phf

Chançon royal 99 : Je voy le temps autre qu’il ne souloit (DCCCCX)

Autre Balade

            Je voy le temps autre qu’il ne souloit,
            Si me convient veoir que je feray.
            Je prins partout tant com la guerre estoit,
            Or perçois bien que je hais seray.
5          Si je suis prins, trop de doleurs aray.
            Car il ne court que baillis et prevosts.
            Pour ce aler vueil estre barbier de bos.
            Ainsi convient que ma vie pourchace.
            Ouvrer ne sçay. ― Sueffre toy, tu es fols.
10        Qui fuit toudis treuve bien qui le chace.

            Venéz vous ent, car je sçay un destroit,
            Pour bien gaingnier vous acompaigneray.           236a
            Nul de vous deux labourer ne sçaroit :
            No bien commun bien vous departiray.
15        ― Le promés tu ? ― Ouil. ― Je te sivray[1].
            ― Et je aussi pour departir des coups.
            A tel mestier ne fault pas estre mols :
            Bille du piet, va devant, passe, passe.
            Je doubte trop la suite des esclos :
20        Qui fuit toudis treuve bien qui le chace.

            ― Je ne vueil pas faire par tel endroit.
            ― Que feras tu ? ― Tout mon estat lairay.
            Je sçay mestier. Pour ce, au chaut et au froit,
            D’or en avant par tout en ouvreray,
25        Ou un maistre quelque part serviray.
            Aler rober ne vueil pas a briefs mos.
            Je me repens, trop fu josnes et fols,
            Je vueil gaingnier mon pain en toute place
            Sanz ressongnier justice ne ses cros :
30        Qui fuit toudis treuve bien qui le chace.

            ― Las ! de servir grief chose me seroit,
            D’ouvrer aussi, car pas aprins ne l’ay.
            Il n’a c’un po que chascuns me servoit.
            Garçon ainsi d’escuier devendray.
35        Jamais mestier aprandre ne voudray
            Car ces ouvriers ont trop courbes les dos.
            Je voy qu’ilz n’ont que le cuir et les os,
            Li cuers leur fault et coleur leur efface.
            Et nonpourquant se tu embles ne tols,
40        Qui fuit toudis treuve[2] bien qui le chace.

            Je voy la gent, ne sçay se ce seroit
            De ces pillars, je les araisneray.
            Dieux gart ! Seigneurs, voist chascuns ou il doit.
            Ce sont sergens, ne les attenderay,
45        Par saint Martin, compains, je m’en fuiray.
            Devers les champs fait bon estre desclos,
            De toutes gens n’avons pas bien le los :  236b
            Bon fait fuir qui a mauvaise grace,
            Car se l’en n’est de ses pechiéz rassolz,
50        Qui fuit toudis treuve bien qui le chace.

            L’envoy

            Or sus ! aprés ces larrons sanz delay !
            Ils n’osent vir nul prodomme en la face.
            Poursuiéz fort, car en la fin bien sçay :
            Qui fuit toudis treuve bien qui le chace.


[1] Ms. serviray

[2] Ms. treuve il

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

ulb ltc

L’utilisation du genre masculin dans les pages du présent site a pour simple but d’alléger le style. Elle ne marque aucune discrimination à l’égard des femmes.