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1527-L'histoire et cronicque de Clotaire (Jean Bouchet) (41-60)

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quil eut revelation par ung ange, que le roy clotaire sefforcoit par plusieursfoiz de retirer saincte radegonde de religion. Mais quil ne le pourroit faire, parce quelle avoit este reservee pour ung autre espoux & mary. Laquelle revellation ledit religieux feit assavoir a ladite saincte : a laquelle il envoia une haire de merveilleuse & estrange facon. car le poil dicelle estoit dur & agu comme poinctes despines, & par la lectre quil luy escripvit, la conseilla laisser le lieu de sees, & quelle se retirast en la ville de poictiers. pour mieulx obvier qu premiers mouvement et a la fureur du roy. & aussi parce que audit lieu y avoit quelque petite assemblee & congregation de pucelles & femmes vivans religieusement selon la legende de ladite saincte quon list en leglise combien que sainct fortune & les autres historiens nen aient aucune chose escript Et semblablement se y retira aumoien de ce que audit poictiers y avoit lors ung bon & sainct evesque nomme Pien.

Commant dieu ala requeste de saincte radegonde feit miraculeusement croistre & monster lavoyne ainsi que le laboureur semoit. Chappitre. iiii :

SAincte radegonde fut joyeuse de veoir la tant doulce & consolative epistre du bon & sainct religieux, & ne se contenta de la lire une foiz. mais pour la bonne doctrine gratieux admonnestemens contenuz en icelle en feit plusieurs lectures. Et ainsi quelle se disposoit en ensuyvant le conseil dudit religieux de soy retirer apoictiers, oyt nouvelles certaines que le roy clotaire estoit pres dilec comme aussi estoit il a la verite. Car apres avoir eu bien regrete ladite saincte comme jay dit dessus par le conseil daucuns adulateurs obeissans a son appetit desordonne se mist a chemin pour aller a sees, faignant daller a chynon. affin de retirer a luy celle quil avoit tant amee De ce advertie saincte radegonde feit diligence de changer de demourance, & acompaignee de agnes & baudoyne ses servantes chargees de leur petit meuble print chemin pour aller audit poictiers. Et

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deux traitz darc dudit lieu de sees trouva ung laboureur qui semoit de lavoyne, auquel dist. Mon amy dieu vous doint bonjour tantost pourront passer par cy quelques gens qui vous interrogeront si vous avez veu aucuns passans : je vous pry respondez, que non depuis vostre avoyne ensemencee, & vous ne mentirez point. Et bien madame dist le laboureur : je le diray. Lesdites parolles dictes & prononcees ainsi que le laboureur eut paracheve de semer sa terre advinst miraculeuseument que ladite avoyne germa & creut en herbe si hault que ladite saincte & ses servantes (qui aperveurent le train du roy venir) se peurent musser dedans. Le roy clotaire cuydant surprendre ladite saincte audit lieu de sees estoit party bient matin de chinon. mais il ne la trouva. parquoy senquist ou elle estoit allee, & quel chemin elle avoit prins. Quelqun luy feit response quelle avoit prins le chemin de poictiers. Si feit diligence de la suyvir. & luy estant pres le laboureur qui par admiration regardoit son avoyne. luy demanda sil avoit veu passer personne. Lequel luy respondit que non depuis quil avoit seme son avoyne. Commant (dist le roy qui apperceut lavoyne ainsi haulte) tu te mocques de moy, il ya plus de trois mois que ceste avoyne est semee. non fais monsieur sauf vostre reverence, dist le laboureur. car na pas demye heure ainsi que parachevois de semer ce champ, est passe par cy une religieuse de grande stature & belle a merveilles qui ma charge vous faire ceste responce, & incontinant lavoyne est montee en la sorte que vous la voyez. Au regard de la religieuse ne scay quelle est devenue. & me doubte que ceste lespouse du roy clotaire qui se tient a sees. car ondit que aumoien de sa saincte vie dieu fait a sa requeste de grans miracles. Le roy clotaire ne se manifesta ne declaira au laboureur, & pensa incontinant que ce miracle avoit este fait par lauctorite & puissance de dieu pour luy donner a congnoistre quil ne vouloit que saincte radgonde fut distraicte de religion : A ceste cause retourna dont il estoit venu, deliberant la laisser vivre en celuy estat.

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¶ Et ladite saincte sen alla avecques sa compaignee a poictiers : et selon sadite legende se retira en la compaignee dautres religieuses qui estoient en ung petit monastere lors dedie alhonneur de nostre dame. & de present appelle le pas dieu. pour ung miracle qui y advinst comme on verra cy apres combien que sainct fortune sainct gregoire ne autres historiens dessus nommez ne layent escript. mais au contraire que ladite saincte congregea & assembla premierement religieuses audit poictiers avec lesquelles se reforma on monastere que leur feit faire le roy clotaire mais ces oppinions peuent estre accordees & vrayes. savoir est que ladite saincte se retira avec aucunes religieuses estans audit poictiers, & quelle les assembla avec grant nombre dautres ondit monastere que leur feit faire le roy clotaire. Or pour retourner au propos ledit roy clotaire craignant avoir affense dieu envoya tantost apres ladite saincte audit poitiers ung messagier avec la lettre commencant en latin. Carissima & dilectissima &c. que jay translatee ains quil sensuit. Ma treschere & tresamee compaigne les vehementes douleurs & angoisseuses destresses que jay soustenues depuis le piteux depart de nous deux, mont mis en si tres grande necessite, que nonn seullement les medicins mais plusieurs autres personnes participantes de mon secret, ont doubte de ma vie & espere mort prochaine en moy. si par vous nestoit secouru Aumoien dequoy par leur exortation & conseil me suis mis a chemin pour vous aller veoir en vostre ville de sees, ou je pensois vous trouver & avoir quelque consolation, ce que je nay fait. Et adverty que aviez prins chemin a poictiers deliberay vous suyvir. enquoy jay este empesche par evident miracle qui ma fait congnoistre dieu ne vouloir que je paracheve le demourant de ma facheuse vieillesse avecques vous Mais ue vous & moy vivons separeement, & que je suis indigne de tant saincte compaignee. Aceste cause affin de nencourir lindignation divine me suis diverty de telle entreprinse. Et ay prins deliberation arrestee de vous laisser vivre selon

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vostre entention que je congnois estre saincte et bonne.

vous priant ma treschere & tresamee compaigne me pardonner telle offense & prier dieu que ne sen courousse contre moy, et quil luy plaise me donner la grace de biengouverner mon royaume, et mes subgectz : de sorte que le ceptre & couronne ne soient a ma confusion & jugement comme ilz furent a nabugodonosor. Mais au salut de mon ame & au proffit de mon peuple Si tu voulez or ou argent pour faireediffier a poictiers ou ailleurs ung monaster ne differez le me faire savoir. Car je veulx & entends que tous mes biens vous soient habandonnez, bien adverty que les emploierez mieulx que personne de mon royaume. Etadieu ma treschere & amee compaigne. Auquel je prie quil soit garde de vous. Escript a tours ce xvii. jour de mars lan de grace. cinq cens. lviii.

¶ Le messagier trouva saincte radegonde en la ville de poictiers qui estoit logee, non au palais galienne, qui estoit le logis seigneurial de ladite ville. mais en ung petit tegurion dudt monastere de nostre dame. Et apres lavoir saluee luy presenta la lettre du roy clotaire quelle receut treshumblement, et pensoit bien avant les avoir leues que ce fussent maulvaises nouvelles. mais telle peur tourna soudain en liesse & consolation quant elle eut veu par la lecture dicelles le bon vouloir du roy : & quil sestoit desiste de son entreprinse dont elle rendit graces a dieu puis envoya au roy une epistre en latin commanceant. Vidi serinissime & illustrissime princeps &c. que jay cy translatee en francoys comme il sensuyt. ¶ Jay veu trescher & tresillustre prince la tresgratieuse lettre quil vous a pleu mescrire Laquelle ma donne consolation si tresgrande quil mest bien advis nen avoir onques eu de telle, & non sans cause. car par icelle suis asseuree que je faiz la volunte de dieu & vostre plaisir Au regard de mes molestes que vous dictes avoir pour lamoir de moy soustenues & pour mon absence : il semble que cest a tort. parce que je ne pense vous avoir fait chose pour laquelle me deussiez tant amer. Et si lennemy dhu

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maine nature (qui circuit & environne le monde pour tousjours en devorer quelqun) vous mect au davant des yeulx les sensuelles passions, & les delices de mariages, aidez vous de la partie intellective gouvernee par raison, qui vous monstrera clerement que ce sont choses abusives & plaines de douleur, et que servir dieu est une consolation merveileuse dont le fruict est si vertueulx et odorifferant quil rend tousjours au goust de la memoire une bonne esperance. Pensons davantage que si nous sommesseparez du lict pour ung petit de teps, quen servant & amant dieu nous vivrons ensemble perpetuellement en la joye incomprehensible de paradis. Et puis que de vostre liberalite par voste lettre mavez habandonne or & argent pour lediffice dun monastere. je vous supply monsieur quil vous plaise men faire ediffier ung en ceste ville de poictiers, ou jay delibere par laide de dieu & soubz vostre garde faire assemblee de religieuses & vivre avecques elles regulierement. Si ainsi le faictes aurez prosperite en toutes choses, et ferez ung sacrifice agreable a dieu. Lequel je prie vous donner la grace de faire les euvres par lesquelles & moiennant le merite de la douloureuse mort et passion de jesuchrist son filz puissez avoir paradis Amen. Escript a poictiers par vostre treshumble & tresobeissante radegonde Or fault il entendre que ondit temps Sainct ppien le corps duquel repose en leglise sainct pierre de melle estoit evesque de poictiers & avoit este esleu apres le deces dung autre evesque nomme daniel. Lequel pien receut honnourablement saincte radegonde audit poictiers, et la voulut loger en logeis sumptueux. mais mieux ama estre logee avec cinq ou six pucelles qui vivoient religieusement pres leglise cathedrale dudit poictiers. nonn quil y eust monastere convent ne abbesse. mais seulement une chappelle de nostre dame quon appelle de present le pas dieu. Si escripvit semblablement ledit sainct pien audit roy clotaire en faveur de ladite saincte pour & affin quil luy donast une palce estant pres ladite chappelle or & argent pour ediffier ung monastere come

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il est contenu en la legende dudit sainct pien.

Commant le monastere de saincte croix fut ediffie a poictiers & commant le chasteau de celles fut acquis alevesche dudit poictiers. chappitre. v

LE roy receut la responce que saincte radegonde avoit fait a sa lettre, de laquelle veoir fut tresjoyeux & aussi la lettre de sainct pien. & deslors delibera luy faire construire & ediffier ung monastere en la ville & cite de poictiers & icelluy doter Or est il que au retour de la seconde expedition & guerre quil avoit eue contre les saxons dont nous avons dessus parle il prinst en grace ung duc nomme austrapius Et selon quil est escript on xviii. chapitre. du quart livre de ladite cronique sainct gregoire durant le tems que le roy clotaire guerroioit les saxons, son filz cranus feit plusieurs molestes audit austrapius en maniere quil fut contrainct prendre franchise en labbaye sainct martin de tours en laquelle le feit si estroictement garder que homme ne luy ousoit donner que boire ne manger affin que presse de fain & soif il sortist horsde franchise. Et adverty le juge de la ville Que quelqun luy avoit porte de leaue en ung vaisseau se transporta soudain vers austrapius luy osta dentre les mains ledit vaisseau : le gecta contre terre & le brisa. dont il fut greifvement pugny, car la nuyt ensuivant mourut miserablement. Aumoien duquel miracle austrapius eut depuis assez dequoy vivre jusques au retour du roy clotaire qui le constitua en grant auctorite, & le feit lung des plus grans de sa court. Touteffoiz depuis se feit homme deglise par ladmonnestement dudit evesque sainct pien. & fut archiprestre en leglise de poictiers, ou selon ledit sainct gregoire ses diocesains luy furent assignez au lieu de celles levesquau que le roy clotaire luy donna avec le chasteau dudit lieu en actendant la mort dudit sainct pien evesque dudit poictiers duquel le roy luy avoit promis la despouille. mais il ne la peut avoir. car clotaire mourut avant sainct pien, & aribert lung de ses enfans qui fut roy de france ne le voulut permettre. mais fut evesque dudit poictiers a la requeste dudit aribert ung nomme pa

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scence lors abbe de sainct hilaire dudit poictiers, quoy voyant ledit austrapius se retira en son chasteau de celles, ou quelques gens que ladite cronique nomme teiffalles lesquelz il avoit autreffoiz grevez, sesleverent contre luy en armes, & fut occis dune lance Aumoien dequoy ledit chasteau de celles avec les habitans dudit lieu fut uny audit evesque de poictiers Et pour retourner a nostre principal propos durant le temps que austrapius estoit en la grace dudit clotaire et tantost apres quil eut receu la lectre de saincte radegonde dont nous avons dessus parle, il commanda audit austrapius lors duc et gouverneur de poictiers, & semblablement audit evesque sainct pien de faire construire & edifier audit poictiers ung monastere tel que ladite saincte le vouldroit diviser. Ce qui fut fait pres et joignant les murailles de ladite vielle non en peu de temps. car il ne fut parfaict & paracheve jusques six ou sept ans apres. Le comancement en fut fait lan cinq cens l.ix. & il fut paracheve deux ans ou environ apres la mort du roy clotaire qui deceda lan cinq. cens. lxiiii.

La forme de vivre tenue par saincte radegonde a poictiers durant letemps quelle feit ediffier son monastere. chapitre. vi.

Durant le temps quon ediffioit a poictiers le dit monastere sainte radegonde se tenoit a ladite chappelle de nostre dame en ung petit logis qui luy avoit este baille par ledit evesque sainct pien ou elle vivoit sainctement & dune merveilleuse austerite de vie avec ung petit nombre de religieuses qui estoient ilec assemblees come dit est. or come a este escript par sainct fortune depuis le jour que .saincte. radegonde fut voilee a soissons comme nous avons veu cy dessus jusques a la maladie delaquelle elle trespassa ne mengea chair poisson œuf pomme poire ne autre viande delectable. Mais seulement poix febves, choux & autres herbages avec du pain dorge quelle mesme mouloit & cuysoit pour soustenir sa vie Aussi ne beut, vin, biere, cervoise. mais eaue pure. Et des ce quelle fut audit poinctiers commenca faire de merveilleuses euvres dignes de memoire.

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ou elle persevera jusques a ce quelle fut recluse en son monastere qui fut unze ou douze ans apres. Car comme il est escript par lesditz sainct fortune, hildebert, maistre vincent de beauvais, antoninus & autres elle donoit aulmosne ordinaire a tous pauvres, debiles mendicans & mallades Et chascun vendredi & sabmedi de la sepmaine a ceulx qui estoient rongneux, teigneux, & maleficiez, lavoit mondiffioit, & nectoioit les testes & autres membres : de ses propres mains. & leurs playes arrosoit dhuiles aromaticques & aignemens delicieux. & quant ilz estoient mal vestuz & chaussez leur donnoit robbes & autres vestemens.

¶ Elle nourrissoit de delicates viandes les pauvres impotens & mallades leur torchoit bouche & mains, & tant que duroit leur reffection demouroit droicte davant eulx pour les servir : sans vouloir souffrir que ses servantes y missent les mains fors es choses quelle seulle ne povoit faire. Autant en faisoit chascun jour de dimanche, touteffoiz pour obeir au service divin apres quelle avoit servy les pauvres du premier service alloit a leglise & le surplus faisoit faire a sesdites servantes Et nest a oblier que entre autres pauvres elle avoit les lepreux en singuliere recommandatio: leur lavoit la face & leurs playes, leur donnoit argent & autres choses necessaires, & bient souvent pour mieulx les consoler baisoit les femmes pereuses plus voluntairement quelle navoit jamais baise le roy clotaire son espoux Quoy voiant lune de sesdites servantes luy dist madame commant vous mettes en ce dangier, qui est la religieuse qui doresnavant cous couldra plus baiser. Et elle respondit benignement, su vous ne me baises, il ne men chault : ce que je faiz est en la memoire du benoist jesus. Lequel apres quil eut este batu decrache & flagelle pour nostre salut mieulx ressembloit ung lepreux que ung homme sain.

¶ A brief parler cestoit une merveilleuse chose des operations charitables que faisoit saincte radegonde, qui navoit aucuns biens terriens, fors ceulx qui luy estoient donnez par le roy

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clotaire, & sigibert son filz lesquelz par la vertu divine multiplioient entre ses mains. Elle ne consoloit seulement les pauvres mallades de biens temporelz. Mais aussi de bonne & salutaire doctrine. Les reconfortant en leurs adversitez par bonne esperance davoir paradis apres les tribulations de ce miserable monde

Et quant quelque personne avoit apoustume ou autre infection sur son corps, voians ses servantes quelle habundoit en saincte cuilloient de quelque herbe & luy donnant entendre quelles en avoient affaire luy faisoient faire la benediction par dessus. Puis a son desceu la bailloient aux mallades. lesquelz incontinant quilz lavoient mise sur leurs playes se trouvoient gueriz.

Il advint ung jour ainsi que raconte sainct fortune, que quelque pauvre homme fut surprins de froit eticque que nous appellons contraction de membres, ou goute dont il estoit fort tormente Et apres avoit quis plusieurs remedes envers les medecins luy fut advis en son dormi quil sestoit recommande aux prieres de saincte radegonde, & luy avoit presente & donne une chandelle de cere. & que par ce moien avoit recouvert guerison a sante. Apres son reveil se feit porter vers saincte rodegonde, & icelle requist humblement quelle priast dieu pour luy ayant une chandelle en la main. mais saincte radegonde honteuse de tel honneur, par soy disant indigne de faire telle priere, le reffusa & sen alla dilec. Lune de ses servantes demoura & prinst la chandelle du ptaient quelle feit ardre toute la nuyt. et le lendemain il fut entierement guery.

Que dirons nous plus, foirs que la viande qui avoit passe par les mains de saincte radegonde estoit de telle vertuz que les mallades qui en goustoient guerissoient. & comme raconte sainct fortune il advenoit souvent que ladite saincte alloit visiter les mallades, ausquelz elle donnoit seulement une pomme & des ce quilz en avoient gouste & mange lappetit quilz avoient perdu leur retournoit, & venoient a convalescence.

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Commant le roy clotaire voulut secondement retirer de religion saincte radegonde. Chappitre. vii.

AInsi quon faoisoit lediffice du monastere de saincte radegonde audit poictiers et lan quil fut commance le roy childebert duquel nous avons dessus parle alla de vie a trespas sans hoire masle, qui fut selon la cronique de sigibert Lan cinq cens cinquante neuf. & fut son corps mis en leglise sainct vincent pres paris de present appelle sainct germain des pres laquelle il avoit fondee & dotte. Et parce fut le roy clotaire seul roy et monarque des gaules dictes france. Si pensa que saincte radegonde aumoien de ce quil estoit lung des plus grans princes de la terre retourneroit a luy plus volentiers quelle navoit voulu faire. Et luy qui la regretoit plus que jamais delibera la soustraire de religion. Enquoy aucuns de ses chambellains et domesticques par flaterie luy donnoient faveur & vouloir, disans. Il nous semble sire que le regret que vous avez de madame radegonde vostre espouse vous tient en ung merveilleux ennuy, & que par chascun jour devariez pour le deul que vous en prenez. Parquoy nous semble que mieulx seroit la rappeller a cous tant pour celle cause que aussi elle estoit aumoien de sa prudence & sage conduicte a vostre royaume tresutille proffitable & necessaire, & quelle pourroit plus meriter en lestat de mariage que en lestat de religion car quant il vous survenoit quelque gros affaire ny avoit homme en vostre court qui vous en sceust donner meilleur conseil Et nostre advis est tel que la devez rappeller aveques vous & luy oster vueille ou non le voile & habit de religion actendu quelle na encores fait expresse profession.

Le roy escouta voluntiers tel propos, parce quil approchoit de son singulier desir, & print ceste laterie & adulation pour bon conseil : comme font souvent les princes qui veulent estre conseillez selon leur oppinion bonne ou maulvaise A ceste cause pour mettre ceste entreprinse a execution se transporta en la ville de tours

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pour dilec aller a poictiers. Avecques luy estoient son filz sigibert, sainct germain evesque de paris & plusieurs autres princes & seigneurs & entre autres y estoient ceulx qui luy avoient donn ce faulx et damne conseil.

¶ Le bruit de ceste deliberation fut si grant quil vinst ala notice de saincte radegonde Laquelle incontinant prinst plume ancre & papier & rescripvit a sainct germain lors estant avec le roy la lettre qui sensuyt.

¶ Monsieur de paris je me recommande a vous tant comme je puis, je scay certainement par lexecution de plusieurs bonnes operations que journellement vous faicte en ce royaume, que sur toutes choses amez & craignez dieu, & ne vouldriez daire ne conseiller acte qui fust contre son vouloir & commandement Touteffoiz jay sceu que vous acompaignez le roy en ung voyage fort dangereux pour son salut & amoy par trop dommageable, et que ja vous estez a tours pour venir en ceste ville de poictiers me distraire et separer de celuy que jay solennellement espouse en face de saincte eglise par lentree & susception de sacree et vraye religion cest nostre saulveur & redmpteur jesus. pour une autreffoiz me soumectre a ung roy terrien, dont tresfort je mesbays, car je ne puis croire que vous qui estes tant bien extime, & qui menez vie saincte & parfaicte que vous aiez donne faveur consentement ne conseil a telle entreprise veu que bien estes adverty que de lexpres consentement du roy Jay fait le veu de religion, et y suis entree. Craint il point irriter le souvrain dieu qui le peut adnichiller et destruire quant il luy plaira par la prophanacion si scandaleuse quil veult faire. Pense il point de quelle mort il feroit mourir ladultere qui luy vouldroit par force tollir et ravir sa vraye et legitime expouse. Congnoist il point que dieu veult que je le serve, & non luy par le signe de lavoyne quil trouva alyssue de sees ainsi quil me

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poursuyvoit. luy qui est roy veut il venir contre son faict Scet il pas bien que je lay laisse par son congie permission et licence. Il me fait bastir & ediffier ung monastere pour y vivre religieusement, & maintenent men veult distraire Qui le meut a faire telle entreprinse fors le diable pour le danner, & me troubler. A il pas de tant beaux enfans pour recuillir sa sucession sans plus sercher le vray fruict de mariage. A il pas assez aage pour soy contenter de femme. Scet il point que luxure combient quelle soit a toute aage vilaine, & est neautmoins a viellesse tresorde & ignominieuse. Helas il devroit maintenant faire penitence puis quil se veoit si pres de ses derniers jours, & il serche ses delectations charnelles : il devroit tenir le regime despargner sa debile vieillesse pour plus longuement vivre. & il sefforce trouver les moyens pour adnichiller extenuer & debiliter son corps, je vous pri tant que je puis m(onsieur de paris & par lamour que vous avez a dieu nostre createur quil vous plaise luy remonstrer toutes ces choses & autres comme scaurez bien faire. Et oultre ladvert[i]r quil ne me tirera hors de religion ou je suis entree de mon expres consentement que par martire, & quil ne sefforce faire chose dont il acquiere le nom dung tirant. Et a dieu monsieur de paris qui vous doint tousjours sainctement vivre Escript en vostre petit oratoire par la vostre pauvre religieuse Radegonde.

¶ Ceste lettre ou epistole que jay trouve en substance escripte es euvres de sainct fortune fut diligenment portee a sainct germain estant a tours avecques le roy. Et apres lavoir veue, & au long entendue sans intermission alla au logeis du roy davant lequel il se prosterna de genoux luy dist. Sire jay presentement receu de madame radegonde la plus pitieuse lettre quon sauroit veoir. Elle a sceu & entendu que par mauvaiz conseil avez delibere la retirer de son monastere, & de la religion ou elle est dediee. elle vous prie par moy on nom dieu le tout puissant quil vous plaise changer vostre propos, & la laisser vivre en icelluy estat

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Le roy feit lever sainct germain & voulut veoir la lettre de saincte radegonde laquelle veue les lermes luy tumberent des yeulx grant habondance. et apres avoir eu contante ses yeulx de plourer gecta ung grant souspir, & dist a sainct germain. Mon pere mon amy je suis en la plus grande perplexite du monde, je pensoie que les grans royaumes & seigneuries empeschassent les hommes davoir des douleurs & angoisses . mais je voy & congnois que tant plus ellescroissent & plus elles tiennent les gens en subgection. jay tant de biens que que je ne scay quen faire mais je nay ne puis avoir ce que desire mon cueur : qui est la reconciliation dune dame radegonde la plus honneste, humble, amiable, affable, consolative, prudente, & la plus parfaicte dame que je congneuz jamais je lauray bien si je veulx. mais je crains de desplaire a dieu qui est sur moy. je vous prie mon pere mon amy que me conseillez ce que je doy faire. Sainct germain luy respondit. Sire puis que de vostre expres consentement ceste noble dame est entree en religion et quelle a fait en icelle profession exprese elle est a dieu sacree & dedie : voire expousee spirituellement avecques ung plus grant roy que vous : cest le benoist saulveur & redempteur jesucrist. Et ne pourriez la soubstraire sans commettre sacrilege et faire contre dieu une trop grosse offense car ce seroit resister au sainct esprit par le conseil duquel elle a change la vie active en la contemplative Parquoy vous conseille que si pour lhonneur delle & sa devotion ne voulez aucune chose faire, que faciez pour lhonneur & reverence du bon jesus son espoux. Le roy oye loppinion de sainct germain changea son propos & publicquement recongneut quil avoit mal fait, promettant a sainct germain quil laisessroit vivre saincte radegonde en son estat de religion sans jamais len soubstraire ne rappeller. & le chargea aller faire ses excuses envers elle a poictiers : & le recommander tresfort a ses bonnes & sainctes prieres en disant telles parolles. Vous direz a ma bien amee rade

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gonde, puis que je ne suis digne de demourer avec elle par mariage que je la prie quelle soit tousjours avecques moy par bonne souvenance, & quelle soit mon advocate envers son nouveau mary jesus. Sainct germain feit le commandemant du roy & se transporta deslors a poictiers vers saincte radegonde quil trouve en fond oratoire fonde de nostre dame. selon lhistoire de sainct fortune. Alaquelle il dist & declaira le vouloir du roy dont elle fut tresjoyeuse Et apres quilz eurent parle ensemble de plusieurs bonnes choses et quil eut visite le monastere quon ediffioit. sen retourna vers le roy Lequel il anima pisffort quil navoit este. De parachever ledit monostere & de faire de biens a ladite saincte Ceulx qui avoient faulsement conseille au roy de substraire ladite saincte de lestat de religion commancerent a murmurer et dire quil ne failloit a lappetit dung seul homme laisser le conseil de plusieurs. Dont ilz furent par le jugement de dieu griefvement pugniz. car ainsi quil est escript par ledit sainct fortune, aucuns deulx moururent enragez et hors du sens, & les autres dune piteuse mort, car les boyaux leur tumberent par le bas. A ceste cause deslors enavant ny eut personne que ousast plus parler de faire rappeller saincte radegonde Laquelle par les oumosnes du roy clotaire & de ses enfans faisoit tousjours aller enavant lediffice de son monastere ou elle prenoit une merveilleuse peine, & congregeoit & amassoit jeunes pucelles quelle faisoit voiler & les nourrissoit en une partie dudit monastere. Et ce neautmoins ledit clotaire a la requeste de ladite saincte fonda une autre eglise en lhonneur de nostre dame hors les murs dela ville de poictiers & apres ledit monastere. laquelle eglise il feit ediffier & y mist prieur & clers pour faire le divin service ausquelz il donna la ville de vouilhe et ses appartenances avec autres choses comme il est contenu es lettres du tresor dicelle eglise en laquelle ladite saincte fut ensepulturee & y est encores son corps Aucuns pourroient dire que ce fut elle qui la feit ediffier & que son testament lequel sera cy apres insere

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en donne quelque conjecture a quoy lon peut respondre que realement elle feit ediffier ladite eglise mais ce fut par le commandemant dudit roy clotaire et a ses despens. La lettre faisant mencion de ladite fondation & dotation commance Clotarius filius clodovei nuper rex successione modo galiaque monarcha. &c. & dit lon que cest son testament.

Commant clotaire feit mourir son filz cranus sa femme et ses enfans. Chappitre. viii.

IL a este cy dessus parle de cranus lung des enfans du roy clotaire. Lequel selon la cronicque dudit sainct gregoire on xiii. chappitre du quart livre estoit mavais inique & pervers. car en premier lieu il namoit son pere & ne luy portoit reverence. mais au contraireprenoit aliance & confederation avecques ses ennemys mortelz, il navoit amour ne dilection a personne dont il peust avoir ne prandre bon conseil. ains nourrissoit avec luy jeunes gens plains de vices. venuz & yssus de lieux rosturiers & mecaniques, avecques lesquelz il contraignoit les grans seigneurs des pays dauvergne & lymousin ou il se tenoit : a marier leurs filles, il estoit oppresseur de pauvres gens et avoit entre autres pres de sa personne ung nomme leon de poictou. lequel selon ladite cronique on xvi. chappitre. dudit quart livre. le conseilloit & favorisoit en la perpetration de tous ces maulx. Et fut celuy qui par gaudisserie dist que sainct martin & sainct marcial navoient rien laisse qui fust bon & utille au bien publicque. dont il fut tantost apres griefvement pugny. Car par la vertu & puissance divine il devint sourt & muet, & depuis mourut hors du sans. Si persevera cranus en ses maulvaises conditions, et feit une grosse guerre au roy clotaire son pere par layde de courbault soy disant roy dacquitaine, ou cranus fut desconfit & tourna en fuyte vers bretaigne, illec droissa par mer et terre une grosse armee contre sondit pere avec le duc dudit pays de bretaigne. dont mal luy prinst car le roy clotaire bient acompaigne de bons et vaillans gensdarmes alla le sercher jusques au nyc, & le desconfit & son armee

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puis le feit brusler semblablement sa femme & ses enfans & ung petit tegurion affin que ce fust perpetuel exemple a tous peres & enfans

¶ Commant le roy clotaire passa par javarsay en retournant du pays de bretaigne. & illec vy sainct junian grant amy de saincte radegonde. Et commant il mourut tantost apres. Chappitre. ix.

AU temps que saincte radegonde se retira en la ville de poictiers vivoit ung sainct homme de religion nomme Junian. qui faisoit sa demourance en ung monastere pres javarsay distant dudit poictiers de huyt ou neuf lieues Il estoit natiff de poictou dun lieu nomme brioux, & extraict de nobles parens. Et aumoien de son grant savoir, & de la sainctete de sa vie : saincte radegonde le faisoit souvent aller a poictiers pour se confesser a luy et se conseiller du faict de son ame. aussi luy faisoit de grans biens & dura ceste familiarite jusques a leurs deces qui furent en mesmes jour & heure comme nous verrons cy apres Or est il que le roy clotaire en retournant du pays de bretaigne passa par ledit lieu de javarsay, ou quelques mauvaises gens envieux de la prosperite & sainctete de ce bon abbe junian rapporterent faulsement & contre verite au roy que luy & ses religieux surprenoient par chascun jour sur son dommaine. Aumoien dequoy le roy envoya querir ledit abbe. Lequel se mist a chemin, avec deux de ses religieux ayant ung baston en sa main pour le soustenir. Et tant feit quil parvinst jusques davant le roy. Touteffoiz ainsi quil se approchoit de luy se advisa pour la reverence de la mageste royalle delaisser son baston, lequel baston demoura tout droit en la place sans aucun apuy. Quoy voyant le roy pensa que cestoit ung sainct homme, & parce le receut humainement avec grant honneur & reverence. Et apres quil eust longtemps parle avecques luy & quil eut sceu la verite du faict don on le chargeoit, le roy luy donna ce que les faulx accusateurs luy vouloient oster & plusieurs autres terres. lesquelz accusateurs

[49r]

en furent griefvement de dieu pugniz. car eulx & tous ceulx de leur posterite en ont eu en leurs personnes certaine malladie en la gorge qui encore dure comme ondit. le roy clotaire ne voulut passer par poicteirs doubtant faire desplaisir a saincte radegonde & aussi denter en ses premieres erreurs, & sen alla en la ville de tous ou il feit de grans oblations en leglise monsieur sainct martin, & ainsi quil est contenu on xxi. chappitre du quart livre de la cronicque sainct gregoire, luy estant davant le feretre ou tilbeau dudit sainct recongneut par grant contriction & en abundance de lermes les pechez crimes & delictz par luy faictz, & les faultes par luy commises le temps passe. Protestant de mieulx & plus justement vivre, & priant ledit sainct quil fust son intercepteur envers dieu pour obtenir grace & remission de ses meffaiz Son oraison faicte retourna a soissons ou il faisoit sa principalle demourance. Et tantost apres alla chasser en la fourest de coincy, ou il courit & traveilla oultre & par dessous la puissance de sa veillesse. Aumoiuen dequoy la dievre le prinst : & dillec sen alla griefvement malade en la ville de ompiegne ou luy estant torment de sa fievre mortelle commanca a souspirer & dire tout hault O que grande est la puissance du souverain dieu qui fait mourir & vivre quant il luy plaist tous les roys & princes de la terre. je prie icelluy dieu quil luy plaise avoir pitie de ma pauvre ame & me remettre & pardonner les offenses que jay contre luy faictes. En disant ces parolles il rendit lesprit & fut son corps honnourablement inhume & ensepulturer en leglise sainct medart de soissons lan de nostre salut cinq cens soixante quatre par ses quatre filz & heritiers. savoir aribert autrement dit theobert selon aucuns, & selon la cronicque sainct gregoire, cheribert, goutran, chilperic et sigibert. Lesquelz partirent et diviserent entre eulx tout le royaume de france en la forme & maniere quil avoit este party & divise entre le roy clotaire & ses freres

[49v]

Du roy aribert et de sa fille qui fut religieuse avec saincte radegonde, commant chilperic fut le viii. roy de france, et de son frere sigibert. Chappitre. x.

INcontinant apres le trespas du roy clotaire, & avant que partage fust fait entre ses enfans. Chilperic qui nestoit laisne trouva moien de retirer a luy les tresors de son pere et moiennant iceulx de gaigner les plus grans seigneurs de france Lesquelz lestablirent & constituerent roy & luy feirent prendre possession de paris qui est le siege capital dudit royaume, ou peu il demoura. Car tantost apres luy & sesditz freres partirent tout le royaume en quatre parties. Paris demoura audit aribert. Orleans et toute acquitaine a gontran. Soissons & tout le pais de picardie a chilperic & metz avecques tout ce quilz avoient en austrie & bourgongne a sigibert.

¶ En ce temps mourutsainct pien evesque de poictiers par quoy austrapius dont nous avons dessus parle voulut avoir ledit evesche mais le roy aribert ny voulut donner consentement et fut evesque pacencius lors abbe de labbaie de sainct hilaire dudit poictiers qui vesquit ung an seulement et apres pacencius maroneus eut ledit evesche, & iceluy tinst par plus de vingt et cinq ans. Austrapius qui lors estoit archiprestre apres quil eut fait parachever le monastere de saincte radegonde se retira a celle levesqueau, ou estoient ses diocesains & deux ou trois ans apres fut ilec occis comme il a este dit cy dessus. Peu de temps vesquit le roy aribert qui estoit fort lascivieux & mal condicione parquoy nest faicte aucune mencion par les cronicques de ses facitz et gestes il eut une fille nommee chrodielde qui le survesquit & depuis fut religieuse audit poictiers on monastere de saincte radegonde dont apres le trespas de ladite saincte il advinst grant secandalle ondit monastere comme nous verrons cy apres. Parce que chilperic estoit le plus aage apres aribert, il luy succeda quant a la couronne de france et le surplus des autres terres que tenoit

[50r]

ledit aribert & aussi ledit cilperic furent divisees entre les autres deux freres Et par leur appointement le roy goutran laisa au roy sigibert les pays de touraine & poictou quil tenoit auparaant selon ledit sainct gregoire on xlvii. chappitre du septiesme livre de sa cronicque. Or est il que sigibert voiant que son frere goutran estoit fort scandalize aumoien de sa libidineuse & sascivieuse vie jacoit ce que en autres choses il fut extime vertueux eut en horreur telle forme de vivre a ceste cause voulut estre marie & espousa une des filles de athanagille roy despaigne nommee brunechilde. Chilperic espousa lautre nommee selon gaguin galsonde. & selon ledit sainct gregoire glassunite. Laquelle chilperic feit depuis mourir a la suggestion de fredegonde sa concubine Et selon ledit gaguin apres le trespas de ladite galsonde il espousa audouere, de laquelle il eut trois enfans savoir est theodobert meronee, & clodovee. Touteffoiz selon ledit sainct gregoire chilperic espousa audouere avant galsonde & la repudia par la frausuleuse malice de fredegonde qui depuis fut femme espouse de celuy chilperic.

Commant saincte radegonde reffusa estre abbesse de son monastere et voulut par humilite que lune de ses servantes le fust, et de deux epistres concernans les previleges dudit monastere. Chappitre. xi.

EN retournant a nostre principalle matiere & acordant la cronicque dudit sainct gregoire avecques sainct fortune je treuve que incontinent apres que saincte radegonde eut paracheve lediffice de son monastere en la ville de poictiers et recuilly en iceluy grant nombre de jeunes pucelles des plus groses maisons de france jusques au nombre de cent elle assembla pacencius lors evesque dudit poictiers & plusieurs autres gens deglise pour donner ordre a son monastere & y mectre une abbesse ce quilz feirent, et ordonnerent a la requeste de toutes les religieuses que saincte radegonde seroit abbesse, ce quelle ne voulut accepter

[50v]

Et congnoissant les vertuz dune sienne servante religieuse nommee agnes pourchassa de la faire abbesse et le fut du consentement de toutes lesdites religieuses il est contenu en la legende sainct pien que ce fut richilde. mais je croy plus lepistolle de saincte radegonde quelle feit pour la confirmation des privileges dudit monaster cy apres incorporee que celuy qui a fait ladite legende sainct pien Combient quil peut estre que richilde fut abbesse apres ladicte agnes Quoy que en soit ce fut grant humilite a saincte radegonde de vouloir vivre soubz lobedience de celle dont elle estoit dame & maistresse mais cestoit pour tousjours plus meriter Et avant que se renfermer du tout ondit monastere pour tousjours plus le decorer & perpetuer feit ladite epistolle en latin quelle envoia a tous les evesques leglise galicanne quoiquessoit a la pluspart diceulx et est au lon inceree on xliiiv. chappitre du ix. livre dela cronicque sainct gregoire aussi lay veue en une carte en forme autenticque on tresor dudit monastere saincte croix et se commance domnis sanctis et apostolica fede &c. Et icelle epistolle ay translatee de mot a mot ainsi qui sensuit.

A reverends peres en dieu messieurs les saincts et tresdignes evesques du sainct siege apostolicque radegonde pecheresse salut Le commancement de toute congrue et utille provision tend a son effeit lorsque la cause du parc commise aux inferieures & particuliers pasteurs est par leurs generaulx & superrieurs traictee et par leur bon sens recommandee. Par la participation desquelz vient de charite conseil de puissance suffrage, et de oraison intercession envers dieu Et parce que le temps passe par la providence inspiration et clemence du souverain createur Jay habandonne lestat mondain. Et moiennant la conduicte du benoist redempteur jesus de ma propre volunte prins et esleu lestat de religion, cogitant auprofit et utilite de mes seurs les autres religieuses affin que mes desirs profitassent par le commandement institucion et ordonnance de tresexcellent et tresillustre prince

[51r]

Clotaire roy de france, jay construict & ediffie ung monastere pour les religieuses estans et qui seront en la cite de poictiers Lequel des dons a moy faictz & eslargis de la liberalite & magnificence roualle jay dote. Et en oultre es religieuses congregees en icelluy ordonne garder & tenir la reigle que monsieur sainct cesate jadis arcevesque darle en provence avoit colligee & assemblee des institutions & ordonnances des saincts peres. Et du consentement de levesque de pictiers & autres saincts evesque par election faicte de toutes mes autres seurs institue abbesse dame agnes par moy nourrie de son jeune aage comme ma fille en me somectant totallement apres dieu a lordonnance & volunte dicelle. Et tant mes seurs que moy voulans imiter & suyvir la vie des saincts apoustres avons habandonne toutes noz possessions par instrumens baillez & livrez sans aucune chose en retenir. Mais veu que le temps des hommes est incertain et que de jour en jour le monde tend a sa fin & aussi que plusieurs pour acomplir leur propre vouloir laissent la divine volunte, duicte dun divin zele a vous les evesques dessusnommez presente ceste pagine contenant ma persuasion & requeste. Et parce que par humilite le faitz de tout mon povoir par ceste epistre. en vous priant & conjurant de par le hault & souverain dieu le pere le filz & sainct esprit. & par la craincte du grant & final jugement, ou quant seres presentez puissez estre du grant roy couronnez comme victorieux contre le tirant infernal Que si apres mon trespas aucun fust levesque dudit oictiers ou autre seigneur ou prince & personne quelconque vouloit (ce que ne croyons) perturber la congregation desdites religieuses ou autrement par impulsion & force judiciaire sefforcer rumpre la reigle a elles baille, & mettre autre abbesse que celle qui sera esleue conaniquement par lesdites religieuses, ou excercer seigneurie & domination ondit monastere, ou par ung desir sacrilege applicquer a sa propriete les biens donnes audit monastere

[51v]

par ledit tresexcellent roy clotaire & par ses enfans roys de france, ou de ceulx que moymesme y ay donnez par permission & commandement dicelluy tresexcellent roy Lequelles donatios jay depuis fait confirmer emologuer & decreter par sesdits enfans aribert goutran chilperic & sigibert : moiennant leurs sermens & subscriptions manuelles, ou de ceulx que mesdites seurs ou autres auront donne audit monastere pour le salut de leurs ames. Les offenseurs & perturbateurs par le moien de vostre sainctete & de voz successeurs & a ma supplication par la volunte de jesucrist encourent l jugement de dieu, & comme depredateurs & spoliateurs des pauvres soient mis hors sa grace & compaignee. et aussi ne puissent diminuer ou changer aucune chose de ladite reigle ne des biens donnez audit monastere. Et avec ce vous supplie que apres le trespas de ladite abbesse dame agnes celle soit ordonne abbesse & non autre qui sera dudit monastere et qui par ses bonnes euvres sera plus plaisante a dieu & a toutes les religieuses dudit monastere, & qui bien saucra & gardera la reigle de religion sans en diminnuer aucune chose & sans user de sa propre volunte Et si aucun (que dieu ne permecte) vouloit enfraindre le commandement de dieu & lauctorite impartie & donnee par les roys susditz en sefforceant venir contre les choses susdites, encoure le jugement de dieu de la glorieuse vierege marie & des benoistz confesseurs sainct hilaire & sainct martin. lequelz je laisse protecteurs & deffenseurs apres dieu de mesdites seurs. Et cous conjure & supplie vien eureux evesque de poictiers, & vous les autres evesques subditz Lesquelz je faitz patrons en ceste cause, qui est la cause de dieu Que si aucuns sefforcent venir contre les chose susdites. Vous plaise rappeller et confondre iceulx ennemys de dieu, & les tirer devers le roy ou aux gouverneurs et justiciers de la cite de poictiers pour iceulx ennemys faire disister de leur maulvaiz et damnable porpos. Semblablement prie les princes que dieu permettra vivre apres moy pour le gouvernement du peu

[52r]

ple, Et les conjure de par le roy eternel qui jamais naura fin par la voulunte duquel tous royaules ont estre, et qui a tous roys donne vivre & regner. Que ce monastere lequel jay ediffie et dote par la permission et ala consolation des roys leurs peres & progeniteurs veulent avoir en leur garde et tuition, & de leurs parolles commander estre gouverne. Non permettans ledit monastere et les appartenances diceluy estre molestez, ne aucunement diminuez ou chargez. Affin que par eulx et leurs benoistz evesques (ausquelz je le recommande) soubz leur solicitude et curiosite. soit ledit monastere entretenu en droicte conversation de religion selon nostre institution & ordonnance. Sans ce que aucun presume destruire les sainctz statuz, droitz canons choses et facultez ecclesiasticques. Et si paravanture aucun le presumoit faire soit mis hors par le jugement du sainct esprit de la communication de saincte religion de leglise de dieu et de la compaignee de tous bons crestiens jusques a ce quil congnoisse son peche par la transgression de nostre ordonnance, & que par satiffaction il aye fait penitence publicque, affin quen deffendant les erviteurs de dieu soient associez on royaume des cieulx avec le dgenseur des pauvres & espoux des virges Aussi vous prie messeigneurs les saincts evesques et roy tresexcellens semblablement tout le peuple crestien, & vous conjure tous ensemble par la foy catholicque en laquelle estez baptisez Et par laquelle vous conervez les eglises que apres mon trespas soit mon corps inhime en leglise que commancee avons a ediffier a lhonneur et reverence de la glorieuse vierge marie mere de dieu, ou ja plusieurs de nos seurs sont ensevelies, soit ladicte eglise parachevee ou non. Affin que par lintercession de vous mondit corps puisse obtenir lieu avec la congregation de mes autres seurs en ladicte eglise. Et si aucun le vouloit empescher. Prions dieu que par le mostere de la Croix

[52v]

et intercessions de la glorieuse vierge marie il encoure la vengence & vition divine. et vous prie en lermes & pleurs que ceste mienne supplication en la quelle me suis soubscripte de ma propre main soit gardee on commun escrin et forcier de mondit monastere. Affin que si on temps advenir labbesse ou religieuses diceluy monastere vous requeroient leur donner. scours & defenses contre leurs perturbateurs vous plaise leur donner de vostre misericorde & solicitude, pastoralle aide et confort, de sorte quelle ne se dient estre delaissees de vous que estes leur defense et garde vous suppliant outre ainsi que sainct jehan levangeliste acomplit le commandement de dieu quil luy feit en larbre de la croix quant il luy bailla la garde & defense de la glorieuse vierge marie sa mere que semblablement vous plaise acomplir & garder ceste ordonnace : Laquelle je indigne vous presente comme aux vraiz pasteurs de leglise constituez en dignite. Affin quen la gardant & acomplissant puissons tous ensemble estre participans des celestes remuneracions. Amen.

¶ Ladite epistre fut escripte en une grant peau de parchemin & soubsignee par saincte radegonde qui lenvoia a plusieurs evesques & archevesques de france qui semblablement en lapprouvant la soubsignerent. puis nagueres jay veu ladite epistre on monastere deladite saincte audit poictiers en forme de carte en une grant peau de parchemin tresbien escripte en lectre antique. Et est signee radegonde maroneusevesque de poictiers madame radegonde presente, gregorius arcevesque de tours medardus evesque de soissons, germanus evesque de paris, elegius evesque de noyon pacencius evesque, leodonnus archediacre, austrapius achiprestre & sanson archiprestre Touteffoiz il fault cy noter que sadite carte ou epistre ne fut ainsi signee en ung temps ne en une annee. Car lors quelle fut faicte pacencius estoit evesque de poictiers qui la signee, & depuis maroneus la signee lors quil fut aussi evesque dudit poictiers qui fut apres le trespas de pacencius, aussi

[53r]

gregorius nestoit lors arcevesque de tours, mais lestoit enfronius lequel et autres evesques rescripvirent une autre epistre a ladite saincte confirmative de la precedente de laquelle la teneur sensuit. Et se commance en latin comme il est contenu on xl chappitre. du ix. livre de ladite cronicque sainct gregoire. domine beatissime et in christo.

¶ Atresheureuse dame en dieu radegonde fille de leglise Enfronius pretextatus germanus felix victorinus et donnolus, evesque rendrent salut. Les remedes de pourvoir au genre humain sont journellement silicitez & veuz par lumineuse divinite, & ne sont esloignez par le temps ne lieu de lassiduite & continuation de ses benefices dautant que le piteux arbitre & jude de toutes choses a plante en leritage de acclesiasticque culture telz loboureurs quilz ont le champ dicelle par vigillante operation du soc de foy si bien laboure que le fruict en est pervenu au bien eureux revenu de cent bonnes religieuse aussi la proffitagle pourvoiance de sa benignite est si grande diffuse quelle ne denye ce quelle congnoist estre proffitable a plusieurs personnes lesquelles lors quil viendra juger les vifz et mors il couronnera de la couronne de gloire. Nous avons mémoire lors que la venerable foy commanca respirer es gaules par catholique religion et que les ineffables sacremens de la divine trinite estoient parvenuz a la notice et congnoissance de peu de gens que le bon dieu par le conseil de misericorde pour la illumination du pays. Voulut bien y diriger sainct martin de generacion peregrine, lequel combien qui fut du temps des apostres ne fut portant esloigne de la grace apostolicque. Car ce qui luy deffaillit en lordre luy fut supploye en loyer & enteceda par merites la subsequence de son degre Et sommes joieux tresreverent fille dont nous voions eslever en toy par divine inspiration les exemples de supernelle dilection qui estoient on bon sainct martin. Car en la declinante viellesse du temps de ce siecle par la bataille de ton sens la foy reprend la nouvelle fleur

[53v]

de vie et la debile antiquite qui par une douleur endormie sestoit refroidi sest de rechief par ardeur de fervent courage eschaufee mais puis que tu es venue presque dun mesme pays que sainct martin, nest de merveilles si tu le ressembles en ces euvres Lequel nous croions avoir este la conduicte de ton chemin veu que tu as ses vestiges par eureux propos enfuyuiz et iceluy fait compaignon de toy en ce que tu as laisse les richesses de ce monde : Par la lumiere de laquelle oppinion les oyans ont este tellement submis que les courages des pucelles indifferemment provocquez et inflames de lestincelle du divin feu se sont avancez comme couvoiteux de la charite du bon jesucrist destre arrosez de la fontaine de ton pur cueur et leurs parens laissez et habandonnez te ont choisie mieulx que leur mere ce que grace a fait & non nature. A ceste cause voians le desir de ceste estude avons rendu et rendons graces a la supernelle clemence de ce quelle fait conjoindre a sa volunte le vouloir de ses humaines creatures car par toy congregees. Et parce que nous avons trouve aucunes vierges de nous territoires par la divine propiciacion estre par ung grant desir a linstitucion de ta reigle convollees regardans lepistre de ta pticion par nous voluntiers receue, avons cecy confirme soubz lauctorite de jesuchrist, affin que celles qui sont convenues et assemblees pour demourer en la charite de dieu gardent inviolablement ce quelles ont de leur liberal courage prins et accepte. Cat tesmong le ciel la foy a dieu promise, ne doit estre contaminee. Et ordonnons deffinitiviment que si aucunne a merite estre associee on monastere de la cite de poictiers qui nous est par providence divine sacerdotallement submis pour y vivre selon la reigle par sainct secare evesque darle constituee nen puisse jamais sortir ne aller hors affin que ce qui reluyt publicquement par honneur par le villain crime dune seule ne tourne en eternel reproche & scandale. Et parce si aucune que dieu

[54r]

ne veuille. Vouloit sa discipline gloire et couronne precipiter an la maculle de si grant approbre et par le conseil de son ennemy comme feit esve se souffroit mettre hors de son cloistre comme digne destre plongee & conculquee en la ville vouhe des places publicques voulons quelle soit separee de nostre communion et frappee de la cruelle playe de excommuninement et anathematisation tellement que si dieu delaisse elle vouloit par linstigation du diable se marier non seulement elle, mais aussi celuy adultere et sacrilege qui lespouseroit et ceulx qui en ce les conseilleroientconduiroient soient anathematisez & mauldictz de dieu jusques a ce que apres la separation faicte soit la religieuse remise par competente penitence au lieu dont elle estoit sortie Adjouxtant oultre que si noz successeurs vouloient souffrir et promectre le contraire de contester avecques eulx davant le juge eternel car la commune instruction de salut est garder inviolablement a jesuchrist ce qui luy est promis. Et affin que ce present decret de nostre determination soit perpetuellement durable nous lavons soubscript et signe de noz propres mains.

Commant saincte radegonde envoya querir porcion de la vraie croix jusques. en constantinople que ne voulut recevoir levesque maroneus, et dun miracle fait sur la mer par les merites de saincte radegonde chappitre. xii.

SAincte radegonde receut lepistolle dessus escripte de laquelle veoir fut tresjoieuse parce quelle estoit confirmative de sa principalle intention. Et ne luy restoit plus que davoir et recouvrer la reigle sainct cesare pour en icelle instruire les religieuses de son monastere qui neautmoins vivoient au plus pres quil leur estoit possible. Selon

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ce quelle avoient oy parler des serimonies de ladicte reigle. Laquelle reigle ledit pacencius evesque de poictiers avoit promis envoier querir & bailler aladite saincte. mais une malladie le surprinst qui luy dura assez longuement. Pendant laquelle malladie saincte radegonde qui avoit erige ledit monastere on nom de juescrist & desiroit quil fust nomme le monastere saincte croix Affin que ce ne fust a faulsces enseignes voulut recouvrer du precieux bois de la vraye croix. Et pour ce faire recordant (comme a escript levesque childebert apres baudoyne) que saincte helaine plaine de la craincte de dieu par sa prudence & bonne diigence avoit trouve la croix ou nostre saulveur & redempteur jesus print mort pour nostre salut. Lequel bois ou la pluspart diceluy estoit entre les mains & en la puissance & distribution de lempereur de constantinople Trouva moien envers le roy sigibert qui lors tenoit soubz sa seigneurie le pays de poictou & touraine, que en faveur dicelle saincte il rescripvit a lempereur Justin lors estant a constantinople par messages expres quelle envoia vers luy avec une lettre. Si fut joyeux ledit empereur quant il eut veu les lettres de sigibert & desaincte radegonde la sainctete de laquelle estoit ja volee jusques en son empire. Et luy envoya non seulement du bois de la vraye croix. Mais aussi ung evangeliaire couvert de fin or, ou plusieurs autres dignes & sacrees reliques estoient enchassees, par une notable & honnorable ambassade pour declairer au roy sigibert & aladite saincte que silz vouloient autre chose e lempereur en fineroient comme de leur propre bien. Toutes ces choses ne peurent estre faictes en peu de temps pour la distance des lieux. Et ce pendant quon les faisoit le bon pacencius evesque de poictiers deceda a apres luy maroneus fut evesque dudit lieu, qui estoit de hault & grant vourage. touteffoiz homme chaste & scavant, & navoit encores acces ne habitude avecques saincte radegonde parquoy ne luy avoit parle du voiage quelle avoit fait faire en Constantinople.

[55r]

Si fut advertie soudain que lambassade de lempereur Justin approchoit dudit poictiers qui luy aportoit portion de ladite vraye croix Aceste cause le feit savoir en mesme heure alevesque maroneus & le feit requerir & supplier quil assemblast leclerge de son eglise pour sollennellement avec sierges ardans recevoir lavraie croix & ladite colloquer & mecte en son monastere Aquoy ne voulut entendre. mais ainsi quil est escript par ledit sainct gregoire on xli. chappitre du ix. livre de sa cronique en mesprisant la requeste de ladite saincte monta incontinant a cheval & sen alla hors ladite ville en une des maisons de son evesche, ledit sainct gregoire na escript qui le meut de ce faire. Or ce voiant saincte radegonde bien dolente de tel tour ne voulut que sans evesques lesdites sainctes reliques entrassent en ladicte ville de poictiers & a diligence envoia vers le roy sigibert pour len advertir. Et parce que lors il estoit long dudit poictiers en actendant sa response feit porter lesdites reliques en la ville de tours en ung oratoire quelle avoit autreffoiz fait faire. Et tantost apres le roy sigibert veue la lectre de saincte radegonde envoia le conte justin vers enfronius evesque de tours pour on reffuz dudit evesque de poictiers porter & colloquer honnourablement lesdites reliques on monastere de ladite saincte, ce qui fut fait don maroneus ne fut pas contant. Et a la translation et reception diecelles reliques dieu enlumina aveugles feit ouyr sours, parler muetz et plusieurs autres grans miracles comme recitent lesditz evesques hildebert et baudoyne. Et deslors ledit monastere fut appelle comme est encores de present le monastere de saincte croix.

¶ Ladite saincte ne voulut estre ingrate envers lempereur justin de si grans benefices. Car pour luy en rendre graces envoia vers luy ung sien serviteur comme reonal qui estoit prestre avecques autres gens de Lesquelz en retournant de grece et eulxestans sur la mer urent fort molestez. Car une grosse tempeste survinst qui les tormenta et mist en tel dangier quilz

[55v]

pensoient mourir et nactendoient que leur submersion. Parquoy ny eut celuy dentre eulx qui ne se recommandast a dieu & es sainctz esquelz ilz avoient devotion particulieremen. Au regard du bon prestre reonal recogitant la sainctete de sa bonne maistresse radegonde et que dieu faisoit a sa requeste plusieurs miracles commenca a crier a haulte voix. A dame radegonde qui estes de dieu par vos meritoires euvres tant amee voires de luy tousjours en voz prieres exaulcee que nestes vous presentement advertie denostre infortune et du dangier ou non seommes pour vous servir, car je scay que par voz prieres serions bien tost delivrez & mis en seurete. A ceste exclamation qui fut ficte par une fervente foy & charite mixtionnee de bonne esperance une colombe blanche survinst sur leur navire. Eta pres avoir fait trois volz entour dicelle au tiers vol qui fut si bas quon luy povoit toucher lun des autres serviteurs de ladite saincte nomme bavisan extendit sa main & de la queue de ladite colombe tira trois plus desquelles il toucha la mar, & soudain la tempeste cessa & fut la mer temperee & tranquille. Si parvolla la coombe si treshault quon la perdit de veue, & les serviteurs de laite saincte retournerent sains & joyeux a poictiers ou ilz rendirent graces a dieu & a leur bonne maistresse radegonde, & luy apporterent lectres de lempereur par lesquelles il se offroit a elle & tous ses biens Ce miracle est escript par sainct fortune & par baudoyne servante de ladicte saincte.

Commant saincte radegonde envoia en arle pour avoir la reigle de sainct cesare qui luy fut envoyee par une abbesse dudit lieu nommee cesare qui estoit de saincte & tresautere vie. Chappitre. xiii.

COmbien que saincte radegonde eust matiere de courroux contre levesque maroneus qui navoit voulu recevoir les sainctes reliques a elle envoyees par lempereur justin comme d[i]t est touteffoiz nen feit aucun semblant & ne pour

[56r]

chassa aucunevengence. mais sen humilia plusfort envers ledit evesque. & le pria par plusieurffois prendre la tuition & defense de son monastere & bailler aux religieuses la reigle de sainct cesare pour vivre selon icelle ainsi quelle avoit tousjours desire aquoy il ne voulut entendre selon la cronique dudit sainct gregoire on xli. chappitre. du. ix. livre. et voiant ladite saincte quelle ne povoit trouver aucune solicitude de defense en celuy qui devoit estre poasteur directeur & protecteur de sondit moanstere. soubz lauctorite & faveur du roy sigibert duquel elle estoit singulierement amee elle son abbesse & les religieuses de sondit monastere envoierent en la cite darle vers saincte cesare lors abbesse dung monastere estant audit lieu pour avoir la reigle de sa religion ordonne par sainct cesare selon laquelle elles avoient vouhe vivre. & pour mieulx exciter a ce faire ladite saincte cesare qui estoit une religieuse de saincte & tresrecommandee vie saincte radegonde luy envoya une epistre en latin que jay cy translatee & redigee en francois. De laquelle latenueur sensuit.

Epistre envoyee par saincte radegonde a saincte cesare contenent recommandation de religion & abhomination de ce monde. Chappitre. xiiii.

A Tresreverente dame madame cesare abbesse darle la pauvre pecheresse radegonde de dieu appellee au fruict de penitence, rend treshumble salut avecques tout obedience. Il plaira savoir sa vostre sainctete que limprofection des estas du monde lesquelz par la volunte divine jay (non sans grans ennuytz & tribulations) experimentez, mont donne a congnoistre les jeunes pucelles voulans en la conversation des hommes garder leur virginite, tumber en plusieurs grans & presque inevitables dangiers non seulement de perpetuel reproche & deshonneur. Mais aussi de eternelle damnation. ¶ Et lestat de mariage qui est ordonne Pour avoir lignee, et exteindre les dangereuses flammes de libidinite estre violle,

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tant par fragilite daucunes femmes que par linvereconde & deshonestete vouloir dacuns lascivieuxhommes. Et apres avoir eu precogite par plusieurs jours sil estoit autre estat plus seur et parfaict pour parvenir a seulation en revoluant en mon petit esprit les ditz moraulx du sage. jay trouve en son livre de leclesiaste, que religion estoit le plus parfaict estat de tous les autres Parce que en icelle on vit plus purement que aileurs : aumoien de trois veux essentiaulx de religion. savoir est obedience, chastete, & pauvrete. car integrite dobedience arrache la propre volunte de laquelle tous les maulx procedent. Chastete purifie & decore lame & le corps. Et pauvrete voluntaire fait mespriser & contempner la couvoitise des mondaines richesses lesquelles esloignent la personne de lamour de dieu. Et si par ces moiens ya purite en religion je y treuve aussi seurte trop plus grande que au monde. car en religion bien gardee on evicte toutes occasions de ruyne, toutes conversations vicieuses, & toutes mauvaises coustumes. Lesquelles choses preparent plusieurs dangiers a lame Nous lisons en genese que digna fille de jacob sortit hors la maison de son père pour veoir par curiosite les femmes de la region ou elle estoit, & incontinant fut a force prinse violee & corrompue par sichen. Combien que loeil soit lun des plus petis membres du corps, touteffoiz est il fort scandaleux. car par luy seslevent en la pensee toutes concupiscences qui font tituber & corruer la personne. & si loeil est dangereux la conversation ne lest moins. car come il est excript celuy qui communiquera avec lorgueilleux sera vestu dorgueil. nous lisons que sainct pierre estant en la compaignee de nostre saulveur jesus le confessa estre crist filz de dieu vivant. & lors quil se trouva avec les juifz & payens pres du feu, il le renya et desadvouha publicquement. desquelz dangiers se peuent garder tous bons religieux &

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religieuses qui sont separez du monde & renfermez en leure monastere comme aussi peuent ilz faire des maulvaises coustumes du monde qui est une autre nature. Lesquelles coustumes font mentier decepvoir jurer parjurer detracter, blasphemer paularder piller & commectre autres vices detestez, & non frequentez en religion bien observee. Diray je que religion est une escolle de la sapience divine ou chacun aprend a soy garder caultement des temptations diabollicques & se peut facillement apprendre savoir est par devote oraison quant a dieu par instruction mutue quant a son prochain et par experience quant a soy mesme Celeray je les bonnes choses quon aprend en religion moiennant lesquelles quant on est par peche succumbe on se relieve soudainement il est escript que le juste tumbe et se relieve sept foiz le jour Les mondains tumbent en arriere car par faulte de bonne consideration ilz ne voient la fousse obscure de leur precipitation et par ce ne se pevent relever. Mais les elsleuz comme sont bons religieux et religieuses se relievent par frequente lecon par exhortation fervente, et par bons exemples car une bonne & juste personne excite lautre a faire bonnes operations. Vous ignorez tresreverente dame les dangiers et perilz du monde que jay veuz et congneuz, ou homme de petite ou grande qualite ne peut avoir seur repos comme ont gens de religion. Car quant aux princes et ceulx qui ont royaumes ceptres seigneuries potestatz magistratz et autres administrations publicques on leur veoit jounellement faire plusieurs actes contre justice et contre les loix humaines & divines comme opprimer les inncens tollir aux bons, donner aux maulvoiz, nourrir factions baudes et sectes favoriser partialitez exalter les vicieux deprimer les vertueux susciter guerres instituer loix iniques et corrumpues ordonnances, contempner les commandemens de leglise, destruire citez, violler filles et f emmes. Et ceulx qui sont soubz les princes seigneurs commant sont leurs pensees par occupations

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mondaines inquietees. Lun plore ses biens perduz lautre crainct quilz luy soient prins & raviz Lun deceoit, lautre est deceu Lun gaigne lautre pert, lun est prise lautre est contempne, lun est sain & lautre mallade. et qui vouldroit parler dautres grans cures & solicitudes que les peres & meres ont pour leurs enfans, les femmes pour leurs mariz et les mariz pour leurs femmes entre lesquelz nya dilection ne amour ce seroient trop longues choses a reciter & plus ameres & angoisseuses a les supporter. A ceste cause considerent que ceulx qui veulent vivre en religion bien approuvee sont quictes de toutes les cures & solicitudes dessus escriptes et plusieurs autres que je laisse pour cause de briefvete & que leur remuneration sera trop plus grande que de ceulx qui vivent es honneurs du monde je trouve moien apres lovoir eu par long temps practique davoir congie du feu roy clotaire duquel je fuz autreffoiz femme espouse dentrer en religion & faire ediffier & construire a ses despens ung monastere ou soubz lauctorite royalle & permission de plusieurs bons evesques jay recollige & assemble plusieurs bonnes pucelles jusques au nombre de cent, & fait instituer une abbesse pour estre le chief de tant noble & saincte congregation. Esperant ce treseureux colliege estre supporte soustenu conseille & dirige par levesque de poictiers lequel quelque priere que je luy aye faicte nen a tenu compte Aumoien de quoy nous labbesse & religieuses deuement assemblees voyans navoir autre reffuge que le vostre vous envoions ceste presente epistre. Par laquelle toutes ensemble vous prions treshumblement que nous envoyez linstitucion de vostre reigle qui est celle que nous entendons garder et observer selon quelle a este autreffoiz reduicte par escript par vostre feu sainct evesque cesare & vous nous obligerez a vous faire participante de tous les biens que nous ferons par la grace de dieu eternel que vous doint pervenir a gloire infallible amen.

Response saincte a lepistre de saincte radegonde par saincte cesare. Chappitre. xv.

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LEpistolle de saincte radegonde fut curieusement & a grant joie receue veue & leue par la saincte abbesse cesare. Laquelle envoia promptement a ladite saincte la reigle de leur ordre autreffoiz ordonnee par sainct cesare evecque darle avecques response a son epistre que jay translatee de latin en francois ainsi que sensuit. Quant jay eu veu vostre message & souvent leu la tant gracieuse & louable epistre que de vostre grace et pitie mavez dirigee me suis resjouye dinne joie tresespiciale. Car jay congneu par icelle que vous estes au lieu ouquel par layde de dieu pourrez acquerir la vie eternelle la joie pardurable & les infallibles richesses Je prie le createur qui relieve ses abatuz deslie & mect au delivre ceulx qui sont liez en enlumine les aveuglez, quil luy plaise vous tenir en sa droicte voie par lobservance de ses saincts commandemens & vous enseigner a faire sa volunte & que nuyt & jour aiez le cueur en sa saincte loy ainsi que dit le psalmiste In lege ieus me ditabitur die ac nocte. cest adire que le juste pensera jour & nuyt en la loy de dieu, par que ses commandemens sont la lumiere par la quelle on treuve le chemin de salut. A ce propos dit il ailleurs preceptum domini lucidum illuminans oculos. Ceste loy est le chemin irreprehensible qui convertist les ames esdirees et les reduit en la voie de salut selon quil est escript en ce mesme pseaulme lex domini immaculata convertens ainas. Quant on publie les mandemens & lectres du roy, ses subgectz font diligence de les entendre en toute tranquillite. Ainsi voires mieulx devez vous faire quant on lira davant vous reverences les irreprehensibles mandemens de la souveraine deite cest le service divin ordonne par leglise militante, car tous voz entendemens et cogitations y doyvent estre arrestes & tendues sans les divertir & laisser vaguer a choses mondaines & par la pourrez apprendre agarder les comandemens de dieu ce quil fault faire sur peine dencourir maledicion divine ainsi que dit le psalmiste en parlant a dieu mauldictz sont ceulx qui laissent tes commandemens & font le contraire

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Gardez vous bien de telle mallediction, mais faictes que les meditations de vostre cueur soient tousjours davant dieu en ensuivent ledit psalmiste. Et puis quil a pleu mes trescheres dames & iceluy dieu nostre createur de vous eslire pour estre mises en son heritage et succeder en portion de son royaume de paradis par une singuliere vocation, luy en devez rendre graces et louanges tout le temps de vox vies. Abstinez vous de tout vice & peche car le pecheur est serf de peche. amez dieu & le craignez, car les yeulx de sa grace & misericorde sont sur ceulx qui lament & craignent et est tousjours prest a oyr leurs prieres. Saiez pactientes humbles et obeissantes & notez que dieu a dit quil ne se reposera fors sur les humbles & pacifiques quil a tousjours eslevez et les presumptueux humiliez et rabaissez. Et combien que vivre slon nostre reigle soit une chose bonne et louable ce que devez desire & amer. Touteffoiz devez tousjours suyvir la doctrine de levangille arestee par le souverain docteur nostre saulveur jesus qui sur toutes choses recommande paix et patience disant que bien eureux sont ceulx qui endurent persecution Et il a baille ceste doctrine par sa precieuse bouche luy mesme a monster par effect quon la doi suivir Car onc homme nendura tant persecutions approbres molestes injures et tormens en ce monde que luy. Aussi a dit sainct paul que celuy qui veult vivre selon les commandemens de dieu il fault quil soit persecute Or devez vous entendre trescheres dames que ainsi que toute la court de paradis se resjouyst de vostre conversion Aussi le diable qui a mille moiens de nuyre en est desplaisant et sans cesse traveillera a vous substraire du bon propos ou estes colloquees pour vous mener avec luy a dannation eternelle Aquoy devez obvier & patientement supporter telles persecutions par multiplication de devotes oraisons, jusnes abstinences et charitables euvres. Combatre conte ses mortelles temptations tout ainsi que les hommes combatent contre leurs ennemys mortelz

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Ne cessez de demander a dieu aide, et quil luy plaise vous donner puissance et couraige de resister a telz effors, & soyez fermes en bonnes voluntez, & vous monstrez par effect magnanimes contre toutes sensualitez. Quant vous direz vos heures que ce soit sans bruit et intermission, et ne pensez a autre chose si possible vous est. Vostre service soit fait devotement cerymonieusement & en paix, sans vous aplicquer en icelluy faisant a autre ouvraige soit de fait ou de pensee car leglise est le lieu de paix sainct et sacre, ou lon ne doit faire choses prophaines Ne permettez ire dominer en voz cueurs. car elle vous feroit perdre le merite de virginite chastete, et pauvrete voluntaire Vives en paix & union si voulez faire service & sacrifice a dieu agreable. Et combien mes trescheres dames que je soye la moindre de toutes les servantes de dieu, & la plus negligente, Neautmoins vous admoneste & prie faire & acomplir les choses dessus escriptes. Et prie dieu que par sa misericorde il vous vueille regir et gouverner defendre & garder. et ainsi quil vous a donne commancement de bonne vie que vostre fin soit parfaicte de toutes bonnes euvres, Car celuy sera saulve qui preserverera en bien jusques a la fin. Dame radegonde parce que je scay que tu as des biens du monde je te admonneste de donner tout ce que pourras aux pauvres, & parce moyen thesauriseras richesses es cieulx, & en toy sera acomply ce que dit la saincte escripture. Elle a disperse & donne largement es pauvres, parquoy ses bienffaictz dureront a tousjoursmais sans fin. Aussi est escript, ainsi que leaue extrainct le feu, si fait aumosne peche. Toute ton esperance soit en dieu. car il est escript que celuy est mauldit de dieu qui mect son espoir es hommes. Vous ne devez mes trescheres dames recevoir aucune avecques vous en vostre monastere, qui ne soit disposee de apprendre a lire. car toutes devez savoir le psaultier. et sur toutes choses gardez ce que levangille commande, aussi la reigle que je vous envoye arrestee ap

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prouvee & emologuee par le sainct siege apostolicque. Et si vous le faictes serez colloques en paradis avecques les vierges, et vous recevra nostre createur en son regne, ou il vous donnera biens inextimables, lesquelz jamais homme ne veit ne entendit. Si nous face a iceulx biens parvenir celuy qui regne par tous les siecles des siecles. Amen. Commant saincte radegonde se rendit recluse et cloistriere en son monastere de saincte croix sans plus en sortir jusques a son trespas. Et commant elle garda le veu dobedience. Chapppitre. xvi.

LEpistole de labbesse saincte cesare fut humblement receue par saincte radegonde son abbesse agnes : et toutes les autres religieuses avecques l areigle quelles avoient promis garder ensuyvir & observer. Scelon laquelle commancerent a vivre par une singuliere devotion. & oultre ordona saincte radegonde que pendant le repas desdites religieuses lune dicelles liroit quelque evangille ou legende. Et voyant que son monaster estoit bien construit opulemment dote, & parfaict de toutes choses requises pour lobservance de bonne & vraie relegion, ou elle avoit prins une merveilleuse peine par le temps et espace de neuf ou dix ans ou environ. Pendant lequel temps elle se tenoit pres son oratoire de nostre dame audit poictiers comme il a este dit dessus. Considerant que pour les causes susdites nestoit plus necessite quelle negocaiast come elle avoit tousjours faict en son abit de religion en la forme que nous avons veu. Elle delibera se renfermer et renclore ondit monastere comme les autres religieuses ce quelle feit a certain jour qui ne fut sans grande solennite. car comme a escript ledit sainct fortune le jour quelle se renferma ondit monastere tout le pauvre peuple de poictiers se trouva audit lieu plorant & lamentant leur mere nourrisse & maistrese, qui tant leur faisoit daulmosnes secretes & publicques bien advertiz quelle laissoit & habandonnoit ladministration de tous biens temporelz & se rendoit & soubmectoit a lobeissance de son ab

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besse, et que a ce moien ne pourroit plus faire les grans dons et eslargitions que journellemnt faisoit a toutes miserables personnes comme nous avons veu cy dessus sans le conge de son abbesse A laquelle combien que tousjours eust este sa dame & maistresse se rendit si tresobediente que depuis quelle se fut renfermee ondit monastere ne fit aucune chose sans son congie & licence cest a entendre des choses dont il estoit requis avoir congie, & ne reffusa delaya ne dissimulla oncques dacomplur ce qui luy estoit commande pour lobservance de ladite reigle. Et premierement quant au service divi elle estoit la premiere, et la derniere a leglise, & assistoit sans intermission a toutes les heures acoustumees. Et si aucuneffoiz ne se trouvoit au commancement dicelles (non par paresse, mais pour occupations charitables) comme aiant fait offence et demandoit pardon a son abbesse humblement et de genoux lors quon tenoit .chappitre. & requeroit en estre pugnie. Oncques ne se excusa pour empeschement de malladie ne autrement de servir au monastere a son tour & ordre comme ls autres religieuses selon leurs statuz. mais le faisoit humblement & joyeusement. Et comme une simple servant nectoioit la cuysine, gettoit hors les immundicitez, puisoit & tiroit au puys toute leaue necessaire ausdites religieuses, alumoit le feu, lavoit les escuelles faisoit les potages servoit a la table & sefforcoit faire tous les autres services a elle possibles pour par humilite & obedience. & touchant leglise & lescloistres les tenoit si tresnectz quon y eust peu trouver une ordure. Elle nestoit du nombre dun tas de mystigorieuses & superbes cratures qui ne daigneroient toucher a ce quelles ouseroient bien manger Brief elle ne prenoit plaisir a estre servie. mais aservir a toutes heures les plus petites de toute la religion voire oultre leure gre & volunte car toutes ses seurs de religion) avoient grant honte de recevoir le treshumble service de .saincte. radgonde quant elles pensoient en son noble & royal parentage quelle avoit este royne & aussi en sa prudences bonte & sainctete. que diray je plus de son humilite forsquelle vouloit

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quon lextimast plus que la moindre du monastere. et si prioit de genoux les autres religieuses quelles refusassent son servise. Nous avons veu cy dessus les grans aulmosnes quelle faisoit avant quelle se rendist recluse et depuis en feit plusieurs autres et continua, non en la sorte quelle avoit fait au paravant, car depuis quelle eut este recluse ne donna pour ung denier de bien sans le congie de son abbese, la quelle sachant quelle prenoit plaisir en euvrespitiables, luy bailloit pain vin, viande et argent pour faire des aumosnes a son plaisir le tout sansplus sortir du monastere ne avoir communication avecques hommes ne femmes. Touchant les serimonies de religion, & de silence de leglise du cloistre, et de la table oncques ne furent mieulx observees en religion que les arda & observa ladite saincte, car onques ne dist une seule parolle vaine dont elle peust ne deust estre reprise mais estoit tousjours occupee a dire ou faire quelque operation vertueuse. Savoir est aucuneffoiz a donner bonne doctrine a ses seures lire la vie des saincts & sainctes & autres livres instructifz et consolatifz de lame, dire ses heures prier dieu assister au service divin faire aulmosnes, visiter les mallades au-dedans du monastere, et aucuneffoiz a penser es affaires de sa religion sans perdre ne consumer une heure du jour.

Commant saincte radegonde garda le veu de pauvrete. Chappitre .xvii.

JE treuve quil y a trois especes de pauvrete. cest assavoir pauvrete opulente, pauvrete contraincte & pauvrete voluntaire. Pauvrete opulente est ees riches hommes et femmes qui habundent en tous biens temporelz & meurent de fain & soif pres leur avoir & si nen veulent faire aucun bien ne plaisir aleurs prochains Pauvrete contraincte est en gens oiseux paresceux & pusilanimes qui ament mieux mandier que labourer Ces deux pauvretez ne furent oncques en saincte radegonde car tousjours eut argent entre mains par les dons & elargitions des

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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