Balade 835 : J’ay mon mari qui se rigole (MCCXXXII)
J’ay mon mari qui se rigole
De moy, et s’en va jardinant
Avecques mainte femme fole,
Chascun jour, ou le plus souvent,
5 Et ne me tient pas bien convent,
Mais me sert d’estrange langaige.
Et puisqu’il me fait tel oultraige, 334c
Je lui feray, sanz jardiner,
Avoir cucu en son mesnaige,
10 Si j’en puis nullement finer.
Car j’ay asséz qui m’en escole
Et qui ses faiz m’est rapportant,
Et comment il baise et acole
Les fillettes, et va donnant
15 Nostre avoir. Tel vie est menant,
Dont il ne fait mie que saige.
Mais je pourverray a ma caige
D’un oisel, pour moy conforter,
Qui appaisera mon couraige,
20 Si j’en puis nullement finer.
Ouil, par Dieu ! maint m’en parole
Qui me va cuer et corps offrant.
Je ne suy ne laide ne mole,
Dont il me dust estre laissant.
25 J’en trouveray bien pour un cent.
Puisqu’il brise son mariaige,
Par saint Arnoul, aussi feray je !
D’autel pain vueil souppes tremper
Et prandre de ce doulz ouvraige,
30 Si j’en puis nullement finer.
Prince amoureux, qui fait tel raige
En amours, s’on lui rent tel gaige,
Vous n’en devéz nullui blamer,
Et pour ce, par mon pucellaige,
35 Prandray ce bien qui assouaige,
Si j’en puis nullement finer.