Balade 963 : Je ne me puis trop merveillier (MCCCCXXXII)
Balade de desprisier l’un l’autre et de l’acomparagier a un chien
Je ne me puis trop merveillier
De ce qu’om dit communement
Quant on veult aucun despriser :
Ne qu’un chien n’a d’entendement,
5 Il ne scet riens. Mais vraiement
Chiens par droit doit bien estre saige,
Car en tous lieux va par usaige,
Au palais, au conseil, c’est voir[1],
En la taverne, au labouraige :
10 Un chien doit presque tout sçavoir.
Il va chascun jour au moustier
Sur l’abit du prestre pissant,
Aux noces, au corps, au bouchier,
Au sermon, en chambre souvent,
15 En cloistre, en dortoir, en couvent,
En cusine, en chascun mesnaige,
S’on fait armes ou vassellaige,
La puet on chiens souvent veoir :
J’en tray heraux a tesmoinaige,
20 Un chien doit presque tout sçavoir.
Les chiens vont en sale au mangier,
Souz les tables se vont mucent.
Ilz vont les tripes barguignier[2],
Couchier en lit de parement.
25 Ilz vont les tapiz dessirent
Et au marchié querir frommaige,
Au four, moulin ou jardinaige, 434d
En cellier des coups recevoir,
Es vaisseaulx sur l’eaue au passaige :
30 Un chien doit presque tout sçavoir.
L’envoy
Prince, se chien eust beau langaige,
De guerre, de sens et de gaige,
De tout, ce vous fais assavoir,
Deust parler, et de mariaige.
35 Et puis qu’ilz ont tel avantaige,
Un chien doit presque tout sçavoir.
[1] Ms. tout voir
[2] Ms. barguignant