Chançon royal 35 : Combien qu’il soit vray en commun langaige (CCCXLIX)
Autre Balade
Combien qu’il soit vray en commun langaige 115d
Que tuit sommes d’Eve et d’Adam yssus,
Toutesvoies le peuple en seignourage
Demanda roy au hault roy de lassus,
5 Pour estre chief en ce monde sa jus.
Et Dieu, veans sa fole entencion,
Par Samuel fist declaracion
Du droit du roy et de sa grant haultesce,
Qu’avoir voult lors, et c’est l’inicion
10 Comment Dieux a confermee noblesce.
Saul eslut, le meilleur et plus saige
Du peuple adonc de Benjamin venus.
Les espaules fut plus hault de corsaige,
Du peuple aussi et li meudres tenus.
15 <Plus dignes sont ceuls de ce noble herage>[1]
Samuel l’oint de royal unction,
De ce roy vint aux rois succession,
Contes et ducs, chevaliers, gentillesce,
Dont je feray ci declaracion
20 Comment Dieux a confermee noblesce.
« Vos filz mettra le roy en son servage,
Prandra le leur et donnra a ses drus,
Et voz filles en son concubinaige
Pourra tenir. » La se sont consentus.
25 Un chevalier entre mil fut eslus,
Tout le meilleur par grant discrettion.
Sur Israel la generacion
Saul regna, qui puis fut pecheresse.
Si pouéz veoir par ceste nascion
30 Comment Dieux a confermee noblesce.
Or est tout cler que ce noble linaige
Par le monde est en mains lieux espandus :
Seignourir doit et par son vasselaige
Vices hair et entendre aux vertus.
35 Par eulx soient les peuples deffendus, 116a
Et a eulx soit peuple en subjection.
Ainsis en fist Dieux confirmacion,
Eulz requerans, c’est ce qui trop les blesce,
Quant ilz sentent, par telle election,
40 Comment Dieux a confermee noblesce.
Plus dignes sont ceuls de ce noble herage,
Par les raisons que j’ay touchié dessus,
Que ne sont ceuls qui sont du serf parage.
Et il appert, car li doulz roys Jhesus
45 En lieu roial fut enclos et repeus.
En la Vierge prinst incarnacion
Humainement pour no redemption.
Du roy David vint la doulce fortresce[2]
Dont il nasquit : c’est la conclusion
50 Comment Dieux a confermee noblesce.
L’envoy
Prince, il n’est nul, tant ait grant heritaige
Ne povreté, qui ne vueille en couraige
Noble estr faiz et qui n’ait grant liesce
D’y advenir, et par ce monstreray je
55 Qu’ilz ont raison et [tres]grant advantage[3],
Comment Dieux a confermee noblesce.
[1] Ce vers, que l’on retrouve à la ligne 41 de la même pièce, rompt ici la construction strophique ; Saint Hilaire préfère laisser le vers manquant.
[2] Ms. forteresce
[3] Saint Hilaire corrige en advantaige