Chançon royal 45 : Entre Guynes, Sangates et Callays (CCCLIX)
Autre Balade
Entre Guynes, Sangates et Callays,
Soubz une saulz asséz pres du marcage,
De pastoureaulx estoit la un grant plays,
Qui paissoient leurs brebiz en l’erbaige. 119d
5 Dont l’un disoit que c’estoit grant dommaige
Qu’il convenoit laissier le pasturer
Pour les treves qui devoient cesser.
Lors dist Brehiers : ― J’en diray ma hesmee,
Ailleurs nous fault nostre bestail mener :
10 Nous n’arons paix aux Anglois de l’annee.
Adonc parla Bertrans li contrefais,
Qui aux autres departoit un frommaige :
― Je tien, fait il, que treve[1] arons ou paix,
Car au traittié sont venu pluseur saige.
15 Thierri respont : ― Ilz perdent leur langaige,
Car ilz ne font fors l’un l’autre assoter.
Et si oy l’autre jour recorder
A un pastour de l’anglesche contree
Que se Calais puet ainsi demourer,
20 Nous n’arons paix aux Anglois de l’annee.
Encor me dist cilz pastoureauls aprés
Que trop envix lairoient ce passaige,
Et qu’en traittant [ilz[2]] pourchacent adés
Vivres et gens et autre cariage,
25 Et queroient ainsi leur advantaige,
Et faisoient leurs chasteaulx reparer,
Et que treves ne doivent plus durer,
Car en aoust doit venir leur armee.
Dont, s’ilz puent leur vouloir achever,
30 Nous n’arons paix aux Anglois de l’annee.
Et Gontier dist, qui siet sur le maroys :
A Calois fu l’autrier en tapinage,
Ou je vendi de foing un pesant fays.
Mais raconter oy a un message
35 Qu’om trouveroit po gens d’armes ne page
Que l’en peust deça faire passer,
Et que François, qui ne les feist casser,
Eussent bien celle ville assiegee.
Mais neantmoins s’elle leur puet durer, 120a
40 Nous n’aurons paix aux Anglois de l’annee.
Dont a conclut sires Lothars li ses
Que se le roy veult faire bon visaige,
Et mettre sus gens contre les Anglés,
Et assieger Calais et le rivaige,
45 Que tout sera briefment a son usaige,
Et que de ce ne se doit pas doubter.
Lors ne pourront par deça repasser,
Se telle plume leur est de l’ele ostee.
Mai s’ainsi est qu’il ne puist conquester,
50 Nous n’aurons paix aux Anglois de l’annee.
L’envoy
Princes, je di, a tout considerer,
Que l’en devroit a ce siege tirer,
Car lors seroit Picardie acquittee,
Mais qui laira la chose demourer
55 En nonchaloir et sanz y labourer,
Nous n’aurons paix aux Anglois de l’annee.
[1] Ms. treves
[2] Saint Hilaire restitue ils