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Lay 13 : Double lay de la fragilité humaine (MCCCXCIX)

Ci commencent les rubriches de ce petit livret qui seront trouvees selon le nombre qui s’ensuit :

Et premierement

Comment Jheremie le prophete se complait de la vie de ce[1] monde  i
Comment Job se complaint et parle de la misere de l’omme   ii
De la vilté de la matere de quoy l’omme est formé[2]      iii
Comment une fin et une mort est aussi bien aux hommes come aux bestes            iiii
De la double concepcion     v
Comment les trois puissances de l’ame lui sont fortraittes par trois vices procreéz par trois deliz en la char corrumpue    vi
Comment pechiéz[3] entra par un homme en ce[4] monde et comment la mort par pechié trespasse parmi tous hommes     vii
De quelle horrible viande le conceu est nourri ou ventre de sa mere            viii
De la foiblesce et nudité de l’enfant en sa nativité        ix
De la doleur de l’enfanter et du cri et du brait de l’enfant       x
De la nudité et de la vesteure que l’enfant apporte quant il naist     xi
Quel fruit l’omme produit de soy mesmes          xii
Comment l’omme puet estre comparé a un arbre reversé       xiii
De la briefté de l’aage         xiiii
De l’estat de viellesce et de la descripcion de ses meurs         xv
De la misere du povre et de la doleur du riche[5] xvi
De povreté     xvii
Comment nulle chose certaine ne puet estre trouvee sous le souleil[6]          xviii
Comment li homs est assailiz chascun jour de .vii. mortelz ennemis en ce monde dolent xix
De la breve leesce de l’omme        xx
De la diverse estude de l’omme et de son travail          xxi
Comment les deduis de ce monde commencent tous jous en joie et finissent en plours et en doulours          xxii
Des cas fortunéz, merveilleus et soudains          xxiii
Comment Salemon, qui tant fu saiges et puissant, dist que ce n’est que vanité et affliction des choses de ce[7] monde      xxiiii
Quelle chose horrible et abhominable le corps devendra aprés la mort       xxv
Comment de tous les biens du monde l’omme n’emportera que le bien qu’il aura[8] fait, mais sa renommee sera exemple a ses amis            xxvi
Cy s’excuse l’acteur  xxvii
Comment aucuns ne se doit eslever en orgueil pour service de nul grant ne puissant seigneur[9]    xxviii
Comment six fontaines de vanité sont par le monde que chascuns veult a soy approprier[10]   xxix
De la paine et divers tourmens des dampnéz     xxx
Comment Dieu advocacera, jugera, et accusera les pecheurs au jour du jugement        xxxi
Comment les Roys et les princes s’esbahiront du jugement de Dieu[11], et ne vourront avoir tresor ne pierres a contrester a lui[12]      xxxii
Comment le ciel, la terre et la mer ardront et comment nul ne pourra eschiver la furour de ce perilleus jours       xxxiii
Comment les sains anges[13] de Dieu a son commandement feront congregacion et faisseaulx des pecheurs et les getteront en feu d’enfer en pardurable dampnacion   xxxiiii
Des painnes merveilleuses et horribles que soufferront les dampnéz en enfer et de leur terrible hurlement  xxxv
Comment ceuls qui se seront gouvernéz au monde selon Dieu seront beneuréz car ilz auront Paradis et joie pardurable  xxxvi
Comment Dieu guerredonera les bons et les fera parçonniers de sa divine gloire            xxxvii
Comment l’acteur fait sa conclusion et la fin de son dictié en suppliant et implorant la grace et l’aide de la benoite vierge Marie xxxviii

            Sur toute chose mondaine  82a
            Est nostre nature humaine
            De trop grant fragilité,
            D’ordure et de vilité,
5          De toute misere plaine.
            Vilz conceus, nez a paine,
            Nourriz d’orribilité
            Ou ventre ains nativité
            Est homs : c’est chose certainne.

Incipit liber de vilitate conditionis humane nature, id est de miseria hominis, editus a domino pappa Innocentio .iii°. et sanctorum Sergii et Bachy dyacono cardinali, de Contemptu mundi, applicatus in parte ad materiam sequentem verbis gallicanis, per magistrum Eustachium Moreli[14] de Virtute, scutiferum. ad deprimendam superbiam qud caput est ominum viciorum. Et hec sucequenter sequitur ejusdem libri capitulum secundum il Jheremia :
« Quid det oculis meis fontem lacrimarum », ut defleam miserabilem humane conditions ingressum, culpabilem humane conversations progressum, dampnabilem humane dissolutionis egressum ? Consideramini ergo cum lacrimis, de quo factus est homo, quid faciat homo, quid facturus est homo. Sane formatus de terra, conceptus in culpa, natus ad penam... Exponam id planius, edissarem plenius. Formatus est homo de luto, de cinere, quodque deterius est atque vilius, de spurcissimo spermaté : conceptus in pruritu carnis, in fervore libidinis, in fetore luxurie, queodque deterius est, in labe peccati. natus a dlaborem, timorem et dolorem, quodque miserius est, ad mortem. Agit praca que non licent, turpia que non decent, vana que non expediunt, etc.

I. Comment Jeremie le prophete se complaint de la vie de ce monde

10        Donc Jheremie se paine
            Disans : « Qui donra fontaine
            De plourer l’adversité
            A mes yeux[15] et la durté
            De ceste vie incertaine
15        Et la culpe primeraine,
            De ce monde ou j’ay esté
            A tout mal faire exité
            La fin dampnable et derraine. »

Eodem capitulo secundo    82c

Si talia de se locutus est ille, quem Deus sanctificavit in utero, qualia loquar de me, quem mater genuit in peccato ? « Heu me, diwerim, mater mea, quid me genuisti, filium amaritudinis et doloris ? etc. »

Comment l’acteur parle cy[16]

20        Se tel chose Jheremie
            Dist de soy, las ! nostre vie,
            Conceue[17] en tant de pechiéz
            Faisans ce qui ne loist mie,
            Fais de semence pourrie,
25[18]      De tous vices entechiéz !
            Car il fut sainctifiéz[19]
            De Dieu, et si brait et crie
            La doulour[20], la tricherie
            De ce monde et les meschiéz.

Hic Job loquitur de miseria hominis, ejusdem tractatus capitulo secundo

« Quare de vulva matris mee egressus sum, ut viderim laborem et dolorem, et consumerentur in confusione dies mei. » …
« Quare non in vulva mortuus sum ? Egressus ex utero non statim perii ? Cur exceptus genibus ? Cur lactatus uberibus, natus in combustionem et cibum ignis ? »
« Utinam interfectus fuissem in utero, ut fuisset mihi mater mea sepulchrum, et vulva ejus conceptus eternus. »
« Fuissem enim quasi non essem, de utero translatus ad tumulum »
etc.

II. Comment Job se complaint et parole de la misere de l’omme

30        Et Job en plourant s’escrie :
            « Que ne fut ma char perie,
            Ne pour quoy fu je alaittiéz ?
            Pour quoy nasqui je a folie
            Pour estre m’ame bruie ?
35        J’amasse mieulx estre sechiéz[21]
            Ou ventre qui me fust chiéz
            Et sepulture acomplie,
            Ou peris hors la navie
            Tantost que j’en sui vuidiéz.

De vilitate materie de qua formatus est homo in genesi et de compilatione ejusdem Innocentii pape.iii. capitulo.iii°

Fromavit igitur hominem Deus de limo terre, que ceteris est indignior elementis.
Planetas et stellas fecit ex igue,
Flatus et ventos fecit ex aere,
Pisces et volucres fecit ex aqua,
Homines et jumenta fecit de terra, etc.

III. De la vilité de la matere de quoy l’omme est fourmé

40        Apran le commencement
            De quoy Dieux premierement
            Voult creer et former l’omme,
            Ce fu du lymonnement
            De la terre, et l’element
45        Des quatre mendre se nomme,
            De feu fist Dieu ensement
            Les planettes. tiercement
            De l’air, les vens : c’est la somme.
            Poissons, oiseauls, qui bien somme,
50        Fist de l’eaue, et quartement
            De la terre homme et jument,
            Si com la lettre renomme.

Eadem materia ejusdem opusculi in capitulo precedenti :

Considerans itaque aquatica, homo se vilem inveniet. considerans aerea, se viliorem agnoscet. considerans ignea, se vilissimum reputabit, nec valebit se parificare celestibus, nec audebit se preferre terrenis, quia se parem jumentis inveniet, similen recognoscet, etc.

            Or comparons proprement
            L’omme a l’eaue et vilement
55        Se verra vil plus que gomme.         82d
            Ce qui est d’air vraiement
            Verra plus vil autrement.
            Du feu tresvil se consomme.
            Si n’osera nullement
60       Choses celestiaument[22]
            Comparer, ne qu’une pomme[23],
            A soy que viltés[24] assomme,           83a
            N’aussi terriennement.
            Mais se verra droittement
65        Comme beste portant somme.

Innoncentii .iii.cii, cap. .iii°

« Unus est enim hominum et jumentorum interitus et equa utriusque conditio, et nihil habet homo amplius. De terra orta sunt, et in terram pariter revertentur. »
Verba sunt ista non cujuslibet hominis, sed sapientissimi Salominis. Quid est igitur homo, nisi lutum et cinis ? Hinc enim hom dixit ad Deum : « Memento, queso, quod sicut lutum feceris me, et in pulverem reduces me. »
Hinc etenim Deus ad hominem in Genesi : « Cinis es et in cinerem recerteris. » « Comparatus sum, ait, luto, et assimilatus faville et cineri », etc. Lutum efficitur ex aqua et pulvere, utroque manente.
Cinis autem fit ex ligno et igne, utroque deficiente. Expressum misterium sed aliter exprimendum.
Quid ergo lutum superbis ?
De quo pulvis extolleris ?
Unde cinis gloriaris ? etc.

IIII. Comment une fins et une mors est aussi bien aux hommes comme aux bestes

            Une fin et une mors
            Est, ainsi com[25] je recors,
            A homme et a beste ensemble :
            De terre paissent leurs corps,
70        De terre sont issus hors,
            La rentreront, ce me semble.
            Boe et cendre est homme ensemble :
            D’eaue et pourre est faitte lors
            Boe remanens pou fors
75        Qui par mixtion s’assemble.

            De feu et de buche fors
            Se fait cendre par effors,
            Deffaillant par vray exemple.
            Las ! c’est trop petis confors
80       Et un dolereus remors.
            Boe, ton orgueil dessemble[26].
            Poudre, a orgueil ne t’assemble[27].
            Hé ! cendre, orgueil met deffors.
            Ces viltez ne sont qu’ennors
85        Mondains dont l’esperit tremble[28].

De duplici conceptione, ejusdem Innocenti Tractatus capitulo .iiii°

Est enim duplex concptio, una seminum et alia naturarum. Parentes enim committunt un prima, proles contrahit in secunda. Quis nesciat concubitum etiam conjugalem nunquam omnino committi sine pruritu carnis, sine fervoe libidinis, sine fetore luxurie ? Unde semina concepta fedantur, maculantur et viciantur, etc.

[V]. De la double conception

            Ilz sont deux conceptions
            De semence et de nature,
            Dont la premiere ottroyons.
            L’autre si est l’ardent cure
90        Des choses que nostre ardure       83c
            Charnele ensemble faisons.
            Pere et mere y forfaisons.
            En l’autre ont enfans leur cure
            D’autrui char par attraiture,
95        Et ainsi nous afolons.

Eodem capitulo .iiii°

Ex quibus anima tandem infusa contrahit labem peccati, maculam culpe, sordem iniquitatis, sicut ex vase corrupto liquor infusus corrumpitur, et pollutum contingens ex ejus contactu polluitur. Habet enim anima tres naturales potentias, sive tres vires naturales :
Rationabilem, ut discernat inter bonum et malum.
Irascibilem, ut respuat malum.
Concupiscibilem, ou appetat bonum.

            D’homme[29] et de femme sçavons
            L’assemblee par ardure
            Que nous vilment attraions
            En la puour de luxure.
100      Ainsi que vaisseauls d’ordure
            Attrait les infections
            A soy, l’ame corrumpons
            En nostre povre nature,
            Qui trois puissances en cure
105      A, si comme nous lisons.

            La premiere est raisonnable,
            Pour bien et mal diviser.
            L’autre yrascible et coursable,
            Pour mal faire refuser.
110      Et la tierce est convoitable
            Pour bien faire desirer.

Iste tres vires tribus oppositis viciis originaliter corrumpuntur :
Vis rationabilis, per ignorantiam, ut non discernat inter bonum et malum.
Vis irascibilis, per iracundiam, ut respuat bonum.
Vis concupiscibilis, par concupiscentiam, ut appetat malum.
Prima gignit delictum,
Ultima parit peccatum,
Media delictum generat et peccatum.
Est enim delictum non facere faciendum.
Peccatum est agere non agendum.

            Mais a ces trois contrester
            Sont trois vices repugnable :
            Ignorance mal feable,
115       Qui n’y scet riens discerner.
            Ire et courroux ignorer
            Lui font le bien convenable.

            Et la force non estable
            Qui doit le bien convoiter
120      Le corrompt, et aceptable
            Fait le mal pour son user.
            Forfait conçoit redoubtale
            Et pechié fait enfanter         83d
            Le derrain, et moyenner
125      Forfait, pechié decepvable.            84a
            Forfait est inagrable,
            Doit bien a faire laissier.
            Faire qu’on ne doit, pechier
            Est a tout homme veable.

Capitulo .iiii°. ut supra

Hec tria vicia contrahuntur ex carne corrupta per tres naturales illecebras. In carnali quippe commercio rationis sopitur intuitus, ut ignorantia seminetur, libidinis irritatur pruritus, ut iracundia provocetur. voluptatis satiatur affectus, ut concupiscentia contrahatur. Hic tirannus carnis, lex membrorum, fomes peccati, langor nature, pabulum mortis, sine quo nullus moritur. quod quandoque transit reatu, semper tamen remanet actu.

VI. Comment les trois puissances de l’ame lui sont fortraittes par trois vices procreéz par .iii. deliz en la char corrumpue.

130      Ces trois vices sont attrait
            Par trois delis que on fait
            En l’orde char corrumpue :
            Adonc raisons se retrait,
            Luxure, Ignorance au fait
135      Et Voluntéz s’esvertue.
            La est raisons confundue,
            La domine forfait
            Puour, langour, mort, et lait
            Et toute desconvenue.

Et sequitur in epistola Johannita ad Romanos in precedenti capitulo recitata
« Si enim dixerimus, quia peccatum non habemus, nos ipsos seducimus et veritas in nobis non est. » O gravis neccessitas et infelix conditio ! Antequam peccemus, peccato astringimur, et antequam delinquamus, delicto tenemur. « Per unum hominem in hunc mundum eccatum intravit, et per peccatum in omnes homines mors pertransiit. »

140      Saint Jehans aussi nous retrait
            Que nulz ne die qu’il n’ait
            Pechié : chose seroit nue.
            Il convient que chascuns l’ait,
            N’il n’est nul homme parfait
145      Qui naisse dessoubz la nue.
            Nostre nature est tenue
            A pechié et a meffait
            Ains que nous ayons meffait :
            C’est grief sentence rendue.

An non « patres nostrui comederint uvam acerbam, et dentes filiorum obstupescunt ? »

VII. Comment pechié entra par un homme en ce monde et comment la mort par pechié trespassa parmy touz hommes

150      Pechiéz au monde vint il     84c
            Par un homme ? ― Oïl, oïl,
            Par son inobedience,
            S’en sommes en tel peril
            Que par pechié a exil
155      Passe mort tout homme, et pence
            Que pour ceste consequence
            Dist Salomon le soutil[30]
            Que l’aigre grape d’aisil
            Mangierent en ramenbrance

160      Les anciens, dont leur fil
            Pour la grape ducurtil
            Aassent leurs dens en pesance,
            Et si en sont povre et vil.
            Mieulx leur vausist fruis de til
165      Que telle perseverance
            Qui esbahist leur enfance :
            Ce fut dolereus gresil.
            Fist Adam bien ? dy. ― Nennil,
            Ce fu grant oultrecuidance.

Quali cibo conceptu nutriatur in utero. Ejusdem Innocentii, capitulo V° in Ezechiele

Sed attende, quali cibo conceptus nutriatur in utero. Profecto sanguine menstrui, qui cessat ex femina post conceptum, … qui fertur esse tam detestabilis et immundus, ut ex ejus contactu fruges non germinent, arescant arbusta, moriantur herbe, amittant arbores fructus, et si canes inde comederint, in rabiem efferantur. Concepti fetus vicium seminis contrahunt, ita ut leprosi et lephantiaci ex hac corruptione nascantur. Unde, secundum legem Masaycam, mulier, que patitur penstrua, reputatur immunda, et si quis ad menstruatam accesserit, juberetur interfici. Ac, propter immunditiam mestruorum preciputur, ut mulier, si masculum pareret,.xl., si vero feminam.lxxx. deibus a templi cessaret ingressu.

VIII. De la quelle viande[31] le conceu est nourri ou ventre sa mere

170      Mais de quoy est li[32] conceus
            Ou ventre nourris et pus ?
            C’est d’orribleté amere,
            De sang qui est corrumpus.
            Menstre est appellé et flus
175      Qui cesse lors a la mere.
            L’erbe en muert, c’est chose clere,
            Les arbres en sont confus,
            Les chiens enrragent tout sus
            D’atouchier telle matere.

De nuditate et imbecillitate infantis : ejusdem Innocentii,.vi°. et.viii°. capitulo

Homo nudus egreditur, et nudus regreditur. Pauper accedit, et pauper recedit. « Nudus enim egressus sum de utero matris mee et nudus revertar illuc. »
« Nichil intulimus in hunc mundum, haud dubium quia nec aufferre qui possumus. » Quid ergo particulariter dixerim de quibus dam, cum generaliter omnes sine scientia, sine verbo, sine virtute nascantur ? Flebiles, debiles, inbecilles, parum a brutis [distantes], ymo minus in multis habentes ? Nam illa statim ut orta sunt, gradiuntur, nos autem non solum erecti pedibus non incedimus, verum etiam curvati manibus non reptamus, etc.

IX. De la foiblese et nudité de l’enfant en sa nativité[33]

180      Nous naissons povres et nus         84d
            En plour[34], sanz nulles vertus.
            Tous sommes en ce cas frere.
            Plus que bestes sommes mus,
            Courbés, petis et bossus.
185      A beste homs ne se compere,
            Car elle quiert mere ou pere.
            Elle nee va dessus,
            Et nous gisons confondus,
            Plains de toute[35] misere.

De dolore partus et ejulatu nascentis. ejusdem Innocentii capitulo.vii°

Omnes nascimur ejulantes ut, nature miseriam exprimamus. Masculus enim recenter natus dict A, femina dicit E :
Dicentes E vel A quotquot nascuntur ab Eva.
Quid ergo Eva, nisi heu et ha ? Utrumque dolentis interjectio, doloris exprimens magnitudinem ? Hinc enim ante peccatum virago, post peccatum Eva meruit appellari, ex quo sibi dictum audivit : « In dolore paries » : non est enim dolir sicut parturientis.

X. De la dolour de l’enfantement et du cry et brait de l’enfant

190      En naissant le fil crie .A.
            Et la femelle crie .E.
            Dieu ! povre venue y a
            Quant si tost y a crié.
            Cy nous est representé
195      Dolereusement Eva  85a
            Et son horrible pechié,
            Dont a doulour enfanta.
            Toute femme ainsi fera,
            Trop est son fait comparé.

Eodem capitulo .VII°

Unde Rachel pre nimio dolore partus interiit, et moriens vocvit nomen filii sui Benonu, et est : Filium doloris. Uxor Finee irruentibus subitis doloribus peperit similiter et periit, et in ipso mortis articulo vocavit filium suum Hystaboch, etc. … Sciatis etiam quod concipit mulier cum immundicia et fetore, parit cum tristicia et dolore, nutrit cum angustia et labore, custodit cum instancia et timore.

200      Rachel chier le compara
            Qui mourut de l’impurté
            De l’enfant qu’elle porta
            Qu’elle a Benoni nommé.
            Filz de dolour exprimé
205      En sa tristour l’appella.
            A doulour a enfanté,
            En puour si[36] concevra,
            En tristesce nourrira
            Femme et en grant maleurté.

De predicta infantis nuditate ac etiam vetitu deferente[37] ab utero matris : ejusdem Innocenti pape tractatus capitulo octavo

Si quis autem indutus egreditur, attendat quale proferat indumentum. Turpe dictu, turpius auditu, turpissimum visu ! Fedam pelliculam sanguine cruentatam. Hec est illa maceria, de qua in partu Thamer sic inquit : "Quare propter te divisa est maceria ?" et ob hans causam vocavit nomen pueri Phares, quod interpretatur divisio.

XI. De la nudité et de la vesture que l’enfant apporte quant il naist

210      Nue est no char arrivee,      85b
            Nue rentrera en terre,
            Fors qu’elle vint afublee
            D’une orde pel diffamee
            De sang, dont le cuer me serre,
215      Dont Thamar s’est escriee :
            « Et pour quoy est divisee
            De toy la matere et serre
            En enfantant ? » ceste guerre
            Est a tous representee.

Quem fructum homo ex semetispo prducit. Predicte vilitatis materie et Innocentii pape prelibati capitulo .ix°

Ovilis humane conditionis indignitas ! Indigna condition cilitatis humane ! Herbas et arbores inverstiga. Ille de se producunt flores, frondes et fructus. et tu de te lendes, pediculos et lumbricos. Ille de se fundunt oleum, vinum et balsamum. et tu de te sputum, et stercus et urinam. Ille de se spirant suavitatem odoris, et tu de te reddis abhominationem fetoris. Qualis est arbor, talis est fructus. « Non enim potest arbor mala fructus bonos facere, etc. »

XII. Quel fruit l’omme produit de soy meismes.

220      Condicion indignee  85c
            Humayne, qui tousjours erre !
            Fruit, fleur et fueille est portee
            Des arbres : tu es domptee
            A poulz, vers et lentes querre.
225      De vin, d’uille et balsamee[38]
            Sont chargiéz : tu es chargee
            De fiens, pyssat, cracherre.
            Bonne odeur seult on requerre
            Es arbres : en toy, fumee.

Quomodo homo potest comparari ad quendam arborem eversam. Eodem capitulo.xi°. Innocentii pape .iiicii

Quid est enim homo secundum formam, nisi quedam arbor eversa ? Cujus radices sunt crines, truncus est caput cum collo, stipes est pectus cum alvo, rami sunt ilia cum tibiis, frondes sunt digiti cum articulis. Hoc est folium quod a vento rapitur, et stipula que a sole siccatur, etc.

XIII. Comment l’omme puet estre comparé a un arbre reversé

230      Homs puet estre comparéz
            Comme uns arbres reverséz :
            Racine en sont li cheveul,
            Le chief et le coul deléz
            Est le trunc pis et costéz,
235      Et ventre est tige, a mon vueil.
            Bras, jambes et li arceil
            Branche et fueille[39] sont nomméz.
            Qui du vent sommes ventéz,
            Pou devons avoir d’orgueil.

De incommodo senectutis et brevitate vite : in libro pridcti Innocentii pape.iii. capitulo decimo

In primordio conditionis humane noningentis annis et amplius homines vixisse leguntur. Sed paulatim vita hominis declinante, dixit Dominus ad Noe : « Non permanebit spiritus meus in homine in eternum, quia caro est, reuntque dies illius centum triginta annorum ». Quad intelligi potest tam de termino vite, quam des spatio penitendi. Ex tunc enim rarissime leguntur homines plus vixisse, sed cum magis ac magis vita recideretur humana, dictum est a Psalmista : « Dies annorum nostrorum in ipsis.lxx. anni. Si autem in potentatibus octoginta anni, plurimi erorum labor et dolor. » Nonne autem paucitas dierum nostrorum finietur brevie ? « Dies nostri velocius transeunt etc. »
Homo natus de muliere
Brevi nunc ad .xl. paucissimi ad .lx. annons perveniunt, etc.

XIII. De la briefté de l’aage 85d

240      A bien vous amesuréz,
            Que .lx. ans ne duréz,
            Pou passent oultre le sueil,
            Dont vint ans mescongnoissiéz,
            Dix ans vous esjouissiéz,
245      Dix ans dittes : « L’avoir cueil »,
            Dix ans dittes : « Je me dueil »,
            Dix ans estes rassotéz
            Et moins qu’enfans[40] devenéz
            Qu’on couche en un bersueil.

Et sequitur de predicta senectute in iodem.x°. capitulo

Si quis autem ad senestutem pervenerit aut processerit, statim cor ejous affligitur et caput concutitur, languet spiritus, et fetet hanelitus, facies rugatur et statura curvatur, caligant aculi et vacillant articuli, nares effluunt et crines defluunt, tremit tactus et deperit actus, dentes putrescunt et aures surdescunt. Senx facile provocatur et difficile revocatur, cito credit et tarde discredit. tenax et cupidus, tristis et querulus, velox ad loquendum et atrdus ad audiendum. laudat antiquos etspernit modernos. vituperat presens, commendat preteritum. suspirat et anxiatur, torpet et infirmatur. Audi poetam :
Multa senem circumveniunt incommoda.
Porro nec senex contre juvenem glorietur nec insolescat juvenis contra senem, quia
Quod sumus iste fuit, erimus quandoque quod hic est.

XV. De l’estat de viellesce et de la description de ses meurs

250      Las ! dure chose est viellesse,       86a
            Plaine de toute destresse,
            A un chascun desplaisant :
            Pou voit[41], plainne est de sourdesse
            Et de legier se courresse
255      Et pou puet estre taisant.
            Le tempz passé va louant.
            Le present la point et blesse,
            Et hait tous faiz de jeunesse
            Et tous les va despisant.

260      Fronciéz est[42] comme singesse.
            S’alaine sent de foiblesse,
            Qui n’est pas souef flairant.
            Tost croit, a tart se radresse.
            Tous mehaings de lui s’apresse.
265      Mais pour ce ne voist moquant
            L’un l’autre, ne despitant,
            Car jeune fut[43] la maistresse,
            Vielle sera son aspresse
            Se jonesse[44] dure tant.

De insaciabili desderio cupidorum in libra Innocentii de vilitate humane conditions, cap. .xx°

O ignis inextinguibilis cupidorum, cipiditas insatiabilis ! Quis unquam cupidus fuit voto contentus ? Cum adipiscitur quod obtavit, desiderat ampliora. semper in habendis et nunquam in habitis finem constituit. Insatiabilis est oculus cupidi, et in partem iniquitatis non satiabitur. « Avarus vi implebitur pecunia, qui amat pecunima, fructus non capiet ex ea. » Infernus et peritio nunquam replebuntur, similiter et oculi hominum isaciabiles. « Sanguisuge due sunt filie dicentes : affer, affer ». Nam
Crescit amor nummi, quantum ipsa pecunia crescit.

XVI. De la misere du povre homme et de la dolour du riche homme[45]

270      Le riche au monde est soufraitteus          86c
            Pour ce qu’il est si[46] convoiteus
            Qu’en son estat n’a souffisance.
            A acquerir est angoisseurs,
            Au retenir est paoureus
275      Et au perdre a toute gravance.
            En son tresor a s’esperance,
            Tousjours sera cuisançonneus,
            Tousjours est ses cuers dolereus
            Pour l’ardeur de querre[47] chevance.

De miseria pauperis, in libra Innocentii de contemptu, capitulo .xv°.

Pauperes enim permuntur inedia, curciantur erumpna, fame, siti, frigore, nuditate. vilescunt et contabescunt, spernuntur et confunduntur. O mserabilis conditio mendicantis ! Et, si petit, pudore confunditur, et, si non petit, egestate consumitur. Deum causatur iniquum. eo quod non recte dijudicat. Procimum causatur et criminatur, quod non plene subveniat. Indignatur, murmurat et imprecatur. Adverte super hoc sententiam Salomonis : « Melius est, inquit, mori quam indigere. »
« Etiam proximo suo pauper odiosus erit. »
« Omnes dies pauperis mali. »
Fratres hominis pauperis oderunt eum. Insuper et amici procul recesserunt ab eo, unde poeta :
Cum fueris felix, multos numerabis amicos.
Tempora si fuerint nubila, solus eris.
Proh pudor ! scundum fortunam existimatur persona, cum potius secundum personam sit existimanda fortuna. Tam bonus reputatur ut divers, tam malus ut pauper, cum potius tam dives reputandus sit ut bonus, tam pauper ut malus. Dives autem superfluitate resolvitur, et jactantia effrenatur. Currit ad libitum, et corruit in illicitum. Et fiunt instrumenta penarum, quefuerant oblectamenta culparum. Labor in acquirendo, timor in possidendo, dolor in amittendo, mentem ejus semper fatigat, sollicitat et affligit.
« Ubi est thesaurus tuus, ibi est et cor tuum. »

XVII. De povreté

280      Mais povres homs est[48] digiteus,
            Vilz tenus et si maleureus
            Que tousjours languist en doubtance.
            Il est de tous bien langoreus,
            Tristes, chetis et fameilleus.
285      Chascuns le het et desavance.
            Mieulx lui vault mort que mendience,
            Car de truander est honteus.
            Povres homs est d’amis trop seuls,
            Chascuns le met en oubliance.

De dolore mortalium, in libro Innocentii de contemptu mundi, .xi°. capitulo

“A vis nascitur ad volatum, et homo ad laborem.” Cuncti dies ejus laboribus et erumpnis pleni sunt, nec per noctem requiescit mens ejus. Et hoc nonne vanitas ? Non est quicquid sine labore sub sole, non est quicquid sine defectu sub luna, non est sine vanitate sub tempore. Tempus est mora rerum mutabilium. « Vanitas vanitatum, inquit Ecclesiastes, et omnia vanitas ! » O quam varia sunt hominum studia ! Quam diversa sunt hominum excercitia ! Unus est tamen omnium finis et idem effectus, labor et afflictio spiritus. « Occupatio magna creata est omnibus hominibus, et jugum grace super filios Adam, a die exitus de ventre matris eorum, usque in diem sepulture in matrem omnium. »

XVIII

Comment nulle chose certainne ne puet estre trouvee soubz le souleil

290      Il n’est chose qui ne deffaille
            Soubz le souleil et soubz la lune.
            Vanitéz soubz le temps traveille
            Et comprant chascun et chascune.
            A homme est une fin commune :
295      Des qu’il naist, il convient qu’il faille.
            Que lui fault avoir ne aumaille
            Quant il muert ? ― Il ne lui vault prune.    97a

De septem peccatis mortalibus inimicis hominum et de miseria bonorum et malorum, in tractatu Innocentii, capitulo .xviiii.

Non est impiis gaudere, dicit Dominus, qui per quod peccat homo, per hoc et torquetur. « Vermis enim conscientie nunquam moritur, et ignis rationis nunquam extinguitur. » Vidi eos, « qui operantur iniquitatem et seminant dolores et mittunt eos, flante Deo perisse, et spiritu ire ejus esse consumptos. » Superbia inflat, invidia rodit, avaritia stimulat, ira succendit, angit gula, dissolvit luxuria, ligat mendacium, maculat homicidium. Sic et cetera vitiorum portenta ut ea que sunt oblectamenta homini peccandi, sunt instrumenta Deo puniendi :
Invidus alterius marcescit rebus opimis, etc.

XIX. Comment li homs est assaillis chascun jour de ses .vii. mortelz ennemis en ce monde moult triste et moult dolent

            Orgueil a, qui l’emfle et detaille.
            Envie le runge et esgrume[49],
300     Avarice l’art de sa faille,
            Glotonnie en pechié le tume,
            Luxure le souille et alume,
            Homicide lui fait bataille,
            Mensonge tous tampz[50] le travaille :
305      Ainsi vit en dure fortune.

De brevi hominis leticia, in eodem tractatu capitulo.xxxviii°.

Quis unquam vel unicam diem totam duxit in sua delectatione jucundam, quem in aliqua diei parte reatus conscientie, vel impetus ire, vel motus concupiscentie non turbaverit ? Quem livor invidie vel ardor avaricie non vexaverit ? Quem aliqua jactura, vel offensa, vel passio, non commoverit ? Quem denique visus, vel auditus, vel aliquis ictus non offenderit ?
Rara avis in terris, nigroque simillima cigno.
Audi super hoc sentenciam Salomonis : « A mane usque ad vesperam immutabitur tempus. »
Job : « Cogitationes vane sibi succedunt, et mens rapitur in diversa. »
« Tenent timpanum et lyrram, et gaudent ad sonitum organi, et ducunt in bonis dies suos, et in puncto descendunt ad inferos. »
Scriptum est enim : « Ascendunt usque ad abissos vel abissum. »

XX. De la brieve liesse[51] de l’omme

            Qui est cilz qui puist avoir joie,
            Qui de bien terrien s’esjoie
            En ce monde une heure de jour,
            Qu’ire ou pensers ne le[52] desvoie ?
310      Certes ne scet nulz qui ce[53] croie,
            Car il y a plus de dolour,
            D’orgueil, d’avarice et de plour,
            Que de bien dire n’y pourroie.
            Nulz ne scet aler droitte voie
315      En ce secle plain de tristour.

            Qui grans est souvent se hontoie  87c
            Pour povreté qui le guerroie
            Et ne puet monstrer son atour.
            Ly riches atout sa monnoie
320      Pour ses bas parens se custoie[54].
            Les mariéz sont en langour,
            S’enfans n’ont, plaingnent leur labour.
            S’ilz en ont, aucuns s’en desvoie,
            Doubtans qu’il n’aillent male voie :
325      Ainsi n’ont ilz point de sejour.

De studio sapientum, Innocentii capitulo .xii°.

Perscrutentur sapientes, investigent alta celi, lata terre, profunda maris, de singulis disputent, et de cunctis pertractent, discant semper vel doceant. Et quid ex hac occupatione nisi laborem et afflictionem spiritus invenient ? Noverat hoc experimento qui dixerat : « Dedi cor meum ut scirem prudentiam, scientiam atque doctrinam, errores et stulticiam, et agnovi quod esset labor et afflixio spiritus, eo quod ubi multa sapientia, multa sit indignatio. » ... Unde Salomon : « Cunctas res difficiles non potest homo explicare sermone quia quanto plus laboraverit ad querendum, tanto minus inveniet » et qui magis intelligit, magis dubitat, et ille qui videtur sibi plus sapere, magis desipit, et qui addit ad scientiam, addit ad laborem, etc.

XXI. De la diverse estude de l’homme et de son travail

            Cilz qui a science se met,
            Et de mesurer s’entremet
            La hautesce du firmament,
            Et qui par mesure a complet
330      La largeur, le long et l’estret
            De la terre, et pareillement
            De la mer scet certainement
            La prodonfeur, et qu’a il fait ?
            Painne a adjousté a son fait,
335      Car painne a qui science aprant.

De vicinitate mortis, ejusdem Innocentii, capitulo.xl°.

Semper ultimus dies primus, et nunquam primus ultimus reputatur. Cum ita tamen sempter vivere deceat, tanquam semper mori oporteat. Scriptum est enim : « Memor esto, quod mors non tardat. » Tempus preterit, at mors appropinquat. Mille anne ante oculos morientis, sicut dies hesterna, que preteriit. Semper enim futura nascuntur, semper presentia moriuntur, et quicquid est preteritum, totum est mortuum. Morimur ergo semper duum vivimus, et unc desinimus mori cum desinimus vivere. Melius ergo mori vite, quam vivere mort. Salomo : « Laudavi magis mortuos quam viventes, et utroque feliciorem judicavi qui necdum natus est. » Vita velociter fugit et retineri non potest. mors autem instanter occurrit et impediri non valet. Hoc est illud mirabile, quod quanto plus crescit, tant moagis decrescit, quia quanto plus vita procedit, tant magis ad finem accedit.

L’acteur parle[55]

            Nostre vie n’est c’un souflet,         87d
            Prins sommes ains[56] que soions blet.
            La mort nous vient soudainement,
            Si devrions estre en aguet
340      De conscience et tous jours net,
            Pour vivre pardurablement
            Et eschiver le dampnement
            De l’ame, en gardant nostre plet
            Si justement, que par forfet
345      Ne soyons pugni droittement.

De inopinato dolore, in libro de Vilitae Innocentti, capitulo.xxxix.

Semper enim humane leticie repentina tristicia succedit. Et quod incipit in gaudio, desinit in merore. Mundana quippe felicitas multis amaritudinibus est respersa. Noverat hoc ille qui dixerat : « Risus merore miscebitur, et extrema gaudii luctus occupat. » Experti sunt et filii Job, qui cum comederent et biberent vinum in domo fratris sui primogeniti, repente ventus vehemens irruit a regione desert, et concussit.iiii. angulos domus et corruens universos oppressit. Merito ergo pater ait : « Versa est in luctum cythara mea, et organum meum in vocem flentium », etc.

XXII. Comment les deduis de ce monde commencent tousjours en joie et fenissent en plours et en dolours.

            Mais resgardéz tous les delis         88a
            Du monde et des hommes jolis,
            En armes ou en mariage :
            A joie commencent toudis
350      Et finent en plours et en cris.
            Trop y a de dueil et de rage[57] :
            Certes ce sont deduit sauvage[58].
            Qui trop s’i fie, il est honnis,
            Li corpz muert et li esperis
355      En descent en l’ombreuse cage[59].

De innumeris tormetorum generibus, in libro predicti pape Innocentii capitulo .xlv°.

Quid dicam de miseriis hominum qui per innumerabilia genera tormentorum puniuntur ? Ceduntur fustibus et gladiis jugulantur, cremantur flammis et lapidibus obruuntur, discerpuntur ungulis et patibulis suspenduntur, torquentur tigribus et scorpionibus flagellantur, artantur vinculis et laqueis strangulantur, detruduntur carceribus et jejuniis macerantur, precipitantur et submerguntur, excoriantur et distrahuntur, secantur et suffodiuntur. Jheremias : « Qui ad mortem, ad mortem, et qui ad gladium, ad gladium, et qui ad famem, ad famein et qui ad caoptivitatem, ad captivitatem, ad captivitatem. » Crudele judicium, immane supplicium, triste spectaculum ! Dantur in escam volatilibus celi, besttis terre et piscibus maris. Heu ! heu ! heu ! misere matres, quantum infelices filios genuistis !

XXIII. Comment pluseurs chetis sont pugniz en ce monde[60]

            D’autre part comment son pugnis
            Au monde li povres chetis ?
            L’un est noié et l’autre enrrage[61],
            Li uns est escorchiéz tous vis,
360     L’autre pandus, l’autre murdris,
            Ou desrobéz en un boscage[62],
            Ou affoléz par son oultrage[63],
            Ou en diverses prinsons mis,         88b
            Aux bestes et oyseaus[64] promis
365      Et aux poissons en pasturage.

De vanitate et afflicitione rerum mundanarum testante Salomone, in libro sepe dicto .xiii°. capitulo

« Magnificavi, inquit, opera mea : edificavi mihi domos et palatia, plantavi vineas, ortos et pomaria et consevi cuncti generis arboribus, extruxi mihi piscinas aquarum et irrigavi silvam lignorum germinantium, possedi servos et ancillas, multamque familiam habui, armenta quoque et magnos ovium greges, ultra omnes qui fuerant in Jherusalem. Coacervavi mihi argentum et aurum et substantias regum et provinciarum. Feci mihi cantores et cantatrices et delicias filiorum hominum, sciphos et urceolos ad vina fundenda, et supergressus sum opibus omnes qui fuerunt ante me in Jherusalem. Cumque me convertissem ad universa, que fecerant manus mee, et ad labores, quibus frustra insudaveram, vidi in monibus vanitatem et afflictionem anime mee et nil permanere sub sole. »

XXIIII. Comment Salomon qui tant fu sages et puissans dist que ce n’est que vanité et affliction dez choséz de ce monde[65]

            Salemon qui tant fu divins, 88c
            Fist maisons, sales et jardins
            Et ot aumaille a grans tropeaulx,
            Vignes planta, cedres et pins,
370      Oliviers, cyprés et sapins,
            De tous arbres estancs fist[66] beaulx,
            Il ot argent, or et joyaulx,
            Tous deduis et precieus vins.
            De sens passa tous ses voisins,
375      Devant lui ne fu ses paraulx.

            « Grant maisgnie[67], dist il, maintins,
            Tous sens, toute science aprins.
            Mes renons fut grans et ysneaulx[68].
            Mais quant j’oy mes euvres comprins
380     Je fui de sueur entreprins
            Et vi que c’estoit tous travaulx
            Et Vanitéz la desloyaulx.
            Afflictions est nostre fins.
            Rien certain ne puet estre prins
385      Soubz le souleil fors que touz maulx. »

De cupiditate, ejusdem Innocentii in libro sepe memorato, capitulo .xlvii°.

Tria maxime solent homines affectare : opes, voluptates et honores. De opibus prava, de voluptatibus turpia, de honoribus vana procedunt. Hinc enim Johannes apostolus ait : « Nolite diligere mundum, neque ea que in mundo sunt : quia quicquis est in mundo, concupiscentia carnis est et concupiscentia oculorum, et superbia vite. » Concupiscentia carnis ad voluptates, concupiscentia oculorum ad opes, superbia vite pertinet ad honores. Opes generant cupiditatem et avaritiam, voluptates pariunt gulam et luxuriam, honores nutriunt superbiam et jactantiam.

Ci parole l’auctor des .iii. convoitises[69]

            Richesses, deliz et honnours[70]
            Appetent grans, moiens, menours,
            Dont je me donne grant merveille.
            Richesce engendre mauvais tours.           88d
390      Deliz, laidures et puours.
            Et honnours vanitéz resveille.
            La sensualité sommeille
            Quant a ces trois a son recours
            Chascun, et fuit plus que li cours
395      A ce que mors lui appareille.

Innocentii de putredine et horribilitate cadaveris, capitulo .lxxii°.

Cum autem morietur homo, hereditabit bestias, serpentes et vermes.
« Omnes enim in pulvere dormient, et vermes operient eos. »
« Sicut vestimentum si comedet eos vermis, et sicut lanam sic devorabit eos tinea. »
« Quasi putredo consumendus sum, ait Job, et quasi vestimentum quod comeditur a tiena. putredini dixi : pater meus es, etc. »
Quam turpis pater, quam vilis mater, quam ab hominabilis soror ! etc. Vivus homo generavit pediculos et lumbricos, mortuus generabit vermes et muscas. Vivus producit stercus et vomitum, mortuus producet putredinem et fetorem. Vivus hominem unicum impinguavit, mortuus vermes plurimos impiguabit. Quid ergo fetidius humano cadavere ? Quid horribilius homine mortuo ? Cui erat gratissimus aplexus in vita, horribilis erit aspectus in morte. Quid enim prosunt divitie ? quid epule. et quid honores ? Divitie non liberabunt a morte, non deffendent a verme, honores non eripient a fetore. Qui mode sedebat gloriosus in throno, modo jacet despectus in tumulo. Qui modo fulgebat ornatus in aula, modo sordet nudus in tumba. Qui modo vescebateur deliciis in cenacula, modo consumitur a vermibus in speulchro. "Exibit spiritus ejus, et revertuetur in terram suam, peribunt omnes cogitationes eorum", etc. Unde illud verbum poeticum :
Vilior est humana caro quam pellis ovina.
Si moriatur ovis, aliquid valet illa ruina :
Extrahitur pellis et scribitur intus et extra.
Si moriatur homo, moritur caro, pellis et ossa.

XXV. Quelle chose horrible et abhominable le corps devenrra aprés la mort            89a

            Hé ! corps, ou sera tes destours ?
            Toy mort, que vaurra ta valours ?
            Tu n’auras piet, membre n’oreille
            Qui ne se retraie a rebours.
400     Tu sera plus hideux c’uns ours.
            En terre yert lors ta reposteille.
            Les vers te rungeront l’entreille[71].
            Que devenrra lors ta grant cours ?
            Honnours te feront ilz secours ?
405      Nenil. C’est ce qui te traveille.

XXVI. Comment de tous les biens dou monde l’ome n’emportera que le bien qu’il aura fait, et sa renommee sera exemple a ses amis[72]

            Tu n’emporteras sanz mentir
            De ce monde a ton departir
            Que bien fait, bonne renommee.
            Encor sera ce au mieulx partir.
410      Le bien fait yert pour repartir
            L’ame en la gloire bonneuree,
            Et le renon pour ta lignee
            De toy ressembler souvenir.
            Et cilz qui puet ainsi fenir
415      A de Dieu grant grace impetree.

Comment le mort a paine aura un linceul pour lui couvrir[73]     89b

            Linceul auras pour toy couvrir
            Quant on fera la terre ouvrir,
            Encore est ce belle livree
            Qui d’or te souloies vestir.
420      Sanz chambellain[74] te faut gesir
            En la tenebreuse valee.       89c
            Qui est li cuers qui ne s’effree
            De teles nouvelles oïr ?
            Comment se puet homs esjoir
425      En ceste chetive contree ?

XXVII. Ci s’excuse l’acteur

            A tous et toutes m’excuse
            Se de trop vil langaige use
            En traittant ceste matire
            Dont la sentence est infuse
430      Et plus en latin confuse
            Que je ne sçauroie dire.
            Mais c’est pour orgueil despire
            Ad fin que nulz n’en abuse
            Et que chascuns voie et muse
435      De quoy Dieux le voult confire.

            Soy humilie et accuse
            L’orgueilleus et ne recuse
            Le bien pour le mal eslire.
            Car qui bien faire refuse
440      Et son cuer au monde amuse,
            Mieulx ne se puet desconfire.
            Mais humilité souffire
            Voult a Dieu, ne ja excluse
            N’yert cilz qui l’aura incluse
445      En soy sanz orgueil et yre.

Innocentii .lviii°. capitulo

Sublimetur aliquis in altum, provehatur ad summum, statim cure subcrescunt, solicitudines cumulantur, extunduntur jejunia, vigilie producuntur, ex quibus nature carrumpitur, spiritus infirmatur, corpus attenuatur, et sic in se ipso deficiens non dimidiabit dies suos, sed miserabilem vitam miserabilior fine concludit, etc.

XXVIII. Comment aucun ne se doit eslever en orguel[75] pour service de grant signeur[76]

            Pour servir a prince ou a Roy,
            N’a grant seigneur en bonne foy,
            A officier n’a grant dame
            Ne se doit nul mettre a desroy.
450      Car telz y[77] a hui bien de quoy
            Qui n’ara vaillant une drame
            Par le faulx rapport d’aucune ame            89d
            Demain : c’est la commune loy
            De Fortune, et souvent le voy
455      Advenir a homme et a femme.

Et alibi in eodem Innocentii tractatu, capitulo .xvi° repreritur quod sequitur

Servus minis terretur, angariis fatigatur, plafis affligitur, opibus spoliatur. Quod si non habet, habere compellitur, et si habet, cogitur non habere. Culpa domini, servi pena. culpa servi, domini preda :
Quidquid delirant reges, plectuntur Achivi.
Venatio leonis onager in heremo, sic pascua divitum pauperes. O extrema conditio servitutis ! Ntura liberos genuit, sed fortuna servos constituit. Servus cogitur pati et nemo sinitur compati. dolere compellitur et nemo condolere permittitur. Sed sic ipse non suus est, ut nemo sit. Miseri qui castra sequuntur, quia miserrimum est vivere preda aliena. Dominum autem, si crudelis est, oportet illum vereri propter nequitiam subiectorum. si mitis est, oportet illum contempni propter insolentiam subjectorium. Severum ergo metus affligit, et mansuetum vilitas parvi pendit. Nam crudelitas parit odium, et familiaritas parit contemptum. Familiaris enim cura fatigat, et domestica solicitudo molestat. Oportet eum semper esse paratum, ubique munitum, ut possit malgnantium insidias precavere, oppugnantium injurias propulsare, hostes conterere, cives tueri. Nec sufficit diei malicia sua, sed dies liei laborem eructat, et nox noctis solicitudinem indicat. Dies ergo laboriosi ducuntur, et noctes expanduntur insomnes.

            Et, par ma loyauté, je croy
            Qu’avoir sa vie et estre a soy
            Et vivre du sien sanz diffame
            Est meilleur vie et sanz anoy
460     Que de suir riche courroy
            Ne monter a la haulte game,
            Et se puet l’en garder de blame
            Et servir Dieu basset et coy
            Mieulx asséz en petit recoy
465      Qu’on ne fait ne si haulte flamme.

XXIX. Comment .vi. fontaines de vanité sont parmi le monde que chascuns homs veult a soy approprier

            Six fontaines sont par le monde
            Dont toute vanité suronde
            Que chascuns homs veult et requiert :
            C’est Beautéz, ou aucuns se fonde.
470      Et Seignourie est la seconde.
            La tierce est Sens que on acquiert.
            Prouesce qui occit et fiert
            Est la quarte. Et la cincquime[78] onde        90a
            Est Franchise. Et la sixte bonde,
475      Noblesce, a qui honnour afiert.

            Vaine[79] gloire en telle eaue[80] habonde,
            Car beau corps et belle faconde
            Par dehors dedens remplis yert
            De toute ordure ou il s’afonde.
480     Mais belle est la saincte ame et monde
            Qui par[81] ses vertus son Dieu quiert :
            Jamais plus belle chose n’yert.      90b
            Car, plus tost que ne vole aronde,
            Se depart de la char inmonde,
485      En paradis son lieu pourquiert.

L’acteur[82] parle

            Nous veons souvent que li saige
            Font leurs acquets a heritaige
            Et li aver le font a vie.
            Le premier tiennent leur linaige
490      Eulz trespasséz. Mais le viage
            Se depart quant li homs desvie,
            Ses hoirs n’y succederont mie,
            Quierent ailleurs leur herbergage[83].
            Petit leur ont fait d’aventage
495      Entendéz que ce signifie.

            Qui a de bien faire l’usaige
            En ce monde ou il n’est qu’ostaige
            Et qui envers Dieu s’umilie
            Croit, aime et sert de bon couraige.
500     En paradis fait son mesnage
            Perpetuel, quoy que nul die.
            Un chascun des autres mendie,
            Qui au monde fait son estage :
            C’est l’acquest de la vie umbrage
505      Dont l’ame est dampnee et perie.

Innocentius, de pena dampnatorum .lxxxii°. capitulo

« Quis, inquit Ysaias, poterit habitare de vobis cum ardoribus semtiternis ? Isti fumus erunt in furore meo, ignis ardens tota die et nocte non extinguetur, sed escendet fumus ejus in sempiternum. »
« Dabo vobis opprobrium sempiternum et ignominiam eternam, que nunquam oblicione delebitur. »
Unde Daniel propheta : « Qui dormierunt in terre pulvere, efigilabunt, alii in vitam eternam, alii in opproprium, ut videant semper. »
Deinde Salomon sic sequitur : « Mortuo homine impio, nulla spes erit de eo. » Huic exemplo veniet perditio sua, et subito conteretur nec habebit ultra medicinam.
Et johannes in Apocalipsi : « Si quis adoraverit bestiam et ymaginel ejus, hic bibet de vino ire Dei, et cruciabitur igne et suplphure, et fumus tormentorum ascendet in secula seculorum, nec habebit requiem die ac noste qui adoraverit bestiam et ymaginem ejus. »
Confirmat hec veritas, quoe dampnatos in judicio sentencialiter reprobat, dicens : « Ite maledicti in ignem eternum, qui paratus est diabolo et angelis ejus. »
Si secundum divinum judicium, « in ore duorum vel trium stat omne verbum », quanto magis in ore tot et tantorum virorum de proposita veritate constabit !

XXX. De la paine et des divers tourmens des dampnéz

            Helas ! mar furent d’Adam néz
            Les chetis qui seront dampnéz
            En enfer pour leur demerites.
            En ardant feu seront penéz,
510      La crieront com[84] forsennéz.
            Mais pour ce ne seront pas quittes,
            Ja n’aront paié leur debites,
            Jamais n’yert leurs tourmens finéz.
            La seront de Dieu indignéz 90c
515      A tousjours. Hardiement le dittes.

            Donques sont ceuls trop forsennéz
            Qui au monde sont eslevéz
            Es pechiéz, es euvres maudittes,
            Qui sanz fin seront condempnéz.
520      A vous meismes vous en prenéz
            Qui estes faulx et ypocrites,
            Larrons, murdriers[85] et sodomites,
            Qui tous temps pires devenéz
            Et vostre Createur troubléz :
525      Vous en auréz crueulx merites.

Innocientius, de divino Dei Judicio, .lx°. xxvii°. capitulo

Quis autem non timeat illud examen, in quo idem erit et accusator et advocatus et judex ? Accusabit enim, cum dicet : « Esurivi, et non dedistis mihi manducare. sitivi, et non dedistis mohi bibere. »
Advocabit, cum subdet : « Quamdiu non fecistis uni de minimis meis his, nec mihi fecistis. »
Judicabit, cum inferet : « Discedite a me, maledicti, in ignem eternum. »
Non erunt testes in illos judicio necessarii, qui tunc erunt manifesta abscondita tenebrarum.
Sequitur in Daniele : « Nichil enim est occultum, quod non revelabitur. »
Tunc libri erunt aperti conscietiarum, et judicabuntur mortui ex his, que scripta sunt in libris, secundum opera eorum... Quantus erit pudor in peccatoribus. Quanta confusion, cum eorum nephandissima crimina cunctis erunt liquida et manifesta.
Unde Psalmista : « Beati quorum remisse sunt iniquitates, et quorum tecta sunt peccata ! »
Ab illa sententia nunquam poterit provocari, qui Pater omne judicium dedit filio suo. « Qui claudit, et nemo aperit, qui aperit, et nemo claudit." "Os enim Domini locutum est. »

XXXI. Comment Dieu advocacera, jugera et accusera les pecheurs au jour du jugement

            Certainement li jugierres
            Yert advocas et accuserres,
            Et fera tous ces trois offices
            Disans : « J’eus faim et soif, pecherres,
530      Tu ne fus pas secourerres,
            Quant tu regnoies es delices.
            A mes povres dont tu fus nices,
            N’a esté miteus ne donnerres.
            A donc[86] a moy ne l’as[87] fait, lerres.
535      Va ardoir pour tes malefices. »

Innocentius, quod nichil proderit dampnandis, capitulo .lxxxviii°.

Tunc nichil proderunt opes, non defendent honores, non suffragabuntur amici. Scriptum est enim in Ezechiele : « Argentum et aurum eorum non valebit liberare eos in die furoris Domini », et in Apocalipsi : « Plangent omnes reges terre et flebunt, cum vidrint filium hominis et fumum incendii, propter timorem tormentorum eorum." Quid ergo facietis in die vistationis et calamitatis de longe venientis ? Ad cujus fugietis auxilium ? "Unusquisque onus suum portabit. » « Anima que paccaverit, ipas morietur. » O districtum jodicium, in quo non solum de factis, sed « de omni verbo ociosi, quodcumque locuti fuerint homines, reddituri sunt propriam rationem », in quo « usque ad lutimum cadrantem exigetur debitum cum usuris ».

XXXII. Comment les roys et les princes s’esbahiront dou jugement Damedieu et ne vauront avoir tresor, ne pierres a contrester a yceluy[88]

            La ne varront[89] tresors ne pierres,
            Parens, amis ne grans plaiderres.
            Chascuns aura escript ses vices.
            Les Roys et les princes des terres 90a
540      S’esbahiront quant li Sauverres
            Commandera que tout bruice.
            La covenra que cilz perisse 91a
            Qui aura esté mal faiserres
            S’avant la mort n’est repenterres.
545      La fault que li secles fenisse.

Idem Innocentius, de Combustione celi, terre et maris in capitulo precedenti.

« Quid ergo fugere poterit a ventura yra ? » « quando sol obscurabitur et Iuna non dabit lumen suum, stelle cadent de celo et virtutes celorum movebuntur ? » Quantus erit tunc timor et tremor ! Quantus erit fletus et gemitus ! Nam si « columpne celi contremiscunt et pavescunt ad ejus nutum », « angeli pacis amare flebunt », peccatores autem qui facient ? « Si justus vix salvabitur, impius et peccatores ubi parebunt ? » Unde in psalmo clamat propheta propterea : « Ne intres in judicium cum servo tuo, Domine, quia non justificabitur in conscpetu tuo omnis vivens ». « Si enim iniquitates observaveris, Domine, etc. » Quis enim non timeat judicem potentissimum, sapitentissimum et justissimum ? Potentissimum, quem nemo potest effugere. sapientissimum, quem nemo potest latere. justissimum, quem nemo potest corrumpere. etc.

XXXIII. Comment le ciel, la terre et la mer arderont, et comment nulz ne porra eschiver le fureur de ce perilleus jour[90]

            Et qui pourra l’ire eschiver
            De ce grant jour, ne endurer
            Le jugement si perilleus      91b
            Ou le ciel, la terre et la mer
550      Convendra ardoir et brusler ?
            Que devenrront les orgueilleus,
            Les faulx larrons, les convoiteus,
            Qui n’oseront Dieu regarder ?
            Ilz commenceront a trembler
555      En ame et en corps dolereux.

Innocentius, materiam prosequendo

« Mittet ergo filius hominis angelos suos, et colligent de regno ejus omnia scandala et eos qui faciunt iniquitatem, et alligabunt fasciculos ad comburendum eos in caminum ignis ardentis, etc. »

XXXIIII. Comment les sains anglez de Dieu a son commandement feront congregation et faissiaux des pecheurs et les jetteront ou feu d’infer en pardurable dampnacion[91]

            Adonc fera Deiux congreger
            Les pecheurs et enfaisseler
            Par les sains angles glorieus
            Et ou dampnable feu getter
560     Pour leur tourment perpetuer
            Qui tous jours sera immortueus,
            Disans : « Mauvais, maleureus,
            Aléz en enfer demourer,
            Plaindre, gemir et souspirer.
565      A tous jours sera vostres hostieus. »

Innocentius, de penis infernalibus .lxxxviii°. capitulo

« Ibi erit fletus et stridor dentium », gemitus et ejulatus, ululatus, luctus et cruciatus, stridor et clamor, timor et tremor, dolor et labor, ardor et fetor, obscuritas et anxietas, acerbitas et asperitas, calamitas et egestas, angustia et tristitia, oblivio et confusio, torsiones et punctiones, amaritudines et terrores, fames et sitis, frigus et cauma, sulphur et ignis ardens, a quibus omnibus nos liberet Jhesus Christus, Dominus noster, qui est benedictus in secula seculorum. Amen

XXXV. Des painéz merveilleuses et horriblez que soufferont li dampnes en enfer et de leur terrible hurlement[92]

            Lors aront toute dolour,
                        Grant puour
                        Et grant plour           91c
            Et estrainture de dens,
570      Angoisse et toute tristour,
                        Grant tramblour
                        Et ardour        91d
            Et divers gemissemens,
                        Hullemens,
575      Faim, soif et toute langour.
                        Des ce jour
                        Sanz sejour
            Seront tristes et dolens.
            Trop horrible yert leur clamour
580                 En ce four.
                        Tenebrour
            Sera toudis la dedenz
            Ou ilz sentiront chalour
                        Et froidour
585                 A leur tour.
            Aront vermine et serpens.
                        Tous tourmens
            Feront avec[93] eulx demour
                        Sanz retour,
590                 En paour :
            C’est de Dieu le jugemens.

De gloria et beratitudine eterna et bonorum hominum remuneratione, in libro florum sancti augustini, capitulo .xxvi°.

Quicquid promittere seu dare potest Deus, preter se Deum, nil omnino valet apud eum, nec omnino me sciaret nisi se ipsum Deum dare promitteret. O Domine, promisisti omnia bona tua si anima te solum et sufficit mihi. Oculus non videt, Deus, abs te que preparavisti diligentibus te. Pax super pacem indeficiens ex ultero. Torrens voluptatis, divine flumen leticie. Et quid dicimus ? Fide non attingitur, spe non comprehenditur, caritate non capitur. desideria et vota transgreditur. acquiri potest, estimari non potest. Hec est celestis festivitas, gaudium sine fine, eternitas sine labe, serenitas sine nube. O pulchra et decora civitas, quam pulchriorem habes conditorem ! Homo itaque in illa celesti civitate Jherusalem sine ullo defectu fruetur Deo. Ex quo bono erit bonus, vivet sine ulla egestate, ita semper habens in potestate nec mori valens. Cibus Christus aderit ne esuriat, potus, ne siciat, Christus vita ne illum senecta dissolvat. Nullus intrinsecus morbus, nullus melus erit intrinsecus. summa in carne sanctitas, in animo tota tranquillitas. Et sicut ibidem nullus est estus aut frigus, ita in habitatore ejus nulla ex cupiditate vel timore accedet bon voluntatis offensio. Nichil omnino triste, nichil erit inaniter letum. gaudium perpetuabitur ex Deo. Ibi perfecte flagrabit caritas de corde puro et conscientia bona et fide remota, de spe manifesta, atque inter concives fida ex honesto amore societas. Ibi concors mentis et corporis quod vigila et mandati sine fine custodia. O quanta erit ibi felicitas, ubi nullum erit malum, nullum latebit bonum ! Vaccabitur Dei laudibus, qui erit omnia in omnibus. Nam quid aliud agatur ibi ubi neque ulla desidia cessabitur neque ulla indigentia laborabitur ? Certe ubi volet spiritus quod nec spiritus possit dare nec corpus, et vera ibi gloria erit ubi laudantes nec errore quisquam nec adulatione laudabit verus homo qui nulli negabitur digno, null differetur indigno. Sed nec a deul ambiet ullus indignus ubi nullus permittetur esse nisi dignus. Vera ibi pax ubi nil adversi nec a se ipson ec a aliquo quis patietur. Premium virtutis erit ipse qui virtutm dedit, eisque se ipsum quo melius et majus nichil esse posset permittit. Divitie si diliguntur, ibi serventur ubi perire non possunt. honor si diligitur, ibi habeatur ubi nullus indignus honoratur. salus si diligitur adipiscenda desideretur ubo adopto nichil timebitur. vita si diligitur, ini acquiratur ubi nulla morte finietur. Ipse finis desideriorum nostrorum erit qui sine fine videbitur, sine fastidio amabitur, sine fatigatione laudabitur. Hoc munus, hic affectus profecto erit omnibus sicut vita eterna communis. Ceterum qui futuri sint pro meritis premiorum in gradus honorum atque gladiarum, quis est dignus cogitare, quanto magis dicere ? Quid tamen futuri sint non est ambiguum. O regnum ! O gloriam sempter veracem et veraciter sempiternam, cujus rex veritas, cujus lex caritas, cujus modus eternitas ! Fugiendum est, ut ait Platonius philosophus, ad beatissimam patriam et ibi patere nobis omnia. O mira gentilis et gloriosa confessio ! In illa itaque superna civitate Jherusalem morietur omnis necessitas, orietur summa felicitas. Ibi erit victoria veritas ubi dignitas, sanctitas ubi pac, felicitas ubi vita, eternitas ubi nullus oritur quia nullus moritur ubi sol non oritur super bonos et malos sed sol justicie solos protegit honos, ubi scriptum est : "Fulgebunt justi sicut sol il regno patris eorum." Qualis erit tunc ut putas splendor animarum quando sclaritatem habebit lux corporum ? Ibi summa felicitas, summa securitas, felix libertas. Nulla erit ibi tristicia, nullus labor, nullus dolor, timor nullus, nulla mors, sed perpetua sancitas permanebit. Nulla ibi consurget malicia, nulla carnis miseria, nulla jam carnis voluntas nec delinquendi potestas, sed totum leticia, totum exultatio possidebunt homines angelis sociatu. Ibi certa leticia, requies secura, pax vera, jocunditas infinita ubi si locus otinendi nullus fuerit, admittendus nullus erit. In qua beatitudine que simul adippiscitur semper tenetur. Nichil gloriosus, nichil pluchrius, nichil verius, nichil illa securius, nichil illa habundancia copiosius. Non ultra aversabitur caro spiritui, sed vivent ibi cum omni tranquillitate securi. O tanta puchritudine visio et tanto amore dignissima ! Dedignetur ergo, fratres, unuquisque nostrum ultra servire peccato quibus tant beatitudo preparatur in celo. Ibi vacabimus, et videbimus, amabimus et laudabimus : ecce quod erit in fine sine fine. Nam qui alius est noster finis nisi pervenire ad regnum cujus non est finis ? Et hoc quis hominum intelligere dabit homini intelligere ? Quis angelus, angelo ? Quis anglus homini ? A te, Domine, a te petatur, in te queratur, ad te pulsetur : sic accipietur, sic aperietur, sic invenietur, te prestante, qui vivis et regnas Deus per omnia secula seculorum. Amen, amen.

XXXVI. Comment ceuls qui se seront gouvernéz au monde selon Dieu seront beneuréz, car ilz auront paradis et joie pardurable

            Benois seront ceulx et celles
            Qui aront bien leurs nacelles
            En ceste mer gouvernees.
595      Il orront bonnes nouvelles
            Qui seront plaisans et belles.
            De bonne heure furent nees
            Gens a bien faire ordonnees,
            Car Dieu leur a fait [94] leur celles
600     Avec soy pour le bien d’elles,
            Seront o lui couronnees.

            Lors dira a ses ancelles :
            « Vous qui estes mes pucelles,
            Recevéz vos destinees.
605     Mes ames, mes flours nouvelles,  92a
            Montéz dessus les estoilles.
            Jamais ne seront finees
            Voz joies, mais demenees
            En clarté comme estincelles
610      Hors du tourment des rebelles :
            La estes vous destinees. »

XXXVII. Comment Dieu guerredonnera les bons et les fera parçonniers de sa divine gloire

            En Paradis vous mettray
            Et menrray,
                        Car je sçay
615      Que vous l’avéz desservi.
            Illec vous couronneray
                        A grant glay.
                        De cuer vray
            Au monde m’avéz servi.
620                 Si vous di
            Que je vous guerdonneray[95]
                        Sanz delay,
                        Vous trairay
            Tous jours mais avecques my[96].

625      Toute beauté vous donrray
                        Avril, may[97]
                        Sanz esmay
            Auréz sanz paine et soussy.
            Tous jours vous regarderay,
630                 Ameray,
                        Chieriray.
            En joie seréz nourry
                        Sanz nul sy
            De gloire vous repaistray,
635                 Nourriray
                        Et feray
            Que tous jours vivréz ainsi.

Cy parle l’acteur

            Saiges est cilz qui s’advise 92b
            Sur les poins que je devise
640     On s’i doit bien adviser,
            Amer Dieu et saincte Eglise            92c
            Et faire son saint servise
            Et de ses biens diviser
            Aux povres, et despiser
645      Le monde et la char malmise
            Tant qu’en enfer ne soit mise
            Nostre ame par mal viser.

            Durs est li jours du juise
            Aux mauvais, mais l’entreprise[98]
650     Des bons doit on bien prisier.
            Qui ne l’a, par lui soit prise[99]
            Et en faison no reprise[100],
            Que Dieux nous vueille espuisier
            Et tous maulx amenuisier,
655      S’il lui plaist, par tele guise
            Qu’en sa grace et sa franchise
            Nous vueille en ciel ravisier.

XXXVIII. Comment l’acteur fait sa conclusion et la fin de son dicté en suppliant et implorant la grace et l’aide de la benoitte vierge Marie

            Prions ent la souverainne
            Vierge, estoile tresmontainne
660     La mere d’umilité
            Que par sa doulce pité
            Au port de salut nous mainne
            Qui est nostre vray demainne,
            Et nous gart d’iniquité
665     Si que nous soyons quitté  92d
            De pechié qui nous mal mainne.

            Supplions qu’elle ramainne
            No cuer a la droitte vainne
            De vray plour et d’equitté,
670      De toute benignité
            Si qu’ordure n’y remainne
            Heure, jour, moment, sepmainne,
            Tant que pardurableté
            Et Paradis apresté
675      Nous soit : de ce lui souviengne.

Ci fine le livrey de la fragilité d’umaine Nature, fait et compilé par maniere de double lay, par Eustace Morel, de Vertus, escuier et huissier d’armes du roy Charle le quint[101], chastelain de Fymes, et a li presenté le xviiie jour d’avril aprés saintes Pasques l’an de grace Nostre Seigneur mil ccc. quatre vins et troys.


[1] Ms. ccest

[2] Ms. cfourmé

[3] Ms. cpechéz

[4] Ms. ccest

[5] Ms. cde la doulour du riche homme

[6] Ms. csolail

[7] Ms. ccest

[8] Ms. cavera

[9] Ms. cpour servise de grant signeur

[10] Ms. cvoeult a soy aproprier

[11] Ms. cdu jugement Damedieu

[12] Ms. cyceluy

[13] Ms. cangels

[14] Ms. A Morelli

[15] Ms. cOeulx

[16] Ms. A Cy parole l’aucteur

[17] Ms. A conceus

[18] À partir d’ici, plusieurs vers non comptés dans l’édition ® non-concordance de notre numérotation

[19] Ms. A car il fu sainctefies

[20] Ms. A la doleur

[21] Ms. A sochiéz

[22] Ms. A celestiaument

[23] Ms. A ne que une pomme

[24] Ms. cvieulz el assomme

[25] Ms. ccomme

[26] Ms. A dessamble

[27] Ms. A t’assamble

[28] Ms. ctranble

[29] Ms. AC De homme

[30] Ms. A subtil

[31] Ms. A horrible viance

[32] Ms. cli

[33] Ms. cmq.

[34] Ms. A pleur

[35] Ms. A trestoute

[36] Ms. AC si mq.

[37] Ms. cvetitu mq.

[38] Ms. A de balsamee

[39] Ms. cBranches et fueilles

[40] Ms. cque enfans

[41] Ms. coit

[42] Ms. A Fronces a

[43] Ms. A jevene fu

[44] Ms. A jovenesse

[45] Ms. A De la misere ou povre et de la doleur dou riche

[46] Ms. csi mq.

[47] Ms. A d’aquerre

[48] Ms. cest mq.

[49] Ms. cesgraine

[50] Ms. ctoutemps

[51] Ms. cleesce

[52] Ms. AC le manque

[53] Ms. cse

[54] Ms. A tristoye

[55] Ms. A Cy parole l’aucteur

[56] Ms. caincoys

[57] Ms. craige

[58] Ms. csauvaige

[59] Ms. ccaige

[60] Ms. A Des cas fortunéz mervilleux et souvains

[61] Ms. cenrraige

[62] Ms. cboscaige

[63] Ms. coultraige

[64] Ms. ca oyseaulx

[65] Ms. cmq.

[66] Ms. cfist mq.

[67] Ms. A Grant mesnee

[68] Ms. A yniaus

[69] Ms. cmq.

[70] Ms. A honneurs

[71] Ms. cl’oreille

[72] Ms. cComment de tous les biens du monde, l’omme n’emportera rien apres sa mort

[73] Ms. A mq.

[74] Ms. A chambrelain

[75] Ms. cen orgueil mq.

[76] Ms. cseignour

[77] Ms. cy mq.

[78] Ms. cquinte

[79] Ms. A vainne

[80] Ms. A yeaue

[81] Ms. cpar mq.

[82] Ms. A actor

[83] Ms. cherberge

[84] Ms. ccomme

[85] Ms. A mourdreus

[86] Ms. cAdonc

[87] Ms. ct’as

[88] Ms. cComment les roys et le princes s’esbahiront au jour du jugement

[89] Ms. cverront

[90] Ms. cComment le ciel, la terre et la mer ardront

[91] Ms. cComment nul ne pourra eschiver la fureur de ce perilleux jour

[92] Ms. cComment les sains angles de dieu trembleront au jour du jugement

[93] Ms. cavecques

[94] Ms. cDieux leur avoit

[95] Ms. cguerredonneray

[96] Ms. cTousjours avec my

[97] Ms. cet may

[98] Ms. centreprinse

[99] Ms. cprinse

[100] Ms. creprinse

[101] Saint Hilaire signale une erreur de chronologie, Charles V étant mort à lépoque donnee pour la rédaction du double lay.

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

ulb ltc

L’utilisation du genre masculin dans les pages du présent site a pour simple but d’alléger le style. Elle ne marque aucune discrimination à l’égard des femmes.