Chançon royal 93 : L’en a veu, n’a pas encor long temps (CCCCVIII)
Balade comment les saiges anciens ne instituoient ou ordonnoient aucun homme en office ou dignité se il n’estoit prodomme et souffisant d’icelles exercer
L’en a veu, n’a pas encor long temps,
Qu’office aucun n’estoit a nul donné
Se il n’estoit prodoms et souffisens
Et sanz son sceu requis et ordonné,
5 Et pour ce estoit le monde gouverné
Souffisament, sanz convoitier, sanz vice.
Mais au jour d’ui voy maint homme encliné
Pourvir aux gens et non pas a l’office.
En moult d’estas viennent pour ce contens
10 Et pour le trop, car nulle auctorité
Ne doit estre donnee au non saichant,
Ne nul ne doit [ja] estre institué
En estat nul s’il n’est bien esprouvé
Et sanz son sceu. car on tenoit pour nice
15 Le requerant et, pour le temps passé,
Pourvir aux gens et non pas a l’office.
Pour ce petiz sont les gouvernemens
Et les estas sont auques decliné,
Quant on y met povres chetives gens,
20 Qui s’i boutent pour riche estre clamé.
Petit leur chaut se ilz sont diffamé,
Puis qu’ilz ont or ou fourree pelice.
Le bien commun est ainsi rebouté :
Pourvir aux gens et non pas a l’office.
25 S’en sont améz les bons et les vaillans
Dont les estas fussent fort honouré,
Et ainsi sont les vertus deffaillans
Jusques a ce que Dieux y ait ouvré.
Mais se briefment n’est le temps recouvré
30 Des bons avoir, je craim tout ne perisse :
[…]
Pourvir aux fens et non pas a l’office.
L’envoy 140d
Prince, pour Dieu, soient li saige amé
Et li vaillant gouvernent vostre lice,
35 Tant que ce mot soit de tous poins plané :
Pourvir aux gens et non pas a l’office.