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1527-L'histoire et cronicque de Clotaire (Jean Bouchet) (1-20)

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¶Les genealogies du roy Clotaire premier de ce nom. et septiesme roy des francois. et aussi de la royne saincte Radegonde de son espouse. Premier Chapitre.

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Le premier livre de la vie

POur bien entendre lhistoire de Clotaire en son vivant Roy des Francoys et monarque des gaules, et de sa tresillustre espouse Madame Saincte Radegonde, il est requi e necessaire savoir leur extraction et antique generation Pour a laquelle pervenir est a considerer. que la commune oppinion des historioagraphes galicques est, que les Roys Francoys sont originallement descenduz de francus autrement di Francion : filz du preux hector de Troye, Et croy que la chose est veritable, Car je trouve que apres la mort dudit hector, et de son frere Paris qui furent occis en la cruelle guerre que les Grecs feirent contre les troiens : pour le ravissement de la belle Helayne, et que helenus leur frere eust este prins prisonnier par pirrhus filz de Achiles, et la noble cite de Troie prinse et destruicte par les grecs Eneas et Anthenor (lesquelz avoient trahy les troiens et mys les grecs par trahyson en leur ville) feirent certain accord avec les grecs

Par lequel les grecs leur baillerent grant quantite dor & dargent, De ce quilz sen iroient quelque par ailleurs conquerir pays pour habiter. Ce quilz feirent. Car Eneas sen alla en Italie. quil conquist. et Anthenor alla prendre terre au lieu ou de present est la cite de venize, et de luy sont procedez les venitiens comme il appert assez par les anciennes et modernes histoires mesmement par lhistoire sabelicque on septiesme livre de la premiere eneade.

¶Pirrhus emmena avec luy ledit helenus son prisonnier avec andromacha vesve dudit hector et francus leur filz, Et parce que ledit helenus estoit grant vaticinateur entre en la grace dudit pirrhus, et luy donna terre pour habiter en pire de present appelle. Albanie, ou ledit helenus ediffia une cite quil nomme Troie, & de present est appellee croie. Huit ans apres ledit francus acomppaigne de grant nombre de troiens : retourna a troie & sefforce re

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conquerir le chasteau de Ilion selon ladite cronique sableicque & celle de adon evecque de vienne. Ce quil ne peut Parquoy ledit francus & sa compaignee prindrent chemyn ailleurs, & allerent en la terre de pavonnie de present appelle hongrie. ou ledit francus adifia une cite nommee sicambre : en memoire de sa tante sicambria seur du roy priam. & de present est ladite cite appelleee Bude de laquelle bucalus fait grant memoire en sa cronique Et selon manethon qui a pour suivy listoire de berose de caldee ledit francus espousa la fille de Rhemus lors roy des celtes. cest a dire de la gaule celticque dont sont procedez les roys francois par trois generations. Les genealogies desquelles jay distinctement et sommairement escriptes es annalles et epitaphes des roy de france, ou je renvoye les lecteurs pour en avoir plus clere congnoisance. parce que ce nest ma principalle matiere. Et parleray seullement pour le present de la generation de clotaire descendu de Pharamond premier roy des francois. Lesquelz auparavant avoient ducz seullement. ¶Ledit pharamond fut couronne roy par les francois selon la cronique de sigibert accordee avec les autres Lan de nostre salut Quatre cens & dixneuf. il feit & ordonna la loy salicque. Et apres quil eut regne unze ans alla de fie a trespas : et laissa ung filz nomme Clodio le chevelu. Lequel fut roy apres luy lan de nostre salut quattre cens et trente. & regna dixhuit ans selon ledit sigibert. durant son regne il conquist la province de thuringe en germanie ou il establist sa demourance et feit son siege royal en la ville de dishargue. ¶De ceste province de thuringe (qui depuis fut erigee en royaume) Bissin ayeul de saincte radegonde fut depuis roy et apres luy ses enfans comme on verra cy apres : Et est ledit pays de thuringe assis selon herodotus entre saxonie & franconie. Par devers orient il a bohesme et saxonie. devers le midy franconie & baviere. & par devers aquilon le fleuve du rhin.

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Les gens dudit pays sont durs & cruelz contre leurs ennemys, grans de corps, fors, hardiz de cueur, et de bonne constance. Autour dudit pays ya plusieurs montaignes, par dedans est plain de bledz et vins en aucuns lieux, y est lair pur & sain. Si jay descript ledit pays, ce nest sans cause. Car saincte radegonde y prinst naissance. ¶ Pour retourner a nostre genealog[i]e ledit Clodio second roy des francoys passa a la riviere du rhin, & conquist tournay contre les rommains. Et en ce temps fut transporte le royaulme des francoys de germanie es gaules deca le rhin ou il est tousjours depuis demoure. Puis deceda sans hoirs procrees de sa chair. Lan de nostre salut Quatre cens Quarante huit. ¶ Apres le trespas dudit Clodio qui ne laissa aucuns enfans Merovee son plus proche parent fut esleu Roy par les francoys. & regna dix ans, durant lequel temps Attilla roy de hunts qui se nommoit Flagellum dei : feit de grosses guerres aux francois : et surprinst grandement sur les conquestes quilz avoient faictes es gaules : Touteffoiz a la parfin ledit attilla fut vaincu par les francois, gotz, & rommais es champs cathalaniques pres chaslons. Aumoyen de laquelle desconfiture ledit roy merovee trouva moyen de recouvrer la pluspart de ses terres & seigneurie. Puis trespassa. lan de nostre salut quatre cens cinquante & huit selon ladite cronique de sigibert, a luy survivant Childeric son seul filz & heritier. Ce childeric filz & heritier de merovee fut couronne roy des francoys ondit an quatre cens cinquante et huit luy estant en laage de dixhuit a vingt ans. il estoit grant, beau, fort, hardy, & bien acomply des choses appartenantes a ung prince : fors quil estoit trop lubrique en sorte quil ny avoit pere ne mary qui peust tenir en seurte fille ne femme Dont les francoys furent indignez contre luy, et voians quil ne se voulloit corriger, le priverent de la couronne : & lexillerent du royaume. aumoien dequoy fut contrainct prendre party ailleurs. Ledit childeric avoit entre ses commensaulx & familiers

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ung baron nomme vuynomand homme prudent & subtil. Lequel conseilla audit childeric se retirer en thuringe vers ledit roy bissin seingeur dudit pays. Ce quil feit & demoura avec luy et bazine son espouse lespace de huit ans ou environ Pendant lequel temps les francois esleurent pour roy Giles lentenant des romains on pays de soissonnois qui fut a la fin desdits huyt ans aumoien de ses pilleries chasse & prive du royaume par les francois, & ledit Childeric rappelle & remys en son premier estat le tout par la sage conduicte & cautelle subtille dudit vuynomand comme jay plus aulong escript es epitaphes et annalles.

¶ Or se voyant childeric restitue en son regne premier se gouverna tressagement, & conquist Orleans & Angiers et feit de si nobles faiz darmes que la renommee en volla jusques en thuringe dont la royne bazine qui fort lamoit fut tresjoyeuse. et si souvent parloit au roy bissin son espoux des honnes dortunes dudit childeric que ses parolles engendrerent une grosse jalozie et suspicion en la fantasie dudit bissin : & en sorte que peu de temps apres chasse bazine davec luy & la repudia comme permis lui estoit par leur loy & de convoller a autres nopces. Laquelle bazine se voyant ainsi chassee & repudiee se retira en france : vers ledit roy childeric qui nestoit encores marie, & feit tant avec luy quil lespousa comme il est escript assez amplement esdites epitaphes et annalle. On premier an desdites espousailles ladicte bazine compceut & eut dudit roy childeric ung beau filz, qui fut nomme Clovis. Et dix sept ans apres ledit roy childeric alla de vie a trespas Auquel succeda ledit Clovis son seul filz & fut couronne roy des francois pacifiquement. Et au regard dudit bissin roy de thuringe aumoien de ladite repudiation quil avoit faicte de ladite bazine sa premiere femme en espousa ung aultre. de laquelle nay peu savoir le nom. Bien ay trouve par la cronique gregorii turonensis quelle eut de luy troys filz Hermenfroy Bauldry & Barthaire. Lequel berthaire fut pere de saincte

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Radegonde. ¶ Or fault il entendre que au commancement du regne dudit clovis les francois tenoient plusieurs terres & seigneuries en germanie pres ladicte province de thuringe par dela le rhin. Contre lesquelz francoys les thuringiens conceurent grant hayne de ce que ledit roy childeric eut espouse ladicte royne bazine. Aumoien dequoy eurent tousjours depuis ledit temps grosses querelles et questions. Lesquelles furent finablement si grandes comme tesmoigne ldit greogrius turonensis on. vij. chappitre du tiers livre de sa cronique : que les thuringiens feirent mourir de cruelle mort plusieurs francois : tant hommes que femmes. dont ledit roy clovis prinst vengence et feit si forte guerre contre lesditz thuringiens quil les subjuga & mist en son obeissance lan dixiesme de son regne. Touteffoiz laissa encores ledit royaume audit bissin pour la reverence de sa vieillesse et en contemplation des grans plaisirs quil avoit faitz au roy childeric son pere.

¶ Environ ledit temps clovis espousa Clotilde fille dun des enfans du roy de bourgongne. Par exhortation de laquelle et par inspiration divine ledit Clovis qui estoit payent prist et receut le sainct sacrement de baptesme. & fut le premier chrestien des roys francois. Trop long seroit raconter la forme & maniere de sa conversion. pour laquelle scavoir renvoye les lecteurs a ce qui en est escript par toutes les cronicques de france et ce que jen ay redige esdites epitaphes et annalles.

¶ Et pour plustost venir a ma principalle matiere ne diray plus dudit roy clovis fors deux choses. La premiere que depuis quil fut chrestien feit de si grandes conquestes quil fut monarque des gaules. dont ses predecesseurs roys francois navoient encores conquis la vingtiesme partie. La seconde que Clovis

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fut le premier roy qui commenca persecuter les hereticques par glayve. Et lont ses successeurs ensuivy en sorte quilz sont nomme, treschrestiens et premiers enfans de leglise Entre ses aultres louables faiz, il vainquit et chassa des gaules : les gotz qui estoient arriens : et mist amort leur roy alarich. Et de son temps fut faicte la translation du corps. Monsieur sainct Hilaire Il est escript es grans cronicques de france. & depuis par maistre rober gaguin que le roy dagobert qui regna long temps apres ledit clovis feit tresporter ledit corps sainct hilaire de son eglise de poictiers en labbaie sainct denis en france. Ce qui nest a croire. car ledit gaguin qui est moderne ne allegue aucun acteur antique. Et les anciens historiographes nont fait aucune mention dudit transport. Et mesmement ung nomme. Annomus monachus. et sigibertus qui estoient religieulx. Mais dit seullement ledit annomus que les portes de leglise dudit sainct hilaire qui estoient de cuyvre furent mises sur leaue par le commandement dudit dagobert pour les faire porter ondit monastere sainct denis. Et nya historien qui en ait escript : fors ledit gaguin apres les grans cronicques de france qui ont este composees en langaige vulgaire par un des religieux de ladicte abbaie sainct denis qui en a parle alavantage dicelle abbaye.

¶Autreffoiz et long temps peravant icelle translation comme jay trouve par la legende dudit sainct. On avoit voulu enter en sa premier spulture pour leslever. Et deux prestres y estoient entrez. lesquelz avoient trouve une voulte toute doree et paincte ou y avoit trois tumbeaux triumphans et mangnificques. Sur celuy du meilleu estoit escript Hilarius. et sur les autres deux les noms de ses femme et fille Et deux jours apres ces deux prestres estoient decedez. Aumoien dequoy homme ny avoit peuis ouse toucher, fors sainct fridolin qui en feit la translation durant le regne dudit Clovis.

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¶ Apres que le roy clovis eut conquis toutes les gaules & luy estant possesseur dicelles alla de vie a trespas en la cite de paris. Lan .xxx. de son regne. et Lan xlvi. de son aage selon ledit gregoire : qui fut selon toutes les histoires bien accordees. Lan de nostre salut. Cinq cens et quatorze. et ainsi est escript sur sa sepulture en leglise saincte geneviefve de paris quon appelloint lors leglise de sainct pierre & sainct paul. ou son corps fut inhume et enterre. Environ lequel temps saincte geneviefve alla aussi de vie a trespas et fut son corps mis en icelle eglise. dont elle a de present le nom. Ledit clovis laissa quatre filz & une fille laquelle fut mariee avec le roy amalrich comme dit est. Les quatre filz diviserent le royaume entre eulx. Childebert eut paris ou estoit le siege royal et tout le pays de normandie lors appelle neustrie, et parce quil eut paris est mis on nombre des roys de france apres ledit clovis. Le pays de soissonnois et toute picardie demourerent a clotaire, qui tinst son siege a soissons. et depuis espausa saincte radegonde comme dit sera cy apres. Le pays de lorraine avec austrasie apresent appelle austriche. et ce quilz avoient en germanie demoura a theodoric laisne. Le pays dorleans et celuy dacquitaine demourerent a clodomires

¶Qui fut le pere de saincte radegonde combien il eut denfans. Et commant son frere hermenfroy le feit mourir avec plusieurs autres choses.

Chappitre second.

POur entrer en ma principalle matiere fault entendre que selon les histoires et croniques bien accordees de .Gregorius. annomus. sigibertis. maistre vincent de beauvaiz. sainct fortune. hilderbertus. maistre jehan le maire et autres. Bissin roy de thuringe estoit decede quelque temps davant le roy clovis. Et avoit laisse trois filz Bertaire. Hermenfroy. et Bauldry. Berthaire qui estoit laisne eut ung filz

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& deux filles. mais je ne scay de quelle femme. ne le nom du filz La fille aisnee eut nom walberge. et la seconde radegonde Ledit maistre jehan le maire dit quil neut que deux filles. Mais ledit gregoire qui est ancien historien dit quil y eut ung filz : que le roy clotaire feit depuis mourir. Aumoien de quoy le royaume de thuringe peut venir aux enfans de Walberge. qui fut mariee avecques charles nason filz de austrasius gourverneur du pays de cymbres quon appelle a present austriche : en ensuyvant loppinion dudit le maire. Et des enfans desditz Walberge et nason vinst par succession de temps en tierce ou quarte generation une fille nommee veraie qui fut depuis mariee au duc Raymon dardenne. De laquelle il eut quatre filz. Scavoir est Regnault de montauban & ses trois freres Ledit maistre jehan le maire a escript que ladicte veraie fille desditz charles nason & Walberge : nest a croire. Mais vinst deulx de plus longue generation Parce que entre lesditz charles nason & le duc Raymon, y eut plus de hui vingts ans. Car ledit Raymon fut du temps du roy charlemaigne. Et ledit nason du temps dudit clotaire le premier Bauldry qui estoit le second filz dudit bissin ne fut mari. Hermenfroy espousa une dame nommee maulberge fille du roy de Italie nomme theodoric. lequel exilla le senateur boece : et feit mourir le pape jehan. Ceste maulberge par imitation de son pere fut cruelle et dung trop fier & hault courage Et pout seulle regner : chascun jour pourchassoit la mort des freres de hermenfroy son espoux. & tant le pressa quil feit mourir berthaire pere de saincte Radegonde. Laquelle il laissa en laage de trois ans ou environ avecque ung filz et une autre fille comme il est dit dessus. Ledit filz navoit que ung an. & croy que la femme dudit berthaire estoit lors decedee. car les croniques nen font aucune mencion. Maulberge poursuyvit son entreprinse & non contente du fratricide quelle avoit fait commettre en la personne de berthaire par son espoux hermenfroy, le pour

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chassoit incessamment de faire aussi mourir son aultre frere bauldry. Ce que ne luy vouloit accorder hermenfroy. Parce que bauldry estoit homme de grant courage et fort ame des thuringiens en sorte quil le craignoit plus quil ne lamoit. Quoy voyant maulberge (comme tesmoigne gregorius turonensis on .iiij. chappitre du tiers livre de ses croniques (feit ung convy audit hermenfroy son espoux ou elle le feit servir sur une table a moictie couverte, luy disant quil nappartenoit a ung demoy roy davoir table entierement couverte. hermenfroy entendit bien que maulberge vouloit dire. aumoien dequoy apres le banquet fait se retirerent apart. et luy dist maulberge quelle ne pourroit avoir joye en son coeur jusques a ce quil regnast seul en thuringe. et deslors entreprindrent de faire mourir ledit bauldry Lequel en fut secretement adverty, parquoy se rallia de plusieurs vaillans princes & gendarmes. Et voiant hermenfroy qui ne pourroit venir au dessus de son entreprinse sans secours de gens extranges envoya par une ambassade prier le roy theodoric filz du roy clovis de lui donner secours et suffrage contre son ffrere bauldry. aquoy le roy theodoric qui lors se tenoit en austriche la basse saccorda o telle condition quil auroit lamoictie de la proie et conqueste Et en ensuyvant cest accord le roy theodoric feit marcher son armee en thuringe. audavant de laquelle se trouva larmee dudit hermenfroy. et ces deux roys assemblez avecques leurs gesndarmes assaillirent fierement ledit bauldry. Lequel se defendit vertueusement & y eut grosse perte de gens dune part & dautre. mais finablement la victoire demoura a hermenfroy Et fut occis bauldry : & ses gens mis en desordre & fuyte : qui fut selon la cronique dudit sigibert lan de nostre salu. Cinq cens dixhuit. et quatre ans apes le trespas dudit roy clovis.

Ladicte victoire obtenue theodoric retourna en son royaume moiennant ce que ledit hermenfroy luy promist bailler & livrer

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dedans certain temps ensuyvant la moictie des terres de bauldry et de toute la conqueste. dont il ne feit rien. mais par grandes dissimulations le tinst par six ans ou environ en esperance Pendant lequel temps il y eut guerre entre les enfans. dudit roy clovis et les bourgongnons Car la royne clotilde leur mere avoit part & portion au royaume de bourgongne a cause de son pere childeric. qui estoit frere de goudebault, lequel goudebault avoit fait mourir ledit Childeric. Et tenoit seul ledit royaume de bourgongne. Si deceda ledit goudebault a luy survivans deux enfans Sigimond, & goudemar. Ledit sigimond eux deux femmes espouses. de la premiere il eut ung filz nomme sigeric. lequel a tort et sans cause il feit mourir a la requeste de sa seconde femme, dont depuis il feit grande et austere penitence. et pour satiffation feit edifier a chabalais en savoie qui est au pie du mont sainct bernard une belle & sumptueuse eglise : en lhonneur de dieu. et en reverence de sainct Maurice, & ses compaignons qui receurent martire soubz lempereur Maximian. Et comme il employait le temps en telles operations La royne clotilde qui estoit a tours se transporta a Paris, ou elle convocqua ses quatre filz, et les pria venger la mort de childeric son pere : et recouvrer le royaulme de bourgongne, a elle appartenant. Laquelle requeste luy fut accordee par sesditz quatre filz. Et tantost apres livrerent la guerre aux bourgongnons qui furent vaincuz, & ledit sigimond prins prisonnier par le roy clodomires, qui le feit mener sa femme & ses enfans en la cite dorleans. ou il les tinst prisonniers par quelque temps. Puis les feit mourir & gecter leurs corps en ung puys, dont ilz furent depuis mis hors Et translatez en ladicte eglise sainct Maurice en chabalais, ou ledit sigimond est extime & repute sainct. Parce que dieu a sa requeste y a fait depuis plusieurs beaux & grans miracles.

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¶ Certain temps par apres ledit clodomires assembla son armee : & a grande puissance alla assaillir goudemar qui avoit aussi droisse une grose armee, & se trouverent les deux parties on territoire de viennois : ou la bataille fut grande. Mais les bourgongnons tournerent en fuyte. Et ainsi que ledit Clodomires les poursuyvoit inconsultement : fut occis par goudemar qui fut selon la cronique dudit sigibert Lan de nostres salut cinq cens vingt & ung. Et laissa ledit clodomires son espouse nommee goutance et trois filz nommez Thibauld, Gauthier, et Clouaud. Clotaire espousa ladite goutance. et incontinant apres la repudia. et furent separez aumoien de leur affinite. Et au regard de desditz enfans qui estoient tous mineurs furent nourriz par quelque temps soubz la tutelle & garde de la royne clotilde. Depuis les freres dudit clodomires occirent goudemar & conquirent tout le royaume de bourgongne : duquel ilz furent paissibles joyssans. Par ce moien faillit ondit goudemar la ligne masculine du sang des goths dont estoit venu goudengus premier roy de bourgongne. et ne demoura dudit lignage fors ladicte clotilde.

¶Commant le roy theodoric feit grosse guerre au roy hermenfroy oncle de saincte radegonde

Chappitre .iii.

DEux ans apres la conqueste de bourgongne le Roy theodoric ennuye & courrousse de ce que le roy hermanfroy ne vouloit acomplir sa promesse delibera luy faire guerre (& comme tesmoigne gregorius turonensis on viii. chappitre du tiers livre de sa cronique) appella a son secours son frere le roy clotaire. Auquel il promist en cas de victoire la moictie de la proye. Parquoy les francois furent dune part & dautre convoquez. mais avant que marcher le roy theodoric leur feit les remonstrances qui sensuyvent

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Vous savez nobles francois que noz predecesseurs a leur commancement & avant que regner es gaules ont surmonte les thuringiens & iceulx renduz tributaires. Lesquelz neantmoins depuis comme rebelles & inobediens feirent a noz parens grosses et irreparables injures en ne voulant paier leur tribut acoustume Sur quoy feirent grosse guerre, & finablement pour traicter paix entre eulx, noz parens leur baillerent hostages quilz feirent incontinant apres tradicieusement mourir. Et non contens de ce insulterent & assaillirent de rechef noz terres dont ilz emporterent toute la substance occirent non seullement les hommes : mais grant quantite denfans & feirent mourir de curelle mort plus de deux cens pucelles. Les aucunes desquelles ilz feirent escarteller & desmembrer a chevaux, feirent passer sur leurs corps chariotz chargez, & leurs membres baillerent a devorer a chiens & oizeaux : qui devroit souffire pour esmouvoir voz cueurs a prendre vengence de si cruelle nation. il ya plus car presentement leur roy hermenfroy se mocque de moy : & me veult abuser toutchant la promesse quil me feit en la victoire que par mon moyen lobtinst contre son frere bauldry. dont je me veulx venger et luy monstrer par effect que la nation des francoys nest pour estre illudee & abusee, ce que je ne puis bonnement faire sans vostre secours. Parquoy messieurs & amys & vous entre autres monsieur mon frere vous prie & requiers que ne me vueillez habandonner en ceste necessite. et je acompliray ce que je vous ay promis. Considerez que si les thuringiens nous sentent lasches et remis : quilz prendront une hardiesse & tres grande sur nous que nostre honneur en pourroit estre a jamais empire.

¶ Les remonstrances du roy theodoric animerent les gensdarmes de sorte quilz ne demandoient plus que combatre & frapper Et soubz les banieres et guidons du roy theodoric, de theodobert son filz. & du bon roy Clotaire passerent en thuringe. Ou les

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thuringiens de ce advertiz les actendoient en ung destroit. ouquel ilz avoient droisse camp. Et on lieu ou la bataille avoit este assignee feirent doleusement plusieurs grans fousses quilz emplirent de broches de fer et paulz poinctuz. Lesquelles fousses ilz couvrirent legierement de motes de terre : en maniere quon ny congnoissoit aucune malice Et en icelles plusieurs francois de ce non advertiz trebucherent : qui leur feit au commancement ung merveilleux ennuy. Mais la fraude congneue eulx rassemblerent & frapperent de telle force & grant courage que les thuringiens tournerent en fuyte. Lesquelz furent suyviz par les francois jusques a ung petit fleuve nomme oneston : ou ilz feirent si grant occision de thuringiens que les corps mors servirent dung ponth a passer ledit fleuve. comme raconte ledit gregoire on lieu preallegue.

¶ Commant theodoric & clotaire prindrent saincte Radegonde qui par sort demoura a clotaire. Chappitre quatriesme.

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LA bataille gaignee par les francoys conquirent tout le pays de thuringe et le misdrent soubz la puissance de heodoric. Au regard de hermenfroy il trouva moien de saulver sa personne de se retirer en certaine petite ville adlmaigne. Et aussi maulberge sa femme. laquelle tantost apres mourut de deul & de despit

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Et voiant saincte radegonde la fureur de ce conflict & que theodoric & clotaire faisoient mettre a mort tout le lignage de hermenfroy acompaignee de son frere alla au devant deulx et de genoux avec grant habondance de larmes combien quelle fust en aage de neuf ans seullement commanca leur faire plusieurs gratieuses remonstrances exuberantes de pitie. en leur disant.

¶ O nobles & triumphans roys (le nom desquelz est crainct doubte et axalte par tout le monde) arrestez ung peu vos royalles voluntez, & contemplez par compassion la misere de ces deux pauvres orphelins, le pere desquelz a este mis a tradicieuse mort par hermenfroy vostre ennemy capital. O tresillustres princes & dominateurs ne vangez seullement linjure a vous faicte par les thuringiens : de laquelle nostre innocence ne pourroit estre souillee ne maculee. mais aussi le trescruel fratricide nostre bon pere, & le detestable crime de hermenfroy qui sest enyvre du propre sang de son lignage. ne souffrez que voz glayves soient intopiquez du sang de ces deux pauvres & miserables innocens. ne permettez si vous plaist cruaulte estre faicte a eulx qui humblement vous demandent justice. Helas redoubtables seigneurs pacifiez vos cueurs & moderez la chaleur de vostre juste & raisonnable courroux en maniere que lexecution dicelluy ne puisse extendre fors sur les delinquans & coulpables.

Nous vous crions mercy & soubmectons noz avanturees vies a la benignite de vostre royalle mageste. Helas messeigneurs si pitie ne povez avoir de nostre estat & du changement de noz fortunes autmoins aiez compassion de nostre jeune aage : & du debile sexe femenin. je ne vous demande autre chose fors quil vous plaise me renfermer en ung monastere avec autres religieuses Pour illec apprendre le moien davoir paradiz, & plourer sans intermission le detestable abuz de ce miserable et muable monde

Theodoric et clotaire furent esbays doyr une tant jeune fille si prudemment parler Et si tost quelle eut mis fin a ses trant gra

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tieuses remonstrances, pitie entre dedans les cueurs de ces deux roys & reffroidit soudain leur extente & bouillante fureur, de sorte quilz prindrent a mercy radegonde & son frere quilz baillerent en seure garde jusques au parfaict de leur victoire.

Laquelle obtenue (qui selon Sigibert en lan de nostre salut cinq cens vingt & quatre) partirent entre eulx le gaing & butin de leur conqueste : & en donnerent & distribuerent a leurs gensdarmes ainsi que bon leur sembla. & tellement quil ne restoit plus que adeterminer & conclure auquel demourroit Radegonde. Theodoric la vouloit avoir, aussi le roy clotaire. & surce y eut quelque debat entre eulx qui fut pacifie par sort, & accorde entre eulx que celuy auroit Radegonde auquel le sort viendroit Ce qui fut fait selon lhistoire de sainct fortune. Et par sort demoura radegonde a clotaire & son frere a theodoric. dont icelluy theodoric fut dort dolent & courrousse par le dedans sans en faire lors aucun semblent.

¶ Commant le roy theodoric apres la conqueste de thuringe voulut faire mourir le roy clotaire son frere

Chappitre cinquiesme.

LOn peut cy contempler et ymaginer que si la noble pucelle radegonde neust este parfaictement belle de beaulte corporelle, & bien acomplie de toutes autres graces appartenans a fille extraicte de royalle maison : que les deux freres neussent eu question & different pour elle. Ce quilz eurent comme a escript expressement ledit sainct fortune & aussi maistre vincent de beauvaiz en son miroir historial. Et anthoninus florentinus en sa cronique. jacoit ce que sigibert nen ait rien escript en sa cronique. mais seullement quelle demoura a clotaire. Bien a escript ledit sainct gregoire ondit. vii. chappitre du tiers livre de sa cronique : que theodoric apres ladite victoire voulut faire mourir clotaire & le tuer & occire en trahison. & que pour ce faire theodoric feit mussez derriere la tapisserie de

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sa salle plusieurs de ses hommes armez & embastonnez puis envoya querir clotaire a faulses enseignes et en seurte, pour illec le faire mettre a mort Et de ce adverty clotaire par aucun de ses amys feit aussi armer de ses gens en grant nombre. et en leur compaignee se transporta vers theodoric. Lequel voyant que clotaire avoit congneu sa desloyalle entreprinse commanca par doulces parolles tourner sa malice en jeu. Et pour pacifier clotaire luy donna ung grant vaisseau dargent, que depuis il retira, moiennant lequel don les deux freres furent apoinctez pour ung temps, qui peu dura. Tantost apres theodoric retourna en son royaume, ou il feit venir en asseurte hermenfroy, promectant quil nauroit mal, & de luy faire de grans biens Soubz umbre de ceste promesse hermenfroy se transporta par devers theodoric en une ville appellee tulbit, ou theodoric le receut honnourablement. Et depuis ung jour quilz alloient alesbat sur les haultes murailles de ladite ville, ledit hermenfroy tumba par terre et se rompit le coul. Gaguin a escript en sa cronique que ledit theodoric luy toucha du coulde & le feit tumber. mais ledit gregorius turonensis ne le veult asseurer, & le laisse en doubte, quoy quil en soit ledit hermenfroy mourut de ladite cheute.

Commant clotaire emmena en son royaume saincte radegonde et la feit introduire en aucuns des sept ars liberaulx

Chappitre. vi.

PAr le moien de la mort de hermenfroy theodoric fut paisible roy du royaume de thuringe, et en fut usurpateur jusques a son deces. jacoit ce quil appartinct a saincte radegonde & a son frere. Lequel frere fut entretenu par theodoric. Et ladicte saincte fut emmenee par le roy clotaire en son royaume : qui la mist pour icelle nourrir et endroctriner en une ville nommee atheis depresent appellee sainct uentin en vermandois. Et parce quelle avoit lesperit grant et disposer

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pour recevoir science et quelle estoit yssue de sang royal Combien quelle fust sa prisonnaiere lui bailla hommes et femmes non seulement pour la garder mais pour la servir et aussi pour lendoctriner & instruire, tant en la langue francoise que latine, ou elle proffita tellement que en peu de temps parla latin & francois aussi bien que homme quon sceust lors trouver, Et oultre sceut presque tous les sept ars liberaulx : ce que les princes daujourdhuy auroient en contemps & mocquerie. mais cestoit la coustume du temps passe qui est louable selon sainct jehan crisostome. Car il est fort honneste a une princesse ou autre dame qui a bien dequoy vivre de veoir les livres moraulx & les histoire antiques, tant pour y prendre exemple de bien & vertueusement vivre, que pour eviter le peril & dangier doysivete. Aussi puis que leur estat nest de faire euvres mecanisques & mercenaires il leur est plus proffitable pour le salut de leurs ames & consolation de leurs espritz regarder & lire en quelque beau livre : que confirmer le temps en dances dissolutions & parlement lascivieux & damnablese. Et pour respondre a ceulx qui dient que lesprit dune femme nest dispose ne capable pour recevoir & comprendre une bonne proposition concernant nostre foy. Je ne dy pas aussi quelles doibvent estudier en la theologie ne se mectre si avant en argumentations theologalles. mais en choses moralles & instructives de meurs & vertuz. Combien que qui vouldroit rememorer combien il ya eu de femmes fermes en la foy catholicque & qui lont soustenue par argumentations & partires, comme saincte catherine & saincte barbe on trouveroit quelles ont triumphe contre les infidelles aussi bien que les hommes. Et diray davantaige a leur honneur que jamais femme ne fut reprise de heresie & pertinacite. mais ont tousjours este facilles a convertir a nostre foy.

¶ Des enfances de saincte radegonde.

Chappitre. vii.

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POur retourner au propos saincte radegonde fut mise entre mains de gens vertueux pour apprendre bien et honneur. mais avant que parler des meurs & vertuz quelle eut en son adolescence nous parlerons de ses enfances qui presidoient sa future perfection. Car (comme tesmoigne ledit sainct fortune) quant elle estoit avecques les petiz enfans de son aage ne parlot que de nostre saulveur jesuchrist : et desiroit venir le temps quelle peust souffrir martire pour lhonneur & reverence de luy. Quant elle avoit prins sa refection recolligeoit la reste de son manger puis ressembloit lez petiz enfans de son aage autant quelle en povoit trouver, & les faisoit seoir par ordre leur administroit leaue pour laver leurs mains, les servoit et bailloit a chascun sa portion Et apres en la compaignee des filles de sa sorte alloit a leglise. & par ung jeune clerc nomme samuel faisoit porter devantelle une petite croix de bois : en la memoire du bon jesus. En cest estat et en chantant hymnes et pseaulmes entroit en leglise, & apres son oraison faicte, nectoyoit & mundoit la place tout autour de lautier avecques ses vestemens, & la pouldre et terre pourtout en lieu secret affin quon ne marchast dessus. Cestoient les enfances de la nobme & saincte pucelle radegonde : bien esloignees daucunes petites filles de aujourduy qui scavent plus de malice a cinq ou six ans que ne scavent aucunes femmes a vingt, qui advient par listruction des peres & meres. Lesquelz ne leur aprennent que choses mondaines & dissolues, dont souvent fort scandalle & reproche quant elles perviennent en laage nubille.

¶ Des meurs et vertuz de saincte radegonde. & commant elle fut sobre en parler, humble & honteuse de honte virginalle. Chappitre. viii.

AVant que saincte radgonde eust laage de douze ans elle sceut lire & escrire & en laage de quinze ans sceut parler la tin et francoys, aussi sceut tixtre broder en

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saye & layne & faire toutes choses honnestes quon povoit demander en une fille, en sorte quelle oultrepassoit le scavoir de toutes les autres. Et quelle fust instruicte en la langue latine il appert assez par plusieurs epistres quelles a faictes & composees en latin, mesmement une qui est inseree au long en la cronique dudit sainct gregoire arcevesque de tours. une aultre quelle envoya a labbesse saincte cesare : lesquelles seront cy apres au long inserees & translatiees en leur lieu. Aussi jay veu par les euvres de sainct fortune aucunes epistres quil escripvoit a ladicte saincte. lesquelles sont en metre : & en tresbeau & hault stille. ¶ Or pour retourner au propos ladicte saincte fut de si facille doctrine quelle eut tantost comprins ce qui luy estoit necessaire pour lhonnestete de son royal estat. Et combien que naturellement fust de subtil & facil esprit & tres prompt a comprendre. Touteffoiz faisoit toutes ses operations froidement et par discretion voire de sorte que sa forme de vivre derogeoit a son aage. Car a ses gestes & contenance mieulx ressembloit a vieille femme que a jeune fille. Et davantage acceptoit la doctrine de ceulx qui avoient le gouvernement de sa personne tant courtoisement et en si grande humilite que par contradiction ne autrement ne les vouloit irriter.

¶ Si doyvent sur ce passage toutes jeunes filles prendre exemple et nestre par orgueil rebelles ne contredisantes aux anciennes femmes si & quant elles leur remonstrent leurs faultes qui est ung vice moult apparent et denigrant lhonneur dune pucelle, & dont plusieurs filles de bonne & grosse maison sont mal regardees. Lesquelles sans craincte & honte parlent plus asseureement que si elles avoient vescu cinquante ans. Et si par charite on sefforce leur donner quelque bonne doctrine sen mocquent et rient.

¶ Saincte radegonde ne faisoit ainsi Car jacoit ce quelle

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fust sage prudente et bien moriginee, voire de royalle lignee. Touteffois elle avoit tousjours une honte virginalle procedant de humilite sans avoir la face effrontee & eslevee. mais humiliee, & si ne parloit que bien peu : En considerant que la mort et la vie sont souvent en la puissance de la langue. ainsi que le sage a escript, & aussi quil fauldra randre compte davant dieu de toute parolle occieuse selon la doctrne evangelicque. Elle consideroit que lung des plus grans vices que peut avoir ung jeune fille de bas ou hault estat, cest trop parler. Car il est bien difficille quelle ne die entre tant de parolles une qui la scandalize. actendu que discretion ne consiste communement en jeunesse Et que celuy qui veult parler le doit faire discretement & non a la vollee.

¶ Salomon appelle les femmes folles quant elles parlent trop, & non sans cause. car cest la chose qui plus les fait contenner & mesprise. parce que la propriete dune femme est destre honteuse, humble, courtoise, & amiable. Et plus voluntiers estre gardee la contenance dune fille ou femme que sa beaulte. & son gratieux & sage maintien plus extime que son excellente formosite. En consideration desquelles choses (comme tesmoigne ledit sainct fortune) Saincte radegonde estoit de humble & gratieux maintien : & ne dist onc parolle vaine, mais proffitable & necessaire pour elle ou pour autruy.

De la beaulte de saincte radegonde

Chappitre .ix.

LA beaulte de saincte radgonde estoit parfaicte & grande. Car elle estoit sans fard et taincture autre que la naturelle. Et avoit une face blanche sans blandices le port & faconde dune auctorite non fiere austere ne superbe. Mais modeste et reverencialle fort esloignee de rusticite, Son aller estoit industrieux et bien compasse, Car il nestoit trop grave ne trop motif. mais modere. Et si ne pensa

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oncques a se difformer par nouveaux habitz : mais se contenoit a la raison de son estat. Et combien que aucuneffoiz pour lhonneur de la maison dont elle estoit descendue portast quelques beaux & precieux vestemens, toutesffoiz ny prenoit gloire ne plaisir. Et ce quelle en faisoit estoit par contraincte et pour complaire au ro clotaire & a ceulx qui avoient le gouvernement delle Et quelque habit ou vestement quelle portast ny avoit aucune defformite non plus que en sa contenance. Car selon ledit sainct fortune ne donna oncques matiere a homme par regars, parolles, ornemens ne dissolu maintien de la desirer par concupiscence charnelle. Toute son affection estoit de acumuller vertuz sur vertuz pour complaire au bon jesus que tant elle amoit.

¶ Mirez vous en ce parfait mirouer jeunes dames & damoiselles qui portez vestements dissoluz et chascun an changez de mode pour vous contrefaire et user de beaulte empruntee. Vos visaiges sont lavez & fardes. Voz cheveux tirez et tressez. Vos tetins descouvers et parez de colliers cheynes & afficquetz Et vos acoustremens de teste sont faitz comme caputions de folles. Respondez mes dames si vous le faictes pour complaire a dieu, et si vous prenez aussi grant labeur pour orner le dedans de vostre conscience comme le dehors de voz corps. Vous estes lactraict & apas du diable poure prendre les pauvres ames et ne considerez que la beaulte corporelle qui est de tant petite duree passera bien tost, soit par vieillesse maladie ou autre adversite & inconvenient, & que ce petit plaisir que y prenez vous conduit damnation perpetuelle avecques plusieurs jeunes gallans qui par voz aspectz basilisques sont blecez jusques a la mortelle playe de leurs ames. Trop mauldite est la beaulte corporelle qui tant fait damner de pauvres ames. Pensez vous poinct que telles choses ne se pevent faire sans peche tant pour la superfluite de voz habitz, que pour les occasions que vous donnetz aux sotz hommes de mal faire.

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Vous respondez quon se garde qui voudra & que ny pensez aucun mal, mais est pour seullement complaire a quelcun par honneur, affin quil soit vostre espoux. ¶ Notez mes dames que mariages faiz par telz moiens sont depetite duree & de maulvaise yssue, car ainsi quon a veu par cy devant & quon le veoit journellement en mariages faiz & consumez par telles amouretes ya voluntiers jalozie, ou pauvre gouvernement, soit de la part du mary ou de la femme, et lamour deshonneste et lubricque qui a cause de tel lien, ne peut estre de longue duree. Car apres avoir eu grant nombre denfans ou quelque malladie ou merencolie qui aura efface la premiere beaulte celuy lequel vous aura espousee pour son plaisir voluptueux seulement, tournera son cueur ailleurs, et dieu le permect. et seuffre ainsi advenir affin quon congnoisse que mariage ne doit estre fait & celebre pour concupiscence charnelle.

¶ Il ya plus mes dames, car tous ceulx qui vous voient ne pevent estre voz mariz, vous leurs presentez les tetins descouvers vostre face eslevee et polie vostre corps contrefaict par la difformite de vos habitz, vos regars penetrans & vostre faincte doulceur. Et par telz moyens jeunes gens indiscretz qui ensuyvent leurs passions charnelles sont conviez par nature & sensualite a vous desirer, et poursuir souvent vostre deshonneur de telle sorte que vostre modanite et oultrecuydance vous mayne au lieu de perpetuel reproche, & celles qui cuydent estre les plus subtilles sont souvent les premieres prinses. Saincte radegonde qui avoit veu et leu la doctrine des sages congnoissoit assez ce dangier, & a ceste cause ya tousjours abvie, & mis toute son estude a seullement parer & embellir son ame des beaux acoustrements de vertuz, Pour et affin quelle fust plaisante a son loyal amoureux Jesus.

Des abstinences que faisoit saincte radegonde en son jeune aage. Chappitre x.

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COmbien que saincte radegonde fust grande & de faulte stature & que pour son entretienement & nourriture luy fust permis voire necessaire prendre plus grande reffection que si elle eust este de petite qualite & quantitite Touteffois elle ny mectoit son cueur : mais se evertuoit de faire jusnes et abstinences pour complaire a son amy par amours jesus : dont elle pourtoit le souvenir on parfond de son noble cueur Et considerant ce qui est escript en hieremie je les au rempliz et saoulez, et ilz ont fornique. La bonne pucelle qui estoit nourrie & entretenue comme fille de roy, & qui povoit vivre en delices et boire et manger a toutes heures quant bon luy sembloit ne aumoins elle sen distraihoit et esloignoit a son povoir, & ne prenoit a ses repas fors ce qui luy estoit necessaire pour sa refection seulement : et pour empescher quelle ne tumbast en trop grant foiblesse. il estoit commande la nourrir en delices & elle ne savoit que cestoit de vivre delicieusement. Elle avoit gens propres pour luy preparer viandes de divers goustz, et elle ny prinst onques plaisir, mais a macter & macerter la rebellion de son corps par jusnes & abstinence.

¶ Notez ceste forme de vivre jeunes filles & pucelles, & considerez davantaige que gormandir rdt mere de tous vices, car par trop boire excessivement manger on tumbe en lubricite deshonneste, et honte, & a faire ou dire chose dont sort voluntiers scandalle & courroux. Il nya vice plus reprochable en une fille que de obtemperer a sa bouche. Car comme on peut veoir chascun jour plusieurs filles sont a perdition pour avoir este friandes et gormandes. Et si tel vice est reprouve es filles & pucelles il nest pourtant, a louer es femmes mariees & vefves. car cest ung attraict de tout mal, et ne scet une yvroigne si elle est chaste ou non. Aussi par lantique institution des rommains lusaige de vin estoit prohibe es femmes affin quelles ne tumbassent en quelque deshonneur. Parce que le vin est le plus prochain degre de

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intemperance pour parvenir a prohiber luxure. Non que je vueille maintenir que les femmes ne doyvent boire vin. mais en boire moderement, car quant il est prins par moderation il rend la personne plus ferme asseuree arrestee & de meilleur esprit.

¶ De la grande humilite et pitie de saincte radegonde. Chappitre. xi.

LA pitie compassion & humilite de saincte radegonde furent si grandes envers les pauvres et misirables personnes, que jacoit ce quelle eust este durant son enfance nourrie delicatement, et quelle fust yssue de royalle lignee comme dit est. Neautmoins des ce quelle eut laage de vingt ans et que commenca user de son liberal arbitre, se abstinoit de manger les delicates viandes qui luy estoient aprestees, & les reservoit pour les pauvres malades quelle mesme alloit veoir et visiter les pensoit & confortoit tant de faict que de parolle, & ne les avoit en horreur. mais de ceulx qui estoient blecez nectoioit & curoit leurs playes & infections de ses blanches mains, lavoit leurs piedz et mundiffioit leurs testes. Et non contente de ce les faisoit seoir & prendre leur refection corporelle a sa table, dont ses damoiselles & aussi ses serviteurs et officiers murmuroient souvent, se mocquoient delle et detractoient de ses bonnes euvres. Ce quelle endurcit patiemment pour lhonneur de dieu : voire estoit joyeuse de trouver moien de souffrir quelque approbre pour la reverence de luy, en consideration des peynes & opprobres quil a endurees pour le salut de humaine nature. Que diray je plus, fors quelle estoit humble & amiable que de sa bouche ne sortit oncques parolle superbe, ou arrogante qui deust desplaire a aucun, mais estoit consolative, et dung si gratieux maintien : Que ceulx qui avoient congnoissance delle la prisoient la reveroient & amoient On ne congneut oncques en elle indignation courroux, ne or

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gueil : mais une parfaicte humilite & honnestete telle que impossible me seroit les savoir bien descrire selon le merite & ainsi que sainct fortune et levesque hildebert lont escript.

¶ Telle courtoisie seroit fort louable es jeunes filles, non celles dont elles usent au temps present. Car elles sont si gratieuses que voluntiers prestent loreille a ung tas de deceptiz orateurs de court & fringuereaux de ville, qui ne font autre chose fors querir les moiens de seduire fille & femmes et les conduire au gouffre de deshonneur. A telz mignons filles doyvent estre rebelles, cest a dire quelles ne les doyvent en aucune maniere escouter Et des la premiere foiz leur donner conge sans retour, & non les amuser de doulx parler pour en tirer quelque gracieux present puis en farser & gaudir. Car telles facons de faire ne valent rien, et rendant la fille & aussi la femme suspecte de maulvaiz propoz et vouloir. Et advient que telles fines fumelles en soy cuidant mocquer du compaignon sont souventsurprinses, & tumbent on peche quelles navoient entention de commettre. A ceste cause ne doyvent a elz galans par amoureux regars, gestes, parolles ne autrement donner aucun espoir en leurs folles entreprinses. mais par response peremptoire leur trancher la broche des la premiere venue. Et pour eviter leurs deceptifz admonnestemens ne se doyvent trouver en leur compaignee. mais fuyr les occasions de parler avec eulx & soy recommander a dieu en cest affaire. Car sans son aude on ne peut rien Et pourtant ne doyvent les pucelles & chastes femmes garder ceste vertu si tresdigne de viriginite & chastete par orgueil & presumption ne contempner & mesprise par arrogance celles qui ont ceste grace, car si dieu leur laissoit aller la brider feroient par avanture pis.

¶ Virginite et chastete sont a priser et louer : mais elles ne profitent que bien peu sans humilite, et on le veoit a loeuil.

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Car plusieurs belles filles & femmes qui sestoient par la grace de dieu contregardees de forfaire jusques a lamoictie de leur aage sont par leur orgueil succumbees a lentree de leur vieillesse Et alors que les pecheurs se doyvent amender & corriger, se sont habadonnees a luxure & vilennye Aussi dist la glorieuse vierge marie que par ce que dieu avoit regarde son humilite seroit dicte bien euree par toutes les generations. Soyez donques humbles jeunes filles & femmes, & gardez en humilite chastete qui est ung tresor incomparable, & lequel a este bien contregarde par saincte radegonde, tant avant son mariage durant icelluy, que depuis comme nous verrons cy apres en ensuivant ce qui a este escript par ledit sainct fortune.

¶Commant clotaire & childebert feirent mourir deux de leurs nepveuz. Et commant sainct clouaud evada. Chappitre. xii.

IL est a presupposer & entendre que quelque liberte que eust saincte radegonde, estoit neautmoins tousjours prisonniere & captive, et lestat que luy bailla le Roy clotaire nestoit que de sa pure liberalite Et aussi parce quelle estoit yssue de lignee royalle, & quelle estoite sage prudente Et vertueuse. Si continua ladite saincte en sa forme de vivre telle quil a est dit cy dessus jusques ace quelle fust mariee avecques clotaire qui fut long temps apres sa captivite comme nous verrons au plaisir dieu. Et ce pendant advindrent plusieurs choses qui ne sont a oublier pour la continuation de nostre principalle matiere et elucidation dicelle. Car trois ans apres que ladicte saincte eust este prinse, & amenee en france. La royne Clotilde se transporta en la ville de paris pour y faire sa demourance, et illec emmena les enfans de clodomires Lesquelz elle tendoit faire joyr du royaume de leur pere dont childebert theodoric et clotaire sestoient emparez.

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¶ Le roy childebert qui lors estoit a paris fut de ce fait esmeu et courrousse et selon la cronique dudit saint gregoire on. xvii. chappitre du tiers livre manda a son frere clotaire que son plaisir fust se transporter vers luy en ladite ville de paris pour adviser quil estoit de faire de leurs nepveuz. Ce que feit clotaire lequel avoit despieca repudie gonthence par le conseil de leglise & retourner a jugonde sa premiere femme espouse, laquelle gonthence estoit mere desdits enfans. Apres que childebert & clotaire se furent assemblez en ladite ville de paris & eurent entreprins de faire lesditz enfans religieux, ou les mettre amort. Envoierent vers clotilde, & luy manderent quelle leur envoiast leurs nepveuz pour les mettre en possession du royaume de leur pere Et croyant quilz voulussent ainsi faire joyeuse de telle deliberation leur envoya lesditz enfans avecques leurs nourrissons & gouverneurs. lesquelz childebert & clotaire feirent incontinant separer et sequestrer. Et de rechief envoyerent vers clotilde une […]ne archadius avecques des cizeaux en lune de ses mains [& une] espee evaginee en laure, qui dist a clotilde. Noble et triumphante royne vos enfans vous somment que leur mandez par moy que vous amez le mieulx, ou que leurs nepveuz soient tonsures de ces cizeaux & rencloz en une abbaye ou mis a mort de ce mortel glaive. Et elle esbaye de telle nouvelle ne sceut de prime face que respondre, forsque pressee de douleur dist quelle ameroit autant quilz fussent mors que moynes.

¶ Alchadius nactendit a passer le courroux de clotilde mais contant de ceste response alla hastivement la relater a childebert & clotaire, et leur dist quilz parachevassent leur entreprinse & que la royne le vouloit bien. A ceste cause feirent incontinant venir leurs nepveuz davant eulx. Laisne desquelz nomme Thibault (qui lors avoit dix ans) Clotaire prinst par le bras le getta contre terre & dune espee le mist a cruelle mort.

Le second desditz enfans nomme gonthier qui navoit que sept

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ans effraie de si horrible cas se prosterna aux piedz de childebert son oncle luy criant mercy. Childebert eut pitie et le voulut saulver mais clotaire enyvre de fureur & crudelite luy dist quil estoit aucteur inventeur & cause de tel exploit, & que sil ne ly rendoit gonthier, le metroit a mort luy mesmes. Parquoy childebert craingnant lemotion de clotaire qui estoit merveilleux : chasse gonthier arriere de luy, lequel fut incontinant prins et mis amort par clotaire. ¶ Le tiers desditz nepveuz nomme clouaud fut saulve par les princes seigneurs qui en prindrent la defense. Et lan cinq cens trente ung selon la cronique de sigibert, entrea en religion de son propre vouloir, ou il vesquit si sainctement & religieusement que dieu a sa requeste guerissoit de moniacles faisoit parler muetz, oyr sours, & aveugles veoir Et moiennant sa celique vie plaines de toutes bonnes & sainctes euvres apres son trespas fut mis on cathalogue des saincts La feste duquel on solemnize en leglise militante septiesme jour du moys de septembre.

¶ Comment cloaitre espousa les deux seurs : ou il est incidemment parle de la vie de clotilde et de la mort de theodoric & daucunes conquestes

Chappitre. xiii.

APres ce cruel exploict childebert et clotaire [pa[rtirent entre eulx le royaume de clodomires leur frere sans en faire part a theodoric, dont advindrent plusieurs questions & guerres civilles queje laisse pour cause de briefvete. Et en continuant ma matiere pour parvenir au mariage de saincte radegonde. Les corps de thibault et gonthier furent honnourablement ensepulturez en leglise saincte geneviefve de paris a grans pleurs & lermes pres de Clovis leur ayeul : par le commandement de la royne clotilde. Laquelle

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depuis se gouverna si sainctement, quelle fut honnouree de tout le peuple, car elle paracheva ses jours encontinuelles aulmosnes, en jeunes, oraisons, & abstinences. Elle resplendissoit en chastete et continence. Elle dotoit eglises nourrissoit pupilles & femmes vefves, en maniere que mieulx ressembloit chamberiere de dieu. que femme de roy terrien, selon ladite Cronique sainct gregoire ondit. dixseptiesme Chappitre du tiers livre : qui est pour respondre a aucuns modernes historiens et judiciares qui par leurs euvres (treslouables en autres choses) ont assez mal parle de tant saincte dame.

¶ Clotaire se tenoit a soissons avecques jugonde sa premiere femme de laquelle il eut trois filz & une fille, savoir est goutran chilperic heribert & clotosinde. Et luy qui estoit fort lubrique ennuye de jugonde associa a son lit aregonde sa seur, qui advinst par tel moien Que quelque jour jugonde voyant le roy clotaire [est]reen bon propos Le pria marier sa seur aregonde avec le [plus] grant prince de son royaume, ce quil luy accorda & promist faire. Et tantost apres se transporta au lieu ou estoit aregonde laquelle il espousa : et luy feit ung beau filz nomme childeric selon ledit sainct gregoire en second chappitre du quart livre de sa cronique. Et quant il fut lasse & ennuye de aregonde pensant aussi en son peche, retourna a jugonde. Laquelle senquist avecques luy parquoy il lavoit laissee, et espouse sa seur. Et il luy feit response que ce avoit este a sa requeste & quil lavoit espousee parce que en son royaume ny avoit plus grant prince que luy Jugonde ne luy replicque aucune chose. mais dissimula ceste faulte assez sagement.

¶ Environ ledit temps les visgotz a force darmes retirerent certaines plances dacquitaine autreffoiz conquises Par le roy Clovis. ¶ Et pour les reconquester et

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recouvrer, theodoric envoya son filz theodobert, & clotaire son filz goutran, avecques grosse puissance. mais goutran sen retourna des lamoictie du chemin ledit sainct gregoire ne dit point la cause. Et au regard de theodobert passa oultre, & chassa les visgotz desdites places Lan cinq cens & trentesept ledit theodoric apres quil eut regne ving trois ans alla de vie a trespas roy de thuringe & daustriche la basse, delaissa ledit theodobert son filz qui regna treze ans apres luy Clotaire eut dautres femmes & enfans comme nous verrons cy apres. mais je nay peu trouver ala verite en quel temps il les espousa, & nen puis esscrire fors par conjectures & par les faitz & festes desditz enfans, qui donnent ung peu a congnoistre qui furent ses premiere & derniere espouses le tout selon lesdites croniques & historiographes dessus nommez sans rien y adjouxter du myen fors la concordance de leurs histoires

¶ Commant clotaire fut marie avecques consonne. de laquelle & ses autres femmes il eu sept filz et deux filles. Chappitre. xiiij.

AU temps que jugonde qui servesquit aregonde alla de vie a trespas : saincte radegonde povoit avoir xxv ans ou environ. Et deslors clotaire eut grant vouloir despoiser ladite saincte, touteffoiz parce quelle estoit sa prisonniere, & que theodobert son nepveu tenoit avecquesluy le frere dicelle saincte, & occupoit le royaume de thuringe a eulx appartenant : par le conseil daucuns seigneurs de sa court il differa aussi ladite sainct avoit plusieurffoiz declaire que jour de son vivant ne seroit mariee, dont le roy clotaire avoit este adverty. Et aceste cause expousa une jeune nomme consonne la generation de laquelle je nay peu trouver. Et de ladite consonne & des autres deux femmes preedentes il eut sept filz & deux filles selon maistre robert gaguin, & ledit sainct gregoire en leursdites croniques. dont les quatre filz nommes harybert, chilperic, goutran, & sigi

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bert luy succedrent, cranus & les deux autres moururent avant luy. Et lune des filles nommee bledilde fut mariee avecques anselbert senateur de romme & marquis du sainct empore sur lescault, desquelz est descendu le roy pepien. Aucuns ont voulu dire que lautre fille nomme clotosinde fut mariee avec engilbert roy dangleterre, & quelle luy donna premierement congnoissance de la verite de nostre foy. Parce que lors les anglois estoient macullez de leresie palegienne, Mais je ne le veulx asseurer, aussi nest il a croire. Bien est vray que ledit engilvert fut marie avec une fille de france. le nom de laquelle na este escript par les croniqueurs, & que par le conseil de ceste fille & dung grant clerc & bon catholique nomme letardus quelle avoit mene en angleterre avec elle. ledit engilbert requist au pape sainct gregoire premier de ce nom quil luy envoyast en angleterre quelques parsonnages scientificques pour abolir ladite heresie, ce que feit sainct gregoire, & en bailla la chare a augustin melite & jehan acompaignez dautres bons religieux, ala predication desquelz les anglois se converirent en lan de nostre salut cinq cens quatre vingts dixneuf selon la cronique dudit sigibert. Et parce est plus a croire que ladite femme dudit engilbert fut fille de chilperic filz dudit clotaire et non de clotaire second de ce nom, quelque chose que ledit gaguin en ait voulu escrire. car ondit temps ledit clotaire second navoit que douze ans ou environ. aussi ledit sainct gregoire a escript que ladite clotosinde fut mariee avec albonius roy des lombars.

¶ Commant dieu ala requeste de saincte radegonde Et aussi de la royen clotilde feit ung beau miracle en la bataille que childibert & thoeodric livrerent au roy clotaire. chappitre. xv.

LE bruit & la renommee de la sainctete de dame radegonde furent grans tant pour ses insuportables abstinences que pour sa chastete continence devotion. et

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les grandes euvres charitables quelle faisoit du bien qui luy estoit eslargu par le roy clotaire, en sorte que cestoit la mieulx extimee de toutes les autres femmes de son temps. Par chascun jour faisoit presser le roy dantrer en religion, mais il ne le vouloit permettre ne semblablement quelle fust mariee & ne savoit on quil en vouloit faire, fors quil est a pesumer quil la gardoit jusques apres la mort de theodibert pour avoir aumoien delle & de son frere le roayme de thuringe qui leur appartenoit. Et neust ladite saincte ouse faire le contraire du vouloir de clotaire, parce quelle estoit sa prisonniere : & aussi craignoit quil feist mourir son frere qui se tenoit avec theodobert. Si advinst en icceluy temps que clotaire eut plusieurs divisions civilles avecques son frere childebert & son nepveu theodobert. Et mesmement selon la cronique dudit sigibert En lan de nostre salut cinq cens quarante & deux. Onquel temps saincte radegonde avoit vingt & sept ans ou environ. Car ainsi quil est escript on xxvii. chappitre du tiers livre de l acronique sainct gregoire. Lesditz childebert & thodobert assemblerent une grosse armee pour guerroier clotaire & surprendre sur son royaume. Lequel doubtant la fureur de ses ennemys se retira en une fourest ou il se fortifia de gensdarmes & de rampars. en mectant sa totalle esperance en la pitie de dieu. La royne clotilde de ce advertie fut fort troublee parce quelle veoit en ce conflict la ruyne de ses enfans, & se transporta a diligence en la ville de tours : pour recommander laffaire a monseigneur sainct martin le corps duquel y reposoit comme encores fait de present, & auquel elle avoit singuliere devotion. De lautre part saincte radegonde congnoissant le dangier onquel estoit le roy clotaire qui luy avoit tant fait de biens, prioit dieu incessamment pour la prosperite de sa personne. Et furent les prieres de ces deux cainstes dames exaulcees de dieu. Car a lheure que childebert et theodobert voulurent bailler lassault et courir sur larmee de

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clotaire. La tempeste de descendit du ciel & si treshorible a compaignee despoventables tonnerres et grosse gresle que childebert & theodobert pensoient estre mors, & ny eut celluy qui eist volunte de frapper coup. Et congnoissans que cestoit ouvrage divin. Parce que le camp de clotaire avoit este preserve de telle persecution, & navoit senty tonnairre gresle ne autre mutation de temps, pourchasserent paix envers luy Laquelle faicte sur lheure entre eulx, retournerent en leurs royaumes bien accordez et confederez. Et depuis conquirent ensemble sarragoce & la apluspart despaigne. Et apres que theodobert qui estoit sage constant charitable & vertueulx eut regne treze ans, rendit lesprit roy de thuringe et daustriche la basse. Et laissa ung sien filz seul heritier nomme thibault. qui fut (selon ladite cronique dudit sigibert) en lan de nostre salut cinq cens cinquante.

¶ Commant clotaire envoya querir saincte radegonde pour lespouser. Chappitre. xvi.

UNg an apres le trespas de theodobert qui fut lan cinq cens cinquante & ung. La derniere femme du roy clotaire nommee consonne alla de vie a trespas. Par quoy tantost apres se voulut remarier Et considerant quil avoit passe la fleur de la jeunesse, & commencoit entrer en la debilite de facheuse vieillesse, bien adverty qune trop jeune fille luy pourroit estre une poison mortelle, presenta a sa memoire les grans louanges qui luy avoient par plusieurffoiz este faictes de la beaulte, bonte, honnestete, constance & prudence, de dame radegonde. Et parce quelle avoit lors trente six ans ou environ pensa quelle seroit bonne pour son aage qui estoit de Soixante ans ou environ et delibera lespouser.

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En pensant quelle ny vouldroit contrairer, avant que luy faire savoir son vouloir feit preparer le lieu de victry pour celebrer les espousailles, comme celle eust este toute preste de luy obeir.

¶ Si envoya vers elle en la ville de atheisou estoit sa demourance ung de ces gentilz hommes, qui luy dist et declaia commant le roy la vouloit espouser & quil avoit ja assigne le jour desespousailles au lieu de victry ou il y avoit noble & grande compaignee a certain jour quil luy nomma. Saincte radegonde fut fort esbaye doyr ainsi parler ce messagier, & de prime face ne sceut que luy dire : car lentreprinse & deliberation luy estoient nouvelles. Touteffoiz apres avoir eu reprins ses espriz dist au messagier. Vous congnoissez assez quil nest ne seroit convenable que ung si hault & noble prince espousast une pauvre prisonniere & captive qui na terre ne autre avoir : vous savez la mugnificence du roy : & que je ne suis du lieu venue pour estre son espouse. il a en son royaulme plusieurs princesses & nobles dames qui seront mieulx de sa sorte que moy. Parce vous pry puis quil vous a pleur prendre la pyne de faire ce messaige : quil vous plaise saluer le roy de par moy, & en premier lieu le remercier treshumblement de lhonneur quil a pleu a sa triumphante seigneurie me faire. Et davantage plus plaira luy dire & remonstrer grantieusement que je ne pensay oncques destre mariee : mais ay tousjours entention dentrer en religion & donner fin a mes jours en quelque lieu de penitence. Et quant je serois du lieu venue pour estre compaigne a ung si puissant roy, il ne pourroit estre de moy servie ainsi quil appartient & que lestat de mariage le requiert. car jay mis mon cueur ailleurs Vous priant faire mes excuses envers luy de si bonne sorte quil naye matiere de sirriter & courrousser contre moy. ¶ La response de saincte radegonde fut si gratieusement faicte au messagier quil ne sceut que replicquer fors quil en feroit son rapport au roy & le advertiroit selon son possible de son vouloir & propos. Et a tant sen retourna a

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soissons ou estoit le roy qui se actendoit bien a la venue de radegonde. mais quant il eut ouye sa responce, fut merveilleusement courrousse. Et des leure comanda a ung sien maistredhostel que le landemain il allast a atheis & quoy quil en deust advenir luy amenast radegonde & ny eust faulte sur la vie.

¶Commant saincte radegonde sen ala de nuyt de la ville de atheis quant elle sceut que le roy clotaire lenvoioit querir pour espouser

Chappitre. xlii.

SAincte radegonde apres que le messagier sen fut alle congnoissant une partie des condicions du roy clotaire & entre autres quil estoit colere & voluntaire pensa quil renvoiroit soudain autre message parquoy selon listoire dudit sainct fortune la nuyt faignant de dormir en son lit apres que chascun fut fut a son repos & quon ne se donnoit garde delle se leva secretement avecques une femme dassez ancien aage & une jeune damoiselle sortit hors le chasteau duquel elle avoit subtillement recouvert les clefz & quant elle fut hors de la ville de atheis qui ne fermoit lors gecta ses genoux sur la terre & en eslevant les yeulx vers le ciel se recommanda a dieu et pria quil la volust conduire au lieu qui luy seroit le plus necessaire pour le salut de son ame puis se mist acheminer & elle qui ne scavoit chemin ne voie cuidant sesloigner de soissons ou lors estoit le roy clotaire arriva sur le poinctu du jour en la vallee de soissonnois ou le maistredostel du roy qui laloit querir a atheis la trouva. Et si tost quil leut apperceue descendit de cheval luy feit reverance et dist madame le roy vous salue de par moy et vous prie que ne recullez a honneur quil vous veult faire qui est de vous espouser ¶ La bonne & devote saincte ne donna loisir [au maistredostel]

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deparachever son propos mais incontinant quil luy eut dit les parolles dessus escriptes se prosterna davant luy en disant.

Monsieur le maistre mon amy jentends assez que le roy menvoye querir par vous pour mespouser & que si voulez me pourriez mener vers luy oultre mon gre & vouloir. je vous prie treshumblement quil vous plaise vous en deporter, & vous me ferez le plus grant plaisir du monde : car jay donne mon cueur a dieu. & ne le possedera homme jour que je vive. Je suis ja en laage de trentecinq a trentesix ans gardant par la grace de dieu ma virginite : & ay delibere den faire ung present a ung trop plus grant prince que le roy clotaire, cest nostre saulveur & redempteur jesus Monsieur le maistre sil vous plaist en ce me donner secours & faveur (ce que pourriez faire facillement, & destourner le roy de son vouloir en luy disant que ce ne sera son honneur liberallement & de bon cueur tout lor & argent que jay en ma possession

¶ Le maistredhostel fut diligent de relever reverenciallement saincte radegonde qui sestoit davant luy prosternee, & luy dist Madame il mest nouveau de dire que vous avez mis vostre cueur en dieu et delibere de servir autre que luy, car voz louables euvres lont despieca descouvert a chascun, Et priseroys tresfort vostre intencion si elle povoit estre pour vous mise a effect. ¶ Toutesfoiz vous savez madame que a la conqueste que le roy et son feu frere theodoric feirent du royaume de thuringe sur vostre oncle hermenfroy, il vous preserva de mot & vous retinst sa prisonniere & captive, et depuis vous a nourrie & entretenue, non comme une esclave et barbare, mais comme sa propre fille Et au regard de vostre frere qui demoura prisonnier entre les mains dudit theodoric, & qui de present est en la court du roy theodobert, il a delibere de luy faire rendre & mectre entre

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ses mains ledit royaume de thuringe a vous & a luy appartient par droit sucessifz. Parquoy luy seroit dure chose si ne vouliez obtemperer a son vouloir qui est honneste et vertueux, il ne vous demande pour abuser de vous ne pour en faire chose dont dieu peust estre effense, mais pour estre vostre espoux. Et pourra advenir de ce mariage ung grant bien ala chose publicque par ce que par vostre saige conduicte pourrez divertir le roy de plusieurs legieres choses que souvent faict par maulvais conseil Et si vous ny voulez entendre en pourront sourdre & naistre plusieurs grosses folies Car par vengence le roy pourra faire desplaisir non seulement a vous, mais a vostre frere aussi le roy prendra femme voluntaire comme luy qui croistra son courage et linduira a plusieurs maulvaises entreprinses. ¶ De ma part je vouldrois vous faire tout le plaisir amoy possible mais dautant que je scay le vouloir du roy et ses complexions je nouserois y contrevenir ne luy parler de chose qui y contrariast Il ma charge sur peine de perdre la vie de vous trouver quelque part ou fussiez & vous mener a luy. A ceste cause madame puis que ma vie y pend ne serez desplaisante si je fais ce qui ma este commande Je vous ay fait amener hacquenees & chevaux il vous plaira monstre & vostre compaignee. Affin que nous allons droit a soissons ou le roy vous attend.

¶ La saincte dame ne sceut que replicquer car elle estoit raisonnable & congnoissoit la chaleur immoderee & grant colere du roy qui eust peu faire desplaisir non seulement a son frere mais aussi audit maistre dostel sil nacomplissoit son commandement. Et en consideration de ce apres quelle eut plore & lermoye jusques au pasmer elle & sa compaigniee monsterent sur trois hacquenees & tirerent vers soissons avecques ledit maistre dhostel.

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Le chemin ne fut sans grant regretz & complainctes car la saincte dame ne cessa de rendre lermes de ses tendres yeulx & de lamenter jacoit ce que ledit maistre dostel la reconfortast a son povoir, en lui parlant des honneurs richesses & delices quelle auroit en mariage, en quoy elle ne prenoist goust ne plaisir.

¶ Commant saincte radegonde fut receue honnourablement par le roy clotaire a soissons. Chap. xviii

LE roy clotaire adverty que la pucelle radegonde venoit, soudain envoia au davant delle les plus grans seigneurs de sa court, qui la conduirent jusques au logeis du roy treshonnorablement et ainsi que a son estat appartenoit. Si fut a grant joye receye par le roy qui lors ne desiroit autre chose que sa presence. Plusieurs dames et damoiselles furent appellees a ceste reception, qui sceurent bien la compaigner, et luy faire honneur et porter reverence telle que a une royne appartient tant pour lhonneur du roy, que du lieu dont elle estoit yssue. Les tables furent droissees & couvertes & les disner prest en ung corps de maison qui avoit este pour elle ordonne, duquel qles chambres estoient toutes tendues de riche tapisserie et les buffetz parez de vaisselle dor et dargent, clarons trompetes et toutes sortes dinstrument y faisoient ung joieulx doulx bruit, et voulut le roy sa court estre resjouye de toutes especes desbatemens. La pucelle radegonde apresquelle eut este a coustree de vestemens royaulx fut mise au milliei du banc pour dinser et a ses deux coustez autres grans dames et princesses furent assises, ou le roy se voulut bien trouver, et prinst son lieu davant dame radegonde laquelle il entretinst tout le long du disner de gratieuses parolles et joieux propos, sans quon parlast de choses tristes & merencolicques. Mais la saincte dame qui avoit son cueur ailleurs, savoir est en son amy jesus, ny

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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