Balade 841 : Trop grant familiarité (MCCXXXVIII)
Trop grant familiarité
Nourrist et engendre contemps,
Aussi trop grant crudelité
Gendre haine a toutes gens.
5 Or soit donc sires diligens
De prandre entre deux le moyen :
Pugnir, se cas le requiert bien,
Les mauvais, les bons supporter,
Grant justice aux subgiéz garder,
10 Sanz estre trop commun entr’eulx,
Qu’ilz ne se doient rebeller :
Peuples soit tousjours cremeteux.
Tenir doit son auctorité
Tout prince et juge a ses servens,
15 Sanz monstrer trop d’umilité
Dont ilz contempnent ses commens,
Pour estre plus obeissans,
Ou ilz ne le priseront rien,
Mais s’en moqueront au derrien.
20 C’est ce qui les fait eslever
Et a leurs seigneurs reveler.
L’en en a veu pluseurs de ceulx.
En tel cas les fault rebouter :
Peuples soit tousjours cremeteux.
25 Aux bons doit l’en faire amité,
Prandre son demaine et ses cens,
Sanz rien ravir oultre leur gré. 336c
Puisqu’ilz sont leur rente payans,
Qu’om leur soit contre autres aidans,
30 […]
[…][1]
Sanz les batre ne villener,
Sanz rien contre raison oster,
Estre, se cas y chiet, piteux,
35 Pour doubte de mal eschiver :
Peuples soit tousjours cremeteux.
Princes, qui veult bien gouverner
Ses subgiéz, face les doubter,
Si qu’ilz ne soient orgueilleux,
40 Car par trop grant amour monstrer
En voit l’en maint desordonner :
Peuples soit tousjours cremeteux.
[1] Vers manquants