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1707-Traité du récitatif (Grimarest) (201-237)

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sans avoir une liaison nécessaire avec une autre.

Je fais remarquer que eaucoup de ceux qui composent la Musique d’un Opera, avides de répandre bien des airs dans leur travail, pour prévenir le Public à leur avantage, prennent souvent pour chanson, ce qui est purement du recit ; c’est à dire, ce qui ne sauroit être détaché du sujet sans l’altérer : & au lieu par là de relever leur ouvrage, le défigurent tellement, qu’il n’a plus de suite : Car la musique doit avoir ses caracteres, ses liaisons, conformes à celles qui sont ménagées par l’Auteur des paroles. Ce défaut arrive de ce que le Compositeur, peu rempli du sujet du Poëte, peu sensible à ses expressions, n’a que sa Mu

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sique en vue, & ne fait nulle atention aux mouvemens qui lui sont prescrits par les paroles.

Les Vers de l’Air, ou du Recitatif, se composent avant que d’appliquer les notes aux paroles : Au contraire du Canevas, ou de la Parodie, qui sont des paroles que le Poête aplique à une musique déjà composée.

Pour faire connoître à un Acteur, comment il doit chanter, & à un Auditeur, comment il doit décider du chant, je crois qu’il est nécessaire de les instruire des regles que le Compositeur & le Poëte doivent observer, pour mettre des paroles en musique avec goût, & pour en apliquer de même à des notes déjà arangées.

Celui-là doit entrer dans le

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sens de l’Auteur des paroles, comme s’il les avoit composées lui-même ; é encore plus, s’il m’est permis de le dire, puisqu’il doit en aranger les silabes sous des tons, & les soumettre à des intervales qui ne conviennent point à la nature de l’action ; de manière pourtant que nous en soyons touchés.

Ainsi dans la longueur, ou dans la brieveté des silaves, dans le caractere de l’expression, il doit garder la proportion la plus aprochante de leur mesure naturelle, & le plus de convenance qu’il est possible des tons de Musique, avec ceux qui exprimeroient le sentiment par la déclamation.

Mr de Lulli excelloit dans cette connoissance. Quand, par exemple, i la voulu exprimer la

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situation d’un Amant qui se plaint, il a donné à ses tons une longueur proportionnée à cette situation. Mais il n’a point disproportionné l’étendue de ses intervales, comme font les Compositeurs ordinaires, qui se mêlent de mettre des paroles en musique. Que l’on se souvienne de ces endroits d’Amadis, & de Roland, on sentira tout l’artifice avec lequel cet Auteur a ménagé ce deux morceaux.

Bois épais, redouble ton ombre ;

Tu ne saurois être assez sombre ;

Tu ne peux trop cacher mon malheureux amour.

Je sens un desespoir, dont l’horreur est extrême :

Je ne dois plus voir ce que j’aime ;

Je ne puis plus souffrir le jour.

Ah ! j’atendrai long tems, la nuit est loin encore.

Quoi ! le soleil veut-il luire toujours ?

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Jaloux de mon bonheur il prolonge son cours,

Pour regarder la beauté que j’adore,

O nuit ! favorisez mes desirs amoureux, &c.

Messieurs des Touches, & de la Barre nous ont fait voir par des morceaux de pareille beauté qu’ils nous ont donnés, qu’ils entendoient parfaitement cette partie du Musicien.

Mr de Lulli est entré avec la même exactitude, avec la même délicatesse dans les autres passions, dans les autres caracteres qu’il voulu peindre : de manière qu’en modulant toujours sagement, il a conservé une proportion convenable avec les regles de la Déclamation.

Ainsi l’Acteur qui exécute, n’a point de peine, il se plaît à chanter ces endroits ; & celui qui écoute ne perd point le sentiment, & jouit en même tems

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du plaisir d’entendre d’excellent musique : il la saisit dès la premiere fois qu’il l’entend, parce qu’elle est dans la nature.

Mais il faut être plus que Musicien pour en coposer de si bonne. Si l’on n a du savoir, du goût, du commerce, de l’esprit, du sentiment, on n’y reüssira jamais. Ces Composi[te]urs[1] qui n’ont que la science de la Musique en partage, renversent tellement l’ordre naturel de l’expression, dérangent si fort les tons nécessaires aux passions, qu’ils ne font aucun effet sur notre cœur, parce qu’ils portent à un intervalle déraisonnable les termes qui doivent nous toucher. Ils alterent tellement la quantité de leurs silabes, qu’on ne les reconnoît

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plus. J’en donnerois une infinité d’exemples, si je n’étois plus atentif à conserver la réputation de ceux qui les ont composés, qu’à paroître connoisseur. Ils pourront me répondre que M. de Lulli, tout habile qu’il étoit, est tombé dans ce défaut. S’ils reconnoissent sa faute, ils doivent l’éviter avec soin, & ne pas l’imiter si souvent, dans un défaut que l’on rencontre si peu dans ses ouvrages.

Un Compositeur doit connoître parfaitement les effets de la ponctuation, pour ne point confondre un sens avec l’autre : ou pour ne point mettre sur les mêmes notes des passions, des figures oposées ; pour ménager à propos les silences, les soupirs usités dans la musique.

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Je citerois des morceaux les plus essenciels d’un Opera, & qui en devoient être les plus touchans, où ces trois défauts sont grossiérement marqués, & ont fait manquer l’effet que l’on devoit atendre des paroles. A qui doit-on après cela atribuer leur peu de succès ?

Le Musicien qui compose sur des paroles, doit indispensablement savoir les regles de la Déclamation, pour les appliquer à son chant le plus qu’il lui sera possible. Mr de Lulli y étoit fort atentif. On le remarque dans la parenthse suivante, que tout autre que lui auroit peut-être manquée.

Le vainqueur de Renaud, si quelqu’un le peut être,

Sera digne de moi.

La parenthese, si quelqu’un

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le peut être, est si bien disposée, que l’on pouroit chanter, le vainqueur de Renaud sera digne de moi, sans altérer lesentiment ny la modulation. C’est en cela suivre le précepte que j’ai donné pour les perentheses, que l’on doit détacher par un ton différent de ce qui précede & de ce qui suit.

En composant de la musique vocale, on ne doit nullement ignorer la prononciation & la quantité, pour ne point donner à dessilabes longues, des notes breves ; à des silabes sourdes, des tons élevés ; & ainsi du contraire : pour ne point placer des roulades, ou des tenues sur celles qui n’en sont point susceptibles. Défauts qui sont tres-fréquens dans la composition, soit que le Musicien

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ait été contraint par les regles de son Art ; soit qu’il n’ait pas eu l’esprit de les éviter.

Je crois devoir avertir leCompositeur, de ne point chercher avec afectation à convenir par sa musique à la signification d’un terme. Ce n’est point une regle de mettre des roulades sur ceux-cy, par exemple coulez, volez ; des tenues sur les suivantes, éternele, repos. Les termes seuls, comme je l’ai déjà fait remarquer, n’expriment point un sentiment ; mais l’expression entiere, & ces divertissemens de musique alterent la passion ; & désignent plus le Musicien, que l’homme d’esprit.

Cependant il faut donner quelque chose à celui-là, & lui permettre de faire paroître

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son art dans les Chœurs ; & sur destermes, où la beauté du chant peut souffrir des tenues ; ou des roulades : Mais l’usage fréquent & mal entendu en est tres-vicieux ; & je ne comprens pas comment des Compositeurs, tres-habiles d’ailleurs, se sont avisés dans ces derniers tems, d’apliquer de la musique composée dans le goût Italien, sur des paroles Françoises, dont ils font rouler les silabes sans raison, & sans sentiment : c’est bannir de la Musique vocale, l’expression, qui est seule capable de nous toucher le cœur. Et si on aplaudit à ces Messieurs, qui n’ont en vue que de faire paroître de la diversité dans leur composition, ils vont donner à notre Musique vocale le ri

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dicule que l’on reproche à celle d’Italie. Mais ce ridicule est beaucoup plus sensible dans notre langue, que dans l’Italienne.

L’auteur qui place un Canevas, decroit sacoir la Musique aussi parfaitement que le Compositeur doit connoître le sens des paroles. Car rien n’est de plus ridicule que ces expressions employées sous de la Musique, dont le caractere ne convient nullement auxparoles. Je n’oserois en citer des exemples, qui prouveroient ce que je dis : Ce défaut est commun aujourd’hui. Mais je puis avancer que Mr Quinaut, soit de lui-même, soit qu’il fût conduit par Mr de Lulli, en fesoit de tres heureux, tels que celui-cy.

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La grandeur brillante,

Qui fait tant de bruit,

N’a rien qui nous tente ;

Le repos la fuit :

Malheureux qui la suit.

Fortune volage,

Laissez-nous en paix,

Vous ne donnez jamais

Qu’un pompeux esclavage :

Tous vos biens n’ont que de faux atraits.

Et comme le Poëte & le Musicien n’en savent pas ordinairement plus l’un que l’autre, pour allier le caractere de la musique, avec celui des paroles, delà vient que nous essuyons souvent le cant ridicule de tres-mauvais Canevas. Ce seroit répéter continuellement, que de faire remarquer à un Auteur les regles qu’il doit observer pour en faire de bons. Il suffit de lui representer qu’il est nécessaire qu’il con

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noisse la valeur des notes, & la portée de leurs intervales, pour y allier des termes & des silabes, qui leur conviennent, suivant les principes que j’ai établis. Il est vrai que le Compositeur, pour conduire le Poëte qui ne sait point de musique, a acoutumé de lui donner des silabes longues, ou breves suivant ses notes. Mais ces silages désignent-elles le caractere, ou la passion ? Au contraire elles gênent davantage le Poëte, qui en sachant la musique, est plus en état de l’allier avec ses paroles.

Le Poëte & le Musicien doivent absolument connoître l’effet que le chant fait sur les mots, afin de choisir ceux qui se prononcent avec le plus de douceur : car il y en a dont la pro

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nonciation est si désagrable, que l’oreille du Spectateur en est rudement afectée. Ces termes doivent être rejettés de la musique ; & on ne les connoît que par la délicatesse de l’oreille

Cependant comme le Canevas n’est point ordinairement fort essenticel à une piece, il n’est pas dangereux qu’il flechisse un peu sous la musique : mais les autres paroles doivent absolument la dominer pour plaire.

Presentement que voila l’Acteur préparé sur tout ce qui regarde le chant, je n’ai que trois remarques à lui faire faire, avant qu’il se commette à chanter, dans le dessin de plaire à ceux qui l’écoutent.

Comme j’ai fait voir que con

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stamment la Musique altéroit l’effet de l’expression, par des mesures & des intervales qui ne lui conviennent point ; & que nous avons besoin dêtre dédommagés de ce défaut par le son d’une belle voix, par une harmonie bien ménagée, & par la délicatesse de sentiment de celui qui chante ; il s’ensuit delà que l’Acteur est celui qui doit le plus au Spectateur. Car bien que le Compositeur doive par la disposition de ses notes imiter le plus qu’il peut la Nature ; neanmoins l’Acteur a la voix, le geste, & le sentiment pour exprimer la passion.

Ainsi toute personne qui chante dans le dessein de plaire à ceux qui l’écoutent, doit avoir une voix touchante : quelque art que l’on puisse avoir,

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il est difficile de faire passer une voix disgraciee.

L’Acteur doit se faire une étude particuliere de prononcer distinctement chaque silabe, à quelque élevation, ou à quelque profondeur que le Compositeur l’ait portée. Il y a des voix si confuses, quoique belles, que l’Auditeur perd tout ce qu’elles prononcent, le Spectateur alors n’étant frapé que des tons de la Musique, c’est là bien souvent ce qui lui fait dire que les paroles ne valent rien, sans les avoir lues : & peu s’en faut qu’il ne dise aussi qu’elles sont mauvaises ; parcqu’elles ne se font pas bien entendre dans la bouche de l’Acteur. Ainsi avant que de chanter un morceau de Musique, on doit bien consulter l’é

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tenduë de sa voix, pour ne point dérober à l’Auditeur le plaisir d’être touché par le sentiment exprimé par les paroles ; en même tems que la mélodie du chant, & l’harmonie de toutes les parties de Musique frapent agréablement son organe.

Le Compositeur, comme je l’ai déjà remarqué, étant souvent contraint par les regles de son art, de déranger la quantité des silabes, c’est à un habile Acteur à supléer à ce défaut, en fesant longues les silabes qui doivent l’être, & breves, celles qui sont breves, sans faire atention à la longueur, ou à la brieveté de la note, à laquelle elles sont assujetties. Par exemple, dans la scêne de Zangaride dans Atys, sil l’on chantoit, & vous me lais

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sez mourir, suivant la note des deux premiers silabes, & seroit beaucoup plus long que vous ; ce qui seroit contre les regles les plus communes de la quantité. Ainsi celui qui chante prend de la note de la premiere silabe pour mettre sur la seconde, afin de donner plus de justesse à son expression. Et il est si vrai que l’on doit en user de cette manière dans les endroits passionnés, que l’on n’y doit point battre la mesure, parceque l’Acteur doit être le maître de son chant pour le rendre conforme à son expression ; & l’acompagnement doit aussi être assujetti à sa manière de chanter ; On ne sauroit mieux remarquer la vérité de ce que je dis, que dans l’endroit de Phaëton, où Libie chante

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Que l’incertitude

Est un rigoureux tourment !

&c.

A le chanter selon la note, on acusera sans doute Mr de Lulli d’avoir travaillé cet endroit extravagamment, par raport à la situation où doit être Libie. Mais si on le chante comme le fesoit l’Actrice, à qui on l’avoit confié dans les commencemens, on sentira toute la passion qui y doit être au lieu qu’à l’entendre, comme on l’exécute communément, il semble que cet air a été fait pour réjouir l’Auditeur.

J’infére de ce principe, qu’il faut absolument observer, pour bien chanter, que l’Acteur doit connoître parfaitement les regles de la quantité, & l’effet des passions, pour donner aux

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termes, & aux silabes l’intervalle, & la force qu’il convient pour toucher le Spectateur. Car bien que l’on doive porter sa voix au ton que le Musicien a prescrit ; cependant ce même ton doit être prononcé avec plus ou moins de poitrine, selon la passion, ou la figure qui regne dans l’expression. La tristesse, l’amour, la douleur, par exemple, demandent un ton tendre, & foible, tel qu’il le faut pour chanter tout ce que prononce Atys dans la scêne de Zangaride ; L’emportement, la jalousie, le veulent élevé & vif, comme on le doit donner à ce bel endroit de Persée où Phinée chante.

Non, je ne puis souffrir qu’il partage une chaîne

Dont le poids me paroît charmant :

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Quand vous l’acbleriez du plus cruel tourment,

Je serois jaloux de sa peine.

Ce seroit répeter tout ce que j’ai dit dans le Traité de la Déclamation, que de donner des exemples pour prouver que l’Acteur qui chante, quoiq’uassujetti aux tons du Compositeur, doit cependant suivre les accens que j’ai prescrits pour tous les mouvemens que les paroles expriment ; pour tous les caracteres que les personnages que l’on fait parler, exigent. On voit donc par cette démonstration, car constamment c’en est une, que l’Acteur qui chante doit absolument suivre toutes les regles de la Déclamation ; & que si nous avonssi peu de personnes qui animent leur chant, c’est que le nombre de ceux qui déclament bien est fort

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petit. Si l’on vouloit se donner un peu de peine pour aquerir cette connoissance, on pouroit sauver le dommage que la Musique aporte à l’expression ; désinteressé, comme j’ai dit, que l’on pourroit l’être par une belle voix, & par des acords bien ménagés.

Le mérite d’un Acteur, qui par son chant satisfait le Spectateur, est encore plus grand que celui de l’Acteur qui déclame, puisque celui-là a plus de parties à allier ensemble, & des inconveniens à prévenir. Car supposé, & c’est beaucoup, que de le présumer, qu’il se trouve des personnes qui connoissent parfaitement le sens des paroles, & qui sentent les mouvemens qu’elles expriment, il faut qu’ils fassent un tout agrea

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ble de la Musique, de la prononciation, & du geste, quand ils se donnent en spectacle : ce qui fait que lorsqu’un bon Comédien a la voix favorable pour le chant, il l’exévute à la satisfaction de ceux qui l’écoutent ; & son chant tranche si fort en bien avec celui des autres, que c’est une preuve incontestable de ce que j’avance. C’est un avantage pour celui qui chante, dans des endroits où l’on ne peut mettre le geste en usage, de pouvoir s’en épargner le mélange avec la voix ; car c’est le plus difficile à ménager dans l’action du chant ; parceque les mouvemens en sont oposés à la mesure de la Musique ; & il faut un grand goût pour les faire durer avec grace pendant l’intervalle de

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cette mesure ; de manière que le Spectateur n’aperçoive point de ontraste, ou une contenance immobile tres-desagréable.

On dira sans doute que toutes mes reflexions, suposé qu’on veuille m’en passer la nécessité pour bien chanter, ne regardent que le Recitatif, ou les grands airs où regne la passion. Mais que pour exécuter des paroles qui n’expriment que des pensées communes, telles qu’on en place sous des gigues, sous des menuets, ou autre Musique de mouvement, il n’y a absolument qu’à s’atacher à la note, sans s’ambarasser des expressions.

Il est aisé de répondre à cette objection. Car il n’u a point de ces paroles qui n’aient un caractère particulier, par ra

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port à la pensée qui les termine ordinairement, soit qu’elle roule sur la tendresse, soit sur l’infigelité, ou la constance, ou que ce soit une air à boire. Or tout cela est caracterisé différemment ; & si celui qui le chante ne l’anime suivant les regles que j’en ai données dans la Déclamation, je puis conclure qu’il ne chante point des paroles, mais des notes. Encore un coup, que l’on observe la manière dont les bons Comédiens chantent ces petits airs, on verra qu’ils demandent la même atention que les autres, quelque vive, quelque légere que soit la Musique, sous laquelle on a assujetti ces paroles. Je ne veux encore, pour prouver ma proposition, que faire remarquer le sentiment

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commun que l’on se fait de ceux qui composent ces petits airs. Un tel Musicien, dit-on excelle dans les airs à boire ; un autre fait de bons printems : cependant ils sont également forts dans la Musique. Qui peut donc les distinguer, si ce n’est que l’un fait mieux que l’autre disposer ses notes convenables à l’un de ces deux especes de paroles, dont le caractere est different de celui de l’autre espece ? Et c’est cette différence que je veux que l’on fasse sentir en chantant ; autrement l’on deviendroit fade ; on fraperoit l’organe avec justesse à la vérité, suivant les regles étables par la Musique ; mais on ne satisferoit point l’esprit, on ne toucheroit point le cœur de ceux qui entendroient chan

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ter. Je puis ajoûter que si l’on devoit seulement suivre la note, pour bien chanter, de la Musique apliquée sur des paroles sérieuses, & celle que l’on place sur des paroles comiques, devroient être chantées, devroient affecter également.Il est absurde de le penser : Il y a donc une action différente à donner à ces deux especes de paroles. Ainsi je onclus enfin que celui qui chante, doit entierement connoître le sens de ses paroles, pour leur donner, en conservant la justesse de sa note, les accens qui vonviennent à l’expression.

Je puis inférer de tout ce que j’ai dit sur le chant, que si celui qui compose, celui qui chante ont tant de connoissances à aquerir pour avoir du

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succès, que celui qui juge de leur ouvrage, & de leur action, le doit faire avec bien de la retenue ; puisqu’il doit avoir pour cela les mêmes connoissances, qui se rencontrent tres-rarement dans une personne qui a bien d’aures ocupations, que de s’appliquer à connoître les secrets de la Musique, & de l’action. Que ce particulier ne s’imagine pas que pour savoir un peu de Musique, il soit en état de juger du chant : que parcequ’il n’a point été affecté, l’expression ou la note ne vaut rien. C’est à lui-même qu’il doit s’en prendre. Il ne voit pas qu’il a un esprit épais, qui ne peut pénetrer le sens de l’expression ; qu’il n’a point de délicatesse de sentiment, pour être touché par une passion

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adroitement ménagée ; qu’il a l’organe trop grosseire, pour recevoir les tons touchans d’une agréable mélodie, é les acords d’une harmonie parfaite. Cependant que l’on ne présume point que j’interdise la décision à tous ceux qui ne savent pas la Musique : je serois injuste ; le goût suffit pour juger. Ce goût, qui est un sentiment de justesse que l’on a pour toutes choses suivant les regles les plus raisonnables, & les plus reçues parmi les hommes, peut se rencontrer dans toutes sortes de personnes. Et celui-là a le goût plus formé, qui aprofondit le plus, qui a l’esprit le plus délié, le sentiment le plus vif & le plus délicat. Il est vrai que tout homme croit que c’est là son partage, & que le plus

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pesant Juge s’imagine être le plus seur. C’est un malheur pour ceux qui se livrent au Public ; je l’ai déjà dit ; il est impossible de rencontrer le sentiment général ; & celui-là reüssit le mieux, qui en aproche le plus.

FIN.

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APROBATION

J’AI lu par ordre de Monseigneur le Chancelier, un Manuscrit intitulé, Traité du Recitatif, dans la Lecture, dans l’Action publique, dans la Déclamation, & dans le Chant. L’Auteur m’y a paru exact, & tres-versé dans la matiere qu’il traite. Ainsi je ne doute pas que le Public, qui avoit besoin d’un pareil ouvrage, ne le reçoive avec plaisir, & avec reconnoissance. Fait à Paris ce 17. Septembre 1706.

LAMARQUE TILLADET.

PRIVILEGE DU ROI.

LOUIS par la grace de Dieu Roi de France & de Navarre ; A nos amés & feaux Conseillers, les gens tenans nos Cours de Parlemens, Maîtres des Requêtes ordinaires de nôtre Hôtel, Grand Conseil, Prevôt de Paris, Baillifs, Senechaux, leurs Lieu

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tenans Civils, & autres nos Justiciers & Officiers qu’il apartiendra, Salut. note bien-amé le Sieur de GRIMAREST, Nous a fait exposer qu’il desireroit faire imprimer un Livre de sa composition, intitulé, Traité du Recitatif dans la Lecture, dans l’Action publique, dans la Declamation, & dans le Chant, s’il Nous plaisoit lui acorder nos Lettres de Privilege sur ce nécessaires ; A CES CAUSES, Nous lui avons permis, & mermettons par ces Presentes de faire imprimer par tel Imprimeur & Libraire qu’il voudra choisir, en telle forme, marge, caractere, en un ou plusieurs volumes, & autant de fois que non lui semblera, & de le faire vendre par tout notre Royaume pendant le tems de trois années consecutives ; à compter du jour de la datte desdites Presentes. Faisons défences à toutes sortes de personnes e quelque qualité & condition qu’elles soient, d’en introduire d’impression étrangere en aucun lieu de notre obeïssance, & à tous Imprimeurs Libraires, & au

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tres, d’imprimer, faire imprimer, & contrefaire ledit Livre en tout ny en partie sous quelque pretexte que ce soit sans la permission expresse & par écrit dudit Sieur Exposant, ou de ceux qui auroit droit de lui ; à peine de confiscation des Exemplaires contrefaits, de quinze cens livres d’amende contre chacun des Contrevenans, dont une tiers à l’Hôtel-Dieu de Paris, un tiers au Dénonciateur, & l’autre tiers audit Sieur Exposant, & de tous dépens, dommages, & interests ; à la charge que ces Presentes seront enregistrées tout au long sur le Registre de la Communauté des Imprimeurs & Libraires de Paris, & ce dans trois mois de ce jour ; que l’impression dudit Livre en sera faite dans notre Royaume, & non ailleurs, & ce conformément aux Teglemens de la Librairie ; & qu’avant de l’exposer en vente, il en sera mis deux Exemplaires dans notre Biblioteque publique ; un dans celle de notre Château du Louvre, & un dans celle de notre tres-cher & feal Chevalier Chan

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celier de France le Sieur Phelypeaux Comte de Pontchartrain, Commandeur de notre Ordre ; le tout à peine de nullité des Presentes ; Du contenu desquelles Vous mandons & enjoignons de faire jouir ledit Sieur deGrimarest Escposant, ou ses ayans cause, pleinement & paisiblement, sans souffrir qu’il leur soit fait aucun trouble ou empêchement. Voulons que la copie desdites Presentes, qui sera imprimée au commencement, ou à la fin dudit Livre, soit tenue pour bien duëment signifiée, & qu’aux copies collationnées par l’un de nos amés & feaux Conseillers & Secretaires, foy soit ajoutée, comme à l’Original Commandons au premier notre Huissier ou Sergens, de faire pour l’execution des Presentes, tous Actes requis & nécessaires, sans autre permission, nonbstant clameur de Haro, Chartre Normande, & Lettres à ce contraires ; Car tel est notre plaisir ; Donné à Versailles le troiséme jour d’Octobre, l’an de grace mil spt cens six, & de notre regne

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le soixante qutriéme, signé Par le Roi en son Conseil, DESVIEUX.

Registré sur le Registre N° 2 de la Communauté des Libraires & Imprimeurs de Paris, pag. 141. Nom. 304a conformément aux Reglemens, & notamment à l’Arrest du Conseil du 13. Aoust 1703. A pAris ce cinquieme jour d’Octobre mil sept cent six.

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Fautes à corriger

je soutens, pag. 42. lig. 7. lisez, le soutiens.

suspendre, pag. 82. lig. 21. lisez, soutenir.

sont précipités, pag. 95. lig. 13. lisez se sont précipités.

           

 

[1] Impression altérée.

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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