'huile, panez-les, & les faites cuire comme des pieds de cochon à la Sainte-Menehout.

Vous y faites une petite sausse rousse ; & jus de citron en servant.

Voïez d'autres manieres de farcir des Soles pour le Potage, lettre P. Vous en pouvez faire autant d'Entrées, les enrichissant de champignons, huîtres, écrevices & capres, avec jus de citron en servant.

Hors du Carême, vous pouvez mêler trois ou quatre œufs dans la farce, que vous faites avec la chair de vos Soles desossées quand elles sont frites a demi, avec fines herbes, & mie de pain trempée dans du lait ; & aïant garni les arêtes de vos Soles avec cette farce, qui fasse le même dessein, vous les faites cuire au four de belle couleur, & garnissez de citron, ou autre chose.

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Soles en filets, avec coulis de nantilles.

Aprés que vos Soles sont faites & coupées en filets, il faut avoir un bon ragoût de nantilles pour les y mettre, tel qu'onpeut voir au Potage de nantilles, & les faire boüillir un peu sur le feu doucement. Entant prêt a servir, dressez vos filets avec le ragoût ou coulis, & garnissez de ce que vous voudrez, pour Entrée.

On peut y mettre des Vives, de même que des Soles. La Perche s'y peut mettre aussi, mais il la faut manier plus doucement ; vous pouvez y mettre encore la Barbuë.

Autres manieres.

On sert encore des filets[5] de Soles au coulis de capres, d'autres aux truffles, & d'autres a la sausse-Robert, au basilic & aux &crevices. On fait aussi un Pain & des Gâteaux de Soles : on en met au courtboüillon & en marinade de poisson, lettre M. & pour celles que l'on sert frites, on les mange avec sel & jus d'orange.

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SOUSCE.

Pour faire un Entremets de Sousce, prenez des oreilles & pieds de Cochon, & les faites cuire comme à l'ordinaire. Etant cuits, il les faut tirer, & les laisser refroidir. Coupez-les ensuite par petites tranches bien menuës ; & ôtez tous les os. Aprés il faut prendre une casserole, & du meilleur vinaigre qu'il se puisse, & du sucre à proportion, selon la quantité de vos chairs. Il faut faire boüillir le vinaigre & le sucre, de la canelle en bâton, trois ou quatre clous de girofle, un brin de poivre & de sel, & deux ou trois tranches de citron. Quand il est bien cuit, passez le tout par l'étamine : étant passé, mettez-y vos viandes coupees en menus-droits, & faites boüillir le tout ensemble, jusqu'à ce que la sausse devienne liée comme si c'estoit des Menus-droits à la moutarde. Tirez alors la casserole hors du feu : aïez de petites boëtes carrées, de telle grandeur que vous voudrez ; & aïant bien dégraissé avec la cuiller, mettez-en dans vos boëtes, & des petits lardons parmi qui soient un peu longs, & de la longueur des boëtes. Quand elles en seront remplies, ne les couvrez point, que le tout ne soit bien pris : ensuite

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couvrez-les avec du papier, & le couvercle de la même boëte. Ceci se gardera des quatre à cinq mois ; quant il est plus frais, il en est meilleur. On le sert par belles tranches bien minces, rangées proprement sur vôtre plat ou assiette, & queleque belle serviette dessous.

T

TALMOUSES.

POur faire des Talmouses, prenez du fromage blanc qui soit bien gras, et le pilez bien dans un mortier, avec fros comme un œuf de beurre, & un peu de poivre. Etant bien pilé, il y faut mettre une poignée de farine, un peu de lait, & deux œufs ; & prendre garde que la farce ne soit pas trop deliée. Il faut faire une pâte fine, & en tirer de petites abaisses, suivant la grandeur dont vous voulez vos Talmouses : mettez de cette farce sur vos abaisses, & relevez-en les bords de trois côtez, comme ne maniere de bonnets de Prêtres ; pinçant bien les coins avec les doigts, afin qu'en cuisant ils ne se lâchent point. Il les faut dorer d'un œuf battu, & les faire cuire au four, & elles vous serviront pour garnir.

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TANCHES,

Sont poissons de riviere & d'étang. Vous pouvez les couper par morceaux, & en faire une fricassée blanche ou brune, avec mousserons ou champignons, truffles, cus d'artichaux & fines herbes ; & jus de citron en servant, & une liaison comme aux Poulets. Vous y hachez un anchois bien menu, & garnissez de marinade.One en fait aussi un hachis, que l'on garnit de têtes frites marinées.

Ou bien, on les accommode en casserole, les passant à la poële au beurre roux, aprés les avoir incisées ; ensuite on les met achever de cuire avec le même beurre, vin blanc, verjus, un paquet, sel, poivre, muscade, laurier & un peu de farine : & quand elles sont cuites, mettez-y huîtres, capres, jus de champignons & un citron ; & servez garni de pain frit.

On peut encore les farcir comme les Carpes ; ou en faire un ragoût, les coupant par morceaux, que l'on fait frire en beurre affiné, où ensuite l'on fait fondre un anchois ; & l'on y ajoûte jus d'orange, sel, poivre, muscade & capres. Servez avec persil frit & tranches de citron.Pour celles qu'on veut frire, on les fend

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par le ds, & on les poudre de sel & farine : & étant frites, servez avec jus d'orange.

TERRINE.

Ce qu'on appelle Terrine, est une Entrée fort considerable : voici ce que c'est.

Il faut avoir six Cailles, quatre Pigeonneaux, deux Poulets & un Carré de Mouton coupé par morceaux. Mettez cuire le tout à la braise dans une terrine, à petit feu, avec des bardes de lard au fond, de peur qu'il ne brûle ; ou du petit lard coupé par morceaux. Etant cuit, ôtez la graisse, & mettez en sa place de bon jus de Veau, des cœurs de laituës blanchis & cuits, un peu de purée de pois verds, avec de petits pois ou des pointes d'asperges. Laissez-les cuire encore quelque tems ensemble, & ne servez qu'aprés avoir bien dégraissé. Voïez ce que l'on a déjà remarqué là-dessus, au sujet des Mirotons, lettre M.

THON,

Est un gros poisson de mer, qui se peut servir par tranches ou filets à la sausse au Pauvre-homme ; & en Salade, avec la ramolage qu'on a remarquée page 65. On peut aussi, étant frit par rouëlle, le servir

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avec une maniere de marinade, comme on a dit à la marinade de poissons, lettre M. ou bien vous le faites griller, l'aïant froté & poudré de sel, poivre & beurre ; & on le mange à l'orange, & au beurre roux. On en fait encore un Poupeton ; & on les met en Pâté-en-pot, le faisant cuire, aprés en avoir haché la chair, dans un pot ou terrine, avec beurre roux & vin blanc, un morceau de citron verd, sel poivre, champignons ou marons, & capres : Garnissez de pain frit, buîtres frites, & tranches de citron. Vïez les autres Pâtez de Thon, de même que des Poissons precedens, lettre P.

TORTUES,

Est une maniere de poisson de mer qui naît dans une écaille ; il y a aussi celle de terre.

On peut les mettre en fricassée de Poulets ; & pour cela, aprés avoir coupé la tête, les pieds & la queuë, faites-les boüillir dans une marmite jusqu'à ce qu'elles soient cuites, avec sel, poivre, oignon, clous, thim & laurier. Etant cuites, coupez vos Tortues par morceaux, & prenez garde a l'amer. Vous les passerez avec fines herbes, ciboules, sel, poivre,

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champignons, cus d'artichaux, morilles, truffles & mousserons. Si vous la voulez rousse, moüillez-la avec jus d'oignon ; ou prenez de bon boüillon de poisson, & un peu de farine frite : & pour les mettre en fricassée blanche, liez la sausse avec des jaunes d'œufs, verjus, & jus de citron en servant. Garnissez de laites, tranches de citron, & huîtres frites ou cruës, suivant vôtre fricassée.

Vous pouvez aussi faire un Poupeton de tortües, ou bien les mettre tremper quelque tems dans du vinaigre, sel, poivre & ciboules : ensuite vous les farinerez ; & les aïant frites, vous servirez avec persil frit, oranges & poivre blanc.

TOURTES.

Il se fait de deux sortes de Tourtes, comme de Pâtez, tant en gras qu'en maigre ; les unes pour Entrée, & les autres pour Entremets. On a déjà parlé de quelquesunes de ce premier Service, comme des Tourtes de Poulets & Pigeons. Et pour ce qui est de l'Entremets, on a vû les Tourtes d'Aandes, de Crême, & de Marmelade de Fruits ; & de même de ce qui regarde le Poisson. Appliquons-nous maintenant aux plus considerables qui restent.

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Tourte de chair de Veau avec Beatilles.

Aïant fait blanchir vôtre veau, hachezle avec fraisse de Bœuf ou de Veau, & un peu de beurre frais, blanc de Chapon & de Perdrix, un peu de persil haché, avec champignons : assaisonnez bien de sel, poivre, clous battu, canelle en poudre ; ajoûtez-y un peu de lait ou de vin blanc : mettez cette farce dans vôtre abaisse au milieu de vos beatilles : donnez-lui la cuisson convenable, & servez chaudement, avec jus de citron.

Tourte de Cailles.

Aïant bien nettoïé & troussé vos Cailles proprement, empâtez-les comme les premieres qu'on vient de specifier, en pâte brisée, assaisonnées de sel, poivre, muscade, & un paquet de fines herbes : garnissez la Tourte, de ris-de-veau, champignons, & truffles par morceaux, lard pilé ou fondu au-dessous de vos Cailles, & moëlle de Bœuf ; pour couvrez-le, & la faites cuire deux heures : Mettez jus de citron, en servant chaudement pour Entrée.

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Tourte[6] à l'Espagnol pour Entrée.

Prenez de toute sorte de Volailles, Cailles, Pigeons, Mauvittes, Ortolans ; l'un ou l'autre, pourvû que ce soit de toutes petites Volailles & tendres. Si ce sont des Pigeons, par exemple ; aprés les avoir bien retroussé, il y faut faire une farce, composée d'un peu de moëlle, de champignons, de truffles, un petit morceau de lard blanchi, le tout bien assaisonné d'épices & fines herbes de toutes sortes. Fendez vos Pigeons sur le dos seulement, pour y faire entrer cette farce ; & au cas qu'ils soient un peu durs, passez-les auparavant que de les farcir. Etant farcis, il faut avoir des ris-de-veau, des champignons, des crêtes, des cus d'artichaux coupez en quatre, le tout assaisonné & passé à part. Tenez vos Pigeons prêts : faites cependant de la pâte avec de l'eau, de la farine, un jaune d'œuf, un peu de sel & de beurre, & qu'elle ne soit pas trop dure. Laissez-la reposer un peu ; ensuite battez-la avec le rouleau, & la separez en huit morceaux selon la grandeur de vôtre tourtiere. De ces huit morceaux, prenez-en quatre pour les mettre dessous ; tirez chaque abaisse bien mince comme du papier : engraissez

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vôtre tourtiere de sain-doux ou de lard ; & y aïant mis une abaisse, engraissez cette abaisse de même que la tourtiere, pour y mettre la seconde ; & ainsi des autres. Il faut aprés cela ranger proprement vos Pigeons, ou autres petites Volailles, avec le ragoût, & les couvrir de bardes de lard. Prenez ensuite les quatre morceaux de pâte qui vous restent, & faites de même qu'on a fait aux abaisses de dessous ; c'est-à-dire, les engraissant avant que de les mettre les unes sur les autres. Vôtre Tourte étant ainsi couverte, il la faut encore engraisser pardessus, & la faire cuire, prenant garde qu'elle ne prenne trop de couleur. Etant cuite avec adresse, dressez-la dans un plat ou assiette : lavez proprement son couvert & les bardes, & y mettant quelque bon coulis blanc, ou de champignons, selon les Volailles que vous aurez prises ; le tout servi chaudement.

Tourte de blanc de Chapon, pour Entremets.

Prenez du blanc de Chapon ou de Poulet, & pilez-le bien dans un mortier, avec un peu de citron râpé, un massepin, trois jaunes d'œufs, & de l'eau de fleur d'orange, avec un peu de canelle en pou-

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dre ; que le tout soit bien lié. Vous l'étendrez sur un abaisse de pâte brisée sans couvrir, & vous la ferez cuire doucement. Glacez-la avec du sucre en poudre, & faites bien chaufer un couvercle de tourtiere, que vous mettrez dessus pour lui donner couleur, étant prêt à servir ; un peu d'eau de senteur par-dessus, & jus de citron.

Autre maniere.

Il faut hacher un blanc de Chapon crud, avec autant de moëlle ou graisse de Bœuf. Vous en formerez ensuite vôtre Tourte en pâte brisée, & vous la garnirez de champignons, truffles, crêtes, ris-deveau, un peu de lard pilé, sel, poivre & muscade : couvrez vôtre Tourte d'une abaisse de même âte, dorez-la, & la faites cuire une heure & demie. Mettez pistaches, & jus de citron & de mouton en servant, garni de Tertelettes, ou autre chose.

Tourte de Foies gras.

Passez les Foies dans de l'eau chaude, & les rangez ensuite dans une tourtiere avec pâte fine : garnissez de champignons hachez, fines herbes, ciboule, lard pilé ; &

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assaisonnez de sel, poivre, muscade, clous, & un morceau de citron verd. Couvrez-la de la même pâte ; & l'aïant doré, faites-la cuire une bonne heure. Prenez un des mêmes Foies que vous aurez gardé, & passez-le par la poële avec un peu de lard fond & farine ; puis vous le pilerez, & le passerez par l'étamine avec jus de mouton & de citron, ayant froté le fond du plat d'une échalote ; & mettez le tout dans vôtre Tourte en servant.

Tourte de Jambon.

Vous pouvez couper un morceau de Jambon de Mayence cuit, par petites tranches, & les ranger dans vôtre tourtiere sur une abaisse de pâte fine, avec fines herbes menuës, poivre, canelle, muscade, bon beurre frais, & une feüille de laurier. On la couvre & dore comme les precedentes, & on ne le fait cuire que demi-heure. Etant cuite, mettez-y jus de citron & de mouton, & un peu d'échalote.

Si l'on veut, on peut hacher le Jambon, pour en faire une semblable Tourte, & y mettre du sucre, de la canelle, poivre blanc, &corce de citron confite, & un peu de lard pilé. Etant dressée & cuite comme ci-dessus, mettez-y jus de citron & sucre en servant.

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Tourte de Langues de Mouton.

Coupez-les par tranches, que vous rangerez dans vôtre tourtiere, avec écorce de citron confite, raisins de Corinthe, datte, sel, poivre, canelle, sucre, deux macarons pilez, du lard fondu, & un morceau de citron verd. Couvrez vôtre Tourte & la dorez, & la faites cuire une heure ; & en servant, mettez-y jus de citron, sucre, & eau de senteur.

Tourte de Langue de Bœuf.

Vous coupez une Langue de Bœuf salee, par tranches bien déliées, comme les precedentes : ensuite, vous les rangez sur une abaisse dans une tourtiere, assaisonnées de canelle, poivre, sucre, & lard fondu. Vous la recouvrez de même pâte ; & étant à demi cuite, qui est environ demi-heure aprés que vous l'avez mise au feu, vous y mettez un demi-verre de bon vin ; aprés quoi vous la laissez cuire tout-à-fait : & en servant, vous y mettez sucre, jus de citron & grains de grenade.

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Tourte de Ris-de-Veau

Faites-les blanchir dans de l'eau bien chaude, & les mettez en pâte fine, garnis de petits champignons, foies gras, truffles, sel, poivre, muscade, citron verd, & lard pilé. Couvrez vôtre Tourte d'une autre abaisse semblable ; dorez-la, & la faites cuire une heure ; & quand elle le sera, mettez-y jus de Veau ou de Mouton ; & jus de citron & pistaches en servant.

Tourte de Beatilles.

Vous les nettoïez bien dans de l'eau chaude ; aprés quoi vous les rangez dans vôtre tourtiere, avec champignons, truffles, ris-de-veau, cus d'artichaux, & moëlle de Bœuf, le tout assaisonné de sel, poivre muscade, un paquet de fines herbes, & lard pilé ou fondu. Couvrez & dorezla comme les autres ; & l'aïant fait cuire environ deux heures à petit feu, vous y mettez jus de citron & de mouton en servant.

Tourte de Roignons de Veau.

Vous la pouvez faire de deux façons ;

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Pour l'une, hachez vos Roignons de Veau avec un peu de lard, assaisonnez de sel, poivre, muscade, canelle, ciboule, fines herbes, champignons & ris-de-veau : Faitesen vôtre Tourte en pâte brisée, & la couvrez & faites cuire comme ci-devant, pendant une bonne heure.

De l'autre maniere, vôtre Roignon de Veau étant cuit, hachez-le, & le mettez de même entre deux pâtes fines, avec sucre, canelle, écorce de vitron, dattes, un peu de beurre, deux macarons, & les autres assaisonnemens. Trois quarts d'heure suffisent pour cuire une semblable Tourte : en la servant, mettez-y jus de citron, sucre et eau de fleur d'orange.

Tourte de Pêches grillées.

Prenez des Pêches qui soient mûres, & les pelez proprement ; ôtez-en le noïau, & les laissez par gros morceaux : aprés il faut avoir du sucre, de l'écorce de citron confite hachée, le tout dans un plat. Formez une pâte fine, avec un peu de beurre, farine, sel, eau, & un jaune d'œuf ; qu'elle soit un peu ferme, & point brûlée. Tirez-en une abaisse rondement, selon la grandeur de vôtre plat, & qu'elle soit bien mince. Dressez un petit bord de vôtre pâte,

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de la hauteur de deux doigts : Aprés il faut ranger toutes les Pêches dedans proprement, mettre la Tourte au four, & la faire cuire. Etant ucite, il faut, avec la pêle du feu bien chaude, lui faire prendre couleur, l'aïant poudré de sucre. Cela s'appelle une Tourte grillée. Sevez chaudement.

On peut faire de semblables Tourtes de Pommes & autres Fruits ; & si vous y voulez prendre de la peine, vous pouvez faire une abaisse de pâte croquante, la bien découper, & la faire secher au four, & aprés qu'elle sera seche, vous y pouvez faire une glace d'un balc d'œuf, de sucre fin en poudre, un peu de citron confit, le tout delaïé ensemble. Masquez avec cela vôtre abaisse, & la faites glacer au four, qu'elle soit bien blanche : & un peu avant que de servir, vôtre Tourte étant dressée dans le plat, vous pouvez mettre l'abaisse dessus, & garnir de meringuges.

Tourtes de Cerises, & autres Fruits.

Il faut avoir des Cerises confites, & faire une pâte à demi feuilletée ; sur-tout qu'elle soit bien faite. Il faut en tirer une abaisse bien mince, la mettre sur la tourtiere, & y ranger ses Cerises confites. Faites de pe-

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tites bandes de vôtre pâte ; on ne sçauroit les faire trop petites. Vous pouvez bandeïer vôtre Tourte en étoile, en corbeille, en Banniere roïale, & en plusieurs autres manieres, selon le goût d'un chacun. Façonnez-la avec la pointe de vôtre coûteau : faites-la cuire, & la glacez ensuite avec du sucre fin, & y passez la pêle du feu rouge. Vous pouvez garnir de feüillantines, ou de petits fleurons de toute sorte de fruits. Il s'en peut faire de même d'autres Fruits, & aussi pour les Tourtes à la Crême. Dans la saison des Abricots, Verjus, &c. elles sont naturelles : aux autres tems, on prend de la Marmelade. En l'un & en l'autre, elles en sont toûjours meilleures, faisant l'abaisse d'une pâte d'amande bien faite, ou d'une pâte croquante telle qu'on a vû ci-devant, page 354.

Tourte de Beurre, de Lard, & de Moëlle.

Pour la Tourte de Beurre, prenez du beurre le plus frais, la quantité de huit onces, selon la grandeur de vôtre Tourte[7] : mettez vôtre beurre rafiner, afin qu'il jette bien son écume. Si c'est un jour gras, hachez-y un peu de moëlle : pour les jours maigres, on n'y en met point. Vôtre beur-

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re étant affiné, tirez-le hors du feu, & le laissez reposer. Prenez trois œufs frais ; retirez-en les blancs, & faites de la neige avec : aprés, mettez-y du sucre fi, quatre jaunes do'eufs, des écorces de citron confites bien hachées, de l'écorce de citron verte, râpée, & un peu d'eau de fleur d'orange, le tout battu à proportion. Egoutez ensuite le beurre dans la même farce, & foüettez-bien tout ensemble ; aprés laissez-le reposer. Il faut avoir une pâte fine qui soit bien faite ; en tirer une abaisse bien mince, la mettre sur vôtre tourtiere engraissée avec un peu de beurre, & façonner le bord de vôtre pâte avec la pointe de vôtre coûteau. Quand on est prêt de faire cuire la Tourte, on y verse la farce : on la fait cuire, peu de feu dessus, mais seulement au milieu de votre tourtiere, depeur qu'elle ne prenne trop de couleur. Pour connoître quand vos Tourtes sont cuites, il faut voir si elles se détachent bien des tourtieres. Etant prêt à servir, poudrez-les de sucre fin, & les glacez avec la pêle rouge. Garnissez de Rissoles, de Beignets de pomme, ou autre chose semblable.

La Tourte de Lard se fait de la même maniere : à la place du beurre, on y met seulement du lard affiné ; mais que le lard

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n'ait aucun mauvais goût, & que les œufs soient toûjours bien frais. Si les Tourtes sont grandes, il y faut davantage d'œufs.Pour la Tourte de Moëlle, on la peut faire aussi de la même maniere que celles ci-dessus. Quand la moëlle est affinee & bien fonduë, l'on bat des œufs de la même façon ; & l'on y met les mêmes écorces de citron, & le reste. D'autres pilent la moëlle, le sucre, & l'écorce de citron tout ensemble dans le mortier, avec un peu de farin, & de l'eau de fleur d'orange : on foüette ensuite les blancs d'œufs, & trois ou quatre jaunes ; & l'on mêle cela avec le reste dans le mortier. On fait une bonne pâte fine, comme pour les autres Tourtes precedentes. Chascun les travaille differemment ; mais pourvû que cela aille bien, n'importe.

Tourte sucrée, pour Entremets.

Prenez cinq ou six biscuits, massepains ou macarons, du sucre, & quatre ou cinq jaunes d'œufs ; pilez le tout ensemble dans un mortier, un peu d'eau de fleur d'orange ; & mettez tout vôtre appareil dessus une abaisse feüilletée. Faites-la cuire sur une braise bien doucement, & glacez la ; qu'elle soit de belle couleur.

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Tourte d'aigre-doux

Mettez un verre de verjus ou jus de citron, avec un quarteron de sucre ; & quand il sera boüilli à moitié, ajoûtez-y de la crême, avec si jaunes d'œufs, un peu de beurre, fleur d'orange, écorce de citron confite râpée, canelle pilée ; & mettez le tout en pâte fine, sans le couvrir.

Tourtes d'Artichaux.

Vos cus d'Artichaux étant bien cuits & bien blancs, empâtez-les avec fines herbes, ciboules menuës, poivre, muscade, sel & beurre : couvrez vôtre Tourte ; & en servant, mettez-y une sausse blanche, avec un filet de vinaigre.

Ou bien, pilez vos cus d'Artichaux, & les passez par l'étamine, avec beurre ou lard fondu, pour en faire comme une crême : ajoûtez-y deux jaunes d'œufs cruds, sel et muscade, & mettez le tout en pâte bien mince & bien délicate. Etant cuit, servez, avec jus de Mouton & de citron.Vous pouvez aussi mettre dans cette crême d'Artichaux, un macaron pilé, du sucre, canelle, écorce de citron confite, un peu de crême & de sel ; & en faire

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vôtre Tourte sans couvrir : mais la glacer quand vous voudrez la servir, avec sucre, & eau de fleur d'orange.

Autres Tourtes.

Il se peut faire de semblables crêmes ou marinades de Pommes, de Betteraves, de Melon, & autres ; les faisant cuire avec vin blanc, & les pilant ensuite avec sucre, canelle, fleur d'orange & écorce de citron. Vous les passez ensuite par l'étamine, & les mettez en abaisse bien déliée, avec un peu de beurre ; & servez avec sucre musqué, & fleur d'orange.

Tourtes d'Asperges.

Coupez le tendre de vos Asperges, & gardez le bout pour garnir ; Faites-les blanchir en eau, & les dressez ensuite dans vôtre tourtiere, avec lard fondu, moëlle, ou beurre, fines herbes, ciboules, sel, poivre, muscade ; & couvrez vôtre Tourte. Etant cuite, mettez-y de la crême, ou jus de Mouton & un jaune d'œuf.

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Tourte d'Epinars.

Prenez des feüilles d'Epinars, & les faites blanchir dans de l'eau, ou amortir dans un pot de terre, avec demi-verre de vin blanc. Le vin étant consommé, hachez vos épinars égoutez, bien menu ; & les aïant assaisonnez d'un peu de sel, canelle, sucre, écorce de citron, deux macarons, & de bon beurre, mettez-les en pâte fine, & la couvrez en bandes : mettez sucre & fleur d'orange en servant.

Tourte de Truffles.

Coupez-les par tranches, les aïat bien pelées, & les rangez sur une abaisse bien fine : passez du beurre par la poële avec un peu de farine, fines herbes menuës, une ciboule entiere ; & mettez le tout dans vôtre Tourte, assaisonné de sel, poivre, & muscade : ne la couvrez point, & servez avec jus de citron.

Tourte de Champignons, Mousserons & Morilles.

Mettez vos Champignons par morceaux, en abaisse de pâte fine, avec fines herbes,

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ciboules, sel, muscade, farine cuite, & beure : couvrez vôtre Tourte d'une autre abaisse ; dorez-la : & étant cuite, servez avec jus de citron & de Mouton, aïant ôté les ciboules. On peut aussi y ajoûter une liaison avec beurre roux.

Les Tourtes de Morilles et Mousserons se font de la même maniere.

Tourte d'œufs.

Prenez des jaunes d'Œufs, un morceau de sucre, de l'eau de fleur dorange, & un peu de beurre : faites-en comme une crême, & la mettez en pâte fine bien déliée, & à petit bord : râpez de l'écorce de citron par-dessus ; faites-la cuire, & la glacez en servant.

Tourte de jus d'Ozeille.

Pilez de l'Ozeille pour en tirer le jus, & le mettez dans un plat avec sucre, canelle, macarons, un morceau de beurre, trois jaunes d'œufs, écorce de citron confite râpée, & fleur d'orange : Faites cuire le tout en maniere de crême, & le dressez ensuite sur vôtre tourtiere, dans une abaisse bien deliée : étant cuit, servez avec sucre.

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Tourte de Couleurs.

On peut faire une Tourte en maniere de Crême verte ; pour cela pilez des pistaches & amandes pelées, passez-les par l'étamine avec jus de poirée, deux macarons, deux jaunes d'œufs, un peu de sel & de beurre frais, du sucre à discretion ; faites cuire le tout en maniere de crême, & le dressez en pâte fine dans une tourtiere ; étant cuite, servez avec eau de fleur d'orange, & sucre en poudre musqué ; & pour toutes les autres couleurs de toutes sortes, voïez ce qui a été dit pour la gelée, lettre G.

Tourte de Franchipanne.

Aïez une chopine de crême douce, mettez dedans un quarteron de pistaches pilées, deux onces d'écorce de citron confite aussi pilée, deux jaunes d'œufs frais, deux macarons, un peu de canelle battüe, du sucre a discretion, un peu d'eau de fleur d'orange, mêler le tout ensemble, & passer à l'étamine ; la faire cuire, & la mettre en pâte feüilletée, avec un peu de beurre frais par-dessus, & la couvrir de la même pâte, coupée par petites bances : ensuite dorez-la & la faite cuire ; & servez, l'aïant poudrés de sucre musqué.

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Autres manieres de Tourtes.

Il se fait encore de beaucoup d'autres sortes de Tourtes pour servir comme les precedentes en Entremets, tant en gras qu'en maigre. On fait entréautres, des Tourtes de chair d'Oranges coupées par tranches, les mettant en pâte delié, avec sucre, macaron pilé, canelle, & quelques pistaches ; & de même des Citrons verds, hors qu'au lieu de pistaches, on y met de l'écorce de citron confite râpée ; & on les sert toutes deux avec sucre musqué.On en fait d'autres de grains de Grenades, d'écorces de citron confite, de pistaches coupées, de prunes, &c. Et pour celles d'amandes, voïez ce qui a été dit, tant pour les abaisses qui y sont les plus convenables, que pour le reste, à l'article des amandes, lettre A. comme aussi les différentes sortes de crêmes qu'on a marquées, lettre C.

Voici encore quelques Tourtes de Poisson, que l'on sert pour Entrées dans les jours maigres.

Tourte d'Ecrevices

Faites cuire les Ecrevices avec un verre

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de vin blanc, aprés les avoir bien lavées. Prenez les pattes & les queuës, & pilez tout le reste dans un mortier, pour le passer par l'étamine, avec un peu de boüillon & de beurre chaud. Rangez ensuite le tout dans vôtre tourtiere, avec sel, poivre, muscade, ciboulettes, champignons par morceaux ; & aïant mis l'autre abaisse pardessus, dorez-la & la faites cuire, & servez avec jus de citron.

Vous poivez aussi hacher vos Ecrevices, & les empâter avec laites de Carpes, champignons, foies de Brochet, morilles, truffles, beurre, & autres assaisonnemens ; & servir de même, avec jus de citron ou d'orange.

Tourte de laites & langues de Carpes.

On les range dans une abaisse de pâte fine, assaisonnées de sel, poivre & muscade, fines herbes, ciboule, champignons, morilles, truffles, & bon beurre. Couvrez le tout d'une autre abaisse : faites cuire vôtre Tourte à petit feu, & servez avec jus de citron.

Tourte de foies de Brochet.

Vous les assaisonnez comme pour la

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Tourte ci-dessus, hors qu'il faut le beurre roux ; & on y met un anchois fondu avec capres, & jus de citron en servant.

Tourte de Saumon.

Vous le mettez par tranches ou filets, aprés l'avoir fait un peu cuire avec vin clairet ; & vous les dressez pour vôtre Tourte, avec écorce de citron confite, dattes, sucre, canelle, un peu de poivre, sel & beurre. Etant à demi cuite, mettez-y le vin où le Saumon aura cuit : couvrez & glacez-la ; & servez avec jus de citron.Ou bien, hachez vôtre Saumon avec champignons, fines herbes, ciboules, sel, poivre, muscade, & cus d'artichaux ; & servez de même.

Tourte d'Eperlans, Brochets, Soles, & autres.

Mettez-les par filets, avec champignons, morilles & truffles hachées, pour mettre au fond ; assaisonnez de sel, poivre, muscade, fines herbes, ciboules, & morceaux de champignons : Ou bien desossez vos Poissons, ôtant les arêtes & les têtes, que vous ferez frire pour garnir ; & servez toûjours avec jus de citron ou d'orange.

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Tourte d'Huîtres.

Elle se fait de même, hors qu'on y ajoûte un peu de chapelûre de pain, capres, & une tranche de citron verd ; & l'eau des huîtres, avant que de servir.

Tourte de Moules.

Vous Moules étant bien mondées & lavées, passez-les à la poële, & les tirez de leurs écailles ; dressez-en vôtre Tourte, avec champignons par morceaux, morilles, sel, poivre, muscade, thim & beurre. Etant a demi cuite, mettez-y de l'eau des Moules, avec chapelûre de pain, & jus de citron en servant.

Tourtes de Tanches farcies.

Vos Tanches étant limonnees, fendezles par le dos ; tirez-en la chair, & faites que la tête & la queuë tiennent à la peau. Hachez cette chaire avec champugnons, laites de Cartpes, fines herbes, sel, poivre, muscade, & clous pilez : & aïant farci avec cela vos tanches ou arêtes, dressezen vôtre Tourte, avec huîtres, champignons, laites de Cartpes, foies de Brochet,

[489]

beurre ; & un demi-verre de vin blanc quand elle sera à moitité cuite. Servez avec jus de citron.

Autres Tourtes.

On fait encore des Tourtes de Perches, de Tortuës, & beaucoup d'autres, pour lesquelles il est aisé de se regler sur les precedentes, ou sur ce qui a été marqué en son lieu, touchant la maniere d'accommoder ces Poissons : Comme aussi des Tourtes de Beatilles, & manieres de Pigeons faits avec une bonne farce de Poisson, composée de char d'Anguille, de Brochet, de Carpes, & laites pilées. On vuide le cu de ces Pigeons avec quelque chose, & on y met un morceau de foie de Brochet ou autre. On les fait blanchir dans un beurre chaud, & on les empâte avec crêtes & ris-de-veau formez de la même composition, & blanchis separément dans une cuillere : assaisonnez de sel, muscade, poivre, champignons, laites, morilles & bon beurre ; un peu de vin blanc sur la fin, & jus de citron en servant.

[490]

TRUFFLES.

La maniere de les servir qui est la plus en vogue, est au court-boüillon ; les faisant cuire avec vin balcn ou clairet, assaisonnées de sel, laurier, & poivre.On les peut aussi mettre à la braise, les ouvrant à moitié, pour y mettre un peu de sel & poivre blanc ; & les aïant refermées, on les fait cuire envelopées d'un papier moüillié, en une braise qui ne soit pas trop ardente. Servez-les de la sorte, sur une serviette pliée.

Ou bien, aïant mondé vos Truffles, coupez-les par tranches, & les passez avec lard fondu ou beurre, & farine. Faites-les cuire avec fines herbes, sel, muscade, poivre, & un peu de boüillon ; & aïant ainsi mitonné dans un plat, que la sause soit courte, servez avec jus de Mouton et de citron.

On fait d'ailleurs des ragoût de Truffles & foies grans, & des Tourtes, comme on a emarqué ci-devant : & pour le Repas en Racines, ou Collation en carême, on les peut manger seches à l'huile ; le tout pour Entremes.

[491]

TRUITES,

Est un poisson d'eau douce, qui se plaît sur tout dans les sources froides, & parmi les pierres.

Entrée de Truites grillées.

Vous les pouvez paner, ou non. Sur celles qui ne sont pas panées, voys y jettez un ragoût de mousserons, truffles, laites, foies de Brochet passez au brun, avec un anchois, fines herbes, & un peu de capres. Vous faites un peu mitonner vos Truites dedans, & vous servez ensuite avec jus de citron.

Pour les autres que vous voulez paner, faites-les mariner dans une bonne marinade, les ayant découpées, afin qu'elles en prennent le goût : vous les y laissez une bonne heure, & les faites cuire ensuite à petit feu. Garnissez de petits Pâtez de poissons, ou de marinade ; & jus de citron en servant.

Entremets de Truites en gras.

Aïez deux ou trois[8] Truites d'une belle qualité : vuidez-les du côté de l'oreille

[492]

proprement. Il les faut ratisser ; & les aïant bien essuïées, avoir la pêle du feu rougie, & que vos Truites soient bien étenduës sur la table : passez la pêle tout contre, & qu'elle n'y touche pas ; & réïterez de tems en tems. Quand elels se trouvent assez blanchies pour les pouvoir piquer, piquez-les à petit lard par rangées. Il faut avoit un vase ovale, une quantité de belles bardes de lard au fond ; y ranger ensuite vos Truites piquées, mettre un peu de feu dessous ; & avoir un couvercle & de la bonne braise dessus, pour leur faire prendre couleur. De-peur qu'elles ne s'attachent au fond, remuez de tems en tems. Etant bien colorées, égoutez tout le lard, & arrosez vos Truites de bon jus, un peu de bon vin de Champagne ; un oignon piqué de clous de girofle : faites cuire doucement dans la même casserole, bien assaisonnée. Quand elle est presque cuite, & qu'il n'y a pas trop de sausse, il faut avoir un peu d'essance de jambon ; dans cette essence y mettre des truffles, des champignons, & toute sorte de grarnitures selon la saison, en sorte que ce soit un bon ragoût, & un peu lié. Dressez vos Truites dans un grand plat, ovale ou rond ; versez vôtre ragoût autour, le tout bien dégraissé. Vous pouvez garnir, si vous voulez, de cus d'arti-

[493]

chaux, andoüillettes, ou petits fricandeaux de Truite bien piquez, & faits comme ceux de Sole. Pour les gros Poissons de Mer, on les larde à gros lard ; & quand ils sont bien ficelez, on y faitt un bon court-boüillon gras qui soit bien assaisonné, & nourri de toutes sortes de bonnes choses : qu'il y entre du vin de Champagne. Aprés qu'il est bien cuit, dressez vos gros Poissons dans des plats ovales ; le ragoût par-dessus, composé de toute sorte de garnitures. On y met aussi des huîtres fraîches avec leur eau ; ou bien on y fait des sausses à la Carpe, & de bonne essence de Jambon : le tout servi chaudement, & bien dégraissé.

TURBOT,

Est un Poisson de Mer plus commun en Bretagne qu'ailleurs.

Entrée de Turbot au Court-boüillon.

Vous faites un bon Court-boüillon bien assaisonné de sel, poivre, clous, thim, oignons, vinaigre, verjus, citron, vin blanc & laurier : vous y mettez aussi un peu d'eau ; & pour le rendre bien blanc, vous y ajoûtez du lair sur la fin. Il le faut

[494]

faire cuire doucement & à petit feu ; & garnir de persil, tailladins de citron pardessus, & violettes dans la saison.

Turbot en gras, pour Entremets.

Aïant écaillé & lavé vôtre Turbot, mettez-le dans un bassin avec des bardes de lard ; assaisonnez de lard fondu, vin blanc, verjus, un paquet de fines herbes, sel, poivre, clous entiers, feüille de laurier, citron verd & musace ; couvez-le d'autres bardes de lard, & le mettez cuire à la braise, ou au four. Pour le servir, ôtez les bardes, dressez-le dans son plat, & par-dessus un bon ragoût de champignons fait avec la sausse de Turbot, & tranches de citron pour garnir.

V.

VEAU.

On a pû voir en plusieurs endroits de ce Livre, comment on peut tirer du Veau dequoi faire un grand nombre d'apprêts & de plats, pour chaque Service. Il y a des Tranches de Veau pour Entrées, des Cotelettes de Veau, de Ris-de-Veau, des Pâtez de Roüelle de veay, des Langues & des Oreilels de Veau farices ; sans par-

[495]

ler d'une infinité d'autres choses qui se font avec du Veau, ou du moins où il y en entre. Il nous reste à parler de quelques autres manieres d'accommoder du Veau seul, & premierement du Veau à l'Italienne.

Entrée de Veau à l'Italienne.

Il faut prendre des tranches de Roüelles de Veau qui soient bien tendres, & coupées comme si c'étoit pour faire des fricandeaux : battez-les un peu avec le coûteau. Prenez une casserole ; rangez au fond de bonnes bardes de lard ; aprés voys y mettrez les tranches de Veau bien arrangées, & bien assaisonnées. Il faut qu'il y en ait suivant la grandeur de vôtre plat ou assiette. On les couvre par-dessus, d'autres bardes de lard ; on les met à la braise. Etant cuites, tirez toutes les bardes, & la viande à part ; égoutez la graisse, & en laissez seulement pour pouvoir faire un roux d'une pincée de farine, que vous ferez roussir dans la même casserole ; mais qu'elle ne le soit pas trop. Moüillez ensuite avec de bon jus ; remettez-y vos tranches de Veau ; achevez-les de faire cuire dans la même casserole : mettez-y des ris-de-Veau, des truffles en tranches, des champignons, quelques crêtes de Coq cuites, deux tran-

[496]

ches de citron, un filet de verjus, un bouquet de fines herbes, un brin d'échalote, un peu de coulis de pain pour lier la sausse ; le tout bien dégraissé, & servi chaudement.

Pour faire du Veau à la Bourgeoise.

Coupez des tranches de Veau qui soient un peu épaisses, & les lardez avec une petite lardoire de bois : les lardons seront assaisonnez d'un peu de persil & de ciboules, avec de fines épices, sel & poivre. Etant bien lardées, il faut avoir une casserole ; mettre quelques petites bardes de lard dedans, & bien ranger vos tranches pardessus. Le feu doit être tres-moderé dans le commencement, afin que la viande suë : Aprés qu'elle a sué, il lui faut faire prendre couleur des deux côtez, y mettre un peu de faine ; & aïant pris couleur, moüiller de bon boüillon clair, & le faire cuire doucement. Etant cuit, il faut lier un peu la sausse, & la dégraisser ; y mettre un filet de vinaigre ou de verjus ; le tout dressé dans son plat, & servi chaudement.

Longe de Beau en ragoût.

Vous la lardez de gros lard, assaisonné de sel, poivre & muscade ; & état presque

[497]

suite à la broche, mettez-la dans une casserole couverte, avec boüillon, un verre de vin blanc, un paquet de fines herbes, champignons, & le degout de la longe, farine frite, & un morceau de citron verd. Servez à courte sausse aïant un peu dégraisse ; & garnissez de ris-de-Veau piquez, cotelttes, ou autre chose.

Autres manieres.

Pour le Quartier & Longue de Veau.

On le peut piquer de petit lard, à la réserve du gros bout, que l'on pane bien ; qu'il soit de bon goût. On le garnit de rissoles de blanc de Chapon, & jus de Veau par-dessus en servant.

Vous pouvez aussi le faire mariner dans une casserole ovale, bien assaisonné : & étant[9] cuit à la broche, vous prenez le roignon pour en faire des rôties farcies, dont vous garnirez vôtre Quartier de Veau ; ou bien une omelette : & vous garnirez de marinades, soit Cotelettes ou Poulets, ou de cotelettes farcies & persil frit.

On fait une autre moïenne Entrée, d'une demi Longe de Veau cuite dans un bon court-boüillon bien assaisonné & bien nourri, l'envelopant dans une serviette,

[498]

de-peur qu'elle ne se rompe. Vous garnissez de pain frit, persil, citron en tailladins.

Grande Entrée, de Quartier ou Croupe de Veau gras, farci sur la Cuisse.

Voïez en l'article du Salpicon, où l'on marque la maniere du ragoût dont on le peut farcir : ou bien, faites un hachis de la chair que vous en tirez, qui soit bien assaisonné ; & recouvrez bien proprement, de la peau que vous avez levée : panez de mie de pain ce qui n'est pas lardé ; & garnissez de Cotelettes farcies ou non farcies, ou de rissoles & croûtons de pain frit ; le tout de belle couleur. On peut aussi le piquer de Hattelettes.

Poitrine de Veau.

Vous pouvez faire une Entrée de Poitrine de Veau farcie, & ganie de Poupiettes en façon de Cailles, cuites à la broche, & un bon ragoût par dessus. Vous la passez au roux, & la faites cuire dans une marmite. Vous y mettez un morceau de tranche de Bœuf en cuisant, pour lui donner nourriture ; & une liaison rousse & jus en servant. Pour la farce, vous la composez d'autre chair de Veau, graisse ou moëlle de

[499]

Bœuf, lard, fines herbes, champignons, ris-de-Veau, & l'assaisonnez de sel, poivre & muscade. On peut aussi faire cuire la Poitrine de Veau dans une terrine ou casserole, avec boüillon & un verrre de vin blanc : & étant cuite, on passe des champignons par la poële, avec le même lard où on l'a passé, & un peu de farine ; & on met le tout ensemble.

On fait une autre Entrée de Poitrine de Veau en Tourte, avec bon Godiveau & bonnes garnitures, comme à une autre Tourte ; & une bonne liaison en servant avec jus de citron. Et une autre, d'une Poitrine de veau farcie, ou non, cuite à la broche & mise en ragoût, avec jus de citron en servant ; garni de ris-de-Veau, crêtes & champignons frits : Ou bien, étant à demi cuite dans le pot, mettez-la mariner avec vinaigre, sel, poivre & laurier : farinez-la, & la faites frire en bonne friture ; & servez avec persil frit, & le reste de la sausse.

VIVES.

Vous les pouvez mettre en ragoût, aprés les avoir fait frire : le ragoût composé de champignons, morilles, mousserons & cus d'artichaux ; garni de ce que vous voudrez.

[500]

On peut aussi ne les pas frire ; mais les faire griller, avec une sausse de capres & anchois.

Pour les Vives en filets aux concombres & mousserons ; faites-les cuire au courtboüillon, & les coupez comme les Perches ou les Soles : on les accommode de même.

Pour les Vives en filets au blanc, qui est encore le même que pour les Perches : Voïez comme on accommode les Perches, lettre P.

On met encore des filets de Vives aux capres : on met les Vives en fricassée de Poulets ; & l'on en fait un hachis avec anchois hachez & capres entieres, le tout de bon goût ; garni de croûtons de pain frit, & jus de citron en servant.

FIN

 

[1] antour

[2] cibouble

[3] attichaux

[4] Impression altérée.

[5] fielets

[6] Toute

[7] Toute

[8] troits

[9] éant

1707-Traité du récitatif (Grimarest) (i-xxi)

TRAITÉ DU RECITATIF

Dans la Lecture,

Dans l’Action Publique,

Dans la Declamation,

Et dans le Chant.

Avec un Traité des Accens, de la Quantité, & de la Ponctuation.

A PARIS.

Chez

Jaques le Fevre ; dans la grand’Salle du Palais, au Soleil d’or

Et

Pierre Ribou, proche les Augustins, à l’Image Saint Louis.

M. DCC. VII.

AVEC PRIVILEGE DU ROI.

[i]

A SON ALTESSE SERENISSIME MADAME LA DUCHESSE DU MAINE.

MADAME,

Je sais, Madame, que nos efforts pour témoigner à Votre Altesse Sere

[ii]

nissime les sentimens respectueux que nous avons pour sa Personne, suffisent pour mériter les effets de Votre Bonté. C’est par cette haute Vertu, autant que par votre illustre Naissance, & par l’étendue de Votre Discernement, & de Votre Savoir, que Vous vous plaisez, Madame, à nous faire une loi de l’inclination que nous avons à Vous respecter, à Vous admirer. Dans cette confiance j’espere que Votre altesse serenissime daignera recevoir favorablement le petit ouvrage que je prens la liberté de lui presenter.

[iii]

Si j’étois assez heureux pour l’avoir bien travaillé, il pourroit être digne de Votre Protection, par le raport qu’il a aux nobles amusemens qui détachent avec tant déclat l’élévation de vos ocupations sérieuses. Votre Altesse Serenissime, qui pour goûter avec plus de plaisir les sentimens des grandes Princesses ; la simplicité des personnes les plus communes, en represente l’action avec tant de délicatesse, & de supériorité, verroit peut-être avec quelque satisfaction dans mon ouvrage des regles dans lesquelles je voudrois bien fixer le

[iv]

goût de l’Action. Non, Madame, que je présume avoir aproché dans mes instructions de cette délicatese, de cette supériorité, qui fait l’admiration de ceux qui ont le bonheur d’être rémoins de vos divertissemens ; les maximes les plus solides, létude, l’execution la plus consommée, ne pouront jamais nous conduire à cette perfection. Ainsi, Madame, je suplie Votre Altesse Serenissime de ne point se servir de ses lumieres pour juger de cet ouvrage ; mais d’user de sa Bonté ordinaire pour le protéger. Ce sera toujours

[v]

beaucoup pour moi, qu’apres avoir eu une favorable ocasion de témoigner au grand Prince, à qui vous devez vos precieux jours, l’inviolable atachement que j’ai pour sa Personne, je puisse aussi, Madame, en vous dédiant cet ouvrage, Vous faire connoitre le zele & la vénération que j’ai pour Votre Altesse Serenissime. Ce n’est point à un Auteur aussi foible que je le suis, à rapeler toutes les Vertus qui la font revérer ; à representer cet Esprit sublime, qui pénetre dans le savoir le plus profond, qui se produit avec tant d’Eloquence,

[vi]

qui donne enfin ses décisions avec tant de justesse, qu’à peine sont-elles prononcées qu’on les respecte avec admiration, qu’on les suit avec empressement. J’altererois des Véritez, qui ne peuvent recevoir tout leur éclat que dans votre Personne. Ainsi, Madame, assez sage pour retenir des expressions, qui ne pourroient répondre à ces éclatantes Vertus ; mais assez éclairé pour en connoitre toute la grandeur, je reste dans le respectueux silence qu’elles m’imposent. Il ne m’est permis que d’en être touché aussi vivement que je le suis ; & de me conduire

[vii]

avec tant de soumission, que je puisse Vous persuader, Madame, que personne ne sauroit être avec plus de respect & de vénération que je le suis,

Madame,

De Votre Altesse Sereniss.

Le tres-humble & tres-obeissant serviteur De Grimarest.

[viii]

PREFACE

CE Livre doit sa naissance à la Critique que l’on a faite de la Vie de Moliere ; dans laquelle on me reproche de la présomption sur ce que j’ai avancé touchant l’action du Theâtre. J’ai cru que je devois dans ma Réponce à cette Critique, faire connoître au Public que je n’ignorois pas tout-à-fait cette partie de la Rhetorique : Heureusement j’ai fait voir que mon Critique n’en avoit qu’une légere & imparfaite connoissance, & telle qu’on l’acquiert, quand destitué de principes & de goût, on se contente de fréquenter

[ix]

les spectacles pour se la donner. Messieurs les Journalistes de Paris dans l’extrait de cette Réponce m’ont animé à faire davantage. Il seroit à souhaiter, disent-ils, que sans crainde d’ennuyer le Public, l’Auteur nous eût dit tout ce qu’il paroît sacoir sur cette matiere ; cela auroit son utilité. Un jugement si assuré & si avantageux m’a donné de la confiance ; mais j’ai poussé plus loin mon ouvrage, aïant remarqué que ceux qui lisent, & qui chantent, avoient autant besoin d’être conduits, que ceux qui déclament. J’ai même été jusques à donner des regles à ceux qui peuvent avoir un Discours public, ― ou un Plaidoyé à prononcer. Et comme toutes ces parties suposent une parfaite connoissance de l’effet des

[x]

Accens, de la Quantité, & de la Ponctuation, je n’ai pu me dispenser de dire ce que j’en sais, pour donner à mon Lecteur ce qu’il peut desirer de moi. Voila donc véritablement un livre nouveau que je lui presente : car je ne crois pas qu’en notre Langue on ait encore traité de toutes ces parties ensemble ; & il y en a même dont on ne l’a point fait séparément. Quelque succès que puisse avoir mon travail, il aura son utilité. S’il est mauvais, quelque Auteur charitable, & connoisseur pourra faire mieux : s’il est passable, on aura des principes que l’on n’avoit point encore dans une science, dont l’usage est cepednant si fréquent & si nécessaire.

Il est vrai que l’on a traité

[xi]

avant moi de l’Action de l’Orateur, & de la Méthode de bien prononcer un Discours ; mais ce n’a pas été dans la même vue ; & j’ose même avancer que ces traités sont imparfaits, & d’un goût différent de celui dont on veut s’instruire aujourdhui. Je vois si peu de personnes qui aient une juste & agréable Récitation, dans quelque genre que ce soit, que j’ai cru me faire un mérite de donner des préceptes pour l’aquerir, quand on a d’ailleurs les dispositions de la Nature nécessaires pour y parvenir. Si je reussis dans mon dessein, je croirai avoir fait un grand ouvrage ; parcequ’il n’y a personne qui ne soit exposé à réciter en public ; & il y a des gens que leurs emplois y obligent indis

[xii]

pensablement, & qui seron[t]

peut-être bien aises de lire en leur particulier les avis que je prens la liberté de leur donner publiquement, pour leur procurer un avantage, qui a presque toujours d’heureuses suites. Je ne prétens donc point avoir traité d’une matiere frivole ; au contraire je la crois grave ; & l’on en conviendra avec moi, si l’on veut bien se donner la peine de l’examiner sérieusement. Je ne parle ainsi que pour répondre à l’avance à de certaines gens qui s’imaginent qu’il est de leur honneur de négliger les premieres connoissance, & de se donner de la supériorité sur les Auteurs qui s’y atachent. Ces petits fanfarons littéraires, dont la chancelante réputation n’est

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soutenue que par le talent qu’ils ont de s’enrichir des dépouilles des Auteurs qui les ont précédés, & de faire valoir pour quinze jours de bel esprit qu’ils ont eu soin de ramasser, décident sur un ouvrage avec tant d’effronterie, que leur jugement fait quelquefois effet parmi le commun des Lecteurs, qui se laissent conduire par ces pestes de la littérature ; lesquels sont d’assez mauvaise foi, pour puiser dans un ouvrage qu’ils blâment les connoissance qui leur manquent. Je prie donc mon Lecteur de ne se point laisser séduire par ces ennemis du bons sens, avant que d’avoir reflechi sur mon travail, que j’ai fait avec toute l’atention dont je suis capable. Je ne prétens pas neanmoins avoir épuisé la

[xiv]

matiere ; mais je n’en sais pas davantage, à moins qu’on ne m’aide à l’aprofondir. J’ouvre le chemin pour la perfectionner ; c’est encore beaucoup pour moi ; car il n’est pas aisé de statuer sur une chose que l’on a cru jusqu’à present ne dépendre que du goût.

De tous les tems l’usage noble & agréable de la parole dans le Recitatif a fait honneur à celui qui l’a possedé ; les personnes les plus élevées veulent bien même le cultiver ; mais l’on n’a point encore recherché les moyens de l’établir sur des rincipes ; on s’en est tenu au goût courant, qui tantôt a été bon, tantôt mauvais : Le seul plaisir de détruire cette incertitude ma déterminé à travailler ; & mon ambition seroit as

[xv]

sez remplie, si quelques connoisseurs se rangeoient de mon côté ; & vouloient bien répandre que cet ouvrage, quoique peut-être imparfait, m’a cependant coûté beaucoup. Il n’est pas jusques au titre qui ne m’ait embarassé : l’idée vulgaire que l’on a de la signification du terme Recitatif, ne s’étend point au de là du Chant. En voila assez pour élever des Critiques contre moi : on est alerte pour me trouver en défaut dans l’expression ; & l’on m’a reproché que j’aie dit dans un autre ouvrage, que pourvu que je me fisse bien entendre, je m’embarassois peu qu’on me reprochât la singularité. C’est cette singularité, a-t-on dit, qui jette de l’obscurité, & de la confusion dans le stile. Il me semble que

[xvi]

l’on pouvoit me reprendre avec plus de justesse, & que l’on ne peut inférer de ma proposition, que j’aie dessein d’être obscur, & confus ; au contraire, & je l’ai déjà dit ailleurs, je ne hazarde une expression que pour donner plus de feu, plus de concision, plus de netteté à ce que j’exprime, & pour m’acommoder aux gens du monde, qui ont un langage quelque fois bien différent de celui des personnes qui me reprennent. C’est pour leur épargner de la peine que je me justifie sur mon titre. Je leur avoue que j’ai été partagé entre Recit, Recitatif, & Recitation. Mais le premier n’étant que la Narration d’une avanture, ou d’une action qui s’est passée ; & la Recitation n’étant que la maniere

[xvii]

de reciter de l’Orateur, détachée du geste, j’ai cru que je devois m’en tenir à celui de ces trois termes dont la signification est la plus juste & la plus étendue ; Et afin d’ôter toute équivoque, j’ai ajouté des termes pour faire entendre au Public que je traitois de l’action du Lecteur, de l’Orateur, de celui qui déclame, & de celui qui chante.

On trouvera peut-être encore mauvais que j’aie donné quelques regles qui dérogent à l’usage. Pourquoi, dira-t-on, avancez-vous, par exemple, que les e sont ouverts devant les finales muettes ; college, manege, privilege, siege, détruisent votre principe. Mon Lecteur en fera s’il veut une exception ; mais mon sentiment est que,

[xviii]

bien que ces silabes aient presque le son de l’é fermé ; cependant j’y sens de la différence assez pour ne les point excepter de ma regle, Ce sont-là de petites altérations, que de bons Orateurs de Province, qui viennent briller à Paris, introduisent dans notre Langue, & contre lesquelles on devroit toujours être en garde. Mais sans songer que ce célebre Prédicateur est Provençal, que cet habile Avocat est Normand, on se fait un honneur, ou une habitude d’imiter leur langage. C’est par le peu de précaution que l’on a contre leur défaut de prononciation que l’on commence, même sur le Theâtre, à prononcer Roïaume, envoïer, & autres termes semblables, pour Royaume, envoyer, &c,

[xix]

Et quelque soin qu’un célebre Académicien ait pris de nous démontrer l’usage que l’on doit faire de l’y grec, & la conséquence dont il est de ne le point employer mal à propos, on ne veut pas s’assujettir à la raison, & l’on ne veut dans ces ocasions recevoir pour guide que sa phantaisie. Parce qu’un Provincial aportera quelque défaut dans notre prononciation, faudra-t-il à cause de cela faire une exception, une regle ? Je croirois au contraire que les personnes qui se font un plaisir & une ocupation de cultiver la Langue, devroient détruire toutes ces innovations vicieuses.

Comme je préviens dans le corps de mon ouvrage, quelques objections que l’on peut me faire, j’ai la satisfaction de

[xx]

n’être point obligé de faire une plus longue Préface.

[xxi]

TABLE DES CHAPITRES.

Des Accens   Chap. I.          4.

De la Quantité.        Chap. II.         25.

De la Ponctuation  Chap. III.       44.

De la Lecture, ou Recit simple.   Chap. IV.       73.

De la Prononciation du Discours oratoire.      Chap. V.         101.

De l’Action de l’Avocat.    Chap. VI.       110.

De la Declamation. Chap. VII.      119.

Du Chant.      Chap. VII.      199.

1707-Traité du récitatif (Grimarest) (1-50)

[1]

TRAITÉ DU RECITATIF

Dans la lecture,

Dans l’Action publique,

Dans la Déclamation,

Et dans le Chant.

LE Recitatif est l’Art de lire, de prononcer, de déclamer, ou de chanter un Discours, suivant les regles de la Prononciation, & de la Ponctuation.

[2]

Il n’y a point de Nation qui recite avec plus de grace, avec plus de délicatesse, que nous le fesons aujourdhui ; mais il est tems de fixer le goût, & l’usage, s’il est possible, & de commencer à donner des regles pour les conserver. Je conviens que cela n’est pas aisé : il faut une expérience consommée, & beaucoup de reflexions, pour être toujours en état de donner à sa parole des tons, & des mesures qui conviennent à l’expression. J’avoue encore que la Nature fait les premiers frais dans cette partie de la Rhetorique ; nous aportons avec nous une voix sonore & flexible, & la facilité du geste, nécessaires l’un & l’autre pour satisfaire l’esprit, & pour toucher le cœur de

[3]

ceux qui nous écoutent. Il y a cependant des regles pour conduire la voix & le geste ; il est important de les savoir, si l’on veut se faire un mérite de la parole. Je vais essayer d’enseigner cet agrément, qui pourroit se perdre, si on ne soutenoit par des principes, le goût & l’usage dans les bornes de la justesse.

Pour faire une lecture avec intelligence : pour prononcer un discours oratoire avec grace ; pour donner de l’action à un ouvrage ; & pour exprimer le chant avec justesse, il est nécessaire absolument de connoître l’effet des Accens, de la Quantité, & de la Ponctuation dans la prononciation, & dans l’arrangement de nos termes, & de nos expressions. Ainsi je me trouve obli

[4]

gé de préparer mon Lecteur sur cestrois parties, avant que d’entrer dans la matiere, qui fait l’objet de mon travail.

CHAPITRE I.

des Accens.

J’entens ici par, Accent, une marque dont on se sert dans l’Ecriture, & dans l’Impression, pour faire prononcer une silabe d’un ton plus aigu ou plus grave ; dans un tems plus long, ou plus bref, que si cette marque n’y étoit pas.

Comme je ne traite de l’Accent que par raport au besoin que l’on en a pour prononcer, je suis dispensé de parler de son origine, & de l’usage qu’en font les autres Nations.

[5]

Je ne discuterai point aussi, si nous avons raison, ou non, de nous en servir ; il suffit que nous l’aïons admis. Je dois seulement faire connaître son effet dans la Prononciation, & l’emploi que nous en devons faire. C’est en quoi les personnes, mêmes les plus éclairées, ont acoutumé de se tromper ; ou du moins c’est ce quon neglige communément ; sur tout dans l’impression, où cet abus tire à conséquence : Car je conviens que dans le commerce ordinaire de l’écriture, il y auroit une espece de pédantisme, pour un homme du monde, d’observer trop rigoureusement l’emploi des Accens. Il faut passer cette negligence à une Dame ; à un Courtisan ; ils n’ont pas besoin de cette fati

[6]

gante atention. Mais ces Accens mal emploués font dans l’impression des effets di différens, qu’il n’est pas pardonnable à un Auteur de les confondre, ou de les omettre ; puisqu’ils sont absolument nécessaires au recit, comme on le verra par la suite.

Nous avons trois Accens, l’aigu, le grave, & le circonflexe.

L’accent aigu, qui se fait ainsi, ’, est celui qui marque le l’e sur lequel il est employé doit être prononcé d’un ton élevé, & avec un son aigu, comme dans la derniere silabe de bonté. Et l’é ainsi accentué s’appelle e fermé, ou latin.

L’Accent grave, dont voici la figure, ‘, avertit que l’e, sur lequel on l’emploie, doit se

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prononcer d’un ton plus bas & plus sourd, comme à la derniere silabe de succès, ou l’e, doit être prononcé de la même maniere que s’il y avoit un a, & un i, à sa place. On se sert encore de cet accent pour distinguer la particule à, de a troisiéme personne du singulier du present de l’indicatif du verbe, avoir ; , adverbe, d’avec la, article : mais il ne cause aucune différence dans la prononciation de ces monosilabes. L’e sur lequel on met cet accent, se nomme e ouvert. Neanmoins il y en a qui sans cet accent se prononcent de même, comme je le ferai remarquer.

L’Accent circonflexe, qui se fait ainsi, ^, a trois propriétez ;

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l’une de rendre longue la silabe, sur laquelle il est employé ; comme dans la premiere de, ôter : l’autre de n’y être mis qi’à la place d’une lettre muette qui fesoit le même effet, & la troisieme d’ouvrir l’e sur lequel il est placé, comme dans honnêtement.

On peut ajoûter à ces accens ; la cédille, & le point double, sur une voyelle, puisqu’ils causent de l’altération au son de la silabe, où on les emploie.

Comme deux voyelles jointes ensemble font en françois un son aussi simple, & aussi parfait, que celui d’une des cinq voyelles ordinaires prononcée seule ; c’a été une nécessité, lorsqu’on a été obligé de faire sonner ces deux voyelles séparément, de convenir d’une

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marque, pour la faire connoître ; ce sont deux points, que l’on met sur la derniere, comme on le voit dans les mots suivans ; haïr, Saül, réüssir, boëte. Mais les Imprimeurs (car je ne veux point accuser les Auteurs de l’ignorance que je vais reprocher à ceux-là) ne sachant point l’effet que doivent produire ces deux points, les emploient presque toujours mal à propos, sur tout après ces deux especes de voyelles, eu, & ou ; car ils écrivent, feuïlle, & rouïlle, au lieu de feuille & rouille ; ce qui feroit faire véritablement une faute de prononciation à un étranger, ou à un autre Lecteur, prévenu de l’effet de ces deux points, en prononçant, feu-ille rou-ille. Car l’usage aïant établi deux u dans notre langue, l’un

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voyelle, u, l’autre consone, v ; & le propre des deux points sur la derniere voyelle, étant de la détacher de celle qui la précede, pour les faire sonner toutes deux, il s’ensuivra que l’orthographe ou la prononciation de ces termessera vicieuse. Cette faute des Imprimeurs vient, de ce qu’ils ne distinguent pas le son parfait d’une voyelle françoise, d’avec celui d’une autre voyelle ; & ils se sont imaginés que c’étoit une regle générale de mettre deux points sur la derniere des deux voyelles qui sont jointes ensemble.

La Cédille est une petit , renversé, ou une virgule que l’on pet sous le ç, pour lui donner devant l’a, l’o & l’u, le son de l’s forte, comme dans ces mots, deça, déçu, leçon. Un célebre

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Académicien n’admet point ce ç adouci ; il substitue deux ss, à sa place : ainsi il écrit dessa, dessu, & lesson. Mais il y a un inconvénient pour la prononciation ; non seulement parce que la premiere silabe change de quantité ; mais encore parceque la prononciation en est différente : car, par exemple, dans le pluriel de leçons, où la premiere silabe est breve, l’e muet, si on substitue deux ss au lieu du ç, avec la cédille, l’e deviendra long & ouvert, parcequ’il sera devant deux consones, & on prononcera lessons, come cessons, ou paissons, & l’e fermé de déçu, se changera en e ouvert. C’est là, ce me semble, ne pas faire atention à la délicatesse de la prononciation, que d’admettre ces sortes de changemens, que

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le raisonnement détruit. Ainsi je trouve que l’usage de la cédille est nécessaire pour prononcer.

Si l’on ne fesoit point un abus grossier des accens, j’aurois suffisamment expliqué leur usage par raport à la prononciation ; mais on en fait un emploi si bisarre, que je suis obligé de prévenir sur cela le Lecteur, afin qu’il ne s’y trompe pas.

Tous les noms substantifs qui se terminent en é fermé, doivent y avoir un accent aigu, comme dans charite, bonté. Si l’on marque leur pluriel par une s, on doit y employer ce même accent ; parce que le propre de l’s finale étant d’être muette, on prononceroit bontes, s’il n’y avoit point d’accent, comme l’on prononceroitcontes. Il en est de même des adjectifs, &

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des participes terminés en é fermé, & de leurs pluriels ; ainsi que des secondes personnes du pluriel, comme éveillé, éveillés, aimé, aimés, vous aimés, vous aimerés. Mais il est à remarque que si l’on met à ces pluriels un z, au lieu de l’s finale, on ne doit pas y employer d’accent, parceque le propre du z final est de fermer l’é qui le précede. Il en est de même de l’r muette, aux noms & aux verbes terminés en, er, maier, oublier, metier, articulier ; car la prononciation des Parisiens est tres-défectueuse, d’ouvrir l’e de ces infinitifs, comme on le fait aux adjectifs ; & aux monosilabes terminés par la même lettre, comme amer, léger, fer, mer ; car dès que l’on fait sonner l’r finale, l’e qui est devant doit être ouvert.

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Toute silabe qui a un e fermé, comme dans bonté, doit donc absolument avoir un accent aigu ; ainsi je suis de sentiment qu’il faut accentuer toutes les silables suivantes, été, dégénéré, & semblables. Cette exactitude éclaircit le Lecteur sur sa prononciation, qui est incertaine en bien des ocasions, quand on n’est pas déterminé par l’accent ; bien des gens, comme en Dauphiné, prononçant decision avec un e muet pour décision ; & d’autres, comme les Gascons, donnant à tous les e muets la prononciation de l’é fermé.

On dira sans doute que je veux acabler notre Langue par une multitude fort incommode d’accens. Il ne falloit point les admettre, si l’on ne vou

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loit pas s’en servir ; ou à l’exemple des Latins, ne donner qu’une prononciation à notre e. Mais il y a bien des ocasions où il ne faut point d’accens ; la prononciation y est déterminée par les lettres, ou par les silables qui suivent, ou qui précedent, comme on le verra plus particulierement, quand j’aurai parlé de l’emploi qu’on doit faire de l’accent granve.

Tous les substantifs, & les prépositions, ou adverbes terminées en es, on besoin d’un accent grave, pour déterminer leur prononciation, comme succès, après ; autrement l’on prononceroit succes, comme la seconde personne du singulier je succe ; & apres, comme le pluriel de l’adjectif, apres. Il me paroît que c’est là tout l’usage

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que l’on doit faire de l’accent grave ; puisqu’en fesant les remarques suivantes on peut s’exemter de s’en servir.

Premierement tous les monosilabes en es ont l’e ouvert ; ainsi ils n’ont pas besoin d’accent, excepté dès ; adverbe de tems ; mais c’est seulement pour le distinguer de l’article & non pour le faire prononcer. On doit excepter de cette regle deux monosilables qui ont l’é fermé, si on veut les écrire par une s. ce sont, nés, nasus &, chés, apud : mais comme leur véritable orthographe est de les écrire par un z, la regle que je viens d’établir est générale. Ainsi l’on écrit mes, tes, ses, les, des, sans accent. Je ne trouve rien de plus éloigné de l’usage & de la raison, que le senti

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ment de l’Auteur de l’Art de prononcer, qui veut que ces monosilables se prononcent en é fermé : Je ne veux pas pour prouver le contraire, que prier le Lecteur d’en chanter quelqu’un avec cadence, ou avec tenue, le prononcera-t-il comme la derniere silable de bontés ?

Secondement toutes consones que l’on fait sonner à la fin d’un mot, comme le c, l’f, & le t, ouvrent l’e qui les précede, c’est pourquoi on ne donne point d’accent grave à tous les noms de cette terminaison, comme avec, bec, chef, bref, sujet, valet, net. Il en est de même de l’r à la fin des substantifs, & des adjectifs, comme Jupiter, mer, amer, léger. Que l’on ne me dist point que quelques personnes prononcent

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léger, comme si le dernier é étoit fermé ; que quelques Poëtes feroient rimer à protéger ; & que l’on prononce aussi clef en e fermé. Je répons en premier lieu que la prononciation, & la rime de léger en & fermé sont fausses l’une & l’autre ; & en second lieu que l’on ne fait point sonner l’f de clef, & qu’ainsi il ne le faut regarder que comme un mot que l’on écrit sans f : & ainsi de tous les autres noms dont la consone finale est muette. Il est à remarquer que les mots dont on fait sonner l’r finale conservent l’e ouvert dans leurs composés, comme on le remarque dans légereté, légerement de léger.

En troisieme lieu, c’est le propre de la silabe muette, ou féminine, qui termine un mot,

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d’ouvrir l’e de la silable qui la précede, fortement quand il y a deux consonnes entre les deux e, comme dans tonnerre ; foiblement lorsqu’il n’y en a qu’une, comme dans, pere ; ainsi il ne faut point d’accent grave sur les pénultiemes des mots féminins. Cette regle est si certains que la pénultieme, par exemple, du participe dégénéré ; qui se prononce en é fermé, change de prononciation dans la troisieme personne du present de l’indicatif & du conjonctif dégénére, dégenerent, où l’e devient ouvert. C’est pourquoi ce seroit plûtôt mon sentiment que l’on receût ce principe, que de suivre la regle qu’un illustre Academicien veut établir, qui est d’ôter une des consones semblables, & d’ac

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centuer tous les e ouverts. Car outre que c’est donne une desagréable atention à ceux qui écrivent, ou qui impriment, c’est que cette innovation altere la quantité des silabes, comme je le ferai remarquer dans la suite. Je ne doute pas que bien des gens, qui pincent leur prononciation, s’il m’est permis de parler ainsi, ne s’élèvent contre moi, à l’occasion de cette regle : Ils diront que la plus part de ces pénultiemes silabes sont en é fermé ; mais ils n’y ont pas bien fait atention ; & je les prie, pour se desabuser, de consulter le chant, ils verront que je n’ai pas tort.

Enfin je puis encore épargner les accens graves dans les autres silabes qui ont l’e ouvert, en fesant observer, que c’est

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un principe certain, qu’il est toujours de cette nature devant deux consones, plus fort, lorsqu’elles sont semblables, comme dans errer, absse, & quand elles terminent le mot, comme dans ouvert ; plus foible lorsqu’elles sont dissemblables, & qu’elles ne terminent pas le mot, comme dans exprimer. On doit cependant excepter de cette regle les termes, qui commencent par des prépositions inséparables, comme, décliner, mépriser, réprimander, dont l’é est fermé.

Toutes les silabes dont on a ôté une lettre muette, qui rendoit la silabe longue, doivent avec un accent circonflexe, comme dans les mots ôter, fête, qu’il formât, vous aimâtes, vous dîtes, au parfait simple,

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vous êtes, vous fûtes. Mais cest un abus que d’employer cet accent sur une silabe, qui n’est point longue, quoique l’on en ait ôté une lettre muette, comme dans vu, pu, participes des verbes voir & pouvoir, parce que cet accent alors ne contribue en rien à leur prononciation. Ce qui me donne ocasion de faire remarquer que quand, votre, est pronom possessif adjectif, il ne doit point avoir d’accent circonflexe sur la premiere silabe ; parce qu’elle ne reste pas longue, j’ai vu votre frere ; mais qu’il faut lui en donner un, quand il est pronom possessif absolu, comme quand on dit, j’ai perdu mon livre, mais j’ai retrouvé le vôtre ; parce qu’alors la silabe demeure longue.

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C’est encore une propriété de l’accent circonflexe de rendre ouvert l’e sur lequel il est employé, comme dans les mots suivans, honnêtement, fêter.

Ceux qui suivent le sentiment de l’Auteur du Traité de la Grammaire, sur ce qui regarde l’Orthographe, pourront trouver à redire que j’étende si fort le pouvoir & l’usage des accens : Et ceux qui sur le même sujet sont de l’oinion du célebre Académicien, dont j’ai parlé, trouveront peut-être mauvais que je n’emploie pas les accens aussi souvent qu’il le juge à propos. Mais quand ils devroient me censurer, j’ai cru que je devois éviter les deux excès, où ils semblent être tombés. Le premier soutient son orthographe par l’u

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sage ; & c’est ce même usage qui a banni l’ancienneté dont il prend le parti : Et l’autre s’est ataché à la prononciation ; mais il me paroît qu’il ne l’a point assez examinée, puisque son orthographe nous fait mal prononcer en bien des ocasions. Ainsi j’ai cru que je devois prendre le milieu entre ces deux grans hommes, pour acorder mieux, qu’ils ne l’ont fait, l’usage avec la prononciation. Je conviens que mon autorité n’est pas d’un aussi grand poids que la leur ; mais je suis si souvent dans les détails de la langue, qu’ils peuvent moins m’échapper qu’à ces Messieurs, qui n’en sont ocupés que par les endroits les plus élevés : Et je suis persuadé que si j’ai heureusement rencontré, ils m’en

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sauront gré les premiers.

Après avoir fait connoître succinctement l’effet des Accens dans notre prononciation, l’ordre que je me suis prescrit, demande, que je prévienne aussi le Lecteur sur la Quantité que nous observons dans nos sillabes.

CHAPITRE II

de la Quantité.

LA Quantité des silabes, est la mesure du tems que l’on emploie à les prononcer.

Cette mesure est à la vérité arbitraire, par raport à la lenteur, ou à la briéveté de la prononciation despersonnes qui parlent ; les uns le fesant avec

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beaucoup plus de facilité & de promptitude que les autres. Mais cette quantité doit être fixe & déterminée, suivant le raport que les silabes doivent avoir entre elles. Ainsi quoique leGascon ait la prononciation plus vive que le Normand, neanmoins, toutes choses égales, ils doivent observer les mêmes regles de quantité : Je vais tâcher de les établir, pour empêcher, ou de traîner sa parole, ou de bredouiller, pour me servir du terme qui est propre à ce défaut.

Je remarque que nous avons quatre intervales différens pour prononcer nos silabes.

Dans le plus court nous pronférons les silabes breves, & dans le plus long nous prononçons les longues ; mais l’inter

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vale entre les unes & les autres est encore paragé en deux, l’un qui approche plus des longues, & l’autre des breves.

Ce n’est pas une chose aisée que de ranger nos silabes sous ces quatre intervales ; non seulement parcequ’ils sont un peu arbitraires ; mais encore parce que sur ces sortes de matieres personne ne veut jamais convenir. Qu’après bien des reflexions & du travail on trouve un principe, qu’on le propose, un homme dont la folie sera de croire être homme de lettres, & entendu en toutes choses, de sa pleine autorité condamnera ce principe, le tournera en ridicule : Le nombre des gens qui ressemblent à cet homme-là, étant le plus nombreux, il a les rieurs

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de son côté ; & l’on ne remporte de son travail que le chagrin d’avoir découvert l’ignorance de gens, que le plussouvent on estmoit auparavant. Parce que l’on croit apprendre suffisamment la quantité sans la connoître, on trouvera peut-être extraordinaire que je veuille lui donner des regles. Je veux hazarder ce ridicule, parcequ’il est absolument nécessaire de savoir ces principes pour parvenir à la connoissance, qui fait le sujet de mon ouvrage. Et si je suis l’objet de leur raillerie, je leur déclare à mon tour qu’ils le sont de la mienne, quand ils s’exposent imprudemment à lire, ou à parler en public : c’est pour les conduire en cela que je me suis déterminé à travailler ; si

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je n’y ai pas réussi, qu’ils me reprennent par de solides raisonnemens, je passerai condamnation de leur censure ; mais si à leur ordinaire ils s’écrient insensément sur mon ouvrage, je leur déclare encore que je les méprise par avance. Je prie le Lecteur de me pardonner cette petite digression ; j’ai cru qu’elle étoit nécessaire pour prévenir la mauvaise volonté de certaines gens, toujours préparés à prendre un Auteur de son mauvais côté : & quand ils ne peuvent mordre sur son travail, ils veulent pénetrer jusques dans ses intentions, & lui en donner de mauvaises s’ils peuvent. Cela m’est déjà arrivé plus d’une fois ; ainsi je puis m’en plaindre.

Je reprens mon sujet ; & je dis que nos silabes les plus bre

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ves sont formées par nos e muets, ou féminins ; & même celles qui terminent les mots ne se font presque pas entendre, quoique l’on ne doive jamais ometre de les prononcer, comme les deux premiéres de recevoir ; la premiere & la derniere de fenêtre ; la seconde de porte, aiment ; & les monosilables me, te se, le, de, ne ,que, ce.

On emploie un peu plus de tems à prononcer les silabes formées par une consone seule & par une voyelle ; par un a, comme talent ; par un é fermé, comme semé ; par un i, comme, diligent ; par un o, comme monosilabe ; & par un il, comme munir. Si les voyelles forment seules une silabe, elles paroissent avoir la même quantité, comme dans les mots suivans, atendre, ha

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bile, été, oblige, inutile usure. Je mets encore sous cette espece de quantité les dernieres silabes des infinitifs terminés en er, & en ir, comme diligenter, finir.

Il me semble que les silabes qui sont composées de ces voyelles qui sont propres à la Langue Françoise, autres que les cinq voyelles communes à toutes les Langues, sont plus longues que les précédentes : Teles sont i, eu, au, oi, an, en, am, em, om, on, um, un ; on s’en aperçoit dans les mots suivans, Antoins, enchere, auteur, Ambroise, emblême, Oniphale, maison, un. Les dernieres silabes d’un mot, ou les monosilables terminés par une consone que l’on fait sonner, sont encore de cette espece, comme neuf, vif, net, fer, léger,

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esprit : de même que celles qui dans le commencement, ou au milieu d’un mot sont composées de deux consones, qui ensemble servent à former le son, comme la prémiere de prier, breton, normand ; & la seconde de obliger.

Enfin je mets au nombre des plus longuessilabes, celles qui terminées par un z, par un x, ou par une s muette, sont les dernieres des mots qui ont la terminaison masculine. Cette regle n’a point d’exception, de quelque nature que puissent être les termes. En voici des exemples nez, chez, vœux, je veux, montés, aimés adjectif, aimez second personne du pluriel, après, hélas. D’où il resulte que les dernieres silabes des pluriels masculins sont toutes longues.

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Les voyelles françoises, dont je viens de parler, terminées par une lettre muette, ou suivies d’une silabe féminine, formée par deux consones, sont de même quantité. On reconnaît la vérité de cette observation en prononçant les termes suivants, blanc, marchand, second, song, long, contraint, feint, contraindre, feindre, comprendre, malingre, contente, marquer, entrer, haute, autre, neuve, outre. On pourroit excepter de cette regle les nomss les adverbes en ent, qui se prononcent avec plus de brieveté, & qui à cause de cela doivent être compris sous l’espece de quantité précédente. Mais il y a une bonne raison pour le faire à l’égar des noms, c’est pour distinguer leur pluriel d’avec leur singu

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lier dans la prononciation, comme on peut le remarquer dans Président, Présidens ; mais à l’exception de faineant, de geant, d’enfant, & d’elephant, tous les noms de cette terminaison ont la dernier silabe longue.

Deux lettres semblables nécessaires à la prononciation de deux silaves rendent la premiere longue, errer, tonnerre. C’est cette longueur qui m’empêcheroit de suivre l’orthographe de l’Académicien, qui supprimé l’une de ces rr, & qui emploie un accent grave sur la premiere silabe pour lui conserver sa prononciation : mais il n’a pas pris garde que cet accent n’a pas la proprieté de conserver aussi la quantité. Ainsi l’on prononcera guère bellum,

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comme guere, parum ; tère, terra, comme se taire, tacere. Cette altération de quantité me détermine absolument à réfuter cette nouveauté d’orthographe.

Je ne sais si je serai assez heureux pour éclaircir la quantité que deux ss, jointes ensemble, produisent dans les silabes : Elle est si diférente que cela ne me paroît pas aisé : & c’est en cette ocasion que j’a recours à l’usage. Cependant comme je suis de sentiment qu’il ne s’établir jamais que sur quelque fondement, je vais tâcher de le chercher. Ainsi je trouve que toutes les pénultiemes des imparfaits du conjonctif sont lingues, que j’aimasse, que je prisse, que tu fisses, que je deusse, que tu fusses : que les voyelles ai, & oi, & la diph

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tongue ui, devant deux ss, sont longues, maisse, croisse, puisse : que les derivés d’un nom qui a une smuette à la fin, ont la pénultieme longue, ainsi que leurs composés, comme tasser, de ras ; amasser, de amas ; passer, de pas : qu’un mot qui a la même orthographe, & qui signifie deux choses diférentes, à cette silabe longue en une signification, & moins longue en l’autre, comme chasse, pour mettre des reliques, & chasse, divertissement ; grosse pour grosse femme, grosse, pour femme grosse : C’est le seul usage, qui nous aprend cette distinction. Tous les autres termes, excepté classe, abesse, confesser, & cesser, ont cette pénultieme sous l’espece de quantité précédente, parque les deux ss ne font

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en cette ocasion que l’effet de la prononciatin d’une seule lettre, n’étant alors employées doubles, que pour empêcher, que l’s seule, que l’on y mettroit, ne fît prononcer, comme s’il n’y avoit qu’un z. le propre de l’s entre deux voyelles, étant de n’avoir plus de force, que cette lettre.

La silabe féminine formée par une z, ou par une s & qui permine un mot, rend longue la voyelle qui la précede ; comme on le voit dans ces termes, fraize, extaze, peze, embrase, aise, frise, ose, use.

Dans tout terme l’s seule, ou le z, en quelque silabe qu’on les emploie, rendent encore longue la voyelle qui les précede, comme dans saison, marquizat, amuser.

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Enfin toute silabe qui a un accent circonflexe est longue, hâter, fêter, fîtes, ôte, fûtes, faîte, plaît, connoît.

On peut inférer de ce que je viens de dire de la quantité, que notre langue aïant autant de silabes longues qu’elle en a, elle doit être prononcée gravement ; & que le mêlange des longues & des breves, avec son arangement, lui donne de la grace dans la bouche d ceux qui parlent bien.

Om me dira peut-être qu’il étoit fort inutile de donner ces observations sur la quantité ; que personne ne les ignore. Je répons à cet esprit suffisant, qu’à l’entendre lire un ouvrage, il n’observera peut-être pas une de ces regles : on lui passe es negligences dans le discours

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ordinaire de la conversation ; mais dans la lecture on ne lui pardonne rien. Je dis pus, le mauvais langage des Provinces ne vient que de ce que l’on y a peu de soin, d’observer les regles de la quantité ; & que l’on y prononce la silabe d’un mot, d’un ton plus haut ou plus bas que les autres. Car toute silabe devant être prononcée dans sa juste mesure ; & toutes celels qui composent un mot devant être proferees sur le même ton, comme je le ferai voir, dès qu’on s’écarte de ces deux préceptes, on forme un mauvaise prononciation, sans s’en apercevoir. A en croire un homme d’Angers ; ou de Blois, il s’imagine avoir la plus belle prononciation ; c’est même une erreur popu

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laire qui s’est répandue jusques dans les payes étrangers : les parens ordonnent à leurs enfans, qu’ils envoient voyager en France, de séjourner à Blois, ou à Angers, comme au centre du bon accent, & du beau langage. Les habitans flatés par cette prévention croient que cela est vrai ; mais les uns é les autres se trompent lourdement. Nous sentons aisément le défaut de ces Provinces, parce que conduits par la Cour, qui ne s’éloignant plus de nous, nous soutient dans la meilleure prononciation ; l’accent étranger nous frape tout d’un coup. Je ne dis pas que les Parisiens n’aient une grand disposition à altérer la prononciation, je l’ai déjà fait remarquer : mais trop de personnes de

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Cour, & de littérature cultivent la langue à Paris, pour qu’on ait lieu de craindre du changement dans le bel usage de la parole. Il est vrai que dans le tems que la Cour fesoit des oyages à Chambor, pendant que Gaston de France, Monsieur, fesoit de longs sejours à Blois, le langage du pays pouvoit être meilleur. Mais les habitans ont eu le tems de le corrompre ; & ils le font encore tous les jours : tout ce que je puis leur acorder, c’est qu’il n’est pas encore aussi mauvais que le Picard & le Normand. L’Etranger, en arrivant dans le Royaume, n’est point en état de connoître le bon ou le mauvais usage) de la prononciation : & apres avoir passé quelque tems

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dans une méchante habitude, il n’est plus suceptible de changement, la prévention l’entretient das son langage de Province, qui tranche fort avec celui d’un homme[1] de qualité.

Je soutens donc qu’une personne, qui veut se donner l’agrément de la prononciation, doit dans sa manire de parler, lente ou précipitée, selon son tempérament, se fixer une juste mesure pour proférer les silabes, suivant les regles établies par le bon usage ; observant neanmoins que la prononciation posée est plus noble, plus propre à la langue françoise, que cele qui est précipitée. Ce n’est pas pour cela que j’approuve cette lenteur affectée de quelques Courtisans, qui[2] pour vouloir donner au

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tant de hauteur à leur ton, qu’à leur manieres, croient pouvoir exprimer la supériorité de leur naissance par la longueur de leurs paroles, qu’ils traînent à un tel excès, qu’ils ennuient, & bien souvent révoltent ceux qui les écoutent.

Si je n’ai pas entierement reglé les pauses des silabes, je crois du moins en avoir beaucoup approché, quand on voudra y faire un peu d’atention ; & je prie le Lecteur de ne point condamner mon ouvrage, qu’après m’avoir donné cette satisfaction, car je suis jaloux de mériter son estime. Je viens de donner ce que j’ai exactement observé sur la quantité ; je passe avec le même esprit à la Ponctuation.

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CHAPITRE III.

De la Ponctuation.

J’Entreprens de traiter ici d’une matiere qui n’interesse guere les gens peu versés dans les lettres. Ignorant l’usage dont elle est dans la composition, dans la déclamation, & dans la lecture, ils s’embarassent fort peu de la suivre, & de l’observer. Ils la regardent comme le partage des Sçavans ; c'est-à-dire, comme un objet inutile, & méprisable. Cependant j’ose avancer que cette petite science est importante. De là quelquefois dépend la clarté d’un acte ; l’éclaircissement des faits ; l’expli

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cation des sciences, & des arts. Et l’on sait que le defaut de ponctuation a souvent causé des équivoques, qui ont eu de tres-mauvaises suites. Il y a plus de difficulté que l’on ne pense à bien ponctuer ; & quoique cette connoissance ai paru jusqu’à present arbitraire, à examiner la différente ponctuation des Auteurs, je voudrois pourtant bien faire entendre qu’elle de devroit pas l’être : Et si je puis y parvenir, ce sera une nouveauté dont jespere que le Public connoisseur me tiendra compte. Il n’est pas aisé sur cette matiere d’entrer dans le sentiment général ; les personnes qui ne composent point, & qui n’écrivent que le courant de leur commerce, ne se mettront peut-être pas en peine d’a

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profondir mes raisons. Les gens de Palais, ou d’affaires qui ne connoissent que la virgule pour séparer leurs expressions dans leurs écritures, negligeront seurement mon travail : ainsi il semble qu’il ne soit destiné que pour les personnes de litérature. C’est cependant à tout le monde que je vais donner des regles ; puisque tout le monde peut lire, ou prononcer un discours : Et si les pauses n’y sont exactement observées, suivant la liaison que les expressions doivent avoir entre elles ; on ne se rendra point intelligible à l’Auditeur. La Ponctuation est le fondement de cette clarté : on ne doit donc pas en ignorer les principes.

La Ponctuation est l’art de marquer, par de petits caracteres, les endroits d’un dis

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cours où l’on doit faire des pauses, & le sens que l’on doit donner à l’expression.

Il y a quatre sortes de ces caracteres, le Point (.) les deux Points (:) le Point avec la Virgule (;) & la Virgule (,).

Nous n’avons que quatre sorte de Points dans notre Ponctuation ; le Point fermé (.) le Point d’admiration (!) le Point interrogant (?) & le Point interronpu (….) les deux Points ; le Point avec la Virgule ; & la Virgule ne se divisent pas.

Il seroit à souhaiter que l’on eût admis dans notre Langue des Points de commandement ; d’ironie, de mépris ; d’emportement ; d’amour, & de haine ; de joie, & de dou

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leur : la lecture en seroit beaucoup plus aisée, & l’on donneroit à sa prononciation le sens qu’un[3] Auteur auroit mis dans son ouvrage : Au lieu qu’incertain de ce qui va suivre, un Lecteur manque souvent le ton nécessaire à l’expression. Je ne suis pas d’un assez grand poids pour innover dans cette rencontre ; je ne remporterois de mon atention que le ridicule, que ceux qui hazardent des nouveautez ; ne sauroient se sauver, quelques utiles qu’elles soient. Je m’en tiens donc à ce qui est fait : bienheureux encore, si je puis parvenir à faire connoître l’usage que l’on doit faire de la Ponctuation qui est établie.

Le Point fermé est celui qui marque un sens complet, &

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que la période est achevée, sans désigner le mouvement, ny le sens des expression qui la composent, comme on peut le remarquer par l’exemple suivant.

Je me contois trop tôt au rang des malheureux,

Si Titus est jamoux, Titus est amoureux.

Après avoir lu ces deux vers, je n’ai plus rien à souhaiter pour les comprendre ; le sens en est parfait.

Mais ce qu’il y a d’incommode pour un Lecteur, c’est que la stérilité de notre Ponctuation nous oblige de nous servir de ce même Point fermé dans toutes les passions, dans toutes les figures, excepté dans l’admiration, & dans l’interrogation. Et lorsque les premiers termes d’une période ne désignent pas le sens d’un Auteur, celui qui lit, ne pouvant

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à l’abord le développer par la Ponctuation, est toujours incertain, lorsqu’il prononce un ouvrage pour la premiere fois : Ainsi je doute qu’à la premiere lecture, il donnât aux verssuivans le ton, qu’ils doivent avoir ; les deux premiers ne le fesant pas connoître par leurs termes. C’est Cleopatre empoisonnée qui commande à sa Confidente dans Rodogune.

Si tu veux m’obliger par un dernier service,

Après les vains efforts de mes inimitiés,

Sauve-moi de l’affront de tomber à leurs piés.

Un Lecteur epu sensible à l’expression ne s’apercevra pas aussi de l’ironie qui est renfermée dans les vers que Nicomede dit au sujet de son frere.

Puisqu’il peut la servir à me faire descendre,

Il a plus de vertu que n’en eut Alexandre :

 

[1]             Le texte porte unihomme.

[2]             U inversé.

[3] Premier u inversé.

1707-Traité du récitatif (Grimarest) (51-100)

[51]

Et je dois lui ceder, pour le mettre en mon rang,

Le bien de mes Aïeux, & le prix de mon sang.

Et ainsi de tous les autres mouvemens que l’expression doit faire sentir ; & qui échaperont infailliblement au Lecteur, si par une expérience & une habitude assurées il ne s’est aquis l’art de suivre le sens d’un Auteur, sans y être conduit par la Ponctuation.

Le Point d’admiration est celui qui avertit dans la lecture, qu’il faut admirer, s’étonner, ou se plaindre. Ainsi les paroles que Phinée dit à Andromede, après que Persée l’a délivré du monstre, doivent être terminées par ce Point.

On vous donne à Persée ; & vous y consentez !

Et toute votre foi demeure sans defense,

Alors que de mon bien on fait sa récompense !

[52]

Le Point interrogant marque que l’on doit prononcer l’expression d’un ton supérieur ou élevé : Ce qui est si vrai, que c’est une impolitesse d’interroger un grand Seigneur, sans ajoûter un correctif à son expression. Voici un exemple du Point interrogant dans un vers qu’Agamemnon adresse à Achille, qui ne veut point permettre que l’on sacrifie Iphigenie.

Et qui vous a chargé du soin de ma famille ?

Mais comme le Point d’admiration, & le Point interrogant marquent non seulement la pause qu’ils exigent ; mais encore la passion ou la figure exprimée par les termes, il me paroît que la marque de l’admiration, ou de l’interrogation devroit précéder la phra

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se : parce que la période pouvant être longue, & le Lecteur n’étant point averti qu’elle roûle toute sur l’interogation, par exemple, il pourroit changer de ton : ce qui seroit un défaut dans la prononciation, comme on le voit dans les vers suivans.

Quoi ? je verrai, Seigneur, qu’on borne vos Etats ;

Qu’au milieu de ma course on m’arrête le bras ;

Que de vous menacer on a même l’audace,

Et je ne rendrai pas menace pour menace ;

Et je remercîrai qui me dit hautement,

Qu’il ne m’est pas permis de vaincre impunément ?

Ainsi je ne sais s’il ne seroit pas avantageux pour le Lecteur, que la marque de l’admiration, ou de l’interrogation précédât la phrase, plûtôt que de la fermer ; parce qu’il faut une grande habitude dans la lecture, pour

[54]

prendre sans guide le ton qui convient à ces deux figures, en prononçant les termes qui les expriment : Il faut bien souvent le deviner. De là vient que les plus habiles Lecteurs ont bien de la peine, à la premiere lecture, à prendre le sens d’un ouvrage.

Il y a bien des Auteurs qui, comme Mr Racine, n’admettent pas les deux Points ; les uns les confondent avec le Point ; les autres s’en servent indifféremment, au lieu du Point avec la Virgule : mais je trouve que les uns & les autres n’ont point de principe pour établir leur sentiment : Car ceux qui confondent les deux Points avec le Point, ne prennent pas garde que celui-cy termine absolument le sens, & qu’ainsi en s’y arrêtant trop,

[55]

on détache des choses qui ont une liaison, & une conséquence nécessaires. Et je crois que si Mr Racine a employé souvent le Point pour les deux Points, ce n’a été que pour suspendre la déclamation de son Acteur, qui se presse toujours assez. On verra peut-être par la suite, que ceux qui emploient indifféremment le Point avec la Virgule, & les deux Points, n’ont pas plus de raison que les autres.

Les deux Points sont donc une marque, qui avertit le Lecteur que ce qui suit a une liaison nécessaire de sens, ou de conséquence, avec le sentiment, où la proposition que la période exprime ; mais bien que ce qui est détaché par cette ponctuation, pût être suprimé sans altérer le sens de l’Auteur ; nean

[56]

moins il doit être prononcé de maniére, que l’Auditeur connoisse que c’est une dépendance du même sentiment, ou de la même proposition, comme on peut le remarquer dans les vers suivans, où Phedre fait connoître à sa Confidente la douloureuse & triste situation où elle se trouve.

N’allons pas plus avant : Demeurons, chere Oenone :

Je ne me soutiens plus : Ma force m’abandonne :

Mes yeux sont éblouis du jour que je revoi :

Et mes genoux tremblans se dérobetn sous moi :

Helas !

Il n’y a personne qui ne sente que toutes ces expressions apartiennent au même sentiment, qui est envelopé par l’interjection : mais que l’on pourroit en suprimer quelqu’une sans gâter le sens de l’Auteur. Il est vrai qu’ai lieu de ces deux Points

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Mr Racine n’y en a mis qu’un ; mais il me semble que c’est trop détacher la suite du discours ; sur tout lorsque les derniers termes rangent sous le même sentiment toutes les expressions qui ont précédé. En voici un exemple sensible. C’est Eriphile qui parle dans Iphigenie, & qui après avoir découvert tous les mouvemens différens que son amour lui fesoit observer, fait des reflexions sur ce qu’elle a aperceu.

J’ai des yeux : leur bonheur n’est pas encore tranquil[le,][1]

On trompe Iphigenie : On se cache d’Achille :

Agamemnon gemit : Ne desespérons point.

Constamment toutes ces expressions ont une relation absolue avec la derniere ; & les détacher par des points, c’est ôter au Lecteur la connoissance

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du sentiment qu’elles renferment.

Celui qui lit n’a point de difficulté dans ces ocasions, quand la relation de ce qui suit, avec ce qui précede, est marquée par des conjonctions. On le remarque aisément dans les vers suivans, où Agripine dans Britannicus parle de Néron.

Non, non, mon intérêt ne me rend point injuste :

Il commence, il est vrai, par où finit Auguste :

Mais crain, que l’avenir détruisant le passé,

Il ne finisse ainsi qu’Auguste a commencé,

Un Point devant, Mais, arrêteroit trop le Lecteur, qui par la pause que ce Point éxigeroit, détacheroit l’atention de l’Auditeur. C’est même pour cette raison, que celui qui recite avec art, prononce la conjonction avant que de faire sa pau

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se, pourtenir celui qui écoute plus atentif : Ce que je ferai remarquer davantage dans la suite.

Il est vrai que l’on peut mettre un point devant les conjonctions ; mais c’est lorsque le sens qui précede n’a aucune liaison avec ce qui suit. On le voit par ces vers.

Que ne devrai-je point à cette ardeur extréme ?

Mais on vient : C’est la Raine elle-même.

Il n’y a nulle liaison entre le sens du premier vers, & celui du second. Il n’en est pas de même dans les deux suivans, où Agamemnon parle à Achille.

Mon cœur pour la sauver vous ouvroit une voie :

Mais vous ne demandez, vous ne cherchez que Troie.

Il seroit ennuyant d’examiner l’emploi des deux Points devant

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les autres conjonctions ; il n’en résulteroit rien de plus que ce que j’ai dit. Je puis donc conclure que les deux Points sont employés devant une expression, qui bien qu’elle pût être séparée de la phrase principale, y a cependant un raport si conséquent, que si elle étoit employée seule, elle ne pourroit former un sens parfait suivant le même sentiment.

Le Point avec la Virgule, que l’on apelle, comma, est en usage pour faire des pauses entre les expressions qui sont rangées sous le même régime ; quoiqu’elles presentent des idées différentes, mais nécessaires pour exprimer parfaitement le sens d’un Auteur ; de sorte qu’elles ne pourroient en être séparées, sans l’altérer,

[61]

comme on le peut voir par ces vers de Mr des Preaux.

Un jeune homme toujours bouillant dans ses caprices,

Est promt à recevoir l’impression des vices ;

Est vain dans ses discours ; volage en ses desirs ;

Rétif à la censure ; & fou dans les plaisirs.

Ce qui doit faire connoître que le repos du Point avec la Virgule est moindre que celui des deux Points : puisque toutes les idées, dont un Auteur fait un tout, ne doivent point être éloignées ; afin de le presenter ensemble à l’Auditeur, sans lui donner le tems de le perdre. Ainsi comme les conjonctions servent aussi à joindre ces expressions inséparables, il s’ensuit qu’elles peuvent être précédées du Point avec la Virgule ; comme on le remarque dans cet exemple, où

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Phinée répond à son Confident, qui lui a dit que Persée étoit fils de Jupiter.

Je sais que Danaë fut son indigne mere ;

L’or qui plut dans son sein l’y forma d’adultere ;

Mais le pur sang des Rois, n’est pas moins précieux ;

Ny moins chéri du Ciel, que les crimes des Dieux.

Si les deux derniers vers étoient séparés des deux premiers, ny les uns ny les autres ne formeroient point un sens parfait, selon l’intention du Poëte : ainsi il y a entre eux une conséquence nécessaire, qui rend l’expression assujettie à un seu larangement : Ce qui fait que suivant mon principe, on ne peut mettre deux Points aux endroits où j’ai marqué le Point avec la Virgule.

Enfin la Virgule, la plus petite pause que l’on peut faire

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en prononçant un discours, est une marque que l’on emploie à séparer les termes, ou les expressions, qui presentent des idées différentes sous le régime d’un même nom, d’un même verbe, d’une même préposition. En voici un exemple pris dans l’Art Poëtique.

Faites choix d’un Censeur solide, & salutaire,

Que la raison conduise, & le savoir éclaire,

Et dont le crayon seur d’abord aille chercher

L’endroit que l’on sent foible, & qu’on se veut cacher.

On voit que toutes ces expressions ont une seule relation, contenue sous le même régime. On se sert de la Virgule non seulement, pour assembler plusieurs atributs sous un même sujet, plusieurs actions sous un même agent, & plusieurs termes sous une même préposition ; mais encore à détacher du discours

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les propositions incidentes, & les parenthses. Ces deux vers de Cassiope dans Andromede le font voir clairement.

Et pour punir sa mere, ils n’ont, ces cruels Dieux,

Ny monstres dans la mer, ny foudre dans les Cieux,

L’exactitude, & la justesse de la Ponctuation sont si nécessaires dans un ouvrage, que ces beaux vers, que prononce Thésée dans Œdipe, ont presque toujours été mal recités, ou déclamés ; parcequ’ils ont été mal ponctués dès les commencemens : & il a fallu avoir recours à la reflexion pour développer le sens de l’Auteur. Ils me serviront d’un exemple général pour toute la Ponctuation.

Quoi ! la nécessité des vertus, & des vices

D’un Astre impérieux doit suivre les caprices ;

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Et l’homme sur soi même a si peu de crédit,

Qu’il devient scélérat, quand Delphes l’a prédit ?

L’ame est donc toute esclave : une loi souveraine

Vers le bien ou le mal incessamment l’entraîne :

Et nous ne recevons ny crainte, ny desir

De cette liberté qui n’a rien à choisir,

Atachés sans relâche à cet ordre sublime,

Vertueux sans mérite, & vicieux sans crime :

Qu’on massacre les Rois, qu’on brise les Autels,

C’est la faute des Dieux, & non pas des Mortels.

De toute la vertu, sur la terre épandue,

Tout le prix à ces Dieux, toute la gloire est due :

Ils agissent en nous, quand nous pensons agir :

Alors qu’on délibere, on ne fait quobeïr ;

Et notre volonté n’aime, hait, cherche, évite,

Que suivant que d’enhaut leur bras la précipite,

D’un tel aveuglement daignez me dispenser :

Le Ciel, juste à punir, juste a récompenser,

Pour rendre aux actions leur peine & leur salaire,

Doit nous offrir son aide, & puis nous laissez faire.

N’enfonçons toutefois ny votre œil, ny le mien

Dans ce profond abîme, où nous ne voyons rien :

Delphes a pu vous faire une fausse réponse ;

L’argent put inspirer la voix qui les prononce ;

Cet organe des Dieux put se laisser gagner

A ceux que ma naissance éloignoit de regner ;

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Et par tous les climats on n’a que trop d’exemples,

Qu’il est, ainsi qu’ailleurs, des méchans d(an)s les temples.

Quelques fois au lieu de la Virgule, on emploie ces marques ( ) pour fermer une parenthse, sur tout quand elle est un peu longue ; & alors le Lecteur, quand il la prononce, doit mettre sa voix sur un ton plus bas ou plus haut que ce qui précede, ou ce qui suit, selon le sens qu’elle renferme. Il y en a une dans les vers suivans, où Nicolmede parle de son frere Atale, où l’on doit baisser sa voix.

Si j’avois jusqu’ici vécu, comme ce frere,

Avec une vertu qui fût imaginaire ;

(Car je l’apelle ainsi quand elle est sans effets,

Et l’admiration de tant d’hommes parfaits,

Dont il a vu dans Rome éclater le mérite,

N’est pas grande vertu, si l’on ne les imite :

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Si javois donc vécu dans ce même repos

Qu’il a vécu dans Rome auprès de ses Héros,

&c.

Il n’y a pas beaucoup d’éclaircissement à donner sur le Point interrompu : C’est celui qui nous sert à couper le sens d’une expression, par une nouvelle qui a un sens différent, comme on le remarque dans ces vers d’Andromaque, où Hermione parle de Pirrhus à sa Confidente.

            Hé bien, chere Cléone,

Conçois-tu les transports de l’heureuse hermione ?

Sais-tu quel est pirrhus ? T’es-tu fait raconter

Le nombre des exploits… Mais qui les peut compter ?

Intrépide, & par tout suivi de la victoire ;

Charmant, ffidele enfin, rien ne manque à sa gloire,

Songe, …

            Dissimulez : votre Rivale en pleurs

Vient à vos piés, sans doute, aporter ses douleurs ;

Cet exemple fait connoître

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que le discours peut être interrompu par la personne qui parle, ou par celle à qui l’on parle. Au premier as, c’est la reflexion qui fait que l’on s’interrompt ; ainsi ce point demande un petit silence, & un ton de voix différent. Au second cas, c’est une raison subite qui engage celui qui écoute à interrompre celui qui lui parle ; c’est pourquoi il doit lui couper la parole sans pause.

Je ne présume pas avoir heureusement éclairci toutes les difficultez de la Ponctuation ; ny qu’on reçoive généralement les préceptes que j’en ai donnés : Chaque Auteur a sa maniere de ponctuer, & quelque irréguliere qu’elle soit bien souvent, il croit cependant entendre parfaitement la ponctua

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tion. D’ailleurs il en abandonne souvent le soin à des Correcteurs, qui ponctuent presque tous sans reflexion, ou sans connoissance. Neanmoins il est de conséquence de ne point confondre le Point avec les deux Pointes ; ceux-cy avec le Point & la Virgule, joints ensemble ; & de n’employer des Virgules qu’aux endroits qui en éxigent. Cette confusion est préjudiciable à un ouvrage ; & a souvent fait naître des disputes entre les Savans, que des Copistes ignorans ont altérés, avant que l’Impression fût en usage.

Je répete donc à mon Lecteur, que quand il est obligé de lire, ou de reciter un ouvrage, il doit scrupuleusement

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s’assujettir à la Ponctuation ; en établissant pour principes, que le Point marque la plus longue pause : que les deux Points demandent un moindre repos : que le Point avec la Virgule veut plus de silence, que la Virgule, dont la pause est presque imperceptible. Si un Lecteur s’arrête aux endroits où il n’y a aucunes de ces marques, à moins que ce ne soit une transition, il ne se fait point entendre ; & ne peut donner à l’ouvrage d’un Auteur l’esprit, ou l’action qu’il y a voulu mettre.

Il y a des Auteurs qui ne mettent de distinction dans la ponctuation que par raport au plus, ou au moins de liaison, qu’ils veulent donner aux expressions qui composent leurs ouvrages : Et

[71]

par là ils prescrivent au Lecteur la maniere de les faire entendre dans la lecture : Ainsi à la place des deux Points ils substituent souvent le Point avec la Virgule : où au lieu de cette derniere ponctuation ils emploient la Virgule. Mais il faut être très-assuré dans cette petite science, pour placer à propos les pauses du discours ; de maniere que celui qui le prononce puisse lui donner l’esprit, ou l’action que l’Auteur a eu intention de lui donner, par ses expressions.

C’étoit une nécessité, qu’avant que d’entrer dans le sujet qui m’a déterminé à écrire, je préparasse mon Lecteur sur les trois connoissances dont il a indispensablement besoin pour reciter, déclamer, & chanter :

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c’est à dire sur les Accens, qui déterminent le son, & la longueur d’une[2] bonne partie de nos silabes ; sur la Quantité, qui est la mesure de la prononciation de ces silabes, sur la Ponctuation, qui regle les silences nécessaires pour détacher les expressions, qui forment un discours ; de maniere que l’Auditeur puisse plus aisement entendre le sens qu’elles rendent : & pour donner à celui qui prononce le tems de reprendre son haleine à des endroits où le sens de l’Auteur ne soit point interrompu.

Puet-être que j’aurois den traitter encore de la Prononciation de toutes nos silabes, comme d’une matiere nécessaire au dessein que je me suis proposé ; mais ce sujet a été si

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savament examiné par l’Auteur du traité de la Grammaire, que je n’ai pas cru devoir le toucher après lui. Ainsi je passe au sujet de mon travail ; c’est de conduire une personne qui recite, ou lit un ouvrage ; qui prononce une harangue, ou un autre discours oratoire ; qui défend une Partie devant des Juges ; qui déclame une Piece touchante ; & enfin qui chante des paroles mises en Musique.

CHAPITRE IV.

De la Lecture, ou Recit simple.

LE mot de Lecture a deux significations : On le prend pour Erudition, ou Science profonde : Ce n’est

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point de la Lecture prise en ce sens, dont je veux parler : C’est de l’action par laquelle on prononce à voix haute un écrit, ou un ouvrage, pour en communiquer le sens & les mouvemens à ceux qui l’écoutent.

Je trouve qu’il y a de deux sortes de Lectures : L’une qui fait connoître l’ordre d’un ouvrage, l’arangement des pensées, & le choix des termes, & des expressions dont il est composé : L’autre qui fait sentier à l’Auditeur tous les mouvemens répandus dans l’ouvrage. Celle-là satisfait l’esprit ; celle-cy touche le cœur. Ainsi les écrits, où il n’y a point d’action, comme les Actes, les Livres Dogmatiques, les Histoires, les Gazettes, se lisent simplement : mais il faut ajoûter l’inflexion de la voix,

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pour prononcer des Contes, des Fables, des Satires, des Comédies, dsTragédies, qui étant lues sans leur donner de l’action par la voix, n’ont point la grace dont l’Auteur a voulu les orner ; & ne donnent point à l’Auditeur le plaisir d’en être touché. Je vais traitter de ces deux manieres de prononcer.

Il y a si peu de personnes qui lisent bien parceque l’on ignore les principes de la Lecture, que je me flate de me faire un mérite auprès du Public, si je puis lui donner les moyens de s’acquerir cet agrément. Tout le monde veut lire, parceque tout le monde le croit bien faire ; & neanmoins peu de personnes satisfont dans la lecture. Je dis plus ;

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ceux qui par habitude, & favorisés par la Nature, lisent avec succès, le font presque tous au hazard, faute de savoir les principes, par lequels on peut fixer la bonne maniere de prononcer un ouvrage. Elle a son mérite dans le monde ; & il n’ya personne qui ne sache aussi bien que moi, que c’est par ce moyen que bien des gens ont fait leur fortune, & on gagné les bonnes graces de leurs Maîtres.

Le principal fondement de l’art de prononcer, est un organe heureusement disposé ; c’est à dire, une voix sonore & flexible, que nous tenons de la Nature : Car il ne faut pas esperer qu’avec une voix disgraciée on puisse plaire aux Auditeurs, & faire valoir le

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mérite d’un Auteur. Cependant en observant les regles de la Lecture, on peut se faire entendre.

Les maximes donc, sur lesquelles je fonde l’agrément de la Lecture, sont d’observer le lieu, & le nombre des personnes dvant lesquelles ont doit lire, afin de proportionner l’étendue de sa voix, de maniere que l’on puisse être entendu de tous ceux qui écoutent : Mais il le faut faire de sorte, que l’on soit toujours le maître de baisser, ou de hausser le ton aux endroits qui en sont susceptibles : car rien n’est plus desagréable que de prononcer toujours sur le même ton, comme un Ecolier. Il est vrai qu’il y a des gens qui n’ont qu’une seule portée de voix,

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& qui, quand ils sont obligés de monter pour se faire entendre à plus de monde ; ou de descendre, pour ne point fraper trop rudement l’organe d’une ou de deux personnes qui les écoutent, sont incapables de varier la force de leur voix : Ces gens-là doivent s’abstenir de lire.

Il est plus avantageux d’augmenter la force de sa voix, sur la fin, que de la diminuer ; parceque l’atention de l’Auditeur n’étant pas ordinairement de longue durée, on est obligé de le réveiller en haussant sa voix ; ce que la pluspart des Lecteurs ne peuvent faire pour l’avoir pris sur un ton trop haut au commencement de leur lecture. Ainsi celui qui lit doit avant que de le faire, ob

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server la longueur de l’ouvrage qu’il va prononcer, pour se mettre en état de fournir de la voix, aussi long tems qu’il en aura besoin.

Quoique la prononciation des termes, & des silabes soit arbitraire, selon bien des gens ; neanmoins il faut savoir les regles que l’on a établies, pour prononcer, de maniere que l’on évite le mauvais accent, & que l’on satisfasse les gens qui parlent bien ; ce sont les Courtisans, les Dames, & les Gens de lettres : encore y en a-t-il bien de ceux-cy, qui aïant eu une premiere éducation mal conduite, ou peu de commerce, prononcent bassement tout ce qu’ils proferent. Et parceque la Langue Françoise ne doit avoir aucun accent, comme la

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Polonoise, un Normand, un Gascon, un Picard, encore attaqués de l’accent de leurs Provinces, ne peuvent lire agréablement. Et il y a même bien des Parisiens, que l’on n’écoute point avec plaisir ; parce qu’ils donnent trop d’enflure à leur prononciation ; & qu’ils y manquent même assez grossiérement, comme d’élever la silabe des infinitifs terminés en er, dont il font l’è ouvert ; quoiqu’il soit fermé ; ainsi que je l’ai fait remarquer dans le traité des Accens.

Comme il est essenciel à la Lecture de savoir exactement les effets des Accens, de la Quantité, & de la Ponctuation, je renvoie mon Lecteur à ce que j’en ai dit ; mes derniers traités supposant toujours ceux qui les precedent.

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Un habile Lecteur doit ménager son haleine, de maniere qu’il en ait toujours de reste, pour la reprendre aux endroits où il le peut faire, suivant les regles de la Ponctuation : & lorsqu’on trouve une période longue, & que l’on prévoit ne pouvoir prononcer d’une haleine, il la faut reprendre légerement aux Virgules, & aux autres fractions du Point, afin que la voix ne s’affoiblisse pas vers la fin de cette période ; ce qui rendroit la lecture desagréable.

Pour parvenir à cette facilité, il est nécessaire de contracter une grande habitude avec les mots ; de sorte que l’on puisse lire mentalement la ligne qui suit celle que[3] l’on prononce. Car un Lecteur qui hanone,

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pour me servir du terme, fatigue l’atention de clui qui écoute. Une grand mérite pour un Musicien qui execute, c’est de bien lire la note avant qu’il la frape, afin de le faire aussi promptement qu’il le doit, & avec les mesures & les agrémens qui lui ont été prescrits. Il en est de même du Lecteur ; il doit lire les termes avec une grande facilité, pour les prononcer avec mesure, & avec grace : ce qu’il ne sauroit faire, s’il est réduit à les chercher.

Comme l’Auditeur est porté, naturellement à se distraire, il le fait ordinairement aux pauses que le Lecteur observe : ainsi c’est un art, pour suspendre l’atention de l’Auditeur, que de ne point s’arrêter à la ponctua

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tion ; amis seulement après avoir prononcé les termes qui servent de liaison, ou de transition dans le discours, comme on peut le reconnoître dans ces vers de M. des Preaux ; où j’ai marqué plusieurs points aux endroits où le Lecteur doit s’arrêter ; plûtôt qu’à la ponctuation qui précede.

            Votre race est connue.

Depuis quand ? répondez. Depuis mille ans entiers ;

Et vous pouvez fournir… deux fois seize quartiers.

C’est beaucoup : Mais enfin… les preuves en sont claires ;

Tous les livres sont pleins des titres de vos peres.

Leurs noms… sont échapés du naufrage destems :

Mais : qui m’assurera qu’en ce long cercle d’ans,

A leurs fameux époux vos Aïeules fidelles,

Aux douceurs des galands… furent toujours ébelles ?

Il faut observer cette maxime dans la Poësie, encore plus

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que dans la Prose ; parceque l’on ne doit point, pour bien réciter des vers, s’arrêter à la rime ny à la césure, à moins qu’il n’y ait un point, & que le sens ne soit parfait. Ce n’est pas ce que les Lecteurs ordinaires observent ; ils ont acoutumé de bien faire sonner l’un & l’autre : Défaut qui ôte tout l’esprit, toute la délicatesse d’un ouvrage. Enfin on doit faire son possible, quand on lit, pour soutenir, pour lier, s’il m’est permis de parler ainsi, l’atention de l’Auditeur depuis le commencement jusqu’à la fin de la lecture ; car dès qu’il a perdu la suite de ce que l’on prononce, il est en droit de ne plus écouter.

La Langue Françoise veut être prononcée gravement, &

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notablement : ainsi il ne faut jamais précipiter son recit : car non seuelment l’Auditeur ne pourroit suivre, mais encore il est rare qu’en précipitant sa parole, on puisse donner à chaque silabe sa quantité dans sa juste proportion. J’interdis aussi la lecture à toute personne qui a le son de la voix ignoble : les termes ; les expressions perdent de leur noblesse dans sa bouche ; & l’Auditeur répugne à l’écouter.

Quoique je recommande à mon Lecteur de prononcer avec gravité ; neanmoins qu’il évite avec soin de tomber dans la déclamation, comme en déclamant on doit éviter de chanter. La Lecture, la Déclamation & le Chant ont leurs mesures, qu’il est dangereux de confondre,

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quand on veut exécuter l’une ou l’autre avec justesse. C’est pourquoi il faut bien proportionner l’intervalle de la quantité, & prononcer chaque silabe d’un ton plein & égal. Car rien n’est de plu insuportable à entendre, que ces gens qui dans une simple lecture, font rouler une silabe sur des tons différens, & qui font ronfler les paroles par une prononciation emphatique, comme s’ils alloient déclamer quelque endroit touchant.

Ce n’est pas un moindre défaut que d’élever, ou d’abaisser quelques termes, ou quelques silabes, plus que celles qui les précedent, ou qui les suivent. Il n’y a presque point d’Erangers, ny même de François, qui ne tombent, ou qui

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ne s’élèvent à la pause, quand bien même le sens ne seroit pas terminé : Ils s’imaginent que tout repos demande une cadence, comme dans la Musique ; mais ils se trompent ; c’est un des plus grands desagrémens de la lecture. Et quand je dis qu’elle doit être variée, c’est avec relation aux pensées, & non aux termes, & aux silabes : C’est donc sur tout l’expression que cette variation doit roûler, lorsque le sens de la derniere est différent de celui de l’expression qui précede. Voici trois vers de l’Art Poëtique dans lesquels on reconnoît sensiblement cette vérité.

Des hros de Roman fuyez les petitesses :

Toutefois aux grands cœurs donnez quelques foiblesses :

Achille déplairoit moins bouillant & moins prompt,

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Le premier vers doit être prononcé d’un ton ferme & de commmandement ; & les deux autres doivent êtres recités d’une voix plus douce, & plus basse. Mais il faut seulement apuyer sur le terme qui fait le nœud de la pensée : fuyez, est celui qui la marque dans le premier vers ; & Achille, dans les deux autres.

Il me paroît que l’on doit faire beaucoup d’atention à la nature de l’ouvrage que l’on doit lire : il y faut acommoder le ton de sa voix. Si la matiere est grave, que l’on prenne une voix sublime, telle qu’elle seroit nécessaire pour une Epitre au Roi, ou tel autre ouvrage qui parleroit des actions d’un autre héros. Si le sujet est galand, on doit le

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lire d’une voix légere, & gracieuse, comme on prononceroit un conte, une avanture, une épitre familiere, une églogue. Des satires veulent être lues avec vivacité ; une matiere dogmatique demande de la sagesse, de la netteté dans la prononciation.

On doit encore reflechir sur le caractere des Auteurs, bien qu’ils soient d’un même genre : Car qui liroit les Lettres de Balzac, du même goût que celles de Voiture ; ou celles-cy, comme les autres, n’entreroit point dans l’esprit de leur travail. Les Tragédies de M. de Corneille demandent absolument un ton de voix plus noble, plus lié, plus élevé, que celles de Mr Racine : Celles-cy le veulent plus naturel, plus coupé,

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plus touchant, que les autres. Les Comédies de Moliere demandent plus de délicatesse dans la conduite de la voix, que celles où il n’y a que de l’intrigue, ou des sentimens grossiers. Les maximes de Mr de la Rochefoucaut doivent être lues gravement : Les Caracteres de Mr de la Bruyere veulent une voix familiere, & quelque fois plaisante. Et ainsi de tous les autres Auteurs. Je dis même que si l’on n’entre pas en cela dans l’esprit, dans le goût de l’ouvrage, on expose l’Auteur au mépris, & on lui fait perdre des louanges qu’il mérite bien souvent. De là vient que de petits connoisseurs ne lisant point un ouvrage dans le caractere qui lui convient, n’en peuvent sentir

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le mérite ; & un bon livre entre les mains de ces gens-là passe souvent pour un travail médiocre ; ils ne sauroient connoître ce qu’il a coûté à l’Auteur, qui sentant toute la force des pensées qu’il veut exprimer, cherche & choisit les termes qui leur conviennent.

Enfin la variété de la voix d’une personne, qui lit seulement dans l’intention de faire connoître le sens d’un ouvrage, ne consiste qu’à suivre exactement un Auteur, en donnant à ses expression un ton, ou un peu plus apuyé, ou un peu plus foible ; selon les pensées qu’elles rendent : Ce que l’on peut reconnoître aisément par les termes dont elles sont composées. Et cela dans la vue seulement d’éviter la monotonie,

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qui rend la lecture tres-fade, et tres-ennuyante.

Voila ce que je trouve à observer pour bien faire une lecture simple. Mais comme toute personne qui écoute, veut être dédommagée de son atention, qui bien souvent la gêne, il est d’un bon Lecteur de lui exprimer les mouvemens, aussi bien que le sens d’un ouvrage : c’est ce que j’appelle lecture touchante, qui a ses principes communs avec ceux de la Déclamation : Ainsi je ne parlerai des accens nécessaires pour exprimer les passions, & les figures, que lorsque je traiterai de l’action en général, & je ferai seulement les remarques suivantes sur la matiere dont il est question presentement.

Le Lecteur qui a dessein de

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plaire, & de toucher par son recit, a encore plus d’interest de ménager la portée de sa voix dans cette sorte de lecture, que dans l’autre ; parcequ’il la doit assujettit aux inflexions, pour l’accommoder aux mouvemens qui regnent dans tout l’ouvrage : & s’il n’est pas capable de la soumettre à toutes ces inflexions, il faut qu’il s’en tienne au simple récit ; car ce n’est pas une chose aisée de donner à sa voix de la relation avec ce que l’on énonce. Un ton comique ne conviendroit nullement avec une action grave ; & ainsi du contraire. Il y a même des voix si bizarres, que l’on ne sauroit jamais les mettre dans la nature.

Ainsi je puis donner pour principes généraux, que si l’on

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récite une ouvrage, dont l’action soit modeste, il faut que la voix soit douce & traînante ; telle qu’il faudroit la rendre, pour prononcer ces vers de Malherbe.

N’espérons plus mon ame, aux promesses du Monde,

Sa lumiere est un verre, & sa faveur une onde,

Que toujours quelque vent empêche de calmer :

Quittons ces vanitez, lassons-nous de les suivres

C’est Dieu qui nous fait vivre ;

C’est Dieu qu’il faut aimer.

Les expressions qui regardent un mistere, veulent être recitées par une voix humble, mais grave & ferme tout ensemble : c’est de cette maniere que je proférerois les trois derniers vers du sonnet de des Barreaux.

Tonne, frappe, il est tems ; ren moi guerre pour guerre ;

Mais quoi ! sur quel endroit tombera ton Tonnerre,

Qu’il ne soit tout couvert du sang de Jesus-Christ ?

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Le récit d’un combat demande un ton éclatant, & pressé. En voici un exemple dans le récit qu’Ephestion fait à Alexandre de la mort de Taxile, tué par Porus.

N’entens je pas ; dit-il, l’infidelle Texiles

Ce traître à sa Partie, à sa Maitresse, à Moi ?

Vien, lâche, poursuit-il, Axiane est à toi ;

Je veux bien te céder cette illustre conqête :

Mais il faut que ton bras l’emporte avec ma tête :

Aproche. A ce discours, ces rivaux irrités

L’un sur l’autre à la fois

[s]e sont précipités.

Nous nous sommes en foule oposés à leur sage :

Mais Porus parmi nous court, & s’ouvre un passage,

Joint Taxile, le frape, & lui perçant le cœur,

Content de sa victoire, il se rend au vainqueur.

S’il s’agit de quelque magnificence, la voix doit être grave, pompeuse, élevée, telle qu’il faut l’avoir pour réciter ces vers de M. d’Hénaut.

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Avant qu’on eût au monde admis cette chimere,

Du faste & des grandeurs l’extravagante mere,

Ces superbes Palais, ces Forts audacieux,

Qui gourmandent la Terre, & menacent les Cieux ;

Ces grans ameublemens, chargés de broderie ;

Où l’or est abîmé parmi les pierreries ;

Ces Temples, ces Autels, si riches, si parés ;

Où les Dieux cependant sont si mal adorés ;

Enfin ces grands Portails, ces magnifiques Domes,

Et ces Tours d’où les Grecs auroient vu vingt Royaumes,

De notre vanité monumens éternels,

N’avoient pas aparu, même en songe, aux Mortels,

Mais en lisant les vers qui suivent les précédens, il faut adoucir sa voix, & la rendre plus familiere pour exprimer la tranquilité, & les plaisirs.

Sous un rustique toit, lambrissé de branchages,

Sur un lit de gazon, ou sur un tas d’herbages,

Le Berger, la Bergere, unissant leurs desirs,

S’abandonnoient sans crainte aux amoureux plaisirs

L’Opinion

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Leur cabane, bâtie, & de jonc, & d’argile,

Contre les vens à peine étoit un sur azile ;

Mais contre les soucis c’en étoit un certain :

On y dormoit en paix, du soir jusqu’au matin :

Les hôtes n’y craignoient, ny vol ny violence ;

Et la nuit s’y Passoit dans un profond silence :

Tandis qu’ils sommeilloient, tout leur cœur someilloit ;

Et jamais en sursaut on ne les réveilloit :

De songes égayés les images flateuses

Ne fesoient qu’enchanter[4] leurs ames amoureuses :

Le Taureau mugissant, & les bêlans Troupeaux

Finissoient sans alarme un si charmant repos ;

Les rapeloient aux champs, au lever de l’Aurore.

Et les rendoient aux soins de Pomone, & de Flore,

Au fond d’un bois touffu, par leurs vœux consacré,

Dieu, sans cerémonie étoit d’eux adoré,

Et content d’un Autel, jonché de fleurs & d’herbes,

N’étoit point rebuté d’adorateurs superbes.

Que pouvoit-il manquer à leur felicité,

Avec tant d’innocence, & de simplicité ?

On voit donc par ces exemples, que le Lecteur[5] doit absolument allier l’accent de sa voix avec le caractere de l’ouvrage,

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c’est à dire qui lit à le bien examiner, & à voir si la Nature lui a donné une voix propre pour aller jusqu’au cœur de celui qui écoute ; une voix ignoble ne peut inspirer de nobles sentimens ; une voix grave & lente ne sauroit entrer dans le ton nécessaire au recit d’un ouvrage comique ; une voix trop claire n’impose point ; une grosse voix est presque toujours confuse. Mais comme j’examinerai dans la Déclamation toutes les différences de voix qui conviennent à tous les mouvemens en particulier, j’y renvoie mon Lecteur, à qui je fais seulement remarquer ici, qu’il doit avoir encore plus de soin dans la lecture touchante que dans l’autre, de bien nourrir la prononciation des termes & de silabes, pour

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ne point rendre sa lecture seche, comme le font ceux qui n’ont point acoutumé de lire ; c'est-à-dire que le son ne doit jamais être discontinué qu’aux pauses, qu’il est permis de faire, suivant les regles de la Ponctuation.

Comme on n’est point ordinairement préparé, quand on fait une lecture, je ne conseille à personne d’en entreprendre, qu’il n’ait contracté l’habitude de prévoir les mouvemens par les premiers termes qui les expriment : car une passion, une figure mal touchée ne fait point de plaisir à l’Auditeur. Il n’en est pas de même de la Déclamation, on fait l’ouvrage par cœur ; on n’a eu le tems d’étudier ses tons & ses gestes : mais dans la lecture, il faut deviner

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les mouvemens qui doivent suivre ceux que l’on fait sentier actuellement : ce n’est pas une chose aisée.

Quand on fait une lecture, ce n’est point pour se donner en spectacle : ainsi on ne doit pas allier le geste avec la prononciation : Neanmoins les differentes passions que l’on exprime, exigent naturellement de petits mouvemens de bras & de visage, qui donnent du feu, & de l’agrément : on ne peut les refuser à la Nature, qui nous les fait faire involontairement : mais j’avertis mon Lecteur de n’y donner aucune atention ; ce seroit un mauvais goût ; car le geste, comme principe, ne doit avoir aucune part à la lecture. Et il y a méme des Nations, comme les Allemans, qui ne l’ad

 

[1]             Impression altérée.

[2]             Le texte porte d une.

[3]             U inversé.

[4]             Le texte porte qu énchanter.

[5]             Le texte porte Lectuer.

[6]             Le titre courant porte 88.

1707-Traité du récitatif (Grimarest) (101-150)

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mettent pas dans leurs Prédications ; soit qu’ils le regardent comme une chose inutile pour toucher ; ou comme une chose indécente à un homme grave ; ou enfin qu’ils ne se sentent pas assez de délicatesse, pour allier le geste avec la prononciation : Au contraire des Italiens qui l’outrent dans leur déclamation : mais c’est un excès condamnable dans l’une & dans l’autre Nation.

CHAPITRE V.

De la Prononciation du Discours Oratoire.

APres avoir examiné ce que je crois convenir à la

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Lecture particuliere, l’ordre veut qu’avant que d’entrer dans la Déclamation, je traite de l’art de lire, ou de prononcer une Discours d’éloquence, ou un Plaidoyé. Cette premiere[1] partie me semble la plus difficile. Tel seroit bon Acteur, excellent Lecteur, habile Avocat, même bon Prédicateur, qui ne pourroit prononcer une harangue à un Prince : ny un autre discours au milieu d’une Assemblée nombreuse.

Cela demande une voix sonore, grave, & imposante, qui puisse répondre à l’élévation des pensées, & des expressions que l’on emploie dans ces sortes d’ouvrages : Et toute personne à qui la Nature a refusé le talent de parler noblement, en Public, ne devroit point s’y commettre.

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Mais quand la nécessité l’y oblige ; qu’il observe exactement les regles des Accens, de la Quantité, de la Ponctuation, & de la simple Lecture ; & qu’il suive les observations suivantes s’il croit qu’elles puissent lui être utiles.

Je trouve qu’il est nécessaire que celui qui parle de cette sorte en Public, le fasse posément, & avec grandeur ; non seulement pour répondre à l’élévation de la personne que l’on harangue, ou au mérite de ceux qui s’assemblent pour écouter, mais encore pour atacher davantage les Auditeurs aux raisons & aux faits qu’on leur propose. Ainsi celui qui prononce en une semblable ocasion, doit en quelque façon s’écouter.

Comme on n’en veut alors

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qu’à l’esprit, & point au cœur, celui qui prononce un discours, une harangue, doit éviter avec soin de donner aux passions, ou aux figures, que ces sortes d’ouvrages peuvent contenir, les accens qu’elles éxigent, quand on veut toucher l’Auditeur. C’est pourquoi la fin de ces discours n’étant que de plaire, ou de convaincre, on ne doit varier sa voix qu’imperceptiblement pour détacher les mouvemens, & les preuves : Art qui est si difficile à trouver, que les connoisseurs disent, qu’il y a bien moins de personnes capables de prononcer une harangue, ou un discours public, que de prêcher, ou de déclamer ; l’action étant d’un grand secours à celui qui le fait.

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Quand on hausse, ou que l’on baisse sa voix, ce doit être foiblement ; mais il fautsi bien moduler (pour me servir du terme qui y convient) aux environs du ton que l’on a pris, que l’on ne soit point entrainé ou trop haut, ou trop bas par la vivacité du sujet, ou de l’expression, autrement ce seroit déclamer ; défaut essenciel dans ce genre de prononciation. Et si l’on est contraint de réveiller l’atention de l’Auditeur par une voix plus ferme, cela doit se faire par degrés insensibles, de maniere qu’il ne s’en aperçoive pas. Car j’ose avancer que ce seroit perdre en quelque façon le respect deu aux personnes qui écoutent en ces sortes de rencontres, que de se laisser em

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porter à l’exclamation.

Parce que l’on a presque toujours les yeux atachés sur celui qui parle, il doit le faire avec assurance, & être dans une situation agréable de corps, & de visage. Il ne conviendroit pas de négliger cette atention ; ce seroit n’en point avoir pour ceux qui écoutent, & leur donner lieu de se distraire.

Aux endroits qui marquent de la vivacité, il en faut donner à sa parole ; mais avec retenue, comme je l’ai déjà dit, afin de faire remarquer ces endroits, pour en insinuer la force dans l’esprit de l’Auditeur.

C’est un défaut assez commun aux personnes qui parlent en Public, de terminer les périodes par un ton différent, ou

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en haut, ou en bas : Cela a tres-mauvaise grace ; & il faut toujours soutenir sur la derniere silabe masculine, ou sur celle qui précede la féminine : Et se contenter d’apuyer un peu plus fortement sur cette derniere silabe, quand elle est le nominatif, ou le participe d’un verbe qui interroge, ou le dernier terme de l’interrogation.

Celui qui parle en Public doit avoir beaucoup de soin de détacher, par un petit changement de ton, les propositions incidentes, & les parentheses, afin que rien n’échape à l’Auditeur ; ce qui arriveroit infailliblement, s’il étoit fatigué par une monotonie continuelle, comme je l’ai fait remarquer dans la Lecture.

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C’est pour cette même raison que je recommande encore à celui qui prononce en Public, d’apuyer plus fortement sur les premiers termes d’un sens contraire, ou qui expriment une conséquence ; par exemple sur Mais, Car : après lesquels il doit plûtôt s’arrêter, qu’à la ponctuation qui est devant, par la raison que j’en ai donnée.

Je suis de sentiment que celui qui prononce un discours oratoire, à un interest particulier d’observer le tems qu’il le doit faire, & le lieu où il le fait ; encore plus que celui qui lit : Parce que le premier portant sa voix plus haut que l’autre ordinairement, il doit en ménager la durée & la force avec soin : Car s’il venoit à en

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manquer, il ne seroit plus écouté avec plaisir ; & il seroit exposé à demeurer court, par l’inquietude que le défaut de voix lui donneroit, ou du moins à devenir rauque sur la fin de son discours.

Enfin il faut éviter dans ce genre de Prononciation, les gestes de l’action, & n’en faire tout au plus que de la main : mais ils doivent petre si délicatement ménagés, qu’ils semblent venir de la nature, é n’être employés que pour orner l’atitude de la personne qui parle.

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CHAPITRE VI.

De l’Action de l’Avocat.

JE devrois m’être interdit de parler de cette partie, Mrs les Avocats la connoissent beaucoup mieux que moi.

Mais comme la prononciation d’un Plaidoyé fait partie de mon sujet, je n’ai pu me dispenser de dire ce que je crois lui convenir. Je ne parle point à des Avocats formés ; mais ceux qui se destinent au Barreau pourront profiter de mes observations.

Je ne sais si je fais bien d’avancer, que la belle maniere de plaider commence à se perdre : Il n’y a plus, ce me semble, autant de noblesse, & de

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gravité dans l’action de l’Avocat, qu’il y en avoit autrefois. Pour se donner de la facilité dans le Plaidoyé, on est presque tombé dans le populaire[2] : On se contente d’exposer les faits, d’expliquer les moyens e donnant de la violence à sa voix, sans la conduire ; en un mot on ne songe plus à faire valoir la justice de sa cause par la parole : on néglige les tons nécessaires pour convaincre, & pour arracher l’équité des Juges, s’il m’est permis de parler ainsi.

Comme c’est là le seul but qu’un Avocat doit se proposer ; car il lui seroit ridicule de pretrendre les toucher, ils sont en garde contre cet artifice, il ne doit nullement employer les accens nécessaires pour le Pa

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thetisme ; il révolteroit les Juges, qui ne cherchent qu’à connoître la vérité, pour être en état de rendre la justice.

Ainsi un Avocat, après avoir fait une sérieuse atention à tout ce que j’ai dit jusques apresent, doit éviter l’accent, & faire consister tout son art à hausser, & à baisser sa voix à propos, selon le sens de l’expression.

Que par le ton de sa voix il marque beaucoup de confiance dans ses moyens de fait, & de droit ; c’est pourquoi il doit prononcer d’un ton ferme, & hardi ; car une voix hésitante n’impose point, & donne même du soupçon au desavantage de sa Partie.

La matiere d’un Plaidoyé est toujours importante, puisqu’il s’agit du salut des Familles :

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Ainsi, quand on est préposé pour les défendre ; il faut donner de la gravité à sa prononciation, sur tout en prenant ses Conclusions, & en citant des loix, & desStaatuts : Et lorsqu’on en tire des inductions, il est nécessaire d’élever sa voix, avec un peu plus de feu ; & d’apuyer fortement sur les termes qui servent à expliquer les moyens. Mais il faut éviter le défaut de certains Avocats, qui, pour donner plus de poids à leurs paroles, passent les bornes de la quantité, & des pauses que le sens du discours éxige : Cette lente maniere de plaider ennuie le Juge, & l’expose à perdre ce qui a précédé. Ce n’est pas un moindre défaut, que de précipiter ses paroles ; c’est déro

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ger à la noblesse de sa profession, & tomber dans le bas, & dans la confusion ; car il est impossible de bien entendre un homme qui parle trop vîte. Un Avocat doit donc s’acoutumer à donner de justes mesures à sa prononciation.

D’ailleurs c’est en quelque façon manquer de respect pour les Juges, & abuser de leur patience, que de traîner son discours : ou de brailler avec éptulence, & sans ordre ; c’est envelopper la vérité par des tons mal ménagés, & confus, qui ne produisent aucun effet favorable pour la Partie.

Un Avocat doit avoir grand soin de la force de sa voix, de maniere qu’il en puisse toujours fournir ; il seroit douloureux pour sa Partie, qu’il en manquât aux endroits de sa

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cause, où il en auroit le plus de besoin. Il y a des Avocats qui au commencement d’un Plaidoyé font paroître une vigoureuse poitrine, lorsqu’ils devroient la ménager, & qiu à peine peuvent parler, quand ils sont au fort de leurs raisons. Les plus beaux plaidoyés n’auroient pas leur effet dans la bouche de ces petits Orateurs.

Souvent les Plaidoyés sont longs ; le Juge s’ennuie d’écouter ; il est de la prudence de l’Avocat de le réveiller, en donnant un peu plus de force à sa voix. Car le Juge fatigué bien souvent par une monotonie tres-desagréable, atend à développer la verité des faits dans le Plaidoyé de l’Avocat Général, qui constamment les lui fera connoître avec toute

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la sagesse, toute la prudence, & toutes les regles que l’on peu souhaiter dans un excellent Orateur.

L’Avocat qui défent, doit donner plus de feu à sa prononciation, que celui qui demande ; & celui qui replique doit paroître plus animé que celui qui défend ; parceque celui-cy a des moyens à établir, & des raisons & des faits à détruire ; & que celui-là doit les rétablir, & détruire à son tour ceux de l’Aocat oposé. Mais que l’un & l’autre se donnent bien de garde de prendre le ton exclamatif ; ce seroit tomber dans la Déclamation, qu’un habile Avocat doit éviter. Car on ne doit nullement présumer, que par des accens palintifs on puisse aller jusqu’au cœur du Juge ; ce se

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roit penser que l’on pouroit surprendre son équité. Il est cependant vrai qu’il y a des voix séduisantes, qui donnent un grand poids aux moyens ; mais ce n’est point par le secours des accens ; c’est par la noblesse de l’énonciation, par le beau son de voix, & par l’art de la ménager conséquemment à toutes les réflexions que j’ai faites jusqu’à présent.

Les gestes d’un Avocat doivent être les mêmes que ceux d’une personne qui prononce un discours public : c’est à dire, qu’il ne doit donner qu’un léger mouvement à ses bras, convenable à ses expressions ; car c’est déroger à la gravité du sujet, & des Juges, que de se donner un mouvement forcé, & déreglé ; force, par ce que l’action d’un Avocat

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n’en demande point, par les[3] raisons que j’ai données ; & déreglé, parce que[4] des gestes un peu forts ne conviennent que quand on a dessein de toucher l’Auditeur.

Quelque fausseté que l’Avocat de la Partie[5] adverse avance, il faut conserver l’égalité & la fermeté de sa voix, pour détruire ses moyens ou ses faits avec plus de force & d’autorité. La passion dans un Avocat cause de l’altération dans sa voix ; & l’emportement, & l’exclamation sont suspectes en fait de vérité. D’ailleurs un Avocat susceptible de colere, ne peutp lus prononcer nettement ; il ne sauroit être le maître de ses termes, pour les employer à prpos pour la défense de sa Partie.

Je ne conseillerois point à un Avocat, qui n’auroit pas naturel

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lement la voix heureuse, de s’exposer à plaider ; car un voix obscure, trop aigue, ou tonnante n’est point favorable à la vérité ; quand l’organe de celui qui parle est mal afecté, on n’écoute point avec atention, ny avec plaisir.

CHAPITRE VII.

De la Déclamation.

VOici un article qui interesse fort les gens de palisir. Tout lem onde parle & juge de l’Acteur, sans pourtant connoître les principes de l’Action. Cet Acteur m’a touché, dira quelqu’un ; donc il est bon : mauvaise conséquence ; car ce quelqu’un-là est le plus souvent un sujet fort épais, qui seroit afecté

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de la voix la plus commune, & dont les sentimens sont si mal conduits, que tout ce qui lui paroît nouveau, est un agrément pour lui. Je vais plus loin ; & j’avance, que ceux qui éxécutent, passablement même, ignorent la plûpart les principes de la Déclamation : un peu de disposition du côté de la Nature fait tout le mérite, que le hazard fait briller quelquefois ; mais que l’ignorance des regles aneantit dans d’autres ocasions.

La Déclamation, dans le sens qu’on la prend aujourd’hui, est le récit ampoulé, que l’on fait d’un discours oratoire, pour satisfaire l’esprit, & pour toucher le cœur es spectateurs. D’où il s’ensuit qu’un Sermon, une Oraison, une Tragédie, une Comédie peuvent être l’objet de cette Partie de la Rhétorique.

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Il s’ensuit encore de cette dédinition, que ce que j’ai donné de préceptes pour rendre la lecture touchante, sont communs à la Déclamation ; puisque l’une & l’autre ont la même fin : ainsi je suis dispensé de les répéter : Il y a neanmoins de la différence : Elle consiste en ce que la Déclamation est plus aisée que l’autre ; l’Acteur sait par cœur ce qu’il doit prononcer, comme je l’ai déjà dit ; le Lecteur n’est presque jamais préparé : Desorte que celui-là est maître de son action ; il en a étudié les différens mouvemens ; il a eu le tems de pénetrer le sens de l’ouvrage ; c’est sa faute s’il ne le fait entendre ; s’il ne touche pas l’Auditeur. Mais celui qui lit prononce à l’avanture ; & quand il rencontre, son mérite est plus grand que celui de l’Acteur.

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Cette différence consiste encore dans l’étendue de la voix, qui doit être plus forte que celle du recit particulier, comme je le ferai voir dans la suite.

Et enfin l’Orateur ajoûte le geste à sa prononciation, & il n’est pas permis au Lecteur de l’employer comme un moyen pour toucher le Spectateur.

Suposant donc tout ce que j’ai déjà dit dans mon ouvrage, voici ce que je crois devoir ajoûter pour déclamer avec justesse & avec grace.

Il y a deux parties dans la Déclamation, la voix & le geste : Il y a de deux sortes d’ouvrages, que l’on peut déclamer, de sérieux, & de comiques. Mais avant que d’entrer dans cette discussion, je déclare que je ne m’atache à cette partie de mon tra

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vail, qu’entant qu’elle regarde le Theâtre, pour deux raisons qui me paroissent essencielles.

Car les Prédicateurs, ou ceux qui peuvent faire des actions publiques, sont conduits par leurs propres lumieres, qui sont de beaucoup supérieures aux miennes : & j’aurois, ce me semble, tres-mauvaise grace de prétendre être en état de leur donner des leçons : si cependant ils croient pouvoir tirer quelque avantage de mes observations, ils peuvent les lire avec confiance, puisqu’elles sont propres à leurs profession.

Ma seconde raison est, que le Theâtre étant negligé, il seroit à souhaiter que ceux qui donnent du plaisir au Public, pussent savoir ou prendre les regles de leur art. D’ailleurs chacun se

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fait aujourdhui dans le monde un louable amusement de la déclamation ; on represente même des pieces entieres : ainsi c’est dans la seule vue d’être de quelque utilité aux uns & aux autres que je me suis déterminé à travailler.

Il y a dans l’Action des principes généraux ; il y en a de particuliers. Ceux-là sont d’avoir assez de discernement pour connoître l’esprit de ce que l’on doit prononcer ; de maniere qu’on puisse le representer par son recit aux spectateurs. Il faut de l’étude, de l’éducation, du goût, du commerce pour s’aquerir cette connoissance : d’où j’infere qu’il n’y a pas lieu de s’étonner si l’on voit si souvent des Acteurs incertains, & faux dans leur action[.]

Ils sont le plus souvent tranquilles, quand

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ils contestent en colere, quand ils exhortent ; indifferens, quand ils remontrent ; froids, quand ils invectivent. J’ai dit ailleurs que c’étoit là ce qu’on appelloit communément ; ne pas savoir, ne pas sentir ce que l’on dit, n’avoir point d’entrailles. Ainsi une personne qui n’a pas le discernement assez heureux, pour connoître ; le sentiment assez vif, pour exprimer ce qu’il connoît, ne doit point se mêler de déclamer. De là vient qu’un Auteur, aïant d’ailleurs toutes les dispositions nécessaires qu’il pouroit esperer de la Nature, en récitant son ouvrage, touchera toujours l’Auditeur, plus que quelque Acteur que ce puisse être ; parcequ’il est en état de ne manquer aucune inflexion de voix, aucun geste, pour exprimer son action. De là

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vient encore que ce même ouvrage, qui fait plaisir dans la bouche de l’Auteur, perd de son mérite sur le papier, & par le recit étranger : parce qu’étant tres-rare que l’on conçoive tout d’un coup par la lecture, ou par une fausse déclamation la délicatesse des caracteres, & des sentimens, ce qui en échape est autant de rabatu sur la bonté du travail. C’est là un malheur que les Auteurs ne sauroient éviter jusqu’à ce qu’il y ait dans les hommes un epsrit, & un sentiment de justesse, général, & capable de concevoir, & de sentir de la même maniere toutes les beautés d’un ouvrage.

Un Acteur doit non seulement être tout entier à ce qu’il exprime ; mais il faut encore, quand il n’est pas seul sur la scê

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ne, qu’il ait la même atention à ce que lui dit l’Acteur qui lui parle : c’est là absolument une dépendance de l’action : il doit suivre cet Acteur pour conformer à ses expressions son geste, son visage, son atitude. Cependant on voit tous les jours de ces Acteurs qui promenent leurs regards, & leur imagination dans tout ce qui est étranger à leur action ; & ils ne pensent pas qu’ils sont de part dans celle de l’Acteur qui parle ; que le Spectateur observe leur situation pour remarquer l’effet que les expressions de celui qui parle doivent faire sur eux : & s’ils y paroissent insensibles, la representation est absolument manquée, & le Public peu satisfait.

L’Acteur doit étudier son ex

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térieur avec son, pour placer ses gestes, & ses atitudes à propos : il doit cultiver sa prononciation avec atention, afin de donner à sa voix tout le goût dont elle peut être susceptible, pour satisfaire les Spectateurs : Car de croire que cet agrément vienne sans refléchir, c’est penser extravagamment. Les Acteurs les plus entendus manquent souvent les premieres fois : A plus forte raison les personnes sans intelligence seront-ils dans le faux de l’action, s’ils ne travaillent pas à se perfectionner. Je sais qu’il y en a d’assez prévenus, pour croire être les maîtres dans l’art de déclamer ; mais c’est une marque de leur petit esprit ; puisqu’ils n’ont ni la conception assez bonne, pour pénétrer dans

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le sens d’un rolle ; ny assez de principes, pour le representer avec justesse.

Qu’un Acteur étudie encore son caractere, pour ne point se charger d’un rolle qui ne lui convienne pas : Car tel peut bien representer le personnage d’un Roi, qui ne sauroit entrer dans celui d’un jeune Prince, agité par la gloire, ou par lamour ; ou faire celui d’un Confident, dont l’action & les sentimens ne doivent point avoir autant d’élevation : Et ainsi du contraire. Que l’Acteur ne neglige point de convenir aux personnages, par la taille, par l’âge, par la voix : le Publix supose toujours qu’un Roi doit avoir une belle prestance, l’air noble, & la voix mâle : Il ne s’acom

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mode point d’un Amant sexagenaire, à grosse voix, & d’une taille spacieuse. Car le Spectateur éxamine tout, & le moindre dérangement le rend bien souvent ennemi de l’ouvrage qu’on lui recite.

Ainsi je recommande à un Acteur de se laisser conduire par l’Auteur d’une Piece, s’il est encore vivant, & à sa disposition : Celui-cy en saura toujours plus que l’autre sur le choix d’un rolle, & sur la manière de l’éxecuter. Mr de Corneille, quoiqu’il eût conservé son accent Normand, dirigeoit seurement les Acteurs qui representoient ses Pieces : Et Mr Racine, qui étoit l’homme qui recitoit le mieux, mettoit les siens dans toute la délicatesse de l’action.

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Les principes particuliers de la Déclamation regardent la voix, & le geste séparement.

Comme les Spectacles se donnent dans des lieux beaucoup pluss vastes que ceux où l’on fait des lectures ; & que l’on doit se faire entendre à beaucoup plus de monde dans ceux-là, que dans ceux-cy, un Acteur doit avoir une portée de voix beaucoup plus forte, que celui qui fait une lecture ; de manière qu’il puisse être toujours en état de varier les accens, suivant les mouvements de la Piece. Car tel Acteur qui pourroit lire un ouvrage à la perfection, manqueroit peut-être de poitrine pour se faire entendre sur un Theâtre : De même qu’il y a des voix

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qui n’ont pas assez de force pour y paroître, dans le chant, & qui dans une chambre produisent tout leur effet. D’où vient qu’il se rencontre des Acteurs, qui étant obligés dans le plus bas de leur rolle, de prendre un ton au dessus de celui qui leur est naturel, ne peuvent plus, lorsqu’ils sont dans les fortes passions, varier leur accent pour les faire valoir ; & par ce défaut, ils ôtent au Spectateur le plaisir du sentiment, & à l’Auteur celui du succès.

Il y a même beaucoup d’organes, qui peuvent fournir une voix fort nette & tres-gracieuse dans le plus haut ton de la Déclamation, qui dans le plus bas sont confuses, & obscures. Et d’autres, au contraire, qui

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ont le bas de la voix fort distinct, & agréable, qui sont faus[se]s, & confuses dans le haut. Ce défaut est difficile à réparer, quand il part de la foiblesse de la poitrine ; mais lorsqu’il vient du peu de conduire que l’Acteur donne à sa voix, il peut être corrigé par l’expérience : Car la voix s’aquiert par l’habitude.

Un Acteur doit éviter avec soin d’avoir deux tons de voix différens : c’est à dire, de prononcer dans un ton naturel en de certains endroits, & de tomber dans le fausset, quand il est obligé de sélever. Ce desagrément est tres-choquant pour l’Auditeur.

Les voix triop claires ne devroient jamais prendre de grands[6] rolles : parcequ’elles ne con

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viennent point à la noblesse des personnages, que l’on met sur la scène : Et parcequ’elles ne sont point susceptibles d’inflections assez sensibles, pour traiter une passion.

On ne doit jamais pousser son ton au-de-là de la Nature : les éclats de voix font toujours un mauvais effet.

Quoique l’on doive faire entendre la silabe muette des vers féminins ; cependant il est ridicule d’y apuyer aussi fortement, que le font quelques Acteurs ; C’est faire perdre au vers sa qualité, & rendre longue la plus breve de nos silabes.

Voila ce que je pense sur la conduite de la voix en général ; il est nécessaire d’entrer dans le détail, pour tâcher de satisfaire le Lecteur sur tout ce

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qui a du raport à mon sujet.

Les Exordes, les Expositions & les autres parties d’une Piece, ou d’un Discours, destituées de passions, ou de figures, ne demandent point d’autres regles pour conduire sa voix, que celles que j’ai déjà données ; observant neanmoins de la ménager de manière dans ces endroits, que l’on en ait suffisament pour fournir aux grands mouvemens : Et d’ailleurs en forçant trop sa voix dans ces ocasions, ce seroit sortir de l’esprit du sujet, qui ne demande que de la netteté, & de la nobleese dans la prononciation.

Il n’en est pas de même des passions qui vuelent des accens différens : L’Amour, par exemple, peut avoir trois di

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verses situations : lorsqu’on en ressent la douceur, quand il donne de la joie ; & enfin lorsqu’il fait souffrir ses peines. Au premier cas il faut l’exprimer par une voix flateuse & tendre, comme ces deux vers de Chimene & de Rodrigue, dans le Cid.

Chimène, qui l’eût cru ?

Rodrigue qui l’eût dit ?

Que notre heur fût si proche, & si tôt se perdît.

Par une voix gaie, quand’ il fait plaisir : Ainsi qu’il faudroit reciter ces trois vers de Bérénice.

Ra[ssurons][7]-nous, mon cœur, je puis encor lui plaire

Je me contois trop tôt au rand des malheureux,

Si Titus est jaloux, Titus est amoureux.

Et par des tons pressans & plaintifs, lorsqu’on souffre ; com

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me on le peut sentir par les dernieres paroles d’Hipolite dans Phedre.

Le Cieil, dit-il, m’arache une innocente vie :

Pren soin, après ma mot, de latriste Aricie,

Cher ami, si mon Père, un jour desabusé,

Plaint le malheur d’un fils, faussement acusé,

Pour apaiser mon sanf, & mon ombre plaintives

Di-lui, qu’avec douceur il traite sa captive ;

Qui lui rende…

L’effet de la haine est de rendre rude, sévere, & impitoyable celui qui en est ataqué : Ainsi les expressions qui la font connoître doivent être prononcées par une voix âpre, telle qu’il faut l’avoir en déclament ces vers d’Hermione & Oreste, après qu’il lui a dit que Pirrhus venoit d’être assassiné par son ordre.

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Adieu : Tu peux partir : Je demeure en Epire :

Je renonce à la Grece, à Sparte, à son Empire ;

A toute ma famille : Et c’est assez pour moi,

Traitre, qu’elle ait produit un monstre tel que toi.

Par une voix grondante. En voici un exemple dans Cirus, lorsque Astiage parle ainsi à Harpage.

J’ai voulu te parler. Tu te troubles, perfide ;

Et ton Roi, dans les fers, s’étonne & t’intimides :

Quand il regnoit encore, ardent à le trahir,

Ingrat, tu n’as pas craint de lui desobeir.

Et par une voix ferme & dure ; comme il faudroit prononcer ces derniers vers de Cleopatre dans Rodogune.

Regne : de crime en crime enfin te voila Roi :

Je t’ai défait d’une Père, & d’un Frere, & de Moi :

Puisse le Ciel tous deux vous prendre pour victimes

Et laisser choir sur vous les peines de mes crimes :

Puissiez-vous ne trouver dedans votre union,

Qu’horreur, que jalousie, & que confusion.

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Et pour vous souhaiter tous les malheurs ensemble,

Puisse naître de vous un fils qui me ressemble.

A éxaminer le Desir, il est violent, modéré, ou languissant : Et il me semble que la violence du Desir peut avoir deux sources, l’Amour, ou la Résistance. Si l’Amoyr est la cause du Desir, il s’exprime par une voix tendre, & neanmoins pressante. C’est sur ce ton que l’on doit déclamer les vers de Bérénice, qui atend sa Confidence avec impatience.

Phénice ne vient point ! Momens trop rigoureux,

Que vous paroissez lens à mes rapides vœux !

Je m’agite, je cours, languissante, abatue,

La force m’abandonne, & le repos me tue,

Phénice ne vient point !

Si la Résistance est le sujet de cette violence, on emploi un ton de dépit & de colere.

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Celui qui reciteroit les vers de Cleopatre, qui demande à ses fils la mort de Rodogune, devroit prononcer de cette sorte.

Je vous le dis encore, le Trône est à ce prix :

Je puis en disposer, comme de ma conquête :

Point d’Ainé, point de Roi, qu’en m’aportant sa tête ;

Et puisque mon seul choix vous y peut élever,

Pour jouir de mon crime, il le faut achever.

Si le Desir est moderé, une voix foible suffit pour l’exprimer ; parceque l’on ne doit point être emeu, quand l’objet touche peu. On le doit connoître par ces vers qu’Hermione dit à Oreste.

Du Troyen ou de moi faites le décider :

Qu’il songe qui des deux, l faut rendre, ou garder ;

Enfin qu’il me renvoie, ou bien qu’il vous le livre.

Adieu s’il y consent, je suis prête à vous suivre.

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Si on desire languissamment, on le fait connoître par une voix douce, & interrompue ; douce, parceque ce desir est entretenu par un amour respectueux ; & interrompue, à cause que cette langueur est une atente ennuyeuse, qui est presque toujours acompagnée de soupiers. Et je crois qu’il faudroit prononcer ainsi les vers suivans, par lesquels Phedre exprime la situation de son cœur.

Dieu : que ne suis-je assis à l’ombre des forests 

Quand pourrai je, au travers d’une noble poussiére

Suivre de l’œil un char fuyant dans la carriere :

La Fuite, qui est oposée au Desir, doit être exprimée par une voix médiocrement rude, quand on a des égards pour les personnes présentes. Ces

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deux vers d’Antiochus à Rodogune doivent être prononcés sur ce ton.

Non, je n’ecoute rien : & dans la mort d’un frere

je ne veux opint juger entre vous, & ma mere.

La joie éxige un ton de voix doux, plein, & facile. C’est ainsi qu’il faut l’employer pour déclamer les vers de ce même Antiochus, lorsque Rodogune lui a déclaré qu’elle l’aimoit.

Les plus doux de mes vœux enfin sont exaucés,

Tu viens de vaincre, Amour, mais ce n’est pas assez ;

Si tu veux triumpher dedans notre avanture,

Après avoir vaincu, fai vaincre la Nature.

Pour bien exprimer la tristesse, il faut une voix faible, trainante, & plaintive ; mais plus ou moins forte, selon la personne que l’on fait parler : Car on doit pousser la voix dans le

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premier de deux exemples suivans, plus fortement que dans l’autre : Phocas est homme, & Roi ; il doit s’énoncer avec plus de force, qu’Andromaque, qui est Reine à la vérité, mais captive, é devant Pirrhus, qui est maître de son sort, & qui la menace de livrer son fils aux Grecs.

Le Thrône est il pour toit plus honteux qu’un suplice ?

O ! malheureux Phocras ; O ! trop heureux Maurice

Tu recouvres deux fils, pour mourir apr !s toi !

Eh ! je n’en puis trouver pour regner après moi !

Pardonne, cher hector, à ma crédulité :

Je n’ai pu soupçonner ton ennemi d’un crime :

Malgré lui-même enfin, pour nous laisser du moins

Au tombeau, qu’à ta cendre ont élevé mes soins

Et que finissant la sa haine & nos miseres,

Il ne séparât point des dépouilles si cheres.

L’Esperance, ou la Confiance

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s’exprime par une voix forte, & même éclatante. C’est ainsi que dans Jonathas Samuel parle à Saül, pour lui inspirer de la confiance dans le Dieu des batailles : Ainsi celui qui recite de pareils endroits, doit marquer cette assurance par sa prononciation.

Tu triomphes, Jacob, le Ciel s’arme pour nous,

Allez, courez, Saül, la victoire est certaine ;

De l’ennemi troublé la résistance est vaine :

Tout tremble : je vois fuir ses soldats éperdus :

Paroissez, montrez-vous, ils seront confondus.

On doit exprimer le Desespoir par l’exclamation, & par des tons aigus, & précipités.

Me voici qui seule ai fait le crime :

Me voici, justes Dieux : prenez votre victime :

S’il est quelque justice encore parmi vous.

C’est à moi seule, à moi qu’est deu votre couroux,

Punir les innocens, & laisser les coupables,

[In]humains[8], est-ce en être, est-ce en être capables ?

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Cette Scêne roule presque toute entiere sur le Desespoir. Cassiope, pénetrée de douleur de voir Andromede exposée au Monstre, veut se jetter dans la mer : On ne peut representer cette action que par un ton de voix outré, & violent.

Quand l’Audace est fortement excitée, elle doit être representée par une voic impétueuse, & hautaine ; parce que l’objet allume cette passion, & l’Esperance la so[ut]ient[9] : de sorte qu’il tarde que l’on n’en vienne aux extremitez. Ainsi l’on ne peut bien faire sentir à l’Auditeur la situation où se trouve Mitridate, quand on lui dit que son armée, & ses fils se sont revoltés contre lui, qu’en recitant ses paroles du ton dont je viens de le marque

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Ah ! qu’est-ce que j’entens ?

Perfides, ma vengeance a tardé trop long-tems :

Mais je ne vous crains point. Malgré leur insolence

Les mutins n’oseroient soutenir ma presence :

Je ne veux que les voir : je ne veux qu’à vos yeux

Immoler de ma main deux fils audacieux.

La Crainte produit si communément ses effets, que c’est une des Passions les plus aisées à representer par la voix, qui doit être alors foible, & hesitante. C’est ainsi qu’il faut prononcer ces paroles d’Andromaque, après que Pirrhus lui a dit qu’il va livrer son fils au Grecs :

Ah ! Seigneur, arrêtez : Que prétendez-vous faire ?

Si vous livrez le fils, livrez-leur donc la mere.

Vos sermens m’ont tantôt juré tant d’amitié.

Dieux ? ne pourrai je au moins toucher votre pitié ?

Sans espoir de pardon m’avez-vous condamnée ?

L’Envie, qui naturellement

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devroit être representée par une voix tremblante, parcequ’elle a souvent recours au mensonge, doit être cependant prononcée d’un ton assuré, à cause que celui qui parle avec envie, veut être cru ; autrement il perdroit le fruit de sa passion. C’est sur ce ton que Dom Mantique parle à Carlos, dans Dom Sanche d’Arragon, lorsque ce dernier prend une place devant la Reine.

Un soldat bien remplir une place de Comte !

La Jalousie, qui a à peu près la même fin, demande une voix hardie ; parceque les moindres choses donnent aux esprits ombrageux une entrée au soupçon ; & que l’on croit ordinairement ce que l’on apre

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hende. Phedre, agitée de cette passion, après que Thesée lui a découvert l’amour d’Hipolote, & d’Aricie, parle à sa Confidente avec vehemence.

Ils s’aiment ! Par quel charme ont-ils trompé mes yeux ?

Comment se sont-ils veus ? Depuis quand ? Dans quels lieux ?

Tu le savois : Pourquoi me laissois tu séduire ?

De leur furtive ardeur ne pouvois-tu m’instruire ?

Les a-t-on vus souvent se parler, se chercher ?

Dans le fond des Forests alloient-ils se cacher ?

Helas ? ils se voyoient avec pleine licence ;

Le Ciel de leurs soupirs aprouvoit l’innocence.

Presque tous ceux qui recitent ces vers en manquent le ton : parcequ’ils ne font pas atention, que toute la Scêne est proferée par une femme jalouse, qui doit, en se plaignant, exprimer son desespoir par une voix forte.

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Je remarque que l’Indigation, qui exprime le déplaisir que l’on a de voir dans les honneurs ceux qui devroient être dans le mépris, doit avoir la voix ferme, rude, & un peu exclamative. On doit rendre ainsi les paroles de Pulcherie à Phocas : endroit où l’on voit cette sorte d’indignation à découvert.

Un chétif Centenier des troupes de Misie,

Qu’un gros de mutinés élus par phantaisie,

Oser argamment se vanter à mes yeux

D’être juste Seigneur du bien de mes ayeux !

Lui qui n’a pour l’Empire autre droit que ses crimes.

Lui, qui de tous les miens fit autant de victimes,

Croire s’être lavé d’un si noir atentat,

En imputant leur perte au repos de l’Etat !

Mais lorsque l’Indignation fait connoître non seulement le déplaisir que l’on a de voir des personnes indignes dans les

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emplois, dans les dignités ; mais encore le desir que l’on a de les empêcher de faire du mal, alors on doit employer une voix ferme, résolue, & de commandement. On ne peut exprimer d’une autre manière l’endroit où Assuerus, instruit par Ester du dessein qu’avoit Aman de faire mourir Mardochée, prononce sa condamnation.

Qu’à ce monstre à l’instant l’ame sois arrachée :

Et que devant sa porte, au lieu de Mardochée,

Apaisant par sa mort, & la Terre, & les Cieux,

De mes Peuples vengés il repaisse les yeux.

On a de la Compassion en trois différentes situations. Au simple aspect de la misere, on en est saisi quand on a l’ame généreuse. Ainsi il faut réciter cet endroit de Sévere dans Polieucte, avec une voix triste, mais pleine.

 

[1]             Le texte porte prémiere.

[2]             Le texte porte popupulaire.

[3]             Les deux derniers mots soudés.

[4]             Les deux derniers mots soudés.

[5]             Les deux derniers mots soudés.

[6] Les deux derniers mots soudés.

[7] Impression altérée.

[8] Impression altérée.

[9] Impression altérée.

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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