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1527-L'histoire et cronicque de Clotaire (Jean Bouchet) (61-80)

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roys de france quelle ne gardoit en ses coffres mais despendoit tout en aulmosnes et autres euvres pitiables ainsi que nous avons veu cy dessus. Et au ragard de pauvrete voluntaire qui est abjection de tous biens temporelz & contempnement de richesses elle a tousjours este en ladite saincte car onques ne desira terres royaumes seigneuries honneurs mondains ne autres biens temporelz & combien quelle fut atreffoiz colloquee en lestat royal Touteffoiz ce fut oultre son vouloir & vivoit en toute humilite. Et depuis quelle eut habandonne ledit estat & prins labit de religion aussi peu pensa dacquerir biens que paravant et nen voulut avoir fors pour ediffier et doter son monastere. Et aussi pour nourrir les pauvres. Et des ce quelle fut entree comme recluse en iceluy monastere mist son vouloir entre les mains de son abbesse seullement le tout ce qui luy avoit este donne par les roys de france sans rien en reserver ne retenir fors ce que sadite abbesse luy vouloit bailler pour distribuer es pauvres & depuis quelle fut recluse ne voulut avoir rien propre.

Si nous parlons de ses vestemens nous trouverons par les historiens dessus nommez que sur toutes choses avoit en desplaisance porter fins draps et robbes precieuses mais tant quelle fut religieuse usa tousjours des plus gros draps quelle povoit trover & soubz ses robbes en lieu de fines chemises portoit la grosse haire & ne changeoit de robbe sans grande necessite en manière que quelque foiz ainsi quil est escript par sainct fortune, feit une mance a sa robbe de lune de ses chausses Elle amoit mieulx emploier largent en aulmosnes Et bienffaiz que en superfluite de vestemens qui sont les postes & avanceurs de tous autres pechez.

Elle ne faisoit ce que plusieurs religieuses daujourduy font qui portent les fins draps les fines toiles & leurs voiles tellement acoustrez que mieulx semblant a nymphes que a religieuses dont souvent fort grant scandalle et engendrement de peche en ceulx qui les regardent.

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¶La bonne et saincte abbesse ainsi que raconte ledit sainct fortune avoit quelque foiz fait bailler a saincte radegonde ung vaisseau plain de vin contenent environ huit muytz vallans cinq pipes, pour donner & destribuer aux pauvres o son plaisir dont elle bailla ladministration a une jeune religieuse nommee felicite lors celeriere dudit monastere qui bailloit & distribuoit ce vin a tous pauvres indifferement. Et combien que cinquante pipes de vin neussent peu suffire a faire les aulmosnes quelle en feit durant le cours dune annee. Touteffoiz miraculeusement ledit voisseau y satffit et fournit sans diminucion dont labbesse & religieuses furent fors esbayes & louerent dieu davoir une si saincte dame en leur compaignee ala requeste & par les merites de laquelle il faisoit si evident miracle, ladite felicite est reputee saincte ondit monastere.

¶ Que dirons nous de la cure & solicitude que saincte radegonde avoit des religieuses mallades. Elle leur faisoit leurs potages acoustroit leurs viandes dilicieusement comme bien le savoit faire, les levoit du lict & portoit & leurs necessitez parce quelle estoit grant & forte. Et touhant le service quelle estoient tenues faire aleglise ou ailleurs le faisoit pour elles et supploioit a toutes leurs faultes sans touteffoiz rien obmectre des heures oraisons abstinences & penitences quelle avoit acoustume faire. Brief cestoit la dame autant liberalle confortative, & consolative qui fut oncques cestoit la mere aux pauvres le support des femmes vefves la ressource des infortunez, la nourrisse des orphelins et pupilles le sublievement des malladies & debiles & le confort des desolez, il nen fut onques de plus humble de plus charitable de plus amyable & plus serviable quelle estoit et qui plus desiroit faire plaisir service et honeste courtoisie.

Commant saincte radegonde garda en religion le veu de chastete & continence et commant elle fut sobre en boire manger et dormir & de ses tresgrans & austeres penitences

Chappitre. xviii.

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JE treuve par les historiographes dessus nommez que saincte radegonde garda si parfaictement les troys veuz de religion pauvrete obedience & chastete & leurs circunstances quen luy voiant si estroictement garder lun deceulx, on leust jugee ne povoir faire les autres nous acons veu de lobservance de pauvrete & obedience. Et au regard de chastete il nen fut onques une plus chaste sur la terre, fust davant son mariage durant iceluy que de puis. Car desce quelle sentit les premiers mouvemens de la chair eut en destation & horreur les concupiscences & euvres charnelles. Et comme nous avons veu dessus entra en lestat de mariage plus par crainte que par amour & nen feit onques les euvres fors pour complaire a son espoux et si en avoit scrupule & synderese, dont par chascun jour en faisoit grosses penitences par abstinences macerations de chair & aulmosnes. Et si elle estoit chaste de son corps plus lestoit de sa pensee & vouloir car son cueur estoit pur nect & inmaculle de plasirs volutueux & lubricques. Et pour obvyer aux temptacions de la chair & fuyr les occasions de delectacions sensuelles se soubmectoit a continuel labeur sans oysivete & estoit sobre en voire manger & en dormir. Car ainsi quil est escript expressement par ledit sainct fortune depuis quelle eut laisse la maison du roy son espoux jusques a son trespas ne prinst pour refection corporelle que potages de herbes sans sel & liqueur avecques du pain dorge quelle mesme mouloit & faisoit cuyre en son astre ou foyer. Son bruvage ordinaire estoit eaue pure & aucunffoiz quant elle sentoit son estommac debilite buvoit du cytre. Et quant elle se trouvoit a boire & menger avec les autres religieuses a la communite qui estoient servies de pain de forment et bonnes viandes faignoit en manger et faisoit telles abstinences si secretement que apeine on sen apparcevoit.

Son lict estoit faict de cendres baptues couvert dune grosse haire

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ague & poignante, sur lequel apres avoir eu emploie tout le jour en oraisons et autres sainctes operations & une partie de la nuy en devotes et secretes contemplacions elle reposoit son corps quelque peu de temps. En la saison & temps de caresme croissoit telles abstinences en manière que souvent estoit si debile que a peine povoit psalmodier & chanter on cueur avecques les autres religieuses, & neautmoins estoit tousjours la premiere levee pour assister aux matines de minuyt. Puis au retour dicelles se mectoit de rechief en oraison & contemplacion ou elle demouroit aucuneffoiz jusques au jour comme une persone estant en extasie & ravie en dieu. Elle ne prinst onques repos fors par contraincte et pour entretenir ung peu son corps de sorte quil peust supporter les cruaultez quelle luy faisoit come nous verrons cy apres Toute la matinee estoit par elle emploie au service divin. Et a lheure du disner semploioit a servir labbesse et les religieuses sans bouloir se mectre a table que toutes neussent este par elle servies. Et a ce estoit neue pour deux raisons lune pour se humilier. car elle pensoit tousjours (aussi est il vray) que la vertuz de humilite est sur toutes autres vertuz aggreable a dieu. Lautre cause estoit pour tenir les religieuses en silence & leur donner exemple de humilite. Car combien quelle se tinst tousjours la plus petite de toutes les autres, neautmoins on la craignoit, tant pour ses vertuz, que parce quelle estoit fondateresse dudit monastere, combien quelle n vouloit quon luy en feist honneur ne reverence plus que a la moindre du cliege. Apres sa refection prinse & graces a dieu rendues se retiroit enson oraitoire nostre dame qui estoit ondit monastere ou de present est la chappelle quon appelle le pas dieu. Et illec demouroit en oraison par quelque temps, puis en actendant vespres lisoit ou faisoit lire davant elle quelque livre de la saincte escripture, & au relegieuses qui estoient a ce presentes exposoit les difficultez et doubtes si treshaultement que mieulx sembloit ung docteur que une femme

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Quant les religieuses sestoient retiree son dortouer les alloit visiter lune apres lautre & prenoit garde non seulement a leurs ames mais aussi a leurs corps & vestement, & bien souvant (ainsi quil est escript par ledit sainct fortune) quant aucunes religieuses estoient debilles oumal adversees, prenoit leurs robbes chausses souliers et ce pendant quelles dormoient les emportoit et nectoioit puis leur rapportoit le tout a leur desceu. Affin que la bonne et treseureuse sainct fut tousjours nourrie de nourrissement spirituel & que le diable ne la surprinst par temptation. Elle tenoit avecques elle une jeune religieuse. A laquelle pendant quelle veilloit faisoit prendre repos, & quant elle se couchoit sur son lict de cendres la faisoit lever & lire davant elle en quelque beau livre de la saincte escripture : et aucunffoiz advenoit que ladite religieuse cuidant que sa maistresse dormist : cestoit de lire. mais incontinant sen aparcevoit saincte radegonde. car son sommeil estoit si treslegier quen sommeillant eust oy marcher ung chat & bien souvent en sommeillant chantoit quelque chant deglise. Aussi advenoit aucuneffois que en veillant quant elle vouloit appeler quelque religieuse distoit alleluia : ou quelque autre mot du psaultier Cestoit ung signe cler & evident quelle avoit son cueur son esprit son vouloir & sa mémoire entierement en dieu. car on parle communement de ce a quoy on a vouloir.

Il ne suffisoit a saincte radegonde de garder sa reigle & de faire oultre icelle les abstinences dessus escriptes. mais doutant que les honneurs mondains quelle avoit euz en ce monde durant le temps de son mariage : et les actes dicelluy mariage (qui est trop difficile dacomplir sans delectation charnelle) luy fusent davant dieu reprochez au jour de son grant jugement. Considerant oultre les peines & tormens que nostre saulveur jesus avoit souffers & endurez pour nostre salut : & quil avoit dit que ceulx qui veulent aller apres luy doyvent porter sa croix sercha & quist ladite saincte tous les moyens cruelz & extremes pour elle mesme

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tormenter son corpos. Et comme racontent lesdits historiographes & entre autres ledit sainct fortune (qui est chose merveilleuse a oyr) saincte radegonde feit tailler une grant piece darain. laquelle rouge & ardente comme feu par force de chauffer mettoit sur sa tendre chair nue, qui ne luy fut assez. Mais feit faire pour le temps de quaresme trois cercles de fer. lung pour son coul, et les autres pours ses braz. Et avecques ce estroictement enchayna son corps dune chayne de fer Le poix du fer estoit grant mais plus dur & aspre estoit sur la chair nue dicelle dame qui porta esdites especes de torment & martire par plusieurs quaresmes en grande peine & miser Car la chair si surmonta le fer de tous coustez de sorte que pour la superabondance de la chair il convint a force arracher lesdits cercles & chayne : qui estoit chose piteuse a veoir. car le sang en sortoit comme leau dung ruysseau de fontaine. Ce torment ne luy fut suffisant & assez dur. car ung grant vaisseau feit faire de sa longueur qui estoit darain Lequel souvent emplissoit de charbons ardens, & a son secret au desceu de baudoyne sa sevante & dautres religieuses ses familieres se couchoit desus toute nue, se tournoit dung couste & dautre ainsi quon feit sainct laurens sur le gril. tellement que en aucuns lieux de son corps le feu brusloit peau & chair jusques aux os. Et quant les charbons estoient estainctz les mectoit hors du vaisseau. & en icelluy qui estoit tout ardent se couchoit de rechif Et se donnoit se martire et secretement quon fut long temps sans rien y congnoistre. Touteffois on le sceut par succession de temps parce que la chair pourrie de son corps qui mal sentoit & le sang qui aucuneffoiz en degoutoit en grant habondance descouvroit le cas. car baudoyne sa servante & autre religieuses ses familieres penserent bien que cela luy estoit advenu par quelques tormens quelles se donnoit. & a ceste cause ung certain jour feirent secretement le guet a lheure que ladicte saincte se bailloit ledit torment et veirent tout ce quelle faisoit. Puis le revellerent a

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labbesse agnes. Laquelle se retira vers ladicte saincte & de genoux la pria de cesser de plus tormenter son corps affin quelle peust plus longuement vivre avec celles quelle avoit en son monastere congregees. mais pourtant ne cessa ladicte saincte. Surquoy povons considerer et contempler le grant vouloir quelle avoit de gaigner paradis. semblablement sa patience, constante force & magnanimite. et ne pensent les lecteurs que je aye mis par escript a mon plaisir le contenu en ce present chappitre Car je lay prins & translate de mot a mot ainsiquil a este escript par ledit sainct fortune & autres historiographes dessus nommez.

¶ Commant labbesse saincte cesare advertie des tresgrandes abstinences & penitences de saincte radegonde pour la revocquer de partie dicelles luy envoya une epistolle cy apres incorporee.

Chappitre. xix.

Voyant la bonne abbesse agnes que saincte radegonde se mettoit en dangier de briefve mort aumoien des grandes penitences quelle faisoit, en advertit labbesse saincte cesare. Laquelle a ceste cause luy envoya & a toutes les autres religieuses lepistre en latin qu jay cy translatee en francois et de laquelle lateneur ensuit. Dame radegonde ma treschere seur & amye en dieu, les trop grans abstinences. & afflictions que tu faiz a ton corps comme jay veritablement sceu par gens fidelles, mont contraincte te rescrire quil fault toutes choses faire par raison, & considerer que le desir de vivre est louable quant cest pour a autruy proffiter. je te supplie ma tresamee seur considerer que si aumoien de telz exces te advient malladie que dieu ne permette, te conviendra par necessite sercher les delices & transgresser lheure de te reffection acoustumee a la tresgrant destresse de ton cueur, et davantage ne pourras plus endoctriner tes seurs ne donner exemple de vivre ainsi quil appartient

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Il est escript en levangille que ce qui entre en la bouche ne coinquine et maculle lhomme. mais ce qui en sort comme depravees parolles mauvaises cogitations et folles pensees. Et avecques ce lapoustre commande aux serviteurs de dieu que leur service soit raisonnable et non excessig. affin quil puisse estre de plusgrande duree Et pource ma tresfidelle seur je te supplie avoir pitie de ton corps raisonnablement, & te emploier a bien garder la reigle que tu as prins choisie & esleue de sorte que dieu soit louhe de ta saincte conversation, & que tu soies une formes & exemple de bien et justement vivre Car qui sera & enseignera sera exalte on royaume des cieulx Et vous mes venerables seurs en jesucrist en parlant a toutes en general esjoysez vous en luy & sans cesse luy rendez graces de ce quil vous a retires de la tenebreuse & dangereuse demourance du vertible & abusif monde pour vivre en paix par saincte observance de religion. pensez au lieu duquel estez sortie, & celuy ou vous estes parvenues. vous avez laisse les obscuritez du monde, & avez commance veoir bieneureusement la lumiere de jesucrist. vous avez contemplne lembrasement de libidinite, et estes au refrigerement de chastete colloquees. Et parce que vous aurez la guerre et bataille de peche : jusques a lyssue de vostre vie, dautant que vous estes asseurees des choses passees, soiez soliciteuses de celles qui sont advenir. car tous les crimes & pechez assez tost retournent en nous silz ne sont expugnez & rejectez continuellement par bonnes operations Sainct pierre lapoustre a escript que nous doibvons estre sobres & veillier parce que le diable nostre adversaire ainsi que ung lyon rongeant circuist & environe le monde querant quelqun pour le devorer. Tant que nous avons vie en noz corps repugnons & resistons au diable par laide & conduite de nostre saulveur jesucrist. Aucunes paresseuses & negligentes vierges sont qui pensent quil suffist davoir change de robbe mais ne nest assez, car il fault changer de meurs & conditions et apprendre & retenir celles des bonnes et devotes creatures.

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Toute personne qui desire inviolablement garder religion doit eviter gormandise, concupiscence & ebriete & vivre de sorte que par trop grant abstinance son corps ne soit trop debilite. & par habondance de delices ne soit a luxure provocque. Lisez ordinairement les divines lecons. car ce sont les precieux orenemens de lame. ce sont voz atours voz coliers vos bagues & affiquetz voz coeffes perlificquees voz anneaulx & vos signetz. De tous ces ornemens estes decorees lors que vous excercez voz entendemens en bonnes & sainctes euvres. Qui desire dun cueur immacule garder religion & cheminer davant dieu sans tache, se garde de aller en lieux publicques & si voulez garder chastete le plustard que pourrez oyez familiarite avec les hommes. Et ne die aucune. Parle de moy qui parler vouldra, ma conscience me suffist. car telle parolle est a dieu desplaisante et odieuse. Sache pour verite que la femme qui ne fuyt et evite la familiarite des hommes perdra bien tost elle ou autruy. Savoir est elle par maulvaiz vouloir ou autruy par faulx jugement. Si vous estes extraictes & yssues de noble generation tant plus vous devez resjoyr de lhumilite de religion : en considerant que dieu a dit que celuy qui laissera tout et le suyvra en sera recompense cent foiz au dougle et possedera la vie eternelle. Et si quelqune de pauvre lieu est convertie en rende graces a dieu car cest luy qui saulvera les ames des pauvres quil a delivrees des empechemens du monde. & dit davantage que les riches auront soufferte & fain, & ceulx qui le suivront nauront faulte daucun bien. Si vous desirez que dieu habite en voz cueurs : amez vous lune lautre. Car il est escript que celuy qui hayt son frere ou sa seur est & chemine en tenebres, et ne sceit ou il va parce que les tenebres luy ont empeche & offusque la veue. Paravanture acunes sont qui ont laisse leurs facultez & possessions a leurs parens et se sont desheredees des biens terriens que jextime sages et prudentes. Car dieu a dit vendez ce que vous possezdez & le disperses en aulmosnes & tout

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tes choses vous ferons mundes et nectes. La justice de celuy qui donne et disperse aux pauvres demourra eternellement.

Mes honnourables seurs et amies coure bien eureusement affin que bien tost puissez prevenir a la vraie felicite eternelle & demourer en joie davant dieu auquel il a pleu vous eslire entre les oueilles de son pasturage ou toutes vous colloque pour vivre eternellement en ses ceslestes sieges. Amen.

Response faicte par saincte. radegonde a lepistre de .saincte. cesare. Chappitre. xx

LEpistre de la saincte abbesse cesare fut apportee a la bonne abbesse agnes & leve en plain chappitre en presence de saincte radegonde et de toutes les religieuses, qui la goustirent bien & mesmement saincte radegonde. Laquelle incontinant apres ce retira en son oratoire et ilec feit une autre epistre a saincte cesare responsive de la precedente avant a ce qui luy touchoit seulement puis luy envoia & lay cy translatee de latin en francoys sans rien y avoir mis ne ouste en la forme qui sensuyt. Les gracieux et proffitables admonnestemens et le salutaire enseignement que mes bonnes seurs et moy avons receuz par ton eloquente epistre mont contraincte prendre la plume pour par escript ten rendre graces immortelles desplaisante que presentiallement ne le puis faire. Il est escript tres reverente dame en levangile sainct mathieu que nostre saulveur & redempteur jesus estant corporellement en ce monde apres quil eut secretement predit a ses a poultres & disciples le mystere de sa douloureuse mort & passion & le temps de sa resurrection il convocque une compaignee de gens avecques eulx ou tous nous invita ale ressembler & a souffrir en ce monde comme luy quant il leur dist si quelqun veult venir apres moy se contenne luy mesme porte sa croix & me suyve sur quoy povons apprendre que nous qui avons prins lestat de religion apres le bon jesus cest a dire qui vouloins actendre la perfection de vie crestienne il nous fault faire trois choses. La premiere est abenegation de soy mesme La seconde supportation de sa croix. & la tierce est imitation

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de la vie de jesuscrist. Quant au premier point qui est abnegation de soymesme cest cahnger la maulvaise vie en bonne et contrarier a sa propre volunte car il est plus loubale selon la saincte secripture de renoncer ases propres voluntez que a tous les biens du monde & parce doyvons parfaitement resister aux concupiscentes charnelles & a tous desirs de la chair & du monde sans prendre en oz actes quel quilz soient propre ne humain plaisir mais le tout faire alhonneur divin affin que nous puissons dire avec jesucrist je ne suis venu faire ma volunte mais de celuy qui ma transmis. Quant au second point qui est supportation de sa croix nous le povons faire par mortiffication de chair par compassion de nostre prochain & par souslevement de martire car ainsi quil a este escript par sainct hilaire qui fut evesque de poictiers il fault suivre jesucrist par assumpion de la croix de sa passion & si par faict ne le povons faire touteffoiz en ce le doyvons acompaigner de volunte & treuve quil ya deux manieres de croix lune corporelle & lautre spirituelle. La corporelle est quant nous portons toutes penalitez voluntairement pour lhonneur de jesucrist ainsi que les martirs ont fait & aussi quant nous reprimons & chassons davec nous virillement delectations & toutes autres choses qui decoivent nostre raisonnable sens. La spirituelle croix est gouverner les mevemens de lame pacifier les perturbations dicelle refformer les impetueux assaux de peche & contre eulx jornelement baitailler. ce que povons aisement faire fors par mortification de chair cest adire par jusnes abstinence & austerite de vie. quant au tiers point qui est imitation de la vie de jesucrist nous le doyvons suyvir par trois chmains esquelz il nous a precedez savoir est par povretz humilite & penalité. car des son entree au monde a esleu pouvrete en sa progression & conversation humilite & a sa fin peine inextimable & mort cruelle & parce si nous voulons prendre son chemin doyvons premierement laisser le monde & toutes choses temporelles et avec ce chasser solicitude et occupation de tous affaires terrriens ce quon fera facilement par voluntaire pauvrete.

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Secondement doyvons laisser nostre corps & nen tenir compte par maceration de chair par abjection de proffit temporel & par penalite voluntaire. Tiercement doyvons laisser nostre ame par abdication de propre volunte en conformant a celle de dieu. & sensuit apres ondit evangille qui vouldra saulver son ame la perdra et celuy qui perdra son son ame la trouvera. Cest a dire que celuy ou celle qui vouldra garder la vie presente en evitant martie ou maceration de chair par penitence perdra la vie eternelle. Et qui se exposera a mort en ce monde par martire ou par austerie de penitence pour lamour de dieu la trouvera en la gloire future et aura vie eternelle pour vie temporelle. Parquoy me semble tresreverente dame que si je macerois la rebellion de mon corps par afflications que je pensse porter que ce seroit vertuz irreprehensible non que je veuille par jactance fire que face, mais ma treschere & amee dame tu sces que des mon enfance jay este nourrie en delices & plaisirs mondains & receu les miserables honneurs de seignourie avec les delectations de mariage ou jay fait plusieurs offenses que je doubte fort estre au jugement & detriment de ma pauvre ame si en ce monde je nen faitz penitence davantage jay receu plusieurs grans biens & benefices du feu roy clotaire jadis mon espoux desquelz je suis tenue le recompenser amon povoir sur peine dingratitude. Et puis que temporellement imposible mest len recompenser croy pour certain que je suis obligee le faire spirituellement Pour lesqueles choses acomplir ne me suffiroit selon mon advis la seule observance de ma reigle, parquoy pour a tout satiffaire y desire bien emploier mon corps qui est grant & fort non pour le charger par desraison, mais selon sa puissance. Ne penses ma tresrecommandee dame que je face chose a moy insuportable ne qui me soit a desplaisir. Et me soit dieu tesmong si je feiz onc penitence sans joye & consolation. Aussi le bon & grant vouloir de la parsonne ne trouve oncques entreprise impossible si en icelle prend plaisir Touteffoiz je te

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mercie treshumblement de ton conseil bon & salutaire et prins a la raison de levangille, qui baille aux patiens toutes manieres de medecine selon le mal dont ilz son pressez. Auc aucuns forte et ague. aux autres doulce et legiere. Et autres moyenne ordonnee pour ung homme robuste & puissant. Aussi fault user de ceste medecine qui est ordonnee pour linfrimite de lame avecques ung bon regime tel quil est contenu en la seconde partie de ton epistolle. Laquelle a este tresagreable et consolative a toutes mes seurs les religieuses et semblablement a nostre bonne abbesse agnes qui toutes mont donne charge de ten rendre graces Et avons toutes ensemble prie ains que sommes tenues nostre saulveur jesus quil te doint parvenir a la gloire eternelle par toy tant desiree. Amen.

¶ Ceste epistre fut presentee a saincte cesare qui fut joyeuse de si bonne response par laquelle congneut plus amplement la perfection de saincte radegonde quelle navoit fait au paravant. & feirent plusieurs autres epistolles lune a lautre comme il est vraysemblable. touteffoiz nen ay treuve que les precedentes separees de la legende de ladite saincte & escriptes en autenticques livres des librairies de leglise sainct pierre & sainct hilaire dep oictiers & autres bibliotecques ou je les ay curieusement quises & trouvees. Et fault cy noter que nonobstant les remonstraces que saincte cesare faisoit a saincte radegonde pour la moderer es tormans quelle se donnoit comme nous avons veu cy dessus. neautmoins elle continu tant que son corps le peut convenablement supporter sans rien obmettre de lobservance de sa reigle. Et ainsi que jay trouve par la legende de sainct junian du quel nous avons cy dessus parle. il donna a saincte radegonde la chaine de fer quelle portoit sur son corps, & elle le fournissoit de haires & frocz. Ce fut ung sainct daustere vie, & feit dieu a sa requeste

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plusieurs grans & evidens miracles. Aumoien de quoy saincte radegonde lavoit en grant amour & reverence. Aussi avoit il elle. Et si et quant ilz avoient quelques tribulations par temptation : se consoloient lung a lautre par epistres. car depuis que saincte radegonde fut recluse ne parlerent ensemble. Et auaparavant pour la saincte & parfaicte fiance quilz avoient lung a lautre sestoient pormis respectivement faire savoir par leurs serviteurs lheure quile seroient trespassez affin que lun priast dieu pour lautre. & ainsi advinst comme nous verrons dieu aidant cy apres.

De la doctrine que .saincte. radegonde bailloit aux religieuses de son monastere. & de ses autres vertuz en general. Chappitre. xxi

IL ne suffisoit a saincte radegonde de faire les merveilleuses & sainctes operations dessus escript. mais parce qelle avoit erige le monastere & congrege en icelluy plusieurs religieuses affin quelle observassent leur reigle & acomplissent la volunte de dieu leur faisoit souvent plusieurs belles & bonnes remonstrances. en leur disant. Mes seurs je vous ay chosies, vous este ma lumiere ma vie, mon repos, & toute ma joye. vous estes la vigne que jay nouvellement a dieu plantee. je vous prie que par bonnes operations celle vigne porte si bon fruict quil puisse estre acceptable a la haulte divinite. La vigne dont je parle est nostre religion : en laquelle nous avons vouhe chastete obedience & pauvrete. Et parce si nou voulons fructiffier fault en premier lieu quen soions chastes en faict en dict & en pensee. que nous chassons de noz cueurs toutes mauvaises operations : que nous contregardons de parolles oiseuses & perdues. & que nous fuyons les actraictz & occasions de mal faire. Et mesmement lacompaignee des hommes. Car il est bien difficille de vivre chastement entre les mondains. Secondement doyvons estre obedientes a dieu nostre père tout puissant. en gardant ses sainctz commandemens, & consequemment a noz superieurs savoir est au pape a nostre evesque & an nostre abbese en faisant ce qui est ordone par leglise militante & par la reigle de nostre

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religon. Et nous doyvons entiermeent soubmettre a la correction de nostredite abbese & accepter ses magistralles instructions & disciplines en luy portant honneur & reverence, en gardant silence en leglise au claistre & a la table. Et tiercement doyvons avoir pauvrete voluntaire sans posseder aucune chose propre mais mettre tout aux piedz de celle qui a la superintendence sur nous pour en faire a son plaisir & volunte par raison. Aussi doyvons estre pauvres par humilite en desprisant les honneurs mondains ornemens & vestemens pecieux. car a peine on les peut porter sans orgueil qui est lorigine de tous autres pechez. Mais seurs & bonnes amyes nous avons laisse la vie active & accepte la contemplative. pour en laquelle nous bien conduire fault avoir habondance de vertuz. Et mesmement prudence en prenant garde es maulx advenir. justice en pugnissant les maulx ja commis. temperance pour nous garder dabuser en prosperite. & force pour ne succumber & faillir par impatience en adversite. davantaige nous convient avoir ferme foy en croiant quil est ung dieu. et une essence en trois personnes en une deite savoir est le père puissant. le filz sapient. et le sainct esprit bon & misericors avec les autres articles de nostre foy. Et oultre fault croire que les escriptures de lancien & nouveau testament par leglise approuvees sont veritables, & par vraie amour adherer a dieu : & par sainct desir tendre a luy comme au souverain bien. il nous fault par apres avoir charite qui consiste endeux poincts. scavoir est amer dieu sur toutes choses. amer son amy en dieu : & amer son ennemy pour lamour de dieu. en leur desirant grace en ce monde & gloire en lautre. les amant de cueur priant pour eulx de bouche & leur secourant de faict en leurs encessitez semblablement nous est requis avoir parfaicte esperance que en faisant et acomplissant les commandemens de dieu et de son eglise & par le merite de la douloureuse & trespiteuse mort & passion de nostre saulveur & redempteur jesus nous aruons la gloire & beatitude eternelle. Aussi nous est necessaire avoir honneste conversation, humble reputation

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de soy pure affect on dedans soy bonne oppinion & discret jugement des faitz dautruy davant soy droicte entention a dieu sur soy recordation des divins benefices & memoire & souvenance de noz faultes & pechez. oultre et plus nous fault avoir patience en supportant humblement injures opprobres molestations desplaisir & autres adversitez pour lhonneur de dieu qui tant a souffert pour nous avec ung fervent & inflame desir par lequel craindrons labeur peine & torment pour avoir paradis et finablement nous armerons de perseverance qui rendra toutes noz operations a dieu agreables. Car comme il est escript en levangille ceulx qui perseveront en bien seront saulvez et non autres.

¶ Toutes ces remonstrances & autres plusieurs saincte radegonde faisoit a ses seurs les religieuses & ne leur disoit chose quelle ne fist premierement son estude esoit garder ses commandemens Oncques peche vice ne maculle mortelle ne dominerent sur elle & si aucun peche avoit fait incontinant sen estoit conffessee et en avoit fait penitence Constante estoit en adversite & prosperite, car pour bien ou mal qui luy advinst ne cessa de bien faire oncques ne feit mention enson monastere de quelle lignee estoit descendue ne de lestat de mariage ou elle avoit este. Car ainsi que ont escript sainct fortune & levesque hildebert trop plus desplaisente estoit davoir eu les plaisirs de mariage que les avoir laissez. Elle estoit prudente & magnanime a souffrir travaux & peines et a faire abstinances insuportables Elle estoit humble en faict en dict & en pensee elle estoit si tressobre (comme a escript ledit sainct fortune) que onques ne beut ne mangea pour complaire a sin desir sensuel et a sa bouche. Ains prenoit sa reffection pour contanter nature seulement.

Elle estoit si moderee que onques ne dist parolle perdue & que premierement neust pense & premedite sil estoit sainson de la dire & si la fin pour laquelle disoit telle paronne portoit fruit ou dommage Elle estoit si trespatiente que les injures & detracti

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ons acceptoit pour louanges & quant aucun avoit parle delle sinistrement en rendoit graces aubon jesus en contemplant les grandes injures & opprobres quon luy avoit fait atoirt en ce monde. Et estoit plus curieuse de pardonner a ceulx qui lavoient effoensee quilz nestoient de luy demander pardon Onques ne fut courroussee ne indignee contre personne dont le courrouz durast ung jour & que pourtant luy voulsist son dommage Sans cesser prioit dieu pour la paix dentre les princes de france car depuis le trespas du roy clotaire y eut plusieurs grans guerres intestines entres les enfans de celuy clotaire comme nous verrons cy apres qui durerent jusques au roy clotaire le second de ce nom

Commant dieu ala requeste et par les merites & prieres de saincte radegonde durant son vivant feit plusieurs grans & evidens miracles elle estant recluse en son monastere. Chappitre. xxii.

JE ne saurois sans user de redites aulong declairer les vertuz & louables gestes de saincte radegonde & parce quant a la forme de sa vie feray fin et verons cy apres aucuns beaux & gfrans miracles que dieu feit asa requeste de puis le temps quelle alle demourer a poictiers jusques a son trespas sans toutesfoiz autrement cocter le temps par annees moys jours ne sepmaines parce que je nen ai aucune chose trouve par escript, mais les ay cy mis par ordre ainsi que je les ay trouvez per listoire dudit sainct fortune et ce qui en a este escript par levesque hildebert maistre vincent de beauvaiz la cronicque anthonine baudoyne & autres qui en ont escript. Et pour y entrer il fault entendre que autemps que ladite saincte faisoit construre et ediffier son monaster pour iceluy decorer mectoit une merveilleuse peine de recouvrer reliques de toutes pars et entre autres eut vouloir & devotion davoir des reliques de monsieur sainct mamer le corps duquel repousoit en iherusalem aumoien de quoy envoia ung venerable prestre nomme re

[69v]

onnal par devers le patriarche dudit lieu auquel il exposa le sainct desir de dame radegonde si receut reonnal honnourablement et bien informe de quelle vie estoit ladite saincte parce que la renommee en estoit grande feit mectre le peuple en devotion par trois jours priant dieu quil luy pleust magnifester sa volunte. & le tiers jour apres avoir eu dit la messe solennellement feit ouvrir le sepulchre de sainct mamer & en presence de tout le peuple dist telles parolles je te prie confesseur & martir de jesucrist que si la bieneuree radegonde est vraie amye & servante de dieu que tu les magnifestes presentement a tout ce peuple en permectant quelle aye ce qui te plaira de tes membres. Loraison finie le patriarche entra dedans le sepulchre dudit sainct & toucha tous es membres lun apres lautre pour savoir lequel dieu permectoi & vouldroit estre baille a ladite saincte. Et lors quil fut au petit doy de la main dextre il se deslia doulcement & demoura entre les mains du patriarche qui le bailla a reonnal lequel le porta reverentiallement a saincte radegonde dont elle fut tresjoieuse & le feit enchasser & mectre honnourablement en leglise de sondit monastere.

¶ A ung sage homme nomme leon qui alloit a ung concile que leonce & eusebe vouloient lors tenir pour aucuns affaires de leglise survinst une si griefve malladie es ieulx quil perdit la veue & la failloit conduire et guider et ainsi quil passoit par poictiers fut adverti des vertuz & sainctes operations de saincte radegonde qui nestoit encores recluse par quoy pensant trouver quelque remede avecqueselle se feit mener a son oratoire de nostre dame pour son aide & secours implorer mais il ne trouva & luy dirent ses serviteurs quil ny avoit rien ondit oratoire que ung tapiz fait de poil de cheval fort asgu & poignant. Si pensa leon que cestoit le tapiz sur lequel ladite saincte se mectoit de genoux pour faire ses prieres a dieu & nostre dame & par une grande foy & esperance se feit mectre sur ce tapiz & ilec pria dieu & nostre dame que par les merites de la bonne radegonde il peust recouvrir la veue ce quil feit incontinant & fut entierement gueri du mal de ses ieulx dont il rendit

[70r]

graces & alla veoir et visiter en tres grant reverence ladite saincte en sa petite habitation ou il fut receu benignement puis alla au dit concielle ou il estoit mande Une femme de la ville de poictiers nommee mamezo eut une si griefve douleur a lun de ses yeulx que nuit & jour se tormentoit medecins & cirurgiens ne luy peurent donner remede si eut mémoire des grans vertuz qui estoient en saincte radegonde & que dieu avoit a sa requeste fait aucuns miracles en son oratoire de nostre dame. Aumoien de quoy ladite femme garnie de foy& bonne esperance se feit mener ondit oratoire aleure que saincte radegonde ny estoit & se prosterna de tout son corps sur le pavement de celuy en disant a haulte voix. madame radegonde je croy que tu es plaine de la vertuz de dieu la volunte duquel tu as mieulx acomplie que celle des hommes. O bonne dame plainne de piti aies miesericorde de moy donne secours la pauvre desolee & prie pour moy que loeil mes soit rendu ladite oraison faicte ung legier somme prinst la dicte femme laquelle a son reveuil fut guerie & toute saine par les merites de ladite saincte & alinvocationt de son om seullement dont elle rendit graces a dieu & a icelle saincte que fut toute honteuse dont luy actribuoit lonneur de tel miracle Depuis que saincte radegonde se fut rendue recluse en sondit moanstere ung jour advinst apres que toutes les religieuses se furent retirees on dortouer fors une seullement & croy que cestoit baudoyne sa servante parce quelle a escript ce qui sensuit alla visiter en la compaignee de ladite baudoyne ledit moanstere per dedans & en allant autour diceluy veirent sur les murailles une grant multitude de chievres si dist ladite saincte a baudoyne que cestoient diables qui estoient ilec venuz pour tempter les religieuses mais peu y demourerent car incontinant quelle eut fait le signe de la croix evanouyrent & de puis ne furent veuz ne aperceuz en ladite espece ung autre soir ainsi que ladite saincte estoit en oraison en sa cellule ou chambrete quon appelle de present le pas dieu ung chavan se vinst assoir sur ung arbre estant ondit monastere qui criait horriblement que toutes les religieuses en furent troublees.

[70v]

Aceste cause lune dicelles se transporta vers ladite saincte, & luy demanda conge de commander audit oiseau de par elle quil sen allast. Et ladite saincte luy feist response que si ledit oiseau luy faisoit ennuy que en faisant le signe de la croix luy commandast on non de dieu quil vuydast dilec : ce qui fut fait par ladite religieuse & incontinant ledit oiseau sen alla. & depuis ne fut veu ne oy en ladicte abbaye.

¶ Une femme du pays de france nommee belle espouse dun chevalier nomme giles avoit este par si longtemps et si greivement mallade quelle avoit perdu la veue. & advertie de la vertueuse vie de saincte radegonde & que dieu a sa requeste faisoit plusieurs miracles se feit mener vers elle en la ville de poictiers, & trouva moien par le conge de labbesse dentrer on monastere ou ladite saincte estoit & de parler a elle. Laquelle en presence de plusieurs personnes pria et supplia que son plaisir fust interceder pour elle envers dieu & le prier quil luy donnast guerison Saincte radegonde ne fut contante de tel honneur, & dist que ce nestoit a elle a qui on devoit dire telles parolles. La femme la pressa & luy dist. aumoins faiz sur moy le signe de la coix : ce que ne voulut faire ladite saincte. mais toute honteuse volant eviter la gloire du monde laissa compaignee. Et affin ue ceste pauvre femme ne demourast en desespoir incontienant luy envoya dire par boudoyne sa servante quelle se trouvast en sa cellule quant il seroit nuiyt ce quelle feit. & apres que saincte radegonde eut fait sur ses yeulx le signe de la croix elle fut entierement guerie.

¶ Une autre femme avoit ung gros ver entre les espaules, qui nuit et jour la tormentoit sans y povoir trouver remede. si se retira vers saincte radegonde, & par ses intercessions & prieres, la peau soubz lequel estoit ce ver rompit sans operation manuelle de homme ne femme, puis le ver sortit tout vif. & fut peu de temps apres la pauvre mallade entierement guerie.

[71r]

¶ On monastere de ladite saincte y eut une religieuse greifvement mallade dune fievre esgue & dangereuse lespace de six mois et fut tellement pressee de ladite malladie quon en esperoit plus la mort que la vie. De ce advertie saincte radegonde feit porter en sa cellule sadite religieuse la feit baigner en ung baing quelle luy avoit prepare Et elle estant ondit baing ladite saincte luy manya & toucha tous es membres & peu a peu en chassa successivement la fievre en manière que ladite religieuse fut soudainement guerie dont elle rendit graces a dieu et a ladite saincte.

En la ville de poictiers y avoit une jeune femme qui par inconvenient avoit enfante ung endant mort. Le père duquel se confiant es merites et prieres de saincte radegonde delibera luy presenter son enfant mais il fut advertu que ladite saincte en seroit marrie et quelle avoit honte dont on luy donnoit ceste louange de miracle Aumoien de quoy se transporta en loratoire de nostre dame ou ladite saincte faisoit ses secretes prieres & du taspis fait de poil de chaval sur lequel elle faisoit ses oraisons comme nous avons veu dessus envelopa son enfant mort. Lequel incontinant resusita & le porta vif prendre le lait aux mamelles de sa mere dont le bruit fut tresgrant par ladite ville & chacun en rendit graces adieu. ¶ Labbesse & les religieuses dudit moanstere avoient tousjours eu saincte radegonde en grande extimation, mais plus lexalterent & extimerent quant elles congneurent ue dieu a sa requeste et par sesmerites resuscitoit les mors Si advinst ung jour que saincte radegonde feit desplanter de quelque lieu ung beau & grant laurier & le replanter pres de sa cellule, mais il ne prinst terre & devinst tout sec & mortiffie. Labbesse le sceut & dist a ladite saincte que cestoit dommage dont ce laurier estoit mort, parce quil estoit beau grant & droit La priant tant quil luy fut possible et en tant que besoing estoit luy enjoignit de prier dieu quil vivifiast. la bonne saincte voulant garder obedience & obeir au commandement de son abbesse feit priere a dieu que ce laurier

[71v]

reversit et prinst riz en terre ce quil feit des icelluy jour & vegecta nouvelles branches & fueilles. & par la puissance divine fut plus beau quil navoit este.

¶ La femme dung charpentier fut demoniacle & possedee par ung maulvaiz esperit. Son mary & ses parens la menerent au monastere de saincte radegonde : & prierent labbesse quelle fist tant envers saincte radeegonde que la demoniacle eut guerison A ceste cause labbesse se transporta vers ladite saincte en sa cellule, et la pria quelle intercedast pour la demoniacle, ce quelle efeit toute la nuyt. Et le lendemain elle fut entierement guerrie

¶ Il y eut une autre femme demoniacle qui fut presentee aladicte saincte. Et combien que pour la vexation & torment que le diable faisoit a ledicte femme on ne la peust tenir Neautmoins au seul et simple commandement dicelle saincte cessa de la tormenter. Et la feit ocucher contre terre Et apres avoir eu fait son oraison a dieu mist le pie sur la teste de la demoniacle. & incontinant le diable sortit par le fondement sans luy faire aucun mal. et fut ladicte femme entierement guerie.

¶ Ledit sainct fortune a escript que quelque foiz ung nomme flereius prinst charge de pescher en la mer pour ladicte saincte : il est a conjecturer que cestoit pour festoier quelqun des enfans de france. Car ladicte saincte nestoit curieuse denvoyer pescher a vingt cinq lieues dudit poictiers poisson de mer pour son manger veues les grandes abstinences quelle faisoit comme a este dit cy dessus. Or advinst que ledit flereius, et ses compaignons estans sur la mer survinst si grosse et merveilleuse tempeste quilz ponsoient estre mors. Car leur vaisseau estoit pres que plain deaue. Si cria ledit flereius a haulte voix. O dame radegonde nous sommes cy pour ton affaire : ayez pitie de nous. Et incontinant les parolles dictes la tempeste cessa : et furent delivres dudit dangier.

[72r]

¶ Une des religieuses dudit moanstere fort familiere de saincte radegonde par superfluite de humeurs eut la veue tellement occupee que plus veoir ne povoit. Saincte radgonde en eut pitie, et luy bailla des fueilles de certaine herbe quelle portoit en son sein par medecine, luy disant quelle mist de ladicte herbe sur ses yeulx : ce que ladicte religieuse feit. & incontinant fut entierement guerie.

¶ Ondit monastere y eut une religieuse fort amee de ses autres seurs. Laquelle fut mallade dung mal si grief et soudain que saincte radegonde en sceut plustost la mort que la malladie Car elle estant en sa cellule en oraison et contemplation, ouyt les pleurs et criz des religieuses qui regretoient & plouroient la mort de leur suer. Si sortit hors sa cellule & senquist que cestoit on luy declaire le cas. dont elle eut grant pitie et compassion. et apres quelle se fut informee de la malladie & mort de la trespassee commanda quon apportast son corps en sa cellule : ce qui fut fait puis feit sortir et eslongner dicelluy les porteurs dudit corps. Et apres avoir eu cloz et ferme sa cellule se mist en oraison : et pria dieu si treshumblement et devotement que par ses merites et prieres il resuscita ladite religieuse. Laquelle sen alla saine et guerie avecques ses compaignes : qui par la grant admiration en rendirent graces et louanges a dieu :

¶ Une autre religieuse dudit monastere fut si fort malade et ethisie quelle fut habandonnee de tous medecins parce quilz ny scavoient donner remede. Elle estant en ceste angoisse actendant seullement laide & secours de dieu. ung legier somme la prinst en sommeillant luy fut advis, que saincte radegonde Et son abbesse lavoient visitee au lict, et que ladicte saincte lavoit mise en ung baing et respandu sur son chief huille odoriggereant puis icelle revestue de vestemens tous blancs.

[72v]

Si se reveilla dudit somme ladicte religieuse & a son reveil se trouva fort allegee de son mal : & des icelluy jour fut entierement guerie.

Tant fut plaine de merites saincte radegonde que les choses quelle fasoit de sa main avoient dignite sur les autres. & dieu le monstra par effect. Car ung jour advint que ladicte saincte avoit laisse sa quenoille droicte et le fuseau pendant au fil quelle avoit fille. Lequel fil une souriz sefforca rompre et ronger. Mais divinement elle mourut et demoura pendue audit fil.

¶ Une fille de bonne et grosse maison : estoit mallade de fievres. et apres avoir eu prins longues & difficilles medicines eut mémoire avoir oy parler des beaux et grans miracles que dieu faisoit a la requeste de saincte radegonde. Aumoien dequoy par fervente devotion et foy se recommanda a dieu. Le priant que par les merites de ladicte saincte elle eust guerison. En lhonneur de laquelle elle avoit fait faire une chandelle de cere de son long quelle feit brusler & ardre en faisant son oraison & icelle durant. Si advint par la volunte de dieu et pour exalter de mieulx en plus ladicte saincte que par les merites dicelle ainsi que ladite chandelle brusloit la malladie de ladite fille sen alloit peu a peu et fut entierement guerie. Puis se rendit religieuse et feit profession ondit monastere saincte croix. Il ya dautres miracles que laisse pour cause de breveste.

Le quart livre de la vie saincte Radegonde.

Commant dieu se apparut a saincte radegonde en forme de homme ung an davant son deces. chappitre. premier.

[73r]

[illsutration]

PAr la forme de vivre de saincte radegonde dont vous avons cy dessus parle et aussi par les miracles faiz par ses merites prieres & requestes povons evidemment congnoistre quelle estoit grandement amee de dieu & le voulut iceluy dieu magnifester par ledit miracles & autrement. Car ainsi quil

[73v]

est escript par les historiens dessusnommez & mesmement par baudoyne qui en a escript & afferme son tesmognaige sur le dannement de son ame ung an davant le trespas de ladite saincte le bon & amoureux jesus qui est retributeur detoutes bonnes euvres sapparut a elle en son oratoire dont nous avons dessus parle de present appelle le pas dieu en forme dun jeune & tresbeau prince couronne dune riche couronne dor garnye de pierres precieuses dont ladite saincte fut au commancement toute troublee & voulut tourner en fuyte doubatant estre du diable illudee mais le bon jesus larresta par la vertuz de sa parolle et luy dist vien ça radegonde dy moy pourquoy toy inflamee dun si grant desir avecques tant de larmes me pries et en soupirant me requiers & par tant de prieres me presses. Pourquoy affliges tu ton corps de tant de tormens pour lamour de moy qui suis tousjours avec toy. Tu es une pierre precieuse & la premiere de ceste couronne que je porte dautres parolles secretes luy dist et entre autres luy revella leure de son trespas puis se disparut. Aumoien de laquelle apparucion & parce que la forme dun pie est insculpee & engravee en une pierre & que lon dit communement ondit monastere que cest le vestige de ladite apparution ledit oratoire nay trouve aucune chose par escript.

De ceste apparution ne se exalta saincte radegonde mais sen humilia plusfort & redoubla lausterite de sa saincte vie par jusnes oraisons abstinences & flagellations susdites quelle continua jusques a son deces. Et entre autres choses vacquoit principallement a oraison & contemplacion ou elle estoit par neuf ou dix heures sans parler sans cracher & sans mouvoir son corps en commencant une peu a gouster des joies de paradis qui luy avoient este promises par son amoureux jesus & ainsi quil a este escript par sainct fortune & aussi par ladite boudoyne elle estant ung jour en contemplacion en sondit oratoire qui lors estoit joignant les murailles de ladite ville de poictiers a compaignee de ladite oudoine & dune autre jeune religieuse les gens de

[74r]

ladite ville feisoient quelques dances avec menestriers pres lesdites murailles lesquelz on oyoit tout cler dudit oratoire et quant elle fut levee doraison ladite religieuse (qui avoit puis peu de temps prins lhabit de religion) luy dist. madame jay entendu dire aux menestriers qui nagueres ont passe presde ce monastere une dance ou chansson que bien je savois quant jestois au monde lavez vous aussi entendue Et saincte radegonde luy respondit ma fille ce nest sagement fait de prester les oreilles a telles plaisances mondaines puis que tu as renonce au monde et si tu amois bien dieu & avois ton cueur en luy jamais nen aurois memoire je te afferme mamie que je nay entendu chancons ne menestriers la jeune religieuse fut toute honteuse & pensa en elle mesme que le cueur & esprit de saincte radegonde nestoit au monde mais on ciel. Comme aussi estoit il spirituellement

Daucuns faiz des enfans du roy clotaire. Chappitre. second.

NOus avons veu commant saincte radegonde a oobserve religion & commant elle y a vescu mais jay obmis escrire les guerres qui furent durant ledit temps entre les enfans de clotaire touchant la duche dacquitaine & la compte de poictou ou saincte radegonde se porta vertueusement douctant extravaguer & corrumpre la vraie histoire de ladite saincte a ceste cause au commancement de ce quart & dernier livre & avant que parler du trespas dicelle saincte nous verrons en brief ce qui fut fait par les enfans dudit clotaire de puis son deces jusques a celuy de ladite saincte selon la cronicque dudit sainct gregoire & celle de sigibert qui en ont escript plus aulong que gavyn & pour y entrer il est vray que tantost apres que les enfans dudit cloaire eurent party le royaume de france entre eulx & que lun diceulx nomme aribert ou therebert fut decede comme vous avons veu dessus ou. xv. chappitre. du tiers livre. le roy sigibert eut une grosse guerre contre les hunts en laquelle il obtinst victoire Et en pourchassant ses bonnes fortunes chassa les saxons de leurs terres et les mist entre les mains des sueves qui sont alemans de la le rin.

[74v]

Mais ce pendant quil estoit en icelle expedition le roy chilperic son frere qui estoit assez mal condicionne assiegea la ville de reins & la print par assault et toutes les autres citez dudit pays appartenans audit sigibert. Lequel les retira tantost apres quil fut retourne, & davantage print prisonnier theodobert filz de chilperic & lan revolu par pitie le delivra moiennant ce quil luy promist et jura de non plus faire guerre contre lui comme il est amplement escript on xxiij. chappitre. du quart livre dudit sainct gregoire. Apres espousa brunehilde fille de athanagilde roy des visgotz, ou espaignolz qui fut selon la cronicque dudit sigibert lan de nostre salut. Cinq cens soixante neuf.

¶ La delivrance de theodobert ne mist fin au discorde qui estoit entre chilperic & sigibert car comme raconte ledit sainct gregoire on xlvij. chappitre. dudit quart livre. certain temps apres lung des autres enfans dudit chilperic nomme clodovee mis hors de pays du touraine sen alla a bourdeaulx dont il fut chasse par sigulfe tenant le party de sigibert & le poursuyvit jusques pres le pays danjou : par lequel pays se retira a chilperic son père. Environ ce temps ledit sainct gregoire qui a fait la cronique de france jusques a son temps inclusivement fut esleu & confirme evesque de tours. Qui est de present archevesche. & vesquit religieusement ainsi quil est au long escript en la cronique de maistre viecent de beauvaiz il fut fort familier de saincte radegonde parce quil estoit de saincte vie et quil alloit souvent a poictiers visiter le corps monsieur sainct hilaire, & fut celuy qui feit les obseques de ladite saincte Et comme il est contenu en sa vie quelque foiz alla a Poictiers viviter le corps sainct hilaire & avant que retourner alla veoir saincte radegonde en son monastere de saincte croix Et ainsi quilz parloientensemble devant le grant aultier de leglise dudit monastere ledit sainct gregoire aperceut la lampe dhuille qui ardoit davant la chasse ou estoit portion de la vraye croix. Laquelle lampe sans cesse distilloit lhuille par le fons quoy voyant sainct gregoire

[(75r)]

demanda a ladite saincte pourquoy on avoit une meilleure lampe. Et elle luy respondit que ladite lampe estoit neufve et bonne mais que miraculeusement ladite huille distilloit ainsi par chascun jour. & que neautmoins ne sen diminuot aucunement. A quoy prinst parde ledit sainct gregoire & congneut la verite estre telle. Aumoien dequoy voiant chose si miraculeuse se prosterna davant ladite chasse et adira ladicte vraye croix. Or pour retourner a mon propos le roy chilperic courrousse & indigne de la chasse & fuitre quon avoit donnee a clodovee son filz puisne, droissa une grose bataille dont héodobert son filz aisne fut chief. Lequel nonobstant le serment par luy fait a son oncle sigibert de non plus luy faire guerre comme dit est. invada touraine poictiers & les autres citez qui sont oultre la riviere de loire tirant vers guyenne ou il feit plusieurs dommaiges & grant effusion de sang humain mesmement on pays de poictou ou il obtinst victoire contre ung nomme goufouault duc dudit pays cest a dire gouverneur pour le roy sigibert. et dilec alla ledit theodobert es pays de lymousin cahors et autres provinces dacquitaine ou il brusla eglises prophana cymetieres feit mourir prestres, viola femmes & filles et feit plusieurs autres grans & enormes persecutions que ledit sainct gregoire extime aussi grandes qui celles de diocletian. Saincte radegonde estoit fort amalaise de telles guerres intestines et civile, qui de jour en jour croissoient entre freres et nepveuz & sans cesse prioit dieu pour leur reconcilation. mais leurs pechez les rendoient indignes de recevoir aucune grace de dieu. aumoien dequoy ladicte saincte leur feit une epistre remonstrative pour les reconcilier et reprendre de leurs vices : que jay bien voulu si inserer et translater de latin en francoys. de laquelle la teneur sensuit.

¶ Epistre envoyee par saincte radegonde aux roys de france. enfans de clotaire. Chappitre. iii.

[75v]

JE mesbays par tresgrant admiration tres redoubtables princes (desquelz je indigne autreffoiz espousay le père) que ne pensez a vostre origine & naissance. Et que apres la plorable destruction de troye voz antecesseurs lestroiens exillez & fugitifz de leur naturelle terre vaguerent par plusieurs regions & contrees. les aucuns prindrent siege soubz eneas en Italie. les autres soubz brutus en lisle de bretaigne. les autres en lombardie soubz anthenor. & les autres soubz francion esmaretz moethides desquelz vous estes descenduz, & depuis entrerent par les almaigne es pais de Gaule sans plus vouloir estre subgectz aux tributz des empereurs de romme Puis conquirent sur les rommains par leurs treslouables vertuz non seulement la gaule belgicque. mais aussi la celtique & acquitanique de sorte quilz furent entiers dominateurs de toutes les gaules Dont vindrent ces grosses victoires fors par les vertuz des conquerans. lesquelz par leur vehement labeur aprenoient lusaige de chevalerie, & plus se delectoient en belles armes & puissans chevaulx quilz ne faisoient en pompes & desordonneez lascivitez. le labeur ne leur feit oncques peur non plus que leurs ennemis armez Et combien que a leur commancement ilz ne fussent crestiens, touteffoiz estoient ilz couvoiteux de vertuz. car pluscher amoyent honnourable louange que multitude de pecune, & ne desiroient que richesses honneste & non rapineuses. droit & equite estoient plus en eulx par nature que par les loix escriptes. Qurelles & discors estoient seulement exercez contre leurs ennemys, & non en leurs communitez & corps politiques. il nestoit question entre eulx que de vertuz & de monster par effect la purite de leurs nobles courages. il estoient en leurs particularitez sobrement & chastement vivans, & quant aux estrangiers & ceulx qui le meritoient plusque liberaux & magnificques. guerre estoit conduicte par hardiesse et paix par equite. considerez messieurs commant dieu les appella miraculeusement a recevoir sa saincte foy & de quelz privileges il ennoblist vostre premier roy crestien clovis. qui fut oinct & sacre de lun

[76r]

ction divine a luy du ciel visiblement envoiee. quelles armes portez vous & quelle enseigne fors celles que dieu vous a donnees aumoien dequoy le bon roy clovis ne voulant estre ingrat de si grans benefices extirpa des gaules lerreur arrienne & chassa de ce pays de poictou & de toute acquitaine les gotz & visgotz maculez de linfecte & detestable heresie de arrius. contemplez aussi que luy & ses enfans ont fait construire & edifier eglises & monasteres donne terres et possessions pour substanter & nourrir les chevaliers de jesucrist. je pensois au commancement de voz renes que par imitation paternelle feriez aussi bien ou mieulx que ceulx ausquelz avez succede dautant que voz liberalitez sestoient extenduez jusques a la perfection de la structure & dotation du vostre moanstere ou quel je suis a present renclose mais ambition qui plusieurs mortelz hommes a soubmis a veliennie & laschete a compaignee davarice, ont perverty voz cueurs & nobles voluntez & suscite entre vous qui estes freres oncles & nepveuz une envie & indignation si tresgrande que par voz guerres civiles & intestines discors les extrangiers vous despoileront de voz royaumes & seigneuries & perdrez soudain & pour peu de chose ce qui par si grant travaulx & longues annees a tant couste a conquerir. regardez messieurs aux grans & enormes crimes axces & violences commises en voz terres & sur vos subgectz ausquelz devez donner secours filles & femmes sont violees eglises pillees bruslees & prophanees citez destruictes chasteaux abatuz villages razez & tout mis a lhabandon de voz soudars & minstres qui a leurs freres crestiens sont plus cruelz que ne seroient les infidelles on ne vous devroit nommer roys mais tirans & dissipateurs puis que en leiu de sublever le peuple & le tenir en liberte vous le grevez & chargez de insupportables faix. vous deussiez reverre les prestres & gens de religion & vous les contempnez & vilipendez vous deussiez augmenter les biens de leglise & vous les diminuez & dissipes comme depredateurs il semble que navez foy ne loy. penses voz point que dieu est sur vous & que sil luy plaist cous pourra soudain adnichiler voire toutes les autres creatures

[76v]

vous est il advis que les crimes & delitz commis par vous ou soubz vostre auctorite demeurent impuniz & que nen ayez le loier tel quil appartient sachez pour certain que lire divine est lente & longue a vanger son injure mais cest pour la longueur & continuation des pechez compenser par gravite de peine Et pource messieurs que par obligation naturelle & civille je suis tenue vous recompenser des groz benefices que mavez par cy davant faitz, ne voulant estre ingrate vous ay bien voulu admonnester on nom de dieu le trespuissant par ceste epistre quil vous plaise laisser & habandonner toutes ces ambicions & desordonnees voluntez davoir & occuper les terres & seigneuries lun de lautre & que vivez ladvenir concordablement & fraternellement ainsi que vous estez tenuz faire Autrement je vous foiz savoir que peu dureront voz regnes & que briefves seront voz vies. Car voz pechez vous accusent davant dieu et seront tousjours contre vous jusques ace que griefve et horible pugnicion vous ait soubmis au lieu deternelle dannation & perpetuel reproche, que dieu ne veille mais vous donner grace de le recongnoistre & ne le congnoissant de lamer reverer & servir pour avoir finablement son eternel regne. Amen.

Commant le roy sigibert fut occis & semblablement theodobert filz du roy chilperic et commant sainct fortune vinst en france & fut evesque de poictiers chappitre. iiij.

SAincte radegonde envoia son epistre aux roys chilperic sigibert & goutran freres semblablement a theodobert & meronee enfant dudit chilperic lesquelz nen tindrent grant compte fors le roy sigibert qui amoit singulierement ladite saincte & luy faisoit de grans biens & aumoien de ladite epistre delibera de se reconcillier avec ses freres & nepveuz & sen mist en loyal devoir mais ilz ny voulurent lors entendre. En ce temps sainct fortune natif de ravenne laissa litalie & vinst en france & parce quil estoit grant orateur en prose & metre & aussi quil vivoit sainctement et religieusement le roy sigibert le retinst de sa maison & luy don

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na gages ou pension pour son entretienement et feit ledit sainct fortune la cronicque dudit sigibert en mettre & aussi plusieurs belles epistolles adroissans a saincte radegonde lors religieuse comme jay veu en aucunes de ses euvres qui sont en la librairie de leglise collegial sainct hilaire legrant dudit poictiers & de puis fut evesque dudit lieu & apres son trespas aumoien des grans miracles que dieu feit par ses merites & a sa requeste & aussi pour la sainctete de sa vie fut mis on cathalogue des saincts & nen parle sans cause car cest celuy qui a escript la vie de sainct hilaire & aussi celle de saincte radegonde de laquelle il a peu parler comme scavant parce quil estoit de son temps. Pour retourner au propos le roy sigibert qui estoit bon de sa nature ne demandoit que paix & a la requeste de saincte radegonde feit de beaux offres au roy chilperic & thoedobert son filz qui ne le voulurent accepter mais en lieu de pacification droisserent une grosse armee contre sigibert lequel de ce adverty assembla grant compaignee de alemans nomez sueves & alla jusques pres paris faire guerre a chilperic qui envoia ambassades de payx audavant de larmee de sigibert & feirent certain appointement que peu dura car ung an apres chilperic & goutran freres feirent ralience ensemble pour faire guerre a sigibert leur frere et le destruire. Aquoy il obvia car avec grant nombre de sesditz alemans il leur presenta journee & envoia godegesille et ung autre capitaine faire guerre a theodobert qui lors estoit en touraine dont il fut chasse jusques on pais dengoulmois & illec occis & son corps inhume en la ville dengoulesme qui fut selon la cronicque dudit sigibert lan de nostre salut cinq cens soixante dixhuit y onquel an chilperic de ce adverty & que goutran son frere non obstant leur aliance avoit quelque intellegence avec le roy sigibert luyr fredegonde sa femme & leurs enfans retirerent en la ville de rouan ou sigibert les voulut aller assallir & luy estant avec ses gendarmes en son ost davant vitry. ladite fredegonde qui estoit la plus malicieuse femme du monde lenvoia tradicieusement occire par deux hardiz foulz

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qui furent sur le champ mis en cent mille pieces. le corps du roy sigibert fut ensepulture en leglise sainct medart de soissons quil avoit parachevee de ediffier & doter il navoit que quarante ans & regna quatorze ans selon lesditz historiens et dit landulphe en sa cronicque & aussi faciculus temporum que ledit sigibert fut grant aumosnier & homme piteux & charitable tellement que luy & sainct germain (qui fut evesque de paris duquel nous avons dessus parle) sestudioient & qui feroit plus de aumosnes. les alemains qui estoient avec ledit sigibert se retirerent en leur pais & sappelloient suaves ilz estoient deslors bons francois comme sont encores leurs successeurs que nous appellons encesquenetz qui sont dudit pays de suave.

¶ Selon la computation dudit sainct gregoire on dernier .chappitre. dudit quart livre ou il parle de la mort dudit sigibert. Depuis lan de nostre salut jusques au trespas de sainct. Martin arcevesque de tours y eut quatre cens douze ans de puis le trespas dudit sainct martin jusques a la mort du roy clovis cent deux ans depuis le trespas du roy clovis jusques a la mort de theodobert le premier qui fut filz de theodoric & nepveu du feu roy clotaire y eut trente sept ans et depuis la mort dudit theodobert jusques a la mort dudit sigibert trente neuf ans qui sont en tout cinq cens quatre vingtz ans & parce mourut ledit sigibert douze ans avant saincte radegonde laquelle deceda lan cinq cens quatre vingtz douze comme nous verrons dieu aidant cy apres Et ne saccorde ladite computation dudit sainct gregoire. a ladite cronique de sigibert par laquelle appert que ledit roy sigibert deceda xiiij. ans apres son père clotaire qui fut lan v.c.lxxviij et xiiii. ans avant le trespas de .saincte. radegonde

Commant childebert filz du roy sigibert fut couronne roy es terres de son pere en laage dun an & commant meronee filz du roy chilperic se feit mectre a mort Chappitre. v.

LE roy sigibert apres son trespas laisse brunechilde sa vefve & ung sien filz nome childebert qui avoit lors ung an ou environ lequel par le conseil de sa mere fut prins & desro

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be au roy chilperic par goudouault gouverneur du pais de poictou & conronne roy es terres dudit sigibert son pere le jour de novel dudit an. encontinant apres chilperic feit prendre brunchilde avec la pluspart de ses tresors & lenvoia en exil a rouen & touhant ses filles les feit tenir come prisonieres a meaux come il est escript on i. chappitre. du v. livre. de la cronique. dudit .sainct. gregoire. De ce adverty meronee filz du roy chilperic qui fut surprins de lamour de brunchilde sa tante se departit de poictiers ou il estoit alle faire guerre par le commandement de sondit pere & faignant aller veoir fredegonde sa mere se transporta secretement a rouen ou il espousa ladite brunechilde Le roy chilperic le sceut qui en fut fort desplaisant & delibera luy faire desplaisir aumoient de quoy se retira on monastere sainct martin de tours avec brunechilde dont il sortit par composition & se rendit a la mercy de son pere qui de puis le contraignit prendre ung des ordres de prestre en ung monastere du mans dont il sortit & se rendit de rechief ondit monastere sainct martin de tours onquel ledit chilperic son pere l’assiega & voiant meronee quon vouloit brusler ledit monastere sil nen sortit trouva moien devader secretement & se retira on pais de champaigne ou il fut par quelque temps jusque ace que son pere le feit tradicieusement prendre a lexortation & priere de fredegonde & doubtant tumber entre ses mains se feit mectre a mort en ung petit village ou il sejournoit par ung sien serviteur nomme gailenus selon ledit .saint. gregoire. es. xiiii. &. xviii chappitre. de son. v. livre. ou il dit davantage que selon le rapport daucuns ledit meronee ne se feit occire mais le feit mectre amort secretement la cruelle royne fredegonde & ainsi la escript gaguin. en sa cronicque. Certain temps par apres tous les autres enfans de chilperic & de ladite fredegonde son espouse moururent & ne demoura plus que clodovee filz dudit chilperic & de audouere sa premiere femme lequel clodovee fredegonde feit mourir en ses prisons comme il est escript on xxxix chappitre dudit. v. livre dudit sainct gregoire.

Commant seur disciolle qui avoit este servante de .saincte. radegonde alla de vie a trespas & ladvision advenue a une autre religieuse du monastere saincte croix de poictiers. Chappitre. vi.

[78v]

IL est escript on xxix. chappitre du vi. livre de lacite cronicque sainct gregoire que lan onquel lambassade du roy chilperic retourna despaigne qui fut lan de nostre salut cinq cens. iiii. xxI & ci. et six ans davant le trespas de saincte radegonde. une des religieuses du monastere saincte croix de poictiers nommee disciolle qui estoit mere de sainct silvain lors evesque dalby. et qui avoit este servante de saincte radegonde fut griefvement mallade au lict de la mort & que le jour quelle trespassa environ lheure de nonne pria aux religieuses qui la servoient en sa malladie se retirer de la chambre & leur dist quelle vouloit reposer et ne sentoit plus de mal par quoy sortirent hors. et tantost apres y retournerent. en pa presence desquelles disciolle extendit les mains & demanda la benediction a quelqun quelle ne nomma en disant. O benoist sainct & serviteur du treshault dieu donne moy ta bendiction. voicy ja la tierce foiz de ce jourduy que tu as eu peine pour moy. helas pourquoy soustiens tu tant dinjures pour une si petite & pauvre femme. les religieuses furent esbayes doyr telles parolles parce quelle ne veirent homme & ne savoient a qui disciolle parloit. Si linterrogerent a quel sainct elle dirigeoit les parolles. Mais elle ne leur feit response aucune & perdit le parler, & bien tost apres fit ung hault cry. et en riant rendit lesprit a dieu. En leglise dudit monastere estoit ung demoniacle quon avoit illec amene a la vraye croix pour avoir guerison. lequel par permission divine a lheure que disciolle trespassa se gecta contre terre. & le diable qui estoit en son corps commanca a parler par son organne & dire. ha, ha, ha quel dommage nous soustenons autmoins quil eust este permis senquerir des causes & puisquon eust ouste ceste de nostre puissance. si fut conjure le diable de clairer quil entendoit par ses parolles. & il feit responce que lame de disciolle avoit este prinse par sainct michel & portee en paradis & que le prince denfer ny avoit rein : dont toutes les religieuses furent tresjoyeuses & a la priere & requeste de saincte radegonde

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le corps de disciolle qui est saincte en paradis fut ensevely en leglise de nostre dame qui lors estoit hors des murs de ladite ville de poictiers : et de present est a lung des coustez du tumbeau ou est le corps de saincte radegonde et de lautre couste est le corps saincte. Agnes sa servante qui fut semblablement Abbesse dudit monaster saincte croix. Et est a conjecturer que apres ladite saincte agnes richilde fut abbesse et apres ladite richilde une bonne et devote religieuse nomme lembouere qui fut bien obeie tant que vesquit saincte radegonde. mais apres son deces eu plusieurs grans adversitez comme nous verrons cy apres.

¶ Ondit an cinq cens quatre cingtz & six ainsi quil est contenu ondit xxix. chappitre du sixiesme livre de la cronicque dudict sainct gregoire y eut une autre religieuse ondit manastere de laquelle nay peu savoir le nom : qui eut vision que en allant a la fontainne de vie ou elle avoit desir aller, trouva ung homme merveilleusement beau qui la conduisit. Et que lors quilz furent a ladite fontaine leaue de laquelle resplandissoit comme fin argent ainsi que par le commandement de cest homme vouloit boire de ladite euaue, survint une abbesse qui luy feit laisser les vestemens quelle portoit. & la vestit dune robbe royalle qui tant estoit chargee dor et pierres precieuses que a peine on la povoit vestir en luy disant ma fille ton espoux tenvoie ce don. Apres ceste vision la bonne religieuse feit tant envers son abbesse quelle fut renclose en une cellule, ou elle fut mise solennellement avecques hymnes & pseaulmes par saincte radegonde les autres religieuses & leur abbesse Et quant elle fut a lentree de sa cellule apres avoir eu prins conge de toutes ses seurs quelle baisa, entra dedans & fut lentree incontinant close & muraillee Et ne demoura aucune ouverture fors une petite fenestre par laquelle on luy administroit son boire & manger qui fut deslors enavant de pain & deaue seulement. Car dautres viandes ne voulut depuis user. par quoy apres avoir par long temps vescu en telle austerite de vie trespassa glorieuse

[79v]

ment & fut son ame colloquee avec les autres saincts en paradis.

Commant lan que le roy chilperic deceda voulut retirer du monastere saincte croix une sienne fille nomme basine lors religieuse. Chappitre. vii.

CInq ans avant le trespas de saincte radegonde & lan de nostre salut cinq cens. iiii.xx. & sept Theodoric filz du roy chilperic que la royne fredegonde avait eu depuis le trespas de ses autres enfans mourut en la ville de parie en laage dung an, dont fut fait grant dueil par chilperic jacoit ce que fredegonde fust ensainte dung autre enfant. & craignant mourir sans hoir procree de sa chair sefforca retirer du monastere saincte croix une sienne fille nommee basine qui sestoit rendue religieuse & estoit professe ondit monastere. Et pource faire envoia a poictiers aucuns de es gens qui parlerent a basine laquelle ne voulut laisser lhabit ne lobservance de religion pour rentrer au monde Et feit response aux messagiers du roy son père que leur plaisir fust dire quil ne seroit bon convenable ne louable a une pucelle a dieu dediee, de retourner de rechief aux voluptez mondaines. ladite response fut faicte a chilperic qui leut agreable come il est escript on xxxiiij. chappitre du vi. livre de ladite cronicque sainct gregoire Tantost apres la royne fredegonde acoucha dun beau filz nommme clotaire. Et lors quil eu quattre mois sur la fin dudit an cinq cens quattre xx. & sept ainsi que le roy chilperic venant de la chasse descendoit de cheval lung de ses gens & serviteurs qui estoit seul avecques luy le mist a mort de deux coups despee lun sougz lesselle & lautre dedans le ventre Son corps fut ensevely en leglise sainct vincent quon appelle a present sainct germain des prez pres & joingnant la ville de paris. De la cruelle vie du roy Chilperic & de sa maleureuse mort il est ou long escript on denier chappitre. du vi. livre. de ladite cronique. sainct. gregoire. & aussi en la cronicque de gaguyn quant il partle dudit Chilperic.

Commant le roy gontran comme tuteur de clotaire le second

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fut regent en france & feit guerre au poictevins & turangeaux. & commant ung nomme goudouault supposa conre verite estre filz du roy clotaire le premier. Chappitre. viii.

INcontinant apres le trespas du roy chilperic fredegonde se retira en la ville de paris avec plusieurs grans tresors & se ralia du roy goutran qui print la tutelle de son filz clotaire & la regence de son royaume. Et en ce tiltre & qualite envoia prendre possession de plusieurs villes citez & chasteau & mesmement de tours & poictiers. ou il y eut grosse tuerie. Car les turangeaux & poictevins qui tenoient le party du roy childebert se defendirent & diceulx fut occis grant nombre & plusieurs maisons mises a feu & sang come il est escript on vij. livre de la cronicque. dudit sainct gregoire. Saincte radegonde qui lors estoi dancien aage ny peut donner provision car les habitans & levesque de poictiers nomme maroneus duquel nous avons dessus parle ne la voulurent croire. Touteffoiz tant feit par doulces lettres & admonitions quelle pacifia quelque peu de temps le roy goutran. & jusques a ce que les poictevins par le conseil dudit evesque maroneus (qui estoit homme de hault cueur & grant courage) eulx revoleterent contre goutran. Lequel a ceste cause envoia audit poictiers grant quantite de gensdarmes qui mectoient tout a feu & a sang. Quoy voiant les poictevins laisserent le conseil de levesque maroneus & feirent ouverture de leur ville a larmee du roy goutran moieen ce que leur rebelion fut remise & pardonnee & non audit evesque maroneus que les gesdarmes voulurent occire. mais il se saulva par grans dons quil leur feit des vaisseaux dor de son eglise quil leur eslargit et dispersa

En ce temps se esleva ung nomme goudouault homme incongneu qui contre verite se disoit estre filz du feu roy clotaire premier de ce nom. Et soubz umbre de ce prinst aliance avecques plusieurs princes & seigneurs qui estoient en la malveillance du roy gontran. contre lequel ledit goudouault feitp lusieurs surprinses on pais dauvergne qui tousjours estoit rebelle au roy de paris. Et feit tant quil sapprocha de la ville de poictiers.

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Laquelle il voulut prendre. Mais les poictevins le chasserent rudement occirent & prindrent plusieurs de ses gens comme il est escript on xxviij. chappitre du viij. livre de ladite cronicque sainct gregoire. Bien peu de temps dura ledit goudouault car par la trahison de deux ou trois evesques qui le soustenoient en ceste faulse querelle fut prins & mis amort & semblablement ceulx qui lavoient trahy & livre par les gens du roy goutran comme il est contenu on xxviiij. chappitre dudit livre. Et par ce qui est escript sy dessus povons veoir & congnoistre que ce nest chose nouvelle si les evesques ont le maniment des royaumes et choses temporelles.

Commant saincte radegonde alla de vie a trespas en son monastere de poictiers et en mesme heure sainct junian deceda. Chappitre. IX

NOus avons sommairement veu cy davant de ce qui fut fait en france mesmement en poictou durant le vivant de saincte radegonde. Laquelle des ce quelle fut recluse neut aucune communication avec ses princes ne autres hommes et vesquit en lobservance de sa religion par grant austerite pennalite & an la forme & manière quil a este dit on quart livre. Et elle advertie du jour de son trespas quelle avoit sceu par la vision dont a este parle au premier chappitre de ce quart livre et quelque peu de temps avant quelle fut mallade de la malladie dont elle deceda voulant pourveoir a son monastere se transporta vers son abbesse et la pria & upplia treshumblement assembler les religieuses on chappitre du monastere pour leur dire queque chose quel avoit sur le cueur. Ce que feit ladite abbesse Et en la presence de toutes dist les parolles qui sensuivent. Mas seurs en dieu vous congnoissez toutes ma vieillesse & que chose naturelle est de mourir une foiz jay par la grace de dieu tant fait envers les roy & princes que vous avez monastere prope & biens suffisans pour vivre & en vivant servir dieu jour et nuyt

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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