Chançon royal 102 : Qu’est ce ci ? Dieu ! quel belle espee (DCCCCXIII)
Autre Balade
― Qu’est ce ci ? Dieu ! quel belle espee,
Quel baston et quelle taloche,
Quelle dague ! est elle carree ?
Elle sonne comme une cloche.
5 ― Il n’a rien en mon fait qui loche :
Je sçay jouer de l’escremie.
Qui me voulroit tollir m’amie,
Il ne l’auroit[1] pas d’avantaige :
Bien y pourroit perdre la vie.
10 ― Ribaut, trop avéz de langaige !
Vous demenéz trop grant posnee, 237b
Il semble ce soit une roche.
Vous combatéz a la rousee,
Mais vous aréz de ceste broche.
15 ― Biau sire, laissiéz me caboche.
Par la char Dieu, c’est villenie.
Bien sçay tel cui ne plairoit mie,
S’il vous veoit, de mon lignaige.
Que vous meffaiz se m’esbanie ?
20 ― Ribaut, trop avéz de langaige !
Puis que vous desiréz l’armee,
Combatéz vous quant je vous broche.
A moy l’aréz. ― Est ce meslee ?
― Oil, ne vous prise une loche.
25 Ceste dague vueil que j’acroche,
L’espee aray d’autre partie.
Tout vendra en nostre abbaie,
Femme et taloche, a mon usaige.
Riens n’y vaudra vostre envaye.
30 ― Ribaus[2], trop avéz de langaige !
Vous avéz la teste sacree,
Et pour ce de vous ne m’approuche,
Mais vo vie sera comptee
A la court, se du pié ne cloche.
35 Il me seroit trop grant reproche
De vous ferir : escommenie
En aroie. ― Pour ce vous prie,
Soufréz vous de moy faire oultraige.
C’est pechiéz, par saincte Marie.
40 ― Ribaut, trop avéz de langaige !
Ma dague vous sera donnee
Et mon bouclier, a tout la croche,
De bon cuer et paix confermee
Entre nous deux. Du vin abroche
45 Meilleur, .ii. poz, dont chascuns troche.
― J’auray doncques, une nuitie, 237c
Ceste que j’avoiz aguaitie
Des hui matin a ce passaige ?
Je le vueil a la departie.
50 ― Ribaut, trop avéz de langaige !
L’envoy
― Adieu, compains de Picardie
Qui tant avéz de vassellaige.
― Aléz, moines, Dieu vous maudie.
Ribaux, trop avéz de langaige !
[1] Ms. lairoit
[2] SaintHilaire corrige en ribaut