MCCCLVIII. Moult honoura creature
Double lay de la nativité Nostre Seigneur
Moult honoura creature
Le createur de nature,
Qui ciel, terre et mer crea
Et l’omme au derrain forma
5 Et le fist a sa figure,
Et toutes choses lui a 371a
Soubmis selon l’Escripture.
Mineur monde l’appella.
Sur les cieulx eslevé l’a
10 Pour congnoistre leur droiture
Et les cinq sens pour mesure
Tenir ou chief lui donna.
Beste, oiseau, poisson ne dure
En l’air, mer ne terre dure
15 Contre lui. Tout soubmettra,
Car Dieux ainsi l’ordonna,
Et l’Esperit l’ame pure,
Ou corps de l’omme inspira :
Paradis pour nourreture
20 Neccessité li livra[1].
Un seul fruit lui devea,
Dont mort vint par sa morsure
Adam. Eve ceste injure
A tous hommes pourchaça.
25 Encor voult plus homme amer[2]
Dieux, qui pour nous redimer
De son serf print forme humaine,
Quant son fil fist transformer
Et des sains cieulx aombrer
30 En vierge de grace plaine.
Marie la voult nommer
Gabriel au saluer.
Moult fut s’umilité saine,
Dont Dieux la voult eslever
35 Qui l’avoit fait reserver
Pour nostre joie mondaine,
Et pour le mal reparer
D’Eve et d’Adam, qui errer
Par presumpcion villaine
40 Vouldrent d’ainsi trespasser 371b
Par le serpent et casser
Obedience certaine,
Dont tous nous firent dampner
Et a la mort condempner,
45 Il n’est chose plus certaine.
Mais amour voult restorer
Ceste mort par mort porter :
Dieux comme homs en soufrit paine.
Celle vierge l’a porté
50 .ix. mois, et vierge enfanté.
En la cresche aux buefs nasqui
En Bethleem la cité.
En approuvant povreté,
Orgueil laidement feri,
55 Quant lui riche s’apovri
Pour nostre fragilité.
En signe d’umilité
De nostre pel se couvri.
Adonc parut la clarté
60 De l’estoile et l’obscurté
Dont la viel loy s’obscurci.
Les trois roys furent dompté
De long chemin aporté,
Qui ont l’estoille suy :
65 Dessus l’enfant arresté
A, leurs trois dons presenté
Ly ont. Chascun d’eulx offry :
Jaspar mirre li tendi,
Melchior encens porté
70 A et le tiers a plenté
Balthasar l’or descouvri
En signe de royauté
Souveraine et de bonté.
De lui se partent ainsi. 371c
75 Par le mirre est entendu
La fermeté de Jhesu,
Qui n’ot ne pechié ne vice.
Par l’encens ce qu’il mourut
Comme homs pour nostre salut.
80 Par l’or son royal office,
Mais son divin benefice
Fut tous temps en sa vertu,
Sa deité ne faillu
Que tousjours ne fust propice.
85 L’ange aux pastroueaulx courut,
En disant leur apparut :
― Nez est l’enfant sanz malice !
De grant joie sont feru,
Car ilz ont gloire entendu
90 Soit hault au Dieu qui justice,
Aux hommes paix et justice
Qui en terre ont bien voulu
Faire et font, qui ont tenu
Et tendront de bien la lice.
95 A ceste saincte naissance,
Comme il fust toute meschance
Et guerre generalment,
Vint tous biens, toute plaisance,
Paix general, concordance
100 Au monde universalment.
Lors cesserent li tourment.
Romme tenoit en puissance
Subgiet[3] soubz le firmament
Du monde l’ordonnement
105 Tributaire en s’ordonnance.
Octovien sanz doubtance
Regnoit vertueusement.
Du regne Dieu, de s’enfance, 371d
Des vertus[4], de sa soufrance,
110 Des miracles ensement
Qu’il fist, des Juifz l’arrogance
Et de leur fausse creance,
Me passe legierement :
Chascuns scet communement
115 Sa doleur, sa pacience,
Sa mort, ressuscitement
Et le derrain jugement
Qu’il tendra en audience.
Comment Enfer fut brisiéz
120 Quant il fu ressuscitéz,
Comment il en tira hors
Ceuls qu’il avoit rachatéz :
La fut Adams et Noéz,
Abraham, Ysac, qui lors,
125 Et autres de pieça mors,
Furent par lui acquitéz.
Par sa mors furent ressors
Et mis en joieux deppors
Ceuls qui furent d’Adam nez,
130 Qui estoient condempnez
A mort par leurs ancessors.
Ly baptesmes fut donnéz,
Orgueilz[5] fut suspeditéz,
Et adonc fut li acors
135 Entre Dieu et homme nez,
Et fusmes tous radorcéz,
Quant d’amours le saint tresors
Descendit fermes et fors.
Pitéz et humilitéz,
140 Charité que je recors,
Firent tant par leurs effors
Que nous fusmes delivréz
Sur certains poins ordonnéz,
Dont no loy fait ses recors.
[1] Ms. delivra
[2] Ms. plus amer
[3] Ms. subgiett
[4] Ms. vertus dieu
[5] Ms. Et orgueilz