Balade 995 : Benois sont les habitans (MCCCCLXXII)
Balade que ceuls qui habitent lescitéz sont bonneuréz, et chetis qui habitent les herberges
Ben[e]ois sont les habitans
Des bonnes villes, des citéz,
Qui leurs corps y sont receptans,
Leurs biens et leurs proprietéz,
5 Car la ont toutes bonneurtéz,
Justice, loy, paix et raison.
La sont seurs en leur maison.
Mais ceuls qui les herberges sivent,
Sont chetifs en toute saison : 448d
10 Je ne sçay comment telz gens vivent.
Car a suir la guerre aux champs
Ont touz maulx, toutes povretéz
Faim, froit, soif, chault, logis meschans,
Et s’en sont pluseurs endebtéz
15 Et mainte foiz desheritéz,
Mors, occis, en destruction
Ou haits, pour la fraction
Que pluseurs font qui se desrivent
En pillant par extorcion :
20 Je ne sçay comment telz gens vivent.
Soient François ou Allemans,
Anglés, autres nativitéz,
Bourgoingnons, Bretons et Normans,
Seuffrent moult de chetvetéz,
25 Et tous ceuls qui sont exitéz
A court suir, n’est si prodom
Qui n’y ait paine, et quant au nom
Maint en mal souvent en estrivent
Et leur portent mauvais renon :
30 Je ne sçay comment telz gens vivent.
L’envoy
Princes, ceuls des citéz sont grans,
Bien aisiéz, riches, comblés, frans,
Et de jour en jour s’enrichissent.
Et les gens d’armes cheminans
35 Sont mesaisiéz, povres, souffrans :
Je ne sçay comment telz gens vivent.