Chançon royal 38 : Quarante jours de consolacion (CCCLII)
Autre Balade
.xl.[1] jours de consolacion
Nous a donné l’Eglise militant
Pour l’ame avoir sa recreation
Et pour le corps devenir penitant
5 De ses pechiéz confés et repentant.
En la bonne quarentaine
Ou rachater voult Dieux la vie humaine
Par sa pitié, en offrant son saint corps,
Pour touz pecheurs la peneuse sepmaine, 117a
10 Car en ce temps Dieux est misericors.
Par Eve fut nostre dampnacion
Et par Adam du fruit Dieu deveant.
Lors ot enfer nostre obligacion.
Dieu mescrurent et crurent le serpent.
15 Mais Vray Amour nostre humanité prant
Et en humble chastellaine
Par Gabriel sa venue certaine
Fist adnoncer. Lors crut li sains tresors
En Marie qui est de grace plaine,
20 Car en ce temps Dieux est misericors.
Par Eve fut nostre perdicion,
Par Marie nostre recouvrement.
Par le serpent fut la sedicion,
Par Grabriel le croire obeissant.
25 Pour le mal fait morut Dieu cruelment.
Lors destruit la mort villaine,
Car, en mourant, fist nostre vie saine.
Resuscitans nous tira d’Enfer hors
Et nous mena en gloire souveraine,
30 Car en ce temps Dieux est misericors.
Li doulz Jhesus fist no redempcion
Et nous sauva par certain convenant,
Que de baptesme ayons lavacion,
Que noussoyons a croire diligent,
35 Que nous l’amons quant s’amour nous descent
De la divine fontaine
De sa pitié et de sa grace plaine
Dont li ruisseaulx resuscite les morts.
Gardons sa loy, sentons en nous sa paine,
40 Car en ce temps Dieux est misericors.
Il nous appelle a satisfacion,
Le meffait quicte a cil qui se repent,
En Caresme nous fait remission,
Les braz tenduz en la croix nous attent, 117b
45 A touz pecheurs son grant pardon estent.
Pitiéz lui perce la vaine,
Dont nostre Amour d’eaue et de sang se saingne
Pour nous purgier, car il est vie et mors.
Mercy crions tant qu’o lui nous enmaine,
50 Car en ce temps Dieu est misericors.
L’envoy
Princes, li temps de no purgacion
Corporelment et pour salvacion,
Est Caresme, selon mon jugement,
Ou chascun doit jeuner devotement
55 Et amender son operacion.[2]
[1] Ms. A .xl.
[2] Saint Hilaire suppose une lacune de deux vers.