Balade 959 : Las ! ou sont les haulx instrumens (MCCCCXXVII)
Balade faicte pour ceuls de France quant ilz furent en Hongrie
Las ! ou sont les haulx instrumens,
Les draps d’or, les robes de soye,
Les grans destriers, les parremens,
Les jousteurs que veoir souloie,
5 Les dames que dancer veoie
Des la nuit jusques au cler jour ?
Las ! ou est d’orgueil le sejour.
Dieux l’a mis en partie a fin :
Je ne voy que tristesce et plour
10 Et obseques soir et matin.
Ou sont les enchainemens,
Que l’en portoit comme courroye,
D’argent et d’or, leurs sonnemens,
Pour mieulx prandre ces saulx en voie ?
15 L’essil de corps, de la monnoie,
Gast de viandes et d’atour, 433a
Perte d’esperit, grant luour
De torches, gastement de vin,
Je ne voy que tristesce et plour
20 Et obseques soir et matin.
Et en mains lieus noirs vestemens
Porter, dueil et courroux pour joye,
Sonner pour les trespassemens
De pluseurs que Pitéz convoye
25 Au moustier. Vengence mestroye,
Pechié en quelconque seigneur,
En grant, en moien, en mineur.
Soyon tuit a bien faire enclin :
Je ne voy que tristesce et plour
30 Et obseques soir et matin.
L’envoy
Prince[1], absime est li jugemens
De Dieu et ses pugnissemens.
Il l’a bien moustré a ce tour :
En Turquie est ses vengemens,
35 De loing, par divers mandemens,
Pour noz pechiéz plains de venin :
Je ne voy que tristesce et plour
Et obseques soir et matin.
[1] Ms. Princes