Balade 958 : Helas ! sire, visitéz moy (MCCCXXVI)
Autre Balade de la complainte du monde
Helas ! sire, visitéz moy,
Et n’espargniéz or ny argent.
Je muir et si ne scé de quoy :
J’ay le cuer couvoiteus et lent,
5 Sanz joye suis, triste[1] et dolent
Et n’ay membre qui ne se dueille,
N’omme ne sçay qui bien me vueille.
Trop suis, ce dit chascun, mauvais
D’angoisse tous li frons me mueille :
10 Bien croi que ne garray[2] jamais.
Je suis viel, j’ay moult eu d’nnoy :
Je fus au premier ignorant,
Moult souffry ains que j’eusse loy,
Puis pechay naturel[e]ment.
15 Dont pechay[3], dont Dieux se repent
Qu’il fist homme : n’est qui requeille
La comparaison de la fueille,
Ou Dieu figure clercs et lays.
Puis qu’il faut que le vent la queille,
20 Bien croy que ne garray[4] jamais.
Et toutesvoye[s] j’apperçoy[5]
En pechié du premier parent
Qu’un medicin vint a par soy, 432d
Qui cura moy et toute gent
25 De l’infernal mort. Cil reprent
Les pecheurs glassens com sateille,
Dont l’un ravit, l’autre s’orgueille,
Sanz querir s’amour ne sa paix :
Vengance voy qui s’appareille :
30 Bien croy que ne garray[6] jamais.
L’envoy
Monde suy, a qui deffault loy :
Party sont princes, pappe[7] et roy.
C’est par eulx, de ce ne puis mais.
Je faiz granz doubte de la foy.
35 Tout se pert, ne nul bien n’y voy :
Bien croy que ne garray[8] jamais.
[1] Ms. tristes
[2] Ms. gariray
[3] Raynaud corrige en Du pechié
[4] Ms. gariray
[5] Ms. appercay
[6] Ms. gariray
[7] Ms. happe
[8] Ms. gariray