[81r]
ainsi que vous avez tresbien commance et continue jusques apresent & croy que la pluspart de vous sont contantes de cest estat mais aucunes en ont murmure & se sont reppenties davoir bien fait dieu par sa grace les vueille amander & donner vouloir de par achever leur vie en la vocation quelles ont liberallement prise je vous declaire mes surs & mayes que peu vivray avecques vous et que vieillesse me contraindra en brief vous laisser dont aucunes se resjoyront mais tresmal leur en aviendra car par legerete de pensee y aura grosse division entre vous si ne humiliez vos superbes courages je parle aux orguilleuses qui regretent les richesses mondaines les priant & aussi toute la compaignie que vous humiliez voz cueurs envers dieu & le priez devotement quil vous garde de discorde mes seurs & bien amees compaignes vous savez les privileges a vous donnez par les evesques de france contenuz par une mienne epistolle qui est signee et autentiquee de plusieurs evesques je vous suplie que acomplissez le contenu en icelle é que ladite epistolle soit gardee pour perpetuel mémoire on tresor de vostre eglise. Car elle vous sera tresnecessaire pour presenter a aucuns perturbateurs qui en ladvenir vous troubleront et brouilleront en voz privilleges je vous prie davantage que vous soiez obeissantes a vostre abbesse que vous aiez amour et dilection lune a lautre & que pour lamour de nostre espoux jesucrist vous envoiz les molestes corporez de religion bien observee, vous avez vostre reigle par escript gardez vous bien de lenfraindre. Labbesse & toutes les religieuses quequessoit la plusgrant part quant elles ouyrent ainsi parler saincte radegonde qui fort estoit gastee tant oar vieillesse car elle avoit soixante dixsept ans ou plus que pour les grans tormans quelle avoit a son corps donnez & que la voix luy trembloit et semblablement tous ses membres commancerent aplorer, & ne sceurent que luy respondre fors la remercier des grans biens quelle leur avoit faiz & luy feirent promesse de faire acomplir tout ce quelle leur avoit dit.
¶ Et a tant se despartirent du chappitre et checune se retira
[81v]
a sa cellule deux ou troys jours apres saincte radegonde tumba au lict mallade & congnoissant que sa malladie estoit le deffinement de sa vie temporelle se feit savoir a labbesse et a toutes les religieuses qui la furent visiter et consoller et feirent de grans diligences de luy preparer remedes a medicines dont elle ne voulut prendre car bien savoit que leure de son trespas estoit venue & quant toutes furent ensemble en la chambre ou ladite saincte estoit couchee non sur ung moul lict mais sur la cendre apres avoir receu les sacremens de confession communion & extreme unction leurs dist trente cinq ans a ou environ que par la grace & volunte de dieu jay prins habit de religion & vingt cinq ans a que jay demoure recluse avecques mes trescheres & bien amees seurs sans division aucune dont je remercie dieu Touteffoiz je scay que par humaine fragillite on commect souvent des faultes quon ne cuide faire. A ceste cause vous prie savoir est vous mon abbesse treshumblement & vous mes seurs ses filles que pour la reverence de nostre redempteur jhesus qui pria pour ses persecuteurs en la croix quil vous plaise me pardonner les offences que je vous puis par ignorance ou autrement avoir faictes. Et vous prie aussi et conjure en la vertuz diceulx nostre saulveur que vous gardez la reigle a vous envoiee par saincte cesare tout ainsi que par la grace de dieu vous avez commance faire & que ne vueillez contrevenir a lepistolle de voz previleges que je laisse on coffre du tresor de vostre monastere. Et affin que ne tumbez on vice de ingratitude et que ne perdez le merite de prendre et recevoir aulmosnes Vous suplie davantage que priez pour la redemption des ames du feu roy clotaire et de sigibert son filz, et pour le salut et prosperite de ses autres enfans encores vivans & de tous voz autres bienffacteurs sans me mectre en oubliance.
Mes seurs & amies jay longuement este en ce mortel & miserable monde ou par laide de dieu jay passe de grans perilz & dange
[82r]
reux passages & mesmement durant le temps que je me suis avec les mondains tenue. dieu ne veult plus me laisser en ceste misere ains me veult appeler avec luy. Et a ceste cause prens conge de vous car plus ne vous tiendre compaignee corporelle. Touteffoiz vous prie que soiez tousjours avec moy spirituellement et par mémoire etquant lame sera de mon corps separee je vous prie faire savoir mon tespas au bon abbe junian car ainsi luy ay promis & surce messeurs & amies vous recommande a dieu
¶ Incontinant que saincte radegonde eut mis fin a ses amoureuses parolles apres avoir dit in manus tuas domine commando spiritum meum sans tirer piedz ne mains rendit adieu son ame
¶ Qui fut le. viii. jour du moys daoust Lan. xiiij. du roy childebert qui tenoit son principal siege a poictiers et aucuneffoiz a tours selon la cronicque dudit sainct gregoire on second chappitre. du ix. livre et lan de nostre salut cinq cens quatre vingts et .xii Laquelle computation sacorde avec celle de la cronicque sigibert dont mention est faicte cy dessus on tiers chappitre. de ce livre.
¶ Labbesse et les religieuses qui avient entendu les gracieuses remonstrances de saincte radegonde ne pensoient quelle fust si pres de son trespas aumoien de quoy quant la voient ainsi doulcement trespasser feirent toutes ensemble ung si hault & merveilleux cry quon les ouyt de dehors du monastere. Et en plorant et souspirant disoient par piteux & lamentables regretz.
O bon & suverain dieu par quoy nous as-tu prins & tollu nostre mere nostre norrisse nostrre maistresse nostre confort nostre support nostre consolation nostre apuy nostre esperance nostre fiance nostre gloire nostre honneur nostre bien nostre defense & nostre secours. O souveraine deite quelle grant offense avons-nous contre toy commise pour nous pugnir si rigoreusement quel peche avons-nous fait pour estre flagellees de si dure persecution. Helas quelle faulte avons-nous perpetree pour estre corrigees par la perte de la plusparfaicte. Dame du monde
[82v]
doulx et amoureux jesus qui nous confortera qui nous consolera qui nous conduira : qui nous enseignera : qui nous nourira et entretiendra. car par la griefve execution de ceste dure mort nous avons perdu celle qui oncques ne nous laissa sans nourriture sans doctrine sans bon exemple, & sans conduicte. dieu souverain que navez vous permis si peche avons contre vostre divine majeste que toutes soions peries & mortes, et non celle qui en povoit droisser dautres plus parfaictes & meilleures que nous helas saulveur & redempteur jesus plusgrant maleur & perte ne nous povoit advenir. Les doleances & lamentations desites religieuses & aussi de leur abbesse furent pitiables & aouyr & leurs contenances extranges a veoir. car comme a escript sainct fortune & semblablement ladite baudoyne. les aucunes se frappoient lestomac de poings : & pierres comme femmes estans en desespoir. & les autres estoient de douleur si navrees que mot ne povoient dire ne proferer. Le peuple de la ville de poictiers pauvres & riches hommes & femmes clercs & laiz Lequelz trois ou quatre jours avant avoient tousjours este en prieres & oraisons pour la sante & prosperite de saincte radegonde en faisant processions jusnes et autres sacrifices a dieu furent advertiz de son trespas duquel ne feirent moindre deul que lesdit religieuses Et comme raconte ladite baudoyne lors quon faisoit toutes ses complainctes certains pauvres hommes de bonne vie qui tiroient la pierre des haulx rochiers estans pres les murailles de ladite ville de poictiers la riviere du clain entre deux pour lediffice de leglise nostre dame que ladicte saincte faisoit faire par commandement et ordonnance dudit roy clotaire ou fut son corps ensevely, eulx estans a la summite desditz rochiers oyrent en lair la voix dung ange qui disoit, que faictes vous, laissez lame de ceste saincte dame en con corps, car encores est necesaire pour le peuple & certaine grant quantite dautres anges respondirent. elle est ja hors du corps nous la tenons & portons en leternelle gloire laquelle par ses sainctes euvres elle a congrue
[83r]
ment meritee et commancerent tous ensemble ung si tresdoulz et amoureux chant que les pauvres macons pensoient estre en paradis En ce mesme jour et heure que saincte radegonde trspassa aussi feit le bon et sainct abbe junian duquel nous avons desus parle en son abbaie pres javarsay qui est de present en ruyne mais avant que deceder en acomplissant la promesse que luy & ladite saincte avoient fait lun alautre de faire savoir leure de leur trespas commanda a ses religieux que incontinent apres qui seroit decede quon le mandast a saincte radegonde ce qui fut fait par messagier expres Et autant en feirent lesdites abbesse et religieuses dudit monastere saincte croix qui en avoient semblablement este chargees par ladite saincte Et se rencontrerent les deux messagiers qui bien se congnoissoient amoictie de chemin en ung lieu ou de puis fut fonde ung prieure conventuel en lhonneur de ladite saincte appelle la troussaie en la parroisse de ceaux pres comhe a six lieues dudit poictiers si declairerent lun a lautre la cuase de leur message puis retornerent dont ilz estoient venuz et fut le corps dudit sainct junian miraculeusement ensevely en leglise de maire ou de present ya chambre abbacial ainsi quil est au long tenu par sa legende & depuis le corps a este translate en labbaie de nouaille qui est pres de poictiers du temps du roy loys de onaire filz de charlemagne comme jay escript es epitaphes & annalles des roys francoys
Commant saincte radegonde fut ensevelie en leglise de nostre dame fondee par le roy clotaire ou de present son corps repose & est appelle leglise saincte. radegonde. chappitre. x.
LEs religieuses et abbesse dudit monastere saincte croix apres leurs grans pleurs & lamentations feirent diligence de faire inhumer & ensepulturer honnorablement le corps de saincte radegonde ainsi que a son estat appartenoit tant a cause de ce quelle estoit descendue de lignee royalle et avoit este royne de france que pour sa saincte
[83v]
te & grande vertuz et parce que maroneus lors evesque de poictiers duquel nous avons dessus parle nestoit lors en son diocese on feit prontement savoir le trespas de ladite saincte audit sainct gregoire lors arcevesque de tours lequel incontinant & sans demeure se transporta audit poictiers. Et ainsi que luy mesme a ecript bien elegamment on cent sixiesme chappitre du livre quil a compille des confesseurs trouva ondit monastere saincte croix le corps de ladite saincte en ung coffre & cercueil pource ordonne ou elle estoit vestue de son habit de religion & par-dessus de ung manteau de veloux pers couvert de fleurs de liz dor la couronne sur la teste et le ceptre soubz ses piedz les mains joinctes & la face descouverte qui estoit blanche comme ung liz et les joues vermeilles comme une roze de sorte que bien sembloit encores estre plaine de vie autour de son corps estoient ledites abbesse & religieuses jusques au nombre de deux cens toutes filles de princes et grans seigneurs et si en avoit partie du sang royal de la maison de france. Et apres que ladite abbesse eut declaire audit arcevesque non sans grant habundance de larmes la forme du deces de ladite saincte avec une partie de sa saincte vie & conversation lesdites religieuses ne peurent plus celler audit arcevesque ainsi quil recite ondit chappitre les mordentes douleurs & cruelles angoisses quelles avoient sur leurs cueurs mais commancerent toutes a crier & se desconforter par lamentations piteuses & lachrimables en disant, helas nostre bonne mere & doulce nourrisse a qui laisses tu le gouvernement de tes pauvres pupilles ou prendrons nous plus consolation doctrine & confort que pourrons nous plus faire ne dire. nous avons habandonne noz parenz noz biens terriens, noz pais & toute felicite mondaine pour te suivir & aller apres toy, & tu nous laisses a moictie de chemin en larmes en pleurs & en perpetuelle douleur. ce monastere nous estoit aumoien de ta presence plusplaisant que les fors chasteaux riches palais du monde ta doctrine nous estoit plus consolative & nourrissante que toutes les delices mon
[84r]
daines tu estois notre or, nostre argent noz vignes flories noz maisons delectables noz pres verdoians & jardrins de delices tu estois nostre roze tresrutilante & nostre liz blan. Et maintenant la terre nous est toute tenebreuse noz delectations spirituelles sont tournees en amertume de cueur en pleurs souspirs & greifves lamentations ce lieu qui nous estoit tout consolatif pour ton absence nous sera une retraicte dangoisse trop maleureuses summes destre apres toy demourees & eureuses sont qui toy vivant sont decedees nous savons bien que tu es en paradis avecques les vierges & marties colloquee qui dune part nous donne consolation mais trop nous est dure de penser que plus ne te verrons en ce monde.
¶ Voiant sainct gregoire ainsi lamenter ce pauvres religieuses ne povoit temperer les larmes de ses yeulx. Et apres avoir eu plore comme les autres se retourna vers ladite abbesse & luy dist. Madame il se fault ung peu abstiner de ces pleurs & vous aussi mes filles les relgieuses & convient traicter des choses que nous avons a faire.
Nostre frere maronee evesque de ceste ville de poictiers est loing dicy & ne peut assister a ce present obseque, advisez que nous ferons du corps de ceste noble & saincte dame il est tresnecessaire que vous gardez que par faulte de honnourable sepulture ne soit faicte injure a si noble et precieux corps labbesse respondit que ferons nous monsieur si levesque maronee ne vient, car le lieu ordonne pour sa sepulture nest sacre ne benist. lors les bourgeois de ladit ville & autres gens de bien qui estoient venuz a lobseque prierent sainct gregoire sacrer dedans lieu en luy remonstant que ledict evesque maronee nen seroit desplaissant mais tresjoieux veue ladicte necessite.
A ceste cause sainct gregoire sacra et dedia ledit lieu qui estoit ung petit oratoire soubz terre et de present y est & repose son corps
[84v]
Et la dedication faicte le corps de ladite saincte qui gisoit en ung coffre de boys embasme & aromatize fut porte ondit oratoire : avecques prechans & respons ecclesiasticques par ledit sainct gregoire. & tout le clerge dudit poictiers, desquelz on ne povoit entendre le chant pour les grans criz pleurs & plainctes que faisoient lesdites religieuses. lesquelles ne sortirent hors leur monastere pour la conservation de leur veu & religion. car de puis quelles estoient renfermees ondit monastere nen sortirent plus sans grant cause legitime et tresurgente & contraincte. mais elles estant aux creneaux des murailles de ladite ville qui faisoient dung couste la clousture didit monastere regardant sur ladite eglise nostre dame ou fut ensevelie ladite saincte. Et au regard des prestres & gens deglise plouroient comme les autres en manière que a peine povoient prononcer leurs anthenes & respons comme a escript ledit sainct gregoire on chappitre. dessus allegue. Plusieurs grans miracles furent faiz a lenterrement de ladite saincte comme a escript sainct fortune. & entre autres ainsi quon arresta le corps de ladite saincte ala requeste desdites religieuses soubz la tour ou portal de la ville joignant ladite abbaye ungpauvre aveugle qui navoit onc veu trouva moien de toucher le cercueil de ladite saincte : et il receut clere veue incotinant Or fut le corsp dicelle saincte mis en sa sepulture ainsi quelle avoit ordonne par ledit sainct gregoire arcevesque de tours en absence de maroneus evesque de poictiers Mais ne voulut couvrir ladite sepulture & comme il tesmoigne laissa ledit corps descouvert affin que ledit evesque maroneus parachevast lidit obseque. et le service fait les femmes qui avoient porte les cierges davant le corps les baillerent a aucuns des serviteurs pour les extaindre & reporter, dont le peuple de ladite ville murmura disant quilz devoient demourer ardans autour diceluy corps, actendu sa dignite & sainctete. & en ce debat lung desditz cierges se esleva sur tous les autres & sans aide ou mistere daucun vint tumber tout droit aux piedz dudit corps. Et y demoura
[85r]
ardant. Dont graces furent a dieu rendues par ledit arcevesque Lequel apres toutes ces choses retourna ondit monastere. Ou labbesse acompaignee de plusieurs religieuses luy monstra les lieux ou ladite saincte faisoit toutes ses bonnes operations. & luy disoit en plourant voicy la cellule de nostre bonne mere, et le lieu ou de genoux en pleurs & lermes faisoit ses prieres & oraisons a dieu omnipotent voicy les livres ou elle lisoit et nous donnoit doctrine. voicy le lieu ou elle faisoit ses aulmosnes. voicy lel ieu & le lict de endres ou elle prenoit repoz voixy les chaynes de fer quelle portoit sur son tendre corps voicy le vaisseau darain sur lequel tout ardant couchoit son sainct & innocent corps. voicy sa haire. coivy son psaultier, et ses patenostres. & en luy monstrant toutes ces choses les larmes & souspirs renouvelloient tellement que ledit sainct gregoire (ainsi quil a escript ondit chappitre) a peine se peut contenir de fondre en larmes neust este quil scavoit que celle qui estoit ostee corporellement dudit moanstere y demourroit par vertuz & que son ame estoit en la gloire de paradis.
On pourroit demander pourquoy ladite saincte fut ensepulturee en son monastere ? A quoy je responds quil y eut trois causes principalles. La premiere que ondit temps on enterroit aucuns corps au dedans des murs dune cite ou ville. et estoient les cymitieres & sepulchres hors les murailles comme estoit ladite eglise nostre dame qui de present est renclose au-dedans des murs dicelle ville. La seconde que ladite saincte avoit fait fonder ladicte eglise par le roy clotaire. La troiziesme quelle avoit ordonne son corps estre mis en ladite eglise comme il est contenu par son epistolle dessus inseree on xi. chappitre. du tiers livre. Les iij. prochains jours apres le trespas de ladite saincte tous mallades comme lepreux gouteux, febricitans & demoniacles venoient de toutes pars ou estoit le corps. Et par les merites & intercessions de ladite saincte receurent tous guerison comme il est escript par ledict sainct fortu
[85v]
ne. et par ledit sainct gregoire on second chappitre du neufviesme livre de sa cronicque. Et dilec enavant y eu tousjours grant affluence de pellerins, & plusieurs beaux miracle comme nous verrons cy apres particulierement.
¶ Apres le trespas de saincte radegonde il y eut de grant guerres & divisions civiles entre le roy goutran tant en son nom que comme tuteur et curateur de clotaire le second filz de chilperic Et childebert filz du feu roy sigibert touchant leurs partages sur lesquelz differens y eut ung traicte de paix duquel ledit sainct gregoire arcevesque de tours fut mediateur. & par icelluy touraine & la compte de poictou demourerent entre autres choses audit childebert, qui fut lan treziesme du regne dudit childebert & ung an apres le trespas de saincte radegonde comme il est escript on vingtiesme chappitre du .ix. livre de la cronicque dudit sainct gregoire. & lan prochain apres par le conseil de levesque maronues les poictevins eurent plusieurs grosses charges de tailles et emprunts. dont ledit maroneus fut peu extime parce que cestoit celuy qui les devoit garder de telz subsides ainsi que feit larcevesque de tours ladicte annee comme il est escript on xxxi.chappitre dudit neufviesme livre
Commant deux ans apres le trespas de saincte radegonde y eut une grosses division entre labbesse & aucunes des religieuses du monastere saincte croix. dont le roy & tous les evesques de son royaume furent enpeschez. Chappitre. xi.
DEux ans apres le trespas de saincte radegonde advinst (ainsi quelle avoit predit) ung grant & mervelleux scandalle en son monastere. Car (ainsi que raconte ledit sainct gregoire on xl. chappitre dudit ix livre de sa cronicque) chradielde qui estoit fille du feu roy aribert comme il a este dit dessus a linstigation du diable pervertit le bon vouloir de bazine fille du feu roy chilperic. Et combien que au paravant
[86r]
se fussent tousjours monstrees vertueuses religieuses. Ce neautmoins par orgueil envye & vengence entreprindrent faire priver lembouere lors abbesse dudit monastere de sa dignite abbacialle moiennans certaines grans accusations quelles pourpenserent faire contre elle. Et pour parvenir a leurs dannees affections communiquerent leur entreprinse a plusieurs religieuses dudit monastere et donnerent entendre quelles estoient mal nourries et entretenues & que labbesse consumoint & despendoit le bien dicelluy monastere a enrichir ses parens, & que si elles vouloient estre de leur bande quelles seroient une autre abbese qui les tiendroit cent foiz plus aises & en plus grant liberte. aucunes desdites religieuses congnoissans que cestoit pure envie & malice ne voulurent adherer a chrodielde & basine, les autres jusques au nombre de xl. se ralierent delles & delibererent faire chrodielde abbesse dudit monastere pour laquelle entreprinse mectre a fin vers la fin du moys de novembre dudit an sortirent hors dudit monastere & se transporterent a tours vers ledit sainct gregoire lors arcevesque dudit lieu. auquel chrodielde dist & exposa la cause de leur venue telle que dessus & oultre luy dist que pour avoir surce provision elle et bazine vouloient aller vers les roys goutran clotaire & childebert leurs proches parensle priant que ce pendant il voulust garder et nourrir les religieuses qui estoient venues avec elles
Sainct gregoire qui fut esbay du cas leur respondit que si leur abbesse avoit affense & pretermis aucune chose de leur reigle quil se transporteroit vers leur evesque maroneus et que eulx assemblez luy remonstreroient ses faultes lesquelles corrigees & amendees seroient toutes les religieuses contantees & en leurs anciens droitz restituees. affin que ce qui avoit este divinement par saincte radegonde congrege, ne fust perdu & divise par luxure & vagacion en ensuyvant lordonnance & institution dicelle saincte contenue par son epistolle cy dessus inseree on xi. chappitre du tiers livre
Chrodielde & basine feirent response quelles nattendroient avoir
[86v]
raison par leur evesque maroneus parce quil estoit cause de toute leur division et sestoit tousjours pour son hault et grant courage monstre ennemy de leur monastere de puis le temps quil refusa saincte radegonde de recevoir la portion de la vraie croix que lempereur justinian luy avoit envoiee de constantinoble comme nous avons vey cy dessus jusques apres le trespas de ladite saincte Et depuis ledit trespas par lintelligence quil avoit avecques lembouere du conge. et permission du roy childebert avoit prins & accepte la tuition et garde dicelluy monastere & fait plusieurs choses quelle ne voulurent declairer dont ledit scandalle estoit procede et que aceste cause ne vouloient que ledit maroneus fust leur juge mais iroient devers les roys leurs parens pour en avoir justice. Et neust este la diversite du temps qui estoit pluvieux & aussi quelles estoient venues apie de la ville de poictiers en ladite ville de tours sans avoir beu ne mange fors du pain et deaue & que aumoien de ce estoient fort lasses extenues et fatiguees se fussent deslors mises a chemin pour aller vers goutran childebert et clotaire qui estoient lun en picardie lautre a paris et lautre a rouen mais par le conseil dudit sainct gregoire demourerent en ladite ville de tours & les nourrist ensemble toutes les autres religieuses leurs compaignes par trois moys ou environ lesquelz finiz & passez & vers le commancement davril chrodielde laissa basine & les autres religieuses audit lieu de tours & sen alla vers le roy goutrant son oncle qui la receut honnourablement & luy feit plusieurs dons. & apres avoir sceu la cause de sa venue luy promist assembler les evesques pour donner provision au tort quelle maintenoit avoir este fait par labbesse lembouere a elle et autres religieuses. Noiennant laquelle promesse chrodielde sen retourna a tours vers ses compaignes quelle ne trouva toutes car aucunes dicelles avoit laisse le froc et sestoient mariees dont elle fut tresdolente & courrossee.
¶ Si actendi chrodielde par long temps audit lieu de tours que
[(87r)]
les evesques fussent assemblez ainsi que le roy goutran luy avoit promis. Et voiant que ledit goutran nen tenoit compte Elle basine & autres religieuses retournerent a poictiers & logerent en labbaye sainct hilaire qui estoit lors hors & prres les murailles de ladite ville et de present ya eglise collegialle et seculiere Ledit sainct gregoire na escript qui les receut en ladite abbaye ne quel support elles y avoient. Mais bien a escript au lieu preallegue quelle assemblerent grant nombre de gens mal fasmez comme larrons homicides bapteurs de gens & adulteres pour leur tuition & garde. Lesquelz faisoient plusieurs grosses follies & grans exces audit poictiers : & mesmement aux gens & serviteurs dudit monastere saincte croix. Duquel sortit lors par-dessus les murailles une religieuse qui se rendit a chrodielde & sa compaignee : dist plusieurs grosses injures de ladite abbesse lembouere, que ledit sainct gregoire dit ne croire estre veritables Gundegesilus arcevesque de bourdeaux. nicasius evesque dangoulesme. saffarius evesque de perigort : & ledit maroneus evesque de poictiers asemblez on monastere sainct hilaire dudit poictiers pour donner provision a tel scandalle & insolence remonstrerent a chrodielde bazine & leurs compaignes le mal quelles avoient fait & faisoient chascun jour. Et leur enjoignirent sur peine dexcommuniement de retourner en leur monastere soubz lobedience de leur abbesse. Dont elles furent toutes desplaisantes et ferient rude & sorte response ausditz evesques Et de ce non contantes apres quilz furent hors dudit monastere sainct hilaire & ainsi quilz se retiroient a leurs logis envoierent certaine quantite de mauvaiz garsons & gens habandonnez apres eulx. lesquelz les baptirent et oultragerent jusques a grant effusion de sang, voire de telle sorte que silz neussent prins fuyte y en eust eu de mors Et furent si tresprecipitez que a grant peine eurent loisir deux retirer en leurs dioceses comme il est au long contenu on xlii. chappitre. du IX. Livre de la cronicque duit sainct gregoire. & davant que la chrodielde
[87v]
eut fait faire ces exces avoit envoye lesditz maulvaiz garsons es maisons et villages dudit monastere saincte croix ou ilz feirent plusieurs maulx & dommages Et ne savoit que faire la pauvre abbesse lendouere, fors quelle envoia a tous les evesques circumvoisins, lepistolle & charte faicte par saincte radegonde qui est escripte au long cy dessus on xi. chappitre du tiers livre.
Chrodielde bazine & les autres religieuses leurs compaignes demourerent excommuniees par plus dung an Pendant lequel temps & sept jours avant la feste de pasques (ainsi que ledit sainct gregoire a escript on xv. chappitre. du x. livre de sa cronicque) ladite chrodielde paar) linstigation du diable envoia ses homicides larrons et complices ondit monastere saincte croix, dont ilz chasserent la bonne abbesse landouere & la renfermerent en forte prison. puis spolierent ledit monastere de la pluspart des meubles & estant en iceluy, & firent faire plusieurs homicides & autres grans maulx Aumoien desquelz fut fait & celebre ung concile provincial audit poictiers ou ladite abbesse lendouere fut accusee faulsement par chrodielde & ses alliees quelle ne nourrissoit ne entretenoit suffisamment les religieuses dudit monastere & quelle dispersoit les biens diceluy a ses parens pour les enrichier. Aussi fut accusee dautres cas qui nestoient touvez veritables. Parquoy fut remise en son auctorite, soubz laquelle ladite bazine recongnoissant ses faultes voulut vivre & se soubmist a sa misericorde. A ceste cause tout luy fut remis & pardonne & absolution baillee par ledit concile. Au regard de chrodielde parce quelle avoit fait serment de jamais nentrer ondit monastere tant que ladite abbesse y seroit voulant neautmoins luy requerir pardon de linjure quelle luy avoit faicte a tort. Le roy childebert luy donna le lieu du vadon quil avoit confisque pres poictiers, ou elle sen alla demourer et y vesquit par aucun temps religieusement.
De lappertion du tumbeau de saincte radegon
[88r]
de a la requeste de monsieur jehan duc de berry et compte de poictou. Chappitre. xii.
COmbien que pour la perfection de ce present euvre je deusse avoir escript par ordre le nombre des miracles faiz par les merites & prieres de saincte radegonde depuis son deces selon quilz sont contenuz en son legendaire Ce nonobstant pour cause de brefvete jay advise que le meilleur sera les mectre cy apres tous ensemble en ung chappitre. Et a ceste cause feray un grant sault pour parler de lappertion de son tumbeau qui ne doit estre oubliee. pour laquelle entendre est a presupposer Que le roy jehan qui fut prins par les anglois pres poictiers. ainsi quil est au long contenu par les croniques de france Apres son trespas laissa quatre filz tous bons & sages. Savoir est charles cinquiesme de ce nom qui fut roy de france apres luy. Loys duc danjou et roy de cecille. phelippes le hardy duc de bourgoigne. & jehan surnomme le camus qui fut duc de berry & comte de poictou. Ces quattre freres & le duc de bourbon la seur duquel ledit charles .v. espousa sentretindrent tousjours en si grande amour & dilection que par leur proesse & sage conduicte chasserent les anglois de france & recouvrerent sur eulx la pluspart des terres & pais quilz avoient usurpees du vivant du feu roy Jehan. Ledit duc jehan vesquit cinquante deux ans apres le roy son père. & deceda en laage de quatre vingts seize ans quon disoit. Mil quattre cens & seiz. Ce fut celuy qui feit ediffier le chasteau de poictiers & commenca le sumptueux ediffice du palais dudit lieu, aussi ediffia & dota la saincte chappelle de bourges qui est chose tressinguliere. Quattre ans avant son deces (pour la grande & singuliere devotion quil avoit a saincte radegonde) pria le prieir & chanoines de ladite eglise que le tumbeau ou le corps dicelle saincte reposoit fust ouvert, pour en avoir quelque portion. A quoy ledit prieur & chanoines sacorderent du congie & licen de levesque de poictiers
[88v]
¶ Aceste cause fut assigne jour pour faire ladite ouverture au xxviij. jour de may dudit an quon disoit mil quatre cens et douze ou ledit evesque de poictiers et plusieurs autres prelatz se trouverent et ledit duc de berry avec eulx Le service faict & acomply en grans cerymonies comme au cas appartenoit lesditz prelatz & en leur compaignie ledit duc jehan descendirent en la chapelle & voulte ou estoit comme encores est ledit tumbeau Laquelle estoit plaine de cierges ardens Et par le commandement dudit evesque de poictiers les massons avec leurs marteaulx & instrumens feirent ouverture dudit tumbeau qui estoit de mabre brun. En quoy faisant et desditz marteaulx sortir violemment ung esclat dudit mabre contre loeil de lun desditz masons de telle roydeur que la prunelle de loeil estoit presque hors de son lieu qui ne fut sans grant douleur. Touteffoiz le pauvre masson par la grant esperance quil eut davoir soudain querison par les merites et intercessions de ladite saincte ne laissa la compaignee & actendit que ledit tumbeau fust ouvert. Onquel on trouva le corps dicelle saincte plus odorant que basme et si estoit entier, voyle couronne et ses mains joinctes combien quil y eust huit cens & vingt ans moins deux mois quil y eust este mis
¶ Chascun fut resjouy et consolle davoir veu si noble & digne chose. Et apres avoir eu fait par lesditz prelatz commoration et suffrage de ladite saincte. Lequel duc jehan demanda deux choses la premiere deux anneaux qui estoient encores es doiz dicelle saincte & son chief pour le transporter en sa saincte chappelle de bourges lesquelles choses luy furent octroiees par lesditz prieurs chanoines de ladite eglise du consentement dudit evesque de poictiers plus par crainte que autrement. Touteffoiz dieu ne voulut permectre quil en eust rien fors lun desditz anneaux & quant voulut avoir lautre le doy ou il estoit se retira et touchant ledit chief lors quon le voulut separer du corps survinst en ladite chappelle qui est obscure parce quelle est soubz terre une lumiere supernaturelle
[89r]
si tres grande que lun ne povoit veoir lautre. pendant laquelle ledit tumbeau fut divinement et sans euvre dhomme recloz & femre ainsi quil est de present la veue de laquelle closture monstre assez que cest chose faicte par miracle aumoien de lextrange facon dicelle. Voiant le duc jehan que dieu ne vouloit quil eust aucune chose du corps de saincte radegonde se contenta dudit anneau lequel il emporta. Mais avant que sortir de ladite eglise le masson qui avoit loeil blesse (comme dit est) se prosterna davant ledit duc et le pria uil luy feist toucher a son œil lanneau quil avoit eu de ladite saincte. Ce qui fut faict par ung homme deglise Et incontinant ledit masson recouvrit la veue et vit des deux yeulx aussi bien ou mieulx quil avoit jamais fait dont furent graces rendues a dieu. Et apres grosse offerte par ledit duc faicte a ladite eglise pria ledit evesque de poictiers & lesditz prieurs et chanoines de ladite eglise que deslors en avant on fist solennite de ladite appertion aumoien des cas miraculeux y advenuz Ce quilz voulurent & accorderent. Et en fut faict service expres que jay veu et leu. Et commance le respons des premieres vespres Ectri a regalibus nolite &c. et lo collecte. Omnipotens deus qui beatam ancilam Et lintroit de la messe commance. Sanctissime radegondis regine visionem sacri corporis
Aucuns miracles faintz en leglise ou respose le corps saincte radegonde a poictiers de puys son deces jusques apresent lesquelz sont enregistrez en son legendaire. Chappitre. xiij.
ON congnoist la puissance sapience et bonte de dieu non seulement en ses creatures et la differance dicelles, mais aussi es merveilleuses euvres de ses saincts et saincteslesquelz il a magniffiez et exaltez en ce monde apres leur trespas par louange humaine et en lautre monde par eternelle felicite. Et mesmemement saincte radegonde par les merites & intercessions de laquelle il a fait plu
[89v]
sieurs grans et evidens miracles fort approchans de ceulx de sainct martin non seulement sa vie durant comme il a este escript cy dessus mais aussi apres son deces. Et combien que la forme de la vie soit suffisante pour attirer le peuple adevotion Touteffoiz parce que toutes parsonnes ne sont de semblable condicion et quil en ya aucuns qui avant que croire la sanctete dune parsonne en veulent veoir proceder evidens signes par miracles & prodiges jay bien voulu cy reciter auncuns miracles faiz aux prieres et intercessions dicelle saincte depuis sondict deces. Et premierement raconte sainct fortune que le jour quelle deceda ung nomme demolenus tribun du ficque apoictiers cest adire prevost estoit en une sienne maison aux champs et pris ledit poictiers greifvement mallade et en langueur. Et ainsi quil sommelloit luy senbla que saincte radegonde (laquelle il congnoissoit) le vinst veoir en sa maison et quil courut audavant dicelle la salua et humblement luy demanda la cause de sa venue. et que ladite saincte luy respondit quelle estoit venue le visiter & ladmonnester de faire ediffier au lieu quelle ly monstra une eglise de sainct martin et que audit lieu en y avoit plusieurs reliques et aultre luy monstra les fondemens ja tous faitz et le pave tout assis. puis luy dit quelle estoit aussi venue pour le delivrer de sa malladie affin quil delivrast ceulx quil tenoit en ses prisons. Ledit prevost se reveilla et narration faicte a sa femme de sa vision parce quil se trouva entierement guery envoia soudain audit poictiers pour delivrer lesditz prisonniers et sceut au retour que alheure dicelle vision ladicte saincte estoit decedee, Parquoy incontinant apres commanca ediffier une eglise de sainct martin quil paracheva.
Aucuns dient que cest sainct martin de liguge parce quil nya autre eglise dudit sainct pres dudit poictiers & aussi que autre foiz sainct martin sestoit tenu audit lieu.
[(90r)]
¶ Baudoyne en la legende quelle a faicte de ladicte saincte raconte que continant apres le deces dicelle une nomme vinoberge sa servante par derrison & mocquerie se mist en lacheire ou ladicte saincte avoit acoustume aucuneffoiz prendre repoz Et incontinant par le jugement de dieu ladicte vinoberge fut frappee dune extrange malladie, car elle entra en si tregrande chaleur quil luy sembloit quelle brulast & fumoient tous ses membres comme une fornaise.
En laquelle douleur fut par trois jours et jusques a ce quelle eut recongneu son peche et deamnde pardon a dieu de son orgueil et arrogance et aussi a saincte radegonde apres laquelle chose faicte par les prieres des religieuses et du peuple fut entierement guerie.
¶Ladicte baudoyne raconte aussi que ung nomme albo des Parties de bourgongne vinst a poictiers en la compaignee dun evesque nomme lerfastus. Lequel albo fut surprins dune douleur de dens si tresgrande quil ne povoit dormir boire ne menger. Si luy fut parle des grans miracles que dieu fasoit chascun jour au tumbeau de saincte. Radegonde. aumoient dequoy par fervente devotion & foy se transporta audit tumbeau Et son oraison faicte print lung des boutz du drap qui encores estoit sur le corps de ladicte saincte & le mist sur sa douleur puis sendormit. Et au reveil qui fut bient tost apres se trouva sain et entierement guery. dont il rendit graces a dieu & aladite saincte.
¶Ung autre miracle raconte ladicte baudoyne servante de saincteRadegonde : qui advinst peu de temps apres le de ladicte saincte. Et la vigille.
[(90v)]
de la feste sainct Hilaire quon celebre a poictiers par chascun an le treziesme jour dej anvier qui est Que les abbez des monasteres de ladicte ville de poictiers & autres lieux circunvoisins estoient dancienne & louable coustume tenuz aller processionnellement avec leurs religeux en leglise ou estoit comme encores est le corps dudit sainct hilaire quo nappelle apresent sainct hilaire le grant de poictiers Et veilloient lesditz abbez prieurs & religieux jusques a minuyt en prieres & oraisons aumoien de la grant multitude de demoniacles qui affluoient ledit jour en ladicte eglise pour avoir guerison Et la minuit passee lesitz abbez & religieux retournoient en leurs monasteres dire matines et faire le cours de leur service Or advint que apres le trespas de ladicte saincte & la vigille de ladicte feste sainct hilaire ainsi que desditz abbez et religieux veilloient en ladite eglise en la forme susdite les povres demoniales crioient a haulte voix & entre autres deux femmes estoient treffort tormentees & lune dicelles plusque lautre en sorte quil sembloit a son cry que toute leglise semblast Et apresque arnegesilus lors abbe de ladite eglise nostre dame fondee par ledit roy clotaire lequel arnegesilus saincte radegonde avoit eu durant son vivant en bon extime fut sorty hors ladicte eglise sainct hilaire lesdites deux femmes demoniacles le suyvirent jusques en ladicte eglise nostre dame ou elles entrees. Crierent a haulte voix. Saincte radegonde aide nous et demourrerent en ladicte eglise ce pendant quon disoit matines Esquelles disant celle qui plus estoit tormentee & que le diabbe possedoit il y avoit quinze ans fut par luy laissee en paix & entierement guerie. Et lautre semblablement ainsi quon disoit, tierce. El sembleroit quil y eust discordance en ce miracle & ce que jay escript dessus que ladite eglise nostre dame avoit este fondee par le roy clotaire et quil y mist prieur et clercs pour faire le service. Et par ce miracle apert quil y avoit abbe & religieux Aquoy je ne scaurois que respondre forsque ladicte baudoyne en escripvant
[(91r)]
cedit miracle a peu mettre abbe pour prieur Quoy quil en soit jay trouve lung & lautre par excript & en remctz la decision a la discretion des lecteurs
¶ Ladicte boudoyne raconte aussi que ung pauvre febricitant desespere de guerison se transporta au sepulchre de saincte radegonde ou il trouve celuy qui le gardoit. Lequel ayant de son mal pitie mist en ung calice plain deaue le bout du drap qui estoit sur ledit sepulchre puis feit boire ladicte eaue audit febricitant qui sendormit illec et a son reveil se trouva sain et fut entierement guery.
¶ Une nommee pasquiere de chasteau roux laquelle avoit este par long temps contraite de tous ses membres se recommanda a saincte radegonde, & se feit mener a son sepuclhre audit poictiers ou elle coucha seulement une nuyt & le lendemain fut entierement guerye.
¶ Une autre femme nomme peronnelle du village de la lande pres argenton en berry qui avoiteu par deux ans les mains contraictes en sorte quelle ne sen aidoit aucunement : se vouha a ladicte saincte et vint faire son voiage audit poictiers toucha & baisa le tumbeau ou estit son corps & elle receut parfaicte guerison. Comme aussi feit ledit jour par mesme moien une autre femme qui estoit venue avec elle, espouse de pierre de leissac. Laquelle avoit par long temps este impotent de tous ses membres
¶ Ondit an ung masson omme jehan trouel de la paroisse de sainct silvain en larchiprevere de rom : Le jour de la feste de saincte radegonde le soignoit de son mestier & tailloit de la pierre avec ung marteau combien que audit lieu ladicte feste eust este commandee a chommer & solenniser, dont il fut soudain pu
[(91v)]
gny. car avec une grosse douleur la main se print audit marteau en sorte quon ne les povoit separer. Et voient que cestoit pugnition divine, commanca par compunction demander pardon a dieu & a ladicte saincte, et promist par fervente devotion aller incontinant quil seroit guery visiter son tumbeau aussi Poictiers. Apres laquelle priere faicte ledit marteau tumba de sa main et fut du tout guery. Et des ledit jour en accomplissant sa promesse se mist a chemin pour aller audit poictiers en rendre graces a dieu & a ladicte saincte en leglise ou repose son corps.
¶ Ung chanoine de leglise de tours nomme Maistre raoul de lieze fut par sept ans persecute dun mal de teste appelle migraine en sorte que souvent pour la vehemence de sa douleur sembloit estre hors de sens. Plusieurs medecins furent empechez pour le guerir. mais ilz ne peurent y trouver remerde Finablement apres plusieurs medecins prinses, veuz & voyages faictz eut mémoire des grans miracles que dieu fasoit a la requeste de saincte radegonde en leglise ou reposoit son corps a poictiers. Parquoy vouha y aller, ce quil feit & fut guery. mais luy retourne a sa maison parce quil navoit entierement acomply la promesse quil avoit faicte a dieu & a ladicte saincte ladicte malladie le reprinst. Si retourna audit poictiers & acomplit du tout ce qui avoit promis Et ce fait receut guerison entiere Ledit chanoine deslors feit mettre une lempe davant le tumbeau de ladicte saincte & donna argent pour convertir en revenu pour letretenement perpetuel de ladicte lempe.
¶ Ledit an ung comme phelippes langlois du bourg de doulz fut perclus et impotent de ses membres par deux moys ou environ en sorte quil ne povoit aller fors avec deux potences Si feit sa priere a dieu et a saincte radegonde et avec une grande foy et esperance se mist a chemin pour aller audit poictiers.
[(92r)]
faire son voiage a ladicte saincte. Et des ce quil fut a rouffet le chasteau pres le blanc en berry trouva grant allegement en son mal, ensortequil laissa ses potences ou paubourdes, & feit tant quil arriva audit poictiers en leglise nostre dame ou repose le corps dicelle saincte. Et apres quil y eut fait son oraison & vueille une nuyt pres ledit tumbeau Le lendemain matin fut entierement guery.
¶ En la parroisse sainct ambrois pres yssoudun en berry y avoit ondit temps une femme vefve dancien eage, nomme marquise. Laquelle avoit ung seul filz nomme guillaume qui fut si griefvement et par si long temps mallade que apres avoir passe trois jours sans prendre aucun nourrissement : perdit le poulz, le hannelit, et tous les signes de vie. Et croyans ses parens et amys quil fut trespasse lensevelirent pour le porter et mettre en terre. Quoy voyant sadicte mere et avant quil fust du tout ensevely, en grans pleurs et lermes commenca dire a haulte voix. O saincte dame radegonde qui durant vostre vie & apres vostre mort avez tant faictz de biens aux pouvres debiles & miserables personnes, aies pitie de moy pouvre femme esolee qui pers sans vostre ayde mon seul filz. Helas ma dame rendez moy ce que la mort ma violentement prins je vous suplue ma dame que monstrez vostre puissance et le bon credit que vous avez envers dieu. Et si vostre plaisir est faire donner vie a mon filz luy et moy irons visiter vostre sainct sepulchre & poictiers. La foy devotion et esperance de celle desolee femme furent si grandes que dieu eut pitie delle a la requeste et par les prieres de saincte Radegonde
[(92v)]
Car incontinent son oraison faicte Sondit filz quon extimoit mort commenca a souspirer et puis incontinent apres a parler et dire je remercie la glorieuse dame saincte radegonde qui ma delivre et mis hors de ma si longue et griefve langueur, ma chiere mere vostre clamer et voz piteuses larmes ont este a dieu presentees par saincte radegonde en sorte que je suis presque guerry dont je se pren celuy en aller rendre graces incontinent que pourray aller par pays ledit mallade deslors voulut boire & manfer et commanca a se renforcer en manière quil fut bien tost apres guery et alla faire son voiaige au sepulchre de ladite saincte audit poictiers ou il presenta pain vin chandelles et son suaire.
¶ Au lieu de montberon diocese dengoulesme demouroit ung nomme pierre de jard lequel en une de ses sjambes et cuysses fut persecute de goute par deux ans si griefvement quil ne povoit mectre le pie atere il se feit visiter par les cirugiens & medecins avec lesquelz expousa a la pluspart de son bien, sans y pouvoir trouver aucun aliegement. Et voiant quil nestoit en la puissance des hommes de le guerir retourna a dieu & pour empetrer grace envers luy pria humblement saincte radegonde quelle luy fust aydante et quil iroit visiter son sepulchre a poictiers. Si dist a sa femme quil alloit audit poictiers & que jamais nen tourneroit quil ne fust mort ou guery, sa femme croyant estre impossible quil y peust aller le voulut empescher, mais ne peut. Par quoy se mist achemin le pauvre mallade et premiere journee ne feit que demie lieue. La seconde commanca fort a se ayder de sa jamabe mallade et suivyt les autres pellerins. Et la tierce journee recet entiere guerison adonct il alla rendre graces a dieu et a ladite saincte en son eglise nostre dame audit poictiers ou son corps repose. Maignifesta ledit miracle & le feit certiffier par les autres pellerins qui estoient venuz avec luy.
[(93r)]
¶ Ung nomme pierre de viliers de la paroisse de nanteuilh diocese de poictiers avoit ung filz nomme guillaume lequel par ung an avoit eu la goutte si tresgriefve en son corps & membres quil ne povoit droisser son corps ne se aider des bratz et mains Sondit pere le recommanda adieu et madame saincte radegonde et promist le mener visiter son sepulchre audit poictiers si son plaisir estoit luy impetrer guerison envers dieu. La priere dudit père fut axaulcee et sondit filz incontinent apres entierement query dont il vinst de puis rendre graces au tumbeau et sepulchre dicelle saincte.
¶ Ondit temps une nomme jehanne de beaumont qui avoit este persecute par deux ans dune grefve malladie quon appelle illiaque passion, on ne : povoit trouver remede par la medecine des humains, estant ainsi tormentee eut mémoire des miarcles de saincte radegonde a laquelle se recommanda & soudain se leva de son lict oultre le vouloir de ses amys pour aller a poictiers visiter le sepulchre de ladicte saincte & acomplir ung veu quelle luy avoi fait et de fait acomplist ledit voiage depuis le jeudi jusques au samedi prochain ensuivant ou elle obtinst entiere guerison.
¶ En ce mesme temps maistre girard de piolon clerc de noble & ancienne lignee natif du lieu dambiere vinst visiter le sepulchre & tumbeau de ladicte saincte audit poictiers ou il afferma et veriffia par gens dignes de foy quil avoit este par long temps persecute de goutes en sorte quil ne povoit se aider de corps ne membres Et quil avoit receu guerison des linstant quil sestoit recommande a madame saincte radegonde & promis aller visiter le lieu ou son corps reposoit
¶ A la rochelle demouroit ung nomme guy le breton qui estoit
[(93v)]
marie avec une nomme radegonde laquelle depuis la feste sainct michel jusque es octaves de la feste de pasques avoit este persecutee de goutte si treffort quelle ne povoit aller ne se soustenir fors avec les potences Si dist a son mary mon amy jay nom radegonde et sorty du ventre de ma mere le jour de la feste Madame saincte radegonde jay ouy dire que dieu a la requeste dicelle saincte guerist chascun jour plusieurs impotens et mallades de goutes. Parquoy ectendu que je porte son nom et que je nasquy le jour de sa feste je croy que si je me recommandois a elle & que vostre plaisir fust me vouher a son sepulchre a poictiers que je serois bien tost guerie.
A quoy le mary se accorda et luy et sa femme voherent a dieu et saincte radegonde que des ce que ladicte femme pourroit aller par pais quilz iroient audit poictiers visiter le lieu ou son corps reposoit Et incontinant ladicte femme se sentit fort allegee et des landemain son mari et elle partirent dudit lieu de la rochelle pour faire ledit voiage La premiere journee ladicte femme ne se povoit encores soustenir fors avec les potences mais le landemain ne voulut plus de aide & apres son pellerinage faict se trouva sainne et du tout guerie.
¶ Ung nomme guillaume musnier charpantier fut par sept ans persecute des goutes et malladie craticque a laquelle une autre survinst qui luy enfla la jambe si tresgrosse quil ne povoit boire manger ne dormir, et sans fin crioit en sorte que ses voisins estoient fort fatiguez de ses criz et plaincts qui luy durerent par trois ans ou environ faisans partie desdit sept ans. Si luy fut dit que saincte radegonde avoit previlege de dieu que a sa requeste il guerissoit de telles malladies. Aumoien dequoy par une grande foy & fervente devotion se recom
[(94r)]
manda a ladicte saincte Et la pria de luy impetrer sante incolumite et allegement de son mal si tresgrief. Et que des ce qui pourroit cheminer iroit visiter son sepulchre a Poictiers. Apres laquelle oraison faicte sa jambe qui estoit grosse sentrouvrit. Et de ceste ouverture sortit grant habondance de putrefaction et pourriture, & tantost apres commanca a cheminer en sorte que peu a peu se trouva sain Et aussi allegre quil avoit este paravant sa malladie Dont il alla rendre graces a dieu et a ladicte saincte audit poictiers. en acomplissant sa promesse.
¶ Les historiens scavent assez que pour les guerres intestines qui survindrent en france aumoien du discord des ducz de bourgongne et dorleans proches parens Tantost apres le trespas du roy charles cinquiesme. et durant le regne du roy. Charles sixiesme son filz. Les anglois feirent plusieurs grosses surprinses en france, et mesmement du duche de Normandie Comme jay au lon escript es epitaphes et annalles des roys de france. et le tindrent par trante ans ou environ. et jusques au regne du roy Charles septiesme surnomme le bien ame. Lequel apres avoir eu pase plusieurs gros affaires au dessus desquelz il parvinst par laide & secours de la noble & bonne pucelle, qui se rendit a luy divinement. Entreprinst par apres de recouvrer ledit duche de normandie des mains desditz anglois Ce quil feit en ung an et six jours par laide de dieu, par les merites requestes et prieres de la glorieuse vierge marie : & de saincte radegonde, Ausquelles il avoit bonne et grande devotion. Et quil soit ainsi lesdictes reduction et recouvrance. Furent faictes le Douziesme jour daoust. Lan mil cinq cens
[(94v)]
cinquant. qui est la vigille de la feste saincte radegonde.
Et pour en rendre graces a dieu le bon roy par la deliberation de son conseil ordonna celebrer processions generales deslors enavant perpetuellement par toutes les citez de son royaulme le quart jour doctobre fors en la ville & cite de poictiers ou il voulut ladicte procession estre faicte ledit jour du parachevement de ladicte recouvrance et reduction qui estoit comme est la vigille de ladicte feste saincte radegonde parce quil pensoit ladicte chose estre ainsi soudain advenue non par sa force. Mais par laide de dieu & les merites et prieres de nostre dame et de ladicte saincte, et ainsi le rescripvit a ung patriarche lors evesque de poictiers comme jay sceu pour avoir veu le double des lettres subscriptes. A nostre ame et feal conseillier le patriarche avesque de poictiers. Par lequel moracle appert que saincte radegonde na seullement ame le noble sang francois en sa vie. mais aussi apres son deces. Et ne voulant de ce estre ingrate madame marie danjou espouse & compaigne dudit roy charles septiesme deslors et jusques a son deces entretint ung cierge ardant jour & nuyt davant le tumbeau de ladicte saincte en son eglise audit poictiers, Et pour lentretenement perpetuel avoit delibere & promis donner a ladite eglise de revenu pour lentretenement dudit cierge, Ce quelle ne feit parce quelle fut de mort prevenue. Touteffoiz le prieur et chanoynes dicelle lont tousjours depuis entretenu a leurs despens comme ilz font encores de present, ainsi quil ma este par aucuns diceulx afferme, Et aussi jay veu souvant ledit cierge ardant davant ledit tumbeau.
¶ Il ya plusieurs aultres miracles par escript que je laisse pour cause de breifvete et non parleray plus que de troys.
[95r]
Le premier qui fut en Lan mil Quattre cens quattre vingts quinze. dun nomme messire jehan Jousselin et cure de feynery pres herisson on diocese de poictiers. Lequel comme cure susdit pour raison des dixmes de sa paroisse eut gros proces contre la dame de sainct memyn. Les serviteurs de laquelle conceurent aumoien de ce grosse hayne contre ledit jousselin, et le menassoient chascun jour de le mectre a mort, a quoy prenoit garde Touteffoiz il fut par eulx surprins en une petite maison & mestairie a luy appartenant. alaquelle il fut environne par ses ennemis qui la menassoient de loccire & tuer. et se voyant en tel & si grant dangier ne sceut que faire fors se recommander a dieu & a saincte radegonde quil amoit & servoit singulierement Et par fervente devotion & foy vouha a dieu que si son plaisir estoit par les merites & intercessions de ladicte saincte luy donner la grace de povoir evader dudit lieu sans mal iroit en simple chemise visiter son sepulchre & tumbeau audit poictiers Ladicte priere fut exalsee. car incontinant apres icelles faicte ledit josselin sortit hors de ladicte maison passa entre ses ennemys et se retira en son eglise, sans estre veu ne aperceu de sesditz ennemys qui eurent quant a ce par la volunte divine les yeux obnubillez & se retirerent tous confuz.
¶ Nous avons veu plusieurs beaux miracles mais en reste ung excellent & de recente mémoire. Qui est que lan mil cinq ces et deux ung nomme jehan poesson sergent a cheval demourant a paris pour les affaires de maistre estienne du puys son cousin chanoyne de leglise collegial saincte radegonde poictiers se transporta en sa compainee audit poictiers logea cheux luy & y fut huyt ou dix jours Pendant lequel temps alloit chascun jour visiter ladite eglise saincte radegonde ou il voyoit affluer grant nombre de pelerins au tumbeau de ladicte saincte, et sceut que plusieurs grans miracles y avoient este faiz & entre autres ceulx
[95v]
qui sont dessus escriptz Par quoy eut mémoire dun sien filz nomme michellet de laage de six a sept ans qui navoit onques parle autmoins parrolle quon peust entendre, et fut inspire de le recommander a ledite saincte. ce quil feit affin que sa priere fut plustost exaulcee se confessa feit dire messe davant ledit tumbeau Et vouha a dieu & a ladicte saincte que si plaisoit a dieu par les merites et intercessions dicelle saincte donner la parolle a sondit filz que luy parvenu a laage de povoir aller par pays quil lameneroit audit poictiers vers ladite saincte luy en rendre graces & louages. Quant ledit poisson fut retourne a sa maison a paris. trouva ledit michellet aussi bien parlant que aucun autre enfant de son aage, dont il fut joyeux et demanda a sa femme en quelle manière elle avoit congneu la parlle estre ainsi venue a leurdit filz. Elle feit response quelle ne savoit et que ung jour durant quil estoit a poictiers devers le matin ainsi quelle estoit retournee du marche trouva ledit michellet leur filz tout nu sur son lict. Et incontinant quil la veit luy dist mamre donner moy du pain ce quil navoit oncques fait. Lors ledit poisson congneut que ce avoit este le jour quil avoit faire dire ladicte messe Et de joye quil eut les lermes luy tumberent des yeulx, & incontinant alla rendre graces dudit miracle a dieu & aladicte saincte en leglise nostre dame de paris.
¶ Que diray je plus fors que en redigeant par escript ceste presente histoire. Une femme que jamais & ame par honneur ainsi quil mest commande par leglise fut mallade par deux ou trois jours, de telle & si greiefve maladie quelle pensoit estre percluse dune cuysse & dune jambe parce quelle ne sen povoit aider Advint que au tiers jour qui estoit ung dimanche la veiant au lict ou elle se desconfortoit disant quelle ne se pourroit lever all[ay] visiter le tumbeau de saincte radegonde ainsi que javois acoustumme parce quil estoit jour de dimanche. Et illec priay ladite saincte
[95v]
que son plaisir fust avoir pitie dudit personnage mallade : & avoir regard au petit labeur que javois prins pour rediger au lon sa vertueuse saincte vie pour la publier a tout le peuple. Apres mon voyage fait retournay a mon hostel audit poictiers, ou je pensois trouver ladicte mallade mais elle estoit allee ala messe de parroisse, et au retour dicelle me dist quelle estoit entierement guerie. et depuis na.eu ledit mal. Et ouchant mes affaires jay tousjours trouve secours et consolation avec ladite saincte mesmement en deux maladies de fievres que jay eues puys le temps que je commencay escrire cedit euvre. Lequel jay dedie principallement a dieu & a ladicte saincte pour lexaltation du sang royal de france & pour la doctrine non seullement des femmes de religion. mais aussi des pucelles et femmes mariees. Et secondement pour loccupation de vous tresexcellente et tresillustre princesse madame Claude fille de roy & femme de roy. Combien que le commancement en ait este par moy fait pour feue de bonne mémoire madame Anne duchesse de bretaigne. et deux foiz roye de france vostre mere. vous priant treshumblement avoir le present pour aggreable. Et si aucunes adversitez vous advenoient comme aux autres humains (dont plaise a dieu vous preserver & aussi tout le noble sang royal) en contemplant les choses susdictes vous plaise avoir recours et vous recommander a ladicte saincte, et vous y ttrouverez consolation sans aucun doub[te]. Et de ce prie icelluy nostre createur de tout le monde qui regne eternellement. Amen.
Ceste vie a este imprimee a poictiers par sire Enguilbert de Marnef libraire jure de ladite universite demourant a lenseigne du Pellican devant le palays dudit poictiers. Le. III. jour du moys de Mars. mil. ccccc. xxvij.
Et sont a vendre au pellican audit poictiers et aussi a paris